Version classiqueVersion mobile

L'air et le vent au Moyen Âge

 | 
Jean-Pierre Leguay

Livre II. L'air domestiqué

Chapitre 8. L’alliance industrielle de l’air et du feu

Texte intégral

1L’air nécessaire au tirage d’une cheminée, en forme de hotte tronconique, est utilisé par la maîtresse de maison, gardienne du foyer et virtuose du soufflet et du tison. On la préfère à tout autre, à l’homme, estimé incapable de maîtriser la flamme. Il a sa place aussi dans plusieurs branches « industrielles », ici pour ventiler des galeries de mines, là pour élever la température et permettre la fusion du métal dans un fornet ou haut-fourneau associé à un moulin à fer déjà ancien et à une affinerie récente. La verrerie et d’autres professions imposent aussi l’usage d’instruments mus par l’énergie hydraulique ou éolienne.

  • 1 M. Arnoux, « Crises et mutation des industries normandes », in La Normandie au XVe siècle. Art et (...)

2Une recherche consacrée à l’usage de l’air chaud dans la soufflerie du verre et à différents niveaux de fabrication de globeries et de vitreries, se heurte à la dispersion des sources en dehors des écrits du moine Théophile, à l’ambiguïté du vocabulaire technique, à la rareté des représentations figurées susceptibles de prendre le relais de l’écrit, peut-être aussi à un manque de recul dans des recherches encore récentes1.

  • 2 La bibliographie est vaste. Mentionnons : M. C. Amouretti et G. Combet, Hommes et Techniques de l’ (...)

3L’usage de l’adjectif anachronique « industriel » implique, à la différence de l’artisanat limité à un simple atelier et à un personnel réduit, plus de matières premières, de métaux et du charbon de bois, plus d’espace pour livrer des produits bruts tels que le fer de fonte et le fer forgé, plus de produits finis comme le verre ou les objets métalliques. Il signifie aussi davantage de salariés, et d’engins (machines), une production à plus vaste échelle, écoulée sur des marchés régionaux et internationaux et une multiplication des données archéologiques2.

L’air chaud à usage domestique

  • 3 Nous résumons un chapitre paru dans J.-P. Leguay, Le feu au Moyen Âge, Rennes, PUR, 2008.

4L’association du feu et de l’air se manifeste dans la cheminée, dans quelques appareils ménagers et dans des opérations de transformation dans l’atelier, sur le pavé devant la boutique ou dans des bâtiments spécialisés, ouverts à tout vent. Une étude récente, plus détaillée, nous impose ici le résumé3.

Le tirage de la cheminée

  • 4 D. Alexandre-Bidon et M. T. Lorcin, Le quotidien au temps des fabliaux, Paris, Picard, 2003 – C. E (...)

5Une cheminée, adossée à une muraille, commence à se propager à l’intérieur des habitations aux XIIe et XIIIe siècles, remplaçant lentement d’autres systèmes de chauffage installés à l’extérieur. C’est à la fois un instrument utilitaire pour cuire les aliments, rôtis ou bouillis, un des rares moyens de chauffage du moment et un « meuble » de prestige chez un notable ou dans une maison forte. Ses dimensions, ses sculptures, ses taques ou plaques de ferronnerie, la richesse de l’outillage d’accompagnement justifient sa présence et son classement dans des inventaires4.

6– La cheminée occupe la pièce principale de réception, l’aula, l’atelier-boutique ou la cuisine en annexe, alors que les chambres à coucher se contentent la nuit de braseros ou de chauffepiés.

7Son aspect dépend de l’aisance du maître de céans, des matériaux employés pour la construire, des traditions locales ancestrales, du niveau de qualification des installateurs.

8Des constructions sont adossées ou incorporées dans un mur gouttereau. D’autres sont aménagées dans un massif saillant, au pignon d’une maison, quelques-unes plus petites dans un mur de refend ou de séparation des pièces à l’intérieur d’un bâtiment ou dans les chambres à l’étage. L’usage de superposer des instruments de chauffage aux différents étages commence aussi à se répandre.

Une belle cheminée de manoir noble ou de demeure bourgeoise comporte un encadrement de piédroits, moulurés et décorés de chapiteaux sculptés. Ici un segment d’arc recouvre le foyer ; là un linteau en bois dur, en pierre, voire en osier tressé remplit le même usage. Le fond vertical, le contre-feu, est carrelé ou briqueté pour éviter que les pierres du mur ne se fendillent. La hotte, en moellons, en tuileaux enduits d’un badigeon de chaux, en bois ou en lattes, est tapissée de plâtre à l’extérieur, de torchis ou d’argile à l’intérieur. Chacune a une forme particulière qui en fait son originalité. La plupart s’élèvent en glacis, sans ressaut, presque jusqu’au plafond ou sont droites, de plan rectangulaire ou trapézoïdal, capables de supporter un décor peint qui réapparaît après un décapage.

9– La cheminée qui réchauffe l’air ambiant et permet de faire la cuisine pose de sérieux problèmes de ventilation.

10En dépit de quelques exemples remarquables observés surtout dans des châteaux ou des petits manoirs ruraux, les constructions de la plupart des habitations ordinaires restent fragiles et la déperdition de chaleur y est considérable.

  • 5 P. Garrigou-Grandchamp, « Introduction à l’architecture domestique en Périgord aux XIIIe et XIVe s (...)

11Le conduit en terre cuite peut même être remplacé en Savoie par un tuyau en bois recouvert d’argile qui sort du toit et permet de se protéger de la fumée, tout en rabattant et en diffusant davantage de chaleur dans la pièce. Quand la cheminée est aménagée sur un mur de refend ou un mur pignon, la hotte s’élève en continuité jusqu’à la panne faîtière et sort du toit. La souche de plan carré ou polygonal et le long conduit de tuileaux émergeant de la toiture, comme un lanternon, paraissent disproportionnés dans des maisons de Cluny, dans des habitats du Quercy ou du Périgord, ou encore sur une miniature des Très Riches Heures du duc de Berry qui représente le château de Saumur5.

12Beaucoup de systèmes tirent mal sont déclarés fumeux, laissant la fumée se rabattre dans des pièces à plafond bas. Les conduits, fissurés, mal entretenus, deviennent vite des dangers publics, provoquent la plupart des incendies connus (Annecy). Un écran ou contrevent protège éventuellement les visages.

13Son efficacité thermique est difficile à mesurer, mais il est vraisemblable que la chaleur diffusée par la plupart devait être limitée à quelques m2 autour de l’âtre et que les autres pièces restaient autant d’aires froides dans une maison.

  • 6 Cl. Billot, « Du devis de maçon au traité d’architecture : évolution de l’habitat urbain (XVe-XVIe(...)

14– Des progrès sensibles s’observent pourtant à la fin de la période que nous étudions. Des maîtres-maçons, plutôt que des charpentiers, sont invités par contrat à « faire cheminée de bonne matière, caillou, sablon », à monter une œuvre durable en pierre de taille. Les plus remarquables comportent aussi une hotte en dur, un coffrage de pierre ou de briques, un linteau taillé dans une belle pièce de chêne, des carreaux et des briques réfractaires, des tuileaux de terre cuite protégés par un fanton (tige ou collier de fer). Le prix dépasse vite les 20 à 30 £ivres à Chartres6.

15Des éléments décoratifs ou utilitaires apportent une nuance régionale originale. Parmi les instruments, proches de nos préoccupations actuelles, figurent le tournebroche utilisant le mouvement ascendant de l’air, le soufflet ou buffet (bouge à Aix-en-Provence), remplacé par un simple tube de bois qui figure sur les représentations bouffonnes, le tisonnier qui est l’arme de la femme dans les disputes conjugales. Des bancelles et des chaises permettent aux familles et à leurs hôtes de profiter au maximum d’un des rares endroits confortables d’une habitation.

16– L’entretien du feu et la gestion de la circulation de l’air chaud est, avec la cuisine et le nettoyage, la tâche féminine par excellence. Une preude fame ou sa servante se lève tôt pour « réveiller » le feu, chercher de l’eau à la fontaine ou au puits voisin, la réchauffer dans une marmite de fonte, donner les premiers soins aux nourrissons. Elle passe pour être plus habile à dresser les bûches sur un lit de petit bois, de copeaux ou de charbon (de bois) que l’homme.

  • 7 D. Alexandre-Bidon et M. Th. Lorcin, Le quotidien au temps des fabliaux, Paris, Picard, 2003, p. 1 (...)

17La maîtresse de maison, correctement initiée par sa mère, sait allumer la mèche et faire jaillir la flamme en moins que rien. Elle seule a appris à s’époumoner, sans recourir à un soufflet, à se servir du tisonnier, à employer les pincettes pour récupérer les braises éparpillées. Elle seule est capable aussi d’enfumer, par malice, son environnement ou d’éteindre le feu par méchanceté ou par ruse, pour donner le temps à son amant de disparaître ni vu ni connu ! Manquer le feu du matin est une éclatante maladresse, un objet de risée. Le benêt de mari n’a pas le coup de main constate l’auteur de « la dame qui fist entendant7 ».

  • 8 « La dame qui fist entendant son mari qu’il sonjoint » de Garin, publication d’A. de Montaiglon et (...)

« Et li borjois sofloit au feu
Que moult aluma à grant poine.
Tant s’i esforce et tant s’i poinne
Que la chandoile est alumée.
Plorant descent por la fumée8. »

18À la femme revient de même le soin d’éteindre le feu, le soir venu, après l’ultime tentative pour prolonger le jour que constitue la veillée, à la lueur de la cheminée et de la chandelle. Elle « couvre le feu » en prenant soin de garder sous la cendre quelques braises pour le lendemain.

19– Des appareils d’une grande simplicité, fixes ou portatifs, desservent l’unique pièce des ateliers ou les chambres des auberges et des bâtiments collectifs.

20On évoque peu les systèmes portatifs, les grils, souvent préconisés pour cuire les abats et les tranches de rôtis, les poêles de fer ou de fonte, les braseros, communs au Moyen Âge, aussi bien pour chauffer les pièces aux étages des hôtels particuliers que pour faciliter les opérations courantes des ouvriers « mécaniques ». Ces petits appareils contenant des braises de bois, à combustion lente mais à fort pouvoir calorifique, offrent l’avantage de pouvoir être transportés d’une pièce à l’autre, dans la cabane d’un chantier ou dans la cale d’un navire et de ne pas faire trop de fumée sous les plafonds bas.

  • 9 Ph. Ariès et G. Duby (dir.), Histoire de la vie privée, II, De l’Europe féodale à la Renaissance, (...)

21– Empêcher la déperdition d’air chaud des maisons froides, n’est pas aisé dans un monde de courants d’air. Une partie du mobilier médiéval a été conçu précisément pour lutter contre les effets du vent. Les tissus d’ameublement, des toiles peintes, des draps spéciaux, rarement parvenus jusqu’à nous, servent à la climatisation intérieure. Avant même la Renaissance, une maison de notable s’enorgueillit d’en avoir à profusion le long des murs. Les tapisseries se généralisent dans les mêmes proportions. La profession de tapissier est si lucrative qu’une petite ville de 2 000 habitants, Dinan en Bretagne, en produisait un modèle fleuri, assez connu pour figurer en bonne place dans ses tarifs fiscaux9.

  • 10 N. de Reyniès, Principes d’analyse scientifique. Le mobilier domestique, 2 volumes, Inventaire gén (...)

22La femme se préoccupe aussi des aliments qui réclament ici de la chaleur, là de la fraîcheur. La fumée ou l’air sec entre dans la préparation de charcuteries (bacon, saucisses, andouilles), de variétés de poissons dont le hareng ou l’anguille, dans l’accommodement de viande de bœuf à la mode des Grisons, de certains jambons et d’autres salaisons. Il fut un temps où chaque cheminée de campagne hébergeait, sous son manteau, une brochette de « gendarmes » ou harengs fumés. Le pain fabriqué maison a besoin lui aussi d’air pour lever10.

23Nous pénétrons, avec ces tâches, dans le domaine des professionnels des rôtisseurs, des sauciers, des tripières.

L’air chaud du poêle alsacien et du Kachelhofen allemand

24Des fouilles ont permis de retrouver les origines d’un volumineux et ingénieux chauffage de salle commune, un véritable meuble en briques, fermé, à pots ou à carreaux de faïence, typique de l’Europe médiane qui commence à apparaître au XIe-XIIe siècle en Alsace, en Suisse, en Bavière, en Pologne ou en Russie. C’est un énorme coffre carré ou rectangulaire, haut, occupant tout un espace dans un coin ou au milieu de la pièce (qu’on nomme aussi poile, pêle), avec des bancelles de chaque côté et parfois un espace pour le coucher au sommet. Le mouvement d’air intérieur chauffe sans brûler.

25On a parlé parfois de chauffage à l’allemande ou de « culture germanique » qui enferme et économise la flamme, la rend invisible, par opposition à la cheminée à la française qui la montre et diffuse à tout vent la chaleur, ce qui distingue la Lorraine de l’Alsace.

L’appareil se présente alors comme un dôme en argile brûlant, placé dans la salle de séjour où on consomme et on vit (la stub en Alsace), muni d’une chambre de combustion accolée au mur de séparation, dans la cuisine, la seule pièce dallée pour éviter les risques d’incendie et où se préparent les mets. On y emmagasine la chaleur fournie par des résineux, de la tourbe, de la paille, qui est diffusée par des pots creux de terre cuite. Les poteries à l’usage des poêles ne disparaissent pas totalement mais sont peu à peu remplacées par des carreaux en faïence fabriqués dans des moules.

  • 11 Actes du colloque de Besançon de 2002 avec les communications de J. M. Boehle et de M. N. Denis(...)

26Les poêles fermés à carreaux, qu’on trouve surtout dans l’Est de la France, placés sous la responsabilité des femmes nécessitent l’intervention de spécialistes, les poêliers qui remplacent les potiers. De larges banquettes, aménagées la nuit en lits, permettent de s’adosser à cet énorme four qui a l’inconvénient de prendre énormément de place, mais l’avantage de diffuser une agréable chaleur par temps froid dans la salle de séjour et, éventuellement, dans les pièces du premier étage. Une cuisinière, un four à pain complètent le dispositif ingénieux11.

Souffleurs et souffleries de verre

27C’est un remarquable exemple de cette alliance du feu et de l’air, du travail du chauffeur et du souffleur qui retient notre attention. Ce dernier ouvrier ou bossetier est un spécialiste, hautement qualifié, qui maîtrise les éléments pour livrer un verre, considéré davantage comme produit de luxe que comme objet de nécessité, comme instrument de confort et de décoration.

28À défaut de textes suffisamment nombreux et explicites pour nous éclairer sur un travail délicat, comme les extraits de comptes forestiers de la Fontaine du Hou en Normandie, on trouve de précieuses informations dispersées ailleurs. Signalons les recettes du Schedula diversarum artium du moine Théophile, alias Roger von Helmershausen au XIIe siècle, des statuts de verriers, ceux du Valois en 1447, les représentations de verre et de fours sur les enluminures, les bilans de fouilles.

Les origines d’une technique du fer et du souffleur

  • 12 L’encyclopédie Diderot et d’Alembert : art du verre, fabrication des glaces, rééd. 2002. J. Barrel (...)

29La verrerie est une activité industrielle très ancienne. Les Phéniciens, les Grecs de la période hellénistique furent de remarquables verriers, à la pointe du progrès dans la technique du verre soufflé dans leurs établissements. Les Romains de l’époque impériale ont multiplié les ateliers encore très actifs sous le Bas-Empire12.

  • 13 H. Amouric et D. Foy, « L’outillage », dans À travers le verre, op. cit., p. 89-117.

30– C’est au cours du Ier siècle après J.-C. qu’apparaît sur la côte syrienne et palestinienne la technique du soufflage du verre, procédé qui supplante la solution du moulage. Venue d’Orient, l’industrie s’implante en Europe dans plusieurs centres dont un est situé dans la lagune de Venise, dans l’île de Murano, d’autres en Rhénanie, dans la vallée du Danube, dans le Jura suisse, en Belgique, en Catalogne13.

31La Gaule n’échappe pas à cet engouement On y trouve tout ce qui assure l’essor d’une fabrication aussi spécialisée : des promoteurs laïcs et ecclésiastiques, des marchés chez les particuliers, dans les châteaux et sur les chantiers urbains (Rouen), des matières premières entrant dans la composition du verre (bois, cendre de bois ou de fougères, sable, argile) et une petite sidérurgie pour livrer des bandes de fer à tenir le verre et des outils.

32Des centres verriers se font connaître et apprécier, d’abord en Narbonnaise où des ouvriers orientaux sont venus enseigner les techniques égyptiennes et syriennes aux autochtones, puis dans d’autres cités, à Amiens, à Rouen, à Lyon, à Reims, etc. Partout se propage le soufflage à l’air libre, à la volée et se manifeste le goût pour les verres colorés bleu-vert aux oxydes métalliques. Partout on constate une forte demande et des activités commerciales. La vallée du Rhin est connue pour ses vases diatrètes (Strasbourg, Trèves, Cologne) dont héritent les Francs, les Wisigoths et les Burgondes. Les Scandinaves n’ignorent pas les objets en verre retrouvés dans leurs tombes de Birka, d’Hédeby.

33– Longtemps les productions restent plutôt grossières, pleines d’impuretés qui ne nuisaient pas toujours à l’aspect des verres plats utilisés pour les vitraux mais conviennent moins aux objets usuels, aux vases, aux gobelets. Pourtant quelques centres privilégiés, imitant Murano, livrent des verreries plus pures, d’épaisseur égale, aux couleurs bien dosées. Des variétés de glaces existent depuis l’Antiquité : l’incolore dont la translucidité est obtenue par l’usage de manganèse, des variétés colorées, le motif gravé à la meule et orné de personnages, de végétaux et d’animaux, des serpents par exemple. Des objets multiformes montrent la richesse d’une activité qui perdure : coupes et coupelles à boire, verres cylindriques ou à parois évasées, simples à jambe ou à pied, bols coniques, gobelets, corbeilles à dés, bouteilles carafes, fioles à parfums, gourdes, aiguières, parures, miroirs petits ou grands, vases liturgiques, lampes d’éclairage.

34– L’utilisation du verre de qualité et du verre de vitre, assimilé à un produit de luxe, source de cadeaux à l’occasion d’une « grande entrée », pièces de collections princières ou épiscopales, pose par contre bien des interrogations sur ses origines.

On utilise en effet des lampes en verre dans les édifices religieux prestigieux (abbaye de Marmoutier, cathédrale d’Angers) et dans les tombes. Des lampes à pied cylindrique ou placées sur un trépied en fer sont déposées dans des caveaux, près de la tête d’un défunt ou sur le côté nord. De généreux donateurs livrent à toutes fins utiles une provision d’huile de noix et des mèches. Saint Jérôme dans son Contre Vigilence, les récits hagiographiques, les miracles, les comptes de fabriques, les nécrologues, les miniatures et les gravures montrent que beaucoup de corps restent, à la fin du Moyen Âge, inhumés « sous la lampe ». Les familles aisées commencent à remplacer les objets en verre par des œuvres d’art en argent ou en bronze.

Les « globeries »

35La fabrication de « globeries » ou de verre creux pour les coupes et les carafes, puis de menu verre cristallin à vitrer, dépend des matières premières qui entrent dans sa composition et du savoir faire du souffleur ou bossetier.

36Ces globeries ont leur place parmi ces catalyseurs de la production artistique d’une réelle ampleur qui accompagne la présence de cours princières dépensières d’Anjou, du Berry, de Lorraine, de Bourgogne, de Provence.

37– Longtemps dans le passé, les verres sodiques ou fabriqués avec de la soude minérale appréciée comme de qualité homogène, ont dominé la production et le marché.

38La technique consistait à faire fondre, dans un four chauffé aux bûches de bois (la gloe) ou au charbon de bois, porté à très haute température, de 800° à 1 400° plusieurs éléments. En premier lieu entre de la silice se présentant sous forme de sable ou sablon d’origine gréseuse et quartzeuse, blanc ou de couleur de qualité (de Fontainebleau, de Pont-Saint-Esprit) ou de sable dit de gaize de moins bonne qualité et plein d’impuretés ou de cailloux de rivière concassés (dans le Jura, dans la forêt d’Othe), et de la chaux. On y ajoutait ensuite pour abaisser le point de fusion du mélange vitrifiable et rendre la pâte plus malléable, un fondant sodique ou alcali, véritable identité chimique. Il s’agit en l’occurrence de la soude, tirée d’un carbonate de sodium cristallisé, le natrum ou natron, importé d’Égypte, du delta du Nil (Wadi Natron) du Moyen-Orient.

39Mais la production a subi les contrecoups des événements politiques, de la disparition de l’empire romain d’Occident, des invasions barbares puis islamiques dans le Bassin méditerranéen, du resserrement commercial avec la menace sarrasine, de l’élimination de plusieurs ateliers connus. On produit moins ; le verre est devenu un objet de luxe, à peine employé pour le vitrage ou pour les verres à boire remplacés par des godets de métal ou en terre cuite. Les objets de l’époque mérovingienne sont, pour une part essentielle, fabriqués à partir de produits usagés de récupérations, du grosil ou verre cassé.

40Les verres dits sodiques diminuent donc jusqu’à l’époque féodale, sans disparaître totalement dans quelques centres italiens, provençaux, languedociens, rhénans, toujours en contact avec l’Orient, avec l’Espagne, l’Afrique du Nord et l’Égypte. Mais déjà les Carolingiens et leurs successeurs immédiats recherchent des solutions de substitution au natron comme la cendre provenant des plantes maritimes. Des particularités locales tiennent compte de la teneur des éléments fabriqués en magnésie, en alumine ; c’est le cas du verre bleu sodique des vitraux de certaines cathédrales (Saint-Denis), des émaux de Limoges.

41– L’usage du fondant à base d’oxyde de potassium et d’oxyde de calcium, de chaux, assure peu à peu le succès du verre que les spécialistes surnomment potassique et opposent au sodique précédent.

42Ce fondant provient de cendres de végétaux communs dans nos forêts comme les fougères ou le bois de hêtres ou des algues et des salicornes de Camargue. On parlera désormais de voires de feuchière ou de verre de fougère, de hêtre, de salicorne incinérée, une chénopodiacée provenant des secteurs salés de nos côtes. Un commerce important de cendres, fournissant le carbonate de soude, est attesté sur le marché local de Rouen, à Dieppe vers l’Angleterre. Au cours du XVIe siècle, on recourt à nouveau à la soude venue d’Espagne et d’Égypte et les produits sodiques coïncident avec les essais d’élimination des impuretés chimiques du verre.

43L’utilisation croissante de bois de chauffage, de cendres de végétaux, accompagnée de privilèges, de droits d’affouage et de panage, accordés aux communautés de verriers a eu à la fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle comme contrepartie fâcheuse une extension des essarts. On aboutit alors à une surexploitation des hêtraies et à une dégradation de certains massifs forestiers de l’Argonne, de Champagne (la forêt d’Othe) et de Normandie (la forêt de Lyons) et, par voie de conséquence, à un début de crise de production. Les verres, obtenus à partir de cendres de végétaux n’ont pas toujours la qualité requise, subissent les attaques du gel et de la pluie, s’altèrent plus vite que les anciens. Malgré de tels inconvénients, ils se propagent dans les églises puis chez les particuliers, deviennent plus communs tout en restant un produit de luxe.

44– La variété des verres profite aussi des progrès chimiques qui commencent au Moyen Âge et se poursuivent à l’époque moderne à Murano, en Bohême et dans quelques centres européens célèbres.

45Divers composants interviennent dans des proportions variables. Un agent opacifiant peut s’ajouter à la matière au moment de la fonte. De l’oxyde d’étain et de plomb, du cuivre pour le rouge et le vert, du cobalt pour donner la couleur safran, du manganèse pour le bleu, de l’antimoine, des éléments ferrugineux, de la cendre d’os ou de la corne permettent d’obtenir du verre blanc ou coloré, clair ou opaque. De la chaux assure au verre l’insolubilité dans l’eau. Du plomb est présent pour 0,4 à 2 %. Les maîtres verriers, vrais chimistes en leur temps, ont multiplié les mélanges dont les recettes dépendaient des disponibilités locales en matières premières, en combustible et du niveau technique.

46Longtemps les verres opalins translucides, des produits blancs (vitrum blancum) ou laiteux sont très recherchés, aussi bien en France qu’en Italie où ils sont connus sous le nom de lattimo (de latche). Des verres multicolores et filigranés avec des canes ou fils de verre blanc figurent aussi parmi les modèles de fabrications connues à Murano et dans quelques centres français comme Rouen, flamands (Alost, Bruges, Gand), brabançons (Malines, Diest, Bois-le-Duc alors en Brabant), bruxellois, hollandais (Amsterdam, Bréda), rhénans réputés.

Les fours verriers ou les « ruches des bossetiers »

47À défaut de fabriquer sur place la matière vitreuse, les vitriers ont la solution d’importer des lingots ou du pain de verre brut, faciles à transporter. La verrerie médiévale recycle et commercialise aussi du calcin ou débris de verre concassé, du grosil ou du verre pulvérisé, de la fritte, un mélange de sable et de soude soumis à une demi-fusion, des morceaux de mosaïques antiques. Les Mérovingiens et les Carolingiens, tout en restant fidèles aux traditions antiques, produisent des verres plus riches en phosphore, en magnésium et en potassium dans des ateliers dispersés ou regroupés dans des sortes de quartiers dès l’époque romaine et du haut Moyen Âge qu’on nomme dans les pays germaniques des werkhalle (Autun, Lyon, Mathay dans le Doubs).

48– Les centres de verriers se propagent et se diversifient en fonction de la demande urbaine : les marchés de Marseille, Arles, Paris, Rouen, Nevers ont stimulé les verreries des silves voisines, de la forêt de Lyons aux portes de la capitale de la Normandie.

49C’est la facilité d’accès aux matières premières pondéreuses (la silice) et au combustible (bois et charbon de bois) qui détermine le choix d’un site et la localisation des officines de production. Le commerce et le transport de sable figurent rarement sur les tarifs d’octrois, quelquefois dans les comptes municipaux (Avignon, Rennes). Le choix d’une matière première de bonne qualité assure la pérennité d’ateliers : ceux du bassin de Saint-Maximin dans le Var, des bords du Tech en Roussillon, du massif de l’Argonne, de Provence-Languedoc.

50Nombre d’ateliers apparaissent, dès l’époque féodale, dans la campagne et ensuite aux abords d’un manoir royal ou privé, d’un port, des rives d’un fleuve ou d’un lac, des centres urbains fréquentés par des marchands itinérants. L’archéologie a permis d’entrevoir des fours, des habitats de maîtres verriers et de leurs ouvriers, des ateliers et des bâtiments pour un usage agricole et l’élevage de porcs ou de bovins (à La Seube en Languedoc, à Saint-Marcel-d’Ardèche).

51– Une production « industrielle », « à la forme et façon de tel ou tel endroit », sort d’une ruche, d’une voierière, voirrerie ou verrière, d’une entreprise regroupant plusieurs fours collectifs, bâtis dans des centres dynamiques comme Sommières dans les Cévennes, Saint-Sébastien-de-Maroil à côté du monastère d’Aniane, Muret, Grignan… Des ateliers ont été mis à jour par des fouilles à Arles, à Toulouse, à La Fontaine du Hou en Normandie, dans plusieurs sites provençaux. Les équipements semblent se perfectionner depuis les premières descriptions données par le moine bénédictin Théophile au XIIe siècle. On peut repérer par l’archéologie ou par des photographies aériennes un pourpris ou enclos fermé, des ateliers ou loges, des hangars de stockage du sable, des fougères ou du varech, des produits ouvrés, des crassiers ou des fosses pour entasser les tessons ou le groisil, des ateliers pour fabriquer les moules, des maisonnettes avec jardins pour les ouvriers, le tout dans un enclos (La Haye dans la forêt de Lyons.) Les verriers ont aussi des maisonnettes et des étables pour les bêtes qu’ils font pâturer.

52Les fours en forme de dôme, protégés pour éviter une déperdition de la chaleur, sont décrits par le moine allemand Théophile ou reconstitués à partir des achats énumérés dans des comptes. Ils sont conçus par des potiers. Ils sont constitués de creusets, de pots en argile réfractaires capables de supporter de très hautes températures. De tels appareils de cuisson, à deux étages, munis d’une gueule ou tisard et d’un creuset doivent impérativement être orientés, en fonction des vents dominants et sont situés à proximité d’un plan d’eau et d’une forêt.

Une verrerie a été reconstituée dans le Jura à La Vieille-Loye

Une verrerie a été reconstituée dans le Jura à La Vieille-Loye
  • 14 J. Theuriot, « Verrerie et verriers de la Vieille Loye », dans Travaux de la Société d’Émulation d (...)

J. Theuriot, « Verrerie et verriers de la Vieille Loye », p. 10514.

Différents types de fours : la ruche, la tour

Différents types de fours : la ruche, la tour

Le four cylindrique à trois niveaux, surmonté d’un toit pointu couvert d’ardoises bleutées comporte plusieurs ouvertures, y compris au rez-de-chaussée où se trouve le foyer. Au dernier étage des objets terminés achèvent à une ultime cuisson.

  • 15 À travers le verre, du Moyen Âge à la Renaissance, op. cit., p. II et 47.

53Il y a en réalité plusieurs fours qui fonctionnent en même temps : l’un pour la fusion des matières premières et pour obtenir une pâte impure, la fritte, un second pour affiner le mélange à 1 500° environ, un troisième pour le refroidissement très lent des objets produits pour éviter qu’ils ne se cassent en passant trop rapidement à la température ambiante15.

54Une verrerie est finalement une véritable petite usine de vitrification.

Une ruche, représentée sur le Platearius, un manuscrit de la Bibliothèque municipale de Dijon, œuvre d’un pictor anonyme, montre une halle construite en bois de chêne, couverte de tuiles, entourée de bûches qui sèchent ; au cœur de ce bâtiment carré d’une dizaine de mètres de côté ou circulaire, on a construit le four de type italien qui a une superficie de 6 à 7 m2. Le fournel, en pierres réfractaires, est un outil collectif formé de quatre colonnes reposant sur une dalle de pierre, percé d’ouvertures appelées ouvreaux ou pots. Des creusets tronconiques d’une vingtaine de cm de haut en argile ou terre a vitreo adaptés aux besoins locaux servant à la fusion des matières premières vitrifiables ont été retrouvés sur des sites archéologiques. Ils sont sélectionnés par des potiers attachés à la verrerie.
L’appareil, affermé au plus offrant, fonctionnait par campagne verrière de trois ou quatre mois ; il semble qu’il n’ait pas été très bien rentabilisé, puisqu’il ne rapportait guère plus de 2,5 % des recettes de la Loye et même 1 % en 1460.

55– Un atelier de verrier nécessite, en plus du creuset en argile réfractaire de forme tronconique ou en cupule et d’une glaie ou d’une voûte, de l’outillage pour macler la matière première. Des inventaires, des comptes mentionnent un vase à contenir le verre en fusion, des moules, la canne de fer creuse, fêle ou tube, d’un mètre de long, qui permet de cueillir, dans l’embrasement du four, une boule de matière agglomérée, une petite tige de fer ou pontif pour la détacher, un marbre en pierre pour opérer les transformations, un marteau, une pince, des tenailles ou embrassoires, une grande louche, un tisonnier… Il faut du souffle, des muscles pour tenir une vessie pendante et la travailler pour lui donner la forme désirée !

56– De rares techniciens sont capables de produire des objets de plus en plus délicats. Ces manieurs de canne sont des artifices destinés à produire des œuvres de qualité dont la rareté est ressentie comme un défi. Laissons le soin à Michel Philippe de décrire le travail délicat du souffleur en boule.

« Le verrier plonge sa canne de fer creuse dans l’un des vases ou creusets de plis de pâte de verre. Par un mouvement de poignet, il agglomère le verre autour d’elle dans la quantité qu’il souhaite et commence, par à-coups, à souffler cette matière. Sur le marbre, il bat le verre brûlant pour lui donner le même volume, puis reprend la canne à la bouche et souffle par coups plus rapides, jusqu’à ce qu’il forme une longue vessie pendante. L’extrémité, réchauffée à la flamme, permet de dégager une ouverture qui sera élargie grâce à un bout de bois. »

  • 16 H. Amouric et D. Foy, « L’outillage » dans À travers le verre, op. cit., p. 89-117 – M. Philippe, (...)

57Sur ces bases de départ permanentes, des modifications sont apportées pour obtenir des ouvertures dilatées ou rétrécies, des anses, les motifs décoratifs des flacons à long col, des structures plus surprenantes encore. Commence ensuite la phase de refroidissement dans un autre four. Toutes les solutions trahissent une solide maîtrise des techniques manuelles associées au savoir-faire des souffleurs16.

58– Les objets couramment produits sont dénommés en fonction de la nature du sable et des colorants, de la technique, de la qualité de transparence ou de leur atelier d’origine. On parle de soufflés en cives, de plats coulés, de verre en disque, de verre en plateau, de disque tourné… à la façon lorraine, normande, bavaroise, orientale, etc. Sur les tarifs d’impositions, le verre d’usage courant est taxé en fonction des régions, des pièces, des emballages et des modes de transport, sous forme de cordes, de ballots et de liens (en Lorraine,) de fardeaux (en Namurois,) de faix (en Champagne), de grands ou petits panneaux, de pots, de paniers ou de sommes. Quelques rares spécialistes sortent sur le tard de l’anonymat à l’exemple de ce Robert le Lorrain fils de Jehan de Thysac, surnommé il franzoso quand il part habiter à Murano vers 1492.

Productions médiévales

59Le matériel livré par les fouilles montre plusieurs variétés opaques ou translucides pour boire, consommer des sucreries et des friandises : des flascons, coupes sur pied, des écuelles avec des anses, des gobelets, des carafes ou aiguières, des vases divers. Nous ne pouvons envisager ici de décrire la production destinée aux cours princières.

La globerie trouve beaucoup de débouchés en ville et à la campagne avec les hôtels princiers, les palais épiscopaux, les manoirs. Les bourgeois aisés ont voulu imiter les classes supérieures et leurs testaments livrent parfois des séries de flacons, d’écuelles, de verres à boire, etc. Nous avons retrouvé beaucoup de références en Bretagne dans les acquisitions municipales pour l’organisation de banquets, de réceptions et la constitution de cadeaux aux personnalités de passage.

Verreries du Haut Moyen Âge

Verreries du Haut Moyen Âge

Verreries du XIVe siècle, de Saint-Denis. À travers le verre, du Moyen Âge à la Renaissance, Musées et monuments départementaux de la Seine-Maritime, Nancy.

La vitrerie, le verre plat, une autre étape de la soufflerie

  • 17 R. de Filippo, « Verrerie à l’ancien hôpital Larrey » dans Archéologie et vie quotidienne aux XIII(...)

60Un changement capital est la vulgarisation de la vitre dans les habitations, à partir du XIIIe siècle, ce qui ne l’empêche pas de rester un produit de luxe jusqu’au XVIe siècle. Un tel choix suppose davantage d’ateliers de production, de creusets à plus grande capacité, de technique de découpe au diamant de couches superposées et une commercialisation courante. Le verre en grandes feuilles est obtenu en coulant la pâte en fusion sur une surface plane, une table ou un plateau17. Des marchés sont passés régulièrement entre les responsables de chantiers d’églises et de municipalités et des verriers (Rennes, Rouen, Vannes)…

61– Dans le passé, la translucidité des ouvertures a été longtemps assurée par du parchemin, de la toile cirée ou du papier huilé. On parlait de verrières de papier, de toiles verrines.

62L’emploi du verre potassique, fait l’objet de discussions entre spécialistes. Certains pensent que l’usage de ce produit de luxe est récent dans le privé, qu’il a longtemps été réservé aux grands panneaux des monuments publics. À l’appui de cette restriction se trouvent le coût très élevé de fabrication du verre, la rareté du métier de verrier et des fours. Les artisans, au service du grand public, sont encore peu nombreux dans les villes. Les registres fiscaux et les comptes municipaux ne les signalent qu’épisodiquement à partir des années 1270-1280 (Rouen, Paris). Nos recherches dans les comptes de plusieurs villes bretonnes nous ont permis d’identifier des fournisseurs attitrés de verre en plateau sur plusieurs chantiers (Ancenis, Châteaubriant, Guingamp, Lamballe, Clisson, Rennes, Nantes, etc.).

63Les conditions techniques limitent au départ les dimensions des vitrages plats à une cinquantaine de centimètres de côté au maximum et la qualité des productions encombrées de bulles. Le temps passant, on a vu évoluer les tailles, apparaître de grandes vitres, les représentations peintes de figurants, d’armes, de fleurs ainsi que des miroirs produits avec du verre, étamé au plomb.

64– Les études actuelles tendent à généraliser l’emploi des panneaux de verre à la fin du Moyen Âge du moins au rez-de-chaussée, dans la partie supérieure de la fenêtre, le bas restant opaque. Le matériau translucide s’est répandu pour des raisons évidentes : l’usage de la croisée quadripartite, la lutte contre le froid et les courants d’air. D’autres motivations mériteraient peut-être d’être retenues : le vitrage est le moyen le plus efficace pour se prémunir contre les mauvais rapports de voisinage, se protéger des regards indiscrets et des nuisances solides, liquides ou olfactives. Les allusions à des vitres tendent à se multiplier dans les documents du XVe siècle en même temps que la pose de petites baies, d’impostes et de compartiments, l’installation, par un menuisier, de châssis en bois et de feuillures ou de rainures indispensables, la fourniture par les pintiers de plomb pour sertir. Des contrats de locations rouennais stipulent que la vue du preneur ne saurait être empêchée sous réserve que la fenêtre soit « verrée ». Tel autre est autorisé à faire « 5 verres a voire dormant » sur un pan de mur ou à poser des « pieds de verre ».

65– La géographie verrière n’a cessé de s’étendre au rythme de la demande, des affectations du bois, de la présence de techniciens venus parfois de très loin, de l’essor de la construction religieuse et privée.

66La fabrication du mélange vitrifiable essaime dans toute la France, de préférence dans un environnement forestier et villageois ouvert aux techniques et aux expériences étrangères, stimulé par un seigneur ou quelques familles larges et privilégiées sur le plan fiscal. Des fosses-dépotoirs ont été fouillées, des pièces rares ont eu la chance d’être épargnées ou d’échapper à une altération due à la décomposition des matières organiques. La verrerie de l’ancien hôpital Larrey de Toulouse offre des séries de coupes, de gobelets, de verres blancs à tiges verdâtres transparents, opaques, lisses ou torsadés.

67Plusieurs foyers novateurs surgissent presque simultanément en Normandie et en Picardie, dans le Valois, en Thiérache, en Lorraine avec le comté de Bitche, dans l’Argonne, en Bourgogne et en Forez, en Franche-Comté, dans le Pays de Foix et dans les Pyrénées, dans la Montagne Noire, en Provence-Languedoc, plus tard dans le Nivernais (fin XVIe). La verrerie normande des forêts de Lyons, d’Écouvres, d’Eu a été stimulée par les demandes des chantiers de Rouen, de Caen, d’Evreux, de Dieppe, d’Alençon et assure de solides revenus aux familles nobles et roturières locales.

68Mais ce parcours géographique, si brièvement reconstitué, est loin d’être exhaustif et des surprises attendent les chercheurs. Contrairement à une vision simplificatrice, la fabrication du verre n’est pas exclue des villes françaises, même si le royaume n’a pas l’équivalent de Murano à Venise, des officines siennoises (à Trequanda) ou florentines. Avignon attire des verriers en 1457 en leur accordant des exemptions fiscales. Alès a une rue de la Verrerie. Chartres, Toulouse, Marseille, Montpellier, Saint-Denis, Rouen, Toulouse… ont des officines de vitriers, des ateliers de véritables artistes qui proposent aux chantiers et aux clients des vitraux, des coupes, des gobelets, etc. Les fabricants de vitraux s’honorent d’une riche clientèle de bourgeois et de clercs et leur présence a duré jusqu’à nos jours (Saumur.) Un four, une salle de vitrier peut se fixer à deux pas d’un château, résidence du roi (le manoir de la Fontaine-du-Hou en Normandie, propriété de Philippe IV), d’un prince, de chantiers de longue durée (à Nantes, à Vannes).

69On sait que des vitres sont transportées « empaquetées » par des femmes, au mieux dans des cages spéciales en hêtre ou en bois blanc, dans des paniers, dans des ballots. Ces modes de transport apparaissent sur les tarifs d’octrois.

Une organisation originale

70Ces ouvriers qualifiés, boquillons, bossetiers et autres, sont issus de milieux différents, mais ont comme point commun d’être des travailleurs plus avantagés que la plupart de ceux qu’on connaît au XVe siècle. Leurs activités ont été réglementées dans certains secteurs comme la forêt d’Eu dès 1409. Les contrats de location de terres pour les exploitations de bois et de matières premières, pour l’installation de bâtiments ont été fixés par écrit en bonne et due forme en Normandie, en Lorraine et les receveurs ont enregistré les rentes et cens annuels.

71– Les souffleurs de verre sont tantôt des marginaux pareils aux charbonniers réfugiés dans des cagnards, tantôt des familles paysannes qui profitent d’une activité d’appoint (dans la vallée de la Seube en Languedoc, dans le pays de Coglès au nord de Fougères) tantôt de véritables entrepreneurs à la tête d’équipes de professionnels. Des nobles qui ont le privilège de ne pas déroger en choisissant cette activité (en Champagne, en Languedoc ou en Normandie), des négociants, des laboureurs aisés ont monté des ateliers familiaux nécessitant des mises de fonds importantes, des formations acquises sur place ou à l’étranger, en Italie, à Namur, en Allemagne.

72Des dynasties de négociants commencent à apparaître à la fin du Moyen Âge livrant des colorants et des oxydes métalliques, du cobalt ou écoulant les objets finis ; les maîtres vitriers du Thissal, Hennezel, Tietry en Lorraine au XVe siècle, les Bonnet dans le Jura spécialistes en gobeleterie, les Dorlodot en Argonne, etc.

L’activité verrière de la forêt d’Eu en Normandie bénéficie d’informations précises, de réglementations depuis 1409 ; des noms apparaissent dans les comptabilités des receveurs du comté : les Brossard de Saint-Martin-au-Bosc à la fin du XVe siècle, les Caquerai, les Bouju. Une cathédrale, un château princier en reconstruction mettent en évidence le travail de véritables artistes, nommément désignés et appartenant à l’élite du monde ouvrier. Des gens comme Guiot Brisetout de Troyes, Jehan de Bar-sur-Aube, Jehan de Senlis au milieu du XVe siècle sont des personnalités locales.
Les travaux de J. Theurot et d’A. Seurre et la thèse de G. Ladaique permettent de reconstituer en Franche-Comté la vie d’ouvriers. À La Vieille-Loye, ce sont des Jurassiens du haut Doubs qui opèrent souvent en équipes familiales solidaires mais inégalitaires. Ils prennent l’exploitation pour une très longue durée, une « vie durant », sont obligés de résider et d’entretenir le bâtiment et le matériel. Ils ont l’usage du bois dans la forêt de Chaux voisine et peuvent y élever des bovins. Ils sont de plus exonérés d’impôts, de gabelle et des tailles.

73La présence de vitriers se double de celle de charbonniers, de boiseliers, de ciriers (dans la forêt de Sainte-Menehould) pratiquant des activités complémentaires comme la fabrication d’outils en bois.

74– Sous les ordres de maîtres verriers, sortis de l’anonymat dans de rares occasions, des équipes forment une élite d’ouvriers qualifiés, solidaires et mariés entre eux, de voituriers et de brassiers ou journaliers, de tiseurs employés à chauffer les fours et de chargeurs de sable. De jeunes apprentis, d’une quinzaine d’années, restent deux à quatre ans en formation avant de devenir des salariés à plein temps, liés à la fabrique par un contrat de courte durée mais reconductible.

75Ces travailleurs vivent en petites communautés familiales ou frérèches et en sociétés formées par contrats ou tacites. Les confrères sont libres de toute servitude, exonérés de banalités (du four,) d’impôts directs, du fouage en Bretagne, de tailles ailleurs. Ils sont logés à bon marché, autorisés à chasser, à exploiter un petit lopin de terre, à élever, sans restriction, des animaux dans la silve voisine. Moyennant quoi, ils s’acquittent, pour couper du bois d’affouage pour la chauffe, récolter des fougères ou du varech sur la côte, tirer de l’argile du sol forestier, de menues redevances en nature. Ils peuvent aussi être soumis à une tarification sur les ventes d’objets produits ou sur l’exportation du verre cassé (Marseille). Ils écoulent leurs produits sur les marchés locaux, sous les halles des villes (Fougères)…

76– Les cours princières ont été particulièrement favorables aux rencontres et aux échanges artistiques. En ville, des organisations corporatives, des métiers de verriers-vitriers commencent à voir le jour quand le nombre des emplois justifie une réglementation (à Troyes au XVe siècle.) La profession, traitant avec les plus hautes autorités, a intérêt à se protéger, à entretenir sa réputation, à s’identifier par un type de production particulier. Des marchands de verre en gros, associés à un voiturier, distincts des producteurs, apparaissent au gré d’un marché, d’une foire, d’une livraison. Ce type de négociant se rencontre à Paris sur le pont Notre-Dame, aux abords du petit Châtelet, rue Saint-Victor. Un commerce de verre est déjà signalé aux foires de Champagne, de Chalon-sur-Saône, de Genève, de Valence et de Lyon.

77Mais toutes les expériences n’ont pas été couronnées de succès. Les consuls de Montpellier abrogent le statut des métiers de verrier en 1410… faute de représentants de la profession !

La fusion de l’air et du feu

  • 18 L’encyclopédie Diderot et d’Alembert : forges ou l’art du fer, rééd. 1988 – P. Braunstein, « L’ind (...)

78Distinguons une « grande sidérurgie », qu’on a encore peine à appeler industrie, même si la production peut être importante et de qualité presque uniforme, du petit artisanat découvert dans la forge rurale ou urbaine, dans les ateliers-boutiques ou sur le pavé dans nos villes. Le niveau d’activité, les volumes produits ne sont pas forcément les mêmes18. Les usines à fer ont intéressé d’abord le monde rural forestier, des établissements monastiques de Cisterciens, de Chartreux, des seigneurs qui ont investi leurs revenus de la campagne dans ce secteur de productivité sans déroger, des communautés villageoises plus ou moins isolées. Mais on les découvre aussi parfois dans les faubourgs des villes où on les a rejetées pour des raisons de sécurité mais quelquefois en plein centre urbain, sur une place publique quand les municipalités se sont lancées dans un programme de pièces de canons en fonte et en bronze, de cloches (Rennes, Nantes). On a eu longtemps tendance à exclure l’industrie des villes pour se limiter à la petite métallurgie de transformation du genre coutellerie, serrurerie, fabrication de pots d’étain.

79L’air, thème de cette étude, intervient de la mine à la fusion du métal au haut-fourneau. Sa présence est d’abord, nécessaire pour exploiter des mines en profondeur, à 80 à 100 m, pour aérer les galeries et pratiquer un travail souterrain efficace et sans trop de péril. Des puits d’aération ou des canalisations en bois, en pierre ou en métal sont déjà aménagés dans les centres d’exploitation les plus perfectionnés, imitant les entreprises d’Europe Centrale et des Alpes.

80Un système d’émission d’air par des soufflets à main ou mécaniques à plaque et à soupape intervient dans le processus industriel tôt, au moins dès les XIe -XIIe siècles en Bohême, en Styrie et en Carinthie, dans les Alpes italiennes, dans le Harz, un peu plus tard dans le Jura vaudois, en France au XIIIe siècle. Il intervient pour activer le feu dans les fours des hauts-fourneaux, entretenir le tirage, réguler la température requise et permettre de ventiler le métal en fusion. Parfois même les minerais étaient soumis à une forte aération avant l’opération de fonte.

Le système de ventilation dans les mines « sous la terre »

  • 19 Un ouvrage collectif, Mines, carrières et métallurgie dans la France médiévale, Paris, CNRS, 1983 (...)

81L’exploitation des mines d’extraction sous terre (et non à l’air libre) de charbon et de métaux, de fer surtout, est un aspect majeur d’un travail très difficile, accompli dans les pires conditions d’hygiène, d’obscurité et de pénibilité19. Les opérations en profondeur ont donné matière à des publications dispersées sur le plan géographique, qui s’appuient sur des textes et sur des découvertes archéologiques.

Des traités sur la métallurgie comme le De re metallica de Georg Agricola du milieu du XVIe siècle, des articles des comptabilités d’exploitation de la mine de Pampailly en Bourgogne des années 1455-1457, de sites similaires alpins, lorrains (Wassy), normands, catalans donnent une première série d’informations et quelques estimations. Des représentations figurées avec les six sculptures de travail minier ornant la base arrondie du hanap de Ribeauvillé en Alsace, des dessins avec ceux d’Heinrich Gross de Saint-Dié, associés aux comptes rendus de fouilles, retracent l’histoire de la prospection et font revivre des techniques d’extraction qui se rapprochent peu à peu de celles qu’on découvre, à la même époque, en Allemagne, en Italie, en Autriche et en Hongrie.

  • 20 J.-P. Leguay, Le feu au Moyen Âge, Rennes, PUR, 2008.

82– Après les expériences des moines d’ordres différents, des seigneurs laïques et ecclésiastiques devenus entrepreneurs, des paysans évolués, de riches bourgeois se sont lancés à leur tour dans la prospection minière et y ont investi des sommes et des bras. Des vestiges de galeries et de puits de mines monométalliques (fer) ou polymétalliques (plomb, cuivre argentifère), des analyses sur des tas de scories témoignent d’une meilleure exploitation des filons productifs dans des secteurs privilégiés du royaume de France qui bénéficient de gisements isolés ou réunis dans des « monts métalliques », des Erzgebirge à la solution française en Lyonnais, en Maurienne, dans le massif de l’Oisans, dans le Quercy. La toponymie, des milliers de lieux-dits la Ferrière, la Minière ou le Minerai, la Forge confirment une vaste diffusion que nous avons déjà évoqué dans une précédente recherche20.

83– Parmi tous les problèmes qui se posent aux mineurs figure l’élimination de l’air vicié des puits et des galeries et la propagation de l’air pur.

  • 21 P. Benoît et J. Grandemange, « Archéologie minière à Pampailly », Colloque sur les ressources miné (...)

84L’industrie minière française, limitée, sauf exception dans le Lyonnais, en Lorraine-Champagne, ou en Normandie, à de petites exploitations, n’a pas connu les progrès réalisés dans le Harz ou en Autriche-Hongrie. L’impression que donne l’examen d’un puits boisé reste sommaire : une fosse, protégée à l’extérieur des intempéries par un petit toit, rejoignant en profondeur, un réseau de galeries uniques ou superposées dont les parois sont consolidées par un boisage. Les moyens de communication avec la surface se font par des échelles et par un treuil. L’évacuation de l’eau et l’acheminement de l’air frais sont encore, en dépit de quelques progrès, mal résolus, ce qui limite la profondeur d’exploitation à un maximum de 100 à 200 m et la longueur des boyaux de 300 à 1 000 m21.

85Le travail du mineur est toujours pénible dans d’étroits boyaux rejoignant ou suivant la direction des couches (les chassages,) tout juste tenus par des poteaux de bois, mal éclairés avec des lampes à huile posées dans une gorge. Les hommes s’attaquent, sans masques, dans une atmosphère irrespirable, au filon avec un marteau à tête plate d’une main et un pic, une pointerolle ou coignet de 7 à 12 cm de long de l’autre. Ils enfoncent des coins à la masse en bois ou en fer dont les traces de fissures et de rayures se lisent encore sur les parois. Le vieux procédé du feu pour désagréger les blocs est pratiqué, malgré la fumée et les risques encourus.

86Comment aérer les voies souterraines, partant des secteurs minéralisés, et rejoignant les puits d’extraction, verticaux ou obliques reliés à la surface du sol par de simples échelles ou des treuils à bras ou par des manèges à traction animale ? Permettre au travailleur de respirer est, avec l’excès d’eau, la menace des coups de grisou ou de pouteux avec les bluettes, et les difficultés de transport souterrain, l’un des problèmes majeurs qui se posent à toute exploitation médiévale.

87La ventilation ne peut se faire qu’avec des conduits supplémentaires, des orifices évacuant l’air vicié et les gaz tandis que d’autres galeries superposées, équipées de rigoles et de tuyaux, collectent, par un système d’exhaure, l’eau qui source en permanence. Des canalisations en bois, des pompes à piston aspirantes primitives, construites dans des troncs d’arbre évidés, mues par une grande roue, commencent tout juste à apparaître sur les chantiers français (à Pampailly dans le Lyonnais) comme dans les mines de Schemnitz dans les Carpathes hongroises. Mais les tuyauteries, les pompes ne sont guère efficaces au dessous de 50 m.

Les soufflets et tuyères des grosses forges

  • 22 M. Arnoux, Mineurs, férons et maîtres de forges… en Normandie, Paris, éditions du CTHS, 1993 – B. (...)

88L’air intervient dans le processus de transformation de la matière première, dans les forges, partout où se pratiquent les « arts et exercice de feu ». Rappelons, à ce propos, que la production de métal profite en France, à la fin du Moyen Âge d’une mutation technique, initiée en grande partie par des fondeurs étrangers avec le développement des moulins à fer et des affineries qui utilisent des soufflets hydrauliques, notre principal intérêt dans l’immédiat22.

89La sidérurgie à deux temps ou à procédé indirect, relève encore d’un langage hésitant, à l’image de la jeunesse du procédé. Elle suppose la production intermédiaire de fonte puis son traitement par affinage, martelage et soufflerie, en fonderie ou ferronnerie, pour fournir des produits semi-finis moulés ou des objets achevés dont se font l’écho les archives comptables et les énumérations des tarifs de péage.

90– L’air était volontiers associé au feu créateur et à la pierre de mine mise « à cuire et à fondre » pour obtenir de la fonte liquide qu’on nomme encore dans les écrits, dans les inventaires de pièces d’artillerie, la gueuse de fonte, le fer de fonte, le fer tout court ou cuit et purgé.

91L’opération de réduction du minerai par le fondeur dans le culot de fonte, la désoxydation ou séparation de l’oxygène, la cémentation ou modification de la composition du métal pour lui donner de la dureté, de la résistance à l’oxydation sont des tâches qui nécessitent des souffles d’air.

92Le travail se pratique dans des hauts-fourneaux, le furnus qu’on appelle encore fournets, grosses forges, forges renardières, voire ferrières ou ferronnières, mineries, fonderies, moulines dans le sens de forges (Pyrénées). Ces instruments, semblables à ceux qu’on trouve dans la région de Liège, livrent un foyer maçonné carré, un creuset, en briques réfractaires, pouvant résister à une température très élevée. Le bloc, muni d’une ouverture ou gueulard dans la partie supérieure pour enfourner dans le four à cuve, le stuckofen de Allemands, comporte des tuyères d’aérage dont on retrouve des fragments. Un soufflet de bois ou de cuir active le feu jusqu’à la température désirée. Du calcaire est ajouté aux couches alternées de charbon de bois et de minerai pour améliorer le rendement et aider à la fusion et à l’obtention de fer de fonte déclaré « cuit et purgé » à 1536°. Des forges, ainsi constituées, se sont largement implantées dans nos campagnes si on en croit quelques textes et des toponymes évocateurs comme les Sept-Forges dans l’Orne.

93Le système de ventilation par soufflets, les foulz lorrains (jusqu’à quatre par feu), active la combustion et permet au carbone de s’allier au fer fondu dans une proportion de 3,5 % à 6 % pour avoir une fonte grise, propre à l’usinage. Le métal décarburé est sorti liquide puis refroidi sous forme de gueuses (blocs), coulées, moulées en massiaux (masses) ou saumons (lingots) et en longues barres de section carrée ou triangulaire.

94La reconstitution d’un des premiers hauts-fourneaux a été faite dans les paysages de Joachim Patenter.

  • 23 Extrait J. F. Belhoste, M. Arnoux, « La métallurgie normande », op. cit., p. 38.

Joachim Patentier qui a vécu à Dinant dans les Ardennes belges de 1480 à 1524 a peint des paysages, des villages, des outils. Un haut-fourneau d’environ 6 m de haut est reconstitué avec son escalier qui permet d’atteindre le gueulard. La coulée sort par un orifice au ras du sol. La fonte liquide est récupérée puis moulée en longues gueuses de fonte, ici de section triangulaire. L’archéologie minière a accompli d’étonnants progrès tant en France qu’en Pologne, en Suède, en Allemagne. Des fragments de fours et de tuyères d’aérage ont permis de calculer, sur des sites de la Montagne Noire, les dimensions de creusets et d’évaluer les productions. On sait qu’un bloc de 100 kg de scories correspond, dans une forge, à 200 kg de minerai et à une loupe de 35 kg, soit, après le passage à la forge, à une vingtaine de kg de fer forgé. L’histoire conserve le souvenir d’une grande concentration de forges dans le Pays de Caux, l’Orne, dans le Mortanais au sud de la Manche, dans le Bessin. Quelques actes de donation, de concession, en grande partie ecclésiastiques, des toponymes, recensés sur les plus anciennes cartes sont autant de témoignages. On découvre La Ferrière-Duval, la Forgette à Carville, les Forgettes, Nicolas-des-Laitiers, La Trinité-des-Laitiers. Ailleurs des chemins sont empierrés avec des restes de scories de fer, avec le laitier23.

Le haut-fourneau de Joachim Patenter

Le haut-fourneau de Joachim Patenter
  • 24 F. Dornic, Le fer contre la forêt, Rennes, Ouest-France Université, 1984, p. 15.

95F. Dornic a offert un modèle des appareils rencontrés en grand nombre dans les silves de Basse-Normandie surtout à partir du XVe-XVIe siècle. Des traces d’éléments réfractaires, des restes de charbon de bois, de scories, voire des traces de la vie domestique sous forme d’ossements d’animaux, consommés par les ouvriers autorisent une analyse technologique précise. Les scories dont la structure peut être spongieuse, bulbeuse ou vitreuse, vont jusqu’à garder en creux la forme du four disparu et permettent de connaître les capacités de production24.

Une grosse forge du XVIe siècle

Une grosse forge du XVIe siècle

96– Après la forge où l’air diffusé par ventilation brutale permet d’atteindre les plus hautes températures, l’affinerie, apparue à la fin du Moyen Âge, dès le XIVe siècle ici (Savoie), à la fin du XVe siècle ailleurs (Normandie), met aussi en évidence le rôle dans un établissement spécialisé appelé fusina, du soufflet, en cuir ou formé de caissons triangulaires dont le couvercle est soulevé alternativement par la force motrice d’une roue hydraulique, qualifiée parfois de trompe d’eau.

F. Dornic, op. cit.

97La fonte, sortie une première fois du four, sert à beaucoup de compositions, à des usages domestiques, militaires. Mais si elle convient à faire des canons ou des poêles, elle est trop cassante pour d’autres emplois et impropre au travail de la forge sans éliminer le carbone contenu en excès.

98– Pour obtenir du fer décarburé et mieux encore de l’acier, elle doit être travaillée à nouveau, cette fois en affinerie, par un procédé encore primitif appelé la méthode wallone, car mis au point au cours du XVe siècle dans la région de Liège. L’alliage qui se présente en blocs, en barres, en lingots, est chauffé au préalable dans une chaufferie, puis placé sur le foyer d’un four et soumis à une seconde fusion par un afflux d’air massif provenant d’une soufflerie hydraulique, porté seulement à 1 130° contre les 1 536°, pour la première réduction du minerai. Ainsi le feu associé à l’oxygène permet d’obtenir, à bonne température, une sorte de pâte, une loupe qui est ensuite cinglée soit au martinet ou gros marteau qualifié parfois « d’allemand », soit avec une série de marteaux plus petits, « à l’italienne ». Le martinet de forge, bientôt confondu avec le four proprement dit, actionné par la roue d’un moulin à fer, permet d’obtenir, par martelage, un lingot de fer bon et loyal, contenant moins de 1,7 à 1,5 % de carbone. La texture des scories de réduction ou des résidus de transformation autorise d’utiles déductions sur les mélanges, sur la température atteinte et le système de ventilation.

  • 25 P. Braunstein, « La sidérurgie alpine en Italie », Mélanges de l’École Française de Rome no 290, 2 (...)

99Le nouveau produit, du fer forgié en affinerie donne encore au terme de cette décarburation primitive, du fer aciéreux, une variété encore imparfaite d’acier doux standard qui convient néanmoins à l’outillage rural, à l’élaboration de lames et d’épingles. La méthode traditionnelle sera améliorée, dès le Moyen Âge dans certains secteurs privilégiés comme Brescia en Italie, célèbre pour son acier de grande qualité, plus tard à partir des XVIIIe - XIXe siècles, par le puddlage anglais et par les procédés français Bessemer (1860) et Thomas (1877). Le métal donne matière à un commerce prospère qui enrichit des marchands de métaux ou communautés rurales de certaines contrées, notamment en Normandie, dans les Pyrénées, dans les Alpes. Le fer est devenu un atout majeur de l’économie européenne et certaines villes françaises jouent un rôle dominateur dans la production et la vente de produit finis (Rouen)25.

  • 26 A. Deprez-Masson, Les choses, le mot et l’image : la création d’un langage technique dans le De re (...)

100Des recherches textuelles, un dépouillement systématique des archives minières, l’examen des vestiges miniers et des scories ou haldes restées sur place ont permis de se faire une idée même approximative des soufflets hydrauliques, nécessitant des canalisations ou eschevnaux pour amener l’eau vive aux roues actionnant ces instruments d’affinage. Le courant d’air obtenu est assez puissant pour élever la température à l’intérieur des fours à plus de 1 500°. Un appareil de ce type est signalé dans le De re metallica de l’humaniste du XVIe siècle, Georg Agricola26.

101Des représentations sur des miniatures ou des dessins à la plume autorisent l’historien à confronter l’écrit et l’image, à « passer des mots aux choses ».

102Le secret de l’art du fondeur repose donc sur l’usage d’un four capable d’atteindre et de dépasser la température très élevée de fusion du fer, d’une soufflerie mue par un moteur, d’un marteau hydraulique ou martinet sur une enclume et de menus outils, qui sont vendus très chers ou sont loués comme ce fut le cas à Caen en 1375 pour un prix qui équivaut à dix journées de labeur d’un maître ouvrier sur un chantier.

Une forge déjà tardive

Une forge déjà tardive

Extrait de F. Braudel, Civilisation matérielle et capitalisme, Paris, Armand Colin, 1967, p. 286.

103L’importance du soufflet n’est plus à démontrer. Elle est mise en évidence dans la farce intitulée « les femmes qui font refondre leurs maris » !

  • 27 A. Tissier, Recueil de farces, éd. Droz, tome VI, 1990, v. 388-389, 405-406.

« Affin qu’ilz soyent plus fort rouges,
Il vous fauldroit mener les vouges
Et souffler à toute puissance…
Soufflez, soufflez ; nous aurons cloche,
Car la matière prent très bien27. »

  • 28 M. Arnoux, « Le fer dans les campagnes médiévales (XIe-XVe siècles) » dans L’artisan au village da (...)

104– L’association de l’air et du feu est reproduite à un niveau moindre dans l’officine de l’ouvrier sans doute le plus représenté au Moyen Âge le forgeron, le fèvre, favre, faure, le mécanicien du village (R. Fossier). Il utilise le soufflet dans le local qui abrite son four, son enclume, ses outils et qui lui sert d’atelier dans les dépendances d’une grande maison28.

105Des fouilles conduites dans plusieurs endroits différents comme à Decines dans le Lyonnais, ont permis de se représenter un atelier avec son four en briques ou en pierres et un soufflet qui était initialement suspendu au plafond et constitué d’une peau de chèvre et d’un tuyau de métal ou de céramique.

  • 29 A. Llinares, « Le travail manuel et les arts mécaniques chez Raymond Lull », Cahiers de Fanjeaux n(...)

106L’ouvrier, vêtu d’un long tablier de cuir, opère sur son enclume posée sur un billot de bois et surmontée d’une immense hotte. Des étincelles, des battitures ou morceaux de métal incandescent jaillissent sous les coups de marteau devant un public ébahi. Le bruit du soufflet, l’air chaud, la fumée, le rougeoiement du feu, l’odeur de la corne et de la chair brûlées ne sont pas sans évoquer le monde infernal à une époque où les mythes interfèrent avec la réalité. « Tout comme un arbre a naturellement tendance à faire des feuilles, des fleurs et des fruits, le forgeron est habile dans son art. Il sait comment faire un bon couteau, avec quoi le faire, en vue de quoi le faire. Il fait preuve d’imagination dans l’exercice de son métier et il exerce son intelligence pour bien pratiquer celui-ci » déclare R. Lull dans L’Arbre de science29.

La fusion-réduction des métaux rares en argentières

107À côté de paillettes ou de filons à l’état pur (or, argent suédois, étain de Cornouaille), des gisements polymétalliques, livrent du sulfure de plomb argentifère, du cuivre associé à l’étain. Ces métaux considérés comme rares et longtemps peu étudiés, sont difficiles à griller et à séparer à l’époque que nous examinons. Ils sont nécessaires à la fabrication de monnaies, à certains travaux bien spécifiques comme la dinanderie, la plomberie, la bronzerie, la fonte de canons ou de cloches, de pots, à l’orfèvrerie de luxe, et sont exploités depuis des siècles.

  • 30 M. C. Bailly-Maître et P. Benoît, « Les mines d’argent de la France médiévale », Actes du XXVIIIe (...)

108– Les principaux témoignages d’exploitation se trouvaient alors à Melle en Poitou dès l’époque mérovingienne et sous les Carolingiens, à Pontgibaud et à Chazelle dans le Massif Central, à Brandes-en-Oisans dès 1236, à Largentière en Ardèche, à Pampally dans Lyonnais et ailleurs, au sud, dans le Quercy, dans les Cévennes, dans les Pyrénées etc. Les régions méridionales sont privilégiées dans ce domaine. Mais les textes qui s’y réfèrent sont plus rares que pour les ferrières du XVe siècle et se limitent trop souvent à de brèves allusions ou à de simples encaissements dans les comptes fiscaux des châtellenies, différents des comptes d’exploitation rencontrés à Aiguebelle en Maurienne pour les années 1338-1350. Des chartes, des autorisations d’ouverture, des contrats avec des entrepreneurs ou des communautés de mineurs, des lettres de souverains faisant allusion à leurs mines de métaux précieux, deux ou trois procès ne sauraient compenser le manque de sources iconographiques avant la Renaissance et les limites, sauf exception (Melles, Brandes), de l’apport archéologique30.

  • 31 M. C. Bailly-Maître, L’argent. Du minerai au pouvoir dans la France médiévale, Paris, 2002, p. 119 (...)

109– Les étapes de l’abattage au feu puis au pic dans des mines profondeur, exigent un minimum d’aération. Le concassage, l’évacuation des blocs, le lavage précède le grillage pour éliminer le soufre, véritable poison pour les sidérurgistes et obtenir des oxydes puis la fusion-réduction ou scorifiante en plomb d’œuvre ou mélange liquide des différentes composantes métalliques, contenues dans un minerai dispersé dans la gangue à bocard. L’opération de séparation se fait dans un fournel à presque 1 200° où alternent des lits de minerai grillé pour éliminer la soude et obtenir des oxydes et du charbon de bois utilisé comme combustible. L’air de soufflets du four circulaire d’une affinerie est indispensable pour réguler le foyer et réduire les minerais31.

110L’argent pur est séparé du plomb d’œuvre par la coupellation, en employant un troisième feu à ciel ouvert, bien alimenté en oxygène. Au terme de plusieurs traitements, le métal précieux se libère d’un oxyde de plomb, de la blende (cristaux de zinc) et de diverses autres substances.

*

111L’accent a été mis dans ce chapitre sur les principales activités artisanales et « industrielles » liées au verre et au métal, utilisant le souffle violent ou l’air chaud dans leurs opérations complexes de décarburation. D’autres usages de l’air chaud, d’autres fours et autres souffleries existent en dehors des précédents.

  • 32 P. Duparc, La formation d’une ville, Annecy jusqu’au début du XVIe siècle, Annesci, 19, 1975, Anne (...)

112Une petite métallurgie fonctionne dans les villes. Les forgerons, favres, fèvres, ferrons, généralement une dizaine dans un centre moyen comme Lamballe, arrivent souvent en troisième position dans l’artisanat, après les tisserands et les tanneurs-peaussiers. Ces « gens mécanicques » travaillent le métal dans une pièce étroite, servant de laboratoire, d’atelier et de boutique et dans le cadre d’une structure familiale. L’outillage pour fondre et transformer se limite au mieux à une petite forge ou fournel aménagée dans un mur épais, plus souvent d’un fourneau portatif, d’un paele ou poêle livré par un spécialiste comme à Villedieu-les-Poêles dans le Cotentin ou d’une chaudière en cas de nécessité. Les potiers d’étain, les pintiers-plombiers, déjà moins nombreux, sont pourtant constamment sollicités mais leur connaissance reste limitée à quelques brèves allusions dans les achats et dans les poses de gouttières, de lames de plomb sur les toits et à la fabrication très en vogue de pots d’étain. Les paeliers, les peyroliers (chaudronniers), les brigandiniers, les ciseleurs, les émouleurs, les clochiers, les serruriers, les fourbissseurs d’épées, les maigniens, les aiguilettiers ou chaudroniers et bien d’autres encore ont leur place aussi parmi les manieurs de fer, de cuivre, de plomb et d’étain32.

  • 33 S. Hutin, La vie quotidienne des alchimistes au Moyen Âge, Paris, Hachette, 1977, p. 31-34.

113Les alchimistes, sont des utilisateurs pour leur Grand œuvre, de l’athanor, un fourneau spécial à une température soigneusement dosée, marchant au bois ou à l’huile qui renferme l’œuf philosophique ou l’aludel, un creuset en terre cuite ovoïde où se font les savants mélanges de métaux. L’importance de l’aération dans un athanor bien fermé aux jointures comme par le sceau d’Hermès (d’où l’expression hermétique) justifie pourtant la présence d’un fond muni « d’un soupirail afin que la chaleur du feu allumé y puisse respirer33 ». Les alambics des physiciens, ancêtres de nos pharmaciens produisent des parfums, de l’eau de rose et déjà de l’alcool qui est considéré comme un médicament.

  • 34 A. M. Flambard-Héricher, Potiers et poteries du Bessin. Histoire et archéologie d’un artisanat rur (...)

114Les ateliers des potiers, des chaufourniers, des briquetiers, des tuiliers réclament également des appareils perfectionnés capables d’atteindre les 800 à 900°, voire les 1 150 à 1 300° pour l’obtention de grès. Les fours de potiers sont plutôt la possession de petites unités familiales ou de communautés rurales. Mais de grandes entreprises ont été découvertes par des fouilles et de rares écrits dans le Bessin en Normandie, en Allier (à Droiturier,) dans le Sud-Est (Chalon-sur-Saône), en Provence, en Languedoc, en Aquitaine ou à Strasbourg. L’archéologie est, de loin, la principale source d’information, sans doute la plus fiable pour reconstituer des sites industriels d’aussi grande envergure que les tuileries qui étaient au service des ducs de Bourgogne ou que les cavités qui subsistent encore de nos jours dans le Bessin normand. Les fours, longtemps de petite taille, sont capables d’accueillir à la fin de la période étudiée une centaine de vases ou de livrer des milliers de tuiles à chaque cuisson. Ce sont des appareils en pierre ou en brique réfractaire, bien isolés pour maintenir la bonne température le temps souhaité. Certains atteignent jusqu’à dix à douze mètres carrés de surface d’enfournement. Les appareils qui réclament de plus en plus de cuisson et exigent de fréquentes réparations, disposent de bâtiments annexes, d’aires de séchage et de stockage, de modelage. Il y a autant de bâtiments que dans les entreprises sidérurgiques34.

115L’appareil du « cuiseur de pain » n’atteint pas les températures d’un métallurgiste et 300° paraît être un maximum. La pièce qui tient lieu de laboratoire est largement occupée par un four quadrangulaire ou en forme de ruche, reconstitué par l’image d’une miniature ou les fouilles (Douai, Bruxelles). L’appareil est tantôt inclus dans une cheminée qui montre des traces de suie, tantôt à part et adossé à un mur. L’assemblage de belles briques réfractaires est fragile et sa détérioration rapide exige la venue d’un potier spécialisé. La large ouverture, pareille à une goule de monstre au théâtre enfourne les cuissons. Un abat-vent mobile, en bois puis en fonte, garantit la bonne thermie et régularise le tirage. Tout boulanger dispose aussi d’une réserve de bois, de bûches et de fagots nécessaires pour la combustion à même l’âtre.

116Les études sociales et économiques oublient de menus travailleurs, tous ceux qui s’activent dans la rue, à même le pavé, sous les porches ou sous les avancées des maisons et qui utilisent des appareils simplifiés comme les tripières ou les fabricants d’oublies (gâteaux) : des grills, des braseros.

Notes

1 M. Arnoux, « Crises et mutation des industries normandes », in La Normandie au XVe siècle. Art et Histoire, Actes du colloque des Archives départementales de Saint-Lô en 1998, Saint-Lô, 1999, p. 65.

2 La bibliographie est vaste. Mentionnons : M. C. Amouretti et G. Combet, Hommes et Techniques de l’Antiquité à la Renaissance, Paris, éd. Armand Colin, 1993 – M. Arnoux, « Matières premières, innovations techniques, marché du fer : les logiques de la carte sidérurgique de l’Europe (XIIIe-XVIe siècles) », dans Gli insediamenti economici e le loro logiche, sous la direction de V. Giura, Naples, 1998, p. 1-14 – P. Beck, L’innovation technique au Moyen Âge, Paris, Actes du VIe congrès International d’Archéologie médiévale, Paris, éd. Errance, 1998 et avec P. Benoît, L’image des mines et de la métallurgie du Moyen Âge à nos jours, Paris, 1998 – R. J. Forbes, Man the Maker. A History of Technology and Engineering, London, 1958. Voir aussi « Mining and Mettalurgy » in Medieval Civilization de J. W. Nef in The Cambridge Economic History, II, 1987, p. 691-761.

3 Nous résumons un chapitre paru dans J.-P. Leguay, Le feu au Moyen Âge, Rennes, PUR, 2008.

4 D. Alexandre-Bidon et M. T. Lorcin, Le quotidien au temps des fabliaux, Paris, Picard, 2003 – C. Enlart, Manuel d’archéologie française. IIe partie, Architecture civile et militaire, tome I, Architecture civile, Paris, éd. Picard, 1929, p. 147-159 – P. Boussel (dir.), La vie populaire en France du Moyen Âge a nos jours, tome III, Le foyer, Paris, éd. Diderot, 1965 – E. Sibol, Noble et forte Maison. L’habitat seigneurial dans les campagnes médiévales, Paris, Picard, 2007.

5 P. Garrigou-Grandchamp, « Introduction à l’architecture domestique en Périgord aux XIIIe et XIVe siècles », dans Congrès Archéologique de France, 156e session, Périgord, 1998, Paris, 1999, p. 29 – J. J. Rioult, « La cheminée » dans le Manoir en Bretagne 1380-1600, Cahiers de l’Inventaire, Paris, Imprimerie Nationale, 1993, p. 171-180.

6 Cl. Billot, « Du devis de maçon au traité d’architecture : évolution de l’habitat urbain (XVe-XVIe siècles) » dans D’une ville à l’autre. Structures matérielles et organisation de l’espace dans les villes européennes (XIIIe-XVIe siècle), publication de l’École Française de Rome no 122, Rome, 1989, p. 544-550.

7 D. Alexandre-Bidon et M. Th. Lorcin, Le quotidien au temps des fabliaux, Paris, Picard, 2003, p. 115-120 – M. Rey-Delqué, « Les ustensiles de cuisine d’après le ménagier », dans Vivre au Moyen Âge, éd. 5 Continents, Milan, 2002, p. 29-31.

8 « La dame qui fist entendant son mari qu’il sonjoint » de Garin, publication d’A. de Montaiglon et G. Raynaud, Recueil général et complet des Fabliaux des XIIIe et XIVe siècles, Genève, éd. Statkine Reprints, 1973, tome V, no CCIV, p. 135.

9 Ph. Ariès et G. Duby (dir.), Histoire de la vie privée, II, De l’Europe féodale à la Renaissance, Paris, Le Seuil, 1985, p. 200, 465, 498 – J. Guiffrey, Histoire de la tapisserie depuis le Moyen Âge jusqu’à nos jours, Paris, éd. Zeller, 1978.

10 N. de Reyniès, Principes d’analyse scientifique. Le mobilier domestique, 2 volumes, Inventaire général, Paris, 1992, p. 790-802.

11 Actes du colloque de Besançon de 2002 avec les communications de J. M. Boehle et de M. N. Denis – J. Burnouf, « Le chauffage dans la maison médiévale, nouvelles données sur la poterie de poêle à partir de fouilles récentes », Bulletin du Centre d’Histoire économique et sociale de la région lyonnaise no 22-23, 1987, p. 31-45 – J. P. Minne, La céramique de poêle de l’Alsace médiévale, Strasbourg, 1977 – J. Maire et J. Schwien, « La cheminée et le poêle ou l’art de se chauffer en Alsace au Moyen Âge », dans l’Innovation technique au Moyen Âge, Actes du VIe congrès international d’archéologie médiévale, Paris, éd. Errance, 1998, p. 258-269 – N. de Reyniès, Le mobilier domestique, op. cit., p. 790-802.

12 L’encyclopédie Diderot et d’Alembert : art du verre, fabrication des glaces, rééd. 2002. J. Barrelet, La verrerie en France de l’époque gallo-romaine à nos jours, Paris, Larousse, 1954 – O. Drahotoya, L’art du verre en Europe, Prague, éd. Gründ, 1983, p. 29-30 – D. Foy, Le verre médiéval et son artisanat en France méditerranéenne, Paris, CNRS, 1989, « Les déterminants de l’artisanat du verre : les matières premières et l’implication des communautés des marchands et des seigneurs », dans L’artisan au village dans l’Europe médiévale et moderne, Actes des XIXe journées Internationales d’Histoire de l’Abbaye de Flaran en septembre 1997, Toulouse, 2000, p. 169-186 & À travers le verre du Moyen Âge à la Renaissance, Musées de Seine-Maritime, Rouen, 1989 – M. Philippe, Naissance de la verrerie moderne (XIIe-XVIe siècles), Aspects économiques, techniques et humains.

13 H. Amouric et D. Foy, « L’outillage », dans À travers le verre, op. cit., p. 89-117.

14 J. Theuriot, « Verrerie et verriers de la Vieille Loye », dans Travaux de la Société d’Émulation du Jura 1987, Lons, 1988, p. 93-115 ; A. Seurre, La verrerie en Franche-Comté, Besançon, 1972.

15 À travers le verre, du Moyen Âge à la Renaissance, op. cit., p. II et 47.

16 H. Amouric et D. Foy, « L’outillage » dans À travers le verre, op. cit., p. 89-117 – M. Philippe, Naissance de la verrerie moderne, op. cit., p. 155.

17 R. de Filippo, « Verrerie à l’ancien hôpital Larrey » dans Archéologie et vie quotidienne aux XIIIe et XIVe siècles en Midi-Pyrénées, Musées des Augustins, Toulouse, 1990, p. 186-192 – J. Du Pasquier, Histoire du verre. Le Moyen Âge, Paris, Massin éditeur, 2005.

18 L’encyclopédie Diderot et d’Alembert : forges ou l’art du fer, rééd. 1988 – P. Braunstein, « L’industrie à la fin du Moyen Âge, un objet historique nouveau », dans Travail et entreprise au Moyen Âge, Bruxelles, de Boeck, 2003, p. 94.

19 Un ouvrage collectif, Mines, carrières et métallurgie dans la France médiévale, Paris, CNRS, 1983 – P. Benoît, « Les techniques minières en France et dans l’Empire aux XVe et XVIe siècles », Journal des Savants, janvier-juin 1988, p. 75-118 & Moines et métallurgie dans la France médiévale, Paris, AEDEH, 1991 – P. Braunstein, Travail et entreprise au Moyen Âge, op. cit. – P. J. Hesse, La mine et les mineurs du XIIIe au XVe siècle, Paris, 1968 – A. T. Rendu, « La main-d’œuvre d’une grande exploitation minière au milieu du XVe siècle. La mine de Pampailly en Lyonnais, 1455-1467 », Cahiers d’Histoire, volume 8, 1983, p. 59-95.

20 J.-P. Leguay, Le feu au Moyen Âge, Rennes, PUR, 2008.

21 P. Benoît et J. Grandemange, « Archéologie minière à Pampailly », Colloque sur les ressources minérales, Grenoble, 1983, Paris, 1986, p. 195-218 – P. Braunstein, « L’industrie minière et métallurgique » in Scienze in Archeologia, Consiglio Nationale delle Ricerche Università degli studi di Siena, Edizioni All’Insegna del Giglio, Firenze, 1990, p. 161 & « Le travail minier au Moyen Âge d’après les sources réglementaires », dans Travail au Moyen Âge sous la direction de J. Hamesse et C. Muraille-Samaran, Actes du colloque international de Louvain-la-Neuve 1987, Louvain, 1990, p. 329-338 – B. Gille, « Les problèmes de la technique minière au Moyen Âge », Revue Historique des mines, tome 1, no 2, 1969, p. 287-295.

22 M. Arnoux, Mineurs, férons et maîtres de forges… en Normandie, Paris, éditions du CTHS, 1993 – B. Gille, Les origines de la grande industrie métallurgique en France, Paris, 1947 – F. et J. Giest, Cathedral, Forge and Waterwhell. Technology and Invention in the Middle Ages, éd. Harper Perennial, New York, 1994 – R. F. Tylecote, The early history of metallurgy in Europe, Londres-New York, 1987.

23 Extrait J. F. Belhoste, M. Arnoux, « La métallurgie normande », op. cit., p. 38.

24 F. Dornic, Le fer contre la forêt, Rennes, Ouest-France Université, 1984, p. 15.

25 P. Braunstein, « La sidérurgie alpine en Italie », Mélanges de l’École Française de Rome no 290, 2001, p. 455-479 – P. Lardin, « La domination de Rouen sur la production normande de fer et de produits ferreux à la fin du Moyen Âge », dans La ville au Moyen Âge, tome I, Ville et espace, Congrès national des sociétés historiques et scientifiques, Aix-en-Provence, 1995, éd. du CTHS, 1998, p. 247-264 – M. Mollat, Les affaire de Jacques Cœur, Journal du Procureur Dauvet, Paris, 1953 – J. Schneider, « Fer et sidérurgie dans l’économie européenne du XIe au XVIIe siècle », dans Le fer à travers les âges, colloque de Nancy, 1955 (1956).

26 A. Deprez-Masson, Les choses, le mot et l’image : la création d’un langage technique dans le De re metallica de Georg Agricola (1556), Montréal, 1997 – P. Braunstein, « Outil, machine et mouvement » in Travail et entreprise au Moyen Âge, op. cit., p. 479, 481 et « Innovations in mining and metal production in Europe in the late Middle Ages », in The Journal of European Economic History, volume 12, number 3, 1983, p. 573-591.

27 A. Tissier, Recueil de farces, éd. Droz, tome VI, 1990, v. 388-389, 405-406.

28 M. Arnoux, « Le fer dans les campagnes médiévales (XIe-XVe siècles) » dans L’artisan au village dans l’Europe médiévale et moderne, Actes des XIXe journées internationales d’Histoire de l’Abbaye de Flaran 1997, Toulouse, PUM, 2000, p. 187-202, 198-199 – R. Fossier, Villages et villageois au Moyen Âge, Paris, Éditions Christian, 1995.

29 A. Llinares, « Le travail manuel et les arts mécaniques chez Raymond Lull », Cahiers de Fanjeaux no 22, 1987, p. 178.

30 M. C. Bailly-Maître et P. Benoît, « Les mines d’argent de la France médiévale », Actes du XXVIIIe Congrès de la SHMES Clermont-Ferrand, 1997, Paris, Sorbonne, 1998, p. 17-45 – M. C. Bailly-Maître, « Traditions et innovations dans les mines médiévales » dans L’innovation technique au Moyen Âge sous la direction de P. Beck, Paris, 1998 et L’argent. Du minerai au pouvoir dans la France médiévale, Paris, Collection Espaces médiévaux, éd. Picard, 2002, p. 132-134 – P. J. Hesse, « Artistes, artisans ou prolétaires ? Les hommes de la mine au Moyen Âge » dans Artistes, artisans et production artistique au Moyen Âge, volume I, Les Hommes, Paris, éd. Picard, 1986, p. 431-472. Voir aussi pour une région, « Mines et métallurgie dans le massif de l’Oisan : Brandes-en-Oisans », dans l’Atlas culturel des Alpes occidentales, s. d. de C. Jourdain-Annequin et de M. Le Berre, Paris, Picard, 2004, no 186 à 188.

31 M. C. Bailly-Maître, L’argent. Du minerai au pouvoir dans la France médiévale, Paris, 2002, p. 119-144.

32 P. Duparc, La formation d’une ville, Annecy jusqu’au début du XVIe siècle, Annesci, 19, 1975, Annecy p. 138-141 – J.-P. Leguay, « Boutiquiers, artisans et “gens mécaniques” en Savoie médiévale : étude économique et sociale », dans Chemins d’Histoire alpine, Mélanges Roger Devos, Annecy 1997, p. 281.

33 S. Hutin, La vie quotidienne des alchimistes au Moyen Âge, Paris, Hachette, 1977, p. 31-34.

34 A. M. Flambard-Héricher, Potiers et poteries du Bessin. Histoire et archéologie d’un artisanat rural du XIe au XXe siècle en Normandie, Caen, publications du CRAHM, 2002 et « L’architecture des fours domestiques » dans Matériaux et construction en Normandie du Moyen Âge à nos jours, colloque de Saint-Lô, Société d’archéologie et d’Histoire de la Manche, 2004, p. 103-116 – M. Mousnier (s. d.) O. et J. Chapelot, L’artisan au village dans l’Europe médiévale et moderne, journées internationales de Flaran, 1997.

Table des illustrations

Titre Une verrerie a été reconstituée dans le Jura à La Vieille-Loye
Légende J. Theuriot, « Verrerie et verriers de la Vieille Loye », p. 10514.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/107813/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 124k
Titre Différents types de fours : la ruche, la tour
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/107813/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 182k
Titre Verreries du Haut Moyen Âge
Légende Verreries du XIVe siècle, de Saint-Denis. À travers le verre, du Moyen Âge à la Renaissance, Musées et monuments départementaux de la Seine-Maritime, Nancy.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/107813/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 454k
Titre Le haut-fourneau de Joachim Patenter
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/107813/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 200k
Titre Une grosse forge du XVIe siècle
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/107813/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 346k
Légende F. Dornic, op. cit.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/107813/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 220k
Titre Une forge déjà tardive
Légende Extrait de F. Braudel, Civilisation matérielle et capitalisme, Paris, Armand Colin, 1967, p. 286.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/107813/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 168k

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search