Chapitre X. La diffusion du « progrès »
p. 281-313
Texte intégral
1De l’écriture à la lecture, le processus de diffusion peut s’avérer particulièrement difficile, selon la notoriété de l’auteur, selon la force de l’éditeur, le coût des volumes, selon les relais locaux des administrations et des cercles agronomiques, selon l’alphabétisme des populations. Les auteurs ont leur avis sur le sujet, sur la difficulté à transmettre les théories aux praticiens, que ce soit à cause de ces derniers ou à cause d’un trop grand nombre d’agronomes écrivains. On cherche les moyens de diffuser les idées, les éléments bénéfiques à l’élevage et à l’agriculture, par la littérature mais aussi par d’autres biais, ainsi les encouragements, les récompenses, avec le soutien de l’État et des préfectures dans cette perspective.
2Quelques exemples de souscriptions permettent une autre approche du lectorat. Ces listes forment des indices quant à l’attractivité des localités, en distinguant alors des espaces, des catégories sociales, là encore avec des données très fragmentaires. La démarche des souscriptions, si elle n’est pas rare aux XVIIIe et XIXe siècles, n’est quasiment jamais affichée dans les ouvrages concernés, avec seulement trois cas, pour le moins très intéressants, sur l’ensemble du corpus. Comme le précise Wallace Kirsop, à la différence des Anglais, pionniers en la matière, les Français ne semblent pas vouloir voir leur nom figurer dans les listes, tout comme le public de Berlin et de Leipzig, comme ces listes renvoient à un usage provincial regardé avec dédain depuis la ville, usage provincial qui justement nous intéresse ici1. Ce travail, couplé aux études locales sur des inventaires mobiliers normands, charolais, limousins, à d’autres travaux historiens sur l’innovation agricole, conduit à dresser un tableau des « acteurs du progrès », qu’ils soient riches propriétaires ou petits cultivateurs ou éleveurs.
Comment diffuser les principes nouveaux ?
3Souvent les auteurs donnent leur avis sur la réalité de l’élevage bovin, sur les pratiques et sur l’écart entre ces pratiques et ce qu’ils recommandent pour multiplier et améliorer l’élevage. Leurs propos poussent l’État à prendre certaines initiatives, multipliées au XIXe siècle, en aidant à la diffusion de certains écrits mais surtout en cherchant à améliorer l’élevage par la création de Sociétés locales influentes et par la mise en place d’encouragements pécuniaires.
La diffusion du progrès selon les agronomes
4En 1758, Henry Pattullo, dans son Essai sur l’amélioration des terres, en appelle au gouvernement pour donner davantage d’effets à la littérature agronomique, en instituant des « marques de satisfaction » pour encourager les agricultures à investir dans de nouveaux projets (p. 210-211). Cette idée de distribuer des récompenses, des primes aux cultivateurs est davantage développée à partir des années 1790, après les crises des années 1780, en particulier depuis la disette des fourrages de 1785.
5Desplaces, quant à lui, estime dans son Préservatif contre l’agromanie, en 1762, qu’il y a trop de livres d’agronomie, alors que leur diffusion pratique est réellement faible. De même, dans ses Recherches sur les principaux abus qui s’opposent aux progrès de l’agriculture, Labergerie, en 1788, met en avant la multiplication des études en économie rurale, les progrès scientifiques, mais déplore un trop grand nombre de compilations, parfois contradictoires, qui rebutent les cultivateurs, déjà peu enclins aux nouveautés, vu les lourdes taxes qu’ils doivent payer.
6On met régulièrement en opposition le potentiel des terres et leur production réelle. Ainsi, La Salle de l’Étang, en 1764, considère que seuls les environs de Paris et des cantons à prairies sortent du lot, sans rendements intéressants dans le reste du royaume, accusant la routine des cultivateurs, le manque de prairies et les lourdes impositions. Il défend pour autant le rôle de la littérature agronomique, supposant que les cultivateurs lisent ce qui les intéressent, en appelant non modestement à ce que le gouvernement répande son propre ouvrage dans les campagnes, son Manuel d’Agriculture pour le Laboureur, pour le Propriétaire, et pour le gouvernement : contenant les vrais et seuls moyens de faire prospérer l’agriculture, tant en France que dans les autres États où l’on cultive ; avec la réfutation de la Nouvelle Méthode de M. Thull, ouvrage de près de 600 pages. Il s’attire les foudres de M. Delamarre, qui vient défendre les principes de Tull, Duhamel et Pattullo, qui reproche à La Salle des raisonnements vagues, des idées peu concrètes.
7Le cas de La Salle de l’Étang n’est pas isolé, loin de là, les auteurs faisant souvent leur propre publicité dans l’introduction des ouvrages, mettant en avant leurs expériences, leurs connaissances livresques, leurs références, de manière plus ou moins caricaturale, certains jouant la modestie du propos, d’autres la force des découvertes, avec des extrêmes, ainsi Buc’hoz, qu’on accuse de tellement compiler et copier qu’il en multiplie les contradictions, en particulier au sujet des plantes fourragères. Louis Rose, dans Le bon fermier, ou l’ami des laboureurs, en 1767, met en avant la clarté, la simplicité et la modestie de son ouvrage, mais il conseille aussi des lectures, ainsi l’Essai sur l’amélioration des terres de Pattullo (1758), les Élements d’agriculture de Duhamel du Monceau (1762), le Manuel d’agriculture et le Traité des prairies artificielles de La Salle de l’Étang (1764 et 1751), l’Essai sur les maladies contagieuses du bétail de Le Clerc (1766), éditions de la décennie écoulée.
8L’historien Georges Weulersse, en 1959, estime que les liens sont rompus entre encyclopédistes et économistes dans les années 1780, au début de la publication du Cours complet de Rozier, que Mirabeau voit seulement comme une entreprise de commerce2, alors que Rozier lui-même tient des paroles dures contre la multiplication des almanachs3. Les physiocrates sont particulièrement attachés à la diffusion périodique, mais on retrouve tout de même l’esprit libéral dans l’Encyclopédie méthodique, après qu’il ait traversé l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, la 1re édition du Cours complet formant en quelque sorte une parenthèse, dans un certain immobilisme savant.
9Lavoisier, en 1788, devant la Société d’agriculture de Paris, souligne que le progrès ne peut pas être rapide, en raison du manque d’informations et de moyens pour la majorité des paysans, en raison des contraintes matérielles des propriétaires ou cultivateurs aisés, comme il faut plus de pailles pour augmenter les engrais, plus d’engrais pour augmenter les pailles, dans une marche progressive et lente, donc, d’autant que certains préfèrent investir leurs fonds ailleurs que dans des innovations risquées pour leur exploitation4.
10En 1789, dans l’avertissement au Manuel du bouvier, Joseph Robinet, professeur à Alfort, indique que son ouvrage est destiné aux bouviers, certes, mais aussi aux marchands bouchers, aux « pâtres et marcaires », en mettant l’accent sur le grand nombre de recettes et de drogues, d’huiles, d’onguents utilisés par les vétérinaires, souhaitant restreindre les produits, comme, dit-il, « il est très possible d’obtenir beaucoup de guérisons avec peu de remèdes, et souvent avec beaucoup de remèdes on obtient peu de guérisons ». L’auteur donne l’intérêt de son ouvrage, mais dans une certaine retenue, avec modestie, devant beaucoup aux grands auteurs en la matière, comme Chabert, Huzard, Paulet. Chrétien de Lihus, dans ses Principes d’agriculture et d’économie (4e éd. en 1801), considère son ouvrage comme une référence nécessaire à l’agriculture, mais il dit s’adresser « aux nouveaux cultivateurs », à ceux qui se retirent à la campagne, renvoyant « les mylords français, les nouveaux enrichis » aux auteurs anglais et aux compilateurs, sans qu’il soit jamais question des cultivateurs communs. Dans l’avant-propos du Manuel du cultivateur français, ou l’Art de bien cultiver les terres, de soigner les bestiaux, et de retirer des unes et des autres le plus de bénéfices possibles, Thiébaut-de-Berneaud insiste sur le besoin de simplicité dans le discours agronomique, contre « l’agriculture de laboratoire », décrivant son projet de clarté dans une légèreté lyrique (document 14).
Document 14.
Le projet de Thiébaut-de-Berneaud (1829).
Source : Manuel du cultivateur français, 1829, avant-propos
« Je n’écris point pour ceux qui possèdent de grandes bibliothèques, ou qui veulent qu’un livre les amuse ; je viens simplement m’asseoir au foyer du laboureur, je viens partager ses peines et ses plaisirs, causer avec lui, soutenir son courage et lui donner de sages conseils. Mon but est de l’amener par une route simple, facile et lucrative, à l’amélioration de ses pratiques rurales. Mon but est d’agrandir ses connaissances dans l’art qu’il exerce, de lui en fournir les moyens, de le prémunir contre les projets insidieux, les sollicitations pressantes des hommes à systèmes, et lui rendre aussi douce que agréable la volonté d’agir sans cesse par lui-même, dans l’intérêt de sa famille, pour le mieux-être de ses bestiaux et de ses terres.
La tâche que je m’impose est d’autant plus grande que, au moment actuel où la science, égarée par ses novateurs, croit devoir, pour s’isoler, formuler par des chiffres tous les faits acquis ou qu’elle découvre, et les rendre par conséquent, inintelligibles et sans profit au plus grand nombre ; au moment où l’agriculture de laboratoire menace d’envahir le domaine du premier des arts, et enveloppe de la livrée de l’ambition, du charlatanisme et de la morgue insolente, le besoin se fait plus vivement sentir de porter un large flambeau lumineux chez le laboureur et le fermier, de parler au grand cultivateur comme au plus mince horticole, à la ménagère, aux bergers, à la fille de basse-cour, en un mot, à chacun des agens de la maison rurale, le langage simple et vrai qu’ils aiment à entendre, comme aussi de leur apprendre, tout en leur ouvrant la voie des progrès réels, des progrès durables, l’art si noble, si généreux de marier ses propres intérêts avec ceux de la terre qu’ils exploitent, des animaux qu’ils nourrissent, avec les intérêts de la famille et de la patrie, dont le nom et les accents sont toujours si puissans pour des cœurs nés français. La richesse acquise hors de cette ligne sacrée éteint tout sentiment d’humanité, de dignité personnelle, de nationalité : c’est le fruit du hideux égoïsme. »
11Sur les questions de commerce et d’artisanat, les revendications sont avant tout fiscales, financières, là encore auprès du gouvernement, ainsi au sujet de la Caisse de Poissy (1775-1819), du droit de Marque des cuirs, dénoncé par le tanneur Rubigny de Berteval en 1788 et 1789, au sujet du prix des bêtes et de la viande sous la Révolution (vers le Maximum), ou encore au sujet des droits d’entrée et de sortie sur les bestiaux, des droits d’octroi, à partir des années 1780 et dans un débat national « commandé » par le gouvernement au début des années 1840. La question de l’hygiène en boucherie, de l’état des tueries, apparaît dans les années 1780 dans la littérature économique, avec des tableaux négatifs sur la situation et des projets d’abattoirs auprès du gouvernement et des municipalités.
12À un autre niveau, la diffusion des idées nouvelles passe par la mise en avant éditoriale et la publicité donnée par les publications périodiques, ainsi le Journal œconomique, les Annales de l’agriculture françoise, qui proposent quantité de comptes rendus élogieux et d’annonces d’ouvrages choisis par les rédacteurs.
13Contre la diffusion des nouveautés, la routine et les préjugés, les impositions et la trop courte durée des baux sont des raisons qui s’imbriquent et qui freinent les expériences, selon les auteurs qui cherchent les origines d’un « immobilisme », sans forcément prendre en considération les situations locales, les spécialisations, certaines pratiques qui paraissent comme des « routines » étant régulièrement défendues par différents facteurs, à savoir la fertilité des sols, le climat, l’impact des crises économiques et des guerres. Pour autant, la mise en avant de ces raisons, plus ou moins justifiée, pousse le gouvernement à prendre des mesures, progressivement, en aidant la diffusion de nouvelles théories ou en modifiant les cadres législatifs.
L’État français et l’agronomie
Les efforts de l’État
14Vis-à-vis de l’édition, le gouvernement joue un rôle plus important à partir de 1775 et de 1785, d’abord au sujet de l’épizootie qui règne dans le sud-ouest du royaume, dans ensuite au sujet de la crise des fourrages, les administrateurs et fonctionnaires appelant la rédaction d’Instructions et leur impression publique. Ils organisent leur distribution auprès des intendants et des subdélégués, chargés ensuite d’en donner connaissance aux cultivateurs. Vicq d’Azyr se distingue dans le traitement de l’épizootie. Les instructions sont plus nombreuses en 1785, au sujet de fourrages alternatifs comme les turneps ou gros navets, la pomme de terre, la betterave champêtre, les prairies artificielles. On fait aussi imprimer, en 1785, l’Instruction sur la manière de conduire et de gouverner les Vaches que le Roi a fait distribuer aux pauvres familles de la généralité de Paris, par Chabert, un ouvrage bien distribué et, semble-t-il, bien accueilli.
15Au-delà des instructions, le gouvernement veut forcer la nature et envoie en 1785 des graines de turneps dans les généralités. Mais cette initiative semble aboutir à l’échec dans la grande majorité des cas, comme on ne trouve pas beaucoup de cultivateurs volontaires, comme on ne reçoit pas les graines à la bonne période pour les semer ou comme le système d’assolement en place ne permet pas de suppléer aux manques par une nouvelle culture dans l’immédiat.
16En 1806, au sujet du commerce de la boucherie et de la crise de l’élevage, Sauvegrain insiste sur le danger de mesures nationales censées redresser la situation et améliorer le cheptel en interdisant la vente des jeunes bêtes à cornes, comme, dit-il, certaines régions ont une économie basée sur ce négoce sans que la continuité de l’activité, tout de même avec certaines limites, soit préjudiciable au cheptel français. La volonté d’unification, au niveau parisien, rend certains textes législatifs et fiscaux menaçant pour certaines populations, ou bien simplement inefficaces. Mais on observe un intérêt des administrateurs pour les particularités locales, d’abord dans les enquêtes menées auprès des Intendances, en développement au Siècle des Lumières, plus efficaces après 1760, puis dans l’organisation d’enquêtes plus vastes et plus fréquentes au début du XIXe siècle.
17Pendant la période révolutionnaire, les scientifiques et économistes s’intéressent davantage aux chevaux et aux moutons, mais cela change quand on renoue le contact avec la Grande-Bretagne, après l’Empire, quand Victor Yvart découvre la race anglaise de Durham, améliorée depuis la fin du XVIIIe siècle, avec des importations de bêtes au milieu des années 1820, mais avec des croisements parfois infructueux, des bêtes d’Hereford reçues en lieu et place des bestiaux de Durham. Auguste Yvart, neveu de Victor, et Lefebvre Sainte-Marie, inspecteur général d’agriculture, décident d’officialiser l’introduction de la race étrangère, ce par le biais de l’État, chargé de l’importation et de la vente aux éleveurs, ce qui commence en 1837 à Alfort, avec des relais en province, par exemple au haras du Pin, dans l’Orne, dès 1838, au haras de Saint-Lô, dans la Manche, de 1843 à 1846. Les concours de Poissy et de Versailles, depuis 1844, viennent consolider la réputation de cette race, avec des croisements nombreux5.
18À Poissy, le concours se déroule lors du grand marché, l’avant-dernier jeudi précédent le mardi gras, de 1844 à 1867, avant la translation vers la Villette. Dès le début on met en avant le type anglais de Durham, avec une supériorité écrasante de ces animaux et de métis, d’après Jacques Bougler, avec, en 1850, 29 Durham, dont 3 purs et 26 croisés, sur les 72 bœufs présentés6 et 15 prix aux croisés sur les 23 qui sont distribués. On sépare ensuite les espèces, en particulier le type de Durham des races françaises, comme les objectifs sont différents selon qu’on produit de la viande et/ou du travail. On établit un concours d’animaux reproducteurs à Versailles à partir de 1849, à l’Institut national agronomique, mais avec un seul jury pour l’ensemble des races, ce qui change en 1852, et un handicap culturel pour les types bovins les plus lointains. Les 1ers prix vont au type de Durham, les 2es prix à des types du Cotentin, du Parthenais, de la Garonne, du Limousin, à des croisements Normand-Durham et Durham-Charolais, sans beaucoup d’effectifs pour participer7.
Les agronomes et les fonctions politiques
19En 1785, lors de la disette des fourrages, l’intendant des Finances Gravier de Vergennes réunit un groupe d’experts pour proposer des remèdes à la crise, un Comité d’administration créé sous l’impulsion de Lavoisier et Dupont de Nemours, jusqu’à la publication d’une Instruction sur les moyens de suppléer à la disette des fourrages, et d’augmenter la subsistance des bestiaux, rédigée par Lavoisier, d’après les travaux de Tillet, Darget, Poissonnier, Lubert, Lefebvre, La Rochefoucault-Liancourt, Lazowski, Courtois de Menut et Lehoc, MM. Parmentier et Thouin ayant refusé de faire partie de ce groupe de réflexion.
20Ce qu’André J. Bourde définit comme une 3e génération d’agronomes, à savoir Tessier, Rozier, Huzard, Chabert, Yvart, s’approche plus facilement des instances politiques et des commissions que la 1re génération des Liger et Chomel (jusqu’en 1720), ou que la 2e génération de Duhamel du Monceau et des défenseurs du nouveau système (jusqu’en 1780)8.
21Broussonet et Cretté-Palluel sont membres de l’Assemblée législative dès sa constitution en octobre 1791. Pendant la Révolution, les citoyens agronomes parisiens s’intègrent à la gestion de l’agriculture au niveau politique. Dans le Comité d’agriculture et des communications intérieures de la Législative, sur 24 membres, on compte sept cultivateurs ou propriétaires, un agronome, un membre de l’Académie des Sciences, un négociant, un marchand voiturier par eau, un maître de poste, trois membres de directoire de département, quatre administrateurs de département et autres « fonctionnaires », avec par exemple Broussonet, médecin et naturaliste, secrétaire perpétuel de la Société d’agriculture, auteur d’une Instruction sur la culture des turneps en 1785, le comte de Labergerie, membre de la Société d’agriculture et collaborateur au Cours complet, qui abandonne sa particule, ou encore Cretté-Palluel9.
22En 1795, dans la Commission d’agriculture et des arts, MM. Cels, Tessier, Labergerie et Parmentier sont agents de la division végétale, tandis que MM. Gilbert et Huzard sont à la division animale. Fin 1795, dans le Bureau consultatif d’agriculture, au sein du Ministère de l’Agriculture, on trouve, comme membres ordinaires, MM. Cels, Gilbert, Tessier, Huzard, et, comme membres suppléants, MM. Labergerie, Cretté-Palluel, Parmentier, Cadet-de-Vaux. En 1800-01, la section d’agriculture du Bureau consultatif d’agriculture, des arts et du commerce compte parmi ses 5 membres MM. Cels, Huzard et Tessier, et parmi ses 12 membres honoraires MM. Cadet-de-Vaux, Parmentier, Labergerie, Silvestre10.
23Louis Passy, en 1912, dresse un tableau de la situation des agronomes inquiétés par la Révolution. Ainsi Parmentier, un temps menacé, est aidé par Vilmorin et Gilbert qui l’envoient secrètement dans le Midi, les deux mêmes sauvant Valmont de Bomare en le chargeant de mission à l’étude en histoire naturelle dans les départements du Centre. Victor Yvart, dénoncé par les autorités de Charenton, est aussi envoyé par Gilbert en Camargue pour étudier les bêtes à laine du pays. L’abbé Tessier est emprisonné. MM. Gilbert et Huzard parviennent à gagner du temps pour l’arracher au tribunal révolutionnaire. Puis Vilmorin, Huzard, Fourcroy et Grégoire, amis de Gilbert, l’envoient combattre une épizootie à Châtellerault : il arrête le fléau, et ne rentre à Paris, comme beaucoup d’autres, qu’après le 9 thermidor. Dupont de Nemours, qui a failli périr le 10 août, est de nouveau arrêté, puis conduit à la Force peu de jours avant le 9 thermidor, qui le sauve. Cretté-Palluel, député de Paris sous l’Assemblée législative, n’est incriminé qu’en 1794, à cause de son titre de « secrétaire du Roi » auprès de la Société ; la chute de Robespierre le sauve, et on en fait un juge de paix sous le Directoire. Chabert est incarcéré comme aristocrate, mais il est sauvé.
24Bosc perd son poste dans l’administration en mai 1793 à cause de ses liaisons avec les Girondins. Il se cache dans la forêt de Montmorency, où il s’occupe d’histoire naturelle, accueillant d’autres amis fuyards, dont La Revellière-Lépeaux qui, devenu plus tard directeur, propose à Bosc de lui rendre sa position, ce que ce dernier refuse. Il habite aussi à cette époque dans les montagnes qui séparent le bassin de la Marne de celui de la Seine, entre Langres et Châtillon, et reparaît sous le Directoire, envoyé comme consul aux États-Unis, de retour en 1800.
25Vicq d’Azyr, incarcéré comme royaliste et comme médecin de la reine dans la prison du Luxembourg, y meurt au début de 1794. Lamoignon de Malesherbes est exécuté, avec sa petite-fille, son petit gendre et sa fille, le 22 avril 1794, à 73 ans. Loménie de Brienne meurt dans sa prison. Le 7 mai 1794 est la journée funèbre des fermiers généraux ; Lavoisier est alors exécuté. À Lyon, le médecin Louis Vitet devient maire, puis député à la Convention nationale en 1792 ; accusé de semer le trouble, il est enfermé, alors qu’il souhaite se retirer pour raison de santé, à 56 ans. L’abbé Rozier, quant à lui, meurt lors du siège de la ville, écrasé dans son lit par une bombe, dans la nuit du 29 septembre 1793.
L’enseignement agricole et la politique d’encouragement
26Les agronomes du XVIIIe siècle accusent régulièrement le manque d’instruction d’être un obstacle au « progrès » et insistent sur l’enseignement agricole pour diffuser les idées nouvelles. Pour autant, hormis la création d’écoles spécialisées comme les écoles vétérinaires, l’État ne fait qu’officialiser des initiatives privées, sans réseau cohérent avant la seconde moitié du XIXe siècle. L’enseignement est seulement supérieur, avec des fermes-écoles, des écoles régionales d’agriculture et l’Institut national agronomique, le décret du 3 octobre 1848 étant le premier texte à réglementer cet ensemble.
27On relève 10 ouvrages destinés aux jeunes, aux futurs cultivateurs et éleveurs, au XVIIIe siècle, en particulier avec le Spectacle de la Nature de l’abbé Pluche (1732), la Bonne fermière et le Bon fermier de Louis Rose (1765 et 1767), mais l’édition est toujours parisienne, si ce n’est pour le lillois Louis Rose, et leur diffusion semble aussi restreinte que celle de la plupart des traités d’agriculture et d’économie rurale. Le genre se multiplie au siècle suivant, parfois à destination des écoles primaires. La plupart des éditeurs de cette catégorie se trouvent à Paris ou dans le nord-est du pays, en particulier autour de Nancy.
28Les projets de la période révolutionnaire ont la vie courte, ils avortent le plus souvent avant fondation, qu’il s’agisse d’écoles agricoles spécialisées ou d’enseignement agricole intégré aux établissements du supérieur, les Écoles normales, ou à l’enseignement secondaire, selon le vœu de François de Neufchâteau en 1802. Il faut attendre les années 1820 pour voir la création de plusieurs établissements, surtout d’après des initiatives privées en ce qui concerne l’agronomie, avec les instituts de Roville, près de Nancy, et de Grignon, en Seine-et-Oise, en 1826 et 1827, celui de Grand-Jouan en Loire-Inférieure en 1830, dans lequel Jules Rieffel, ancien de Roville, insiste sur l’enseignement primaire, les Sociétés d’agriculture et les fermes-modèles. Ces instituts ont un nombre d’élèves limité, mais les expériences peuvent profiter aux cultivateurs et propriétaires des environs, avec des publications, ainsi les Annales de Roville de 1824 à 1832, et la participation à la réflexion des Sociétés d’agriculture et Comices locaux11.
29En 1802, François de Neufchâteau publie un Essai sur la nécessité et les moyens de faire entrer dans l’instruction publique l’enseignement de l’agriculture, lu à la Société d’agriculture de la Seine, au nom d’une commission composée de MM. Cels, Chassiron, Mathieu, Sylvestre, Tessier, avec une nouvelle édition en 1827, avec cette fois l’idée d’une grande école d’économie rurale. En 1837, Adrophile Lagrue, ancien instituteur à Nancy, se penche sur l’Amélioration de l’agriculture par l’enseignement, ou de la nécessité de donner une instruction spéciale aux cultivateurs… Mais l’évolution réelle est lente pour ce niveau d’enseignement, les efforts en restent à la formation supérieure.
30Le Conseil supérieur d’agriculture propose tout de même en 1835 un enseignement agricole dans les classes primaires et la rédaction de manuels, le soutien auprès des Sociétés d’agriculture et des Comices, le développement des fermes-modèles existantes et la création de nouvelles, ou encore la fondation de chaires d’agriculture dans les Écoles vétérinaires – ce qui implique le rétablissement de celle d’Alfort, contre l’avis de son directeur Eugène Renault, et le paiement des professeurs des écoles privées par le Ministère du commerce et des travaux publics. En 1845, le Ministère paie le traitement de neuf professeurs d’agriculture (un à Rodez, Toulouse, Besançon, Bordeaux, Nantes, Quimper, trois à Rouen) et subventionne dix fermes-écoles ou fermes-modèles. Thérèse Charmasson souligne que l’on passe ainsi d’une politique d’incitation à une politique de soutien actif. En 1845, le comte de Gasparin signale qu’il faudrait une formation à domicile, mais il n’est pas entendu12.
31Les auteurs du XVIIIe siècle souhaitent l’engagement de l’État pour l’enseignement agricole, la diffusion dans les campagnes, chez les jeunes cultivateurs, pour de nouvelles pratiques, avec la suppression de la jachère, l’instauration d’assolements complexes, avec des prairies artificielles, la multiplication des bestiaux. Mais l’instauration d’un véritable enseignement de ce type prend beaucoup de temps, avec un développement encore timide dans la 2nde moitié du XIXe siècle, la paysannerie restant à l’écart des innovations d’après Michel Boulet et Nelly Stéphan (2003, chap. ii).
32Ces deux derniers auteurs distinguent trois moyens pour rationaliser la diffusion des connaissances agronomiques au début du XIXe siècle, avec une presse agricole en développement, mais avec une diffusion encore limitée, avec des encouragements, des primes distribuées par les Sociétés d’agriculture et les Comices agricoles, favorisant les espèces végétales et animales les plus productrices, enfin avec des démonstrations, par le biais de champs d’expérience et des fermes-modèles.
Sociétés d’agriculture et Comices agricoles
33Duhamel du Monceau (1759) et Bertin (1759-63), du point de vue agronomique et du point de vue politique, œuvrent à l’établissement des Sociétés d’agriculture en France au début des années 1760, sociétés chargées de l’amélioration de la culture actuelle et de l’encouragement au défrichement des terres incultes, en insistant sur le caractère pratique des travaux, avec l’obligation d’envoyer les ouvrages imprimés à la Bibliothèque du Roi, obligation rappelée par le Contrôleur général de Calonne en octobre 1785 comme elle n’est pas suivie par tous13. D’après André J. Bourde, Bertin donne beaucoup d’attention à la question des nouveaux engrais, aux fromages de Spolète, à de nouvelles plantes comme le ray-grass. Il soutient en 1767 les recherches de l’École vétérinaire d’Alfort et s’occupe personnellement d’une enquête sur les noms des maladies des bestiaux14.
34Parmi les membres de la Société d’agriculture de la généralité de Paris, on compte, dès 1761, le marquis de Turbilly, et parmi les membres associés ce sont Bertin, Trudaine, le comte de Buffon, Desmarets, Duhamel du Monceau, Pattullo, Quesnay. André Thouin en devient membre en 1763, Bourgelat en 1765, Sarcey de Sutières en 1767, Turgot en 1775, Valmont de Bomare en 1777. En 1783 y apparaissent Chabert, Lavoisier, Tessier. Cadet-de-Vaux, D’Arcet et Loménie de Brienne en deviennent membres en 1787, Cretté-Palluel, Parmentier, Labergerie et Vicq d’Azyr en 1788, et Flandrin, Gilbert et Moreau de Saint-Mery en 1791. L’abbé de Commerell, Johann Beckmann et Arthur Young en sont des associés étrangers, en 1787 et 178815. Bertier de Sauvigny, Broussonet et Cretté-Palluel sont à l’origine des Comices agricoles, dès 1789.
35Le gouvernement commande des enquêtes dans les années 1760 et 1770 auprès de ces relais provinciaux que constituent les Sociétés d’agriculture, en particulier sur les droits communaux, sur la vaine pâture et le parcours, avec des avis divergents. Mais on peut avoir beaucoup de doutes quant à l’intérêt de ces enquêtes et quant à l’influence des travaux de ces Sociétés, avec un recrutement qui reste limité, souvent, à proximité des grandes villes, des sièges principaux ou des bureaux, avec une activité très inégale selon les régions.
36Les Sociétés d’agriculture proposent quelques prix liés à l’élevage bovin, ainsi au sujet des maladies épidémiques et contagieuses en 1764 et 1766, la Société de Paris remettant un prix au docteur Barberet, de Bourg-en-Bresse, en mai 1765, puis au sujet des fourrages, avec un prix pour les plus belles prairies artificielles de la part du bureau de Sens et de la Société de Lyon en 1765 et 1770. En 1775, la Société d’agriculture de Limoges propose un prix au meilleur mémoire sur la comparaison de l’emploi des chevaux et de celui des bœufs pour la culture16. On traite beaucoup de la multiplication des bestiaux, du choix des reproducteurs, du développement des prairies artificielles, mais sans conséquence notable sur la pratique dans les régions concernées, si ce n’est chez de riches propriétaires qui sont membres de ces Sociétés, sans diffusion auprès de la masse des cultivateurs. La correspondance avec Paris est importante, fluctuante selon les périodes, avec un ralentissement général de l’activité des Sociétés dans les années 1770, mais sans que l’on puisse aisément mesurer l’impact des échanges sur les décisions de l’État, sur la législation. Les enquêtes de 1780 et de 1788 sur l’utilité des Sociétés d’agriculture s’accordent pour dire que les structures sont généralement tombées dans un sommeil prolongé, si ce n’est à Lyon, à Tours, à Auch, Alençon et Orléans, où l’on organise encore des séances à la veille de la Révolution17.
37Notons que, comme le montre Daniel Roche au sujet de l’académisme, les concours n’ont pas grand public – souvent les prix sont reportés, avec des réponses peu nombreuses, des variations annuelles énormes pour chaque Société, avec un recrutement particulièrement faible des candidats, comme l’accès à l’écriture scientifique n’est pas encore aisé18.
38En 1798, la Société d’agriculture de Paris renaît en tant que Société libre d’agriculture du département de la Seine, après sa suppression par la loi du 8 août 1793. On compte 150 correspondants dans la nouvelle structure, dont au moins un par département. Les Sociétés d’agriculture et leurs bureaux annexes se réorganisent au cours du XIXe siècle, d’abord en renouvelant leurs membres, avec davantage de cultivateurs, mais aussi en organisant des concours. Le mouvement de fondation des Comices agricoles, cette fois-ci au niveau des arrondissements ou des cantons, commence véritablement au milieu des années 1830, surtout dans les années 1840 sur l’ensemble du territoire français, mais sans grande activité avant la seconde moitié du XIXe siècle, si ce n’est dans l’organisation de quelques concours de labourage, de boucherie, de vaches laitières, à côté d’initiatives des Sociétés d’agriculture existantes.
Les souscriptions : indices de lecture
39Les Sociétés d’agriculture et les Comices agricoles possèdent souvent des bibliothèques internes, mais il reste difficile de savoir si des propriétaires et des cultivateurs vivant dans les campagnes des régions concernées lisent les ouvrages et périodiques à disposition. Ainsi, les meilleurs indices restent les souscriptions, les abonnements aux revues et journaux, mais aussi les inventaires mobiliers, dans lesquels paraissent, certes rarement, des titres précis de littérature agronomique.
40Daniel Roche, en 1978, étudie les souscriptions à l’Encyclopédie, de 1777, concernant plus de 600 parisiens, de 300 à 600 individus dans chaque ville de Bordeaux, Toulouse, Lyon et Genève, avec ensuite une nébuleuse de points depuis Rennes et Angers jusqu’à Lille et Metz, en passant par Caen et Rouen, et avec d’importantes souscriptions depuis l’ensemble de la vallée du Rhône, parmi des points épars en Massif Central et dans les villes secondaires du royaume. Le schéma est le même au sujet du Dictionnaire géographique, historique et politique de l’abbé Expilly (1762-1770), avec tout de même plus de souscripteurs à Nantes et autour d’Avignon (1er lieu d’édition)19. Ces deux études, sur des supports généralistes ou géographiques, forment un point de comparaison avec notre étude agronomique.
Les Annales de l’agriculture françoise (1801-1804)
41On dispose, pour les Annales, de neuf listes de souscriptions, entre 1801 et 1804. La première liste (t. VI) fait état des souscriptions établies au 1er nivôse an IX (22 décembre 1801), avec 90 noms ou structures. Puis ce sont 39 nouveaux souscripteurs jusqu’à la publication du tome suivant, avec 20 à 60 nouvelles souscriptions signalées dans les 7 listes suivantes, jusqu’aux individus qui ont souscrit entre le 1er thermidor an XII (20 juillet 1804) et la publication du 3e tome de l’an XIII en mars ou avril 1804. En tout ce sont 361 souscriptions, dont 3 doublons, analysées dans leur ensemble du point de vue social, spatial et chronologique.
42La distribution géographique des souscripteurs, toutes listes confondues, révèle certains pôles d’attractivité (figure 5).

Figure 5.– Les souscriptions aux Annales de l’agriculture françoise (1801-04). Carte dressée d’après l’Atlas national et topographique de la France en département, 1796.
43C’est avant tout Paris qui se démarque, avec 103 souscriptions, en tout 128 pour les départements de la Seine, de Seine-et-Oise et de Seine-et-Marne (35,5 % du total), avec un appel à souscription encore important jusqu’à Rouen, Beauvais, Châlons, Orléans et Chartres, puis une nébuleuse de points de Boulogne-sur-Mer à Strasbourg, mais sans demande forte dans le Grand Ouest, si ce n’est autour du Mans et le long de la Loire. Dans le Centre, le nombre de souscriptions est bien faible. Par contre, on observe quelques chiffres importants à Bordeaux, à Auch, à Toulouse et aux environs. On suit enfin la côte de Perpignan à Montpellier, puis le Rhône et la Saône, d’Avignon à Mâcon, en passant par Lyon, où l’on recense seulement quatre souscriptions, dont une de Guillegoz, professeur à l’École vétérinaire, une autre de la Société d’agriculture du département du Rhône.
44Dix-huit souscriptions viennent de l’étranger ou de pays annexés, dont deux d’Angleterre, sept des Pays-Bas, dont cinq d’Anvers, puis une de l’École vétérinaire de Copenhague, une de MM. Riss et Saucet, libraires à Moscou, cinq d’États allemands ou annexés (dont un libraire de Leipzig, M. Voss), trois de Genève (dont le libraire Paschoud, qui tient aussi une boutique à Paris), une de Neufchâtel, enfin cinq d’Italie, avec un libraire de Turin, M. Bocca, et le président de la Société d’agriculture de cette même ville, M. Buniva, vétérinaire.
45On tient des informations sur la profession ou le statut pour 272 souscripteurs. Sur l’ensemble, 62,5 % des souscriptions concernent des membres de l’administration, des propriétaires (dont De Perthuis, à Paris) et/ou propriétaires-cultivateurs (dont Saint-Genis, à Pantin) ou bien des structures scientifiques, Sociétés d’émulation, Sociétés d’agriculture, Institut national de France, Écoles centrales ou vétérinaires et Muséum d’histoire naturelle. Parmi les administrateurs, citons Bénézech, conseiller d’État chargé de l’agriculture, Chaptal, Parmentier, inspecteur général du service de santé des armées, également agronome, ou encore Cels, Vilmorin, Chassiron, François de Neufchâteau. Ce sont 18 Sociétés d’agriculture qui sont représentées, en premier lieu celles des départements de la Seine et du Rhône, puis celles de l’Aveyron, de Charente-Inférieure, de Seine-et-Oise, du Bas-Rhin, des Deux-Sèvres, du Gers, de l’Indre, du Pas-de-Calais, en 1801, puis du Mont-Blanc, de la Vienne, du Calvados, de Haute-Vienne, des Landes, de Seine-et-Marne, en 1802, enfin du Puy-de-Dôme en 1803.
468,5 % des souscripteurs sont libraires, imprimeurs ou imprimeurs-libraires, à Paris mais aussi à Nantes, Toulouse, Saumur, Laval, Bourg-en-Bresse et Chartres. Seuls Fuchs, à Paris, et Paschoud, à Genève, commandent plusieurs exemplaires. Ensuite se distinguent les cultivateurs ou agriculteurs, 5,5 % de l’ensemble des souscripteurs, dans des bourgs ou villages de la région Centre, de la Côte-d’Or, et de la Seine, de Seine-Inférieure, Meuse, Isère, Drôme et Haute-Garonne. On compte aussi trois maîtres de poste, à Dinan, Vassi et Rambouillet.
47On recense par ailleurs quelques professeurs, quelques juristes, des médecins, des négociants, seulement quatre « agronomes », quatre vétérinaires, de Paris, Chartres, Autun et Quenneviers dans l’Aisne, deux individus que nous avons désignés comme scientifiques, à savoir André Thouin et le comte de Lasteyrie. Gondinet, désigné comme médecin et sous-préfet de Saint-Yrieix en Haute-Vienne, apparaît dans la 5e liste. Dans la Creuse, on voit le nom de madame Faure de Fournou, à Bourganeuf, parmi 7 femmes dans l’ensemble du corpus. Dans la Calvados et l’Orne, hormis la Société d’agriculture de Caen, on note les noms de Vernet, à Bayeux, et de Magneville, propriétaire à Caen. Dans l’Orne, ce sont Louis Dubois, bibliothécaire de l’École centrale d’Alençon, et M. de la Pallue ou Delapalue, à Vert-Bois, près Gacé, qui apparaît 2 fois, sous ces deux orthographes, dans les 5e et 6e listes. Les souscriptions sont plus nombreuses autour de Rouen et du Havre, plus près de Paris. En Saône-et-Loire, seuls le préfet Buffaut, à Mâcon, et le vétérinaire Pichard, à Autun, sont souscripteurs au périodique.
La nouvelle édition du Théâtre d’agriculture (1804-1805)
48En 1804 et 1805, on réimprime le Théâtre d’agriculture d’Olivier de Serres, après une 19e édition en 1675 et une autre, passée inaperçue, en 1802. François de Neufchâteau rédige la préface et la biographie de l’auteur, tandis que MM. Cotte, Chaptal, Cels, Deyeux, Dussieux, Huzard, Lasteyrie, Olivier, Parmentier, Tessier et Yvart rédigent des notes. En tête des deux volumes, on donne deux listes de souscriptions qui, si elles ne distinguent pas des individus férus de progrès agricole plutôt que des individus séduits par la réédition d’un classique, n’en recensent pas moins des personnes intéressées par l’agronomie, dans les villes et dans les campagnes françaises. On ne trouve pas d’exemplaires du Théâtre d’agriculture original dans les inventaires mobiliers, mais la nouvelle édition connaît une importante diffusion.
49Chacun des deux tomes propose une liste de souscripteurs au début des volumes, avec 528 individus ou structures dans le premier, 165 dans le second, soit un total de 693 entrées, près de deux fois plus que pour les Annales. On compte six doublons, d’une liste à l’autre : ainsi Charles Caffarelli, préfet du Calvados, et Chaptal, ministre de l’Intérieur et membre du Sénat, souscrivent une deuxième fois pour un exemplaire sur papier vélin ; François de Neufchâteau, membre du Sénat, puis président de la même institution, commande trois exemplaires sur papier vélin dans sa seconde souscription ; le libraire Durville, à Montpellier, fait aussi une nouvelle souscription, et le libraire Levrault commande un exemplaire pour Strasbourg et deux autres pour Paris dans un premier temps, puis cinq nouveaux exemplaires pour Paris dans un second temps. Le plus souvent la souscription ne concerne qu’un seul exemplaire (dans 92,5 % des cas). Puis cela peut aller de 2 à 12 unités, essentiellement pour des libraires, des imprimeurs et parfois des administrateurs, en particulier des préfets (7,2 % des cas), en outre 25 exemplaires pour la Société d’agriculture du département de la Seine, et 200 pour Chaptal, Ministre de l’Intérieur.
50En tout 45 souscriptions viennent de l’étranger ou de départements belges et italiens annexés, de Bruges à Aix-la-Chapelle (7), autour de Luxembourg (8), de Turin à Venise (11), avec aussi les villes de Londres (duc de Bedford), Anvers (pour la Société d’agriculture), Copenhague (d’un professeur), Clèves (du sous-préfet), Moscou (avec, comme dans les Annales, les libraires Riss et Saucet, pour deux exemplaires), Leipzig (avec aussi le libraire Voss, qui demande ici dix exemplaires), Figuières (avec un cultivateur) et Lisbonne.
51Au nombre de souscriptions, la distribution est relativement différente de celle des Annales (figure 6). On observe d’abord quelques points communs, ainsi la dominance de Paris et des départements de l’Île-de-France avec en tout 219 souscripteurs (31,6 %). Mais on compte moins de commandes depuis les départements limitrophes du Centre, de Haute-Normandie, de Picardie, de Champagne, de Bourgogne, en distinguant tout de même les villes de Rouen, d’Amiens et de Châlons. On observe toujours une nébuleuse de points de Boulogne-sur-Mer à Strasbourg, avec davantage de souscripteurs à Douai, l’apparition des Ardennes (Mézières et Sedan) et 9 souscriptions depuis Metz. La demande reste faible dans le Grand Ouest, même dans les Pays de la Loire et le Poitou-Charentes, si ce n’est dans les capitales départementales et sur la côte de La Rochelle à Royan. Dans le Sud-Ouest, on est surpris du petit nombre de souscriptions toulousaines (4) et de la forte demande fuxéenne (14), en outre quelques demandes à Auch et Pau. L’attractivité de la vallée du Rhône et de ses entours se confirme, avec un triangle fourni entre Lyon (26), Montpellier (11) et Marseille-Aix (8), zone qui regroupe 93 souscriptions (13,4 % de l’ensemble). Entre Lyon et Paris, on distingue les villes de Nevers (et ses alentours), de Dijon et de Besançon.
52On connaît le statut ou la profession de 583 souscripteurs, sur les 693 entrées, et on relève des tendances proches de ce qui est observé pour les Annales. Ainsi, 59,2 % des souscriptions, contre 62,5 % dans les Annales, viennent de membres de l’administration, de propriétaires – on retrouve De Perthuis, à Paris, et/ou propriétaires-cultivateurs, dont Charles Pictet, à Genève, La Rochefoucault-Liancourt et Saint-Genis, également souscripteurs aux Annales ; ou bien ce sont des structures scientifiques, Sociétés d’émulation, Sociétés d’agriculture (3,8 %), Institut national de France, Écoles centrales ou vétérinaires et Muséum d’histoire naturelle.

Figure 6.– Les souscriptions au Théâtre d’agriculture (1804-05). Carte dressée d’après l’Atlas national et topographique de la France en département, 1796.
53Parmi les administrateurs, citons Justin Girod-Chatrans, membre du Corps législatif à Besançon, Chaptal et François de Neufchâteau, membres du Sénat, le comte Mathieu Depère, également membre du Sénat, mais encore Lucien et Joseph Bonaparte, Buniva (de Turin), Chassiron. Parmi ces membres de l’administration, on compte 35 préfets et 13 maires. Comme dans les Annales, ce sont 18 Sociétés d’agriculture qui souscrivent, à savoir ici celles des départements de la Seine, de Seine-et-Marne, des Deux-Nèthes (à Anvers), celles d’Auch, de Besançon, de Caen, de Châlons-sur-Marne, de Chambéry, de Châteauroux, de Douai, de Lyon, de Meillant, de Mont-de-Marsan, de Nancy, de Niort, de Rodez, de Turin et de Valence, ce qui fait quelques différences avec l’exemple des Annales, sans trouver ici les Sociétés du Bas-Rhin, de la Vienne, de Haute-Vienne, du Puy-de-Dôme. Par ailleurs 48 souscripteurs sont correspondants de la Société d’agriculture du département de la Seine, 23 sont membres de l’Institut national, dont 15 membres de la Société d’agriculture du département de la Seine, parmi 50 membres de cette même Société, à côté de 41 membres de Sociétés d’agriculture ou d’émulation ou des arts.
549,8 % des souscripteurs sont libraires, imprimeurs ou imprimeurs-libraires (contre 8,5 % dans les listes des Annales), dont plus de 60 % à Paris, et d’autres à Aix, Amiens, Bordeaux, Dijon, Fontainebleau, Grenoble, Montpellier, Orléans, Poitiers, Rennes, Rouen, Strasbourg et Valence. On rencontre là les célèbres Déterville, Didot (Firmin), Levrault, Maradan, Paschoud, spécialisés dans la littérature agronomique.
55Ensuite se distinguent les militaires ou anciens membres de l’armée (4,1 %), qu’on suppose propriétaires, puis les cultivateurs ou agriculteurs (3,8 %) dans des bourgs ou villages de la région Île-de-France (7), du Sud-Ouest (5), puis dans le Pas-de-Calais, la Drôme, la Loire-Inférieure, la Nièvre, le Calvados, l’Eure-et-Loir et la Seine-Inférieure, soit une distribution spatiale différente de ce qu’on observe dans les Annales ; citons par exemple Victor Yvart, un cas particulier, également agronome, à Maisons. On ne trouve qu’un seul maître de poste dans les deux listes, Lemesle, de Rambouillet, classé parmi les cultivateurs, également souscripteur des Annales.
56Sans que leur statut soit précisé, on reconnaît au moins 16 « scientifiques », agronomes, botanistes ou chimistes parmi l’ensemble des individus et structures. Déjà présents dans les listes de souscription aux Annales, ce sont Parmentier et Cels, qui étaient classés parmi les administrateurs, ou encore André Thouin, mais on voit apparaître Charles-Jean-Marc de Lullin de Châteauvieux, de Genève, Cadet-de-Vaux et Deyeux, chimistes à Paris, et Tessier, fondateur des Annales. Rappelons ici que MM. Cotte, Chaptal, Cels, Deyeux, Dussieux (propriétaire-cultivateur à Vaux, en Eure-et-Loir), Lasteyrie, Olivier, Parmentier, Tessier et Yvart rédigent des notes pour cette nouvelle édition, avec Jean-Baptiste Huzard qui est le seul à ne pas apparaître dans la liste des souscripteurs.
57Comme dans les Annales, on lit ensuite une variété de professions parmi les 22 % de souscripteurs qui restent, avec 20 négociants ou marchands, 17 juristes, 16 médecins (dont Amoreux, de Montpellier), 14 professeurs, dont deux à l’École vétérinaire d’Alfort (Chaumontel et Dupuy), trois à celle de Lyon (Gohier, Grognier et Guillegor), puis 10 bibliothécaires ou structures liées au livre (à Paris, Auch, Châlons, Lyon, Marseille, Saint-Brieuc), 6 notaires, 6 vétérinaires (à Paris, Besançon, Cambray, Issoudun, Maastricht), 5 femmes sans profession précisée (avec madame Faure de Fournou, de Bourganeuf en Creuse, également présentes pour les Annales). Ce sont aussi des banquiers, des ingénieurs, des pharmaciens, deux architectes, un graveur, un littérateur, etc. Signalons la présence de deux tanneurs, M. Orban, à La Roche, en Sambre-et-Meuse, et M. Lhote-Habons, propriétaire à Mézières, dans les Ardennes.
58Focalisons-nous sur le Charolais, le Limousin, la Normandie. On compte six souscriptions de Saône-et-Loire, mais aucune du Charolais ou du Brionnais, avec par exemple le préfet Buffault, à Mâcon, deux propriétaires à Autun et un autre à Toulon-sur-Arroux, à 35-40 km au nord de Paray et de Charolles. En Limousin cette souscription n’a quasiment aucun succès, avec seulement trois noms, madame Faure de Fournou à Bourganeuf, M. Terradon, président du tribunal de première instance dans la même ville, membre de la Société d’agriculture de la Creuse, et enfin Lepiot-Seltot, directeur du Haras national de Pompadour. La situation n’est pas plus brillante pour la Basse-Normandie, sans aucun souscripteur de l’Orne, seulement deux du département de la Manche (Duhamel, maire de Coutances, et Bernard, juge suppléant au tribunal de l’arrondissement communal de Saint-Lô), tout de même sept depuis le Calvados, dont quatre de Caen pour la préfecture et la Société d’agriculture.
Le Cours complet d’agriculture de 1809
59L’édition de 1809, Nouveau Cours Complet d’Agriculture théorique et pratique, établie sur le plan de l’ouvrage de Rozier, rédigé par les membres de la section d’agriculture de l’Institut, publiée à Paris chez Déterville et chez Buisson en 13 volumes in-8° de 7 071 p., compte 726 souscripteurs d’après la liste établie dans le dernier volume. Cette souscription représente un total de 2 377 exemplaires, avec la demande d’un seul exemplaire dans seulement 76,7 % des cas (contre 99,3 % pour les Annales, 92,5 % pour le Théâtre d’agriculture), de 2 à 16 exemplaires dans 20,5 % des cas, de 23 à 65 dans 19 cas, chez des libraires et/ou imprimeurs (2,6 %), et 216 pour Le Normant, imprimeur-libraire à Paris, près du Pont-Neuf, rive droite.
60La distribution géographique est encore particulière. On reconnaît certes les mêmes zones d’influence, d’autant que l’annonce de cette nouvelle édition dans les Annales en 1808 et 1809 peut influer sur la démarche de souscription20, mais l’étude détaillée révèle des écarts importants à l’échelle nationale ou locale (figure 7).
61Sur 704 souscriptions précisément localisées, 257 sont parisiennes (36,5 %, contre 31,6 % concernant le Théâtre d’agriculture), pour 1 026 exemplaires (43,2 %). Par ailleurs 35 viennent de contrées italiennes (dont 21 de Turin), 44 de contrées du Nord et de l’Est (Belgique, Hollande, Allemagne, Russie), 5 de Suisse, soit 11,9 % de souscriptions de l’étranger ou d’États annexés au début du XIXe siècle, pour 450 exemplaires (18,9 %), essentiellement de la part de librairies ou d’administrations (mais avec un public plus varié en Italie). Comme pour les autres souscriptions, Paris domine, et la demande des actuels pays de Belgique, d’Allemagne et d’Italie n’est pas négligeable, ici moins que dans les exemples précédents.

Figure 7.– Les souscriptions au Cours complet d’agriculture (1809). Carte dressée d’après l’Atlas national et topographique de la France en département, 1796.
62Pour le reste, on note que ce sont les villes de province qui se distinguent, contre une souscription rurale plus grande au Théâtre d’agriculture (1804-05). En effet le chef-lieu de département s’impose sur les villes secondaires et autres bourgs dans la commande du Cours complet de 1809, au nombre de souscriptions, ainsi dans le Sud-Ouest, dans le Nord-Est et le long de la Loire. Par rapport à ce qu’on a observé pour le Théâtre d’agriculture, on note ici que la diffusion dans le Nord et le Nord-Est est moins évidente, tandis que l’auréole qui s’étend depuis Paris est plus grande, vers tous les départements limitrophes de l’actuelle région d’Île-de-France. Ce sont d’autres zones qui se dessinent, avec 18 souscriptions dans les départements de la Manche, du Calvados et de l’Orne, 27 dans les départements de Loire-Inférieure et de Maine-et-Loire, avec une diffusion relativement grande dans les départements de Vendée et de Vienne. Au Sud d’une ligne Limoges-Lyon, la demande est faible (10,4 % du total), plus maigre que dans le cas du Théâtre d’agriculture, en distinguant surtout Nîmes et Montpellier. La diffusion le long du Rhône est beaucoup plus faible, même à Lyon (10 commandes pour 90 exemplaires), alors que la demande augmente en Côte d’Or et en Franche-Comté.
63On connaît le statut ou la profession de 597 souscripteurs, sur les 726 entrées, avec des différences très nettes par rapport aux deux listes précédentes. En effet, 29,6 % seulement des souscripteurs font partie de l’administration ou sont propriétaires, contre 59,2 % pour le Théâtre d’agriculture et 62,5 % dans les Annales. On retrouve parmi les administrateurs François de Neufchâteau, sénateur, et Charles Caffarelli, préfet du Calvados. Parmi les propriétaires, c’est par exemple Jean-Marie Heurtaut de Lamerville, qui publie sur le desséchement des marais et sur les communaux en 1790 et 1799, qui participe à l’édition de Sonnini du Cours complet paru en 1808, qui meurt en 1810. Mais on ne retrouve pas De Perthuis, Pictet, La Rochefoucault-Liancourt, Saint-Genis, sans agronomes spécialisés dans l’agriculture ou l’élevage. Par ailleurs, on ne voit ici aucune Société d’agriculture souscrire directement à la réception d’un exemplaire de ce Cours complet. Seuls 26 souscripteurs (3,6 %), d’après l’information donnée dans la liste, sont liés à une Société savante, dont 5 à l’Institut national, 14 à une Société d’agriculture (11 différentes).
64Alors que le pourcentage de libraires, imprimeurs ou imprimeurs-libraires était de 8,5 % dans les listes des Annales et de 9,8 % dans celles du Théâtre d’agriculture, il atteint ici 40,9 %, et jusqu’à 83,6 % du nombre d’exemplaires. 45 % d’entre eux sont parisiens, contre 60 % parmi les libraires souscripteurs au Théâtre d’agriculture, en distinguant ensuite les libraires et imprimeurs d’Angers, Autun, Bourges, Clermont-Ferrand, Conflans, Dôle, Limoges, Lons-le-Saulnier, Lyon, Marseille, Meaux, Metz, Nancy, Nantes, Riom, Rouen, au-dessus de 10 exemplaires, puis d’autres dans les grandes villes de province et dans quelques villes secondaires, pour une souscription de moins de 10 exemplaires par cité.
65Ensuite se distinguent les juristes (5,5 %), les militaires ou anciens membres de l’armée (3,7 %), qu’on suppose propriétaires. Ce sont aussi des maires, des négociants, dont un marchand de graines aussi commissionnaire en librairie, à Tartas dans les Landes, qui commande 13 exemplaires. Ce sont encore des médecins, des notaires, dont un agriculteur, deux propriétaires. Les individus de ces catégories professionnelles viennent pour la plupart de province et ne souscrivent que pour un exemplaire, si ce n’est dans le cas cité du marchand de graines On ne compte que trois cultivateurs, deux en Alsace, un près de Choisy-le-Roi. On rencontre 4 directeurs des postes, à Aumale en Seine-Inférieure, à Bellac en Haute-Vienne, à Saint-Benoît-du-Sault dans l’Indre, à Saint-Florentin dans l’Yonne, et un maître des postes, de Toury en Eure-et-Loir.
66On observe ensuite une variété de professions parmi les 10,4 % de souscripteurs qui restent, avec six professeurs, quatre bibliothécaires, dont Moysant, à Caen, puis 4 pharmaciens, 4 vétérinaires, dont le parisien Jean-Baptiste Desplas, 3 banquiers, 3 membres du clergé, le secrétaire de la Société d’agriculture et de commerce de Caen, quelques artistes… C’est aussi un boucher, P. Bonnevie, à Gonesse en Seine-et-Oise.
67On recense 5 souscriptions de Saône-et-Loire, mais aucune du Charolais ou du Brionnais : ce sont un propriétaire de Buxy, le receveur général du département, Moreau, à Mâcon, mais aussi Dauphin, libraire à Autun, et Dejussieu, imprimeur-libraire qui souscrit pour 5 exemplaires à Châlons-sur-Saône et pour 26 exemplaires à Autun, où existe une Société d’agriculture depuis 1801, qui disparaît vers 1810-1813. En Creuse, c’est de manière isolée que le chirurgien Jarrijon souscrit au Cours complet, depuis Aubusson, de même que le directeur des postes de Bellac en Haute-Vienne ou le propriétaire Defenieux-Lalanne à Veyrac, tandis que l’on compte quatre souscriptions depuis Limoges, de deux avocats, Lezaud et Mestadier, d’un ingénieur, Lobligeois, et surtout du libraire Bargéas, qui réserve 23 exemplaires.
68La situation est meilleure pour la Basse-Normandie, avec 26 souscripteurs dans les trois départements du Calvados (19), de la Manche (4) et de l’Orne (3), mais jamais plus de deux exemplaires par individu, aucune redistribution postérieure des exemplaires, donc, si l’on s’en tient à cette liste de souscripteurs. Dans le Calvados, la demande vient de Caen, avec le préfet Cafferelli, Pierre-Aimé Lair, secrétaire de la Société d’agriculture et de commerce, avec Moysant, bibliothécaire de la ville, ou Hélène Le Baron, libraire qui ne retient que deux exemplaires, puis de Falaise (avec deux libraires, Dufour et Letellier, et un juriste, un pharmacien), de Bayeux (Groult, imprimeur-libraire, souscrit pour deux exemplaires), et de Lisieux, de Quesnay et de Vire (des propriétaires), de Saint-Pair près Troarn (le maire, D’Hérou). Dans la Manche, un exemplaire est envoyé à la Société littéraire d’Avranches, et les trois autres vont à Saint-Lô, pour le caissier de la recette générale du département (Boyssou), pour un ingénieur géographe (Clément) et pour un ingénieur des ponts et chaussées (Houssin) ; enfin, dans l’Orne, sont concernés deux libraires d’Alençon (Bonvoust fils, qui souscrit pour trois exemplaires, et Lepernay-Jouanne, qui n’en retient qu’un) et M. Bouvier-Lencisière, juge au tribunal de première instance à Argentan.
69Le milieu agronomique, et plus largement scientifique, n’apparaît qu’à peine dans cette liste de souscripteurs. D’autre part, la diffusion se restreint aux élites, à la haute administration, aux propriétaires, sans mentions de cultivateurs, d’agriculteurs, mais avec quelques artistes, artisans, des individus du monde médical. On s’en tient principalement aux grandes villes du royaume, on va peu dans les campagnes, contrairement au Théâtre d’agriculture. Mais on a un plus grand nombre de libraires que dans les cas précédents, qui réservent parfois une dizaine ou une vingtaine d’exemplaires, si bien que cette absence des campagnes dans la liste des souscripteurs peut être trompeuse, même si l’on peut penser que les clients des librairies des grandes villes du royaume sont avant tout issus de ces mêmes villes, à quelques exceptions près (de châtelains vivant à proximité et dans de rares cas de laboureurs ou bourgeois venant de bourgs plus éloignés).
*
70Les trois listes de souscriptions relevées entre 1801 et 1809, sur un pas de temps très limité donc, révèlent de grandes zones de diffusion, avant tout à Paris et dans le Bassin parisien, puis du Nord au Nord-Est, le long de la Loire, le long du Rhône, moins de souscripteurs, généralement, au Nord-Ouest et dans le Midi. Mais on note aussi des différences non négligeables selon le support, ici entre un périodique, un traité d’agriculture ancien et un dictionnaire d’agriculture, avec un nombre de souscripteurs moindre dans le 1er cas, avec une diffusion très large, géographiquement, plus rurale, dans le 2nd cas, alors qu’on s’en tient aux grands villes du royaume dans l’exemple du Cours complet de 1809, et davantage dans le Nord-Ouest que le long du Rhône.
Les acteurs du « progrès »
71De nombreuses catégories sociales prennent part à l’évolution des usages, une évolution pluriséculaire parfois très locale, dès les XVIe et XVIIe siècles pour le couchage en herbe en Normandie, pour l’organisation d’un engraissement de réforme en Limousin à destination de la capitale française, surtout au XVIIIe siècle pour le développement de l’embouche en Charolais. Se distinguent d’abord les riches propriétaires, la noblesse locale, quelques propriétaires cultivateurs, des membres du clergé, les marchands herbagers ou emboucheurs, parfois les maîtres de poste chargés d’organiser des relais vers Paris ou vers les grandes villes de province comme Rouen, Lyon, Bordeaux…
72Jean-Marc Moriceau relève trois types d’agents de diffusion :
- les administrateurs (ministres, intendants, subdélégués, curés), dont certains se font le relais du discours agronomique moderne, partisans des réformes, et font preuve de zèle dans la diffusion des projets gouvernementaux ;
- les initiateurs, grands propriétaires de la famille royale, de la haute noblesse, du haut clergé, qui se tournent vers l’agronomie à côté de bourgeois qui sont propriétaires fonciers, mais sans que les investissements privés puissent avoir un grand impact sur les petites fermes des alentours ;
- enfin les simples praticiens intéressés par le progrès agricole pour des raisons financières plus que pour leur loisir, avec des cultivateurs agronomes au premier plan des Sociétés d’agriculture, et une masse de cultivateurs qui ont accès à quelques publications et qui adaptent certaines nouveautés à leur exploitation et aux spécificités locales, qu’ils soient sociétaires ou correspondants des Sociétés provinciales, parfois primés au concours régionaux du XIXe siècle21.
Les riches propriétaires
73Jean-Marc Moriceau souligne l’importance des prairies artificielles, dès la 1re moitié du XVIIIe siècle en Île-de-France, chez de grands propriétaires cultivateurs au nord ou au sud de Paris, ainsi chez Pierre Petit (1680-1749) qui met un cinquième de son exploitation en sainfoin et luzerne (17 hectares) et qui multiplie les cultures fourragères sur la seconde sole, avec des féveroles, fèves, haricots, vesces, orge, gros et petit pois, seulement 12 hectares restant en jachère ; en 1713, on recense 120 volumes dans sa bibliothèque. Jean Petit (1719-1774) s’installe à Savigny-sur-Orge dans une ferme de 180 hectares, cultivant beaucoup d’avoine et de prairies artificielles, le notaire inventoriant à son décès un volume de la Maison rustique et le Parfait maréchal22.
74Parmi les grands seigneurs ou grands bourgeois, un des exemples les plus connus pour l’innovation reste celui de Jean-Frédéric Phélypeaux (1701-1781), qui expérimente la méthode de Duhamel du Monceau pour les labours, celle de La Salle de l’Étang sur les prairies artificielles en 176223, mais sur la courte durée, jusqu’en 177724. C’est aussi le duc de La Rochefoucault (1747-1827), à Liancourt (Oise), membre de la Société d’agriculture de Paris qui augmente ses cultures de luzerne, qui fait des semis de trèfle rouge, importe des turneps d’Angleterre, fait venir des races de bestiaux, est ami avec Arthur Young, mais sans qu’on puisse affirmer une quelconque influence sur les environs de ces fermes25.
75En dehors de la région parisienne et de ses grands propriétaires, et en dehors des pays du Nord, de la Flandre, où très tôt les prairies artificielles ont été introduites, ponctuellement, l’extension de la luzerne, du sainfoin et du trèfle reste très lente, sans grande part dans l’alimentation bovine avant la 2nde moitié du XIXe siècle, dans la grande majorité des cantons français. D’après la présence de prairies artificielles dans les inventaires mobiliers de grands éleveurs, d’après l’extension de ces cultures après notre période, leur développement apparaît comme un progrès sur le long terme, même s’il n’est pas indispensable à l’élevage. Pour autant, l’extension reste très lente, malgré la volonté des agronomes, mais sans relais semble-t-il suffisant de la part de l’État, malgré le rôle des Sociétés d’agriculture provinciales. La spécialisation des régions, qui se développe dans la seconde moitié du XVIIIe siècle avec la libéralisation du commerce, des échanges nationaux, pousse les éleveurs qui ont les moyens financiers à prendre des risques, à devenir novateurs, ce qui était plus difficile quand on devait allier revenus de l’élevage et cultures de subsistance.
76Si l’on ne peut pas affirmer que la littérature agronomique joue un rôle majeur dans la diffusion d’innovations agricoles, on ne peut pas dire non plus qu’elle n’a aucun impact sur la pratique, comme sa lecture est bien réelle, certes par des individus aisés, par des juristes et notaires, par des maîtres de poste qui souvent possèdent une exploitation agricole, ou encore par des curés, tous en contact avec des fermiers, avec des cultivateurs. La pensée agronomique a de plus un impact sur les politiques de l’État, qui commandite même des enquêtes auprès des Sociétés d’agriculture, de l’Institut de France, des intendances et préfectures, certains projets et certaines lois n’ayant pas d’effets évidents, comme l’envoi de graines de turneps en 1785, un échec, ou comme le partage des communaux, en 1793, en 1813 et 1816, différemment apprécié selon les régions, selon des usages communaux déjà en recul à la fin de l’Ancien Régime. Certaines mesures fiscales peuvent apporter des évolutions non négligeables, ainsi dans l’encouragement aux défrichements et dessèchements, dans les abattements sur la taille ou la dîme, obtenus par le couchage en herbe et la possession de prés…
77Après lecture, le propriétaire peut intervenir auprès des fermiers, sans doute essentiellement dans le dialogue, à l’oral, peut-être à l’entrée du bail, rarement ensuite, semble-t-il, et sans directives prescrites dans les baux à ferme ou dans les baux à cheptel. Le bailleur s’en remet à la production du fermier, qui connaît la pratique, sans intérêt évident pour les sciences agronomiques de la part des uns et des autres.
L’agronomie et la paysannerie
L’accès à l’écrit : bibliothèques et livres de colportage
78La paysannerie possède peu de livres, quasiment jamais d’ouvrages agronomiques, seulement quelques livres de dévotion, parfois la Vie des saints. De plus, il semble que l’accès aux bibliothèques publiques lui soit inconnu au XVIIIe siècle, alors qu’il s’élargit à la population noble et bourgeoise.
79On trouve 18 collections dans la capitale, une bibliothèque dans 16 villes du royaume selon la France littéraire, à Rouen, Saint-Omer, Sens, Nantes, Orléans, Toulouse, Besançon, Vesoul, dans les académies de Lyon, Nancy, Rouen, dans les collèges de Lyon, Dijon, mais aussi de Valognes dans la Manche26, avec une cinquantaine de bibliothèques publiques à la fin de l’Ancien Régime, 200 villes concernées après la Révolution, jusqu’à 3 000 bibliothèques populaires à la fin du XIXe siècle27. Ce sont aussi des bibliothèques privées, dans les Académies parisiennes et provinciales, dans les Sociétés d’agriculture, dans les cabinets de lecture, mais là encore sans accès pour la masse des cultivateurs. Les livres parviennent dans les grandes villes du royaume, en tout cas les grandes références, mais la diffusion s’arrête souvent à ce niveau, avec une diffusion rare au niveau local, essentiellement auprès de seigneurs et/ou de châtelains.
80Pour autant, il semble que les notaires ne recensent jamais les livrets de la Bibliothèque bleue ou les almanachs, pourtant imprimés par centaines de milliers, vendus par les libraires locaux ou par les colporteurs, à destination de populations plus modestes, mais là aussi avec une barrière de l’alphabétisation qui fait dire à Henri-Jean Martin et Roger Chartier que cette littérature reste destinée aux petits notables des villes et campagnes28. De plus le contenu de la Bibliothèque bleue est rarement agronomique, comme on le conçoit d’après les études de référence de Robert Mandrou (1964) et de Geneviève Bollème (1971)29 et d’après la consultation du fonds, effectuée à la Médiathèque de l’agglomération de Troyes, parmi 4 774 références dans le Catalogue collectif de la Bibliothèque bleue. On trouve tout de même quelques livrets de médecine ou de pharmacie, l’art vétérinaire touchant uniquement aux chevaux dans Le maréchal expert du parisien Nicolas Beaugrand (Troyes, P. Garnier, [1685-1738], 69 p.), tandis que Leonhard Fuchs ne se pose que du point de vue de l’homme dans l’Histoire générale des plantes et herbes, avec leurs propriétés (Troyes, Ve Oudot et Oudot fils, 1728, 143 p. ; chez Jean-Antoine Garnier en 1735, en 1738).
81Le champ de l’agronomie apparaît avec le Parfait bouvier de Boutrolle, qui est publié à Rouen, chez la Ve Besongne et Besongne fils, en 1766 (in-12, iii-135-70 p. ou iv-172 p.), à Épinal, à Caen, à Lille, puis à Angers en 1784, à Liège en 1786, avec deux éditions parisiennes en 1790 et 1808, d’autres à Avignon en 1810, à Lyon en 1811, à Paris en 1815 et 1819. Si le principal de l’ouvrage s’intéresse à la médecine vétérinaire, aux maladies des bêtes à cornes et au vêlage (p. 9-62), aux maladies des porcs (p. 62-68), des moutons (p. 69-72), à la morve des chevaux (p. 72-116), selon l’édition de Caen, les neuf premières pages renferment des considérations plus générales sur l’élevage des bêtes à cornes. Boutrolle rejette l’élevage des bêtes « du Vignoble, de Santerre, du Vimeux, de Picardie, des bords de la Mer », de même que celui des « Mancellés, Bouvarts et Gorjus », préférant les bêtes « du pays de Caux, d’Avale, de Basse-Normandie, d’Auvergne et autres » (p. 3-4), considérant que celles des Flandres sont friandes. On donne des critères pour choisir de bonnes vaches amouillantes, entre 4 et 6 ans et un caractère physique idéal que l’on retrouve chez les auteurs classiques. Il aborde rapidement la question de la garantie, au sujet de vaches « taurelières » (trop souvent en rut), « poumelières » (atteintes au poumon), au sujet du pissement de sang et de la mort, mais en renvoyant le lecteur aux coutumes et usages locaux. Enfin, avant d’aborder le thème vétérinaire, Boutrolle écrit quelques mots sur l’engraissement, sur les parties qui doivent être grasses chez les vaches (veines de poitrine, paleron, côtés). L’intérêt de la Bibliothèque bleue pour la médecine vétérinaire des bêtes à cornes revient au début du XIXe siècle dans Le Trésor du laboureur, ou l’Art de guérir les chevaux et bêtes à cornes de Richelet, à Épinal en 1811, à Montbéliard en 1819, 1822, 1833 et 1835, à Neufchateau en 1822, à Saint-Pol en 1836, à Charmes en 1846 et 1858, à Dijon en 1869, à Bar-sur-Seine en 1873, de 40 à 100 pages selon l’édition.
82Les ouvrages scientifiques ou d’apprentissage restent très rares, en proportion de la production globale. Vers 1816, dans La nouvelle science des gens de la campagne, publiée à Remiremont, chez Dubiez (in-12, 64 p.), l’auteur s’attache à une approche concrète, à des préoccupations pratiques de l’économie rurale, ainsi avec un chapitre sur l’écriture d’un inventaire mobilier chez le notaire, avec des exemples, des cas particuliers, puis un chapitre sur l’arpentage, un petit traité sur la culture des jardins, puis des remèdes pour les hommes, pour les animaux, ainsi contre les écarts et entorses des chevaux, bœufs et vaches, contre les maladies contagieuses des bêtes à cornes, contre l’indigestion et le pissement de sang, avec enfin des éléments d’arithmétique et des règles d’éloquence. On est loin, ici, des longues listes de maladies dressées par Liger, Rozier ou Tessier, avec un souci de traiter surtout les maladies communes, à savoir les blessures, les troubles d’indigestion, le pissement de sang et la contagion dans le contexte de la vague épizootique de 1815 et 1816. L’édition de 1843, à Pont-à-Mousson (chez A. Simon, 60 p.) reprend exactement le texte de 1816 au sujet des remèdes, alors que la partie sur la rédaction notariale est augmentée de formules de divers actes civils, comme les baux.
83Ce sont par ailleurs essentiellement des romans, écritures saintes et ouvrages pratiques de droit, de cuisine. Dans Le cuisinier françois (Troyes, 1723 et [1738-54]), François-Pierre de La Varenne disserte sur la cuisine des pièces bovines, mais sans considération sur les types bovins, sur les différences régionales, comme dans le reste du propos d’ailleurs. En 1741, Massialot, dans Le nouveau cuisinier royal et bourgeois ou cuisinier moderne, indique qu’il faut savoir ce qu’il y a de meilleur, ainsi chez le boucher. En 1828, dans la 13e édition du Cuisinier royal, destiné à « toutes les fortunes », on précise par contre que « le bœuf est plus ou moins bon, selon le pays d’où il vient ; [que] les chairs foncées et bien couvertes de graisse sont les meilleures » (p. 78), ou encore que « le veau de deux mois est le meilleur ; [que] celui de Pontoise est le préféré : il n’a pas la chair très-blanche quand elle est crue, mais elle est finie, et elle blanchit en cuisant : c’est un manger délicieux. [que] les veaux noirs ne valent rien pour les issues » (p. 110). Le rapport entre la cuisine des pièces bovines et l’origine de l’animal est ici mis en avant dès le début de l’article relatif à chaque bête, il semble se développer ensuite dans les publications de ce type.
84Les almanachs se répandent dans les fermes à partir du XVIe siècle et peuvent refléter certaines transformations agricoles. En dehors du jardinage, ils ne donnent pas de conseils sur les soins des animaux, sur les travaux des champs, d’après l’analyse de Robert Mandrou30. Le grand calendrier et compost des bergers, par exemple dans l’édition de 1665 (Troyes, Ve Briden, 164 p.), avec un contenu plus court, mais avec la même substance dans l’édition de 1728 (Troyes, P. Garnier, 143 p.), ne s’intéresse qu’aux bêtes à laine. L’Almanach fidèle du sieur Maribas est publié, selon nos recherches, de 1763 à 1844, à Troyes : on y trouve généralement, sans grands changements de 1763 à 1820, tous volumes consultés, un calendrier, des pronostics climatiques, la liste des foires du département et des départements voisins, des tableaux comparatifs sur les mesures de capacité, de poids, sur les monnaies, seulement en 1807 et en 1811, enfin des anecdotes, historiettes, sans rien de spécifique aux bestiaux. De même dans l’Almanach du bon laboureur de l’astrologue Nicolas Leverdé, publié à Troyes en 1748, puis de 1793 à 1813, d’après les exemplaires catalogués, le lecteur peut lire un calendrier, des pronostics et prédictions, puis une liste des foires des duchés et comtés de Bourgogne, Bresse, Charolais et Lorraine, quelques anecdotes et des éléments pratiques sur le fonctionnement des postes, mais rien sur les bêtes à cornes, ce malgré l’apparition d’une rubrique consacrée à l’agriculture dans l’édition de 1811.
85Le double almanach journalier du mathématicien liégeois Mathieu Laensberg, publié à Troyes au moins depuis 1812, présente également un calendrier de l’année à venir, des pronostics, une liste de foires plus grande que dans les publications précédentes, mais sans les départements du Grand Ouest, puis des histoires et des anecdotes, sans rien sur les bêtes à cornes, si ce n’est dans une vignette illustrant deux bœufs au labour en 1828, si ce n’est dans le contenu pour l’année 1835. Cette année-là, l’éditeur, Baudot, propose une section d’économie rurale et domestique, avec le « maïs considéré comme fourrage », d’après des essais effectués en Belgique et une culture en grand par le général Charpentier près de Villers-Cotterêts (p. 46) et deux autres articles courts sur l’utilité du sel et des feuilles de vigne (p. 47, p. 48). Puis, sous une section d’art vétérinaire, l’auteur s’attache à des considérations générales sur les différents bestiaux, plus qu’à des éléments vétérinaires : les bœufs travaillent de 3 à 10 ans, après quoi on les engraisse, et on les nourrit de paille, foin, fourrage, luzerne, bourgeons de vigne, feuilles, parfois d’orge et de fèves saupoudrées de sel, dans un système en somme traditionnel ; pour ce qui concerne la vache, par contre, on cite la bonne herbe, la paille d’avoine, le foin, mais aussi le trèfle, le sainfoin et la luzerne ; les taureaux apparaissent pour une méthode qu’on ne trouve pas dans la littérature agronomique étudiée, à savoir qu’on peut leur retrousser la queue et l’attacher à leurs cornes pour les rendre plus dociles. Ces sections sont abandonnées par la suite, d’après la consultation des éditions de 1836, 1841, 1842, 1844 et 1850.
86On distingue en 1820 L’anabaptiste ou le cultivateur par expérience, almanach de Jacques Klopfenstein édité à Belfort, Bâle, Paris, Vic et Besançon (in-4°, 72 p.). Parmi le calendrier, dans une colonne annexe, on trouve un article sur « la vache » (p. 7-27), généraliste, sur les fonctions de la bête, sur l’importance d’une bonne nourriture, avec citation du sainfoin et de la luzerne, puis des soins, en particulier lors du part, puis plus précisément sur le lait, sur le goût des bêtes à cornes pour le vin, le vinaigre, le sel, enfin sur l’engraissement. Puis, en pleines pages, on donne un article « prairies artificielles » (p. 28-32), en citant Olivier de Serres puis Gilbert (avec des extraits de son Traité des prairies artificielles sur 6 colonnes), puis un article « Soins des troupeaux » (p. 33-34), avec des éléments sur l’étable, sur la nourriture, dont les luzerne, sainfoin, trèfle et prairies naturelles. Dans une section d’économie domestique et rurale, ce sont enfin les « avantages que retire un fermier, en cultivant ses terres avec les bœufs » (p. 44-45), en insistant sur la force et la résistance du bœuf, sur le moindre coût et la moindre dépense dans cette espèce, sur le nombre plus faible de maladies et les profits plus grands à la réforme. Dans la version de 1827, les bêtes à cornes ne sont par contre réduites qu’à un article sur les « Soins des troupeaux » (p. 40-42), l’auteur souhaitant des nourritures abondantes et des pâturages gras pour les jeunes bestiaux, un dressage à 3 ou 4 ans pour le trait ; on pose la question du tirage par les cornes ou par le cou, en précisant qu’on gêne moins la marche en faisant tirer les bêtes par le poitrail, en concluant sur les soins nécessaires du bouvier pendant les labours, en particulier par rapport à la chaleur.
87Baudot et Armer-André, à Troyes, prennent difficilement la succession de la Bibliothèque bleue au début du XIXe siècle, après les dynasties des Oudot et Garnier ; c’est un échec, et le déclin s’affirme des années 1850 aux années 187031.
L’agronomie dans les campagnes charolaises, limousines et normandes
88Ajoutons un regard particulier aux trois grandes régions d’élevage du Charolais, du Limousin et de la Normandie, afin d’affiner la compréhension de la diffusion.
89Au XVIIIe siècle, dans le Charolais, l’imprimerie et la librairie sont absentes, seuls le colportage et l’accès aux publications parisiennes permettant la diffusion, très faible, de littérature générale, de romans, de livres d’histoire ou de religion, sans grande place pour la littérature agronomique. L’embouche charolaise apparaît dans la section « Agriculture » de l’Encyclopédie méthodique en 1796 et devient un sujet d’observation au cours du XIXe siècle, au même titre que le Limousin, l’Auvergne et la Normandie au siècle précédent, mais dans un discours destiné au lectorat parisien. Le Charolais est isolé des sphères de réflexion, sans établissement au niveau local. La Société d’agriculture d’Autun, qui fonctionne de 1801 à 1810-1813, ne jouit que d’une influence restreinte, tout comme toutes les Sociétés d’agriculture qui ne recrutent leurs membres que dans les environs immédiats du siège, sans bureaux secondaires pour répandre des idées et conseils ou pour proposer des études plus en adéquation avec des espaces différents du point des sols et du climat, de la culture et de l’élevage.
90Les recherches effectuées sur les inventaires mobiliers relèvent un exemplaire de l’Histoire naturelle (1749) chez un marchand de Charolles qui possède les œuvres de Voltaire et de Rousseau, en 1782, deux autres exemplaires de l’Histoire naturelle en 1842 et 1848 chez deux châtelains de Saint-Christophe-en-Brionnais et de Volesvres, parmi de grandes bibliothèques dans les deux derniers cas. La littérature spécialisée semble absente, malgré le manque de détails pour quantité de volumes. Mais la rareté de l’écrit théorique n’empêche pas l’évolution de l’élevage, le choix de nouvelles pratiques et de nouvelles perspectives économiques, ainsi avec le constat d’un développement de l’embouche charolais au cours du XVIIIe siècle, chez des propriétaires aisés qui restent éloignés des sphères intellectuels mais qui connaissent les avantages et inconvénients de telle ou telle pratique, d’après une certaine connaissance de leurs capacités de production, des évolutions de la demande, en particulier en viande depuis les villes de Paris et de Lyon, avec des échanges oraux qui dépassent le support imprimé.
91Cette étude concerne le Charolais, mais elle peut aussi s’appliquer à d’autres régions françaises, par exemple au Sud-Ouest, à certains espaces isolés de l’Auvergne et des Alpes, espaces que le milieu agronomique de l’Ancien Régime connaît peu. Le constat est applicable à la Marche, ainsi à l’actuel département de la Creuse, où domine le faire-valoir direct, dans un espace quasiment absent de l’observation parisienne, avec un seul mémoire imprimé, celui de Labergerie en 1795. L’ensemble du Limousin souffre d’une inadaptation des infrastructures de communication, tout comme le Charolais, mais la haute Marche ne jouit d’aucun établissement de réflexion au XVIIIe siècle, et seulement d’une Société d’agriculture peu active au XIXe siècle. Le niveau culturel est faible dans le Limousin et la Marche, on compte peu de bibliothèques, ainsi à Limoges en 1804 mais aussi à Bellac, Dorat, Saint-Yrieix, à Guéret vers 1830, avec de petits fonds et de rares ouvrages spécialisés32. On compte 36 librairies en Haute-Vienne et en Creuse en 1851, dont 13 à Limoges33.
92Les agronomes parisiens s’intéressent à l’exemple limousin à partir de la fin des années 1780, surtout, après le passage de Turgot comme intendant de la généralité, avec des publications d’auteurs locaux dès 1791, de Jacques-Joseph Juge de Saint-Martin sur l’engrais des bœufs, d’artistes vétérinaires en 1793 et 1803 au sujet des épizooties, de l’hygiène et des méthodes d’élevage, d’engrais de pouture, dans des étables que l’opinion dit malsaines. L’intérêt pour cette région s’explique en grande partie par le rôle des campagnes limousines dans l’approvisionnement de Paris en viande de boucherie, en réponse aux préoccupations de l’administration centrale ou provinciale et des officiers de la capitale.
93À partir des années 1820, le thème de l’amélioration de la race limousine, par sélection interne ou par croisement exogène, s’impose dans la réflexion des agronomes, après un intérêt ponctuel pour la question au début du siècle. Les auteurs, parmi les membres de la Société d’agriculture de Limoges, sont eux-mêmes propriétaires et/ou cultivateurs, et leurs conseils ne peuvent être destinés à de petits propriétaires ou à des fermiers, si ce n’est par le biais de service donné par le propriétaire pour améliorer ses rentes en permettant aux fermiers d’améliorer leur cheptel par ses propres investissements. Là encore on oublie l’écrit pour diffuser de nouvelles pratiques, mais la rédaction de tels conseils à destination des propriétaires peut jouer un rôle essentiel dans l’amélioration et la multiplication des troupeaux, somme toute avec une portée restreinte aux environs de Limoges et à quelques villes du haut Limousin et de la basse Marche comme saint-Yrieix, Rochechouart et Bellac.
94Les terres du Limousin sont peu fertiles en grains, mais on essaie d’améliorer les rendements herbagers par une meilleure irrigation des terres. Ce souci est présent dans la littérature locale, et on peut constater certaines évolutions pratiques dans ce domaine, déjà au XVIIIe siècle, avec un exemple de prés en faire-valoir direct ou en fermage à Saint-Léonard-de-Noblat en 178034. En 1786, chez un bourgeois de Saint-Léonard-de-Noblat, on trouve « l’agriculture complette, ou l’art d’ameliorer les terres en quatre tomes », traduction française de The Whole art of husbandry de John Mortimer, sur la 6e édition (1761), par Marc-Antoine Eidous, de Marseille (Paris, 1765, 4 vol. in-12), ouvrage déjà ancien mais qui dénote un intérêt pour la culture agronomique35. Ce sont aussi quatre bibliothèques à Magnac-Laval entre 1782 et 1788, chez un seigneur, un chirurgien, un bourgeois, avec l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert et quelques ouvrages agronomiques chez le premier.
95On constate d’autres évolutions, ainsi la diversification des ressources fourragères, l’augmentation du poids des animaux en vie et abattus entre 1840 et 1852, d’après les enquêtes agricoles36, ce dans un mouvement national de spécialisations et de perfectionnement des méthodes, sans preuves évidentes d’une influence agronomique dans les recherches effectuées, l’écrit théorique paraissant comme un facteur d’évolution des pratiques, en amont plutôt qu’à proximité des cultivateurs et éleveurs.
96Entre 1714 et 1722, l’État distribue des vaches aux pauvres dans la généralité de Caen, mais aucun ouvrage n’accompagne cette distribution, sans plus de réaction agronomique, comme dans le Charolais et le Limousin, lors des crises nationales de 1740-45 et du début des années 1760, alors que l’administration se soucie constamment des capacités de production pour Paris. Par contre on communique des ouvrages de médecine vétérinaire en 1775 et l’impression locale apparaît en 1785 lors de la disette des fourrages afin de relayer les publications parisiennes d’Instructions.
97Les pays normands, et en particulier les départements actuels du Calvados et de l’Orne, voire de la Manche, sont d’abord connus pour leurs produits laitiers dans la littérature agronomique du XVIIIe siècle, et ils jouissent d’une bonne réputation depuis Paris, avec de riches prairies et de beaux herbages, avec un intérêt croissant pour l’engraissement qui se fait dans cette région, surtout depuis la fin des années 1780 et l’article « Bêtes à cornes » de l’abbé Tessier en 1791, du Cotentin au Pays d’Auge, en passant par le Bessin. Comme le Limousin, la province normande joue un rôle majeur dans l’approvisionnement de Paris en viande de boucherie, si bien que la littérature agronomique répond aussi aux préoccupations administratives qui souhaitent une multiplication des bestiaux pour satisfaire un marché de la boucherie en croissance. Les Sociétés d’agriculture de Caen et d’Alençon opèrent un recrutement moins restreint du point de vue spatial que la Société de Limoges, mais l’activité réelle de ces structures ne révèle pas de diffusion plus large que dans d’autres régions ; la correspondance relative au recrutement effectué pour la Société de Caen montre qu’on lit Duhamel du Monceau autour de Granville et de Coutances dès le début des années 176037.
98Les études sur les différents pays bas-normands augmentent dans la première moitié du XIXe siècle, mais toujours semble-t-il à destination du seul public parisien, si ce n’est dans les travaux et écrits de l’Association normande fondée en 1832, qui organise des Congrès scientifiques au niveau local à partir de 1833 et qui souhaite distinguer un agronome, propriétaire ou fermier, par canton, dans la perspective de diffuser des idées nouvelles, contre le défaut d’instruction des jeunes comme des adultes. On s’adresse surtout à de grands propriétaires, mais pas exclusivement, et les études sur les méthodes d’élevage, sur les prairies artificielles, sur les racines, sur le commerce et sur les croisements sont particulièrement nombreuses, diffusées par une revue et par les congrès. L’évolution reste lente, au niveau des apparitions de nouvelles cultures, mais l’association joue un rôle plus efficace qu’une Société d’agriculture du fait d’une volonté réelle d’extension, en particulier dans le Calvados et dans la Manche.
99Les Comices agricoles se développent à partir de 1835, mais on connaît toujours des difficultés pour atteindre directement les cultivateurs, malgré la mise en place de concours de boucherie, de labourage, de vaches laitières et de génisses, d’abord autour des villes, en particulier de Caen, sans que les initiatives d’encouragement puissent concerner de petites unités de production, les cultivateurs aisés devenant là aussi des intermédiaires hypothétiques entre la sphère agronomique et la pratique locale.
100Parmi nos recherches, on trouve une Maison rustique chez l’écuyer sieur Jacques de Breville, à Arganchy en 1776, une autre chez Gabriel Devaux à Colombières en 1777, dans le Bessin, dans des fonds de bibliothèque relativement faibles. On peut douter que ces lectures aient une quelconque influence dans l’évolution des méthodes d’élevage, avec une rationalisation du secteur laitier et un petit développement de l’engraissement dans cet espace. De même autour de Livarot on trouve un exemplaire de la Maison rustique chez l’écuyer Louis-Nicolas de Maunoury, à Saint-Martin-de-Pont-Chardon, cette fois dans une bibliothèque plus grande, avec dans l’exploitation du défunt des réserves en graines et en récoltes de sainfoin et 121 bœufs maigres à l’engrais38. Les prairies artificielles sont fréquentes dans le Bessin dans les années 1770, et l’on peut suivre une tendance des terroirs à la spécialisation, de même dans le sud du Pays d’Auge, mais sans liens évidents avec l’édition agronomique, ce qui reste logique, toute innovation ne pouvant s’expliquer d’un facteur aisément lisible.
101Le rôle des maîtres de poste n’apparaît pas directement dans nos recherches, mais on en trouve qui sont marchands beurriers à Isigny ou laboureurs à Bretteville, dans le Bessin39. Celui des grands propriétaires et des curés semble plus évident, d’après les rapports qu’ils entretiennent avec les populations locales et la fréquence des bibliothèques, indice de savoir et de culture, chez ces catégories sociales, qu’il y ait ou non de l’élevage en faire-valoir direct chez ces mêmes individus, et d’autant que la noblesse et le clergé sont admis au sein des Sociétés d’agriculture au XVIIIe siècle, ce qui n’est pas le cas des maîtres de poste, qui n’y trouvent une place qu’au siècle suivant40.
Notes de bas de page
1 Kirsop W., in Histoire de l’édition française, t. ii, p. 21-33.
2 Weulersse G., La physiocratie sous les ministères de Turgot et de Necker, 1950, p. 245.
3 Bourde A. J., op. cit., p. 73.
4 Cauderon A., in Il y a 200 ans Lavoisier, 1995, p. 19-28.
5 Théret M., in Ethnozootechnie, 1983, no 32, p. 159-173.
6 29 Durham, 12 Salers, 11 Choletais-Sarthenais, 6 Comtois, 4 Cotentins-Normands, 3 Manceaux, 3 Charolais, un Saintongeois, un Périgourdain, un Breton et un Ardennais.
7 Bougler J., in Ethnozootechnie, 1981, no 28, p. 15-24.
8 Bourde A. J., 1967, chap. IX.
9 Passy L., Histoire de la Société Nationale d’Agriculture de France, t. 1, 1912.
10 Passy L., 1912 ; Festy O., in Revue d’hist. éco. et soc., 1956, vol. 34, n 1, p. 113-127.
11 Charmasson T. et al., L’enseignement agricole et vétérinaire de la Révolution à la Libération…, 1992, 910 p.
12 Boulet M. et Stéphan N, L’enseignement agricole en Europe, 2003, chap. ii (concl.).
13 Justin E., Les sociétés royales d’agriculture au XVIIIe siècle (1757-1793), 1935, intro.
14 Bourde A. J., op. cit., chap. xiv.
15 Boulaine J. et Pueyo G., in Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie d’agriculture de France, 1989, vol. 75, no 3, p. 84-87.
16 Justin E., 1935, p. 140-141.
17 Ibid., p. 253-261.
18 Roche D., Le siècle des lumières en province…, 1978, p. 325-341
19 Ibid., p. 507-508.
20 Annonce de cette édition dans les Annales en 1808 (t. xxxv, p. 425-426), en 1809 (t. xxxvii, p. 406-416) ; puis extrait par M. Olivier dans la même revue, 1810, t. xli, p. 214-226, avec le prix donné de 108 f., et suite dans le t. xlii, p. 130-144, p. 239-255.
21 Moriceau J.-M., Terres mouvantes, 2002, p. 251-259.
22 Moriceau J.-M., in Les Sociétés rurales en Allemagne et en France…, 2004, p. 65-82 (d’après Arch. familiales Petit, fonds privé, et Arch. nat., MC, XXIX, 309, inventaire du 17 juin 1713, et XXIII, 732, inventaire du 7 juin 1774).
23 Sur 400 arpents, on sème 100 arpents de sainfoin, 100 de seigle ou de froment, 100 de maïs, 100 arpents restant pour la jachère.
24 Michel M.-J., in Paris et ses campagnes sous l’Ancien Régime…, 1994, p. 57-64.
25 Weulersse G., op. cit., 1950, p. 261.
26 Chartier R. et Roche D., in Histoire de l’édition française, t. ii, 1984, p. 403-429.
27 Pallier D., Les bibliothèques, 2006, p. 49-51.
28 Andries L., La Bibliothèque bleue au dix-huitième siècle : une tradition éditoriale, 1989.
29 Mandrou R., De la culture populaire aux XVIIe et XVIIIe siècles. La Bibliothèque bleue de Troyes, Paris, 1999, 364 p. et Bollème G., La Bibliothèque bleue…, Paris, 1971, 274 p.
30 Mandrou R., 1964, p. 72-85.
31 La Bibliothèque bleue et les littératures de colportage…, 2000, p. 162-171.
32 Corbin A., Archaïsme et modernité en Limousin au XIXe siècle…, 1998, chap. 4.
33 Ibid., p. 391.
34 Arch. dép. Haute-Vienne, 4E 31/416, 9 mars 1780.
35 Arch. dép. Haute-Vienne, 4E 31/422, 8 novembre 1786.
36 Corbin A., op. cit., p. 1020.
37 Arch. dép. Calvados, C 2501, 86°.
38 Arch. dép. Orne, 4E 137/178, 30 juillet 1782.
39 Tutoy R., 2001.
40 Ibid., 2001.
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