1L’ambassade de Benjamin Aubery du Maurier, représentant de la France à La Haye au début du règne de Louis XIII, entre 1613 et 1624, marque une étape importante et mal connue dans les relations politiques entre la France et les Provinces-Unies. En effet, c’est, avec la période des guerres de Religion et la révolte des Provinces-Unies contre l’Espagne, le moment où l’aspect religieux fut le plus déterminant dans la qualité des relations franco-néerlandaises. Dans un premier temps, il nous faudra donc resituer rapidement cette ambassade dans son contexte politique et diplomatique, tout en résumant le parcours et la carrière de Benjamin Aubery avant sa nomination comme ambassadeur. La deuxième partie de cette communication sera consacrée à l’analyse des différentes étapes de son ambassade, et en particulier à la crise politique et religieuse de 1618-1619, qui fut la période décisive – et l’épisode le plus difficile – de son séjour aux Provinces-Unies. Enfin, il conviendra de s’interroger sur les conséquences de cette ambassade pour les relations franco-néerlandaises et d’examiner l’importance du facteur religieux dans la diplomatie de cette époque, à travers le prisme des Provinces-Unies. Notre réflexion s’articulera en particulier autour de la question du modèle européen de la confessionnalisation, et de son adaptabilité éventuelle à la situation des Provinces-Unies au début du XVII^e siècle.

2La prise en compte du contexte politico-diplomatique européen de la fin du XVI^e siècle et du début du XVII^e siècle est essentielle à la compréhension de l’ambassade de Benjamin Aubery. Les origines de l’alliance franco-néerlandaise sont nombreuses. Les relations entre les deux peuples furent toujours étroites, sur le plan politique et commercial, et ce depuis la fin du Moyen Âge. L’implantation de la Réforme au XVI^e siècle dans les deux pays contribua au renforcement des relations. En effet, ce furent les réformés français et néerlandais qui jouèrent un rôle central dans le développement de relations amicales. Les alliances matrimoniales qui unissaient des Huguenots de la haute noblesse (et notamment les Coligny) à de grandes familles des Pays-Bas (au premier rang desquelles se trouvaient les Nassau) étaient le symbole de ces liens étroits. Ces liens personnels étaient renforcés par des liens militaires : les gentilshommes français furent nombreux à partir combattre aux Provinces-Unies contre l’Espagne.

3La France établit des relations diplomatiques avec les Provinces-Unies à partir de 1590. On trouve les origines de cette reconnaissance dans l’établissement de relations entre Henri, roi de Navarre, le futur Henri iv, et les Provinces-Unies, en 1588. Son titre de roi de Navarre lui permettant d’envoyer des représentants, il délégua Michel du Fay de L’Hôpital, le fils du chancelier, en mars 1588. Son accession au trône de France permit de confirmer ces prémices. La France fut donc, avec l’Angleterre, le premier pays à reconnaître officiellement la souveraineté des Provinces-Unies1. Les ambassades se succédèrent alors à un rythme soutenu, et les noms prestigieux de certains ambassadeurs, comme Henri de La Tour, duc de Bouillon, soulignent la place que tenaient désormais les Provinces-Unies sur la scène internationale, en tout cas pour les puissances protestantes. L’alliance néerlandaise consista, dans un premier temps, dans un soutien militaire des Provinces-Unies à la France, alors paralysée par les troubles de la Ligue, puis dans l’appui financier de la France aux Provinces-Unies (plus de 12 millions de livres entre 1598 et 1610), afin de permettre la poursuite de la révolte des Provinces-Unies contre l’Espagne.

4Ces relations d’amitié établies par Henri IV se poursuivirent sous Louis XIII, avec le renouvellement du traité d’alliance franco-néerlandais dès le 30 juin 1610, soit quelques semaines à peine après l’assassinat du roi2. De 1590 à 1624, les ambassadeurs français à La Haye furent systématiquement protestants : d’abord Paul Choart de Buzenval (1590-1607), dont le rôle, d’abord comme ambassadeur extraordinaire, puis comme ambassadeur ordinaire, fut déterminant, puis Élie de La Place, sieur de Russy (1607-1611) et Eustache de Reffuge (1611-1613), et enfin Benjamin Aubery (1613-1624). Leur nomination était due à leur fidélité au roi, mais également à leur appartenance religieuse. Pourquoi ce choix de nommer des huguenots ? La question religieuse, dans la politique intérieure des deux pays comme dans leur politique étrangère, était alors fondamentale : troubles de la régence auxquels participent des Grands protestants, puis reprise des guerres de Religion en France dans les années 1620 ; montée des antagonismes théologico-politiques entre Arminiens et Gomaristes aux Provinces-Unies, dans le contexte de la Trêve de Douze Ans (1609-1621), qui interrompit provisoirement la guerre contre l’Espagne. Il convient toutefois de noter que les Provinces-Unies, bien que concentrant une part importante des nominations de diplomates protestants pour cette période, n’étaient nullement un cas unique. Le roi de France envoyait également parfois des représentants calvinistes dans des pays de confession protestante : pays scandinaves, Empire, Suisse, Angleterre... Cette possibilité fut aussi bien utilisée par Henri iv, ancien protestant converti au catholicisme, que par son fils, Louis XIII, en particulier sous la régence de Marie de Médicis. Jean Hotman de Villiers fut ainsi ambassadeur auprès de l’électeur palatin dans les années 1610, tandis que Jean de La Fin, s^r de Beauvoir La Nocle, avait été ambassadeur en Angleterre (1589-1595). Jusqu’en 1624, les Provinces-Unies firent cependant, et plus que d’autres pays, figure de « sanctuaire » pour les Huguenots qui souhaitaient se mettre au service de la diplomatie française : l’ambassade leur était en quelque sorte réservée. Ce contexte particulier explique l’intérêt de l’ambassade de Benjamin Aubery.

5Mais, avant d’examiner l’histoire de cette ambassade, il importe de brosser à grands traits les débuts de la carrière de Benjamin Aubery. Né en 1566 dans le Maine, dans une famille de paysans aisés en voie d’anoblissement, il fut élevé dans le protestantisme. Son grand-oncle, Jacques Aubery (vers 1500-1556), s’était distingué sous François I^er et Henri II par un brillant parcours au sein de la robe parisienne : d’abord avocat au parlement de Paris dans les années 1530, puis substitut du procureur du roi, il fut ensuite nommé avocat du roi dans l’affaire des Vaudois. En effet, lorsqu’Henri ii décida d’évoquer le procès des Vaudois au Parlement de Paris, c’est Jacques Aubery qu’il désigna comme avocat pour défendre les intérêts du roi. Cet épisode constitua l’apogée de sa carrière d’avocat, en raison de l’importance de cette affaire et, surtout, des qualités d’éloquence dont il fit preuve dans sa plaidoirie3. Il en fut d’ailleurs récompensé par sa nomination comme lieutenant civil du Châtelet en 1551.

6Benjamin Aubery était à l’origine destiné à la robe, comme son grand-oncle, mais l’appartenance de la famille au protestantisme le conduisit, après des études de grec et d’hébreu à l’Académie de Genève (1584-1585), à se mettre au service de Grands réformés. Le contexte politique était alors très défavorable aux Huguenots, contraints par le traité de Nemours (1585) de se convertir ou de s’exiler. Après quelques mois dans l’armée du prince de Condé, au service duquel il vécut la bataille de Coutras (septembre 1587), Benjamin Aubery se mit au service de Duplessis-Mornay, dont il devint le secrétaire (1589-1592), construisant une rela-tion de fidélité qui dura jusqu’au décès de Duplessis-Mornay en 1623 et se transforma progressivement en amitié. Il passa ensuite, sur le conseil de son maître, au service du duc de Bouillon, dont il fut à la fois le secrétaire particulier, l’intendant et le chargé de mission auprès de la Cour (1592-1606). Cette deuxième relation de fidélité s’avéra nettement plus difficile en raison des choix politiques du duc de Bouillon et de sa méfiance à l’égard de son principal collaborateur, en particulier après sa décision de s’exiler (1602) pour fuir les soupçons de complot à l’encontre d’Henri iv. Contraint pendant plusieurs années à une médiation délicate entre le roi de France et le duc de Bouillon, Benjamin Aubery choisit en 1606 de quitter ce dernier et de passer définitivement au service du roi. Leur relation de fidélité s’acheva donc dans la rancœur. Aubery, déjà secrétaire du roi de Navarre depuis 1590, devint notaire et secrétaire du roi en 1607 grâce à l’appui politique et financier d’Henri iv, qui lui fit don des sommes nécessaires à l’acquisition de l’office. Il fut d’abord chargé de la gestion des subsides versés par la France aux Provinces-Unies pour les aider dans la guerre contre l’Espagne. Cette nomination était due à son efficacité dans la gestion des flux financiers et à ses liens privilégiés avec Buzenval, l’ambassadeur aux Provinces-Unies. La même année, après que Sully se fut assuré de sa fidélité, il entra dans l’administration des finances en devenant l’un de ses secrétaires particuliers. Benjamin Aubery a d’ailleurs relaté cet épisode dans ses Mémoires :

« Au mois d’octobre ensuivant, allant veoir mond. s^r de Sully sur le subject dud. secours du Pays-Bas, il me tira seul en son cabinet et me demanda ce qui m’avoit meu de me retirer d’avec Monsieur de Buillon. Mon response fut que, l’ayant servy longues années aussy fidellement que s’il eust esté question du salut de mon ame, il m’avoit esté insupportable d’entendre qu’il fust entré en soupçon de moy [...]. Surquoy il me dist qu’il sçavoit que j’avois procedé en homme de bien, et qu’en ceste qualité il desiroit que Sa Majesté me donnast de l’employ [...]. Le lendemain, je me fus presenter à mond. s^r le duc de Sully à l’issue de son disner, aprez lequel il me tira derechef dans son cabinet et me dist avoir parlé au roy, auquel il avoit faict aggreer de me donner un honorable employ en ses finances, qui estoit la charge de contrerolleur general des restes des estats du Conseil4. »

7La mort d’Henri IV, qui entraîna la disgrâce de Sully en 1611, conduisit Benjamin Aubery du Maurier à se retirer sur ses terres, mais il fut rappelé à la Cour en mai 1613 par Villeroy, le secrétaire d’État des affaires étrangères. C’est en effet Villeroy qui convainquit Marie de Médicis de nommer Du Maurier ambassadeur. Pourquoi ? Trois raisons principales peuvent être avancées : en premier lieu, le soutien du secrétaire d’État Villeroy, qui connaissait Du Maurier depuis de nombreuses années. De plus, Du Maurier mena une intense campagne de lobbying afin d’être préféré à d’autres protestants, au premier rang desquels figurait un adversaire de taille en la personne de Jean de Jaucourt, seigneur de Villarnoul, député général de la Religion Prétendue Réformée en 1609 et 1610. Bien que Du Maurier s’en défende dans ses Mémoires, ces manœuvres politiques sont attestées par sa correspondance privée. Enfin – et ce fut déterminant – sa connaissance du contexte politique néerlandais, en particulier à l’occasion du versement des subsides aux Provinces-Unies, joua très probablement en faveur de Benjamin Aubery.

8Arrivé à La Haye en mai 1613 comme ambassadeur extraordinaire, officiellement pour remplacer l’ambassadeur Reffuge pendant son congé en France, Benjamin Aubery fut nommé ambassadeur ordinaire en mars 1614. Il resta onze ans en poste aux Provinces-Unies, soit trois fois plus longtemps que la normale. Son retour en 1624 se fit à sa demande, juste avant l’accession au pouvoir de Richelieu. Son retour en France fut d’ailleurs suivi du rappel de presque tous les diplomates en poste à l’étranger, Richelieu jugeant opportun en 1624 de remplacer de nombreux ambassadeurs.

9Cette très longue ambassade se déroula lors d’une période charnière pour la France comme pour les Provinces-Unies. Quels en furent les ressorts politiques, diplomatiques et religieux ? Pour répondre à cette question, trois périodes peuvent être successivement distinguées.

10La première partie de l’ambassade de Du Maurier (1613-1617) se caractérisa par la confirmation de l’alliance franco-néerlandaise conclue par Henri iv. Cette alliance se traduisait, comme on l’a vu plus haut, par le versement de subsides importants aux Provinces-Unies (600 000 £ par an), destinés à l’entretien des troupes françaises qui y étaient stationnées. En contrepartie, les Provinces-Unies devaient assistance militaire au roi de France, notamment en cas de guerre civile, comme ce fut le cas à plusieurs reprises entre 1614 et 1617.

11Au cours de ces premières années, Benjamin Aubery réussit à renforcer les liens d’amitié entre les deux pays, s’attirant ainsi les compliments des responsables néerlandais (Maurice de Nassau, la princesse d’Orange Louise de Coligny, le grand pensionnaire Johan van Oldenbarnevelt). Apprécié de ses collègues ambassadeurs, il œuvra également à la satisfaction de Marie de Médicis et de ses ministres5. Il réussit en particulier à faire accepter aux Provinces-Unies la politique médiane de la France : alliance matrimoniale avec l’Espagne en 1615 (avec le mariage de Louis XIII avec Anne d’Autriche) mais, simultanément, poursuite de l’alliance avec les Néerlandais. Ces décisions contradictoires étaient parfois difficiles à exposer aux États généraux, en particulier à propos du mariage royal avec l’infante d’Espagne, sujet d’inquiétude à La Haye, ce qui explique les arguments développés par Aubery : « l’alliance que Vostre Majesté prend en Espagne ne doit estre alleguée pour en faire consequence à l’amoindrissement de ses antiennes alliances, qu’elle sçaura bien s’acquerir des amys nouveaux, sans pour ce oublier ny habandonner les vieux6. » Cet habile triangle diplomatique et sa fermeté à l’égard des rebelles protestants, qui tentaient d’obtenir de l’argent et des armes des Provinces-Unies, attirèrent à Du Maurier les faveurs du roi, qui le nomma conseiller d’État en 1615. En revanche, cette politique lui attira à la fois l’hostilité des Grands protestants (en particulier du duc de Bouillon, qui lui garda toujours rancune de sa « trahison » de 1606) et la haine des « Bons catholiques », opposés aux théories des défenseurs de la raison d’État. Les catholiques dévots, défenseurs d’une idéologie de paix entre les nations chrétiennes, s’insurgeaient que le Très Chrétien pût conclure une alliance avec des protestants, a fortiori si cela avait pour conséquence de combattre des rois catholiques. On trouve ici sous-jacente la conviction que les institutions et les royaumes terrestres ne devaient viser qu’à l’établissement du royaume de Dieu sur terre7.

12Cette opposition marquée à la politique mise en œuvre par Benjamin Aubery à La Haye ne se traduisait d’ailleurs pas qu’en paroles : son château en Poitou fut pillé en 1616 par les princes protestants, une perte que le roi compensa en portant ses gages d’ambassadeur de 12 000 £ à 15 000 £. L’année suivante, lors d’un congé, Louis XIII le félicitait publiquement devant la Cour :

« Sa Majesté estoit lors à Saint Germain en Laye, où Messieurs le chancelier, garde des sceaux, de Villeroy et president Jeannin me feirent l’honneur de me mener et me presenter à elle, qui de sa bonté m’honora de ce temoignage de sa propre bouche, que je l’avois bien servy, que je continuasse et qu’il me seroit bon maistre. Ces favorables parolles accompagnées du bon et gracieux visage qu’il luy pleut me monstrer me furent à grande consolation, sachant bien les grandes haynes que d’ailleurs j’avois encourues pour luy avoir esté fidelle [...]. En suitte de quoy j’euz le contentement et bonheur d’estre veu de bon œuil et bien accueilly de tous les fidelles, officiers et ministres de Sad. Majesté, qui tous me feirent paroistre une entiere satisfaction et gré de tout mon proceder durant les trois consecutifs mouvements passez. »

13La seconde partie de l’ambassade de Du Maurier (1618-1622) fut marquée par l’irruption brutale des questions religieuses sur la scène néerlandaise, provoquant ainsi la montée des incompréhensions entre les deux pays et la rupture de leur alliance diplomatique. Les ressorts du conflit entre Arminiens et Gomaristes étaient, à l’origine, théologiques. Commencée dans le milieu des professeurs de théologie de l’université de Leyde entre Arminius et Gomar, la querelle portait sur l’interprétation du dogme calvinien de la prédestination et sur le problème de la grâce. Elle s’étendit rapidement aux étudiants en théologie puis aux ouvriers du textile de la ville de Leyde, bientôt suivis par ceux des autres villes8. Des pasteurs arminiens trouvèrent le soutien de certains magistrats, en particulier en Hollande, faisant prendre un tour politique au conflit. Le stathouder Maurice de Nassau, fils de Guillaume le Taciturne et auréolé de ses victoires militaires, se rallia au parti gomariste tandis que Johan van Oldenbarnevelt, grand pensionnaire de la province de Hollande, se rapprocha des Arminiens. La même ligne de fracture se retrouva au sein des États généraux et dans les conseils de ville.

14La France, confrontée à une situation qui risquait d’affaiblir durablement les Provinces-Unies face à leur ennemi espagnol, en particulier à mesure que se rapprochait la fin de la Trêve, prévue pour 1621, comprit mal les ressorts profonds de cette dispute. Elle négligea les aspects proprement religieux du conflit et choisit de se situer sur un terrain exclusivement politique. Ainsi, en 1618, dans l’instruction diplomatique confiée à Jean de Thumery, s^r de Boissise, envoyé comme ambassadeur extraordinaire pour seconder Du Maurier, le Conseil du roi, considérant les « points contantieux concernant leur religion [comme] peu necessaire d’estre agités », soulignait : « Le Roy, qui desire maintenir en toutes parties de la Chrestienté la paix et concorde [...] a desliberé de faire tous efforts possibles pour empescher la cheute de ce nouvel Estat9. »

15La préoccupation majeure de la France était donc clairement l’affaiblissement politique et militaire des Provinces-Unies face à l’ennemi espagnol, et non l’aspect religieux. La France prôna la tolérance et l’union entre les provinces et tenta de se convaincre que ses conseils de modération seraient suivis par l’allié néerlandais en raison de sa capacité d’influence vis-à-vis d’un ancien et fidèle allié. La France eut notamment recours à l’exemple récent des guerres de Religion pour démontrer la nécessité de la tolérance religieuse :

« Mettés à part les aigreurs et passions qui vous portent à des inhumanités et outrages indignes des Chrestiens et vous supportés et souffrés les uns des autres, selon que la charité le requiert [...]. La force ny la contraincte n’y conviennent pas ; nous l’avons trop experimenté en France ; en faict de religion, les hommes veulent estre persuadés, ce que vous ne ferés jamais sy vous tenés les extremités10. »

16Mais ces conseils, accompagnés de la menace de ne plus verser de subsides aux Provinces-Unies, n’eurent pas l’effet escompté. Les Provinces-Unies, que la Trêve de 1609 avait renforcées dans leur démarche d’indépendance, se considéraient désormais comme l’égal des grandes puissances, et la supériorité affichée par la France fut mal acceptée par Maurice de Nassau. Sa rivalité avec Barnevelt se conclut par son arrestation en 1618, sa condamnation à mort et son exécution en mai 1619. Le stathouder paracheva ensuite sa victoire par l’organisation du synode de Dordrecht et la modification de la composition des conseils de ville, ainsi que des États provinciaux et généraux.

17Face à ces événements, quelle position adopta Benjamin Aubery ? Quelles conséquences la crise eut-elle sur l’alliance franco-néerlandaise ? Aubery bénéficiait tout d’abord d’une grande autonomie et de l’entière confiance du Conseil du roi, comme le montre l’instruction qui lui fut confiée en octobre 1617 : « Led. sieur du Maurier usera envers l’un et l’autre [Maurice de Nassau et Barnevelt] avec la discretion qu’il convient comme à l’endroit desd. Sieurs les Estatz du commandement que le roy luy fait pour ce regard, laissant à son jugement de le restraindre ou estendre, selon que sur les lieux, à son arrivée, il trouvera plus propre et convenable11. » Très proche de Barnevelt et de la princesse d’Orange, il était davantage enclin à se rapprocher des Arminiens. Par ailleurs, bien que protestant, il se situait sur un terrain exclusivement politique, inquiet des conséquences des déchirements des Provinces-Unies. Le Conseil du roi lui avait d’ailleurs expressément recommandé, de façon assez inhabituelle, la neutralité concernant la pratique religieuse et le culte :

« Est à propos qu’il [Du Maurier] s’abstienne de tout son pouvoir de se parsialiser d’un costé ny d’autre sur le subject desd. divisions, pour ne demeurer suspect à aucune des partyes. Et d’autant qu’ils [les Néerlandais] ont passé jusques là de faire l’exercice de leur religion en temples separés, et que, se rangeant avec l’une des parties, l’autre en pouvoit concevoir jalousie, semble convenable que led. ambassadeur tienne ceste voie moyenne entre les deux, de prier Dieu avec sa famille en sa maison, jusques à ce que l’on puisse juger quel ply debvra prendre ceste affaire12. »

18On trouve ici la preuve de l’attention de l’entourage du roi à l’appartenance confessionnelle de Benjamin Aubery, dont le choix en matière de lieu de culte pouvait être interprêté politiquement aux Provinces-Unies et ainsi mettre en danger les choix diplomatiques de la France. À titre personnel, et peut-être instruit par la crise gomariste, dont il avait éprouvé les conséquences désastreuses, Du Maurier, calviniste sincère et fervent, considérait les querelles théologiques comme secondaires pour les croyants. Dans ses Mémoires (il est vrai rédigés des années plus tard), il conseillait ainsi à ses enfants de ne pas « s’embarrasser en questions subtiles et curieuses des theologiens qui, par leurs dissentions et controverses, ont beaucoup plus destruit qu’edifié le christianisme et la pieté13 ».

19Cette inquiétude conduisit la France à s’opposer à Maurice de Nassau, provoquant une dégradation rapide de leurs relations, en 1618-1619. Du Maurier, qui avait reçu l’ordre de multiplier les demandes d’intercession en faveur de Barnevelt, dont le procès s’étala pendant plusieurs mois, se conforma à cet ordre malgré sa désapprobation – il considérait la démarche comme inutile – et agit jusqu’au dernier moment : apprenant la condamnation à mort de Barnevelt le 13 mai 1619, il sollicita à cinq heures du matin une audience des États généraux, qui lui fut refusée, ce qui l’amena à mettre son discours par écrit : Sa Majesté

« ne pretend pas entrer plus avant en cognoissance des causes motivés de ce jugement, puisque vous ne lui en avez voulu rien communiquer, mais certainement elle estime que s’il defaut quelque chose à la seureté de cet Estat, il ne sera pas suppléé par le peu de sang restant à un vieillard qui, par le cours de nature et sans l’ayde d’aucune violence, ne peut eviter qu’il ne lui paye bientost son tribut. [...] Le conseil de Sa Majesté tend à espargner la vie du plus ancien officier de vostre republique, à laquelle il convient mieux et se trouverra lui estre plus salutaire qu’au particulier de la personne dont est question. Car en un moment il peut estre delivré de sa misere qui ne sera plus sujette à aucun retour, mais le mal que vostre patrie en peut recevoir est en danger d’avoir une longue suite14 ».

20Ce discours, qui fut largement diffusé à l’époque, lui acquit une grande célébrité auprès des diplomates et des érudits de la République de Lettres, malgré l’échec final dont il porte le témoignage.

21Si la crise ne se traduisit pas par la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays, elle eut néanmoins plusieurs conséquences immédiates. La première fut l’isolement quasi-total de l’ambassadeur français à La Haye et la perte du crédit politique dont il jouissait jusqu’alors :

« Nous ne trouvons qui nous escoute ny qui nous responde, jusques là que tout le monde est observé, et ne nous visite aucun qu’à la derobée, estans icy maintenant un reproche de parler aux ambassadeurs de France15. »

22La crise entraîna également des représailles financières de la part de la France, avec l’interruption du versement des subsides français, alors même que la Trêve touchait à sa fin et que les divisions politiques des Provinces-Unies leur faisaient courir un risque militaire important. Troisième conséquence : l’accroissement considérable des querelles commerciales. Celles-ci, communes à tous les pays disposant d’une façade maritime et d’une flotte marchande (Angleterre, Espagne, Portugal, Baltique, Scandinavie, Venise...), existaient déjà entre marins français et néerlandais. Benjamin Aubery avait par exemple été amené à intercéder, en 1616, en faveur de Nicolas Le Forestier, un marchand de Rouen dont la cargaison de sucre prise sur des navires espagnols et portugais avait été saisie dans le port d’Amsterdam, après jugement du collège de l’amirauté de Hollande16. On note toutefois une hausse très nette de ces désaccords commerciaux après les évènements de 1618-1619, et surtout une mauvaise volonté flagrante de la part des autorités néerlandaises concernant les demandes d’intercession de l’ambassadeur français. De façon assez systématique, les tribunaux néerlandais refusèrent de faire justice à des marins français en procès contre des marins néerlandais, entre 1619 et 1622.

23La crise gomariste provoqua surtout l’émergence d’une méfiance durable entre la France et les Provinces-Unies qui se substitua au climat de confiance qui prévalait jusqu’alors. Jusqu’en 1622-1623, les négociations diplomatiques furent quasiment interrompues, malgré la reprise de la guerre avec l’Espagne en 1621. Isolé, affaibli, attristé par le décès de son épouse en couches en 1620, Benjamin Aubery, déjà ambassadeur depuis huit ans, sollicita alors à plusieurs reprises son rappel en France, sans succès. Le Conseil du roi, considérant son comportement comme irréprochable, incriminait les choix politiques de Maurice de Nassau et défendait son représentant à La Haye, comme en témoigne la lettre du chancelier Brûlart de Sillery au secrétaire d’État des affaires étrangères Puisieux, alors qu’un officier commandant les troupes françaises aux Provinces-Unies leur conseillait de rappeler Du Maurier en France : « Je ne sçaurois estre d’advis de changer un bon ministre fidelle et bien asseuré pour contenter ceux qui se sont si mal gouvernez en tout ce qui s’est présenté pour le service de Sa Majesté17. »

24Deux éléments contribuèrent à ouvrir la troisième période de l’ambassade de Benjamin Aubery (1622-1624) : la dégradation de la situation internationale et l’évolution politique du Conseil du roi. Confrontées à la puissance militaire de l’Espagne, les Provinces-Unies constataient leur isolement et l’urgence de leurs besoins financiers. Dès 1619, les Provinces-Unies émirent le souhait d’envoyer une ambassade extraordinaire en France pour renouveler leur alliance, mais Du Maurier contribua à les en dissuader en raison des affronts politiques et diplomatiques faits au roi de France depuis 1618. Une ambassade fut finalement envoyée en février 1621, sans résultat : l’alliance franco-néerlandaise ne fut pas renouvelée. Mais l’évolution du contexte international contribua à transformer progressivement la position de la France : l’alliance espagnole n’était certes pas rompue – elle ne le fut qu’en 1635 – mais l’hégémonie espagnole en Valteline, dans l’Empire, en Bohème inquiétait Louis XIII et ses ministres.

25L’évidence du rapprochement avec les Provinces-Unies s’imposa peu à peu. Dès 1622, le chancelier Sillery notait : « Par les dernieres lettres de M. du Maurier, il semble que les Estatz ou plusieurs d’entre eux com-mancent à mieux congnoistre le besoing qu’ilz ont de rechercher les bonnes graces du roy18. » Les sources documentaires, lacunaires pour cette période (les archives du chancelier Sillery et de son fils Puisieux ont presque totalement disparu), ne permettent pas de bien comprendre le rôle respectif des ministres dans cette évolution. Mais le journal de l’ambassadeur néerlandais à Paris, Langerack, précise la chronologie du retournement diplomatique : en décembre 1622, rapportant une conversation avec le secrétaire d’État Puisieux, il parle de l’« ennemy commun » espagnol, et le mois suivant, écrit : « J’ay derechef trouvé d’avoir gaigné beaucoup pour l’affection et du roy et du tout le Conseil envers mesd. Seigneurs [...] ; je dis et le roy, le meilleur Conseil et la pluspart des Grands m’asseurent de leur affection bonne et sincere vers nostre Estat19. »

26Les conflits commerciaux et maritimes, intenses et récurrents jusqu’en 1622, commencèrent à s’apaiser en 1623, le versement des subsides reprit pour financer le recrutement de troupes, et si le traité d’amitié entre la France et les Provinces-Unies ne fut conclu qu’en juin 162420, c’est-à-dire après le départ de Benjamin Aubery, ce dernier en fut incontestablement le principal artisan. Depuis 1621 au moins, il invitait en effet sans relâche le roi de France à « rongner les ailes à l’ambition des Espagnols21 ».

27L’ambassade de Du Maurier s’acheva donc en 1624 par un succès diplomatique, avec le rétablissement de l’alliance politique et militaire entre une France catholique et des Provinces-Unies protestantes. Cette alliance avait clairement pour objet de contrer l’expansionnisme espagnol, dans une période caractérisée par l’essor des ambitions françaises.

28Quels enseignements tirer de cette longue ambassade, à une période charnière de la diplomatie française, entre la fin des guerres de Religion et l’accession au pouvoir de Richelieu ? En premier lieu, il y a assurément la continuité de la diplomatie française, au-delà des règnes et des disgrâces ministérielles : l’alliance néerlandaise établie par Henri iv fut poursuivie par Louis XIII et même par Louis XIV au début de son règne. En un sens, il est donc possible de considérer la crise de 1618-1619 comme un épiphénomène circonstanciel lié à l’histoire des Provinces-Unies plutôt que comme un choix structurel durable de la France : le renouvellement de l’alliance en 1624, puis la guerre commune contre l’Espagne, après l’entrée de la France dans le conflit en 1635, le montrent.

29En second lieu, l’ambassade de Benjamin Aubery démontre la prégnance des ressorts religieux dans la politique étrangère des nations, au tournant du XVII^e siècle. Les historiens s’opposent d’ailleurs sur les caractéristiques de cette période. Certains y voient la marque d’une confessionnalisation. Heinz Schilling, en particulier, qui trouve dans plusieurs pays (Empire, Provinces-Unies...) les traces d’une confessionnalisation du politique, a ainsi développé le concept d’une « ère confessionnelle », de 1550 à 1650 environ, marquée non pas par une influence diffuse de la religion, commune à toutes les époques, mais par les conséquences de l’entrelacement du politique et du religieux sur les relations internationales.

30D’autres historiens voient plutôt dans le pragmatisme de la raison d’État qui marque la diplomatie du XVII^e siècle la preuve d’une sécularisation progressive des relations internationales. Un point est certain : ni en France, ni aux Provinces-Unies, les conflits intérieurs ne furent exclusivement religieux, pas plus que les querelles internationales du début du Grand siècle (succession du duché de Clèves et de Juliers, débuts de la Guerre de Trente Ans). Cependant, dans les faits comme dans l’inconscient collectif de l’époque, les éléments religieux s’imbriquaient étroitement avec les ressorts politiques ou économiques, comme le souligne la proximité chronologique entre l’exécution de Barnevelt et le synode de Dordrecht, en 1619.

31L’ambassade de Benjamin Aubery à La Haye peut donc être considérée à la fois comme la marque tangible de cette prégnance religieuse, en raison des soubresauts provoqués par la crise religieuse arminienne et de leur influence directe sur les relations diplomatiques franco-néerlandaises, et comme la preuve de la sécularisation progressive des relations internationales, dans la mesure où, quelques années plus tard, les considérations religieuses cédèrent la place à des considérations politiques, amenant la France, malgré sa rancune, à renouer avec son allié protestant, avant de s’engager elle-même dans la lutte contre l’Espagne. Une interprétation unilatérale – et en quelque sorte tronquée – des négociations menées par Benjamin Aubery aboutirait en effet à négliger la complexité inhérente à la diplomatie française dans les premières années de règne de Louis XIII. On a vu plus haut que les facteurs religieux furent rejetés par les ministres et diplomates français pour tenter de résoudre la querelle entre Arminiens et Gomaristes : ils se situaient sur un terrain politique, celui de la lutte contre l’Espagne, ce qui plaide plutôt pour une diplomatie sécularisée de la France. Mais cette sécularisation se heurta à la crise de 1619, que J. L. Price a analysée comme la « version néerlandaise du phénomène européen de la confessionnalisation [...]. La brève, bien que féroce, persécution des Remonstrants [Arminiens] fut une aberration éphémère suscitée par des circonstances particulièrement menaçantes, et les forces favorables à la tolérance réapparurent rapidement22 ».

32La crise de 1619, une « aberration éphémère » dans une société jusque là peu ou pas confessionnalisée ? Sans doute. L’ambassade de Benjamin Aubery aux Provinces-Unies fut donc marquée par le double phénomène de la confessionnalisation et de la sécularisation. Tous ses efforts, au plus fort de la crise gomariste, tendaient à relativiser le poids des querelles religieuses au sein de la société néerlandaise, afin de leur permettre de retrouver l’union qui avait rendu possible leur révolte contre l’Espagne, dans les années 1570 et 1580. Porteur d’un pragmatisme politique assumé et détaché des facteurs religieux, Aubery échoua dans son action en 1619 en raison de la confessionnalisation soudaine des responsables politiques des Provinces-Unies. En revanche, le renouvellement de l’alliance franco-néerlandaise en 1624, qui fut en quelque sorte la victoire posthume de Du Maurier, démontre le caractère éphémère de l’« ère confessionnelle » aux Provinces-Unies comme en France. Dans ces conditions, ne vaut-il pas mieux parler de sécularisation progressive des pratiques politiques, une sécularisation qui ne fut en aucun cas linéaire et qui fit place, de loin en loin, à des « crises confessionnelles » soudaines et violentes, comme les Provinces-Unies en connurent en 1619 ?

33Troisième et dernier enseignement de l’étude de son ambassade : cette imbrication entre politique et religion caractérise également le parcours de Benjamin Aubery lui-même, protestant et serviteur d’un roi catholique. La religion professée par les serviteurs du roi était alors déterminante dans la nomination des ambassadeurs aux postes diplomatiques. De 1590 à 1624, le roi jugea nécessaire de nommer des diplomates huguenots à La Haye, comme une marque de confiance à l’égard de l’allié protestant et des protestants français. Toutefois, en aucun cas on ne peut considérer que les négociations menées par Du Maurier furent influencées par des considérations religieuses. Il fut au contraire fréquemment amené à s’opposer à ses coreligionnaires, sur l’ordre du roi, avec les conséquences exposées plus haut pour ses biens.

34L’articulation entre identité protestante et service du roi n’allait donc pas de soi pour Du Maurier comme pour certains de ses collègues catholiques, prompts à attribuer certaines de ses lenteurs ou certains de ses échecs à son appartenance religieuse. Ainsi, l’application mise par l’ancien ligueur Jean de Péricard, ambassadeur du roi à Bruxelles, à critiquer l’action de son voisin à La Haye et à miner son crédit auprès de leur ministre de tutelle, s’explique par l’hostilité du diplomate catholique envers les Huguenots et par sa conviction qu’un protestant ne saurait être un serviteur du roi fidèle. Ces attaques provoquaient, bien sûr, l’indignation de Du Maurier. Ainsi, en 1616, ce dernier fut amené à défendre un ancien chartreux dans un procès aux Provinces-Unies. Il s’en fait l’écho dans ses Mémoires :

« J’ay sçeu qu’il y en eut qui voulurent blasmer la procedeure que j’y tins, comme si je m’y fusse porté avec trop de vehemence et de chaleur, pretendant que j’y devois estre plus retenu à cause mesmes de la relligion que je professe, mais il y alloit de l’authorité souverayne du roy et de son parlement, au prejudice de laquelle je ne pouvois ny devois me relascher [...]. Et pour le regard de ma religion, je sçay qu’elle me commande de favoriser la justice en tout temps et pour toutes personnes indifferemment23. »

35L’hostilité de Benjamin Aubery envers l’Espagne et son action en faveur de l’alliance néerlandaise correspondaient donc absolument aux orientations définies par la France, comme le montre son maintien en poste pendant onze ans, malgré l’instabilité ministérielle qui caractérisa les premières années de règne de Louis XIII. Bien que bénéficiant de la confiance des ministres (en particulier de Villeroy et de Puisieux), il n’abusa jamais de son autonomie. Il savait faire preuve d’esprit d’initiative, mais se conformait toujours aux orientations politiques définies par le Conseil du roi. Il est possible que sa proximité politique et personnelle avec le grand pensionnaire Barnevelt l’ait conduit à influencer la diplomatie française en 1617-1619, mais l’examen des instructions ministérielles et son maintien en poste confirment l’adéquation entre la diplomatie française aux Provinces-Unies et sa mise en œuvre par Benjamin Aubery.

36Tout au long de son ambassade, Du Maurier se fit le héraut de la défense des intérêts de la France et, par conséquent, de la lutte contre l’Espagne. Malgré son adhésion profonde (et jamais démentie) à la Réforme, aucune de ses dépêches ou correspondances ne contient d’argument de nature religieuse dans le conflit contre le roi Catholique. Invitant sans cesse le roi à fédérer « tous les princes interessez contre la grandeur espagnole24 », il était partisan de la mise en place en Europe d’un équilibre entre les nations, sous réserve que celui-ci fût favorable à la France. De même que Richelieu, lorsqu’il prônait l’intensification des alliances protestantes, écartait l’argument religieux de la lutte contre l’hérésie au profit de celui de l’intérêt de l’État, Benjamin Aubery, au cours de son ambassade, veilla toujours à dissocier son appartenance confessionnelle des missions qu’il accomplissait. Sa religion n’eut donc guère d’influence sur son action. Dans l’esprit de Du Maurier, dans son action publique, le service du roi l’emportait sur son appartenance au protestantisme. En conclusion, on peut donc avancer que, bien que nommé ambassadeur en raison de sa confession et d’un contexte politique et religieux aux Provinces-Unies, Benjamin Aubery sut prouver par sa fidélité et son efficacité que, sous le régime de l’édit de Nantes, service du roi et identité protestante n’étaient pas incompatibles.