De la renaissance au déclin
p. 167-168
Texte intégral
1Dès 1822, les écoles mutuelles ont commencé à péricliter. Après la morte saison, en 1828, seules quelques-unes sont restées dans les villes les plus libérales : Brest, Nantes, Lorient, Paimpol, Pontrieux, Landerneau, Pontivy auxquelles il faut peut-être ajouter Carhaix et Morlaix. Les Frères, surtout ceux appartenant à l’institution fondée par Jean-Marie de La Mennais, ont largement profité de cette quasi-disparition. Ils se sont implantés dans de nombreuses localités des Côtes-du-Nord, de l’Ille-et-Vilaine et du Morbihan. Ce faisant, ils ont réussi ce que n’avaient pas pu entreprendre leurs rivaux, à savoir la scolarisation des populations rurales.
2Cependant, malgré cette situation très défavorable, les partisans de l’enseignement mutuel n’ont pas désarmé. Ils souffrent de voir l’enseignement confié aux congréganistes, les élèves instruits par des maîtres dont ils considèrent les méthodes comme rétrogrades, à la fois ennuyeuses et inefficaces. De leur côté, les évêques qui avaient la charge de surveiller les écoles, entre 1824 et 1828, ne s’en sont guère souciés. Aussi, en matière d’instruction primaire, beaucoup reste à faire.
3Les esprits les plus libéraux attendent leur heure. Les élections parlementaires de novembre 1827, sans leur attribuer la majorité des sièges, vont leur donner l’occasion de prendre une revanche sur les ultras1. L’enseignement mutuel est, de nouveau, à l’ordre du jour. L’instruction publique est retirée des mains des évêques et redevient la prérogative d’un ministre, Vatimesnil, qui se montre d’emblée favorable à l’enseignement mutuel. De son côté, la Société pour l’instruction élémentaire voit le nombre de ses souscripteurs augmenter considérablement. De 600, en 1827, on passe à 1 408 en 1828. Les sociétés filiales renaissent de leurs cendres et on en compte bientôt 22. Concernant la Bretagne, seulement trois écoles sont fondées suite à cet élan. L’école de Pont-Croix l’est en mai 1829, grâce à Achille Bégé, généreux philanthrope, membre de la Société pour l’instruction élémentaire. Celle de Châteaulin, ouverte quatre mois plus tard, est due à une initiative municipale. Pour abriter les élèves, on a même pensé à une construction neuve, ce qui constitue le deuxième exemple d’architecture scolaire mutuelle en Bretagne après celui de Saint-Brieuc, en 1820. Enfin, celle de Binic est inaugurée le 22 avril 1830 après un combat acharné contre le camp clérical. La rivalité prendra tellement d’ampleur que l’affaire sera portée devant la Chambre des députés et la presse parisienne s’en fera l’écho.
4Mais, la nouvelle méthode connaît désormais une nouvelle situation. Elle n’est plus dans la logique pionnière des débuts de la Restauration où elle apparaissait comme l’invention géniale, à la fois économique et efficace, qui allait permettre l’instruction générale du peuple. Ses défauts étaient apparus, notamment en matière de financement, de recrutement des moniteurs et de formation des maîtres. En outre, alors que l’esprit philanthropique était très présent dans les premières créations de la Restauration, les volontés municipales désormais marquées par un certain anticléricalisme et influencées par les idées libérales seront les nouveaux fers de lance de l’enseignement mutuel.
5Enfin, la nécessité de créer une véritable loi scolaire engage les élites à revoir leur conception de l’instruction primaire. Cela aura des conséquences sur l’enseignement mutuel, aussi bien en matière de pédagogie que sur l’influence même de ce mode d’instruction.
Notes de bas de page
1 Caron J.-C., La France de 1815 à 1848, Paris, Armand Colin, deuxième édition, 2001, p. 26.
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