Résumés des chapitres
p. 175-179
Entrées d’index
Index géographique : France
Texte intégral
Des reporters en plein paradoxe
Représentations au cinéma (1975-1988)
1Par l’analyse de sept films de fiction diffusés entre 1975 et 1988, l’auteur se livre à une typologie de paradoxes qui aboutit à dire que l’engagement, tel qu’il est représenté par le cinéma, ne se résume pas au débat bipolaire et contradictoire entre disparition du médiateur et propagande de l’acteur. L’engagement est au cœur même du métier de reporter, son exercice ne donne pas le choix à celui qui s’y projette : les relations que l’on noue avec les protagonistes, le lien qui se tisse nécessairement avec l’histoire en train de se faire, le rapport aux proches, la place des valeurs, sa propre vie, et même sa survie, tout est question d’engagement, quoique le journaliste décide il s’implique. Et comme il apparaît impossible de ne s’engager que par un terme, de n’élire qu’un pan des paradoxes (décision que plusieurs films analysent, pour en souligner l’échec), le reportérisme apparaît, en fiction, comme la conciliation douloureuse d’options inséparables, un entre-deux localisé selon des réglages propres à chaque individu, à chaque situation.
2Denis RUELLAN, professeur des universités
3CRAPE – université Rennes 1 (IUT de Lannion)
Les transformations des rapports entre journalisme et politique
Une comparaison France/Italie depuis les années 1980
4Cet article interroge le thème récurrent en science politique de la dépolitisation, en prenant appui sur l’analyse des transformations récentes du journalisme politique dans la presse quotidienne nationale (PQN) française et italienne. Analysée dans la plupart des travaux de science politique comme un retrait ou une distance à l’égard des formes traditionnelles du discours et de l’engagement politique, la notion de dépolitisation recouvre différentes acceptions que nous cherchons à mettre en évidence et à préciser. À partir de l’étude de cas du journalisme politique, on a fait apparaître au moins quatre dimensions différentes du processus de dépolitisation : 1) le désengagement partisan et militant ; 2) le désenchantement politique ; 3) la dévaluation de la politique ; 4) la neutralisation de l’information politique. En outre, la perspective comparée permet de confronter et d’évaluer le niveau, les formes et les phases de dépolitisation du journalisme politique en France et en Italie. Et plus largement, de discuter l’idée d’une convergence ou d’une homogénéisation des systèmes médiatiques en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord.
5Eugénie SAITTA, maître de conférences
6CRAPE – université Rennes 1
Engagement journalistique et bipolarisation de l’espace partisan
Le cas des services Politique de la presse écrite française (1968-1981)
7Cet article interroge l’hypothèse d’une politisation exacerbée des quotidiens et hebdomadaires d’information générale au cours des années soixante-dix. Il s’agit de souligner les difficultés à vouloir caractériser le rapport qu’entretiendrait la presse nationale vis-à-vis de la compétition politique. En effet, les logiques de positionnement s’avèrent profondément différenciées, d’une part, entre les journaux et, d’autre part, au sein même de rédactions hétérogènes et clivées. Bien que certains indices tendent à montrer la porosité des frontières politico-journalistiques, les années soixante-dix sont également marquées par l’entrée en scène d’une génération de rédacteurs disposés à mieux afficher leur « professionnalisme » et leur autonomie à l’égard des élites politiques. Au final, les prises de position observées dans les journaux ne peuvent se comprendre qu’en articulant trois éléments : les enjeux économiques des entreprises de presse, le renouvellement du personnel journalistique et les spécificités de la conjoncture politique.
8Nicolas KACIA F, maître de conférences
9CARPO – université de Versailles St Quentin
Un travail de conversion au journalisme
Désengagement militant des journalistes politiques de presse écrite généraliste : le cas des rubricards Front national
10On cherche à comprendre, pour le cas des journalistes politiques de la presse écrite généraliste, un phénomène souvent noté mais rarement interrogé pour lui-même en sociologie politique : la coïncidence tendancielle entre désengagement militant et engagement dans la vie professionnelle. La question est envisagée ici à partir d’une enquête sur des rubricards Front national, mais la comparaison de leurs doubles carrières témoigne que le phénomène n’est pas spécifique à cette spécialisation. Dans la quasi-totalité des cas, en dépit de leur diversité, l’arrêt du militantisme (ou son abstention motivée) est contemporain et justifié par l’entrée en journalisme. En envisageant la question au plan de l’expérience des acteurs, on considère le rapport de continuité qui lie leurs activités (leur cohabitation, leurs tensions, les ajustements pour les réduire). Les processus de désengagement militant (ou d’abstention) peuvent alors être décrits comme résultats et effets conjoints d’un engagement et d’une stabilisation dans une forme de vie, le journalisme, dont les règles et contraintes deviennent à moment donné plus actuels pour ces acteurs jusqu’à prendre la valeur d’une incompatibilité avec le militantisme. Ce double processus peut être décrit en termes de conversion au journalisme portée par un travail d’unification de la part des acteurs. Pour autant cet engagement en journalisme peut rester travaillé par des tensions et être « rouvert », dans certaines épreuves, jusqu’à prendre, comme dans le cas du travail sur le Front national, de nouvelles formes d’engagement à caractère politique, non réductibles pour autant aux dimensions classiques du militantisme.
11Marie-Laure SOURP-TAILLARDAS, doctorante
12CARPO – université de Versailles St Quentin
La « professionnalisation » sous contrainte de la presse alternative
L’introduction d’une hiérarchie à Libération et à la Tageszeitung
13Appartenant à la génération 68, Libération en France et Tageszeitung en Allemagne ont pu être considérés comme assez similaires. Fondés sur un projet politique et « anticonformiste » d’organisation interne (qui refuse notamment toute forme d’autorité), ces journaux ont surtout justifié leur « originalité » en laissant une large part au public excluant à leur début du moins la frontière entre rédacteurs journalistes professionnels et rédacteurs lecteurs.
14L’analyse des trajectoires collectives de ces deux titres montre à quel point leur normalisation s’opère par des ajustements progressifs, résultat de facteurs exogènes (la pression économique) mais aussi de facteurs endogènes, interne à l’organisation et produits des rapports de force qui s’y jouent. Pour les équipes en place il ne s’agit plus simplement de défendre un projet politique jusque dans l’organisation même du journal mais d’avancer au non des principes professionnels, des modes d’organisation en contradiction avec le projet politique.
15Nicolas HUBÉ, maître de conférences
16CRPS – université Paris 1 Panthéon Sorbonne
Le journalisme alternatif entre engagement et distanciation
Les stratégies médiatiques des mouvements sociaux dans la « bataille de Cancún » contre l’OMC (2003)
17Critiquant le postulat d’exclusion réciproque des pratiques journalistiques et militantes – selon lequel le journaliste privilégie nécessairement la distanciation sur l’engagement, et le militant l’engagement sur la distanciation – l’article étudie les stratégies médiatiques des mouvements altermondialistes, réunis à l’occasion de la V e Conférence ministérielle de l’OMC, à Cancún (Mexique) en 2003. Ces stratégies s’orientent dans deux directions : d’un côté, la séduction des mass media en vue d’imposer l’agenda des militants aux journalistes professionnels, d’un autre, la couverture de l’événement par des médias alternatifs, issus de la sphère militante. Ce travail permet de voir que la pratique du « journalisme alternatif » constitue à la fois une forme de synthèse pratique de la division traditionnelle entre journalisme et militantisme, tout en reproduisant en partie les attentes sociales attachées à ces rôles.
18Benjamin FERRON, doctorant
19CRAPE – université Rennes 1
Les journalistes politiques libanais, entre engagements professionnels et militants
Quelques usages des convictions politiques chez les journalistes de presse au Liban
20Parfois admirés pour leur envergure intellectuelle, une liberté de ton et de pensée introuvable ailleurs dans le monde arabe, les journalistes libanais sont également soupçonnés par les lecteurs des journaux d’être des scribes vendant leur plume au plus offrant, ou des militants incapables de distanciation par rapport à leur conviction politique. Dans le contexte d’une forte dépendance de la presse vis-à-vis de ses mécènes politiques et d’une absence de division entre les élites intellectuelles et politiques libanaises (Favier, 2004), les journalistes sont pris dans une tension entre la nécessité d’appartenir à un espace militant pour faire entendre leur voix et celle de s’en distancier pour respecter les exigences publiques de la profession. Nous analysons cette tension allant du proche au public, à l’aide du modèle des régimes d’engagement de L. Thévenot. Dans un premier temps, nous montrons par l’analyse du recrutement de huit éditorialistes et journalistes politiques de deux des principaux quotidiens politiques libanais, An Nahar et As Safir, que les convictions politiques peuvent être traduites en compétences journalistiques et que journalistes et éditorialistes sont cooptés en fonction de la place qu’ils occupent préalablement dans l’espace politique. Nous décrivons dans un second temps les difficultés rencontrées par ces journalistes politiques dans leurs relations avec leurs mentors politiques : si ceux-ci constituent une source de légitimité et d’autorité pour le journaliste, la relation de proximité avec un homme politique peut aussi se retourner contre le journaliste quand celui-ci ne maîtrise pas suffisamment l’art de la distanciation.
21Camille AUBRET, docteur
22École des hautes études en sciences sociales
Des militants du journalisme ?
Les journalistes « critiques » comme militants de l’autonomie professionnelle
23Le métier de journaliste peut être exercé de manière « critique » par des professionnels qui combinent un fort engagement dans leur activité professionnelle et un rapport contestataire aux règles du jeu relationnelles et rédactionnelles. Cela se traduit par une forte affirmation d’autonomie dans la gestion des relations avec les sources et les pouvoirs dominants, qui peut aller jusqu’à la confrontation, et dans le travail rédactionnel de reprise du contrôle de l’information, de gestion de la mise en scène et de la mise à distance des organisateurs, et de jeu sur les techniques d’écriture. Cet engagement « critique » dans l’exercice du journalisme se rapproche de formes d’engagement militantes dans des organisations contestataires. Il s’agit ici de cerner les logiques de cette posture journalistique, ses manifestations dans les pratiques et représentations quotidiennes des acteurs, ses caractéristiques et ses ressorts dans la trajectoire biographique et la construction identitaire des personnes, grâce à la comparaison avec les militants contestataires, en faisant ressortir leurs points communs et leurs différences.
24Cégolène FRISQUE, maître de conférences
25CRAPE-CENS – université de Nantes (IUT de la Roche sur Yon)
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
La proximité en politique
Usages, rhétoriques, pratiques
Christian Le Bart et Rémi Lefebvre (dir.)
2005
Aux frontières de l'expertise
Dialogues entre savoirs et pouvoirs
Yann Bérard et Renaud Crespin (dir.)
2010
Réinventer la ville
Artistes, minorités ethniques et militants au service des politiques de développement urbain. Une comparaison franco-britannique
Lionel Arnaud
2012
La figure de «l'habitant»
Sociologie politique de la «demande sociale»
Virginie Anquetin et Audrey Freyermuth (dir.)
2009
La fabrique interdisciplinaire
Histoire et science politique
Michel Offerlé et Henry Rousso (dir.)
2008
Le choix rationnel en science politique
Débats critiques
Mathias Delori, Delphine Deschaux-Beaume et Sabine Saurugger (dir.)
2009