Chapitre V. L’utilisation des bovins et leur reproduction
p. 133-164
Texte intégral
1Selon le support, l’approche rédactionnelle peut être très différente. Les auteurs s’en tiennent parfois à une description pure et simple des pratiques. Le plus souvent, ils proposent maints conseils, avec des distinctions importantes à établir. En effet, entre la description des types bovins idéaux, le souci de perfectionner les usages alimentaires, l’établissement théorique d’une laiterie ou l’énumération de remèdes nouveaux, on aborde diversement l’ensemble de l’activité, chez un même auteur ou chez plusieurs.
2L’analyse statistique du corpus français révèle une croissance de l’édition dans les années 1750 et 1760, croissance continue, malgré quelques fluctuations, jusqu’en 1850. Les trois chapitres que l’on ouvre ici viennent lier le travail statistique à une analyse sur le fonds de la pensée agronomique, des premiers traités, en particulier de la Nouvelle Maison Rustique, dont on analyse les éditions successives, aux textes spécialisés et autres articles, et dans un renouvellement du support encyclopédique. Notons déjà que les éditions successives de la Nouvelle Maison Rustique ont bien davantage tendance à présenter de nouveaux éléments qu’à en soustraire.
3Par la prégnance des traditions, par la simple copie d’éditions anciennes, ou par le désir absolu de progrès, par les soucis d’économie et d’optimisation, le corpus offre des contenus très divers, ce qui semble logique au seul nombre de 1 083 ouvrages. Les différents thèmes se recoupent constamment, en particulier dans les traités d’agriculture, selon des transferts évidents entre l’alimentation et la médecine, la pâture et la production d’engrais, si bien que notre analyse doit suivre des commutateurs logiques. De là, la démarche la plus concluante semble de partir du plan du chapitre sur les bêtes à cornes de la Nouvelle Maison Rustique, dans la première édition de 1700, afin d’étudier l’évolution chronologique du fonds selon les chapitres, tout en gardant une certaine logique scientifique, qui revient plus ou moins nettement dans les textes.
Le type idéal du bœuf
Du labourage à l’engraissement
4Louis Liger, en 1700, commence son développement sur les bêtes à cornes par des considérations sur le bœuf, animal le plus estimé parmi le « bétail à corne ». Il précise les « Noms des parties qui composent un Bœuf, & de la nature qu’elles doivent être, pour le rendre propre au labourage », avec une tête courte et ramassée, des oreilles « grandes, bien veluës, & bien unies », des cornes « fortes, vives, & de moyenne grandeur », un front large, des yeux noirs et luisants, un mufle gros et camus, des naseaux bien ouverts, des dents blanches, longues et égales. Les autres critères du type idéal dénotent le plus simplement du monde une grande force, un caractère compact, une aisance physique. La description est la même dans les éditions postérieures, jusqu’en 1798.
5Autre type idéal de référence, celui de Buffon, en 1749, très proche :
« un bon bœuf pour la charrue ne doit être ni trop gras, ni trop maigre ; il doit avoir la tête courte et ramassée, les oreilles grandes, bien velues et bien unies, les cornes fortes, luisantes et de moyenne grandeur, le front large, les yeux gros et noirs, le mufle gros et camus, les naseaux bien ouverts, les dents blanches et égales, les lèvres noires, le cou charnu, les épaules grosses et pesantes, la poitrine large, le fanon, c’est-à-dire la peau du devant pendante jusque sur les genoux, les reins fort larges, le ventre spacieux et tombant, les flancs grands, les hanches longues, la croupe épaisse, les jambes et les cuisses grosses et nerveuses, le dos droit et plein, la queue pendante jusqu’à terre, et garnie de poils touffus et fins, les pieds fermes, le cuir grossier et maniable, les muscles élevés et l’ongle court et large ».
6Ces critères reviennent tout au long de la période, avec de légères modifications, souvent insignifiantes, comme il est clair que certains auteurs reprennent ces deux descriptions devenues classiques, ainsi Pons-Auguste Alletz en 1765 dans L’Agronome à l’article « Bœuf », Pellet de la Bonneville, qui recopie Buffon, clairement, dans son Almanach d’agriculture, mais en construisant des paragraphes différents et en faisant quelques remarques supplémentaires, dans un autre style, plus littéraire, un peu plus poétique, en 1773 ou 1775 (p. 176). On retrouve la description de Buffon chez Buc’hoz en 1778 (t. ii, p. 22-59), celle de Liger chez Cousin d’Avalon en 1810, dans Le Parfait Agriculteur, à l’article « Bœuf », puis dans le Manuel du parfait bouvier de 1822 à 1834 (chap. I), chez Thiébaut-de-Berneaud dans son traité de 1823 (t. ii, chap. v, § II), chez Berthaud en 1835, dans Le Nouveau parfait bouvier (p. 33-42), chez Jean-Henri Magne en 1841, au sein du Cours de multiplication de Grognier (p. 383-398).
7La description du type idéal est présente dans les traités dès que l’on consacre un chapitre aux seules bêtes à cornes. L’ensemble du portrait reste le même, si ce n’est parfois dans les termes, le cuir n’étant plus grossier et maniable, par exemple, dans L’ami des cultivateurs de Poinsot, en 1806, mais épais et souple (t. i, p. 205-253). En somme, ces descriptions diffèrent très peu des préceptes antiques de Palladius, du IVe siècle (De re rustica, livre IV, §. XI).
8Le Cours complet d’agriculture, en 1782, donne les proportions d’un bœuf ordinaire et des « parties naturelles » de la vache, de façon précise, à l’image des « treize pouces de longueur dans le tibia ou l’os qui forme la jambe », mais sans type idéal, dans un premier temps (art. « Bœuf & Vache », chap. i, section II). Ce type idéal ne vient qu’au sujet des « qualités du bœuf propre au travail » (chap. V, section II), avec les critères de Buffon, et la précision d’un service meilleur entre 5 et 10 ans. Le même auteur, l’abbé Tessier, fait de même dans l’article « Bêtes à cornes » de l’Encyclopédie méthodique, en 1791, ajoutant que le bœuf doit être sensible à l’aiguillon.
9Contre l’habitude, et après une première lecture de ce genre en 1782, la Maison rustique du XIXe siècle (1834-37), dans une démarche plus scientifique que les traités du siècle précédent, présente les caractères du bœuf ordinaire, bos taurus, avec des informations basiques, mais qui paraissent tellement nécessaires à une connaissance des bovins, même pour les éleveurs (document 5). D’autre part, cet ouvrage donne plus de détails sur les diverses races, qu’il s’agisse de bœufs de travail (zébu, race écossaise sans cornes, race helvétique de Schwitz, Salers, races du Quercy et du Limousin, races comtoise et camarguaise) ou de races bovines laitières et d’engraissement, plus nombreuses (races anglaises, dont celle de durham, races helvétiques de Fribourg et d’Hasti, races allemandes, italiennes, sardes, savoyardes, hollandaises, normande, gasconne, nivernaise, morvandaise, bourbonnaise, cholette).
10Dans le même esprit, certains auteurs distinguent les pays d’élève et les pays d’engrais, qui sont rarement les mêmes, sans les mêmes finalités. C’est le cas, ainsi, de Pierre-Henri Pinteux, ancien boucher, en 1826, qui, dans des Réflexions sur la production et la population des bestiaux en France, met en avant des intérêts bien différents, entre ceux qui engraissent et ceux qui se servent des bestiaux pour le travail, l’auteur désirant que l’on encourage et que l’on protège ces derniers, l’engraissement restant donc ici secondaire, sa précocité étant nuisible à l’activité des labours selon lui. Au sujet des types et races, son argumentation consiste en un rejet des nouveautés introduites, qui viennent selon lui dérégler le système.
11Ce peuvent aussi être les bœufs dits de haut crû et les bœufs dits de nature, à l’engrais, d’abord chez Desmarets père (1787) ou chez Francourt (1789), puis chez Thiébaut-de-Berneaud en 1823 (t. II, chap. V, § II1), chez Berthaud en 1835 (p. 33-42).
12En 1833, Jean Doumen, « laboureur » en Dordogne, fait part d’une Nouvelle découverte pour reconnaître la 1e qualité des bœufs, veaux, vaches et cochons, surtout au regard de la production bouchère, après 13 années d’expériences, d’observations. On diffère ici de la description classique en ce que les cornes sont fines, la tête grosse, les flancs petits, les crins blancs, clairs, luisants, bien blancs à l’arrière, à l’extrémité de la queue, aux yeux et au nez. On ajoute dans l’édition de 1850 que la queue doit être très enfoncée, grosse et grasse, les cornes rondes, relevées, peu rocailleuses, ce dernier critère signifiant une bonne qualité au travail.
Document 5.
Une description rationnelle du bœuf (1834-37).
Source : Maison rustique du XIXe siècle, t. II, livre III, chap. XI, section II, p. 448-9
« Les cornes sont pour eux des armes redoutables. Lorsqu’ils veulent en faire usage, ils baissent la tête, en présentent la pointe à leur adversaire, le soulèvent, et, s’il n’est pas de trop grande taille, le lancent en l’air après l’avoir percé ; il est des races dont les cornes ne tiennent qu’à la peau ou sont mobiles comme des oreilles.
La voix dans ces animaux se nomme mugissement ; elle est forte dans les mâles entiers qu’on nomme taureaux ; elle se modifie selon que l’animal est agité par l’amour ou par la fureur, et dans ce dernier cas elle a un accent terrible. La vache mugit d’un ton rauque, quand elle a peur ; d’un ton plaintif, quand elle a perdu son veau.
Ce dernier mugit d’un ton à peu près semblable, quand il souffre, quand il éprouve le besoin de nourriture, qu’il désire sa mère.
Malgré sa conformation massive, le bœuf court quelquefois fort vite, et nage bien. Son sommeil est court et léger. Comme il se couche ordinairement du côté gauche, le rein de ce côté est toujours plus gros et plus chargé de graisse que le droit.
Quoique son intelligence soit moins développée que celle du cheval il est susceptible d’éducation, il obéit à la voix, s’attache à un bon maître. On a vu des bœufs attelés ensemble se prendre de la plus vive amitié ; on connaît la tendresse de la vache pour son petit.
La patience, la douceur et même les caresses sont les meilleurs, pour ne pas dire les seuls moyens de dompter les taureaux et les bœufs, et d’obtenir le lait des vaches.
Le taureau a le membre très-long et la pointe contournée en spirale ; il franchit la fleur épanouie, pénètre dans l’intérieur de la matrice, et quelquefois même dans les cornes de ce viscère ; il peut engendrer à un an. La femelle est encore plus précoce, mais c’est plus tard qu’il convient de les accoupler.
La chaleur se manifeste pour l’ordinaire au printemps, il n’est pas rare de voir des vaches en chaleur plusieurs fois l’année, et même constamment […]
Les bœufs comme les vaches prennent en deux ans à peu près tout leur accroissement. Leur plus grande force est de 5 à 9 ans.
Le terme naturel de leur vie, 15 à 18 ans. »
Des poils à la race
13Louis Liger, en 1700, considère que le bœuf doit avoir le poil luisant et épais, ce qui est signe d’une bonne santé, deux critères relativement vagues, mais plus évidents quand l’auteur précise les contraires à rejeter, à savoir un poil mal uni ou un poil rare.
14Suivent des considérations très tranchées sur la couleur des robes, surtout au regard du travail des bœufs : le poil noir est bon, mais seulement s’il y a des taches blanches aux pieds et à la tête. On préfère le poil rouge, qui devient roux dans l’édition de 1721, pour le trait, là encore avec des extrémités blanches, et sans rejeter le poil bai, même si, ajoute-t-on dans l’édition de 1708, le travail est plus lent avec le dernier. Liger reproche le mauvais tempérament et la paresse du poil moucheté, mais le préfère à tous quant à l’engraissement. On rejette le poil gris et le poil brun, signes de flegme, de mélancolie, et on précise que le poil blanc n’est bon qu’à l’engraissement, ce qui ne peut être un compliment quand le bœuf doit encore travailler près de 10 ans, à cette époque, avant d’être conduit à la boucherie. Dès l’édition de 1708, on parle des vaches flandrines, arrivées de Hollande dans les provinces du Poitou, d’Aunis et dans les marais de Charente : elles restent les vedettes de l’ouvrage jusqu’à l’édition de 1798, en considérant là l’origine géographique plutôt que la couleur de la robe.
15Les considérations sur les robes restent courantes tout au long du XVIIIe siècle. Avant d’indiquer la meilleure, Buffon, en 1749, reprend les premiers critères de Liger et précise que « le poil roux paraît être le plus commun ». Il donne l’avantage au plus rouge, au noir, en rejetant le brun, les gris, pommelés et blancs, seulement bons à l’engraissement. Mais ces remarques sont suivies, bien après, à la fin du chapitre, de considérations sur les races, sur les espèces communes aux autres continents (aurochs, buffle, bison), sur les types européens, en précisant d’abord que « ceux d’Irlande, d’Angleterre, de Hollande et de Hongrie, sont aussi plus grands que ceux de Perse, de Turquie, de Grèce, d’Italie, de France et d’Espagne, et ceux de Barbarie sont les plus petits de tous », en soulignant ensuite que les Hollandais en font venir régulièrement de Danemark, ces vaches grandes et maigres donnant plus de lait que les vaches de France, avec, « apparemment », une intégration de ces vaches appelées « flandrines » en Poitou, en Aunis et dans les marais de Charente, et la connaissance d’une race bâtarde, d’après un taureau de cette race étrangère et une vache de « race commune ».
16Dans Le Gentilhomme Cultivateur, Dupuy-Demportes, au début des années 1760, observe que les robes noires et rouges sont les meilleures, sans forcément de taches blanches, et avec une supériorité de la couleur pie pour les seuls labours (t. III, p. 43). Ces robes apparaissent encore ensuite, ainsi en 1810 chez Cousin d’Avalon, qui donne aussi la préférence aux bœufs de poil roux, à l’article « Bœuf » du Parfait Agriculteur.
17En 1782, l’abbé Tessier voit le fauve comme la couleur la plus ordinaire du bœuf, mais le roux comme la plus commune, plus estimée quand elle est du plus rouge, avec une bonne réputation pour les robes noires, baies, peu d’intérêt pour le brun, tandis que le gris et le pommelé ne sont bons qu’à l’engraissement. Mais le Cours complet, à l’article « Bœuf & Vache » (chap. I, section 1re) et l’Encyclopédie méthodique, à l’article « Bêtes à cornes », au-delà de l’opinion, sont convaincus que les bœufs de tous poils sont bons, en insistant davantage sur la qualité du poil, sur l’individualité, sur les premiers critères de Liger. Tessier renforce ce précepte en 1809 dans le Nouveau Cours complet, à l’article « Bœuf ». L’abbé Tessier reprend par ailleurs les remarques de Buffon sur les types européens, pour insister sur le climat et les problèmes d’adaptation pour les bestiaux, en 1782, à l’article « Bœuf & Vache », l’aspect géographique venant dépasser le point de vue limité à la couleur de la robe (chap. VII, section II).
18On donne peu à peu des précisions sur les types régionaux et/ou locaux, sans encore définir de races localisées. En 1761, L’Agronomie et l’industrie rapporte une volonté bretonne de renouveler les troupeaux de bœufs en achetant en Poitou quelque 54 taureaux « de la plus belle espèce », à distribuer dans chacun des neuf évêchés de la province, avec une faculté donnée aux personnes qui s’en sont chargées de les vendre à leur profit après trois ans, ainsi dans un véritable plan d’amélioration du cheptel (t. I, p. 39-45). La Société de Rennes ne sera pas satisfaite de cette initiative, estimant l’arrivée des taureaux imperceptible (t. II, p. 33-41).
19On voit aussi la spécificité de certains types, ainsi des bœufs de la Camargue, chez Buc’hoz en 1778 (t. II, chap. IV, art. II), chez l’abbé Tessier en 1791, ce dernier donnant aussi beaucoup de remarques sur les bœufs italiens, corses, ou de l’Europe de l’Est, dans l’article « Bêtes à cornes ».
20En 1789, Francourt donne une description très riche des différentes espèces de bestiaux, en distinguant les bœufs de haut crû (Limousins, Angoumois, Saintongeois ; Marchais et Berrichons ; Gasons ; Auvergnats nommés Bourrets ; Bourbonnais ; Charollais ; Nivernois) et les bœufs de nature (Chollets, Nantais et Angevins ; Maraichains ; Bretons ; Manseaux ; Hollandais ou Bœufs de Pays ; Cotentins ; Comtois ; Suisses ; Franconiens ; Flamands ou Hollandais). Il n’est question des races étrangères qu’au sujet des hollandaise et cotentine, et avec des remarques nombreuses, en outre, sur les moyens d’approvisionnement, sur le commerce2.
21Après les Observations de Francourt, la reprise du tableau de Nicolas de Lamare (1705) par l’abbé Tessier, à la fin de l’article « Bêtes à cornes » de l’Encyclopédie méthodique, en 1791, paraît décevante, mais avec une distinction dans l’intérêt des deux agronomes, entre le type bovin et le milieu. L’abbé Tessier donne plus de détails, finalement, sur les différentes contrées d’élevage, sur les relations commerciales entre les provinces et avec les marchés de Paris. Il satisfait ensuite le lecteur avec un tableau des différentes races que l’on trouve à Paris, sur le modèle de Francourt, avec les caractéristiques physiques des bœufs, les méthodes d’engraissement, la provenance originelle et le poids. On retrouve ce dernier tableau, simplifié aux seuls couleurs et poids, dans l’article « Bœuf », du même abbé Tessier, dans le Nouveau Cours complet en 1809.
22L’abbé Lalauze, en 1792, dans l’Économie rurale et civile, estime que les vaches de l’Auvergne et de la Suisse sont les meilleures, dans les montagnes, en soulignant la moindre qualité du lait et des élèves des vaches de Hollande, de Flandre et de Bresse (t. v, p. 122-138). Il suit ainsi les mots de l’abbé Tessier (1782), de l’article « Bœuf & Vache » du Cours complet (chap. II, section III). Jacques Isoré, dans son Traité de la grande culture des terres (1802), ne donne aucune description d’un type idéal, mais il recommande le croisement des races normandes, pour la « tournure », et flamandes, pour la taille (t. I, p. 48-53).
23Au début du XIXe siècle, les auteurs vont plus facilement observer les races étrangères, et en particulier les types anglais, ainsi d’après un voyage d’Augustin-Victor Yvart, qui s’appuie sur l’observation des bestiaux étrangers pour mettre en avant les races françaises, dans les Annales de l’agriculture françoise (1807, t. xxviii, p. 5-51 et p. 145-196). En 1809, l’abbé Tessier, dans le Nouveau cours complet, présente une race sans cornes, originaire d’Asie, passée d’Angleterre en France, élevée dans le domaine de Rambouillet, avec de la taille, de la force, et une bonne production de lait (t. ii, p. 271-274). En 1823, Thiébaut-de-Berneaud souhaite également la multiplication de cette race sans cornes, qu’il dit originaire d’Écosse (t. ii, chap. V, § III). Mais le Cours d’agriculture pratique, en 1821, ne comprend pas cet enthousiasme, avec des doutes importants quant à la qualité de la crème, du beurre et de la viande qui sont produits depuis cette race, sans être impressionné par l’idée que les bovins sans cornes sont moins dangereux que les autres, comme on constate que les taureaux de ce type, avec l’âge, peuvent devenir très menaçants (t. V, p. 306-315).
24Chez Poinsot, en 1806, il paraît évident que, « si l’on veut avoir de beaux bœufs et de bons élèves, il est nécessaire de croiser les races en se procurant des taureaux d’un autre pays que celui que l’on habite, et de ne les faire servir que pour ses propres vaches » (t. I, p. 205 et suiv.). En 1816, la section « Agriculture » de l’Encyclopédie méthodique, dans l’article « Race », donne la supériorité aux vaches de Suisse, et on indique la race britannique de Crawen, épaisse ; on conseille de bien choisir les bestiaux que l’on veut accoupler, reproduire, qu’ils soient tranquilles et doux, en précisant par ailleurs qu’une ossature mince paraît la meilleure, choisie par l’anglais Bakewell pour ses expériences.
25Dans les classifications entre bœufs de travail et races bovines laitières et d’engraissement, entre pays d’élève et pays d’engrais, entre bœufs dits de haut crû et bœufs dits de nature, entre races de services et races à produits, on oublie quelque peu le critère du poil, de la robe, de la couleur. Les plus grandes considérations sur les types bovins, sur les races, puis peu à peu sur les croisements, confirment cette tendance. La multiplication des brochures et le développement des périodiques poussent à une fragmentation du discours, avec beaucoup de textes sur des races précises, sur des expériences ponctuelles, ainsi dans le Moniteur agricole (1848-1850), où 40 % des articles d’élevage touchent des régions ou pays particuliers. Beaucoup d’auteurs ne s’intéressent qu’à leur propre région ou aux régions les plus importantes du secteur bovin. Desmarets, par exemple, se penche sur les seules contrées de l’Auvergne et du Limousin, en 1792, dans son mémoire publié en 1816 par la Société d’agriculture du département de la Seine (t. xix, p. 197-212).
26La question se pose constamment, des moyens de l’amélioration des bestiaux, par l’alimentation, par la prise en considération du climat dans l’apport de nouveaux types bovins, mais encore par la définition des qualités que l’on veut transmettre aux nouvelles générations. La difficulté revient à bien allier toutes les conditions de bons croisements, qu’ils se fassent dans le type même ou de façon exogène.
27Malgré l’évolution agronomique qui abandonne peu à peu, dans son ensemble, l’importance de la couleur du poil, ce critère reste, semble-t-il, d’après certaines pratiques contemporaines, un élément majeur pour l’éleveur, une marque identitaire, plus ou moins appuyée selon les régions, très prégnante, par exemple, en Limousin, en liant la robe à l’espace, au climat, d’après des qualités réelles, alors que rien n’empêche vraisemblablement l’élevage d’autres types bovins, du Charolais ou de l’Auvergne, dans cette région. La couleur du poil peut garder en pratique une grande part dans la sélection des individus à reproduire, en considérant davantage la plus belle couleur, plutôt que d’autres éléments physiques tout aussi discutables quant à la révélation d’une meilleure qualité par rapport à d’autres individus de la même race.
Les bêtes à cornes au labourage : de la tradition au débat
28Si, au Nord, dans le Bassin parisien, et jusqu’en Lorraine ou en Normandie orientale, on utilise essentiellement le cheval, au XVIIIe siècle déjà, parfois depuis le Moyen-Âge, le reste du territoire français se sert beaucoup des bêtes à cornes pour le tirage, avec aussi des mulets dans le Sud-Est, quand on n’a pas, mais rarement, d’attelages mixtes.
29Dans la littérature agronomique, l’utilité des bœufs au travail est très claire, au début du XVIIIe siècle, ainsi dans la Nouvelle Maison Rustique. Mais de plus en plus on pose le débat sur l’emploi des chevaux, des bœufs, des mules, avec des avis plus ou moins tranchés, dans une querelle agronomique, la majorité s’en remettant à l’usage des lieux, sans résoudre un questionnement que la motorisation et l’arrivée du tracteur rendront obsolète au début du XXe siècle.
Les bœufs au travail
30Liger fait travailler le bœuf de 3 à 10 ans, en l’habituant d’abord doucement à la charrue, à l’aide d’un bœuf déjà dressé, d’une carrure proche3. La technique n’est pas nouvelle, Varron la conseille au Ier siècle avant notre ère. Liger insiste grandement sur la douceur à l’égard de l’animal, seul moyen d’obtenir un bon travail et de l’obéissance, comme Columelle, qui insistait sur les grands soins à donner aux bœufs après le travail (livre II, chap. IV). L’impétuosité du bœuf se corrige, dit Liger, en le forçant au jeûne, à l’étable, pendant quelques jours, puis il donne des remèdes ou méthodes qui doivent corriger le bœuf rétif, le bœuf peureux, ou furieux, ou qui se couche en travaillant. Ces manières de dompter le bœuf et de calmer ses ardeurs se retrouvent chez Palladius, au IVe siècle (De re rustica, livre IV, §. XII), même si ce dernier ne développe pas ces questions autant que Liger.
31La Nouvelle Maison Rustique, en 1700, donne son importance à la nourriture des bœufs qui travaillent, de bon foin en hiver et de bonne herbe en été, avec des feuilles d’orme, en mettant en avant la qualité, et une certaine quantité, plutôt que la diversité ; « la luzerne leur est merveilleuse », dans l’édition de 1708, et le sainfoin apparaît dans ce chapitre des bestiaux en 1721, avec des « lupins trempés dans de l’eau, ou d’un demi-boisseau de pois chiches aussi trempés, de raves & navets, de joncs marins, d’écosses de pois ou de féves, & de marc de raisin sec ou trempé, le tout avec abondance de paille : l’orge bouilli, les pois & féves concassés, & les gerbes de froment & de seigle, [qui] leur sont encore très-bons : les raves les engraissent, mais ne leur font pas un si bon corps, ni la chair si ferme ; de même le son mêlé de criblures les enfle plus qu’il ne les fortifie : l’abondance du gland les rend rogneux, & les choux bouillis avec le son leur font assez bon ventre. » Le même chapitre conseille par ailleurs les « autres fourrages dont on parlera dans la seconde Partie de cet Ouvrage, à l’Article troisième du Chapitre des Prés ». Par ce renvoi interne, on tend davantage à la diversité, mais celle-ci est conseillée de tradition, ainsi chez les auteurs latins et chez Olivier de Serres (1600).
32De mai à septembre, les bœufs labourent deux fois par jour, le matin jusqu’à neuf heures et le soir jusqu’à sept heures. Le « valet », sous la surveillance du « père de famille », doit avoir grand soin de ces bestiaux, suffisamment les connaître pour déceler les changements d’humeur, de santé. En 1721, la 3e édition de la Nouvelle Maison Rustique souligne que les types bovins que l’on élève dans les montagnes ont la meilleure réputation quant au trait, mais en conseillant de ne pas choisir des bœufs trop éloignés, qui auraient des difficultés à s’adapter au nouveau climat, qui seraient plus susceptibles de maux divers. Depuis cette même édition, on trouve plus de détails sur le début du service, en conseillant le ménagement, de plus grands soins.
33Liger ne fait pas grand cas du travail de la vache, si ce n’est pour dire qu’elle ne doit pas servir quand elle est pleine. Buffon, en 1749, suggère que son usage n’est pas si commun, tout au moins dans l’esprit des agronomes et des propriétaires, en précisant que l’on peut s’en servir aussi, en faisant bien attention de l’assortir avec un bœuf ou une vache de même force et de même taille.
34Pour Buffon, on ne doit pas mettre le bœuf au joug après deux ans et demi ou trois ans, après quoi l’animal peut devenir indocile. Ensuite, ses remarques sont les mêmes que dans la Nouvelle Maison Rustique, mais en insistant davantage sur les liens entre le jeune bœuf et celui qui l’habitue à la charrue, sur la diversité de la nourriture dans le temps du travail, avec de l’herbe, des jeunes pousses et des feuilles de frêne, d’orme, de chêne, en petite quantité, mais aussi de la luzerne, du sainfoin, de la vesce, des lupins, des navets, de l’orge bouillie, et même du sel. Les bestiaux sont au pâturage de la mi-mai à la mi-octobre. Les horaires de travail ne sont pas fixes chez Buffon, le laboureur devant s’adapter aux chaleurs, aux saisons, surtout pendant l’été.
35L’âge du dressage peut changer d’un auteur à un autre. Olivier de Serres conseille d’attendre 5 ans pour faire des journées entières au bœuf de harnais (1600, 4e lieu, chap. IX). Pellet de la Bonneville le fait commencer à 2 ans, jusqu’à 3 ans pour la même raison que Buffon (1775). À 3 ans, le bœuf commence son service aux labours, jusqu’à 10 ans environ, pour un maximum à 12 ans d’après l’abbé Lalauze si l’on veut garder une chaire délicate (t. V, p. 122-138, art. VII). L’abbé Tessier va jusqu’à 4 ans pour commencer le dressage, en 1809, en soulignant en outre l’important attachement qui se noue entre l’homme et la bête dans l’activité d’élevage, à l’article « Bœuf » du Nouveau Cours complet. La proximité avec le bœuf d’accompagnement et la douceur sont des exigences communes, en retrouvant régulièrement les principes de Liger, puis surtout de Buffon, dans la poésie chez Pellet de la Bonneville (p. 176-185).
36On ne rejette pas l’aiguillon, mais on demande à ce qu’il soit utilisé très modérément. Bosc, en 1809, à l’article éponyme du Nouveau Cours complet, insiste pour qu’on n’y mette pas de pointe de fer. Grandes chaleurs et grands froids demandent enfin des précautions importantes, sans mesures définies, mais à la responsabilité du cultivateur de connaître le milieu et les bêtes.
Le combat des arguments
37En 1749, Buffon préfère le bœuf, sans hésitation, comme « il semble avoir été fait exprès pour la charrue », massif, lent, bas, tranquille, patient, plus avantageux que le cheval ou l’âne, ceux-ci étant selon lui plus propres à porter qu’à tirer.
38En 1758, Pattullo, dans son Essai sur l’amélioration des terres, « de l’usage des bœufs pour les labours », revient sur l’article « Fermiers » de l’Encyclopédie, rédigé par François Quesnay, qui donne la préférence aux chevaux, avec le marquis de Mirabeau. Pattullo estime que ce crédit vient d’un mauvais emploi des bœufs, comme ceux-ci, bien nourris et bien logés, peuvent en faire autant, « car si leur travail est plus lent, ils peuvent le supporter plus long-tems ; ils feroient en toute saison deux attelées, depuis la pointe du jour jusqu’à la nuit, moyennant deux heures de relâche à midi, & quatre dans les chaleurs de l’été, où ils trouveroient à l’étable une bonne nourriture é le repos ; ils y feroient pour le moins autant de fumier que des chevaux ; & au bout d’un certain tems seroient excellens à engraisser pour le boucher, ce qui est une grande ressource que les autres n’ont pas. » (p. 151-152). En juin 1759, le Journal œconomique vient aussi défendre l’usage du bœuf, et cette opinion revient dans le périodique en 1764 et en 1765. à la suite, Dupuy-Demportes, dans Le Gentilhomme cultivateur, s’étonne que certains auteurs modernes rendent le cheval supérieur au bœuf pour les travaux des champs (t. III, livre V, p. 43-55), et, en 1764, il donne en entier l’article de Quesnay, en l’annotant, en le commentant au fur et à mesure, et en montrant finalement l’avantage des bœufs dans ce domaine (t. VIII, livre XVI).
39La Salle de l’Étang indique, dans son Manuel d’agriculture, de 1764, l’avantage des bœufs sur les terrains difficiles, leur moindre coût d’alimentation, à base de foin et de paille, d’entretien, et leur profit postérieur au service, par l’engraissement, concédant que les chevaux se manient plus facilement et qu’il faut deux bœufs pour un cheval, et deux conducteurs pour les bœufs contre un seul dans l’autre espèce pour effectuer le même travail (chap. III). L’auteur ne résout pas la question, tout comme Alletz en 1765 à l’article « Labours » de L’Agronome.
40En 1770, Matthieu Despommiers, en L’Art de s’enrichir promptement par l’Agriculture dans un style distingué, réédition d’un ouvrage de 1762, insiste sur l’ancienneté de l’usage des bœufs en agriculture, recourant aux anciens, Caton et Pline l’Ancien, estimant que la décadence de l’Empire et l’arrivée des barbares a poussé chaque camp à se nourrir de bœufs, à les détruire, et à se servir de la cavalerie des équipées vaincues pour labourer les lieux envahis, les usages établis alors venant ensuite s’imposer aux descendances, sans questionnements de leur part sur les avantages et désavantages (p. 5-6). Après ce tableau très simple et rempli de dédain envers les sociétés du passé, l’auteur demande si l’agriculture tire plus de service des bœufs que des chevaux, calculs à l’appui, en concluant que le remplacement des chevaux par des bœufs est inutile dans les régions les plus riches, les plus fertiles, tandis que les bœufs sont très avantageux dans les autres provinces, moins coûteux de 280 livres à l’année, d’autant que les terres sont plus difficiles à creuser, que les chevaux ne donnent aucun profit après leur temps de service (p. 243-250).
41Despommiers fait part d’un préjugé important des cultivateurs des régions fertiles, à savoir que la pauvreté d’une province viendrait du fait qu’on y laboure avec des bœufs, mode de culture qu’il met logiquement derrière la culture même du sol, ou même derrière tout le système économique, donnant alors la préférence à l’élevage de vaches productives plutôt que de bœufs qui ne peuvent rendre les terres plus fertiles. Cette remarque est d’ailleurs particulièrement intéressante, comme elle annonce un souci de spécialisation qui ne passe pas par la culture du sol, par la culture céréalière, dans une alternative qui semble exister déjà au milieu du XVIIIe siècle, sans que les agronomes et théoriciens en rendent forcément compte dans leurs écrits. Finalement, Despommiers, s’il pense que les Anciens trouvaient le plus grand avantage avec les bœufs, conseille tout de même de bien consulter les lieux en question dans le choix de l’une ou l’autre espèce, avec beaucoup de précaution dans l’introduction d’un usage différent de celui qui existe, comme si, après tout, les conséquences guerrières, puis l’absence de réflexion des cultivateurs au fil des siècles, donnaient à son époque contemporaine un système idéal, à ne pas changer, ce qu’il ne précise pas.
42En 1770, Thomas-François de Grace, dans son École d’Agriculture pratique sur les principes de Sarcey de Sutières, préfère l’usage de l’espèce équine, « 1°. Parce qu’avec la moitié moins de chevaux & la moitié moins d’hommes on fera beaucoup plus d’ouvrage. 2°. Que cet ouvrage sera plus régulier & mieux fait qu’avec des bœufs, d’où il en résultera une récolte plus abondante & des grains d’une meilleure qualité » (p. 262-265). On s’oppose directement à ceux qui défendent le remplacement des chevaux par des bœufs dans certaines provinces (Normandie, Bretagne, Flandre), en reprenant l’argumentation de Despommiers, de ne pas oser le risque de modifier la situation d’après l’estimation fragile de certains avantages.
43Dans l’article « Charrue » du Cours complet, en 1782, on parle bien du choix des buffles, dans la campagne de Rome, mais on met surtout en avant le bœuf, qui, s’il est moins rapide, permet justement des labours de qualité, surtout quand le terrain est difficile, et avec moins de maladies que le cheval, un coût avantageux et des revenus importants après le service. On retrouve les mêmes arguments dans l’article « Labour, Labourage » (1785, chap. III), en s’opposant à La Salle de l’Étang qui défend l’usage du cheval, tout comme François Ébaudy de Fresne qui veut que les cultivateurs remplacent les bœufs de labours par des chevaux, dans une multiplication des herbages et le développement du commerce de la viande4.
44En 1792, l’abbé de Lalauze défend aussi le bœuf, comprenant la préférence de certains pour le cheval par le seul fait qu’il soit plus rapide. Le débat arrivé à un âge avancé, déjà présent dans la littérature du XVIIe siècle, on gagne en profondeur, et les auteurs, quand ils développent ce sujet, prennent le temps d’aller dans le détail, ainsi dans l’Économie rurale et civile : on insiste sur la force et l’endurance des bêtes à cornes, avec beaucoup de précisions sur la nature des sols, puis en suivant les arguments classiques, quant aux coûts, quant aux produits, enfin en reprenant les termes de Buffon quant au naturel laboureur du bœuf (t. V, p. 71-75). L’abbé Tessier, en 1798, dans les Annales de l’agriculture françoise, minimise les avantages du bœuf (t. iii, p. 23-36, et t. iv, p. 356-364), et Bosc, en 1809, à l’article « Labour, Labourage » du Nouveau Cours complet, considère que le cheval a largement remporté la bataille, dans la pratique, du fait de sa vitesse, les bœufs étant encore d’après lui d’usage seulement dans les montagnes.
45La réédition du Théâtre d’agriculture d’Olivier de Serres, en 1804, vient soutenir l’usage des bœufs, mais en donnant une grande importance aux fonds et aux moyens des cultivateurs pour le choix des espèces (document 6).
Document 6.
Le bœuf, animal naturel aux labours (1600 et 1804).
Source : Olivier de Serres, Théâtre d’agriculture, 2e lieu, chap. II, p. 183-184 dans l’édition équivalente de 2001
« Le beuf remue plus profitablement la terre argileuse et pesante, que nulle autre beste ; pour la force qu’il a plus grande, que ni le cheval, ni le mulet, ni l’asne. Il est de facile entretenement, despend peu en son vivre ordinaire, simple en ses harnois, ne lui estant nécessaire ne fer, ne cuir, ne bourre. Il est peu sujet à maladie, et malade, d’aisée guérison : est d’assés longue vie, laquelle ayant usée à nostre service, engraissé, est puis tué pour la provision de la maison, la fournissant de chairs, de graisses, et de cuirs : ou est vendu pour en tirer de l’argent. Mesme d’aventure s’espaulant, se rompant une jambe, ou mourant par accident, peut estre tous-jours employé à tels usages. Si que ne pouvés jamais perdre en telles bestes. »
46En 1826 et 1842, Pinteux défend le grand usage des bœufs et des vaches pour les travaux agricoles et pour le laitage, donnant un rôle secondaire à l’engraissement. Le débat se poursuit jusqu’à la fin de la période, ainsi dans les Annales de l’agriculture françoise, avec cinq articles sur ce sujet entre 1823 et 1850. Le dernier, de Gœritz, professeur d’économie rurale à l’Institut agricole de Hohenheim, traduit par Jules Rieffel, met l’accent sur les circonstances locales, qui président au choix (avril 1850, 4e série, t. XXI, p. 244-253).
47La Maison rustique du XIXe siècle (1834-37), dans son 4e volume, étudie longuement le service des attelages, en 14 pages de petits caractères (p. 431-444), donnant l’avantage au cheval en prenant en compte la quantité de travail effectué, avec plusieurs références, de nombreuses expériences, en admettant l’endurance des bovins et leur moindre coût d’entretien, en laissant finalement le choix aux fermiers, selon l’exploitation, les besoins, les produits. En 1838, par contre, dans le Nouveau Cours complet, De Perthuis souligne, à l’article « Agriculture », que la préférence des chevaux, dans l’usage commun, « n’est point due à une routine aveugle, comme on l’a avancé, [mais qu’il] est le résultat d’un calcul positif, celui d’une balance raisonnée des avantages et des inconvéniens que présente l’emploi de ces deux espèces d’animaux ».
48En 1841, dans la nouvelle édition du Cours de Grognier, on donne l’avis des Anglais, John Sinclair et Arthur Young, favorables au bœuf, contre Mathieu de Dombasle, défenseur du cheval (p. 463-484). Henri de Dombale donne la préférence au bœuf en 1845, dans Le Bouvier français (p. 16-17). Ainsi le débat n’est pas réglé, en théorie, tout au long de la période, et l’on ne cesse, dans chaque camp, de détailler l’argumentation. On remarque surtout, contre l’imposition d’avis tranchés, le renvoi au milieu et à l’intelligence du cultivateur pour choisir l’espèce selon les besoins et les usages.
Les méthodes d’attelage
49Les auteurs recherchent par ailleurs les meilleures façons de mettre les bestiaux à la charrue. Le joug est le moyen classique d’atteler les bœufs : la Nouvelle Maison Rustique ne parle que de cet instrument, aux cornes ou sur le chignon, de 1700 à 1798, et cette manière est la plus avantageuse d’après Buffon, en 1749, qui reste sceptique quand on lui dit que l’on choisit parfois d’atteler par les cornes pour une conduite plus aisée, comme on connaît selon lui une perte de force importante par ce moyen. En 1764, Dupuy-Demportes estime que l’assujettissement par les cornes, choisi en général, est moins bon que par le poitrail, donc avec un collier, comme cela se fait en Angleterre (t. III, livre V, p. 43-55). L’abbé Rozier, en 1781, à l’article « Accouplement » du Cours complet, estime que le joug est le meilleur instrument, tout en précisant que certains soutiennent que le collier fatigue moins l’animal, ainsi en Normandie et en Hollande.
50L’abbé de Lalauze, en 1792, s’oppose à l’attelage en ligne, comme la conduite est plus difficile et la répartition des forces trop inégale (t. v, p. 75). L’abbé Tessier, en 1809, à l’article « Bœuf » du Nouveau Cours complet, indique les diverses manières d’atteler les bœufs, le plus souvent à deux de front, avec parfois plusieurs paires qui se suivent, ou encore l’un devant l’autre, occasionnellement avec des chevaux accouplés. Pour ce qui est des instruments, il souligne que la forme du joug varie grandement d’un lieu à un autre, le principal souci étant de ne pas blesser l’animal, en conseillant une confection d’orme, ou encore de hêtre ou de frêne. Il fait aussi part de la méthode de faire tirer les bœufs comme les chevaux, par le poitrail, avec une courroie ou un collier, en accordant de bonnes raisons aux deux camps, comme « le tirage du poitrail gêne moins la marche de l’animal que le tirage par les cornes, et qu’il l’expose moins aux effets de la chaleur de la terre et de la poussière ».
51Depuis les années 1820, les auteurs hésitent moins à parler des deux instruments, du joug et du collier, en précisant que le premier est le plus utilisé. Henri de Dombale soutient que le collier a certains avantages, gênant moins la marche de l’animal, donnant plus de vitesse, et permettant aux bestiaux de prendre plus de taille et de volume, tout comme Thiébaut-de-Berneaud, qui préfère l’attelage par le col, comme pour les chevaux, contre l’usage commun de le faire par les cornes. Il donne le modèle des environs de Coutances, dans la Manche, où les bœufs cotentins prendraient alors plus de qualités et de volume (t. ii, chap. v, § II). Lavigne, en 1850, dans Le Livre du propriétaire et de l’éleveur de bestiaux, rappelle que Columelle, puis Arthur Young, ont défendu l’usage du collier (t. ii, p. 181-198).
52La ferrure des bœufs est quant à elle un sujet peu commun, du fait, comme on le dit dans la Maison rustique du XIXe siècle (1834-1837), que « cet usage n’est adopté que dans les localités où ces animaux sont employés à des services de tirage sur des routes pierreuses, ou bien encore dans les pays d’élève, avant de faire parcourir aux bestiaux le trajet qui les sépare des marchés des grandes villes » (t. II, livre III, titre 1er, chap. VI, section VI). En 1782, dans l’article « Bœuf & Vache » du Cours complet, l’abbé Tessier précise que l’on peut ferrer le bœuf dès l’âge de trois ans, « si c’est dans les pays de montagnes ou pierreux, & sur-tout s’il est destiné à la charrette » (chap. III, section II). En 1823, Thiébaut-de-Berneaud préconise des chaussures en fer pour de longs trajets ou de lourds fardeaux (t. II, chap. V, § II).
Les bœufs à l’engrais : de la réforme à l’exclusivité
53Dans les traités d’agriculture, il est évidemment question, au premier plan, de la culture des terres, et, celle-ci se faisant dans beaucoup de contrées avec des bœufs, ou des vaches, on parle de la fonction du trait de ces bêtes dans les articles qui leur sont consacrés, en donnant beaucoup de conseils d’élevage en relation avec cette importante activité. Les bêtes à cornes sont consommées pour leur viande, c’est même un revenu important, mais cela vient seulement après le travail, en réforme, après 10 ans, en moyenne, l’âge étant à peu près le même selon les théoriciens, tout comme il diffère un peu en pratique selon les usages, selon les habitudes des éleveurs et des cultivateurs, dans un système commercial qui n’est pas négligeable. Il faut du temps avant que la viande devienne une base majeure de l’élevage bovin, mais il en est tout de même bien question au Siècle des Lumières dans les éditions successives de la Nouvelle Maison Rustique. Au sujet même de l’engraissement, c’est surtout la quantité qui intéresse les agronomes et les économistes.
54L’engraissement se fait à partir de 10 ans pour les bœufs comme pour les vaches, selon les écrits du XVIIIe siècle, à 12 ans selon l’abbé Tessier5, tout au moins quand on comprend qu’il se fait après le service, comme le même abbé Tessier, en 1791, estime que « l’âge le plus favorable, pour engraisser les bœufs, est l’âge de sept ans6 ». Ses remarques suivent en fait des usages différenciés, l’engraissement précoce à 7 ans étant ainsi préféré dans l’actuelle région de Basse-Normandie.
55On préfère l’été pour ce faire, depuis mai ou juin afin que les bêtes soient engraissées vers la fin d’octobre, jusqu’à la Saint-Martin, en leur faisant cesser le travail, en leur donnant davantage de boisson, et plus de nourriture, aucune paille, mais des racines. En 1700, Liger donne quelques méthodes pour faire venir l’appétit aux bestiaux, à base de breuvages et à l’aide du sel, de provisions de grosses raves, de repos à l’étable, en veillant à ce que les bêtes ne se lèchent pas entre elles, ainsi en les frottant avec leur fiente. À partir de 1708, on indique une autre manière, avec des choux trempés dans le vinaigre pour ouvrir l’appétit, afin de donner des aliments consistants. On présente aussi les « naveaux » ou navets, le jonc marin, avec beaucoup de développements sur ces aliments dans l’édition de 1721 ; on retrouve les racines chez Tessier en 1781, chez Lalauze en 1792 (t. V, art. VII).
56On propose aussi, dans la plupart des ouvrages et mémoires, que les bêtes à l’engrais fassent un peu d’exercice. Le Cours complet, 20 ans après le Journal œconomique, précise en outre que les voyages à petites journées apportent une certaine qualité à la viande, en faisant fondre la graisse dans la chair, dans le processus avancé de commercialisation7.
57Dans l’article « Bêtes à cornes », en 1791, l’abbé Tessier développe le thème de l’engraissement, avec plusieurs méthodes, l’engrais au seul pâturage, ainsi en Normandie, l’engrais au pâturage et à l’étable, ainsi en Limousin, avec les extraits d’un mémoire de 1787, de Desmarets, puis l’engrais à l’étable seulement, en hiver, en donnant les arguments du suisse Tschiffeli (1772), rapportés par l’abbé Rozier dans le Cours complet (1782). On retrouve en substance les mêmes remarques dans un autre article de l’abbé Tessier, sur le « Bœuf », dans le Nouveau Cours complet, en 1809, mais cette fois sans référence au Suisse.
58L’engraissement est bien présent dans cette publication de 1809, aussi sous la plume de Bosc, qui donne des précisions de médecine sur la prise de graisse, selon l’âge, l’alimentation, selon les types bovins, et avec, dans l’édition de 1838, des ajouts au sujet des méthodes anglaises, en particulier à propos des expériences de Bakewell, ou au sujet de recherches vétérinaires, ainsi de la part de Chambert, auteur d’un Essai sur l’amélioration des principaux animaux domestiques (1815). Pour l’engraissement à l’étable, on fait référence à l’Allemagne en 1809, on ajoute le Limousin en 1838, à chaque fois dans l’article « Engrais, Engraissement des bestiaux », en copiant la Maison rustique du XIXe siècle (1834-37), qui fait d’ailleurs, la première, référence à Chambert, près de 20 ans après la publication de son ouvrage (t. II, livre III, chap. VII, section IV).
59En 1819, le Cours d’agriculture pratique revient sur les pratiques qui font débat sur l’engraissement des bœufs pendant l’hiver, d’une part au sujet des saignées préalables à l’engraissement, en usage dans certaines régions, l’ouvrage estimant que c’est utile pour les vieux bœufs. D’autre part, il est question de l’âge, avec une « école » qui voit plus d’avantages dans un bœuf de 5 ans, son énergie musculaire aidant à la digestion, et sans les vices de l’âge avancé, tandis que d’autres considèrent que le bœuf se développe davantage vers 9 ou 10 ans, quand la viande est faite et que l’on peut se procurer plus de suif, et un cuir de meilleure qualité. On distingue une troisième « école », anglaise, dont l’idée est reprise par les économistes français, et sur les marchés de Sceaux et de Poissy, à savoir qu’on ne peut trop tôt engraisser et vendre. On discute aussi du renouvellement de la litière, comme certains veulent qu’il soit fréquent, journalier, tandis que d’autres demandent seulement une superposition des litières nouvelles, avec l’unique soin de faire écouler les urines (t. II, p. 428-451).
60On remarque aussi que, sur un autre support, périodique, le thème de l’engraissement occupe une grande surface rédactionnelle, ainsi dans les Annales de l’agriculture françoise depuis les années 18208. Mais l’intérêt est inégal, ce sujet ne tenant de la place parmi les mémoires publiés par la Société d’agriculture du département de la Seine que dans les années 1840, sur les Vosges, le Charolais et le Gâtinais.
61La Maison rustique du XIXe siècle (1834-37) donne un âge d’engraissement idéal à 5 ou 6 ans, pour le bœuf, en reconnaissant que l’usage est à 8-10 ans, voire 12-15 ans, mais pour une chair alors moins nutritive et un cuir de qualité inférieure. On précise encore de bien faire attention au choix des bêtes, selon les nourritures disponibles. La précocité de l’engraissement anglais, par ailleurs, rejoint le choix des animaux de trait, le cheval étant plus courant aux travaux des champs sur l’île britannique, selon les auteurs. Dans les années 1840, il devient commun, chez les agronomes qui ne recopient pas les ouvrages de Liger et de Buffon, que l’engraissement se fasse avant 8 ans.
62La qualité apparaît dans un autre domaine, celui de la cuisine proprement dite, comme la sphère commerciale de la boucherie reste peu connue, dans les premiers temps, des agronomes et des propriétaires, en tout cas au niveau théorique, au niveau de l’écrit. En 1723, Liger, parmi « les délices de la campagne », donne une « Pratique de la Cuisine, et premièrement de la Viande de Boucherie, avec la manière de connoître pièce par pièce, et de l’apprêter du meilleur goût ». En amont, dans ses considérations générales, l’auteur parle des provisions de bœuf salé, mais toujours sans lien véritable entre la production et la consommation, entre l’élevage et sa finalité. En 1749, Buffon précise seulement que l’on a l’habitude, en Irlande, en Angleterre, en Hollande, en Suisse, de saler et de fumer la chair du bœuf en grande quantité.
Le rapport à l’étable dans l’évolution du type idéal
63Les considérations sur les étables, ou bouveries, ou vacheries, sont rares avant la fin de l’Ancien Régime. Certes, quand on en discute, on met en avant la nécessité de cadres spacieux, le soin de bien récupérer les urines et excréments, mais sans insister sur cet aspect de l’élevage.
64La Nouvelle Maison Rustique, dès 1721, préconise des étables pavées et un peu sablées, sèches et saines, tournées au midi et à l’abri des vents froids, en évitant l’entrée d’autres animaux, en particulier de la volaille et des porcs. L’auteur souhaite que l’on sépare les bestiaux par des cloisons, « entre chacune desquelles il y a la place d’une vache & de son veau ». L’orientation du bâtiment ne fait aucunement débat, et l’on peut remonter jusqu’au IVe siècle, à Palladius, pour retrouver ces mêmes préceptes.
65On donne davantage d’importance à l’étable à partir des années 1760, et on prend le temps de quelques détails dans les traités d’agriculture, sans encore d’ouvrages spécialisés. Dupuy-Demportes, dans Le Gentilhomme cultivateur, met en avant l’abri du froid et de la grande chaleur, désirant même la construction de deux bâtiments pour les bêtes de charge, l’un pour l’hiver et l’autre pour l’été, et avec une rigole, des ouvertures au nord, une porte, des murs élevés (t. II, p. 284-291). L’hygiène est mise en avant, pour un intérieur propre et sec, toujours avec une pente d’écoulement.
66La stabulation permanente trouve des défenseurs passionnés, en particulier depuis 1775 avec les Lettres sur la nourriture des bestiaux à l’étable du suisse Tschiffeli, parues à Lyon en 1779, à Paris en 1805. Ses considérations, arguments et réponses aux objections sont intégrées au Cours complet de l’abbé Rozier dès la 1re édition, en 1781, dans l’article « Bétail, Bestiaux », en insistant sur la récupération des fumiers, sur la meilleure utilisation des prairies. Dans l’édition de 1809, dans l’article « Étables », De Perthuis distingue les étables temporaires, qui servent essentiellement pendant l’hiver, et les étables permanentes, en faisant uniquement référence à l’usage allemand pour ces dernières. Le développement de la topographie dans l’édition, au début du XIXe siècle, ajoute une nouvelle dimension dans la manière de penser les étables et abris, mais essentiellement en se basant sur de grandes ou de très grandes exploitations.
Reproduction : de l’accouplement ordinaire aux croisements exogènes
Les vaches
67La vache, emblème avec le bœuf de la force et de la puissance, et surtout de la fécondité, image de la mère, est au premier plan des chapitres sur l’élevage bovin, à même de servir à la multiplication et à l’amélioration des cheptels. Convenons que la vache destinée à la reproduction est la meilleure espèce pour l’engraissement, tandis que celle qui travaille prend moins facilement d’embonpoint, les vaches laitières donnant une plus mauvaise viande.
L’âge et le type idéal de la reproductrice
68La première édition de la Nouvelle Maison Rustique précise que c’est la maîtresse de maison qui est responsable des vaches à lait.
69Contre la mauvaise habitude des éleveurs, Liger insiste sur la nécessité de ne pas donner trop tôt au taureau les vaches ou génisses, afin d’éviter les « avortons ». Ainsi on préconise une reproduction de 3 jusqu’à 12 ans, tous les ans, en préférant les mois de mai, juin et juillet, comme les veaux résistent alors mieux à l’hiver, et s’y vendent mieux, mais sans imposer de réelle contrainte à ce sujet, comme la fermière ne doit pas empêcher la vache en chaleur, normalement tous les 15 à 20 jours, d’aller vers le taureau. En 1721, on rapporte le premier âge à 2 ans et demi, au moins, et jusqu’à 10 ans, après quoi, dit-on, la vache ne vaut plus rien pour la boucherie. On donne le moyen d’échauffer la vache, en frottant sa « nature » d’un oignon marin broyé (1700) ou en lui donnant de la graine de lin, un ajout de 1721, au cas où elle ne veut pas du taureau alors qu’elle peut le recevoir.
70Buffon, en 1749, préfère qu’on attende 3 ans, et l’édition de Bastien, en 1798, descend l’âge à 2 ans, au minimum, mais en souhaitant également qu’on attende 3 ans, si l’éleveur peut se le permettre, comme c’est bien la réalité du coût d’entretien élevé qui veut que l’usage tende à une reproduction trop précoce. Pour Buffon, la femelle est plus nécessaire que le mâle, plus utile, dans la multiplication des animaux domestiques.
71Notons que les auteurs de l’Ancien Régime, d’Olivier de Serres à Liger et à l’abbé Tessier, font une description de la vache idéale très proche de celle de Palladius, en estimant que la femelle peut avoir de bonnes portées de 3 à 10 ans (De re rustica, livre IV, §. XI). Dans les grandes lignes, en particulier sur l’âge à la reproduction et au dressage, on retrouve les mêmes éléments dans la littérature du XVIIIe siècle que chez Pline ou Olivier de Serres, mais on développe certains sujets et les avancées scientifiques modifient le discours, parfois plus que le fonds.
72La description de Liger, en 1700, pour la vache à lait, rejoint celle du bœuf de trait, en observant en outre « que son pis, qui doit être gros & grand, & muni de grosses & de longues tetes », avec une préférence pour les vaches d’un noir moucheté, ou toutes noires. Dans la 3e édition de la Nouvelle Maison Rustique, en 1721, on précise encore les différents critères de qualité (document 7).
Document 7.
L’idéal de la vache (1721).
Source : Nouvelle Maison Rustique, 1721, 1re partie, livre 4e, chap. 1er, art. II
« Pour tirer bien du lait d’une vache, en avoir beaucoup de veaux, & même la faire servir au labourage & au trait, il faut la choisir de grand corsage, ayant le ventre gros, le front large, les yeux noirs & ouverts, les cornes belles, polies & brunes, les oreilles velues, les mâchoires serrées, le fanon grand, ainsi que la queue, la corne du pied petite & les jambes courtes. Quelques-uns veulent qu’outre cela elle ait la tête hideuse, alerte & courte, les yeux gros, les oreilles hérissées, les cornes courbées en dedans, les naseaux bien ouverts, beaucoup d’encolure, les côtes longues, tous les membres gros jusqu’au pied, les pis gros & grands, les trayons gros & longs & le poil court & doux. »
73La vache a ainsi droit à son propre idéal, mais l’ouvrage souligne que l’on doit surtout regarder l’âge, jeune (4-5 ans), l’œil, « vif et alerte », le lait, l’embonpoint et l’origine. Au sujet du poil, on préfère encore le noir en 1721, pour la qualité du lait, en ajoutant que ce sont les vaches blanches qui en donnent le plus, et que les vaches rouges sont quant à elles bonnes au trait, ce que Buffon reprend en 1749, mais sans faire du poil un critère exclusif, comme pour le bœuf. Pour autant, Pellet de la Bonneville, en 1775, veut que l’on ne choisisse que des vaches rousses ou noires, et il ajoute qu’on ne doit garder que les veaux des 3e, 4e ou 5e portées pour faire des bœufs, les premiers et les suivants étant plutôt destinés à la boucherie (p. 185-205).
74L’édition de Bastien, en 1798, ajoute uniquement dans sa description qu’il faut trouver chez la vache des os du bassin évasés. Outre les propos sur les vaches flandrines, cette dernière édition fait la part des différentes espèces, d’après la réputation la plus commune, favorable aux vaches d’Auvergne, des Cévennes et de la Suisse. Le Journal œconomique, au courant des nombreuses publications, se veut quelque peu original dans son propos, avec d’autres considérations quant au choix, dans un article du mois d’avril 1752 (p. 31-39), repris en 1810 par Cousin d’Avalon à l’article « Vache » du Parfait agriculteur.
75Comme pour le bœuf, le Cours complet, en 1782, donne une série de proportions relatives aux parties spécifiques de la vache, ainsi avec « dix pouces de longueur dans les mamelles, & un pied de longueur dans le vagin », à l’article « Bœuf & Vache ». Au même article, l’abbé Tessier donne un portrait idéal très proche de celui de Liger, inspirant l’édition de Bastien, et il préfère que les vaches aient entre 4 et 9 ans pour la reproduction. Cette description est reprise par Poinsot en 1806 (p. 205-253).
76On voit généralement la réputation des vaches élevées en altitude, contre celles qui pâturent dans les marécages, mais en insistant sur l’importance du climat, propre à chaque espèce. Le Cours complet de 1782 donne plus de détails sur la nourriture des vaches, en été au pâturage, en hiver à l’étable, avec entre autres des pailles de méteil ou d’avoine, du foin, du sainfoin et de la luzerne, de l’eau claire et nette, deux fois par jour. On cite l’usage de Flandre, de donner du drac, « marc du grain dont on a tiré la bierre » et des « tourteaux, qui sont le marc des colsats & des navettes dont on a tiré l’huile », ces aliments augmentant généralement le lait.
77Les auteurs, tout au long de la période, insistent et diffèrent surtout sur l’âge minimal pour faire saillir les vaches, toujours après 2 ans, et surtout après 3 ans. Ce critère d’importance, s’il est suivi, permettrait selon les agronomes une amélioration conséquente du cheptel français, sans dégénérescence des troupeaux.
Le choix des reproducteurs
78On développe aussi la question du choix des bestiaux pour la reproduction, autre moyen d’éviter la « dégénération ». L’abbé Tessier, dès 1782, annonce dans l’article « Bœuf & Vache » du Cours complet qu’il est « essentiel […] de croiser les races en les mêlant, & surtout en les renouvelant par des races étrangères », en faisant venir des taureaux de Danemark, de Suisse, des Cévennes et d’Angleterre, et en les distribuant dans les campagnes. Cette idée, le même auteur ne la donne qu’aux « gens riches » en 1791, puis la rejette dans le Nouveau Cours complet de 1809, mais seulement du fait des coûts et difficultés de tels approvisionnements9. L’amélioration peut aussi se trouver dans le croisement des races françaises, Bosc soulignant la qualité, en 1809, à l’article « Amélioration », de la race des bœufs qui labourent le Morvan et quelques cantons de la Normandie. On met en avant les races de Flandre et de Normandie, dans le même ouvrage, à l’article « Vache », avec des considérations supplémentaires, dans l’édition de 1838, sur les races d’Auvergne, du Nord-Est, de Suisse, d’Angleterre, d’Allemagne.
79En 1786 et 1787, la Société royale d’agriculture de Paris propose, dans ces Mémoires, deux écrits sur les génisses. Le premier, au trimestre d’été 1786, par M. Hadancourt, membre des Comices agricoles de Pontoise, fermier et receveur de Berville-le-Coudray, à 20 kilomètres au nord de Pontoise, insiste sur le choix des élèves, sur l’importance du climat pour la reproduction des types bovins, à la responsabilité de l’éleveur de connaître l’origine des bestiaux qu’il achète, de prendre « tous les soins qu’exigent la manutention, la nourriture, la propreté, la traite des vaches laitières, les maladies sérieuses ou passagères, & enfin le régime le plus propre à maintenir le troupeau dans un état florissant & fructueux » ; on fait saillir les vaches ou génisses pour la première fois entre 30 mois et 3 ans. Pour le reste, l’auteur suit les principes antérieurs, avec tout de même beaucoup plus de précisions quant à l’alimentation des jeunes bovins, d’après ses propres expériences. Le second mémoire, au trimestre de printemps 1787, est de madame Cretté de Palluel, qui a choisi de s’en tenir à l’élève, sans aucun achat depuis 15 années, et avec une préférence, à l’origine, pour les vaches suisses. Laisser téter les veaux, chez elle, est considéré comme « un abus impardonnable », rendant le sevrage difficile et abîmant les mamelles, alors qu’il vaut mieux traire et donner le lait pur au petit. Elle donne une grande importance à la nourriture, en ce qui concerne la qualité et la quantité du lait, en rejetant le critère de la robe pour estimer la production.
80D’après Sauvegrain (1789, chap. XV) et Thiébaut-de-Berneaud (1823, t. II, p. 274-6), les plus belles génisses viennent des alentours de Livarot et du Pays de Bray, de même souche, le premier auteur conseillant aussi d’aller en Suisse chercher des espèces à reproduire. Déjà mentionnée au sujet de la race sans cornes venue d’Écosse, la ferme de Rambouillet inaugure le système des vacheries, en France, dans ce même souci d’amélioration, en outre avec la race italienne à grandes cornes, présentée par Parmentier dans le Nouveau Cours complet en 1809, dans l’article « Animaux domestiques ». L’abbé Tessier parle beaucoup de ce domaine de Rambouillet en 1791, dans l’article « Bêtes à cornes », et revient sur ces établissements dans l’édition de 1838 du Nouveau Cours complet, à l’article « Bœuf », avec des exemples en Belgique et sur la rive gauche du Rhin, ou d’après le duc Élie Decazes, ministre de Louis XVIII, de 1815 à 1820, qui préconisait l’importation de bestiaux suisses.
81Les Annales de l’agriculture françoise, dans les années 1830 et 1840, regardent les croisements que l’on fait en Angleterre (1832), en Allemagne (1837), et rendent compte des ventes de Durham au haras du Pin, à partir de 1841, à Alfort, et des concours, à Poissy depuis 1844. Le souci d’amélioration par les croisements, en particulier exogènes, est en outre fort présent dans le Moniteur agricole sous la plume de Magne.
82De même, dans le Journal d’agriculture pratique, édité de 1837 à 1856, étudié par Bernard Denis, les auteurs se soucient de l’accroissement des productions, des questions de la sélection et du croisement, avec les articles de Deseimeris, de Grognier, qui estime le poids des bœufs à 277 kg en Angleterre, contre 175 en France, ou de Villeroy, entre 1839 et 184610. On trouve plusieurs articles traduits de l’anglais, sur les critères de choix, surtout morphologiques, des reproducteurs. À propos de la race de Durham, qui apparaît en 1837 à l’École vétérinaire d’Alfort, le Journal d’agriculture pratique est d’abord réservé et défend les races françaises, en insistant sur l’inaptitude de la race anglaise au travail. Mais la pensée du périodique évolue, avec, comme le précise Bernard Denis, le zèle de l’administration, qui organise des concours très favorables à la Durham, le Journal étant franchement pour cette race en 185411.
83En 1840, Jean-Baptiste Huzard, « sur les mots croisement, métissage, appareillement, appatronnement et appariement, et les faits que ces mots désignent », donne quelques éclaircissements sur le vocabulaire employé, distinguant bien la conservation d’une race et la création d’une race (document 8).
84Le même auteur, dans les ajouts au Manuel du bouvier de Robinet, dans la 3e édition de 1837, désigne les améliorations possibles, pour les races de travail sur l’amplitude, la force, la célérité, pour les races de boucherie sur les muscles et la graisse, avec de l’amplitude et une rapidité d’engraissement, enfin pour les vaches laitières avec les mêmes critères que pour les races de boucherie, mais en ajoutant la volonté d’augmenter la qualité du lait (p. 236-268). Huzard traite par ailleurs des inconvénients de métissages, d’après l’exemple des bestiaux amenés de Suisse en Lombardie, qui dégénèrent rapidement à cause d’un climat plus doux. L’auteur préfère l’importation de vaches à celle de taureaux, l’usage des taureaux indigènes permettant de garder certaines qualités nécessaires à l’acclimatation, toujours difficile, avec une perte de constitution au fil des générations.
Document 8.
Le vocabulaire de la reproduction (1840).
Source : Mémoires de la Société d’agriculture de la Seine, 1840, t. 48, p. 217-21912
« On a des races faites, ou on fait une race.
Dans le premier cas, pour conserver la race ou pour l’améliorer, on accouple entre eux les mâles et les femelles les plus parfaits.
Dans le second cas, on métisse ou croise une race par une autre dans une série de générations plus ou moins prolongée.
Voilà deux opérations bien réelles, bien distinctes.
Dans la première, on appareille ou on appatronne, ou on apparie le mâle avec la femelle.
Dans la seconde, on métisse ou croise une race par une autre, soit pour former une nouvelle race intermédiaire, soit pour convertir une race dans l’autre par des croisements assez multipliés.
[…].
Dans cette note je me suis gardé de faire une différence entre une race et une sous-race. On sait qu’une sous-race n’est qu’une race nouvelle, créée soit par progression, soit par un métissage qui a amené la race régénérée au même type que la race régénératrice, soit par un métissage qui a produit un type inattendu et qu’on a pu conserver. – L’ancienneté est donc la seule différence qui existe entre une sous-race et une race. Mais tout le monde sait aussi qu’une sous-race peut devenir, à la longue, dissemblable de la race distincte génératrice, et, par conséquent, une nouvelle race tout à fait ; il fallait seulement ici faire voir qu’une sous-race n’était qu’une race nouvelle, afin qu’on ne vînt pas tirer de mon silence, à cet égard, des arguments contre l’opinion que je professe ici.
Je pense donc que, par rapport aux races d’animaux domestiques les plus utiles, les races chevalines, bovines et ovines, les mots métissage et croisement doivent être et sont réellement synonymes, et que les mots appareillement, appatronnement et appariement, puisque, malheureusement, on a créé ces deux derniers, doivent être et sont, en effet, synonymes. »
85En 1840, le Cours de multiplication souligne que les croisements de races sont une pratique récente, depuis deux ou trois siècles selon Bosc. On préfère des individus améliorateurs qui viennent du Midi, comme l’acclimatation semble plus aisée en ce sens ; on donne une grande influence à la part du mâle, dans la transmission des habitudes, des qualités et défauts (p. 213-248 et p. 269-307).
Le taureau
86Si l’on parle des vaches, au pluriel, le taureau reproducteur est souvent seul, parmi le troupeau, selon le nombre de femelles. D’après Liger, le taureau « doit être gras, gros, & bien fait, il faut qu’il ait l’œil éveillé, la taille plus longue que haute, les épaules larges, les jambes charnuës, la tête courte, la poitrine large, le front ouvert ; il faut qu’il soit sûr dans sa marche, qu’il épouvante de son regard, qu’il ait les yeux noirs, & le poil rouge, les cornes courtes, la queuë longue, & bien couverte de poil » (1700). On lui donne de l’orge ou de la vesce pour le rendre meilleur. Pour exciter le taureau, on propose de lui porter au mufle l’odeur de la « nature » de la vache.
87Buffon, en 1749 donne un portrait idéal très proche, ainsi que Buc’hoz en 1778 (t. I, p. 2-22), Tessier dans ses articles de 1782, 1791, 1809, 1838, Poinsot en 1806, Cousin d’Avalon en 1810 (« Taureau »), Thiébaut-de-Berneaud en 1823, qui désigne le taureau de l’Italie pour idéal, en citant l’Histoire naturelle de Pline (t. II, p. 145). Chez les auteurs des années 1830 et 1840, on retrouve toujours le même type de descriptions, avec plus ou moins de détails. Contre le critère des poils et les remarques des « humoristes », Buffon souligne que la couleur n’indique rien, comme pour les bœufs, les vaches ou les chevaux. Pour autant, on préfère généralement le poil roux, ainsi chez l’abbé de Lalauze en 1792 (t. V, p. 122-138).
88De 1721 à 1798, la Nouvelle Maison Rustique précise qu’on ne doit donner que 15 vaches au taureau, même nombre chez Columelle et Palladius, et ce entre 3 et 9 ans. On fait part en même temps de l’aversion du mâle pour la couleur rouge, mais aussi pour les paons, pour les bourdons, les guêpes, les frelons, les ours, les tigres, tandis qu’il ne craint ni le chien ni le loup. Olivier de Serres fait quant à lui servir le taureau de 4 à 12 ans, à 30 ou 40 vaches par mâle, jusqu’à 50 ou 60 (4e lieu, chap. VII).
89Au début des années 1760, Dupuy-Demportes donne du mâle un idéal quelque peu différent, mais davantage dans les termes, dans le style, que dans la réalité, comme « il faut que le taureau ait la tête large, & que le poil y soit bien frisé, que la contenance soit fière, ses yeux grands & pleins : plus ils sont noirs, plus ils annoncent la vigueur & sa bonne constitution ; que son poitrail soit épais, son dos droit & plat, sa croupe large & quarrée, & ses cuisses rondes, que ses jambes soient droites & nerveuses, ses jointures courtes, & que son poil soit lissé & uni, & tirant un peu sur le luisant par tout le corps » (t. III, p. 40-41). L’auteur souligne en outre que l’animal peut aussi servir au labourage, ce contre quoi la plupart des auteurs mettent les cultivateurs en garde, du fait de l’indocilité et de la fierté de l’animal.
90En 1782, dans l’article « Bœuf & Vache » du Cours complet, l’abbé Tessier fait donner de la paille et du foin au taureau, et il le fait travailler une heure ou deux par jour, si ce n’est dans la période de rut. Il situe « le temps de monte » d’avril à juillet, au mieux (chap. II, section IV). Le taureau sert à la reproduction de 3 à 9 ans, après quoi il est engraissé pour la boucherie (1809, « Taureau »). Ces préceptes, ainsi que l’idée de faire venir des mâles de l’étranger, sont totalement rejetés par le Cours d’agriculture pratique, en 1821, qui reproche encore à l’abbé Tessier, dans le même chapitre, d’avoir affirmé qu’il était dangereux de faire couvrir une petite vache par un gros taureau, comme la femelle aurait alors des difficultés à mettre bas13.
91En 1842, au sein du Petit Cours d’agriculture, Joseph de Mauny de Mornay, dans ses considérations sur le taureau, parle du passage d’un anneau de fer cannelé, comme celui qu’emploie M. Bella à Grignon, dans la cloison du nez, ce qui, dit-il, devrait être rendu obligatoire par une mesure de police, pour rendre l’animal docile ; l’auteur précise par ailleurs que le taureau demande plus de nourriture dans le temps de la saillie (t. VI, chap. IV, p. 173-176). On discute des avantages de la monte en liberté et de celle à la main, comme cela ne dépend que des circonstances et de la nécessité ou non d’avoir recours à la seconde méthode. La monte doit venir avant 2 ans pour les petites races, à 3 ans pour les grandes races, et, quand les forces diminuent ou quand la méchanceté est trop grande, il faut châtrer, engraisser et vendre, soit souvent vers 10-12 ans. Enfin, selon le même auteur, le taureau doit disposer d’une écurie particulière.
92On trouve par ailleurs plusieurs articles à propos de la tauromachie, surtout sur la pratique espagnole, ainsi dans les dictionnaires encyclopédiques, en particulier dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. L’abbé Tessier, dans l’article « Bêtes à cornes » de l’Encyclopédie méthodique, ne défend ces pratiques « que dans les pays où la jeunesse a besoin de s’aguérir contre les bœufs sauvages, & jamais dans les pays où l’Agriculture se sert de chevaux ou de bœufs domestiques ». Le Cours d’agriculture pratique, en 1819, souligne que les fêtes qui mettent en scène des taureaux étaient d’usage dans le Languedoc et dans les Cévennes, et qu’elles sont depuis condamnées par les « érudits » (t. I, p. 207-215).
Les soins pendant la grossesse
93La Nouvelle Maison Rustique, en 1700, s’oppose encore à l’usage commun qui veut qu’on traite et nourrisse les vaches pleines comme si elles ne l’étaient pas : elles demandent le plus grand soin, d’autant que les renversements de matrice ou les avortements sont plus fréquents que chez d’autres animaux domestiques. Ainsi on ne doit pas les faire travailler, et on leur donne davantage de nourriture qu’à l’ordinaire, dans de bons pâturages et surtout à l’étable, en luzerne et sainfoin.
94En 1721, la traite cesse seulement 6 semaines avant le vêlage, quand, dit Buffon, le lait ne se tarit pas déjà naturellement (1749). Chez l’abbé Lalauze, en 1790, la vache ne doit plus travailler après les 5e ou 6e mois de grossesse (t. v, p. 122-138).
95En 1785, Chabert, dans l’Instruction sur la manière de conduire et de gouverner les vaches que le Roi a fait distribuer aux pauvres familles de la généralité de Paris, précise qu’il faut cesser de traire la vache pleine à la fin du 7e mois, usage reconnu à l’époque actuelle, comme le lait est alors de mauvaise qualité, et nécessaire au fœtus, mais en soulignant que l’on doit traire à moitié si le pis s’engorge (art. VI). L’édition de 1807 insiste sur la surveillance des vaches qui paissent ensemble et sur l’importance de l’exercice, afin d’éviter l’avortement. En 1801, l’abbé Tessier recopie l’édition de 1785, sans citer son auteur, dans la nouvelle édition du Cours complet, à l’article « Vache » (art. VI et VII).
96Les ouvrages donnent généralement de nombreux conseils sur la nourriture à donner avant l’accouchement, de la meilleure qualité, et sur les moyens de faciliter cette opération, en particulier quand la vache donne naissance à deux veaux.
97En 1798, Saint-Genis, parmi des observations données dans les Annales de l’agriculture françoise sur ses cultures fourragères, donne quelques remarques sur la durée de gestation des vaches, de 277 à 286 jours (t. iii, p. 226-254). L’abbé Tessier, en 1838, à l’article « Gestation » du Nouveau Cours complet, précise aussi la durée de gestation, selon les extrêmes qu’il a pu observer, 240 et 321 jours, d’après 577 cas : 544 d’entre eux se terminent entre le 270e et le 290e jour, de 9 à 10 mois. Cette approche statistique est particulièrement originale dans le corpus.
Les soins après la grossesse
98Après neuf mois, en moyenne, et après la naissance du veau, Liger, en 1700, conseille de répandre du sel sur le petit pour que sa mère le lèche et le fortifie, tous deux enfermés dans l’étable pendant deux jours, durée dans laquelle on donne à la mère de l’eau blanchie avec de la farine. On évite par ailleurs que la mère ne mange son délivre ou « arrière-faix », afin d’éviter tout problème de santé dans cette période de faiblesse physique. On donne du son à la mère pendant une semaine, puis du foin et de l’herbe. On attend deux mois avant de traire de nouveau les vaches, chez Liger, mais ce délai diminue chez les auteurs successifs au XVIIIe siècle.
99En avril 1752, le Journal œconomique souligne que les « médicamens » sont nombreux, pour aider les vaches à se fortifier après le vêlage, en préférant un mélange avec une pinte de suie de bois dissoute dans deux quarts de bière douce sans houblon (« aîle »), jusqu’à ce que le tout soit réduit à une pinte, en ajoutant une demi-livre de beurre frais, à refroidir et à donner à l’aide d’une corne (« Des vaches », p. 31-39).
100Chabert, en 1785, souligne que le part exige une ample litière, et il propose quelques nourritures pour la mère tout juste délivrée, une rôtie au vin ou au cidre ou au poiré, puis ensuite de l’eau tiède blanchie avec de la farine d’orge moulue ou du son de froment, ce pendant 5 ou 6 jours, en remettant la bête à la nourriture ordinaire par gradation (art. VII). L’édition de 1807 donne en plus des conseils au sujet de l’extraction du veau, surtout si elle s’avère difficile, avec en outre plus de détails sur le délivre, et beaucoup de propositions de nourritures, d’exercices, pour que la vache se remette, en énonçant différents risques qui surviennent dans cette période particulière.
L’élevage des veaux
101D’après Liger, en 1700, il faut donner beaucoup de soins au veau, et pour première nourriture un jaune d’œuf, après que sa mère l’ait bien léché. On le laisse avec elle pendant 5 ou 6 jours, de même chez Buffon (1749) et chez l’abbé Tessier (1782), et de 6 à 8 jours chez l’abbé de Lalauze (1792), en les attachant de telle façon qu’on laisse téter quand on estime cela nécessaire, dans un usage différencié selon les régions, comme on peut parfois estimer que l’allaitement constitue un danger pour le petit.
102La durée pendant laquelle le veau tète, diffère selon les régions, de 15 jours à 2 mois, Liger et Buffon préférant 30 ou 40 jours, comme c’est l’usage, disent-ils, autour de Paris, plus longuement encore si l’animal est destiné à la boucherie. On ne peut sevrer un veau que si les pâturages sont suffisants, en été, et pour lors, en mêlant les petits aux adultes, on muselle les premiers afin qu’ils ne tètent point en liberté.
103En 1721, la Nouvelle Maison Rustique présente plusieurs manières de nourrir ces veaux : « On appelle veau de lait, celui qui n’a pas encore mangé de foin : les veaux de rivière sont des veaux extrémement gras, qui viennent aux environs de Rouen, où il y a de bons pâturages, & où on les nourrit de lait. On appelle veau montane, un veau nourri dans une ménagerie du lait de plusieurs vaches & de quelques autres ingrédiens, comme œufs & sucre ; ce qui est une façon de les nourrir venue d’Italie. » L’usage est différent pour les veaux de vaches flandrines, que l’on présente dans l’édition de 1708, ou chez Buffon en 1749 : on les sèvre dès leur naissance, on les nourrit de lait « ribotté » ou « battis », gardé après que le beurre soit fait. L’édition de 1721 précise que les régions qui produisent du fromage ne doivent pas garder leurs génisses, qui ne produisent rien avant deux ou trois ans : on préfère les vendre et acheter des laitières en remplacement des vaches trop vieilles.
104Chomel, dans l’article « Veau » du Dictionnaire œconomique (1709), reprend tous les principes de Liger sur l’élevage des veaux. La plupart des ouvrages mettent en garde les éleveurs contre un sevrage trop précoce, comme beaucoup d’éleveurs veulent profiter du lait trop tôt. En 1785, Chabert précise que l’on ne peut donner d’aliments solides aux veaux trop tôt après leur naissance, en leur donnant d’abord du lait, parfois coupé avec de la bouillie d’orge, par exemple, en attendant au moins 6 semaines à 2 mois avant de les sevrer ; on peut faire sortir les veaux quand on les sent en état de suivre leur mère, mais sans leur permettre de la téter ; on doit par ailleurs leur donner une bonne litière, comme ils sont particulièrement susceptibles de gale (art. VIII).
105On peut encore trouver des méthodes d’engraissement spécifiques aux veaux, ainsi dans le Cours de multiplication et de perfectionnement, en 1840-41, sur les veaux de Pontoise (avec du lait, 4 à 5 œufs par jour, de la farine), une méthode anglaise (du foin et du lait jusqu’au 15e ou 20e jour, après quoi on supprime le lait), russe (bière dans le lait), et parfois encore avec des saignées (p. 347-367).
La castration
106Selon Liger (1700), il faut châtrer les veaux à deux ans, et pas après, si on ne veut pas les élever comme taureaux, en préférant le mois de mai, le printemps, quand ils ont récupéré des fatigues de l’hiver.
107C’est le bistournage que l’on opère le plus couramment, au choix avec la ligature, par les casseaux, ou les froissements des testicules, par le martelage ou écrasement des cordons. Sauvegrain, en 1806, s’oppose nettement à la pratique « traditionnelle » du bistournage, qui peut amener des troubles chez l’animal, qui fait parfois garder des formes « taurassines » aux bêtes et qui donne une viande plus dure et foncée, et moins de suif. L’auteur préfèrerait que l’on coupe après froissement, comme en Normandie, en Franche-Comté, en Limousin (chap. XVI). Il est amusant de retrouver cette même opposition à la compression des bourses chez Palladius, qui préfère qu’on coupe les testicules après les avoir refoulées dans le scrotum et les avoir comprimées (livre VI, §. VII). Cette pratique semble pouvoir être abordée comme une nouveauté par les agronomes du XVIIIe siècle, du fait de la pratique, alors qu’elle est bien connue en théorie, défendue aussi par Olivier de Serres en 1600 (4e lieu, chap. IX).
108La castration, c’est à 18 ou 24 mois d’après Buffon (1749), entre 18 mois et 3 ans d’après Olivier de Serres (1600). Pour l’abbé Tessier, elle se fait à deux ans et demi, en 1782 (« Bœuf & Vache »), ou de 6 mois jusqu’à 2 ans, en 1809 (« Bœuf »). On peut aussi châtrer les vaches, pour qu’elles engraissent plus facilement et donnent une chair plus tendre, mais l’abbé Tessier, en 1809, précise bien que cette pratique ne doit pas être trop suivie, au risque de mettre toute l’espèce en péril (« Castration »). Dans la Maison Rustique du XIXe siècle (1834-37), on cite un mémoire du suisse Lévrat sur le sujet (1835), l’auteur indiquant que la vache châtrée donne un tiers de plus de lait, sans les soucis du vêlage, des chaleurs, parfois de l’amour inconsidéré de certaines femelles pour les mâles, et avec une facilité d’engraissement. Les avantages de cette castration sont confirmés par les observations rapportées de M. Régère, vétérinaire à Bordeaux (t. II, livre 3e, titre 1er, chap. III, section IV).
Le jumart, une légende ?
109En 1778, Buc’hoz propose plusieurs témoignages, des observations de jumarts, ainsi dans l’Histoire générale des Églises évangéliques des vallées de Piémont, chez Scaliger, en Suisse, dans le Haut-Dauphiné, à Gap, avec des références vagues pour ces deux exemples, ou encore chez Schaw-Traculs, qui parle d’un « Kumval », puis à l’École royale vétérinaire d’Alfort en 1768, de spécimens qui viennent du Dauphiné, dans un ouvrage périodique de 1767, sur la description d’un jumart de l’École royale vétérinaire de Lyon (t. ii, p. 148-153). On en donne les descriptions, sans remettre en question l’existence d’un tel animal, et sans aucune référence aux sceptiques ou aux détracteurs, tel Buffon, ce qui peut paraître surprenant, comme Buc’hoz cite cet auteur par ailleurs.
110L’abbé Tessier, en 1782 et en 1838, aux articles « Bœuf & Vache » et « Bœuf », parle d’un « accouplement contre-nature » du taureau avec une jument ou une ânesse, de l’âne avec une vache. L’article « Jumart » défend l’existence de cet animal, et remet en cause l’autorité de Buffon, considéré ici comme le « Pline françois » (document 9).
Document 9.
Le Jumart (1782).
Source : Cours complet d’agriculture, 1782, art. « Jumart », p. 106-107
« M. de Buffon nie la possibilité de l’existence de cet animal, à cause de la trop grande ligne de démarcation qui sépare ses générateurs, & il regarde le jumart comme un être chimérique. On convient qu’il n’est pas commun, parce qu’on ne s’occupe point assez du soin de croiser les espèces. Cependant, malgré la décision du Pline françois, on peut & on doit être très-persuadé de l’existence des jumarts. Pendant très longtemps il en a existé un à Lyon, qui traînoit la charrette dans toute la ville, &, si je ne me trompe pas, on en voit encore un à l’école vétérinaire d’Alfort.
Je sais & je conviens que l’autorité de M. de Buffon doit être d’un grand poids ; mais ce célèbre naturaliste n’a pas été dans le cas de tout voir, de tout examiner par lui-même. Cependant, si on doute encore de l’existence des jumarts, on peut consulter les lettres de M. Bourgelat, insérées page 546 du tome troisième des Considérations sur les corps organisés, par le célèbre & exact observateur M. Charles Bonnet, de Genève. Dans la vallée de Barcelonnette, les jumarts ne sont pas rares, & on les y appelle jumerre. Tous ces animaux ne sont pas égaux ; ils tiennent quelquefois plus du bœuf que de l’âne, & ainsi tour-à-tour. Cette diversité dans la conformation, a été à l’origine de l’espèce de contradiction qu’on rencontre dans les descriptions de cet animal. »
111En 1791, dans son dictionnaire, Valmont de Bomare souligne que c’est le « Nom que l’on a donné à trois sortes d’individus, qui sont des espèces de mulets par excès, & engendrés par l’accouplement d’un taureau & d’une jument, ou d’un taureau & d’une ânesse, ou enfin d’un âne & d’une vache.
112Dans les vallées de Piémont, on donne le nom de bif à l’espèce qui provient de l’ânesse & du taureau. On appelle baf l’espèce qui résulte de l’accouplement du taureau avec la jument. Le Docteur Shaw dit avoir vu, dans les provinces de Tunis & d’Alger, une espèce de mulet nommé kumrah, & qu’il dit être le fruit de l’accouplement de l’âne & de la vache. Ceux qu’il a vus n’avoient point de cornes ; un seul sabot aux pieds, comme l’âne ; le poil lisse, la queue & la tête de la vache. On trouve de ces sortes d’animaux dans le Piémont, dans la Suisse, dans le Dauphiné & dans la Navarre. » L’auteur accepte l’existence de tels animaux, d’après des observations en Corse, ou d’après les descriptions proposées depuis l’École royale vétérinaire d’Alfort en 1767, ou de Lyon, descriptions qui font autorité, selon l’auteur, sur l’existence de ces espèces de mulets, même si l’on voit bien leur inutilité, et les difficultés de leur reproduction.
113Par contre, Bosc, dans le Nouveau Cours complet de 1809, à l’article « Jumart », rejoint Buffon et Huzard dans le refus de cette espèce animale, en précisant que « tous les jumarts qu’on prétend avoir vus sont des bardeaux à tête difforme ». Thiébaut-de-Berneaud, en 1820, s’oppose également à leur existence, « chimérique », contre Léger, sur le Piémont, et Sutières, d’après un article, en 1796, de la Feuille du Cultivateur (t. I, p. 216-226, et t. II, p. 136-137). En 1822, le Cours d’agriculture pratique mentionne d’abord Réaumur (1752), qui ne doute pas des jumarts, puis Bourgelat, puis Buffon, qui, dit-on, y croit d’abord mais nie leur existence ensuite, tandis que Tessier, plus tard, ainsi que Chabert, défendent l’existence de cet animal. L’ouvrage reproche à MM. de Sutières et Huzard, du fait de leur réputation, d’avoir aidé à la propagation de cette erreur (t. vii, p. 421-455).
114Grognier (1840-41) trouve que leur existence est difficile à admettre, résumant la pensée des agronomes en ce que « les uns ont dit en avoir vus et s’être assurés de leur origine ; les autres les ont regardés comme des êtres impossibles, ne pouvant pas croire à une union quelconque, encore moins à une union féconde entre des familles si disparates que le sont celles des solipèdes et des ruminants » (p. 11). L’auteur s’intéresse à ce phénomène, avec quelques détails, malgré ses doutes.
*
115Sur l’usage des bovins et leur reproduction, la littérature du premier XVIIIe siècle se recoupe souvent, en beaucoup de préceptes, avec des différences importantes, tout de même, ponctuellement, par exemple sur l’âge du premier labourage, sur l’âge de la première saillie. Le Dictionnaire économique de Chomel, de 1709 à 1767, reprend les principes de la Nouvelle Maison Rustique, tout comme le Dictionnaire universel de commerce de Savary des Brûlons (1723), repris dans la section « Commerce » de l’Encyclopédie méthodique, ainsi pour les articles « Vache » et « Veau », une section qui a aussi recours à l’ouvrage de Liger, par exemple sur les caractéristiques idéales du « Bœuf » (1783). On observe des débats et des discussions parfois vives, au travers des publications, et les questions mises en avant se retrouvent plus souvent citées avec la multiplication de l’édition agronomique à partir de la fin des années 1750.
116Déjà en 1967, André J. Bourde montrait, textes agronomiques à l’appui, qu’on ne pouvait pas confondre agronomie et physiocratie, alors que beaucoup d’historiens, dans des ouvrages de vulgarisation, font encore cet amalgame de poser l’idéologie politique et économique comme une pensée partagée par tous les intellectuels et scientifiques de la 2nde moitié du XVIIIe siècle. On peut voir, sur un nombre important de sujets, ici au seul choix des animaux de trait, qu’un grand panel d’auteurs s’oppose à des principes que d’autres veulent développer comme des pratiques majoritaires. On lit aussi des discussions sur les méthodes d’attelage, sur les manières de nourrir les veaux, sur les moyens de castrer les jeunes bêtes ou encore sur l’existence du jumart.
117Si l’on peut reprocher traditionnellement aux agronomes de ne regarder que les campagnes du Bassin parisien, du fait de leur résidence parisienne, on ne peut en conclure une absence totale de réflexion de leur part, ainsi sur les diversités régionales françaises, même si le XIXe siècle, avec la multiplication et l’élargissement de l’édition, vient ternir l’image d’une littérature antérieure qui souffre surtout de son caractère étroit, finalement, plus que de son sérieux, malgré des avancées scientifiques indéniables par la suite. Globalement, les agronomes veulent une amélioration des usages relatifs à la reproduction, sur l’âge auquel on doit mener les femelles au mâle pour la première fois, pour le mieux à 3 ans, la plupart des auteurs estimant que la réalité propose des accouplements trop précoces. On insiste surtout, ensuite, sur les soins et la nourriture à donner, l’amélioration de chaque individu devant faciliter l’amélioration générale du cheptel.
Notes de bas de page
1 Pour le haut-crû, départements de Haute-Vienne, Corrèze, Charente, Creuse, Cher, Gers, Lot-et-Garonne, Gironde, Landes, Cantal, Puy-de-Dôme, Haute-Loire, Allier, Nièvre, Saône-et-Loire, Côte-d’Or, Yonne. Pour les bœufs de nature, départements de Maine-et-Loire, Loire-Inférieure, Vendée, Charente-inférieure, Ille-et-Vilaine, Morbihan, Côtes-du-Nord, Finistère, Sarthe, Mayenne, Manche, Jura, Doubs et Haute-Saône. Mais il naît aussi des bœufs de nature dans les pays qui produisent du haut-crû.
2 « Observations sur la population des Bestiaux et leurs différentes espèces, par M. de Francourt », in Mémoires de la Société royale d’agriculture de Paris, 1789, trimestre d’été, p. 146-182.
3 Formant un couple indissociable, avec toute la difficulté, soulignée par Bosc en 1838, de trouver un bœuf pour remplacer celui qui est perdu, d’associer un nouvel animal au seul « Solard » ou « Solet » (Nouveau Cours complet d’agriculture, 1838, t. xiv, « Solard, Solet »).
4 Cité par Bourde A. J., 1967, chap. XI.
5 Cours complet, 1782, t. ii, « Bœuf & Vache », chap. V, section IV ; mais à dix ans d’après le même auteur dans l’article « Bêtes à cornes » de l’Encyclopédie méthodique (1791).
6 Encyclo. Méth., « Agriculture », 1791, art. « Bêtes à cornes » (De la manière d’engraisser les bœufs).
7 « Observation sur la meilleure manière de nourrir les Bœufs pendant le temps consacré à les engraisser pour les boucheries… », Journal œconomique, août 1761, p. 358-361 ; Cours complet, 1782, t. II, « Bœuf & Vache », chap. V, section IV.
8 Ainsi avec des « Notes sur les prés d’embouche ou herbages de graisse, c’est-à-dire prés à engraisser les bœufs » en Charolais, en Suisse, en Basse-Normandie, par M. de Malesherbes (1825, 2e série, t. xxxi, p. 294-304), et « De l’engraissement des bœufs dans la vallée d’Auge », par M. Louis Du Bois (1827, 2e série, t. xxxix, p. 169-180).
9 Encyclopédie méthodique, section « Agriculture », « Bêtes à cornes », 1791, t. ii ; Nouveau Cours complet, 1809, t. xiii, « Taureau ». Mais, en 1810, Cousin d’Avalon défend encore la pratique des croisements exogènes, ainsi que Cuisin en 1822.
10 Journal d’agriculture pratique : Deseimeris, « Des moyens d’améliorer l’agriculture en France », 1841-42, p. 568-576 ; Grognier, « Poids moyen et nombre des bœufs en France et en Angleterre », 1839-40, p. 382 ; Villeroy, « Des moyens d’améliorer le bétail », 1845-46, p. 484-489.
11 Denis B., in Traditions agronomiques européennes…, 1998, p. 223-237.
12 Également dans les Annales, en déc. 1840 (4e série, t. ii, p. 325-339).
13 « Peut-on bien voir un savant chargé de tant de titres, publier au dix-neuvième siècle, une telle hérésie en histoire naturelle ? Mais, si cette opinion était fondée, il faudrait donc, de conséquences en conséquences, interdire ou s’alarmer de mariages d’hommes grands, forts et gros, avec des femmes petites, mines et délicates ? » (Cours d’agriculture pratique, 1821, t. v, p. 457-480).
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