Le temps des Réformes
p. 15-16
Texte intégral
1Les modalités d’implantation de la Réforme protestante diffèrent profondément entre la France et les Pays-Bas. On a d’un côté une Réforme religieuse, très marquée par l’humanisme et l’évangélisme dans un premier temps, puis de plus en plus sous l’influence de Genève, prise en partie en charge par une révolte nobiliaire, mais qui finit par échouer. Les protestants ne réussissent pas à se rendre maîtres du royaume et sont simplement protégés par l’édit de Nantes de 1598.
2De l’autre côté, la Réforme est indissociable d’une révolte contre la domination espagnole et pour le respect des libertés et elle aboutit à la naissance des Provinces-Unies, un état qui passe pour calviniste mais qui garantit la liberté de conscience et qui est considéré par les contemporains comme le plus tolérant d’Europe.
3Mais cette présentation séparée des Réformes française et néerlandaise est trompeuse. S’il existe des logiques propres à chacun des espaces considérés, les liens entre les protestants des deux pays sont forts. Ces enjeux internationaux de la Réforme ont été saisis très tôt par les contemporains et une véritable « internationale huguenote » s’est dressée très tôt contre le « complot papiste ». Mais cette dimension internationale des révoltes religieuses a été relativement peu étudiée. Dans un premier chapitre, Monique Weis fait le point sur les recherches faites ou en cours, à partir d’un vaste panorama historiographique. Elle montre l’intérêt des protestants des Pays-Bas pour les événements français ainsi que les espoirs de Guillaume d’Orange d’obtenir le soutien des huguenots. La condamnation de la « tyrannie espagnole » comme la peur d’une « conspiration catholique » ont, de fait, provoqué une assistance mutuelle entre les huguenots et les gueux, à partir de liens diplomatiques, intellectuels, économiques, etc. On peut également observer une influence française dans la théorie politique de la révolte néerlandaise.
4Plusieurs exemples peuvent être donnés de ces interactions. Hugues Daussy expose le cas du frère cadet de Guillaume d’Orange, Louis de Nassau. S’il a surtout œuvré aux Pays-Bas en faveur des protestants, il a également participé à la troisième guerre de religion en France (1569-1570), puis il s’est livré à des activités diplomatiques, cherchant à favoriser la paix en France afin que Charles ix puisse organiser une expédition militaire en faveur du prince d’Orange. La Saint-Barthélemy sonna le glas de cette politique. Mais Louis de Nassau ne renonça pas et reprit des négociations avec les envoyés français et continua à plaider pour la paix, jusqu’à sa mort en 1574.
5Des liens forts existent également au moment de la recherche de la paix, comme l’explique Thomas Nicklas à propos de la pacification de Gand de 1576 et du traité d’union de Nîmes de 1575. Les deux textes cherchent à neutraliser les effets des dissensions religieuses sur la politique. Tous deux avancent le même concept de patrie, contre les « usurpateurs » ou les « étrangers », en opposition aux tendances centralisatrices de Philippe II et des Valois. Les élites provinciales, dans un cas comme dans l’autre, proclament les libertés religieuses et politiques contre l’état monarchique.
6C’est un tout autre genre d’interaction qu’étudie Judith Becker, en se déplaçant à Londres, à l’église des étrangers, établie en 1550, où se rencontrent Français et Néerlandais. Elle montre qu’à la suite de la constitution ecclésiastique établie par Jean a Lasco, les églises française et néerlandaise de Londres s’influencent réciproquement et qu’il est fort probable que les églises en France soient elles aussi en partie influencées par la théologie et les pratiques de Londres. Les rapports entre France et Pays-Bas du Nord apparaissent ainsi particulièrement complexes, passant par des détours inattendus.
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