Sur la mer, près des montagnes. Venise et le circuit de production et vente du bois (XVIe-XIXe siècle)
p. 43-55
Texte intégral
1Parmi les villes les plus importantes du continent, Venise fut au début de l’époque moderne, celle qui se trouvait la plus proche d’une vaste région de haute montagne. En effet, une centaine de kilomètres seulement séparaient la lagune des Alpes orientales, dont les sommets pouvaient atteindre trois milles mètres, et dont les vallées étaient traversées par des fleuves qui se jetaient autrefois dans la lagune et qui, par la suite, furent détournés vers la mer. Au Moyen Âge, cette situation géographique eut un rôle déterminant dans l’affirmation de la puissance maritime et marchande de la Sérénissime, car de ces montagnes provenaient au moins deux matières premières – le fer et le bois – fondamentales pour le développement des chantiers navals et pour la suprématie de la flotte vénitienne dans la Méditerranée orientale1.
2L’ascension de Venise en tant que puissance maritime et la conquête de son empire colonial eurent lieu avant que la ville ne s’empare des territoires alpins, ce qui advint au cours du XVe siècle. Depuis lors, et jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, une partie considérable de l’arc alpin oriental appartiendra à l’État vénitien, et la ville-capitale exercera sa domination sur des territoires riches en ressources stratégiques : le fer des vallées de Brescia et le bois du Cadore et du Frioul.
3Au moyen de cet exposé, je me propose de tracer dans ses grandes lignes l’organisation du commerce du bois entre la montagne, la plaine et la côte et de montrer dans quelle mesure l’exploitation de cette ressource a influencé la structure économique et sociale du territoire. L’exploitation des bois est ici conçue comme la clé de lecture des rapports entre la mer et la montagne, entre la Sérénissime et son État territorial.
4À l’époque moderne, la population de Venise comptait entre cent et cent quatre-vingt mille habitants. Outre les utilisations courantes nécessaires au fonctionnement d’une ville (chauffage et cuisine, constructions), le bois était indispensable comme source énergétique pour alimenter différentes industries – les verreries, par exemple – ou comme matériel de construction pour les chantiers navals. L’utilisation du bois répondait également aux contraintes particulières liées au milieu lagunaire, où surgit une ville bâtie sur des pilotis enfoncés dans les fonds sableux et protégée des tempêtes à l’aide de longues palissades de troncs, et où des poteaux en bois délimitaient le balisage des canaux.
5Les essences de bois provenaient de différents endroits. Pour la construction et la mâture, on utilisait les essences résineuses, telles que le sapin et le mélèze qui ne poussaient qu’en montagne, tandis que pour les avirons et les industries il fallait des latifoliés, tels que les hêtres, typiques des régions humides. En revanche, les chênes rouvres des plaines fournissaient le bois pour le squelette des navires. Enfin, pour le chauffage et les usages domestiques on avait recours, comme partout ailleurs, au bois plus commun.
6Ceux qui soutiennent la demande de bois sont des sujets économiques et sociaux des plus variés : du simple particulier aux secteurs professionnels du bâtiment, de l’industrie et des chantiers navals, ou encore aux commanditaires publics comme l’Arsenal. À titre d’exemple, cet immense chantier public vénitien consommait à lui seul une telle quantité de bois qu’il avait besoin d’un réseau spécial de fournisseurs. Le bâtiment, public ou religieux, ainsi que les magistratures préposées à la sauvegarde de la lagune influençaient eux aussi, avec leur demande, le cours du marché du bois. On tend à considérer que l’approvisionnement en matières premières d’une grande ville comme Venise était le résultat d’une politique centralisée et univoque. En réalité, la demande de bois étant institutionnellement et socialement fragmentée, les opérateurs vénitiens se fournissaient par le biais de circuits différents et il n’était pas rare d’observer une forte concurrence, si ce n’est même une véritable opposition, entre acteurs économiques du secteur privé et du secteur public2.
7Les transports amenant le bois dans la cité des Doges se faisaient par les fleuves qui prenaient source dans les montagnes : Adige, Brenta, Piave, Livenza, Tagliamento et Isonzo3. Les centres de production du bois étaient donc situés dans l’aire préalpine et alpine, mais il y en avait aussi près des plaines à forêts dont l’apport n’était pas négligeable. En effet, les bois précieux nécessaires aux constructions navales, comme le chêne, ainsi que certains bois à brûler, d’usage domestique, provenaient de la plaine et des régions de collines. Jusqu’au XIXe siècle, de nombreux bois couvraient le littoral devant la lagune, ce qui constituait une importante réserve d’énergie tout près de Venise4.
8Plusieurs chercheurs, spécialistes de l’histoire des bois de la Sérénissime, ont souligné la différence de statut juridique existant entre les différents types de terrains boisés. En effet, on y pouvait distinguer des bois privati (privés), comunali (communaux) – tout en appartenant nominalement à l’État, ils étaient gérés, selon une coutume ancienne, par les communautés rurales – et pubblici (publics), c’est-à-dire à l’usage exclusif de l’État. En réalité, tout au long de l’histoire de la République de Venise, ce sont les communautés rurales qui ont pu exploiter de façon autonome une grande partie des ressources forestières. Endettées avec l’État, ayant besoin de financer des travaux publics ou simplement d’acheter des denrées alimentaires (huile, vin et blé) et des produits manufacturés (tissus) pour une population qui, surtout à la montagne, avait du mal à produire le nécessaire pour survivre, ces communautés parvenaient à tirer des ressources fondamentales, notamment grâce aux forêts données à bail et à la vente du bois. Ainsi, « les troncs, les planches et le bois à brûler descendant le courant de la Brenta » étaient – écrit-on – « la pompe qui fait remonter jusqu’aux vallées les plus lointaines, du blé, des tissus, du vin, de l’eau-de-vie et bien d’autres choses5 ».
9Que les bois appartiennent à des propriétaires privés ou à la communauté, qu’on ait vendu un bois à couper ou une cargaison de planches, à un moment donné il y avait toujours un marchand pour organiser le transport vers la plaine et pour jouer le rôle de médiateur entre la montagne, ses ressources et ses besoins, et les mondes de la plaine et des villes. Certains marchands, très judicieusement nommés « globalistes6 », atteignaient une position économique telle qu’ils contrôlaient toute la filière du bois, des arbres plantés donnés à bail jusqu’à leur vente dans les boutiques de Venise. S’ils pouvaient savamment tisser des rapports avec les propriétaires des bois (gouvernements, feudataires, communautés locales) pour obtenir des permis de coupe et stipuler des baux à loyer, ces marchands parvenaient aussi à régler les échanges entre les différents secteurs : le bois, les mines et les métaux partant en direction de la plaine, le blé, le vin, l’huile et les tissus en direction des aires de montagne. Mais avant tout ils devaient disposer de crédit à distribuer.
10Au cours des deux premiers siècles de la domination vénitienne en Terre ferme, et ce dans de nombreux secteurs, les marchands vénitiens, dont plusieurs membres du patriciat, membres donc du gouvernement de la République, ont occupé une position de première importance. Cependant, à partir du XVIIe siècle, leur présence semble avoir diminué, probablement en raison du lent mais progressif déclin économique de la classe dirigeante vénitienne, ainsi que de l’émergence de marchands originaires des régions alpines7.
11D’autres figures professionnelles jouaient un rôle prédominant dans la filière productive du bois. Parmi les plus importantes, il faut mentionner les bûcherons organisés en compagnies, les zattieri qui, de leurs bacs, dirigeaient le flottage des troncs, et ceux qui géraient les industries de transformation du bois8.
12Il serait erroné de considérer le système de production et de vente du bois dans la Sérénissime comme une sorte de mécanisme duel entre mer et montagne, apte à mettre simplement en communication une région de production du bois et une île située au milieu d’une lagune aux exigences de consommation particulières. Certes, la présence du fleuve Piave, véritable autoroute par laquelle transitaient tous les jours des tonnes de matières premières et de denrées alimentaires, conduit à une interprétation simplifiée de cette réalité. Mais on oublie souvent qu’entre les premières hauteurs et la lagune s’ouvrait la vaste plaine vénéto-frioulane, une bande de terre fertile parsemée de petites, moyennes et grandes villes qui surgissaient le long du cours d’un fleuve alpin. La consommation de bois de cet État fort peuplé – au milieu du XVIe siècle, il dépassait le million d’habitants – devait être considérable, si l’on pense que seulement pour renouveler les fortifications citadines on commandait constamment de grandes quantités de bois précieux. Si l’on ne tient pas compte de ce troisième élément – la plaine et ses villes –, le rapport complexe entre Venise et ses montagnes ne peut pas être correctement analysé.
13Il faut ajouter à cela le fait que le circuit du bois correspondait à un système géographiquement et commercialement ouvert, ce qui complique encore le tableau. Les cols alpins étaient ouverts. Ainsi, transportait-on les troncs (mais aussi les métaux) provenant de bassins fluviaux divers vers le système fluvial et commercial vénéto-frioulan. La disponibilité du bois des côtes dalmates et surtout de l’Istrie était fondamentale pour la République de Venise qui, dans ces territoires, possédait depuis le XIVe siècle la forêt de chênes de Montona lui fournissant les stortami, c’est-à-dire des chênes rouvres recourbés, nécessaires à la construction des coques. Enfin, la possibilité de s’adresser au marché international du bois fut indispensable, notamment lorsqu’en période de guerre les chantiers navals augmentaient leur production. D’ailleurs, Venise resta longtemps un centre exportateur de bois de construction vers les marchés méditerranéens (Alexandrie d’Egypte9).
14À Venise, le système d’approvisionnement du bois était donc très complexe, fondé sur des voies et des marchés différents, et impliquant des sujets économiques, institutionnels et sociaux variés. Une analyse couvrant plusieurs siècles montre que ce système sut s’adapter aux changements de la structure économique et productive de la capitale, et alimenter également un flux constant d’exportations. Néanmoins, cela a comporté une pression croissante, laquelle se manifesta par des phénomènes récurrents de surexploitation et stress environnemental.
15Le rôle de l’État vénitien fut certes important dans l’organisation et la gestion de ce circuit, même si parfois les historiens l’ont surévalué. Les statuts des corporations de métier vénitiennes datant du XIIIe siècle attestent que, depuis cette époque déjà, le bois provenant de l’arc alpin oriental était vendu sur le marché de la cité des Doges10. Pendant des siècles, en effet, la République s’était limitée à assurer la circulation des marchandises depuis et vers la capitale, en exerçant un certain contrôle sur les tarifs. En revanche, elle s’était fortement souciée de l’approvisionnement de l’Arsenal qui devait être garanti et régulier.
16Ni l’organisation d’ensemble ni les pratiques commerciales et industrielles du système d’approvisionnement du bois n’ont changé lorsqu’au XVe siècle la Sérénissime annexa les régions de Belluno, du Cadore et du Frioul. Toutefois, dans les années 1450, une forte pénurie de bois poussa – semble-t-il – le gouvernement à modifier sa politique, jusqu’alors peu ferme, de gestion du patrimoine forestier. En réalité, d’autres problèmes préoccupaient les autorités. Tout d’abord, la présence de plus en plus menaçante des Ottomans en Méditerranée qui, en 1453, conquirent Constantinople et obligèrent les autorités vénitiennes à avoir toujours à disposition des ressources pour armer une flotte de guerre. Puis, les effets de la croissance démographique du XVe siècle avec ses conséquences sur la consommation de la capitale et de l’ensemble de l’État se firent sentir. Enfin, après la conquête de la Terre ferme, et plus encore après l’abandon des velléités d’expansion territoriale dans la Péninsule au XVIe siècle, prit forme, au sein de la classe dirigeante vénitienne, un projet d’organisation et de centralisation du gouvernement de l’État territorial et de ses ressources.
17La nouvelle initiative législative se fonda sur trois axes qui marqueront la politique de la Sérénissime pendant trois siècles11. On décréta la protection des aires boisées ayant une importance stratégique : elles furent exclusivement réservées à l’État et soumises à un régime de gestion et d’exploitation contrôlé12. En s’appuyant sur une loi de 1479, on se consacra à la production de chênes rouvres, nécessaires aux chantiers navals, au secteur du bâtiment et au système de sauvegarde de la lagune. Tous ces arbres poussant dans les bois publics comme dans les bois privés situés à l’est du lac de Garde furent recensés et destinés aux usages de l’Arsenal et du Magistrat des Eaux. Pour faire cela, la machine administrative vénitienne accomplit un effort considérable, effort que les autres États européens ne réalisèrent qu’au XVIIe siècle13.
18La dernière loi-guide de l’intervention étatique vénitienne en matière de bois et forêts remonte, elle aussi, à cette même période (1476). Elle déclare indivisibles et inaliénables les biens communaux à la disposition des communautés rurales. Ces biens et les bois privés furent interdits au pâturage et on ne put plus y pratiquer ni brûlis ni toute opération vouée à la transformation des fonds boisés en pâturage ou en champs. En outre, cette loi préfigurait un système rationnel de cycles végétatifs : pour être coupés, les arbres devaient avoir au moins dix ans.
19La création d’une magistrature spéciale, les Provveditori sopra legne e boschi (Inspecteurs des bois et forêts), aidée par des officiers préposés au contrôle des bois publics les plus importants, accompagne ce tournant normatif.
20Afin d’évaluer la politique de la République, il est très important de savoir qui devait veiller à la correcte application des lois et de quelle manière. Alors que les bois publics étaient placés sous le contrôle direct d’officiers spéciaux, l’application des normes relatives à la gestion des bois communaux – et qui auraient du également concerner, de manière encore plus utopique, les bois privés – fut confiée aux représentants du gouvernement vénitien dans les provinces. En résidant dans le territoire ou en étant périodiquement chargés de surveiller l’état des forêts, ceux-ci avaient des possibilités d’interventions très limitées. Les communautés acceptaient difficilement d’abandonner leurs usages, leurs intérêts ou leurs priorités pour suivre les directives théoriques de sauvegarde dictées par le patriciat vénitien. De fait, les bois communaux de montagne restèrent sous le contrôle total des communautés locales. Seule la politique de protection des bois publics se révéla efficace sur la longue période et en mesure de garantir une « offre continuelle, indépendante et intégrée de matériaux essentiels pour les chantiers navals14 ». D’autre part, l’application de cette politique ne concerna que le peu de bois publics économiquement productifs, alors que nombre d’autres restèrent sous-utilisés ou complètement inexploités.
21La politique protectionniste en matière des chênes rouvres – que certains, frisant l’anachronisme, ont voulu interpréter comme une manifestation de sensibilité à l’environnement15 – permit de conserver de nombreux bois de plaine. Toutefois, la création d’un réseau privilégié pour répondre à la demande de bois de l’Arsenal et la mise sous tutelle des chênes rouvres dans tout l’État engendrèrent de graves problèmes d’approvisionnement aux chantiers navals privés, contribuant ainsi à la crise qui toucha ce secteur dès la fin du XVIe siècle. On essaya de la surmonter en important du bois de l’étranger et en achetant sur les marchés internationaux des navires « al grezzo », c’est-à-dire inachevés, ou déjà finis.
22L’objectif de constituer une réserve de tous les chênes rouvres de l’État était d’ailleurs trop ambitieux par rapport aux capacités réelles de contrôle et de répression des abus. Il produisit des effets pervers, car les propriétaires privés préféraient arracher les petites plantes de chênes qui poussaient dans leurs propriétés plutôt que de les recenser auprès des instances publiques. Cette législation ne permit que de faire face aux besoins courants, mais non à une demande très soutenue ou extraordinaire. En effet, lorsqu’au début du XVIIe siècle, on dut trouver 12 mille troncs de chênes rouvres pour les fondations de l’église de la Salute, les autorités finirent par les acheter chez un marchand de Murano16.
23Venise ne fut pas en mesure de réaliser, et probablement même pas de concevoir, une politique générale de sauvegarde et d’utilisation des bois communaux et privés. Cela ne signifie pas que les autorités de la République n’étaient pas conscientes des dangers inhérents à l’exploitation erronée ou excessive du patrimoine forestier, mais plutôt que leurs buts étaient de nature utilitaire : l’approvisionnement de l’Arsenal, la sauvegarde de la lagune, et d’autres encore17.
24Afin de développer une véritable politique protectionniste et une gestion vertueuse des forêts, la Sérénissime aurait dû avoir une structure étatique et une organisation administrative différente, semblable à celle que les États du XIXe siècle adoptèrent dans les secteurs stratégiques de la vie publique. De ce point de vue, Venise demeure toujours une ville-État qui gouvernait son territoire en accordant de larges autonomies à ses sujets. J’en veux pour preuve le fait que la réforme en matière de forêts ne fut promulguée qu’en 1792, plus de trois siècles après la législation qu’on vient d’évoquer. Par ailleurs, même cette loi évite d’aborder le nœud crucial de la question, à savoir la dialectique État-communautés locales, et se limite à redéfinir les critères selon lesquels on doit gérer les bois publics18.
25Dans ce contexte politique et institutionnel, il est intéressant d’observer comment, au cours des siècles, la formation d’un circuit de production, de transport et de vente du bois, impliquant de manière diverse l’aire alpine, la ceinture des collines, la plaine et la côte, a contribué à changer le territoire et les relations économiques et sociales entre la cité des Doges et la Terre ferme.
26Le long des cours d’eau principaux, mais aussi des torrents apparemment peu importants, naquirent des centres de triage du bois, autour desquels surgirent des petits districts manufacturiers pour la transformation des troncs. Préventivement marqués, réunis en radeaux ou transformés dans des scieries à eaux, les troncs pouvaient descendre par la voie d’eau jusqu’à la plaine19. Une donnée particulièrement impressionnante témoigne de l’importance économique de ce commerce : on a calculé qu’en 1609, par le centre de triage de Fonzaso, sur le fleuve Cismon, transita une quantité de bois correspondant à une valeur de deux millions et demi de ducats, ce qui correspond aux recettes brutes de l’État vénitien pour la même année20.
27La scierie dite à la vénitienne était l’usine la plus importante de tous ces centres : alimentée par la force hydrique, elle était très productive et permettait la transformation de grandes quantités de bois, en employant une main-d’œuvre plutôt limitée. Dans les centres principaux, ce type de scierie travaillait 24 heures par jour sur un cycle annuel. Près des scieries, se trouvaient souvent d’autres équipements de transformation : des moulins à blé, des foulons, des moulins à papier, des fours à métaux et à brique, etc.
28Entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, l’Italie du Nord connut une réorganisation de l’espace démographique et productif. L’un des aspects les plus visibles fut le déplacement de nombreuses activités manufacturières des villes aux campagnes. Ce fut l’aire au pied des montagnes qui en profita le plus : la force hydrique, la main-d’œuvre saisonnière et les matières premières, telle que la laine, la soie et surtout le bois, y étaient disponibles à moindre coût. Ainsi se forma un réseau de petits centres manufacturiers, dont la « faim d’énergie » contribua à soutenir la demande de bois et de charbon21.
29En revenant à l’espace alpin, les barrages construits dans la partie supérieure des fleuves pour réunir les troncs qu’on faisait descendre des bois, les ports fluviaux de triage, les stations pour la perception des droits et des péages, les centres pour la transformation du bois brut, les petits centres manufacturiers, tout cela créa une division du travail dans le territoire alpin, une hiérarchie plus précise des espaces fonctionnels qui permit d’insérer la montagne dans un cadre économique plus vaste, dont la plaque tournante de l’import-export international était Venise. Toutefois, une partie considérable du bois produit dans les régions de montagne ne devait pas arriver dans les grands dépôts de la capitale, puisqu’elle servait à alimenter les activités manufacturières de montagne, approvisionner les campagnes et les petites et grandes villes de la plaine.
30En dépit de théories – d’ailleurs dépassées – selon lesquelles l’espace alpin est resté jusqu’à l’aube de l’époque contemporaine au stade du sous-développement, le système d’approvisionnement du bois vénitien montre comment même la vallée des Dolomites la plus perdue et la plus inaccessible était intégrée dans une économie marquée par la division du travail. C’était d’ailleurs la condition géographique même de la montagne, où l’autosuffisance alimentaire était impossible, qui obligea les villages alpins à échanger les ressources disponibles avec celles qui manquaient.
31Une caractéristique structurelle du marché du travail du bois – la forte mobilité des travailleurs – témoigne du niveau élevé d’intégration économique dans l’espace régional atteint par les Alpes orientales. Les travaux consacrés à cet aspect ont souligné comment les entrepreneurs du bois tendaient à embaucher des équipes de bûcherons qui n’étaient pas du pays et qui ne se déplaçaient pas seulement le long des trajectoires prévisibles – notamment nord-sud. Des compagnies de coupe formées d’« étrangers » travaillaient dans des endroits où la main-d’œuvre spécialisée ne faisait certes pas défaut et leur rayon d’intervention dépassait parfois les cent kilomètres22.
32On a observé que ces déplacements correspondaient plus à la logique du marché qu’à celle de la simple circulation entre régions plus riches et moins riches23. La sylviculture et le commerce du bois créèrent des spécialisations économiques progressives, rendant socialement plus stratifiées les populations alpines. Désormais, ces communautés ne ressemblaient plus aux sociétés originelles autosuffisantes et égalitaires, formées de paysans-éleveurs, chères à la rhétorique des Lumières et du Romantisme. Dans les centres principaux de la transformation et du commerce du bois s’affirma une petite couche d’entrepreneurs plutôt aisés, à côté desquels apparut aussi une bourgeoisie des professions libérales : médecins, apothicaires, notaires, avocats, etc. De manière semblable, on assista à la formation d’un marché de travailleurs comprenant des bûcherons, des zattieri, des scieurs et des ouvriers employés dans les usines de transformation du bois. Il s’agissait d’ouvriers qui effectuaient des travaux dangereux, irréguliers et relativement mal payés, et qui pouvaient trouver une voie de sortie grâce à l’émigration de métier à Venise. Dans ce milieu, la mobilité sociale verticale était très rare.
33En ne considérant la transformation du circuit productif et commercial du bois qu’en fonction des besoins de la cité des Doges, dévoratrice de bois et de charbon, on risque d’avoir une approche très réductrice, surtout si l’on observe avec attention le changement le plus important qui se produisit dans les territoires alpins entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Au cours de l’époque moderne, en effet, cette région connut une vitalité démographique exceptionnelle. Ayant comme référence les deux recensements de 1548 et de 1766, on peut remarquer une augmentation de la population alpine de l’État vénitien de 78 %, tandis que, dans le reste du territoire à l’est du Lac de Garde, l’augmentation fut de 48 %. Ainsi, la région alpine vénéto-frioulane passa-t-elle de 84 mille à 149 mille habitants, avec une densité qui, au milieu du XVIIIe siècle, atteignit le chiffre considérable de 28,2 habitants par km2, l’un des plus élevé de l’arc alpin24.
34Les revenus supérieurs caractérisant l’aire alpine par rapport à la plaine, et donc l’exploitation du bois, principale ressource de cette région, dont les bénéfices eurent des retombées directes sur le niveau de vie de la population, jouèrent un rôle fondamental dans cette croissance démographique considérable. Voici quelques données : au XVIIIe siècle, la Magnifica Comunità del Cadore tirait de l’exploitation de son patrimoine forestier le chiffre exorbitant de 100 mille ducats. Cette somme ne put ne pas avoir une influence considérable sur les 20 mille habitants de la communauté, et cela en dépit des critères de sa distribution25.
35Bien évidemment, ce sont toutes les activités productives de la montagne qui accompagnèrent la croissance démographique. À ce propos, il faut mentionner l’introduction de la culture du maïs, répandue avec succès dans toutes les aires agricoles de montagne. Par conséquent, l’élevage ovin et bovin se développa, ainsi que l’émigration temporaire et les activités manufacturières, telle que l’industrie textile de la Carnia, qui employa des milliers de personnes26.
36Pour satisfaire une population en croissance constante et une présence d’animaux sur le territoire, elle aussi en augmentation, les communautés accélérèrent le rythme d’exploitation de leur patrimoine forestier et de leurs pâturages. Au XVIIIe siècle, les usurpations des terrains communaux, qui conduisirent à une diminution du patrimoine indivis, se multiplièrent. Ainsi, les revenus qu’on en tirait étaient en baisse et devaient être distribués entre un nombre plus élevé de familles. On exploitait de plus en plus les biens communaux, en recourant probablement à la coupe des arbres plus jeunes. Les propriétés privées, mais aussi celles indivises, commencèrent à alimenter les circuits de la contrebande du bois27.
37D’après des sources locales, l’« avidité » croissante des marchands s’ajoutait à ce cercle vicieux. Tout cela a sans doute contribué à l’aggravation des conditions de vie des populations alpines suggérée par plusieurs indicateurs démographiques.
38La source bois était tellement recherchée et les gains qu’elle apportait étaient de plus en plus indispensables aux villages des Alpes que les marchands eurent un pouvoir de négociation plus grand. Ils l’exercèrent jusqu’au bout. En outre, ce qui aggrava la situation était le fait que la plupart de ces marchands étaient originaires des régions alpines : parfaitement insérés dans la vie sociale des vallées, les marchands du XVIIIe siècle agirent sans scrupule.
39Ces phénomènes liés entre eux pesèrent sur le délicat équilibre de nombreuses communautés alpines : l’augmentation du nombre de familles et la diminution des richesses provoquèrent une polarisation entre les groupes d’autochtones aisés, qui se mirent à gérer les ressources communautaires à leur profit, et les paysans pauvres, devenus plus nombreux, qui virent de fait la fin du principe d’égalité selon lequel les institutions communautaires avaient fonctionné pendant des siècles. On a remarqué qu’en Carnia les ressources communautaires ne furent plus partagées entre le riche et le pauvre, comme l’établissaient les statuts anciens, mais plutôt entre les groupes familiaux dont la suprématie économique et sociale s’appuyait justement sur la gestion des ressources collectives28.
40Pour conclure, on peut dire que, dans la République de Venise, le circuit de production du bois montre comment l’espace alpin était profondément intégré dans les processus de transformation de la plaine et des villes. Il montre, en outre, que pour comprendre l’organisation économique et la structure démographique des régions montagneuses nous devons tenir compte du cadre politique et administratif dans lequel la montagne était insérée.
Notes de bas de page
1 Lane F. C., Navires et constructeurs à Venise pendant la Renaissance, Paris, Sevpen, 1965. Sur l’approvisionnement en bois pour les constructions navales, voir Lazzarini A., Le vie del legno per Venezia, maintenant dans Lazzarini A., Boschi e politiche forestali. Venezia e Veneto fra Sette e Ottocento, Milan, Franco Angeli, 2009, p. 197-198, n. 1.
2 Vergani R., « Le materie prime », Tucci U. et Tenenti A. (dir.), Storia di Venezia. Temi. Il mare, Rome, Istituto della Enciclopedia Italiana, 1991.
3 Borelli G. (dir.), Una città e il suo fiume. Verona e l’Adige, Vérone, Banca Popolare di Verona, 1977 ; Turri E., L’Adige. Il fiume, gli uomini, la storia, Vérone, Cierre, 1992 ; Bondesan A. et al. (dir.), Il Brenta, Vérone, Cierre, 2003, Caniato G. et Dal Borgo M., Dai monti alla laguna. Produzione artigianale e artistica del bellunese per la cantieristica veneziana, Venise, La stamperia di Venezia, 1988 ; Caniato G., La via del fiume dalle Dolomiti a Venezia, Vérone, Cierre, 1993 ; Bondesan A. et al. (dir.), Il Piave, Vérone, Cierre, 2004 ; Marson G., Il fiume Livenza, Trevise, Canova, 1997 ; Bianco F. et al. (dir.), Il Tagliamento, Cierre, Vérone, 2006.
4 Casti Moreschi E. et Zolli E., Boschi della Serenissima. Storia di un rapporto uomo-ambiente, Venise, Arsenale, 1988, p. 24-32.
5 Corazzol G., Cineografo di banditi sullo sfondo di monti. Feltre 1634-1642, Feltre, Unicopli, 1997, p. 21.
6 Ibid., p. 202.
7 Fabbiani G., Appunti per una storia del commercio del legname in Cadore, Belluno, Tip. Benetta, 1959 ; Concina E., « Alpi e Rinascimento. Questioni di storia del territorio e della cultura nel Cinquecento veneto », in Fasolo U. (dir.), Titianus Cadorinus, Celebrazioni in onore di Tiziano, Pieve di Cadore 1576-1976, Vicence, Cassa di risparmio di Verona, Vicenza e Belluno, 1982, p. 61-78.
8 Perco D. (dir.), Zattere, lattieri e menadàs. La fluitazione del legname lungo il Piave, Castellavazzo, Comune di Castellavazzo – Fameja dei zatèr e menadàs del Piave, 1988 ; Un fiume di legno. La fluitazione del legname dal Vanoi e Primiero a Venezia, (Catalogo della mostra, Fiera di Primiero, settembre 1994-gennaio 1995), Tonadico, Ente Parco di Paneveggio Pale di San Martino, 1994 ; Ferigo G., Boscadôrs, menàus, segàts, çatârs. La filiera del legno nella Carnia del Settecento, Bianco F. et Burgos A. et Ferigo G. (dir.), Aplis. Una storia dell’economia alpina in Carnia, Tolmezzo, Consorzio Boschi Carnici, 2008, p. 15-80 ; Lazzarini A., « Uomini, tecniche, organizzazione : il trasporto del legname dal bosco del Cansiglio a Venezia fra XVIII e XIX secolo », Archivio storico di Belluno, Feltre e Cadore, a. 70, no 306 (1999) p. 16-29.
9 Lazzarini A., Le vie del legno, op. cit., p. 196 ; Occhi K., Boschi e mercanti. Traffici di legname tra la contea di Tirolo e la Repubblica di Venezia (secoli XVI-XVII), Bologne, Il Mulino, 2006, p. 28-29.
10 Braunstein P., « De la montagne à Venise : les réseaux du bois au XVe siècle », Mélanges de l’École Française de Rome, 100, 2 (1988), p. 767.
11 Sur la législation forestière vénitienne : Di Berénger A., Saggio storico della legislazione veneta forestale dal secolo VII al XIX, Venise, G. Ebhardt, 1863 ; Cacciavillani I., Le leggi veneziane sul territorio 1471-1789. Boschi, fiumi, bonifiche e irrigazioni, Padoue, Signum, 1984 ; Ministero per i Beni Culturali e Ambientali – Archivio di Stato di Venezia, Boschi della Serenissima. Utilizzo e tutela (Mostra documentaria, 25 luglio – 4 ottobre 1987), Venise, Helvetia, 1987 ; Appuhn K., Inventing Nature : Forests, Forestry, and State Power in Renaissance Venice, « The Journal of Modern History », 2000, 72, p. 861-889.
12 Mor C. G., I boschi patrimoniali del patriarcato e di San Marco in Carnia, Udine, Cooperativa Alea, 19922 ; Vergani R., « Legname per l’Arsenale : i boschi “banditi” nella Repubblica di Venezia, secoli XV-XVIII », Cavaciocchi S. (dir.), Ricchezza del mare, ricchezza dal mare secc. XIII-XVIII (Atti della « Trentasettesima Settimana di Studi » dell’Istituto Internazionale di Storia economica « F. Datini »), 11-15 aprile 2005, Florence, Le Monnier, 2006, p. 401-413 ; Lazzarini A., La trasformazione di un bosco. Il Cansiglio, Venezia e i nuovi usi del legno (secoli XVIII-XIX), Belluno, Istituto Storico Bellunese della Resistenza e dell’Età Contemporanea, 2006.
13 Souligne la modernité de la politique forestière vénitienne Aymard M., « Strategie di cantiere », Tucci U. et Tenenti A., op. cit., p. 259-283.
14 Vergani R., op. cit., p. 294.
15 Susmel L., « Il governo del bosco e del territorio : un primato storico della Repubblica di Venezia », Atti e memorie dell’accademia patavina di scienze lettere ed arti, 94 (1981-1982), II partie, p. 73-100.
16 Lazzarini A., « Palificate di fondazione a Venezia. La chiesa della Salute », Archivio Veneto, s. V, 206 (2008), p. 33-60.
17 Tiepolo M. F., « Acque, boschi, territorio : un legame con Venezia », Archivio Veneto, s. V, 188 (1999), p. 232-238.
18 Lazzarini A., « Arsenal et forêts pendant les dernières années de la République de Venise. Les temps des réformes », Corvol A. (dir.), Forêts et Marine, L’Harmattan, Paris, 1999, p. 63-71.
19 Agnoletti M., « Organisation technique de l’approvisionnement en bois pour la République de Venise XIVe-XVIIIe siècle », Corvol A. (dir.), Forêts, op. cit., p. 225-241 ; Simonato Zasio B., Taglie bóre doppie trequarti. Il commercio del legname dalla valle di Primiero a Fonzaso tra Seicento e Settecento, Fonzaso-Tonadico, Comune di Fonzaso-Ente Parco di Paneveggio Pale di S. Martino, 2000.
20 Occhi K., op. cit., p. 59.
21 Zannini A., « L’economia veneta nel Seicento. Oltre il paradigma della “crisi generale” », Società Italiana Di Demografia Storica, La popolazione italiana nel Seicento (Atti del convegno di studi, Firenze, 28-30 novembre 1996), Bologne, Clueb, 1999, p. 473-502 ; Lanaro P., I mercati nella Repubblica Veneta. Economie cittadine e stato territoriale (secoli XV-XVIII), Venise, Marsilio, 1999 ; Panciera W., « La formazione delle specializzazioni economiche e territoriali nel Sei e Settecento », Fontana G. (dir.), L’industria vicentina dal Medioevo a oggi, Padoue, Cleup, 2004, p. 231-246.
22 Corazzol G., « Carbone e livelli francabili nella Pieve di Lavazzo (1619-1640) », Gardi A., Knapton M., Rurale F. (dir.), Montagna e pianura. Scambi e interazione nell’area padana in età moderna, Udine, Forum, 2001, p. 41, n. 5 ; Ferigo G., op. cit., p. 21.
23 Occhi K., op. cit., p. 85-86.
24 Population des principaux districts veneto-frioulans de montagne en 1548 et 1766 :
Districts | 1548 | 1766 |
Sette Comuni | 6.932 | 18.678 |
Feltrino | 21.835 | 23.382 |
Bellunese | 23-815 | 44.644 |
Cadore | 11.117 | 21.298 |
Car nia | 16.983 | 32.074 |
Canal del Ferro | 2.787 | 8.421 |
Tôt. | 83.469 | 148.497 |
Sources. 1548 : Descrizione delle città, castelli, ville et anime che sono in Terra ferma sotto l’Ill. ma signoria di Venetia, Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, Mss. it., cl. VII, 984 (8874), 159r-173v ; 1766 : Anagrafi Venete, Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, vol. I, Venise 1766. Les données du Cadore se réfèrent à l’année 1557 : Beloch K. J., Storia della popolazione d’Italia, Florence, Le lettere, 1994, p. 429. Pour la Carnia, voir Fornasin A., Ambulanti, artigiani e mercanti. L’emigrazione dalla Carnia in età moderna, Vérone, Cierre, 1998, p. 169-191. Pour le Canal del Ferro : Fornasin A., « La popolazione di Moggio durante l’età moderna », Bianco F. (dir.), Il feudo benedettino di Moggio (secoli XV-XVIII), Udine, Cooperativa Alea, 1995, p. 153-192. Pour l’ensemble de la population de la République de Venise : Fornasin A. et Zannini A., « Crisi e ricostruzione demografica nel Seicento veneto », Società Italiana Di Demografia Storica, op. cit., p. 103-122. Sur la densité de population des districts alpins, voir Mathieu J., Storia delle Alpi 1500-1900. Ambiente, sviluppo e società, Bellinzona, Edizioni Casagrande, 2000, p. 42.
25 Bianco F., Carnia. XVII-XIX. Organizzazione comunitaria e strutture economiche nel sistema alpino, Pordenone, Biblioteca dell’immagine, 20002, p. 93-94.
26 Ganzer G., « La fabbrica Linussio, “colosso dell’industria” nel Settecento », Archivio Veneto, s. V, 168 (1989), p. 67-92 ; Ganzer G., Linussio Iacopo, Scalon C., Griggio C., Rozzo U., Nuovo Liruti. Dizionario biografico dei Friulani. 2. L’età veneta. D-M, Udine, Forum, 2009, p. 1470-1476.
27 Simionato Zasio B., « “Le Rive e Coste de’Monti”. Proprietà collettive nella Pedemontana feltrina », Archivio storico di Belluno, Feltre e Cadore, 284 (1993), p. 108-114 ; 285 (1993), p. 157-170 ; Bianco F., « La tragedia dei comunali. Le foreste comunali in Carnia e nel Friuli agli inizi dell’Ottocento », Bianco F., Burgos A., Ferigo G., op. cit., p. 83-158.
28 Barbacetto S., « Tanto del ricco quanto del povero ». Proprietà collettive ed usi civici in Carnia tra Antico Regime ed età contemporanea, Tolmezzo, Coordinamento Circoli Culturali della Carnia, 2000 ; Lorenzini C., Scambi di frontiere. Comunità di villaggio, mercanti e risorse forestali nell’alta valle del Tagliamento fra la seconda metà del Sei e la fine del Settecento, thèse de doctorat soutenu à l’université d’Udine, sous la direction de F. Bianco, a. a. 2003-2004 ; Lorenzini C., Risorse forestali, comunità di villaggio e mercanti nella montagna friulana, Il Tagliamento, op. cit., p. 369-394 ; Barbacetto S., « La più gelosa delle pubbliche regalie. » I « beni communali » della Repubblica Veneta tra dominio della signoria e diritti delle comunità (secoli XV-XVIII), Venise, Istituto Veneto di Scienze, Lettere ed Arti, 2008.
Auteurs
- Ida Giordano (trad.)
-
Andrea Zannini
Professeur, université d’Udine
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