Chapitre 7. Le vent, force de propulsion
p. 165-207
Texte intégral
1« Il n’y a dans ce port qu’un seul bateau dont Gugemar aperçoit la voile, un bateau tout prêt à prendre la mer, calfaté à l’extérieur et à l’intérieur, sans qu’on ne puisse voir de jointures, ni de chevilles ni de crampons qui ne soient d’ébène. La voile est toute de soie et si belle déployée », rapporte un lai de Marie de France. « Cependant, les deux nefs couraient sur la mer ; jusque-là on avait eu bon vent en bonne traversée » ajoute ce passage de Tristan et Iseult ou encore « ce jour-là s’élève un grand vent sur la mer qui chasse vers la côte un vaisseau, chargé de blé et d’autres vivres » dans Perceval1.
2Les marins de la fin du Moyen Âge peuvent naviguer sur des galées, galères ou galéasses, des unités familières aux Italiens, aux Provençaux et aux Languedociens mais rencontrées aussi dans les ports de l’Atlantique et à Rouen. Propulsés à la rame et à la voile, ces bateaux, longs et étroits, vont vite mais sont trop bas sur l’eau pour affronter les plus violentes tempêtes et leurs capacités de transport restent limitées à quelques tonneaux seulement. D’autres utilisent des naves ou nefs, des vaissels, un terme générique désignant, au départ, des navires de haute mer avant de mettre l’accent sur une coque rebondie, conçue pour une capacité porteuse plus importante que sur les précédents et dominée par deux châteaux proéminents à la proue et à la poupe. Mais d’autres variétés de bateaux sortent des arsenaux médiévaux, remontent les cours d’eau et s’amarrent dans les ports dont le nombre se situe, selon un article récent de M. Tranchant, sur les ports fluviaux au Moyen Âge, autour de 300 à l’échelle du Royaume.
3La navigation sur la « grande aive de mer », source de clichés romanesques, ou moins souvent « sur le cours de l’yaue », utilise le vent arrière ou aval comme force de propulsion d’embarcations de tout tonnage, de la chaloupe à la caraque. La maîtrise de cette force de motricité d’origine éolienne impose l’usage d’une voilure d’origine végétale ou animale, d’une grand-voile et de voiles secondaires équilibrantes, de forme carrée ou triangulaire. Elle nécessite l’adjonction de nouveaux mâts et l’usage de gréements ou grei qu’il convient de décrypter (haubans, étais, drisses), adaptés aux formes de la coque, elle-même résultat d’une lente évolution et de filiations ; elle nécessite des systèmes de gouverne (rame-gouvernail axial) et d’autres impératifs qui font passer de la tradition antique à l’ère moderne.
4Tout déplacement « à la vue des côtes » ou en haute mer, y compris sur une forte nef à peine mieux contrôlable qu’une barque, est une redoutable épreuve, pudiquement qualifiée « d’aventure en mer ». Pourtant un extrait du récit romanesque de Tristan et Iseut laisse une impression de grande facilité : « Au premier vent favorable, Kaherdin prend la mer, les marins dérapent les ancres, dressent le mât et cinglent vers le large, poussés par une douce brise. » Il repose sur des capacités de pilotage, sur la connaissance des courants et des vents qui assurent une « grant aleure », et sur beaucoup de chance. Une phrase rappelle, dans le récit du déplacement d’un saint, d’un prince, d’un marchand ou d’un pèlerin, son issue « secondé par des vents favorables, il débarqua heureusement avec toute sa suite ». Chaque traversée sur une mer houleuse et démontée par des vents aussi soudains que contraires est, à l’image de l’existence elle-même, aléatoire. Le péril de mauvaise mort, sans préparation initiale, sans le secours du prêtre, rode à tout instant. Quiconque ose s’aventurer dans un monde marin si peu familier, lieu mouvant par définition, plein de souffles, de tourbillons et de forces contraires, n’a pas la certitude de pouvoir accoster et d’arriver à destination, sans être au minimum navré dans son corps (une fracture), au pire noyé2.
5L’art de capter et d’utiliser correctement les vents nous conduit donc à analyser les bonnes ou les mauvaises allures ou dispositions du navire qui se gouverne « encontre le vent » avec plus ou moins de difficulté. Parvenir au gouffre (golfe) souhaité, atteindre le havre, ici une simple rive munie d’un débarcadère, là de quais en dur, d’entrepôts, avec des halles voisines, demeurent l’issue heureuse, « le port (h)eureux », de toute entreprise commerciale, piscicole ou guerrière.
L’étude de la force éolienne fait appel à des sources dispersées, à un vocabulaire descriptif, examiné à travers des vers denses et nuancés, nécessitant une confrontation avec les représentations figurées d’embarcations de tout modèle. Le dépouillement des grandes catégories d’archives sur le domaine des affaires maritimes, sur la tempête qui sert de cadre à une péripétie dramatique et met en valeur un saint ou un chevalier, est loin d’être achevé et se heurte souvent à la difficulté d’interprétation des images allégoriques qui plaisaient aux gens cultivés de la noblesse et des cours princières. Les classiques de la littérature française d’inspiration hagiographique, moralisatrice, héroïque, courtoise ou populaire se présentent ici sous forme de chansons de geste, de romans et de fabliaux, de poésies lyriques. Ces textes évoquent, dans un état d’esprit particulier, le moyen de transport et la navigation. Ils usent d’un vocabulaire conventionnel, inspiré par la méthode exégétique des hommes d’Église, S’y ajoutent des bribes d’informations, glanées dans les chroniques et les histoires, dans les récits hagiographiques, dans des œuvres qui se veulent exemplaires ou exempla pour « essaucier sainte crestienté », dans les romans allégoriques si en vogue à cette époque. Ajoutons aussi, à une époque de plus grande diversité professionnelle, des contrats de navigation, des articles de comptes des chantiers, les registres de tabellionnage (à Rouen), les péripéties d’un voyage ou les suppliques de mariniers, victimes d’actes de guerre, de piraterie ou d’un naufrage, etc.
La documentation iconographique qui s’étoffe également repose sur des miniatures qui mettent en scène des navires dans des situations déterminées et permettent d’identifier des aspects techniques comme le bordage, les gréements et le système de gouverne. Elle recueille des informations de sceaux (celui de La Rochelle), des pièces de monnaie, des ex-voto qui ont l’aspect de maquettes, des graffiti marins (ceux de Vatteville-la-Rue ou de Bonneville-sur-Roques en Normandie, de Saint-Eutrope de Saintes en Charente-Maritime), de sculptures sur chapiteaux (à Geaune dans les Landes), de vitraux (Bourges), de gravures à partir du XVIe siècle3.
6Les exemples, l’information et le vocabulaire sur le matériel d’armement, encore limités avant le XIIe siècle, s’enrichissent à la fin du Moyen Âge, sans que les évocations maritimes et les techniques navales soient d’une variété et d’une explicité exceptionnelles, a fortiori quand la paronymie des termes est source de confusion4.
Voiliers à voilures « nagiant » à la fin du Moyen Âge
« Le sage tient bon l’aviron
Et mène sa barque à bon port
Un fou ne sait point naviguer » (p. 249).
7L’amorce d’un renouveau de l’activité maritime le long des côtes, entre pays voisins ou au niveau des relations internationales, se manifeste par maints indices depuis le XIIe siècle. Les transformations techniques pour permettre de mieux « faire voile » (hisser la voile) et « nagier » (naviguer) se poursuivent sans discontinuer dans des récits féconds, dans le thème si créatif de la nef baladée dans la tourmente.
8Les travaux de J. Bernard, de M. Mollat, de Ch. Villain-Gandossi et d’autres historiens et archéologues sur le monde marin et l’économie commerciale ont montré combien délicats étaient le vocabulaire naval et les significations qu’il recouvrait. Il peut y avoir un sérieux écart entre la source utilisée et le réel. Les peintres de fresques et de miniatures n’ont pas toujours respecté la réalité technique et la perspective ne s’est pas encore imposée dans les compositions comme pour certains paysages urbains, maritimes ou ruraux Italiens.
Les « vaissiaus à trefs » (voiles)
9Sans être trop catégorique en une matière qui comporte des exceptions, des emprunts, des contaminations, la tradition oppose deux types de naves, terme générique usité : le navire effilé (navis longa) de type galère, impulsé par la rame et la voile, convenant bien aux opérations militaires, et le navire aux formes arrondies (navis rotunda) de type kogge ou nef, poussé par le vent. Des formes composites se situent entre ces deux modèles de base.
10– Plusieurs siècles ont été nécessaires pour passer des barques élémentaires, archaïques, aux gros navires de charge, plus lourds, plus sûrs, qu’on découvre à la fin du Moyen Âge. On les voit sur les miniatures des manuscrits de romans aussi connus que ceux de Tristan et Iseut, d’Acquin, de Baudouin de Sebourc, sur le sceau de Damme en Flandre dès 1309 ou sur des vitraux, au cours de fouilles avec le navire de Brême. Les silhouettes ont tendance d’ailleurs à se ressembler, à la fin du Moyen Âge5.
11Le navire nordique, kogge en frison, kogue, cogghe, coque, cogue, kenart ailleurs se compare, avec le temps, à la coc(c)a ou cocha des Italiens citée dès 1218, à la nef, nave ou nau marchande ibérique, bordelaise ou normande. Cogue et nef désignent désormais les variantes d’un voilier de haut-bord, pansu, disposant d’un quille longue, d’un bon tirant d’eau et s’avèrent, malgré une charge qui peut dépasser les 100 tonneaux, d’honnêtes marcheurs.
12Ces navires ne sont pas seulement de banals instruments de navigation au service des marchands. Ce sont aussi, pour les écrivains contemporains, des embarcations solides, en excellent bors de quesne (bois de construction navale), quasi magiques, associées, dans une écriture métaphorique, à Dieu, à la sanctification ou, au contraire, à la descente en enfer. La littérature médiévale aime restituer, à travers des topoi sur la notion de bien et de mal, l’errance maritime, le pèlerinage, le martyre blanc ou l’exil des Irlandais, le châtiment, la mort. Les clichés romanesques représentent alors la nef funèbre errant sur les flots, la voile d’un blanc immaculé sur un mât d’or ou, à l’inverse, la voile noire, annonciatrice de malheur6.
Le navis longa
13Le prototype des représentations picturales est le mot générique de galée ou galea, devenu au hasard des textes ou de quelques transformations, guallée, galie, galeasse, galiote, lin ou petite galère hybride7.
14Ce navire, mu à la rame et à la voile se rencontre partout. Il s’est acclimaté de la Méditerranée aux ports ibériques et basques de l’Atlantique, à ceux de la Manche (Rouen). Il est toujours en usage au XVe siècle, visible sur un graffito de Vatteville en Normandie.
15De tradition antique, il est l’héritier du dromon même s’il n’a pas conservé le rostre ou l’éperon situé presque au niveau de la flottaison. Le bateau qui atteint désormais sa perfection est bas et de faible tirant d’eau, léger, étroit, très mobile, maître de sa route, moins subordonné à la direction du vent que la nef. Il donne l’impression de glisser sur l’eau. Des rangées, jusqu’à vingt à trente selon la dimension, de trois à quatre rameurs chacune, forment un « moteur musculaire » efficace, capable d’atteindre de grandes vitesses pendant une courte durée. Les chiourmes sont formées de professionnels de la rame ou déjà de condamnés.
16L’étroitesse d’une coque lisse dont la longueur peut être huit fois supérieure à la largeur, la finition, digne des meilleurs charpentiers de marine caractérisent encore ce type de navire qui se prête à des manœuvres délicates, longe les côtes, remonte les fleuves. Le gros modèle, doté d’une plate-forme à l’avant, d’un pont, comporte une sorte de château à l’arrière pour embarquer des soldats, des arbalétriers, bientôt de l’artillerie.
Une grosse galère à rames et à voile de type italien dessinée sur un codex de Milan (1438) et qui n’est pas dépourvue de réalisme

Extrait d’un livre italien sur l’art de la guerre, le Liber tertius de re militari de Milan en 1438, dans Tamara Voronova et Andréî Sterligov, Manuscrits enluminés occidentaux VIIIe - XVIe siècles à la bibliothèque nationale de Russie de Saint-Petersbourg, S. P. Parkstone Aurora, 1996, p. 47.
Toutes les dimensions sont représentées à la in du Moyen Âge : des petites galères, des galiotes d’escorte de 16 bancs de trois rameurs chacune, le chat plus important à deux gouvernails, la galea grossa marchande de type vénitien qu’on peut voir sur ce codex italien. Un navire atteint en moyenne 30 à 40 m de long sur 5 à 6 m de large, véritable coeicient de inesse, et 1,75 m à 2,50 m de creux ; il transporte, à une vitesse moyenne de 4 à 5 nœuds, avec des pointes de 8 nœuds, 100 à 200 tonnes de fret, 100 à 200 hommes d’équipage occupant 250 m2. Les plus gros vaisseaux, jusqu’à 50 m de long, 8 m de large et 3 m de creux, sont capables de déplacer 300 hommes et 500 tonnes de marchandises, aux dépens de la vitesse et de la maniabilité. Certains comportent parfois deux gouvernails ou safrans latéraux et un gouvernail axial qui se présente sous la forme d’une solide pièce de bois maintenue par une charnière de fer et maniée à l’aide d’une barre8.
17La galère est adaptée aux déplacements de personnalités, aux opérations militaires rapides, au transport de produits chers et de faible tonnage, de voyageurs pressés. Elle est obligée d’embarquer, pour voguer ou vaugier dans le sens d’avancer à la rame, des marins, des surveillants s’il s’agit de condamnés, des soldats, et une provision de vivres et d’eau douce, au détriment de l’espace utilisable. Le problème crucial du ravitaillement « du moteur humain », joint à la fragilité du navire par gros temps et à sa tendance à dériver, impose des arrêts fréquents dans les ports, une navigation côtière de « sauts de puce » successifs, des étapes courtes.
18En dépit de ses qualités de construction et de son usage courant en Méditerranée et au delà de Gibraltar puisque elle dessert régulièrement les ports bretons, normands, flamands, anglais, la galée, de capacité limitée, trop basse sur l’eau pour affronter les hautes vagues, n’offre pas le même intérêt économique que le gros voilier. Elle restera au XVIe siècle un bon navire de guerre.
Le navis rotunda
19Ce type de bateau, mû par le vent, doit son appellation aux caps relevés et incurvés en arc de cercle des extrémités arrondies de sa poupe (arrière) et de sa proue (avant,) à une coque renflée et à des superstructures développées. La coque arrondie, large, lourde d’allure, a sacrifié la vitesse à la force, à la stabilité et à la capacité de charge.
20Avec pareil instrument de navigation, moteur d’une économie précapitaliste, les mariniers peuvent s’éloigner des côtes, affronter les tempêtes, atteindre les limites du monde connu encore représenté sur un disque borné par une terre inconnue habitée par des démons ou des animaux malfaisants.
21– Les analyses s’efforcent de reconstituer les filiations méditerranéennes, basques ou nordiques qui définissent les variétés de navires.
22On retient d’abord, dans un but de classification, le profil d’ensemble symétrique ou asymétrique de la coque ou muraille de la flottaison jusqu’au plat-bord et de la carène immergée, l’importance de la quille, des superstructures. La construction du navire est subordonnée à la pose d’une lourde quille, pièce maîtresse d’une armature complexe.
23Les planches épaisses, des merriens de quesne (merrains de chêne) ou des ais (aes) de la muraille de bois sont soigneusement ajustées les unes aux autres et maintenues par des clous et des chevilles sur un véritable « squelette » intérieur, fait de couples et de membrures. Deux solutions de bâtis recouvrant ces membrures transversales prévalent alors : le bordage ou les bordés à clin par recouvrement (on parle de recliquer) et chevauchement de planches comme des tuiles d’un toit de filiation nordique et la juxtaposition, bord à bord, d’ais lisses à joints vifs, solution commune en Méditerranée et utilisée pour les caravelles. L’extrémité avant est renforcée par une étrave élancée, une pièce de même largeur que la quille, assez épaisse pour faire face à la lame.
24Les interstices sont calfatés au moyen d’un bourrage végétal, animal ou en utilisant un goudron collant et chargé d’odeur, déposé par couches par les calfateurs.
25L’appareil de gouverne est passé de l’aviron amarré sur le plat-bord horizontal, à la rame latérale puis au gouvernail axial à charnières ou fémelots en fer ou gouvernail d’étambot.
26– La structure interne du navire est creuse, courte, d’une vingtaine de mètres de longueur en quille et de 5 à 6 m de largeur ; elle est dilatée dans un rapport des dimensions de l’ordre de 1 à 3 ou à 4.
27Le tonnage ou emport, calculé par des jaugeurs de façon très approximative est sujet à des variations d’un port à l’autre. Il ne prend en compte que la capacité de chargement commercial.
Celle-ci est mesurée en lasts ou caques de plusieurs milliers de poissons, de harengs dans les pays du Nord, en cents de sel en Saintonge et surtout en tonneaux, en barriques ou en pipes de céréales, de pastel, de graisse, de vin, etc. Le tonneau de vin bordelais, utilisé en Atlantique, de deux pipes chacun ou de quatre barriques, varie entre 800 et 900 litres, ce qui donne à la pipe une contenance de 400 à 450 litres et à la barrique 200 litres environ.
28La cale peut être si grande, si profonde que l’évacuation de l’eau par de simples seaux devient problématique en l’absence de pompe.
29Une embarcation de plus d’une cinquantaine de tonneaux est pontée pour des raisons de sécurité et une meilleure protection des marchandises transportées. La couverte ou coursière va de l’avant au mât principal. L’espace logeable ou entrepont s’étend d’un seul tenant ou est compartimenté, et muni de cloisons.
30– Un premier balcon ou haut-bord, appelé la caisse ou le château, en surplomb, a été aménagée à la proue. Il fut amovible au départ avant d’être incorporé définitivement au reste de la coque. Cette sorte de bec triangulaire, carré ou polygonal offre une analogie avec un donjon au-dessus d’une motte castrale. On dit d’ailleurs que cet ouvrage, en fer à cheval, « enchâtelle » ou « nourrit » le gaillard d’avant sur le « joug de proue ». Un second château saillant a contribué ensuite à élargir l’arrière, au-dessus de la poupe.
31Ces plates-formes sont sur les reproductions, de véritables échafaudages, « enchastillés », haut perchés, avec des étages, le tillac et le superpont sur le gaillard d’avant, la banne et la superbanne sur le gaillard d’arrière. Ils sont même crénelés dans leur partie supérieure. Les « chastiaux davant et derrière » des navires gothiques finissent, au terme d’une lente évolution, perceptible sur les peintures, à s’adapter parfaitement au bordage et à s’allonger jusqu’au pied du grand mât, au point de limiter l’espace de l’embelle qui est la partie située entre les deux parties surélevées.
32Tandis que les humbles passagers se regroupent à l’avant du grand mât, sous la coursière, dans les pires conditions d’hygiène et de promiscuité et dorment sur des paillols ou nattes de paille, les riches logent à l’arrière dans des suites, nommées paradis ou dans des cabyns munies de branles (hamacs), situées sous les corridors sans vue sur la mer. Une dunette permet de contempler l’océan. Les superstructures hébergent parfois des canons. Des ornementations et des commodités complètent le dispositif et identifient les vaisseaux. Les bordages sont alors sculptés de blasons, de statuettes en bois, reposant sur piliers ou directement sur le plat-bord9.
33– Si des nefs, affectées au transport de voyageurs, de soldats et de grosses quantités de marchandises s’inscrivent parmi les gros bâtiments de haut-bord, la majorité jauge entre 50 et 100 tonneaux, à l’instar de celles qui remontent la Seine pour rejoindre Rouen. L’auteur d’un Grand Routier, Pierre Garcie dit Ferrande, met en garde ses lecteurs : « Scache bien que tu n’entrais pas en Saine de basse-mer si ce n’estait ung bien petit navire. » Un autre déclare au XVIe siècle : « Un navire de 400 tonneaux ne peut naviguer en ceste vil et ne serait qu’une gêne. » Un contrat décrit, comme une exception, un navire de « six-vingt tonneaux » (6 x 20 = 120). Une limite à la croissance est, en effet, imposée par le milieu naturel, l’accès à un port envasé, à une côte, à un estuaire rempli de bancs de sables et de graviers, par le nombre de bras disponibles en un temps où il faut en moyenne un homme par quinzaine de tonneaux pour manœuvrer une nef10.
La cogghe, cocca ou nef pansue, large et courte, haute sur l’eau, représentée sur des miniatures, reflets du réel, est aussi signalée dans les romans du cycle arthurien, plus souvent au repos qu’en pleine action ou au milieu d’une tempête. Un examen réaliste montre qu’elle est miniaturisée et même déformée pour s’adapter à son cadre. Sa silhouette est plus trapue, plus haute que nature, et certaines particularités du décor ou de la technique peuvent être absentes, schématisées à l’excès ou déformées sur beaucoup de représentations figurées.
Nef du Moyen Âge, servant au commerce et au combat sur mer

Un bois sculpté du XVe siècle provenant du pilastre d’une ancienne maison de Rouen, 36 rue du Grand-Pont

Extrait de Vivre au Moyen Âge – Archéologie du quotidien en Normandie XIIIe -XVe siècles, Milano, 5 Continents Éditions, 2002, p. 239.
D’autres navires
34Des catégories intermédiaires sont apparues depuis le XIIIe siècle entre la galère et la nef « classique ». Le discours discordant des sources rend toute recension délicate, à moins que plusieurs textes de nature et d’origine différentes ne se valident mutuellement.
35– Des géants de la mer sont désignés sous l’appellation de car(r)aque, de granz barge de signification moins explicite, de grosse hourque à fond plat. Ce sont des vaisseaux aux silhouettes massives, difficiles à manœuvrer par temps fort, à l’étrave élancée, aux châteaux monumentaux et aux capacités de transport et de protection considérables, qui reproduisent à leur échelle, les structures que l’on connaît sur les nefs. Les récits à la limite du réel de Joinville, de Guillaume de Tyr et d’autres témoins émerveillés, des dessins anglais extraits du Warwick Roll présentés par F. Howard, des contrats, des sources iconographiques comme le vitrail de l’église de Villequier (1523) permettent d’envisager l’existence de barges ou barches de transport de soldats et de chevaux, et de quaraques dont les dimensions paraissaient à peine croyables, jusqu’à 500 à 1 000 tonneaux, à ceux qui les découvraient. La manœuvre délicate avec un énorme gouvernail, nécessite un minimum de 200 marins. Une hourque à fond plat utilisée par mer calme par les Hanséates peut porter 300 tonnes d’une rive à l’autre.
36Leur coque est particulièrement ample. Elle présente un double ou un triple planchéiage à clin ou à franc-bord, une cinquantaine de mètres de long, une vingtaine de pieds de tirant d’eau, une lourde quille doublée de plomb, des structures avant et arrière, parties intégrantes de la coque arrondie, qui atteignent jusqu’à 6 m, avec des plates-formes pour des soldats, trois mâts munis de hunes et de huit voiles. Si le port minimum est de l’ordre de 500 tonneaux, des carraques en jaugent jusqu’à 1 500 à 1 600, disposent de châteaux à plusieurs étages, de vastes cales, de canons pointés à travers les sabords, d’appartements pour les officiers et de véritables dortoirs pour les autres personnes. Jean d’Autun évoque, dans la chronique de Louis XII, une carraque nommée la Charente transportant 1 200 soldats. La Grande Louise de Honfleur, lancée en 1487, porte seulement 790 tonneaux, la Cordelière et la Maréchale de Morlaix du temps de la duchesse Anne, 700 et 1 000 tonneaux. Des historiens ont mis en doute l’existence de tels navires avant la découverte des restes du modèle anglais Henri-Grâce-à-Dieu lancé en 1418, d’une dimension et d’un poids jamais atteints avant le XVIIe siècle ! On a constaté que les tonnages moyens ont tendance à augmenter après la fin de la guerre de Cent Ans, avec la paix recouvrée. Les comptes normands font davantage état de grandes nefs, de nefs alongyes, de nefs à quille, de nefs à hune.
37– À l’inverse, de petits navires ronds restent, malgré les progrès de la connaissance, difficiles à identifier pour des raisons sémantiques et techniques.
38Les conceptions régionales (basques, anglaises, frisonnes) ont interféré et beaucoup de termes intraduisibles sont restés inconnus ou sont tombés dans l’oubli. On les désigne sous les noms génériques de batels, barques, barges. ou sous les appellations spécifiques de harenguiers, de baleiniers, de brigantins… Les baleiniers, balener ou balgniers, originaires de Biscaye où se pratiquait la chasse à la baleine, sont des navires longs et bas, marchant à la fois à la rame et à la voile sur un unique mât, d’une capacité de transport généralement réduite à moins de cinquante tonneaux pour un équipage de 20 à 50 hommes, rameurs et combattants potentiels, servant à l’occasion de navires corsaires tant ils sont rapides, souples et capables de s’approcher très près des côtes.
39Des sortes de caboteurs, d’une dizaine de tonneaux de port, desservent régulièrement les côtes de la Manche et de l’Atlantique et remontent les rias, les fleuves et les rivières. Les comptes et les tarifs portuaires mentionnent des gabares de mer, des vessels rochelais, des vesseaulx, des escaffes, des halops, hulkes ou holques en Gironde.
40On rencontre aussi, au hasard d’une lecture, des chalands à forte voilure, des huissiers, munis d’une porte et des targes pour transporter des chevaux, des busses. Seuls des gens expérimentés en techniques de constructions navales sont capables, à partir d’épaves ou de dessins, d’avancer une classification complexe et fort diversifiée des coques en fonction de leur morphologie.
41Les chaloupes sont le plus petit modèle et certaines se contentent de porter 2 à 3 tonneaux.
La Caravelle du présent et du futur
42La caravelle, karvelle ou carvel, est le navire des grandes découvertes de la seconde moitié du XVe siècle. Chacun se plaît à vanter sa souplesse, sa célérité, sa capacité reconnue à utiliser les alizés, clefs de la conquête du monde.
43À la fin du Moyen Âge, les grands voyages de longue durée et loin des côtes rendent indispensables des navires maniables mais suffisamment solides et capables de tenir la mer par tous les temps, pouvant embarquer et loger un équipage et des quantités de vivres pour plusieurs semaines. Les constructeurs ont solutionné l’éternel compromis entre la vitesse, la capacité, la stabilité et la sécurité avec ces unités capables d’atteindre 6 nœuds.
44Le navire hauturier par excellence est, dès la seconde moitié du XVe siècle, la caravelle, carvel(le), cravelle ou escravelle, corveille ou crevelle, de 20 à 200 tonneaux, représentée sur des miniatures ou des dessins. Le mot désigne à la fois un type de bordage lisse, à planches bord à bord, une variété de clous à tête octogonale ou carrée (le clou de carvel) et de préférence l’usage de la voile latine, même si la toile carrée n’est pas forcément exclue. La zone de diffusion initiale de « ce bijou ibérique » (P. Chaunu) est le Portugal, la Galice, le Pays Basque et la Bretagne qui ont largement utilisé la nouveauté sans forcément toujours employer le nom. La Normandie l’adopte vers 1450 (Dieppe, Rouen).
Une « karvelle » des alizés

Museu de Marinha de Lisboa (Século XV a XVI).
45Le navire trouve sa place entre la galère et le vaisseau rond, avec un rapport moyen qui se situe entre la longueur et la largeur aux environs de quatre. Les bordages en carvel, créent une coque lisse et légère ; ils sont à franc-bord, biseautés, ajustés à joints vifs l’un à l’autre. Le corps est affiné, la quille allongée, l’ensemble plus stable, plus manœuvrable, conçu pour la vitesse. Le navire est légèrement relevé à l’avant et dispose d’un seul château arrière, en surplomb.
46La voilure latine, fractionnée en trois ou même quatre mâts pour favoriser la motricité et la manœuvre, permet de remonter le vent, autorise des pointes de vitesse qui réduisent les distances et mettront bientôt l’Amérique à une quarantaine de jours de la Normandie. Grâce à leur énorme voilure, les caravelles ont approché les records absolus de vitesse des clippers du XIXe siècle11.
La batellerie fluviale
47Les fleuves, de leur côté, accueillent une batellerie immuable qui évolue finalement très peu de l’Antiquité au XIXe siècle (J. Bernard).
48– Dans la liste des survivances en fonction de l’endroit, de la coque, des gréements et des appareils complémentaires, figurent pratiquement partout mais sous des appellations locales, des bateaux courts aux faibles qualités nautiques et des navires longs plus difficiles à manœuvrer au milieu des bancs de sable et quand le courant est très fort. Les récits, les tarifs de péages distinguent, plutôt mal que bien, des barques monoxyles ou de sommaires batelets de paysans, de meuniers, des plattes sans quille, des fillettes, des escaudes, des santes ou santines, des carattes, des gabares en Loire, des gabares sur Seine, des sapines lyonnaises, des couraux sur Garonne, des chalands, des navey, naviots ou grosses naves, des foncets à énorme gouvernail, etc.12.
49Toutes ces embarcations, utilisant des systèmes de mesure variés, en pipes ou en muids de charge, en cannes, en toises ou en pieds de long, sont en général de faible tonnage, moins de 50 muids dans bien des cas, avec pourtant de notables exceptions : des péniches géantes du Nord (Douai, Saint-Omer) ou de gros porteurs strasbourgeois qui peuvent atteindre 100 à 200 tonnes de charge, des porteurs du Rhône de 100 à 200 muids13.
50– La majeure partie de la navigation enregistrée dans les petits ports ne dépasse pas les zones côtières, un cadre familier où se font sentir les vents locaux, les brises alternantes de terre et de mer.
51L’exemple breton nous éclaire sur un cabotage moins étudié que le négoce hauturier mais permanent et probablement plus important en valeur cumulée14.
52L’aire du cabotage intéresse sur les côtes armoricaines des relais ramifiés. Les petites embarcations venues des criques et des abers sont plus aptes à pratiquer la pêche, les traversées ou « traverses » de voyageurs et de marchandises, d’un fleuve, d’un golfe (le Golfe du Morbihan, la Penfeld, les abers), le ravitaillement sur des itinéraires démultipliés, le long d’un liseré côtier, que les expériences halieutiques qui nous écartent des limites du royaume et du duché. C’est sensiblement pareil en Basse Normandie, dans la basse vallée de la Seine et dans le Pays de Caux, à l’exception de Rouen et de Dieppe qui ont une toute autre envergure, sur une partie des circuits côtiers de la Picardie, de la Flandre maritime, en passant par Saint-Omer, Gravelines, Dunkerque.
Une gabare de la Loire

Photo : Th. Leguay, Musée de Montsoreau.
53La circulation n’est pas pour autant aisée. La redoutable mer d’Iroise, les passages vers Sein et Ouessant, les promontoires ou les falaises abruptes effraient les marins inexpérimentés qui ont du mal à trouver un refuge par fort vent et des points d’eau douce pour faire relâche. Le guide que constituent les toutes premières cartes marines des portulans, avec des listes de havres inscrits sur de vagues représentations littorales, reste sans doute encore méconnu du commun des marins avec les progrès réalisés au XVIe siècle (les cartes du Conquet)15.
Les études maritimes sur la Bretagne permettent de connaître les activités d’une côte festonnée, de Penmarc’h au cap Sizun, des « rivières » ou rias de la côte sud, des abers du Léon, du Golfe du Morbihan, de la baie de Saint-Brieuc, dans les îles. Les marins ou mariniers se déplacent sur des batels de 2 à 10 tonneaux ou sur des escaffes ou estaffes, pinasses à peine supérieures en tonnage. La pêche à proximité du rivage au tramail ou filet à mailles, au casier, à la ligne, est une activité de bord de mer, de ces havres qu’évoquent la foire aux vieilles à Auray, à Quimperlé, à Pont-l’Abbé, à Vannes, place des Lices et à Calmont, où se vendent du poisson frais, des coquillages et des produits de jardin ou de la campagne tout proche16.
54De brèves allusions dans les textes livrent les noms de transporteurs de vin, de sel, ou de pommes à cidre, de pierres, de céréales, de produits de l’agriculture locale. Les ports de Conleau, d’Arradon aux portes de Vannes sont animés par un petit négoce de matériaux de construction, de produits du sol que font revivre les coutumes de la ville et les comptes de la fabrique de la cathédrale Saint-Pierre. Le petit port de Heurteauville, en face de celui de Jumièges, fournit Rouen en bois de chauffage exploité dans la forêt de Brotonne.
Toutes voiles dehors
55La voile est l’instrument moteur « en canevas et à rames », « de trefs et grei » (dit-on en norois). « De confort la voille tendoye… à plaisir et a gré le vent » (Charles de Blois). Le gréement a lui aussi beaucoup évolué au fil des temps.
56La coque ou la nef, dont la muraille est faite de bordés ou de bordages, de planches épaisses recouvrant les membrures et les baux, est, à l’exception de très petites unités, tributaire d’une force éolienne variable, alors que les « guallées sont vaisiaus bien remuans, légers d’aller et venir à leur volonté » disait Philippe de Novare, dans Les gestes des Chiprois17.
57Les voiles, formant avec les soutiens le phare ou l’ensemble de la mâture, permettent non seulement d’évoluer au gré du vent mais aussi de lofer ou de se positionner dans le vent, de louvoyer ou venir au vent en utilisant les manœuvres courantes ou les cordages mobiles servant à orienter les vergues.
Le moteur éolien, le tref
58La galère est munie d’une voile ou tref, triangulaire en Méditerranée, carrée en Normandie sous l’influence des traditions nordiques. Elle s’en sert en fonction de l’endroit et du temps. Les plus grosses unités privilégient ce mode de propulsion, réservant la force humaine de gens de métier ou déjà de condamnés à la manœuvre pour atteindre une grande vitesse pendant une courte durée. Le navire rond est totalement tributaire du vent, sauf en cas de calme plat, de panne ou d’arrêt momentané par le brasseyage de la voilure, sur un site de pêche, par exemple, qui réclame alors la traction temporaire de barques comme on le voyait jadis sur les morutiers en Islande. L’ensemble que constituent le mast, la voilure, le gréement se nomme au Moyen Âge l’appareil, distinct du reste ou corps du vaisseau avec la quille.
59La richesse du vocabulaire masque en réalité beaucoup d’imprécisions et les peintures ne sont pas toujours le reflet de la réalité.
60– La voile aurique quadrangulaire, la « grand’voile avec ses aggrais et ses aissas (cordages) » des écrits, dite encore majeure ou de tourmente tellement elle est agitée par les vents, est conçue pour tenir le lof. Elle se manœuvre en tous sens et ses gréements habillent le mât central, la vergue principale, longue pièce de bois disposée en croix, et les bômes inférieures de la majorité des vaisseaux d’un petit et moyen tonnage.
61Le support, le grant mast, l’arbor magnus, avec sa vergue ou espar, est la pièce maîtresse, dressée au centre, d’une coque simple à étrave et étambot symétriques. Cette mâture, en bois résistant et coûteux, en ulme ou orme à Rouen, à valeur symbolique, est enfustée dans un bloc d’encaissement nommé emplanture, fortifié par des liens de métal ou roustures et calé par les trambres. Sa rupture sonne le glas du navire. Elle peut être surmontée d’une hune sur un gros porteur, une sorte de plate-forme avec nacelle de guet à laquelle on accède par des cordages de soutien ou haubans, constituant la manœuvre dormante, munis d’échelons de cordage ou enfléchures. Les huniers sont des voiles hautes avec un estandelar (drapeau) que manie le guetteur.
Éléments constituant une nef du XVe siècle d’après un amalgame de textes et « d’images » peintes et sculptées

62Le mot tref, écrit encore treif, trait, figure en bonne plaxe dans les acquisitions des chantiers navals de l’époque, au Clos des Galées de Rouen, à la Cale de Graves de Bordeaux Il comporte des ajouts latéraux, bas ou en hauteur, pour un petit vent, des bonnettes qui contribuent à le surtoiler. Des laizes ou lés de toile d’une cinquantaine de centimètres de large sont éployées ou ferlées, posées ou pliées.
63Le tref carré de canevas ou de toile de chanvre, avec ou sans bonnettes, est envergué, adapté à une vergue ou antenne pour la voile latine (dite voile à antennes), formée d’une seule pièce de bois ou constituée d’un assemblage de pièces encastrées les unes dans les autres. Cette vergue est hissée au moyen de drisses, orientée par des bras, étayée par des étais et des balancines (filin en bout de vergue). Elle est de faible dimension au XIIIe siècle, à une époque où les surfaces de tissu n’excèdent guère les 500 m2 pour la voile carrée et 300 m2 pour la voile triangulaire. Mais la surface est accrue par des pièces supplémentaires, lacées ou maillées sur la ralingue ou filin cousu le long de la bordure de voile principale pour étendre la surface et la renforcer18.
64– La subdivision de la voilure et de la mâture s’inscrit au nombre des progrès, qui ont contribué au perfectionnement de la navigation à propulsion éolienne, en plusieurs temps.
65À côté des voiles auriques motrices qui permettent d’affronter de grosses mers, d’autres appelées estouins, étuines ou bonnettes en étui dans les récits romanesques ont trouvé bon usage.
66Les unes sont carrées, d’autres triangulaires ou foc d’étai à trois points d’attache ou a la trina, sur antennes ou vergues. L’expression a la trina a été traduite à tort par des voiles latines. Ces voiles complémentaires sont utilisées en Méditerranée pour exploiter le moindre souffle arrière, louvoyer (de lœf en scandinave), remonter le vent. Leur présence impose d’autres supports que le mât majeur. Les textes mentionnent deux mâts sur des nefs, de forte capacité, sur les caraques et sur quelques baleiniers aux alentours de 1420-1430, de trois mâts et d’un beaupré ou mât oblique, sur l’avant, portant les étais du mât principal à la fin du siècle, et même de quatre mâtures à l’époque de la Renaissance.
67– Une petite voile d’étai, carrée parfois, plutôt triangulaire ou à antennes, du nom des vergues, en usage en Méditerranée, est adaptée, au début du XVe siècle, à un mastereau ou mâtereau d’artimon, un bas-mât sur l’arrière. Un contre-artimon peut même être hissé entre le précédent et l’étambot. Un premier vertical à l’avant, le mât de misaine ou de mesane, miniaturisé sur les représentations, nommé encore un barceil ou bourset, serait plus tardif que le précédent, supporte une petite voile carrée, à l’avant.
68Ces nouveaux focs d’artimon ou de tapecul, de misaine qui tiennent compte du centre de gravité du navire, sont adoptés par les marins, moins pour la propulsion, que pour équilibrer et stabiliser un navire qui a tendance à pencher sous le poids des châteaux et à tanguer. Ils facilitent le maintien dans le vent19.
Les jeux de voiles
69Des jeux ou variétés de voilures, de différentes épaisseurs, légères et souples, tout en étant résistantes, sont taillées, au coupe-laize, dans de la toile de canevas en chanvre, moins souvent en lin.
La voilure et les gréements vers 1480

Extrait de Robert Fossier, Le Moyen Âge, tome III, Le temps des crises 1250-1520, Paris, Armand Colin, 1983, p. 386.
70– Les comptes du Clos des Galées et du tabellionnage de Rouen font état à plusieurs reprises d’achats de tissu20. Plusieurs contrées sont susceptibles de produire à cette époque du beau brin de chanvre, d’excellentes fibres, permettant de tisser l’équivalent des olonnes de Vendée et de Basse Bretagne. Il est courant dans les régions côtières ou intérieures (le Vitréen) que le tissage local ne suffise pas à alimenter le marché. La Normandie, pourtant grosse productrice de chanvre en importe aussi d’Angleterre, des Pays-Bas et lui substitue parfois le lin et le coton (à Rouen).
71Les voiles, cousues par bandes de ris, de laizes ou de fractions de laizes, s’usent vite, souffrent avec le mauvais temps, et doivent être remplacées à plusieurs reprises. Un capitaine prudent ne prend jamais la mer sans voiles de rechange qui figurent sur quelques inventaires.
72– Le chanvre des ateliers de voileries sert également à confectionner les cordages, un fil à voile à la fois fin et résistant, des haussières ou gros filins pour les manœuvres de remorquage, des haubans pour tenir et bouger et les gréements, d’autres estrencs (cordes) pour guinder les mâts, les attacher solidement, pour carguer ou plier les voiles, du menu matériel d’accastillage adapté aux superstructures. Un chantier naval importe aussi des colliers, des liens en fer, du suif pour enduire les cordages, le mât et même la carène comme pour adoucir les pièces. De la poix, de la résine ou brai de pin d’Espagne, de Majorque, de la glu de hêtre ou de bouleau, du goudron hollandais entrent, avec l’étoupe brute ou filée, dans les opérations de calfatage et confèrent au navire cette odeur si particulière. Quand on en met des couches trop épaisses, le chanvre a tendance à s’échauffer.
73Avec la toile, on fabrique aussi des trompes ou manches à air, utilisées sur les gros navires pour distribuer l’air à l’intérieur.
Vue de Rouen et de la Seine

Dès l’époque carolingienne, les Rouennais étaient capables de recevoir une trentaine de navires sur leurs quais en bois et en pierre hérités de l’Antiquité. Les gabares de la Seine offraient comme celles de la Garonne plusieurs variantes et servaient à transporter des marchandises, des soldats, des voyageurs traversant le fleuve21.
Manœuvrer dans le vent
74Tout l’art consiste à « gagner dans le vent », à lofer, à louvoyer au plus près des côtes.
75« Et rentrèrent en leurs vaisseaux et coururent par mer » dit un instant le chroniqueur Villehardouin22. Le mot mer recouvre un monde inquiétant, dangereux, plein de risques que l’homme ne domine pas.
76Les Vies de saints, les cycles de romans arthuriens, les récits des troubadours évoquent fréquemment les allures « au plus près du vent », à travers le thème symbolique du marin qui se mesure à une mer déchaînée, du voyageur devenu la proie de la ruse du vent, de la malice des flux et des reflux, des courants, des « gros et dangereux rochers ». Les périls encourus au cours d’une traversée ne sont-ils pas à l’image des difficultés de l’existence23 ?
77Manœuvrer un navire exige, nous le verrons avec les tempêtes, des qualités professionnelles. Il faut savoir lofer, louvoyer, garder l’allure de fuite ou gouverner de manière à recevoir le vent par l’arrière, mettre si besoin à la cape ou réduire la voilure tout en conservant le bon cap, quelquefois dériver volontairement, bien user des manœuvres courantes ou cordages mobiles, etc.
78Pourtant, les gestes familiers des barreurs, les allures et les manœuvres requises n’ont suscité que peu d’intérêt dans les écrits. La vision du navire, « toutes voiles dehors », lofant à l’aide du gouvernail ou timon relève plus de l’imaginaire ou de la symbolique du monde que d’une réalité vécue. Les documents iconographiques représentant des navires montrent davantage des surfaces de voilure ferlées ou gonflées par un souffle de vent léger que des scènes de tempête.
Bourlinguer par « fortune et deffortune de vens »
79Dès qu’il a levé l’ancre et « laissé les voiles aller au vent » (G. de Villehardouin) ou « courir vers le lof », le marin doit faire montre de sang-froid et d’expérience dans son difficile « mestier de mer ». Longer une côte à récifs ou des bancs de sables et de graviers, affronter l’immensité océane, synonyme d’inconnu, d’instabilité et de changement, multiplient les risques et effraient plus d’un homme expérimenté. Une fois la côte perdue de vue, il n’y a plus rien de stable sur quoi se raccrocher sur l’immense étendue liquide et la crainte envahit les esprits les plus endurcis, alimentée par des légendes sur des rochers monstrueux, des tourbillons insurmontables, des animaux fantastiques, de merveilleuses mais redoutables créatures féminines, les sirènes aux chants mélodieux remplis de traîtrises.
80De mauvaises rencontres sont imprévisibles, celle d’un cétacé, de corsaires et de pirates venus, on ne sait d’où. Chacun doit se préparer à subir l’usure inévitable et rapide du matériel, les maladies communes ou particulières au monde marin (le scorbut), le manque d’eau douce, les conséquences dramatiques d’une chute « froessant la teste jusqu’à la cervelle » ou « rompant une jambe ». L’assurance ou la gaîté d’un départ réussi cède vite la place à la crainte devant le moutonnement des vagues, à la peur paralysante devant la furie de flot marin. Comme dans la littérature scandinave à l’image d’un récit de Snorri l’Islandais, les déferlantes sont baptisées et leurs neuf appellations principales évoquent des froides, des géantes, des bruissantes, des attaquantes, des dévoreuses… Les crêtes blanches laissent d’ailleurs imaginer la présence de créatures mythiques, venues de l’onde soulevée par le vent.
Un des aspects les plus étonnants de l’imaginaire médiéval, hérité des siècles les plus lointains et les plus obscurs est la peur paralysante devant des animaux monstrueux, réels comme la baleine Jonas, sortis de l’Ancien Testament ou du cerveau d’humains tourmentés. La barque, ballottée par les flots impétueux est comme l’Église qu’elle symbolise, bien frêle au milieu des flots et des bêtes démesurées et immondes.
Un sérieux danger pour les marins : le chant des sirènes24

Le mythe antique d’Héraclès et du monstre marin, un thème repris au Moyen Âge

Dieux et Hommes, Mélanges F. Thélamon, p. 555.
81Les vagues fatales ne sont pas sans évoquer aussi les sorcières qui, selon le cas, condamnent ou sauvent le navire et l’équipage. La malédiction de l’envoûtement par le chant des sirènes est associée aussi à des bruits insolites que véhiculent les airs, à des hurlements que les marins en péril de leur vie croient entendre.
82– À peine sorti de la passe du port, seul ou remorqué à l’aussière par une embarcation, le navire, dont on a étarqué les voiles, est livré à lui-même, a tendance à dériver sous la poussée du vent qui ne souffle pas automatiquement dans le bon sens, affronte donc ses premières difficultés. Rares sont les navigateurs que tout favorise. « Quand il lui paraît nécessaire de quitter la ville, il part, un beau matin. De très bonne heure, dès l’aube, Therfès a préparé la nef. Déjà elle est chargée à souhait des meilleures marchandises qu’on puisse trouver jusqu’à Alep. Dès que la nef est sortie du port et qu’ils sont en pleine mer, le vent commence à forcir… Les marins s’écrient « à la manœuvre ! à la manœuvre ! » écrit Chrétien de Troyes dans Guillaume d’Angleterre25.
83Les petites unités, non pontées, de faible creux sous le tillac, évitent de sortir par fort vent, quand les vagues déferlantes malmènent les bordages. L’hiver constitue plutôt une morte-saison où les voiles sont repliées des semaines entières. Le bon marinier doit savoir manœuvrer une lourde caraque dont un côté est frappé par le vent. Il lui faut gouverner une caravelle ardente, orienter sa voile, border (raidir) les haubans et les drisses, amurer ou mettre en place les cordages qui tiennent le coin inférieur de la voile latine, empêcher de dévier, de se retourner… Ce sont les tâches habituelles du barreur, du pilote, de lamant ou lamaneur, et de l’équipage dont les capacités nautiques viennent d’un savoir-faire empirique.
84Les opérations sont démultipliées par un menu matériel de gréements dont les listes figurent dans les achats d’un chantier naval ou dans les contrats.
Des inventaires, à l’image de celui de la grande nef, la Louise de Rouen, en novembre 1516, livrent des variétés impressionnantes de bors ou madriers (bois de construction navale), d’aissas ou cordages, caabels ou câbles, de cordages de chanvre goudronné ou suiffé. Ils distinguent les cableaux, les cargues à retrousser une voile, les haussières et les haubans de maintien, les écoutes et d’autres filins qui servent à arrimer les pièces et les objets, à hisser la grand-vergue ou les voiles de misaine, à étayer, à accoster, etc. Les archives énumèrent pêle-mêle des roues de cuyvre à haler l’escoute, des pouslies ou pucheurs, des ytaques ou estagues, des ballansines ou balanciers, des drisses, un guindeau ou cabestan, du goutren ou goudron, etc.26.
85Barrer un navire suppose la présence d’un immense aviron de poupe ou d’un gouvernail d’étambot, de grande taille, bien arrimé à l’arrière pour éviter que ses ferrures ou fémelots ne se brisent au premier coup de mer. La pièce est délicate à monter et à cheviller, rude à manier à la barre. On entrevoit sur des miniatures des gouvernails, capables d’atteindre un quart de la longueur d’un navire !
86– Les coups de vent de travers par mer grosse, les changements brusques de temps et d’allure sont craints à bord de tous les navires, et pas seulement sur les galées de faible tirant d’eau ou sur les nefs super voilées et fatiguées par plusieurs voyages. L’inquiétude croît dès que la mer s’enfle, que les vagues se gonflent, que la couleur de l’eau change et se noircit.
87Le marin, ainsi ballotté au gré des flots, doit savoir, à tout instant, drisser ou manœuvrer le palan qui hisse ou abaisse la voile, déferler ou déployer la surface de toile ou la hâler en bas, la réduire, l’affaler, limiter les bonnettes si le vent devient trop fort, enverguer les bandes de ris et étarquer (roidir) les fards suspendus aux espars. Il s’efforce de maintenir le navire à l’effort ou au vent ou dans le lit du souffle, à moins qu’il n’ait tendance à y venir, de lui-même. Dériver ou se débouter un temps s’impose quelquefois. Car rien n’est pire que ces ruses du vent qui poussent le navire à embarder et le précipitent sur des rochers.
88Mieux vaut fréquenter les zones de vents réguliers où le marin se laisse porter par une allure allègre que les secteurs côtiers où les régimes éoliens ont la réputation de changer brusquement d’orientation et où les voiles commencent à faséyer ou à s’agiter. L’idéal est quand la barre est réputée souple, quand la voile ronde est bien pleine de vent. Une embarcation à large cale doit éviter aussi le déséquilibre pondéreux, le transport d’une charge ou d’une pièce d’artillerie mal arrimée qui ripe jusqu’à provoquer de graves accidents. L’insuffisance de lest déséquilibre le navire au point de le faire chavirer quelquefois. Combien de navires « trempent du nez » et deviennent vite incontrôlables27 !
89Accoster sur une côte jugée maléfique, balayée par les vents et les courants violents, est si difficile qu’un écrivain ibérique, Garcie Ferrande, a parlé avec admiration du « très subtil, habille, courtoys, azardeux et dangereulx art et mestier de la mer28 ».
L’inverse, le navire trop mou
90Les calmes, l’absence de vent, qui condamnent à réduire la vitesse à la cape ou même à l’inertie, à empanner (mettre en panne) les plus grosses unités, encalminées des jours entiers, inquiètent, démoralisent les équipages. « Les Bretons veulent repartir, l’absence de vent favorable les rivent cinq jours. Le sixième, par un faible vent d’est, ils détachent leurs amarres pour se mettre en route ; leurs navires, poussés au large, entrent bon gré mal gré dans le port de notre île appelé “La Conque” », raconte le chroniqueur Ermentaire dans un texte du IXe siècle29. Le marin d’un navire mou n’a d’autre solution que de patienter en attendant que le souffle revienne ou de se faire tirer par des barques à rames. Le pire survient si un courant sournois dérive lentement l’embarcation et la drosse sur des écueils ou des flèches de sable. Les harenguiers, les maqueliers ou maqueleurs, les sardiniers, les cordiers, les tramelleurs, parvenus sur le banc de poissons, se laissent, par contre, volontairement dériver des heures durant.
91Les mariniers des voies fluviales ont le choix entre stationner dans un espace qu’on nomme posée ou avoir recours au halage ou touage des haleurs qui tractent depuis une chaussée parallèle et un chemin pour le trait des chevaux.
La science du vent
92Elle nous est livrée par des textes littéraires qui s’écartent quelquefois de la réalité banale, par des mesures normées, des peintures et des récits contemporains confrontés avec les pires tempêtes.
« Si Alexandre, bien avisé,
En haute mer n’eût remarqué
Que sa nef donnait de la gîte,
N’eût su à temps la redresser » (Sébastien Brant, p. 349).
93Des générations de marins expérimentés, depuis la plus haute Antiquité jusqu’à l’époque des grandes découvertes, se sont efforcés de reconnaître et de maîtriser les vents, d’anticiper les sautes. Ils restent, malgré tous les risques encourus, les auxiliaires indispensables du marin et du pêcheur quand ils soufflent du côté arrière, assurent une allure portante régulière et permettent de parcourir une bordée en louvoyant et sans virer de bord30.
94– L’idéal pour l’équipage d’un voilier est « de tendre à venir au vent », d’être « porté à gré » ou « à plaisir », d’être poussé à bonne allure par un vent arrière favorable, qui raccourcit les étapes.
95Les récits de notre littérature usent volontiers de termes dithyrambiques pour raconter un excellent voyage : « si bel et si jolys… que cestoit grant plaisance à aler par mer… d’une seule grande voile ». « Le temps est beau et le vent soufle. Il n’y a rien qui ne puisse détourner le navire ou l’arrêter » dit un instant Marie de France dans Guiguemar31. « Bon temps et ventz propices et convenables pour sortir dudit havre de Quimperlé en la mer et pour venir sur le havre de la présente ville de Bourdeaulx » reprend, de son côté, un acte bordelais de 1548. « Le dixième jour (après un calme), avec le soleil, le vent d’est se lève ; les marins, joyeux, hissent les vergues et tendent les voiles » poursuit Ermentaire dans son récit de l’époque carolingienne. « Une petite brise très douce souffle sur eux, qui demeure pour nettoyer et balayer le ciel (de tout orage). » Bon vent pousse le navire à une vitesse raisonnable et le conduit à destination. « Les marins se mettent à la tâche de telle sorte qu’ils font entrer non sans peine la nef au port, toute saine et entière, en louvoyant devant le château » (Chrétien de Troyes). « Le vent s’est levé sur la mer et frappe la voile en plein milieu ; il pousse la nef vers la terre » lit-on un instant dans Tristan et Iseut. Le souffle apprivoisé devient même, dans des récits à connotation mystique, la manifestation du bien au service de l’homme.
96– « Cognoistre l’estre et la naissance des vents », une formule extraite d’un contrat de navigation bordelais, cité par J. Bernard, rappelle la nécessité d’un repérage de l’orientation des vents et d’une estimation de leur force, a fortiori dans le cas où le navigateur serait pris dans l’infortune du temps ou dans de males mers.
97La connaissance empirique des courants éoliens et marins, des écueils, est la propédeutique du savoir nautique avant d’affronter les rias, les détroits, les écueils, les barres rocheuses et les marées. À défaut des enseignements d’une météorologie astronomique, des indices permettent de faire des prévisions de courte durée, de se méfier du roge matin aussi changeant que l’humeur féminine, de la bise « halant le nord », « du vent d’arrebat » de Gascogne qui charge à la côte. Un navigateur familier de nos côtes occidentales connaît inévitablement, un jour, les aléas d’un temps d’ybern, les fantasmes des vents de mer ou de dessus la terre, les terribles brises du nord. Le barreur veille à conserver le cap, sans carte, le long d’une côte, généralement dépourvue de phares et de balisage. Il s’oriente en fonction de menus repères : un clocher, une croix, un bosquet, une colline ; il observe les nuages. Le mieux est de disposer d’une boîte ou boussole à aiguille aimantée et des rares instruments de guidage astronomique.
98La circulation sur un fleuve n’est guère plus aisée contrairement à ce qu’on pourrait supposer. Quiconque remonte la Seine dans un navire d’une centaine de tonneaux et avec un bon pilote ou lamaneur pour rejoindre Rouen doit connaître l’heure des marées, le mascaret et attendre des conditions favorables dans une « posée » correspondant à une escale technique (à Quillebeuf ou à Caudebec par exemple). L’idéal est donc de disposer d’une bonne direction des vents, d’une brise d’ouest et du sud-ouest à l’embouchure de la Seine et d’un temps suffisamment dégagé pour repérer le bon chenal et éviter la brume, les bancs de sable et de graviers32.
« L’atterrissage à l’abri du vent »
99Après des heures difficiles, la peur d’être drossé sur les écueils, la côte salvatrice se dessine, se rapproche enfin.
« Tout à coup retentirent les cris des mariniers : “Terre, Terre !” À l’horizon, les côtes de la Cornouaille étaient en vue et tous étaient heureux de toucher au terme du voyage, hormis Iseut qui appréhendait plus que tout de se trouver en face du roi Marc, et Tristan, car s’il avait été le maître de sa destinée, il aurait vogué dans fin sur les flots avec celle qui était désormais son charme et sa joie33. »
100L’atterrissage à bon port, accompagné du jet d’ancre ou d’ancrille, et d’un amarrage sur une solide bitte, est un soulagement pour tous. Il signifie la fin des inquiétudes, une promesse de paye pour les mariniers, de bénéfices pour les armateurs, des moments de détente, de fête dans les cabarets du port.
Retrouver la bonne « rive » maritime
101Les marins, soucieux de leur sécurité, relâchent dès que possible sur une côte sécurisée, tant pour leur réconfort moral que matériel.
102– « Séjourner et demourer seurement et sauvement » sur une rive, sur un arrivage à usage de refuge, de havre de salut, sur un rivage accessible, protégé contre les vagues monstrueuses et les furies tempêtes, bien défendu contre les ennemis, sont les souhaits rencontrés dans les demandes d’aménagement portuaire ou dans un ouvrage de navigation. « Le grant routtier et pillotage et enseignement pour encrer tant es ports, havres que aultres lieux de mer » de Pierre Garcie Ferrande en 1483 reprend ce leitmotiv qu’évoquent aussi les enquêteurs à chaque demande de construction d’un quai.
103Faire escale dans « le plus beau havre qu’on sache et le plus fort » (La Rochelle), dans « un port grand et spacieux dans lequel pouvoient se tenir ensemble cinquante grandes nefs » reste pourtant une exception en France. La plupart des ports du Royaume ne sont en effet que de simples abris au fond d’une échancrure côtière ou d’une baie, dépourvus d’équipements, mieux adaptés au cabotage qu’à un trafic en haute mer, qu’à l’entrée de plus gros navires à voile et à rames. Les centaines de petits ancrages, rencontrés sur les façades maritimes de l’Atlantique et de la Manche, sont des lieux précaires d’un accès délicat. Rejoindre Penmarc’h, la baie exposée d’Audierne, l’anse de Camaret, relier Saint-Mathieu ou Lampaul d’Ouessant par une mer agitée ou un gros grain exigent une solide expérience et il faut parfois attendre la marée pour gagner le port (Roscoff ou Saint-Pol-de-Léon)34.
104– Le mot rive ou rayba, cité dans les archives s’intéressant aux potentialités d’un site naturel et à son usage commercial désigne une zone marchande, disponible en bordure de la mer ou sur la berge d’un cours d’eau et d’un pont. Il implique, au mieux, un portus, d’un usage polysémique au Moyen Âge, désignant à la fois une ouverture, un refuge, un débarcadère, et un quartier marin, un havre perçu comme un endroit protecteur.
105Le terme est couramment cité dans les textes relatifs à Auray, à Brest, à Landerneau, à Paimpol, à Quimper, à Tréguier, à Morlaix, à Pont-l’Abbé…
Sans porter ce nom, un quartier portuaire existe sous cette appellation à Dinan ; il débute avec la rue du Jerzual, se prolonge au-delà de la tour-porche de l’enceinte et rejoint, par une forte dénivellation, la « rivière » ou la Rance.
La Rive du Dossen à Morlaix part de la porte Notre-Dame, rejoint la place de la Poissonnerie et le départ de la Rue appelée encore la rue de la Ville Neuve, un quartier périphérique qui se développe bien avant l’époque moderne et jouit de privilèges fiscaux particuliers, de l’exemption de fouage au profit des aides directes, moins astreignantes. La langue de terre au pied de l’enceinte et les rives qui l’encadrent servent de débarcadère.
106D’autres vocables expriment la même idée ailleurs ou ont une signification voisine. On évoque un hable à Fécamp ou à Dieppe, un applé dans le Namurois, une chaussée du port avec voie d’accès, des habitations en façade, des ateliers en clos ou en fusterie et des entrepôts. Le rivage ou la rue du port désigne à Saint-Omer, avec le Vin-quai et le Haut Pont, un espace encombré de tonneaux de vin35.
107– La plupart des ports sont nés d’un triple impératif : l’adaptation à des conditions naturelles particulières, le passage d’un grand chemin par un gué ou un pont et l’intérêt économique et stratégique nécessitant la présence immédiate ou prochaine d’une enceinte ancienne ou d’un simple donjon de bois puis de pierre.
108La côte armoricaine répond parfaitement à ces conditions propices. Le choix et la maîtrise d’un site fluvio-maritime, d’un aber ou ria en Bretagne s’avèrent judicieux. Plus en aval, les rives s’écartent en estuaire, la rivière se confond avec la mer et le bras est trop large pour pouvoir être enjambé par un pont ; l’espace est envahi par les flots marins à chaque marée pour se transformer en une grève vaseuse, sablonneuse et herbue à basse eau. En remontant la vallée en amont, la rivière (L’Elorn, l’Aulne, l’Isole, le Trieux, l’Odet, la Rance) s’encaisse dans la pénéplaine centrale ondulée, longtemps couverte de forêts profondes et de landes immenses, sinue entre les hauteurs dont l’accès par des versants abrupts, correspondant à des affleurements de roches dures, s’avère difficile.
Le bourg d’Auray domine la rivière du Loc’h, le port et la rive de Saint-Goustan. Hennebont occupe un emplacement similaire sur le Blavet. Lannion est à six kilomètres de la mer, à l’endroit où la vallée du Léguer s’élargit. La bourgade de Landerneau est construite sur les bords de l’Elorn dont la vallée est comme un coup de sabre entre le Léon et la Cornouaille à treize kilomètres de la rade de Brest qui communique avec l’Océan par un goulet protecteur de moins de 2 km de large. La Roche-Bernard domine le cours de la Vilaine. Quimperlé est à la rencontre de l’Ellé et de la « rivière d’Izol ou d’Yzoll » (l’Isole) en fond de ria qui, sous le vocable moderne de Laïta, rejoint l’Océan à 17 km en aval36.
109La présence initiale d’un gué ou d’un premier pont a permis le franchissement du fond de la ria. La bourgade de Landerneau est à la jonction de plusieurs chemins fort anciens qui mènent à Brest, à Carhaix, à Quimper, à Lesneven.
Quimper, future cité épiscopale, est placée au creux de la ria de l’Odet, au point de rencontre de plusieurs rivières affluentes, le Jet, le Frout, le Steïr. Son nom de Kemper qui succéda au village antique de Locmaria suggère d’ailleurs la conluence. Vers l’océan, le cours d’eau se transforme en un bras de mer, trop large pour être aisément franchi ; en amont les versants de la vallée trop raides sont propices à l’exploitation de carrières. Le seul endroit où une agglomération peut s’épanouir est celui où le leuve se limite à 250 m de large et où des échancrures dans un cirque de collines autorisent la convergence de plusieurs chemins vers le pont37.
110Les possibilités de protection sur une hauteur voisine ont joué un rôle déterminant. Une ville antique, close de murailles au IIIe siècle, remplit cette fonction à Nantes, ancienne Condevicnum puis Portus Namnetum, Vannes, ancienne Darioritum. Ailleurs, un donjon en bois ou un castrum, avec un fossé, une levée de terre et des palissades a encouragé l’installation et le regroupement des humains dans ce qu’on appelle des villes castrales aux abords d’un pont38.
Morlaix, le quartier du Dossen, vers 1500, reconstitution d’après une peinture de Victor Surel en 1906

Musée des Jacobins de Morlaix.
Le donjon de Morlaix apparaît sur la colline qui surveille le Dossen. Les premières maisons, à l’étroit sur la langue de terre entre deux rivières, gravissent les pentes des collines de Kernéguès, de Saint-Martin, de la Madeleine et de Coat-Serho. Une réserve de chasse ducale, le Parc-au-Duc, est comprise dans les limites administratives urbaines39.
111Morlaix illustre parfaitement cette catégorie de ports en voie de développement, représentée par des marins et des armateurs entreprenants, véritables « rouliers des mers ». Il aligne le plus grand nombre de vaisseaux de toute la Basse Bretagne et son chiffre d’affaires est supérieur à celui des autres Léonards et de la plupart des Bretons. Le port du Dossen dispose, il est vrai, d’un fret abondant et varié.
Il n’y a pas de rivage dans l’Atlantique sans que les Morlaisiens n’y fassent acte de présence. Ils détiennent même la moitié des navires bretons qui fréquentent l’Angleterre méridionale : Southampton, Plymouth, Darmouth, et surtout Exeter où 38 bourgeois de la ville envoient des navires en 1492-1493 et font environ 1 800 £ ivres sterling de bénéfices commerciaux sur un total breton de 2 041 £. D’autres actes permettent de les retrouver en Flandre et en Hollande, le long des côtes de l’Atlantique et au-delà des Pyrénées jusqu’à Cordoue, Grenade et Madère, où ils viennent se livrer en vins chargés d’alcool, en Jérez, en oranges et en colorants. La ville exporte des crées, produites par des texiers en ville et dans la campagne voisine, des toiles qui servent à fabriquer du linge de corps, des sarraus et des chausses pour les ouvriers et les paysans, de gros draps de bure ou bureau, des voiles de navires. Il écoule aussi d’importantes quantités de cuir, du parchemin, du papier, des pots d’étain, des cloches d’église, des objets d’orfèvrerie et toujours les produits habituels de la campagne bretonne, des « gros et menuz blez » par tonneaux entiers, des légumes (oignons et aulx,) du beurre, du poisson frais et salé (morue, maquereau, congre, hareng), du lardigou. La châtellenie et la ville qui passent pour plus peuplées que d’autres secteurs du Léon réclament de la pierre à bâtir venue de l’île de Batz ou d’ailleurs, des ardoises de Gourin, de la chaux, du vin par barils, du sel, des produits exotiques rares et chers comme les confitures ou les sirops de sucre de canne de l’Algarve et de l’Andalousie. Les bribes de comptes paroissiaux de Saint-Melaine et de Saint-Mathieu, la pancarte de la coutume des « costeraz » ou droits de transit livrent de précieux renseignements sur la nature, l’origine et les prix des matériaux et des vivres importés.
112Le chantier naval et le port de Morlaix sont capables de livrer et d’héberger des navires de 700 à 1 000 tonneaux comme la Cordelière et la Maréchale du temps de la duchesse Anne.
113L’importance maritime ou fluviale, ou les deux à la fois, tient aussi à l’addition d’autres facteurs favorables : les facilités de commercer, le transfert des marchandises des navires de haute mer sur de simples barques capables de remonter les cours d’eau et vice-versa. Elle dépend aussi d’un accès rapide dans une échancrure de la côte (Dieppe) ou dans un estuaire (Rouen et ses avant-ports, Bordeaux), d’une bonne protection contre la houle, les courants, les bancs de sable ou de graviers, ou encore d’une rive stable qui ne soit pas marécageuse (Rouen, rive droite)40.
114L’expansion suppose aussi un hinterland prospère et peuplé offrant des produits alimentaires et industriels à vendre. De gros chantiers navals ou militaires réclamant des matériaux de construction comme le Clos des Galées à Rouen tirent profit des infrastructures routières, des carrières ou perrières, des ardoisières. Les ports de Bruges, de Lyon, de Montpellier répondent à tous ces impératifs.
La prise de possession de la rive et la qualité des abris
115Au terme d’une longue évolution sur des générations, plusieurs zones d’accueil existent, de la plus simple, réduite à une plage, à une crique, à une rive sans aménagements à une rue aux vessaulx (Quimperlé), au véritable complexe portuaire plurifonctionnel.
116– Les petites bourgades maritimes, de 1000 à 2000 habitants, celles qui sortent de l’ombre sur le tard aux XIIe et XIIIe siècles se contentent pour le moment de simples échouages.
117Les barques à faible tirant d’eau sont tirées le soir sur la plage à la main ou par un guindeau ou guidas (treuil) comme dans un port du Midi ou restent à distance du rivage, attachées à des pieux. Le personnel pratique alors le transbordement des marchandises pondéreuses des navires de haute mer sur des plates qui desservent aussi les îles. De tels havres, avec points d’amarrage réduits, installés dans des lieux sécurisés, au fond de leur chenal d’accès, sont utilisés autant par les pêcheurs que par les patrons de « caboteurs » qui longent la côte. Le livre-rentier de Vannes de 1455 indique la présence dans le quartier de Calmont, au sortir de la porte de Gréguinic, d’un « vieill port » réduit à quelques poteaux où s’amarrent les barques allant chercher de la pierre, du vin, du poisson et des céréales dans le Golfe du Morbihan et dans la Presqu’île de Rhuys. De tels havres, subordonnés à des conditions naturelles propices, se sont parfois révélés insuffisants quand l’essor commercial commence à porter ses fruits, dangereux d’accès pour des navires dépassant les 100 tonneaux.
118Les échouages « sur la rivière », sur une grève ou une plage en pente douce comme celle de la Cavalerie à Arles, font office de rive, de portus primitif depuis la Préhistoire. Ces abris, dans une crique de la côte ou en bordure d’un cours d’eau, devenus des points d’amarrage doivent, pour se développer ensuite, être voisins d’un maillage routier dense, de ruelles chéant sur la ripvière, d’un espace habitable, de prairies pour un prochain marché. Mais le gros problème reste l’accès difficile pour des marins manquant d’expérience. Atteindre la rade de Penmarc’h et son escale de Kérity, la baie exposée d’Audierne, l’anse de Camaret, relier Saint-Mathieu ou Lampaul d’Ouessant par une mer agitée ou un gros grain, remonter la Loire ou la Seine, par un chenal mal dragué, nécessitent des capacités que le commun n’a pas forcément. Les mariniers doivent parfois attendre la marée pour gagner le refuge comme à Cancale, Portbail, Roscoff, Saint-Vaast-la-Hougue.
119Les activités des pareils havres se découvrent à travers des séries de comptes, des pancartes ou tarifs de taxes douanières et d’octrois, des bribes d’informations tirées d’aveux ou déclarations de biens, de cartulaires (Quimperlé). Déjà plus précis sont les enquêtes fiscales, les suppliques de fermiers malchanceux, les procès intentés à des marchands locaux ou forains, et surtout ces gros registres ou livres-rentiers, censiers, coutumiers où sont énumérés des listes de biens et de propriétaires imposés aux rentes ou cens. Les archives de la Chancellerie et de l’ancienne Chambre des comptes du duché de Bretagne détaillent un tarif douanier général, par secteur côtier, appelé « la pancarte des droits d’entrée et de sortie dus au duc dans les ports de Bretaigne ou fermes des ports et havre d’entre le Couesnon et l’Arguenon ». Ce document, de la fin du XVe siècle, fourmille de renseignements sur la nature des entrées (importations) et des yssues (exportations) d’un grand fief du Royaume de France. Ces douanes affermées, calculées par charges, poids ou par unité, rapportent entre 30 000 et 40 000 £ ivres en monnaie bretonne (à 20 sous la £ ivre et à 12 deniers le sou) pendant la seconde moitié du XVe siècle, soit moins de 10 % des recettes budgétaires du duché41.
120Des ports remontent à l’Antiquité et continuent de fonctionner sensiblement avec les mêmes équipements une partie du Moyen Âge, avant d’être victimes de l’ensablement (Fréjus). Ces abris aussi réduits que le port moulier (sic) de Saintes ou le port sur la Midouze de Mont-de-Marsan ne dépassent pas ce stade primitif.
121– L’idéal est d’arriver dans un espace portuaire mieux aménagé, situé en dehors d’une enceinte primitive, vers l’aval ou l’amont, sur un terre-plein près d’un pont, dans une île (Concarneau, Saint-Malo), bientôt inclus intramuros à l’époque de l’extension des murailles protectrices.
122Ce stade de développement est encore courant dans les villes moyennes, dans 300 ports environ à rayon d’action encore limité, égrénés le long des côtes françaises à l’époque de la guerre de Cent Ans. Le marin y découvre des berges talutées et munies d’appontements, de cails, calles ou pontons inclinés, de marches en pierre servant de débarcadères ; il trouve aussi de long d’épis sur le cours d’un fleuve, d’escars ou estacades et de vrais cays en pierre de taille, munis de bittes et d’anneaux d’amarrage, sont installés au cours du XVe siècle. Des fousses ou souille, en fait des cales-sèches fermées par des batardeaux sont signalées dans les arsenaux les mieux aménagés, l’équivalent des darasanes catalanes. Vatteville en Basse Seine, dépendant de l’abbaye de Saint-Wandrille, disposait, dit-on, de cales de raboub.
123L’accès se fait par une passe d’entrée doublée d’une simple poterne appelée souvent « porte d’eau » ou d’une véritable porte en bois renforcée de pentures.
124À de rares exceptions près comme à Tréguier où un beau quai existe à l’aube des Temps Modernes, l’utilisateur se contente, en fait de quais, d’un assemblage de moellons et de poutres, de pilotis fichés dans la vase ou d’une paulée de pieux, liés entre eux par des claies, des planches (Harfleur). Ce ne sont que des pis-aller pour amarrer les barques, limitant encore les possibilités d’embossage, de déchargement et de stockage. Ces dispositifs qui nous paraîtraient maintenant ridicules sont déjà un signe d’une évolution en cours. Si le portus de la Fihole de Marmande est minuscule, la jetée du port de Dieppe est : « un grand édifice de bois construit et assis dedans la mer pour tenir ouverte l’entrée dudit havre car autrement il serait estouppé42 ».
Quillebeuf, avant-port de Rouen, étape dans une remontée fragmentée de la Seine, dispose déjà de 80 points d’ancrage au XVe siècle et d’une petite digue. Nombre d’installations portuaires, appelées dans les écrits, des « quais », ne sont en réalité que des berges talutées et retenues par des pieux. Ainsi se présentent les avant-ports de Rouen (Tancarville, Aiziers, Caudebec, Vieux-Port, Jumièges, Quillebeuf), des abris de la côte bretonne et même le havre, pourtant connu, de Vannes.
125– La notion de complexe portuaire maritime ou fluvial, de dimension internationale, concerne un nombre très limité de ports dont nous avons donné quelques exemples dans notre étude sur les rivages faisant partie des terres urbaines : Bayonne, Bruges, Gand, Paris, Rouen, Lyon, Nantes, La Rochelle, Bordeaux, Narbonne, Montpellier, Marseille, Saint-Gilles du Gard. Les comptoirs les mieux aménagés pour l’époque disposent de bassins avec portes amovibles ou de berges aménagées et spécialisées, de postes de débarquement ou de transbordement, de quais en bois ou en pierre et d’entrepôts, chaix et salorges à sel, pour stocker le vin, les céréales, les peaux, les métaux. De grandes agglomérations disposent de plusieurs pôles commerciaux pour accueillir des « navires vraiment marchands » ou de plus fort tonnage.
126Deux exemples permettront de défiinir cette catégorie exceptionnelle.
127– Nantes occupe une place privilégiée, sur une petite élévation, à la confluence d’un fleuve fréquenté, la Loire et de son affluent l’Erdre qui dessert la campagne au nord, au départ d’une série de ponts rejoignant, par le bourg de Saint-Sébastien, l’itinéraire poitevin ou la presqu’île de Guérande avec ses salines et ses vignobles43. Plusieurs ports se sont succédés au fil des siècles et sont maintenant utilisés au maximum de leurs possibilités.
128Le Port de Richebourg, jusqu’au pied du château, remonte à l’Antiquité. Il est capable de recevoir des produits pondéreux indiqués sur des pancartes ou tarifs d’impositions, de grosses quantités de pierre dont certaines viennent du Saumurois, de bois jusqu’à 40 chênes en une seule fois pour faire des piles de ponts (1477) et de sable. Son cail est un plan incliné en dur sur lequel on peut tirer les bateaux légers, des sentines, des escaffes ou estaffes de six à douze tonneaux, des batels (barques), des challans et vaissaulx qui ne dépassent guère les 50 tonneaux.
129Mais l’essentiel des activités a été transféré, un peu plus loin sur la berge de la Loire, au Port Briant-Maillard, situé au débouché d’une porte du même nom. Il commence avec le Château des Ducs en chantier, longe le couvent et les jardins des Dominicains, et rejoint la place du Bouffay où se trouve la « maison commune » (mairie) et l’horloge. Une langue de terre, visible sur les plus anciens plans cavaliers, a été transformée en un quai d’une soixantaine de mètres de large, séparée de l’enceinte de la Cité, par un fossé. La simple estacade de bois est remplacée peu à peu par un ouvrage en maçonnerie dont on suit les détails de la construction dans les archives municipales. Le Port Maillard reçoit du grison ou de la granulite blanche de la carrière de Misery à Chantenay, du tuffeau de Saumur, du fer espagnol et du cuivre suédois (?), du plomb, de l’étain anglais, de l’acier pour l’artillerie, des boulets de canon de Daoulas. Il accueille aussi la majeure partie du vin importé par pipes de 450 litres des vignobles de l’Anjou, de Touraine, de l’Orléanais, du Sancerrois, de haute Bourgogne, des crus de la région nantaise et en redistribue une partie dans toute l’Armorique méridionale.
Sur 3 300 tonneaux introduits en 1440, 2 000 sont réexpédiés à Vannes et dans d’autres ports du Golfe du Morbihan et de Basse Bretagne. Le même port accueille aussi des céréales, de la viande, du poisson, environ 10 000 tonnes annuelles de sel de la Baie de Bourgneuf et de Guérande, 5 à 6 000 balles de laine ibérique, de la pierre de Saumur, etc.
Nantes au XVe siècle

Extrait de J.-P. Leguay, Un réseau urbain, les villes bretonnes, p. 262.
130Port-Briant, son autre nom, est donc connu comme site de débarquement, de stockage et de réexpédition ; Il est moins célèbre à cause de sa saleté, de son encombrement de gravats et de détritus, déposés par les citadins, au milieu des marchandises !
131Plus loin, la rive de l’île de la Saulzaie, est plutôt un port poissonnier avec sa halle toute proche mais elle reçoit également du grison (granit) de Chantenay et des rives de la Sèvre Nantaise, du vin du sud de l’actuel département et de la Charente.
132Le quartier portuaire de la Fosse est resté original, ne serait-ce que par la présence de ses maisons closes dont l’origine se perd dans la nuit des temps. Sa rue principale et les ruelles en pente, connues par un rentier, réunissent des maisons individuelles, des taudis, des ateliers dans un ensemble qui se développe rapidement au XVe siècle, à proximité d’un quai en dur, seulement depuis 1517, et capable d’accueillir de plus grosses unités. Les premiers greniers à sel ou sallorges ont fait leur apparition de ce côté de la Loire et rejoint le secteur des grandes halles ou de la cohue intra-muros. La Fosse qui rejoint peu à peu les environs de l’église Saint-Nicolas est connue pour ses activités liées à l’avitaillement et à la construction navale.
133Les berges marécageuses de l’Erdre ont été, elles aussi, stabilisées pour recevoir de simples barques sur des cails mais les gros navires à voile ligériens ne peuvent y accéder à cause d’un passage étroit nommé le Râteau. Le Port-Communeau et d’autres portes d’amarrage jusqu’à Barbin ravitaillent en matériaux de construction les chantiers des nouveaux remparts situés derrière l’actuelle Préfecture et reçoivent plus précisément de la chaux de Saffré, du granit d’Orvault, du bois du Gâvre, des métaux, de l’étain ou du plomb de Saffré.
134Au total, en comptant les avant-ports de la Loire, de Saint-Sébastien au sud jusqu’au site actuel de Saint-Nazaine au nord, on enregistre dans les archives locales une bonne vingtaine de cails et de débarcadères qui complètent le dispositif d’une agglomération d’environ 14 000 habitants44.
135– Le port de La Rochelle : la prospérité commerciale de La Rochelle, reposant sur le négoce du vin, a nécessité des équipements portuaires plus modernes que dans beaucoup d’autres endroits. Les deux rives d’une échancrure de la côte sont occupées ; la Grande, coupée par le chenal de Verdière, le port international, la Petite par le port local de l’Aunis.
136Le premier port, à l’ouest de la ville, à l’embouchure d’un ruisseau, le Lafond, sur le côté de la rive gauche dite la Besse-à-la-Reine en souvenir d’Aliénor d’Aquitaine, est saturé ; ses structures d’accueil ne sont plus adaptées au gabarit des nefs de plus de 50 tonneaux et les aménagements effectués du temps d’Henri III ne suffisent pas à lui rendre sa prospérité perdue. L’avenir commercial de la ville se situe désormais dans un plus vaste ensemble à l’arrière de la passe entre les deux îlots du Pérot et de Saint-Nicolas où sont élevées des tours au début de la guerre de Cent Ans. « La Rochelle fut grandement fortifiée et furent faicts les murs du Perrot qui coustèrent grandes sommes de deniers » déclare un acte local. Bien protégé par des ouvrages qui font figure de colonnes d’Hercule et par le goulet fermé par une chaîne, le port moderne est adapté à une ville enclose pas encore défendue par des portes. Les deux rives du port ont reçu des kais de petite dimension pour héberger seulement deux nefs à la fois, des pontons, des cales.
La Rochelle

Extrait de R. Favreau, « Les débuts de la ville de La Rochelle », Cahiers de civilisation médiévale, 1987, volume XXX/1, p. 7.
137La Rochelle n’est pas isolée. Elle dirige un réseau portuaire dépendant, qu’on nomme la zone de « chalandise » ou de mouvance commerciale constituée de 80 havres de toute dimension espacés le long des littoraux du Bas-Poitou, de l’Aunis et de la Saintonge. Ce sont à la fois les auxiliaires, la vitrine commerciale et le complément de la ville mère. La municipalité a tout fait pour assurer l’essor d’un commerce international et régional de vins d’Aunis, de Saintonge, du Bordelais, d’autres marchandises comme le fer, la laine, le sel. Le havre est tourné vers la Bretagne, l’Angleterre, les Pays du Nord et du Nord-Est de l’Europe, l’Espagne et le Portugal, bientôt Madère45.
Lieux d’accueil pas toujours à l’abri du vent
138Des abris s’occupent du logement des marins, de l’équipement, du stockage dans les meilleurs conditions, de la vente des produits.
139– Le vocabulaire prête, hélas, fréquemment à la confusion.
140Ainsi, un chai peut signifier à Bordeaux un dock élémentaire accompagnant l’hôtel ou l’oustau du riche marchand, avant de prendre le sens d’entrepôt de vin couvert, de forme carrée ou rectangulaire, bâti en planches sur des fondations en dur, protégé par un toit de tuiles. Les plus gros entrepôts de vin stricto sensu comportent des caves munies de trappes et d’échelles, des salles de stockage et de réunion, des chambrettes à l’étage et un vaste grenier. Les premières lignes de chais ont été installées en retrait des berges de la Mar (la Gironde), le long des remparts. Les nouvelles se rapprochent de l’eau, communiquent directement avec le port et reposent même sur pilotis. Des voultes, signalées dans les textes, s’apparentent à des caves creusées dans la roche et à l’abri des infiltrations d’eau. Bayonne emploie les deux systèmes, sur pilotis et dans des souterrains du XIVe siècle, contemporains de la cathédrale. Ces caves, au nombre de 130 connues, sont de véritables monuments d’architecture pouvant dépasser les 20 m de long et les 5 m de large, la dimension d’une parcelle, à la maison Saubist et comportant de belles voûtes d’ogives ou en berceau.
141Autres locaux spécialisés, les salorges stockent le sel en bordure des ports bretons à l’abri du vent et de la pluie. Des saloirs et des ateliers de saurissage et de roussissage des harengs ou roussages fonctionnent en Normandie, des pastellaires pour garder le pastel à Bordeaux. Des boutiques livrent des poulies de cuivre, des chesnes ou chaesnes, des toiles et des cordages, concentrés à la Fosse de Nantes ou au port Juvénal dépendant de Montpellier.
142La halle, ouverte sur les côtés, est le rendez-vous des courants d’air. Elle est appelée macellum, grenette ou cohue, installée souvent juste à côté des débarcadères comme la première fondation de La Rochelle dès 1261. Celle des Lices de Vannes est à deux pas de la porte de Gréguenic et donne ainsi sur le port de Calmont. Elle est devenue « le principal entrepôt de vin de toute la côte méridionale de l’Arvor ».
Le bâtiment connu par des dessins (Ancenis) ou par des vestiges (Clisson, Craon, Questembert) est généralement tout en bois et comporte une nef centrale rectangulaire doublée d’ailes latérales, sous une immense toiture à faîtage élevé et à coyaux sur les bas-côtés. La charpente qui est l’élément principal de l’ouvrage est techniquement un puzzle, supporté par une forêt de poteaux de bois de soutènement montés sur dais de pierre. Une cohue est généralement à deux étages. Le rez-de-chaussée est réservé aux étaux ou tréteaux du négoce. Le premier desservi par un escalier de bois ou un degré extérieur de pierre est l’auditoire de la justice46.
143– Des « lieuz convenables », des ateliers et des boutiques spécialisés dans une vente particulière occupent les places disponibles, les placettes ou placis.
144Les hasards d’un texte font découvrir des ateliers de forgerons ou fèvres ou férons, des futiers ou charpentiers de marine, constructeurs de barques, des texiers de chanvre qu’évoque la toponymie vicinale comme la Rouairie (Dinan) ou les rues aux Filotiers et aux Toiles (Saint-Brieuc). La toilerie avec la fabrication de grosses crées de lin et de chanvre, une spécialité de Morlaix, a favorisé l’apparition de petites fabriques de voiles de navires. Les abords d’un havre sont fréquentés par des percepteurs de coutumes, des péagiers (à La Roche-Bernard), des adjudicataires des fermes mais aussi par des oisifs, des houliers et des maquerelles.
145Il n’est pas surprenant d’y rencontrer beaucoup de tripots, de bouges, de bordeaux, d’étuve d’un genre spécial, où des « fillettes amoureuses » dispensent leurs services payants et où les marins trouvent des lieux de repos et de la distraction.
146C’est près des rives que le visiteur, sensible à la discrimination sociale, découvre les hôtels particuliers de riches négociants, voisinant avec les plus infâmes taudis où logent des poissards et des poissardes. De gens aisés se métamorphosent en spéculateurs au petit pied qui se soucient peu de faire fructifier un honnête capital « par des profits honnêtes et licites ».
*
147Au terme d’un long périple sur mer, les navires arrivent enfin à bon port. Loin d’être paisible, la vie des mariniers est difficile et nous aurons l’occasion d’évoquer les risques de noyade au cours de monstrueuses tempêtes, les actes de piraterie, le scorbut et les épidémies à bord. Arrivés à bon port, dans leurs quartiers portuaires, les marins et leurs familles souffrent comme les terriens de « pouvretez, depoppulacions, pilleries » qui finissent par s’accumuler. Auray subit, en 1479 et en 1480, la conjonction de plusieurs tempêtes, d’un « yver moult long et apre », « des derifs des eaux du Loc » et « une fortune de feu » d’une « pestilance » en août 1480 qui tue des habitants et décourage la venue des marchands et enfin d’une épizootie qui tue presque tout le bétail « qui estoie la plupart des bourgeois bien et richesse ». Le nombre des ménages tombe de 206 à 107 en quelques semaines.
148Le déclin naturel menace aussi beaucoup de havres ; Les grèves, les vases, les rives n’offrent bientôt plus l’espace libre suffisant pour se développer. La disposition des infrastructures commerciales a pris dès le XIIIe siècle un aspect anarchique dans certains ports. La rue du Quai (Louviers) jadis disponible, se réduit peu à peu de chose avec les lotissements plus ou moins licites qui finissent par empiéter sur les voies d’accès, les terre-pleins, les fossés. Le port qui l’a littéralement « mangée » nuit alors à la protection et à l’environnement, est source d’encombrements, gêne la circulation, génère la pollution. Ailleurs, les quais, les pontons sont sans cesse menacés par la violence des vents. On répare un dosdane à Pont-Audemer en 1476 « lequel a esté rompu à l’occasion des creues qui ont esté à l’yver derrenier passé et lequel tallu est très nécessaire estre réparé et amende promptement afin que le navire puisse venir es cays de ladite ville et les marchandises d’icelle amener47 ».
149Les incendies détruisent fréquemment les installations en bois, les pontons, les hangars (à La Rochelle en 1339). Faute d’eau à portée de seau, le moindre sinistre prend des proportions incroyables dans des bas-quartiers où prédominent les maisons en bois. L’eau de mer ronge, pourrit les planches et le torchis, fragilise les infrastructures. Après un siècle d’existence, le quai de Tréguier est déjà en ruines. Le ravitaillement en eau douce sur des grèves couvertes de vase ou à partir d’une petite rivière ou de nappes phréatiques saumâtres posent de sérieux problèmes d’hygiène et de voisinage (Saint-Malo). Il existe à La Rochelle une zone proche du port « pleine de fiens et immunidicitez et chaque jour y sont mises et gectées les ordures d’icelle ville ». On rencontre quotidiennement au Lacydon de Marseille des troupeaux de porcs et de chèvres laissés vaquer en toute liberté sur la carreria portus que trois prud’hommes, nommés subrestants, s’efforcent de chasser.
Notes de bas de page
1 Marie de France, Œuvres complètes. Les lais, les fables, le purgatoire de saint Patrick, traduction de N. Desgrugillers, Clermont-Ferrand, éd. Paléo, 2003, le lai de Guigemar, p. 12 ; Les lais de Marie de France, éd. de L. Harf-Lancner, Paris, Le Livre de Poche, Lettres Gothiques, Librairie Générale française, 2002. Marie de France dont la biographie est inconnue aurait séjourné à la cour d’Henri II et d’Aliénor d’Aquitaine. Elle est l’auteur de douze lais ou brefs récits entre 1170 et 1175 – Tristan et Iseut (ou Iseu, Yseut), éd. R. Louis, Paris, Le Livre de poche, Librairie Générale française, 1972 p. 52, 240 – Chrétien de Troyes, Perceval ou le Roman du Graal, éd. d’A. Hoog, collection Foilio, Paris, Gallimard, 1974, p. 80.
2 La bibliographie sur les navires et les ports du Moyen Âge est vaste. Citons parmi les ouvrages généraux consultés ceux de J. Bernard, Navires et gens de mer à Bordeaux 1400-1550, Paris, EHESS, SEVPEN, 1968, de L. Guilleux de La Roërie et J. Vivielle, Navires et marins de la rame à l’hélice, Paris, tome I, 2e édition, 1946, de Ch. de La Roncière, Histoire de la marine française, Paris, 2 premiers volumes, éd. Plon, 1909, de M. Mollat du Jourdin, L’Europe et la mer, Paris, Le Seuil, 1993, de M. Tranchant, Le commerce maritime de La Rochelle à la fin du Moyen Âge, Rennes, PUR, 2003, de J. Verdon, Voyager au Moyen Âge, collection tempus, Paris, éd. Perrin, 2003. Citons encore un numéro spécial d’Archéologia no 114, janvier 1978 est consacré aux bateaux du Moyen Âge avec un article de Ch. Villain-Gandossi, p. 8-23. Les actes du colloque du CUERMA de mars 2005 sur les Mondes marins du Moyen Âge, Senefiance no 52, PUP, 2007 comporte plusieurs articles sur la navigation qui seront mentionnés dans cette bibliographie.
3 A. S. Auger, « Graffiti marins en Basse Seine », in Neptunia no 166, 1987 – W. Frahm, Das Meer und die Seefahrt in der altfranzösischen Literatur, Götingen, 1914 – J. Peuziat, « Navires de pierre », revue Le chasse-marée no 15, juin 1985, p. 34-47 – Ch. Villain-Gandossi, Le navire médiéval à travers les miniatures des manuscrits français, Paris, éd. du CNRS, 1985 et « La mer et la navigation maritime à travers quelques textes de la littérature française du XIIe au XIVe siècle », in Revue d’Histoire économique et sociale, 1969, no 2, p. 150-192.
4 J.-C. Cassard, L’Europe et l’Océan au Moyen Âge, Nantes, 1988 – M. Mollat (dir.), Le navire et l’économie maritime du XVe au XVIIe siècle, actes de plusieurs colloques internationaux d’histoire maritime de l’Académie de marine, Paris, 1958 à 1966.
5 G. Hoffmann et D. Schnall, « La cogue de Brême », revue bretonne : Chasse-marée no 171, août 2004, p. 38-51.
6 Ce thème a été abordé par I. Olivier, « Navigations dans le Joseph d’Armathie et le Perlesvaus », colloque du CUERMA, 2005, p. 353-365 et par P. Ménard, « Aperçu sur le vocabulaire nautique du texte de Marco-Polo », p. 317-327.
7 B. Gille, Histoire des techniques sous la direction de M. Daumas, Paris, tome I, 1962, p. 446-456.
8 A. Garnier, « Galères et galéasses à la fin du Moyen Âge » dans Second colloque d’Histoire maritime de 1957, op. cit. – R. Bastard de Père, « Navires méditerranéens du temps de saint Louis », dans Revue d’Histoire économique et sociale, no 3, 1972, p. 327-356 – Quand voguaient les galères, Rennes, Ouest-France, 1990.
9 M. Acerra et J. Meyer, La grande époque de la marine à voile, Rennes, Ouest-France, 1987 – D. Buisson, Encyclopédie de voiliers, Lausanne, office du livre au musée de la marine, 1994 – J.-C. Hocquet, Le sel et la fortune de Venise, volume 2, Voiliers et commerce en Méditerranée, Presses Universitaires de Lille, 1979 – M. Mollat, Études d’histoire maritime, Turin, Bottega d’Erasmo, 1977 – E. Rieth, L’Europe et l’Océan au Moyen Âge, Nantes, 1988. Nous empruntons des exemples normands à l’étude de D. Degez sur Les navires et la construction navale en Haute Normandie à la fin du Moyen Âge, DES Rouen, 1996.
10 AM de Rouen, A 10 f° 93v°-95 – Pierre Garcie dit Ferrande, Le Grand routier, cité par M. Mollat, Le commerce maritime, op. cit., p. 121-123, note 127 et réflexion sur quelques constantes du port de Rouen, in Connaître Rouen, volume III, 1974 – D. Degez, Les navires et la construction navale, op. cit., cite plusieurs catégories de navires qui remontent la Seine – F. Howard, Sailing ship of war (1400-1860), London, Conway maritime press lrd, 1979.
11 P. Chaunu, L’expansion européenne du XIIIe au XVIe siècle, Paris, PUF, Nouvelle Clio, no 26, 1969, p. 274-288 – Cdt. L. Denoix, « Caractéristiques des navires à l’époque des grandes découvertes » – P. Gille, « Navires lourds et navires rapides avant et après les caravelles », paru dans le Ve colloque sur les aspects internationaux de la découverte océanique aux XVe et XVIe siècle, 1960 – Voir aussi les 3 colloques internationaux d’histoire de la marine, Paris, SEVPEN, 1956-1960.
12 D. Degez sur Les navires et la construction navale en Haute-Normandie, op. cit. G. Questier, Les ports de la Basse Seine à la fin du Moyen Âge, Mémoire de maîtrise de l’Université de Rouen, 1989.
13 J.-P. Leguay, L’eau dans la ville au Moyen Âge, Rennes, PUR, 2002, p. 295-347 (bibliographie) – E. Rieth, Des bateaux et des fleuves, Archéologie de la batellerie du Néolithique aux Temps modernes en France, Paris, éd. Errance, 1998 – J. Rossiaud, Le Rhône au Moyen Âge, Paris, Aubier, 2007, p. 190-198.
14 H. Touchard, Le commerce maritime breton à la fin du Moyen Âge, Paris, Les Belles Lettres, 1967 – P. Henwood, « L’Histoire maritime en Bretagne », MSHAB, LX, 1983, p. 239-262 – M. Mollat, « Quelques aspects du commerce maritime breton à la fin du Moyen Âge », MSHAB, 1948, p. 5-21.
15 M. Mollat et M. de La Roncière, Les portulans. Cartes marines du XIIIe au XVIIIe siècle, Paris, Office du Livre, 1984 – J. B. Harey et D. Woodward, The History of Cartography, Chicago, 1987.
16 T. Daniel, « Le cabotage sur les côtes méridionales de la Bretagne à la fin du XVe siècle », Actes du 91e congrès national des Sociétés savantes, Rennes, 1966, p. 157-183 – J.-P. Leguay, Un réseau urbain au Moyen Âge : les villes du duché de Bretagne aux XIVe et XVe siècles, Paris, éd. Maloine, 1981.
17 Philippe de Novare, Les gestes des Chiprois, Genève, 1887, p. 314, texte cité dans Ch. Villain-Gandoissi, Archeologia, 1978, p. 16 – C. Noacco, « La surface métaphorique de la mer » dans le Livre de Pensée de Charles d’Orléans dans les CUERMA, 2005, p. 341-351. Les baux sont les poutres principales placées en travers du bâtiment pour lier les flancs et les tenir écartés à la dimension voulue. La muraille est la coque du navire de la flottaison au plat-bord.
18 De l’architecture navale, Haag, Adrien Moetjens, 1742 – F. Laurent, « Le thème descriptif de l’embarquement dans le roman de Brut », dans les Mondes marins, CUERMA, 2005, p. 242-258 – D. Buisson, Encyclopédie des voiliers, op. cit., p. 266-267 – J. Randier, Grands voiliers français, Milan, Celiv, 1986, p. 107-173.
19 L’allure est la position du voilier par rapport au vent.
20 A. Merlin-Chazelas, Documents relatifs au Clos des Galées, Paris, 1977-1978, p. 121.
21 M. Mollat, Le commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge, Paris, Plon, 1952.
22 Geoffroy de Villehardouin, La conquête de Constantinople, éd. d’E. Faral, Paris, les Belles Lettres, 2e éd. 1961 & Récits de la quatrième croisade, collection 10/18, Paris, 1966. Geoffroy sire de Villehardouin près de Troyes en Champagne (vers 1150-1230) est l’auteur d’une de nos plus anciennes chroniques qui raconte la prise de Constantinople par les croisés de la quatrième croisade.
23 Les actes du colloque du CUERMA d’Aix-en-Provence 2005 sur les « Mondes marins au Moyen Âge » mettent en scène l’activité des marins, les dangers qu’ils affrontent, notamment dans les communications de Fr. Laurent à partir du roman de Brut de Wace, de N. Chareyron d’après le récit du dominicain d’Ulm Félix Fabri, d’I. Olivier et d’H. Bouget avec la navigation de Joseph d’Arimathie et le Perlesvaus.
24 La mer dans le Roman de Troie, extrait des Actes sur les Mondes marins du Moyen Âge, Senefiance, p. 93.
25 Chrétien de Troyes, dans la chanson courtoise, Guillaume d’Angleterre, p. 1020.
26 Ch. Bréard, « Documents relatifs à la marine normande », Mélanges de la Société d’Histoire Normande, Rouen, 1888, p. 237 – A. Jal, Glossaire nautique. Répertoire polyglotte des termes de marine anciens et modernes, Paris, 1848.
27 Chapitre 9 sur les tempêtes.
28 M. Mollat, La vie quotidienne des gens de mer, Paris, Hachette, 1983, p. 135.
29 J.-C. Cassard, Les Bretons et la mer, op. cit., p. 46.
30 J. Bernard, Navires et gens de mer à Bordeaux 1450-1550, Paris, SEVPEN, 1968, p. 397-408.
31 Marie de France, Lais de Marie de France, op. cit., p. 13 – Chrétien de Troyes, Guillaume d’Angleterre, op. cit., p. 1012.
32 G. Questier, Les ports de la Basse Seine, op. cit., p. 19.
33 Tristan et Iseut, op. cit., p. 60.
34 J.-P. Leguay, « Un aspect de l’Histoire et de l’économie urbaines bretonnes : les petits ports des abers ou des rias au XVe siècle », dans Mondes marins du Moyen Âge, colloque du CUERMA de mars 2005, Aix, PUP, Senefiance no 52, 2006, p. 297 à 315 – M. Russon, Les côtes guerrières, mer, guerre et pouvoirs au Moyen Âge, Rennes, PUR, 2004.
35 M. Mollat, La vie quotidienne des gens de mer en Atlantique, Paris, Hachette – C. E. Dufourcq, Les ports méditerranéens au Moyen Âge, Paris, 1975.
36 J.-P. Leguay et P. Robino, « Auray et sa châtellenie », MSHAB, tome LXXVIII, 2000, p. 3-73.
37 AM Quimper E 1516 – J. Kerhervé, Histoire de Quimper, Toulouse, éd. Privat, 1994, p. 35-39.
38 J.-P. Leguay, « Les villes castrales de Bretagne au XVe siècle », Colloque de Vitré d’octobre 2008, Rennes, PUR, 2010.
39 J.-P. Leguay, « Le Léon, ses villes et Morlaix au Moyen Âge », BSA du Finistère, tome CVI, 1978 – G. Cholvy (dir.), J. Combes, Histoire de Montpellier, Toulouse, éd. Privat, 1984 – A. Pelletier, J. Rossiaud, Histoire de Lyon, éd. Horvath, tome I.
40 Nous développons cette problématique dans notre récent livre sur « les terres urbaines », paru aux PUR en 2009.
41 AD de Loire-Atlantique, B 2972, E 212 – J.-P. Leguay, Un réseau urbain au Moyen Âge : les villes du duché de Bretagne aux XIVe et XVe siècles, Paris, Maloine, 1981, p. 244-251.
42 P. Lardin, Dieppe pendant la guerre de Cent Ans (manuscrit), Université de Rouen, 2003.
43 J.-P. Leguay, « Les abords du château des Duc : Sainte-Radegonde, Saint-Laurent et Richebourg au XVe siècle » dans BSAH de Nantes, tome 142, 2007, p. 142-144.
44 P. Jeulin, L’évolution du port de Nantes, organisation et trafic depuis les origines, Paris, 1929 – M. Le Mené, « Le commerce de la Loire au XVe siècle », dans Les Bretons et la Loire, Association Bretonne, tome 108,1999 p. 165-169 – H. Touchard, Le commerce maritime breton, op. cit. – J. Tanguy, Le commerce nantais à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle, Rennes, 1967.
45 M. Tranchant, Le commerce maritime de La Rochelle à la fin du Moyen Âge, Rennes, PUR, 2003, p. 131-142.
46 J.-P. Leguay, « Un aspect du patrimoine breton : les bâtiments utilitaires urbains au Moyen Âge d’après les textes, l’archéologie, les plans et les gravures anciennes » in Mondes de l’Ouest et villes du Monde, regards sur les sociétés médiévales, Mélanges en l’honneur d’André Chédeville, PUR et Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, 1998, p. 241-261.
47 AM de Pont-Audemer, CRV, 1455-1480, 29 juin 1476.
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