Mémoire et histoire en Europe centrale et orientale
| , ,Première partie. Politique de l'histoire et politique de la mémoire
Ideae magnanimitatis Illyricae et Pannonicae : héroïsme baroque et (dé) construction de la mémoire nationale
Texte intégral
- 1 Voir l’excellente étude sur l’arétologie du début des temps modernes, portant plus particulièremen (...)
- 2 Aristote, éthique à Nicomaque, VII, 1-2.
- 3 Dans les représentations baroques de l’héroïsme, la métaphore du théâtre renvoie à une mise en scè (...)
1Au sein du répertoire symbolique propre à cette science de la vertu qu’est l’arétologie1 des premiers temps modernes, la primauté, parmi tous les modèles de mise en scène de l’héroïsme, revient sans conteste à la guerre contre les Turcs. Grâce à la fonction iconique de ce conflit opposant les principes, déterminés au niveau religieux et civilisationnel, de virtus divina (vertu divine) et de feritas (férocité), qui constituent dans la dialectique éthique aristotélicienne la virtus heroica (vertu héroïque2), la guerre contre les Turcs jouit dans l’imaginaire baroque du statut privilégié de théâtre de l’honneur3.
2Appréhendée dans cette perspective symbolique et politique, la guerre austro-turque qui à la fin du XVIIe siècle marqua la fin de la domination ottomane dans le sud-est de l’Europe, fit à la fois office de scène idéale pour la réalisation et la manifestation exemplaires de l’éthique militaire héroïque, base traditionnelle de l’identité collective des ordres croates, mais aussi d’efficace catalyseur d’une prise de conscience de leur propre valeur éthique et politique. Aussi ne faut-il pas s’étonner si le fléchissement des affrontements armés dans la dernière décennie du XVIIe siècle vint renforcer au sein des ordres croates l’acuité de la question des modalités de mise aux normes, d’archivage, de représentation et de diffusion de la mémoire nationale officielle.
- 4 Zrinka Blažević, Vitezovićeva Hrvatska između stvarnosti i utopije [La Croatie de Vitezović entre (...)
3Le premier pas concret dans ce sens est franchi en 1694 à Zagreb avec la fondation de l’imprimerie nationale, confiée par décision de la Diète croate à Pavao Ritter Vitezović (1652-1713), l’un des intellectuels majeurs de son époque et en outre principal idéologue de l’émancipation politique des ordres croates. Les principaux objectifs de la stratégie éditoriale de Vitezović visaient à élaborer le canon de la mémoire nationale à travers une historiographie et des œuvres littéraires en latin, et d’autre part de lui assurer une large réception dans les almanachs populaires4.
- 5 Pour plus de détails, voir Miroslav Vanino, Isusovci i hrvatski narod [Les jésuites et le peuple c (...)
4L’autre forme, complémentaire, de « travail sur la mémoire nationale » revêtait une dimension didactico-pédagogique plus explicite, censée assurer l’assimilation des contenus « patriotiques » par les trois ordres et par toutes les générations. Les dépositaires institutionnels de ce projet étaient les lycées jésuites, principaux établissements d’enseignement dans le royaume de Croatie, créés à partir du début du XVIIe siècle dans tous les centres urbains relativement importants, à la faveur des réformes post-tridentines. L’un des aspects de l’éducation patriotique s’exprimait à travers le média artistique privilégié des jésuites, à savoir le théâtre, l’autre instrument, non moins efficace, de la pédagogie nationale étant confié aux manuels « appropriés et utiles à l’éducation de la jeunesse », imprimés avec l’autorisation de l’église5.
- 6 « Aussi considérai-je que les âmes glorieuses [de nos] ancêtres prisonnières des champs élysées (p (...)
5Aujourd’hui presque oublié, le recueil de poèmes en latin de l’ancien élève des jésuites Ivan Franjo Čikulin (1681-1746) Ideae magnanimitatis Illyricae et Pannonicae [Idées de la magnanimité illyrienne et pannonienne], imprimé par Pavao Ritter Vitezović en 1705 et accompagné d’un poème de circonstance signé par ce dernier, fournit un exemple représentatif de cette production moraliste à l’usage des écoliers, dans le strict sillage des normes rhétoriques et poétiques fixées pour le genus pulcherrimum heroicum, ce genre héroïque le plus beau. L’affiliation de cette œuvre à ce genre apparaît clairement dès le titre, dans lequel sont synthétisées deux lignes directrices éthiques et esthétiques fondamentales de l’héroïsme baroque, à savoir l’exemplarité sous la forme d’un modèle parfait (idea) et la supériorité éthique inhérente à la vertu cardinale qu’est la magnanimité. Par ailleurs, afin de stimuler la formation morale pratique de l’individu (incitamenta virtutis), puisque tel était l’objectif final que poursuivaient l’arétologie de la Réforme catholique et la pédagogie mise à son service, la poétique baroque fournit l’important mécanisme performatif de l’imitation (imitatio) ou encore de l’émulation (aemulatio), censé assurer l’intériorisation et la réactualisation efficace de modèles éthiques. Telle est l’orientation qui se dégage dans l’introduction de Čikulin, et dans laquelle il cite précisément la triade virtus, memoria, aemulatio comme principe de production et axe de réception fondamentaux6.
- 7 À savoir, dans l’ordre : un soldat illyrien anonyme, Attila le Hun, l’Illyrien Franjo Oršić, le Ho (...)
6Au niveau de la composition, les Idées peuvent être divisées en deux ensembles symétriques. Vingt-quatre brèves épopées en hexamètres dactyliques composent les deux tiers de l’œuvre, où l’auteur expose tour à tour les vertus militaires des héros « illyriens » et « pannoniens7 ». Le troisième tiers est également structuré selon le principe de la complémentarité entre thématiques illyrienne et pannonienne, mais à la différence du mode épique héroïque de la première partie, les représentations poétiques des vertus héroïques sont transposées dans le registre intimiste d’épîtres en vers élégiaques de deux couples (d’une part Krsto Frankopan [1643-1671], de l’autre, le vice-roi de Hongrie Benko et leurs épouses), ainsi que dans deux éloges funèbres (de Stjepan Patačić et István Losonczy). Ainsi l’héroïsme apparaît-il non seulement comme un élément discursif convenant aux genres épique et lyrique, mais il est aussi implicitement promu au rang de modèle universel de vie.
- 8 Aleida Assman, Arbeit am nationalen Gedächtnis : eine kurze Geschichte der deutschen Bildungsidee,(...)
- 9 Cette doctrine est par exemple articulée de façon explicite dans l’ouvrage éducation poétique, l’u (...)
7En ce qui concerne les stratégies rhétoriques et poétiques de construction de la mémoire nationale dans l’œuvre de Čikulin, il convient de remarquer un phénomène de transfert de genre. En effet, fidèle à la manière de la poétique baroque, Čikulin développe sous forme de variations poétiques le motif de l’héroïsme qui puise son argumentum aux œuvres historiographiques canoniques d’Antonio Bonfini (1427-1502), Miklós Oláh/Nicolaus Olahus (1493-1568), Miklós Istvánffy (1538-1615), Ivan Sambuk/Ioannes Sambucus (1531-1584) et Juraj Rattkay (1612-1666), indiquant consciencieusement le passage utilisé dans l’original. Ce procédé poursuit essentiellement un objectif de légitimation, puisqu’il permet de renforcer le mandat accordé à la vraisemblance poétique (verisimilitudo) à l’aide de la vérité historiographique (verum). En outre, il ne faut pas négliger les importantes fonctions pédagogiques de ce type d’intertextualité entre genres car, ainsi que l’a exprimé métaphoriquement Aleida Assmann, « l’art et l’histoire sont les scènes et les contenus majeurs du discours éducatif8 ». Cette symbiose de l’esthétique et de l’éthique en tant qu’essence de la pédagogie sociale baroque s’est cristallisée dans la célèbre sentence delectare et prodesse (plaire et être utile), ce qui signifie que la vertu individuelle n’accède à sa réalisation ontologique que par le truchement de l’acte esthétique en tant que passerelle vers une perfection sociale collective9.
- 10 Cette idée trouve sa plus claire illustration dans l’adresse de Čikulin au groupe auquel il destin (...)
8Les modalités de représentation et de mise en scène des vertus héroïques contribuent largement à la réception du discours héroïque de Čikulin. La principale stratégie sur laquelle, à la différence des préceptes régulateurs abstraits de la philosophie morale (praecepta), s’appuie l’utilité pratique et politique des exemples historiques (au sens de exempla), est l’individualisation et la personnalisation des vertus, leur mise en situation dans l’espace et dans le temps, sous la forme d’une expression réelle et historique. Aussi les incarnations des vertus héroïques sont-elles ici des personnalités historiques et non mythologiques, dont la survivance historique et la supériorité morale sont garanties dans le discours par l’historiographie qui les a, du reste, sauvées de l’oubli historique par le biais des mécanismes inhérents de la sélection éthique. Simultanément, grâce à la manifestation parfaite de leur vertu héroïque dans la magnanimitas, les héros historiques non seulement abolissent la contingence historique (sors), mais ils transcendent encore le temporel et, par le mécanisme d’un discours mémoriel, ils se voient transposés dans le domaine du mythe, devenant ipso facto des composantes de l’être national10.
- 11 Ivan Franjo Čikulin, op. cit., p. 114, 116-119.
9Dans l’arétologie baroque, à la suite de l’éthique à Nicomaque d’Aristote, la magnanimité est définie comme la forme idéale des relations et de l’activité humaines. Sachant qu’elle se conceptualise comme vertu composite, la magnanimité résume plusieurs caractères moraux positifs, en premier lieu l’aspiration à la gloire, le courage, l’abnégation, l’équité, la générosité et la constance, qui dans la version nationale « illyrienne » apparaît souvent comme une « vertu ancestrale » (virtus avita). Bien que la possibilité de l’existence d’une variante féminine de la vertu héroïque fasse l’objet de constants débats parmi les moralistes baroques, Čikulin élabore dans les deux épîtres en vers consacrées aux épouses-héroïnes un modèle normatif de l’héroïsme féminin qui correspond largement à la variante masculine, avec en outre l’élément significatif, traditionnellement codé sexuellement, de la chasteté (chastitas11).
10La comparaison des deux catalogues nationaux de vertus, « illyrien » d’une part et « pannonien » de l’autre, révèle que la piété (sous la forme, bien évidemment, de l’orthodoxie catholique) est traitée comme vertu « illyrienne » distinctive, soulignée aux côtés de l’indiscutable loyauté politique aux souverains habsbourgeois comme avantage décisif par rapport à « l’infidèle Hongrie » et dans le cadre du programme politique des ordres croates, tourné vers la mise en place d’une dyarchie croato-habsbourgeoise.
11Conformément au précepte fondamental de la poétique baroque, selon lequel un style oratoire convenable requiert un ornement discursif antique, Čikulin convoque abondamment les modèles traditionnels de l’épopée héroïque antique, en particulier virgilienne, dans sa mise en scène poétique de l’héroïsme en 24 « idées ». Par leur composition, ces brèves épopées présentent un développement poétique de l’argument historiographique. Ce faisant, l’auteur s’applique à dépeindre le héros principal, ses armes et son habitus, ce qui apparaît dans le discours sous forme de descriptions ou de monologues. à la différence de cette minutieuse caractérisation des héros, les figures d’ennemis, surtout turcs, sont présentées sans relief et de façon schématique, comme autant d’incarnations abstraites du principe de cruauté barbare (feritas). Čikulin s’écarte parfois de ce modèle, en particulier dans les épisodes de duel, forme exemplaire de manifestation de la vertu militaire masculine, régulièrement précédés d’un dialogue entre les deux protagonistes, à travers lequel le stéréotype de l’ennemi connaît paradoxalement une sorte de réhabilitation discursive.
- 12 Ibid., p. 130-149.
12Les quatre épîtres en vers et les deux éloges funèbres constituent une forme complémentaire de réalisation de la vertu héroïque. L’action héroïque des vingt-quatre héros illyriens et pannoniens, qui s’exprime essentiellement par un grand mépris pour la vie, laisse place dans la seconde partie de l’œuvre de Čikulin à la réflexion des couples héroïques sur eux-mêmes (Krsto Frankopan, le vice-roi de Hongrie Benko et leurs épouses respectives), qui mènent dans leur correspondance fictive un questionnement introspectif sur leurs propres principes moraux et leurs états affectifs. Son contenu éthique étant ainsi exploré et confirmé dans tous les domaines de la vie humaine, la vertu héroïque connaît sa transfiguration métaphysique finale dans les lamentations funèbres du dieu Mars et de son équivalent féminin Bellone, qui pleurent la mort tragique de deux combattants contre les Turcs : le héros illyrien Stjepan Patačić et son homologue pannonien István Losonczy12.
13Bien qu’à première vue l’on puisse penser que la construction et la représentation discursives des mémoires nationales « illyrienne » et « pannonienne » placées côte à côte s’appuie sur le principe du parallélisme et de l’équivalence, une lecture plus attentive dévoile que l’on a ici affaire à la stratégie baroque de dissimulation contrastive, puisque l’apparent équilibre éthique illyro-pannonien dans le cadre d’un modèle de représentation binaire, vise en fait à exalter la supériorité morale et politique de l’héroïsme national illyrien.
- 13 Ibid., p. 17-21 ; 91-95.
- 14 Par exemple : « Ô cœurs, ô mains dextres, à quoi êtes-vous prêts dans la guerre civile !/Que vos g (...)
14Cette stratégie est déployée simultanément sur plusieurs niveaux discursifs. Les contextes de situation au sein desquels se réalisent respectivement l’héroïsme illyrien et pannonien diffèrent tout d’abord notablement quant à leur aspect moral. La magnanimitas illyrienne est la conséquence de la guerre contre l’ennemi héréditaire ottoman, ou encore de la lutte politique contre l’hérésie protestante, tandis que son pendant pannonien se réalise dans des situations éthiquement ambivalentes, telles que des campagnes de conquêtes, guerres civiles, défaites militaires et autres captures de prisonniers. De même, l’héroïsme illyrien se réalise le plus souvent dans le contexte chevaleresque d’un duel entre le héros illyrien et son adversaire ottoman, tandis que le héros pannonien n’hésite pas, lorsqu’il fait preuve d’héroïsme, à recourir à la tromperie, la ruse, voire à la forfanterie arrogante. Aussi bien le héros illyrien est-il représenté comme un acteur légitime, en tant que soldat servant dans l’armée régulière du roi ou député parlementaire, dont la seule motivation est « le bien-être et le salut de la patrie ». Les héros pannoniens quant à eux apparaissent dans des rôles troubles de mercenaires, de prisonniers de guerre et de fuyards. Le déséquilibre éthique illyro-pannonien est particulièrement souligné dans plusieurs épisodes héroïques, notamment dans le combat de Nikola Zrinski contre l’armée rebelle du prince de Transylvanie Georges Ier Rákóczi durant la guerre de Trente Ans ou dans l’épisode des tourments imposés à l’évêque de Zagreb Benedikt Vinković par les protestants de la diète de Hongrie, où Čikulin attribue sans ambages aux Hongrois la fonction d’adversaires des Illyriens13. Finalement, le rapport critique de l’auteur à l’égard de l’héroïsme pannonien s’exprime explicitement à travers des déclarations dans lesquelles il fustige le manque de loyauté politique et l’esprit de sédition de la Hongrie, ses sympathies pour l’hérésie protestante et la tiédeur de son engagement dans la lutte contre les Turcs14.
15On retrouve un modèle semblable dans la (dé) construction discursive de la variante féminine de l’héroïsme national, incarnée par l’épouse du héros illyrien Krsto Frankopan et celle du vice-roi pannonien Benko. S’il est vrai que toutes deux sont prêtes à sacrifier leur vie pour le bien de leurs époux absents, leurs motivations respectives n’en sont pas moins aux antipodes. Prisonnière des Vénitiens, tenue à l’écart de son mari, l’épouse de Frankopan réussit non seulement à sauvegarder son honneur de femme mariée, mais encore franchit les limites fixées par son sexe, et fait preuve d’une détermination toute masculine en projetant de délivrer son mari de la geôle où il se trouve. Le personnage de l’épouse de Benko, violée pendant l’absence de ce dernier, demeure au contraire dans le code traditionnel attribué à son sexe, car en dehors de ses manifestations évidentes de faiblesse féminine, elle exprime son héroïsme tout à fait passivement, en suppliant son mari de la tuer pour laver sa honte.
- 15 Zrinka Blažević, op. cit., p. 67-82.
16Aussi peut-on conclure que l’œuvre de Čikulin représente un répertoire de la mémoire nationale, articulée autour d’un discours affectif de l’héroïsme baroque, mais fonctionne également en tant que construction discursive d’un stéréotype national « illyrien » qui accroît encore son potentiel mobilisateur et intégrateur grâce à sa stratégie de mise en contraste avec l’hétéro-stéréotype « pannonien » négatif, ou du moins éthiquement ambivalent. Le modèle pédagogique dépositaire de la formation éthique et idéologique bâti dans les Idées se situe clairement dans le sillage de la politique que menaient alors les ordres croates, marquée d’un côté par des tentatives de plus en plus radicales d’émancipation institutionnelle et politique vis-à-vis de la Hongrie, et de l’autre par des efforts pour mettre en place une relation de partenariat avec le souverain habsbourgeois, en misant sur la loyauté et l’orthodoxie religieuse traditionnelles des ordres15. Aussi ne faut-il pas s’étonner si, dès l’année suivante, en 1706, lors de la nomination de Čikulin à la fonction d’émissaire des ordres croates à la cour de Vienne, avec pour tâche de « promouvoir le bien-être et les intérêts de la patrie », ce qui était de toute évidence une capitalisation symbolique de ses talents de poète, se réalisèrent les paroles prophétiques du poème de circonstance de P. R. Vitezović :
Qu’un heureux destin t’accompagne : peins les âmes héroïques,
Plus tard comme un héros tu seras loué : et pour finir, salut à toi.
Notes
1 Voir l’excellente étude sur l’arétologie du début des temps modernes, portant plus particulièrement sur les aspects moraux et théoriques et les fonctions politiques du concept d’héroïsme baroque : Martin Disselkamp, Barockheroismus. Konzeptionen « politischer » Größe in Literatur und Traktatistik des 17. Jahrhunderts, Tübingen, Niemeyer, 2002.
2 Aristote, éthique à Nicomaque, VII, 1-2.
3 Dans les représentations baroques de l’héroïsme, la métaphore du théâtre renvoie à une mise en scène de la vertu héroïque, car sous l’influence de la philosophie politique du tacitisme, il apparaît comme largement plus efficace, pour la formation de la morale héroïque, de recourir à un ensemble performatif plutôt que de dispenser des consignes éthiques abstraites.
4 Zrinka Blažević, Vitezovićeva Hrvatska između stvarnosti i utopije [La Croatie de Vitezović entre réalité et utopie], Zagreb, Barbat, 2003, p. 174-183.
5 Pour plus de détails, voir Miroslav Vanino, Isusovci i hrvatski narod [Les jésuites et le peuple croate], tome I, Zagreb, Filozofsko-teološki institut družbe Isusove, 1969, p. 120-140.
6 « Aussi considérai-je que les âmes glorieuses [de nos] ancêtres prisonnières des champs élysées (pour que l’oubli ne les engloutisse point tout à fait) devaient en récompense de leur excellence être confiées à ce modeste souvenir, afin que dans l’évocation renouvelée de la fidélité et de la vertu de ses aïeux, leur descendance reconnaissante puisse s’incliner devant leur nom victorieux. Que l’œuvre ne l’emporte par sur le thème, mais le thème sur l’œuvre. » Ioannes Franciscus Chykuliny [Ivan Franjo Čikulin], Ideae magnanimitatis Illyricae et Pannonicae viginti quattuor, Zagreb, 1705, Praefatio.
7 À savoir, dans l’ordre : un soldat illyrien anonyme, Attila le Hun, l’Illyrien Franjo Oršić, le Hongrois Lehel, l’Illyrien Nikola Zrinski, le Hongrois Bothond, l’Illyrien Vuk Križanić, le Hongrois Bathor Opos, l’Illyrien Petar Zrinski, saint Ladislas roi de Hongrie, l’Illyrien Vuk Mrnavić, le Hongrois Zotmund, l’Illyrien Ivan Vojković, le Pannonien Béla, un jeune Illyrien de treize ans, le Hongrois Matija Gereby, l’Illyrien Petar Keglević, le Hongrois Emeric, l’Illyrien Toma Erdödy, le Hongrois János Hunyadi, l’Illyrien Nikola le Macédonien, le Hongrois Emeric Dranceny, l’Illyrien Benedikt Vinković et le Hongrois Szepsi István/Stjepan de Spiš.
8 Aleida Assman, Arbeit am nationalen Gedächtnis : eine kurze Geschichte der deutschen Bildungsidee, Francfort/Main-New York, Campus, 1993 ; trad. française Françoise Laroche : Construction de la mémoire nationale : une brève histoire de l’idée allemande de Bildung, Paris, MSH, 1994.
9 Cette doctrine est par exemple articulée de façon explicite dans l’ouvrage éducation poétique, l’un des manuels de rhétorique et de poésie baroques les plus populaires, dû à Gerhard Johannes Vossius (1577-1649), professeur de rhétorique et d’histoire à l’Université de Leiden : « Le poète a une double tâche : la première relève de l’art, à savoir enseigner et réjouir par le poème, quel qu’en soit le thème. La seconde tâche est fondamentale, à savoir d’épurer les âmes humaines de leurs défauts par le truchement de l’imitation et du récit. C’est en fonction de cette fin qu’est défini le devoir du poète : il se doit tout d’abord d’être lui-même un homme vertueux et avisé, qui plus est, il importe qu’il soit plus avisé que vertueux, car nous croyons que ne sont vertueux que ceux qui nous semblent tels. La poésie, donc, doit être au service de la politique. » Gerardi Ioannis Vossii Poeticarum Institutionum libri tres, Amsterdam, 1647, VII, p. 36.
10 Cette idée trouve sa plus claire illustration dans l’adresse de Čikulin au groupe auquel il destine son ouvrage : la « jeunesse illyrienne », dans l’éloge funèbre de Stjepan Patačić : « Quant à toi, ô jeunesse, enfantée par la terre illyrienne/Regrette le valeureux homme que Mars pleure./Apprends à désirer mourir pour ta patrie car/C’est la mort d’un grand preux. Apprends à vouloir mourir./Celui qui parmi vous veut vivre pour les siècles des siècles/Doit apprendre à vouloir qu’une telle mort le frappe./Grandir et grandir encore afin de venger sa mort,/Pour que le Turc sache à qui il porte ombrage. » Ivan Franjo Čikulin, op. cit., p. 139.
11 Ivan Franjo Čikulin, op. cit., p. 114, 116-119.
12 Ibid., p. 130-149.
13 Ibid., p. 17-21 ; 91-95.
14 Par exemple : « Ô cœurs, ô mains dextres, à quoi êtes-vous prêts dans la guerre civile !/Que vos glaives n’ont-ils ruiné les Turcs enragés ! », Ivan Franjo Čikulin, op. cit., p. 33.
15 Zrinka Blažević, op. cit., p. 67-82.
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