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En France rurale

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Jean-François Simon
, 
Bernard Paillard
, 
Laurent Le Gall

Troisième partie. Autres enquêtes de l'Aubrac à la Margeride

Retour aux Pyrénées : l’enquête des Baronnies

Rolande Bonnain-Dulon

Texte intégral

1Il est tout à fait légitime de s’interroger sur les modalités intellectuelles et administratives qui ont présidé à l’élaboration de l’enquête dite des Baronnies. Il est tout aussi difficile d’y répondre tant il est ardu de séparer le choix du territoire et les objectifs de la recherche, la connaissance se liant toujours à un espace, un territoire connu ou inconnu. Depuis 150 ans, les Pyrénées avaient suscité l’intérêt des chercheurs, des linguistes aux sociologues, attirés par l’originalité de leur organisation sociale et territoriale, mais les études ne pouvaient pas encore rendre compte du nécessaire cumul des résultats. Un cadre d’ensemble s’imposait. En outre, les modalités intellectuelles restent toujours dépendantes d’un contexte, celui du temps de la connaissance et de son avancée, et il arrive qu’un personnage représente mieux que les autres les valeurs ou les inquiétudes de son temps. L’enquête Baronnies des Pyrénées illustre toutes ces rencontres.

Un moment de la recherche

2Évoquons tout d’abord le contexte. Depuis les enquêtes roumaines sur Nerej éditées à partir de 1927 et publiées en France en 1939, l’idée d’une exploration scientifique qui unirait les méthodes et les savoirs des sciences dures et des sciences sociales allait s’imposer pour au moins deux raisons : essayer de mieux connaître des microsociétés saisies dans le temps et dans l’espace ; tenter le dialogue de toutes les disciplines qui s’intéressaient à la biologie, la société, la culture et l’environnement anthropisé. Les naissances du CNRS puis de la VIe section de l’EPHE créaient les conditions de l’essor et du déploiement thématique des disciplines sociales. Le thème du rural devenait un champ d’études spécifiques. Les recherches ruralistes se multipliaient sous la forme de pôles formant école : parallèlement au groupe de sociologie constitué au CNRS, un groupe d’ethnologie et un autre d’histoire se formaient à la VIe section, ainsi qu’un autre en géographie à l’Université Paris 1. En 1973, date à laquelle le projet fut conçu, on bénéficiait encore du contexte des trente glorieuses. L’agriculture se modernisait et utilisait de moins en moins de bras : à l’époque, la population agricole représentait 15 % de la population active. L’espace rural se transformait, mais inégalement : la périurbanisation gagnait sur le rural « profond ». Les chercheurs sensibles à ces transformations militaient pour une ethnologie de sauvegarde tout comme pour une étude fine des transformations sociales.

3Le lieu de la recherche n’a pas été neutre, loin de là. L’EHESS, qui n’était encore que la VIe section, jouissait d’une liberté de recrutement de scientifiques de haut niveau, travaillant en marge de la voie académique. À la jeunesse des chercheurs s’ajoutaient une bonne communication entre directeurs d’études peu nombreux encore et des relations faciles avec le CNRS et l’Université. Parmi les autres caractéristiques du climat de recherche dans cette institution, on soulignera sa liberté de proposition, sa liberté de ton et son accueil favorable à des équipes pluridisciplinaires où l’histoire aurait toute sa place – car elle avait été créée par deux historiens. Chronologiquement enfin, on vivait l’âge d’or des enquêtes collectives : Plozévet, l’Aubrac, le Châtillonnais et, en particulier, l’enquête sur Minot dont on connaît le retentissement sur le renouvellement des études sur les sociétés paysannes.

4La décision de lancer l’enquête sur les Baronnies aura donc été fortement influencée par le passé de la recherche, le passé de l’institution, la réussite et l’échec d’entreprises similaires. Pour autant, son déroulement se signala par l’absence de tout formalisme dans l’équipe qui fut constituée.

Un projet intégré

  • 1 La zone test fut le Pays de Sault (Aude) placée sous la responsabilité de Daniel Fabre.

5Une des caractéristiques du projet reposait sur la volonté d’intégrer chercheurs en sciences sociales et chercheurs des sciences du vivant pour répondre à un certain nombre de questions. Plus précisément, sa naissance (conception du projet et sa finalité, recrutement des chercheurs) fut liée à la rencontre de Jacques Ruffié (tout juste élu au Collège de France) avec Isac Chiva, sous-directeur du Laboratoire d’anthropologie sociale au même Collège de France. Ils deviendront amis. Jacques Ruffié (1921-2004), brillant hématologue, membre de l’Académie des sciences, élu en 1972 à la chaire de génétique des populations, avait travaillé entre autres sur la migration des gènes en Europe depuis le néolithique et avait assuré, par ailleurs, le renouveau des centres de transfusion sanguine. Dans les années 1970, il était président de la commission anthropologie-ethnologie-préhistoire du CNRS et jouait un rôle important dans une autre commission Action thématique programmée (ATP) « Dynamique des Populations ». En 1973, avec l’Institut pyrénéen d’études anthropologiques, assisté par l’Université Paul-Sabatier de Toulouse et le Centre d’hémotypologie du CNRS, il fut décidé d’une Recherche collective sur programme (RCP) sur les Pyrénées à partir de cinq zones, RCP dont Jean Guilaine serait l’organisateur. Jacques Ruffié connaissait bien la chaîne pyrénéenne, ses problèmes démographiques et économiques, était sensible à l’absence d’études sur les Pyrénées centrales. Il s’entendit avec Chiva pour la formation d’une équipe de chercheurs en sciences humaines qui devait travailler de concert avec les biologistes et les médecins. Ils choisirent une région du piémont entre Bagnères-de-Bigorre et Lannemezan, les Baronnies, petit pays déprimé à la fois topographiquement, démographiquement et économiquement, remarquable quant aux bilans biologiques d’une population vieillie et isolée. Les Baronnies ne sont donc qu’une des facettes de cette vaste entreprise en dépit du fait que son financement fut assuré par l’ATP « Dynamique des populations1 ».

6L’équipe avait plusieurs directeurs dont le parcours scientifique a permis son succès et son retentissement. Isac Chiva, d’origine roumaine, et qui connaissait bien les travaux d’Henri Stahl sur la Moldavie, était sous-directeur du laboratoire où travaillait l’équipe de Minot. Très au fait des problématiques sur les sociétés paysannes, c’était aussi un grand connaisseur des rouages administratifs et financiers de la recherche. Il avait créé en 1961 la revue Études rurales qui, dès sa création, avait affiché une vocation résolument pluridisciplinaire. En 1974, avec Henri Mendras et Bernard Kayser, il avait fondé l’Association des ruralistes français où chercheurs et praticiens du rural pourraient confronter leurs problèmes et leurs résultats. Joseph Goy, historien économiste, directeur du Centre de recherches historiques à l’époque, avait dirigé plusieurs enquêtes collectives. Gilles Sautter, directeur d’études à l’École en même temps que professeur à l’Université Paris 1, était africaniste. C’était un habitué des recherches associant géographes et sociologues ruralistes à propos des terroirs africains et malgaches. Il avait fait publier les résultats de cette importante enquête dans Études rurales dont il était l’un des membres directeurs. De cette entreprise était née une estime réciproque et une amitié entre Chiva et lui. Son arrivée dans l’équipe fut l’occasion de réorienter en partie ses recherches ruralistes vers la France.

7Si les chercheurs biologistes et les médecins étaient nombreux en raison des obligations de la collecte des informations (prises de sang, bilans de santé, généalogies), l’équipe des chercheurs en sciences humaines était réduite : de six personnes au départ, elle passa à quatre à l’arrivée : deux ethnologues, une historienne et un géographe. Georges Augustins avait soutenu une thèse sur la parenté à Madagascar ; Antoinette Chamoux avait à son actif une recherche sur le Châtillonnais et un gros travail sur l’histoire des familles à Reims ; j’étais titulaire d’un doctorat en sociologie soutenu en juin 1972 ; Yves Peron était le géographe qui allait travailler sur l’occupation du territoire.

8Au final, peu de personnes, mais l’implication d’un grand nombre de centres qui montraient les différents aspects spatiaux du projet. Les laboratoires parisiens étaient associés aux centres régionaux qui fournissaient l’indispensable logistique sur place (équipements, connaissance des hommes et des administrations). Ils apportèrent une aide précieuse. Parmi les premiers, citons le Centre de recherches historiques de l’EHESS/CNRS, le Laboratoire d’anthropologie sociale du Collège de France/EHESS, le Groupe d’analyse géographique (EHESS). Parmi les autres, nous rappellerons les rôles du Centre d’hémotypologie du CNRS, du Centre régional de transfusion sanguine de Midi-Pyrénées et du Centre départemental des Hautes-Pyrénées ainsi que celui de la Mutualité agricole des Hautes-Pyrénées.

Le projet

  • 2 Or, la petite région, bien que marginalisée économiquement, n’avait rien d’un isolat comme les his (...)

9Le projet initial était à la fois modeste, précis ; il devait favoriser les rencontres pluridisciplinaires. Il fallait trouver les facteurs explicatifs du déclin démographique de cette petite région des Pyrénées centrales en associant les chercheurs de différentes branches pour mieux appréhender l’éventail des causes et des modalités, et pallier le rétrécissement du champ d’observation qu’une pratique individuelle, et partant « artisanale », pourrait amener. En même temps, on espérait que cette enquête contribuerait à la constitution d’un savoir sur une région très mal connue et qu’elle s’ajouterait aux efforts visant à une connaissance globale des espaces montagnards. Les hémotypologues voulaient vérifier leurs théories sur les isolats2. Les médecins, eux, s’étonnaient des résultats paradoxaux des analyses biologiques et des examens cliniques, les affections vasculaires et rhumatismales étant plutôt bien supportées en dépit de l’âge des patients. Pour finir, les autorités administratives et les élus du département attendaient beaucoup de notre travail, présenté comme le signe patent de leur intérêt : aussi, facilitèrent-ils, pour cela, nos démarches.

10Concernant les relations avec les différentes disciplines des sciences humaines, il n’était pas question de réelle interdisciplinarité mais de la fécondité des regards croisés. Les initiateurs du projet espéraient d’ailleurs beaucoup des rencontres tant formelles qu’informelles sur le terrain. Après deux séjours en octobre 1973 et janvier 1974 pour juger du bien-fondé du choix du terrain, chaque chercheur décida de son thème de recherche : Georges Augustins devait étudier en détail le système familial et social local à mettre en relation avec l’activité agropastorale, Antoinette Chamoux la dynamique de la population, Yves Peron les formes d’occupation du terroir ; j’avais été pressentie pour étudier le système alimentaire.

Conduite de l’enquête

11Les conditions de l’enquête elle-même étaient libres. Nous avions le choix entre les 28 communes du petit pays (qui n’avait jamais été considéré avant 1970 comme une unité politique). Curieusement, trois chercheurs sur quatre travaillèrent sur les seules localités de la cuvette en contrebas de la ride calcaire méridionale, localités associées dans l’exploitation d’une montagne dite de la Baronnie (Arrodets, Bulan, Esparros, Laborde, Labastide) – peut-être parce que nous y avions découvert des archives intéressantes (mais rares). Georges Augustins installa sa famille pour un séjour de deux ans à Lomné où avait résidé le seigneur propriétaire éminent de la montagne. Antoinette Chamoux et moi-même occupâmes une chambre de la pension de famille de Laborde pendant nos séjours plus courts. Yves Peron se logea dans une maison louée dans une autre commune. Nous avons complété nos informations aux Archives départementales de Tarbes lors de séjours individuels de durée variable. La collaboration entre chercheurs en sciences humaines se trouva favorisée par cet éclatement des lieux et des calendriers ainsi que par les relations amicales qui se nouèrent entre directeurs et chercheurs.

12À l’arrivée, nous avons tous travaillé (sauf le géographe) sur le système familial et social propre aux Pyrénées. Un rapport intermédiaire fut rédigé en 1974. En dehors de deux réunions générales qui nous permirent de faire le point sur l’avancement des travaux et, en même temps, d’informer les autres participants, nous avons eu assez peu de rencontres mais suffisamment pour cadrer scientifiquement le travail de l’équipe.

Le terrain

  • 3 Bonnain R., « De l’apprentissage des archives pour une ethnologue (1974-2003) », Ateliers du LESC,(...)

13Qu’en a-t-il été du terrain et de sa pratique pour chacun de nous ? Pour les ethnologues, le terrain est quelque chose de plus que le lieu et la technique ; c’est un rituel professionnel et un facteur d’identification. Est-il besoin de le souligner de prime abord, nous fîmes tous « du terrain » soit en crapahutant dans les chemins des Baronnies, soit dans les archives municipales et départementales (qui sont d’ailleurs plutôt un objet de recherche privilégié3). Il me semble d’ailleurs que pour nous tous, les Baronnies ont été l’espace et le lieu où s’est déroulée notre activité de chercheur à tel point qu’elles nous ont conféré une partie de notre identité. Pour ma part, elles ont été l’occasion de découvertes de gens et de paysages qui nécessitaient des techniques d’enquête jusque-là globalement inexpérimentées sauf dans le cadre de mes certificats de licence, mon travail de thèse s’étant appuyé sur une recherche documentaire dans les bibliothèques. Nous avons tous tissé des liens avec la population, liens qui existent toujours en dépit des deuils. D’ailleurs, la familiarité acquise avec les lieux et les personnes m’a été utile après l’enquête proprement dite. Ainsi, lorsqu’il s’est agi d’observer le phénomène des résidences secondaires, c’est tout naturellement que je suis retournée dans les Baronnies pour en faire le cadre et l’objet d’une des quatre études sur la coexistence des résidents permanents et des estivants. L’usure du terrain n’a pas existé pour nous, sans doute parce que nous avions profité de l’expérience d’équipes précédentes.

14Autre point concernant nos relations avec les enquêtés : nous avons publié nos travaux lors de colloques, dans des revues, et nous avons édité deux ouvrages à l’EHESS sur les Baronnies, laissant à chacun de nous le soin d’envoyer des tirés à part de nos articles. Notre politique de communication n’a pas été inutile car, lorsqu’en 2000, j’ai eu besoin d’informations sur la montagne des Baronnies, un chargé de mission à la communauté de communes me les a transmises très rapidement parce que l’on savait que j’avais écrit sur « le pays ». Mais il s’agissait là d’une prime à la persévérance et à la continuité plutôt que d’un paiement à l’autorité de la chose écrite.

15Enfin, bénéfice tiré de l’observation des équipes qui nous avaient précédés sur des terrains exotiques, la pratique d’un terrain contigu n’a été ni commune ni séparée ni conflictuelle grâce à l’éclatement des lieux d’enquête et des calendriers. Nous nous sommes pourtant rencontrés régulièrement, mais notre relation a été autonome en raison de la localisation des villages étudiés, Esparros pour Antoinette, Lomné pour George et Laborde pour moi. Une comparaison fine a été rendue ainsi possible. L’utilisation du temps a été différente : Antoinette et moi avions des obligations ailleurs alors que Georges demeura deux ans pleins à Lomné avec sa famille. En outre, nous avions bien pris soin de ne pas mélanger nos réseaux d’informateurs sur place.

Des objets

Un système successoral-familial original

  • 4 Augustins G., « Maison et société dans les Baronnies au XIXe siècle », dans Les Baronnies des Pyré (...)
  • 5 Bonnain R., « Les transformations de l’alimentation paysanne dans les Baronnies des Hautes-Pyrénée (...)
  • 6 Bonnain R., « Une économie de la sociabilité », dans Les Baronnies des Pyrénées, volume 1, op. cit (...)
  • 7 Bonnain R., « Les bonnes maisons : perception, expression et réalité de la stratification sociale (...)
  • 8 Augustins G., « Un point de vue comparatif sur les Pyrénées », dans Les Baronnies des Pyrénées (Ch (...)

16Partis avec des formations et des méthodes différentes, nous avons finalement tous travaillé sur le système de parenté dans cette société complexe (là où la naissance dans un groupe ne vous attribue pas d’office des statuts et des obligations, et sa reproduction) et les usages de la parenté. Dans un premier volume, George Augustins a fourni une étude volumineuse sur Lomné qui montrait les permanences et les changements du système social et successoral4. J’ai étudié, en remplissant mon contrat sur les habitudes alimentaires5, les usages de la Maison qui régit les échanges entre voisins6, la hiérarchie entre les Maisons et l’idéologie qui les travestit7. Dans un second volume, Yves Peron a observé en géographe les avancées et les retraits du paysage et a montré comment le haut niveau d’organisation socio-économique avait préservé jusque dans les premières années de l’enquête ce petit espace rural. Gilles Sautter et moi-même avons décrit la lutte de cette petite société pour garder le contrôle de cet espace. À l’aide de méthodes de la démographie historique et des minutiers, j’ai réinterrogé la période 1769-1836 qui s’avère cruciale pour cette société pyrénéenne. Enfin, George Augustins, dans une étude d’ethnologie comparative, a recadré l’originalité du cas pyrénéen parmi les autres systèmes familiaux paysans d’Europe8.

  • 9 Bourdieu P., « Célibat et condition paysanne », Études rurales, no 5-6, 1962, p. 32-135.

17Parmi les systèmes de parenté, on connaissait bien les systèmes à parentèle mais un peu moins ceux fondés sur la Maison dans nos sociétés complexes, configuration spatiale, économique et sociale spécifique, support morphologique, patrimoine et base de référence historiquement stable d’un groupe domestique original, cette famille-souche bien connue par le public depuis les travaux de Le Play rédigés sous le Second Empire et remise sous le regard des chercheurs par l’étude de Pierre Bourdieu9. En somme, l’union entre le familial, le social et le territoire. Pour Peter Laslett, de l’école de démographie historique d’Oxford, la famille-souche n’existait pas. Seul comptait pour distinguer les formes de groupe domestique le nombre de co-résidents. Or, la famille-souche observable seulement à un moment du cycle familial est une variante de la famille complexe à un moment de son cycle – elle regroupe sous le même toit un couple de parents, l’enfant héritier et son conjoint, leurs enfants –, en même temps qu’elle est un idéal de vie. Peuvent s’adjoindre également à ce groupe familial des germains célibataires de l’une ou l’autre génération selon le niveau économique de la Maison. L’enquête Baronnies a été l’occasion d’approfondir les caractéristiques de cette organisation sociale originale qui perdurait depuis le Moyen Âge et son influence dans l’histoire plus récente des groupes sociaux.

  • 10 Ce nom n’est jamais matérialisé sur les murs, juste sur les adresses pour aider un nouveau facteur (...)

18Dans les Pyrénées comme dans d’autres régions d’Europe, la Maison n’est pas seulement une habitation ; elle comprend les terres privées (dans les Pyrénées, du moins dans la zone de piémont, le faire-valoir est direct) et les droits sur les terres collectives. Elle a une existence propre et un nom indépendant du patronyme de la famille qui l’occupe mais seul le chef de famille, le cap de maysou, c’est-à-dire le père, est désigné au village par le seul nom de la Maison10. Sa femme, ses frères et ses sœurs, ses enfants sont désignés par leur prénom auquel on ajoute en sos de…, ce qui veut dire « de chez ». Tout domestique se voyait désigné par son prénom et le nom de la Maison qui l’employait. La hiérarchie de l’unité villageoise tenait compte de cette organisation puisqu’elle s’énonçait non en termes d’individus mais en termes de Maisons. Associant parenté et résidence (les deux termes étant équivalents ici quant à l’organisation sociale paysanne), la Maison était sous le contrôle du chef de famille et se léguait à un héritier unique dont le mariage obéissait à des règles non-écrites mais toujours respectées : hypergamie de l’héritier ou de l’héritière, non-union de deux héritiers et donc fusion impossible de deux patrimoines.

19Ethnologues et historiens avaient à répondre du fonctionnement passé et présent de cette organisation originale surtout en période de surpopulation et d’étiage démographique. L’approfondissement de nos travaux nous a fait rencontrer d’autres occasions de crises auxquelles a dû faire face ce système. Précisons toutefois (mais est-il besoin de le faire) que travailler sur le même objet ne veut pas dire analyser les mêmes aspects dans les mêmes perspectives.

Maison et communauté villageoise

  • 11 À ce sujet, voir le remarquable ouvrage de Moreux C., Être maire en Béarn. Du seigneur à l’entrepr (...)

20La Maison joue un rôle crucial lors des élections municipales. Dans ces petites communes où tout le monde se connaît, c’est la composition, l’histoire du groupe familial et sa place dans la hiérarchie foncière et statutaire qui décide du succès de telle ou telle liste. Les choix politiques importent vraiment peu11. Au cimetière même, on retrouve cette organisation sociale particulière : les morts sont enterrés selon deux principes : même emplacement pour la lignée (grands-parents, parents, enfants, petits-enfants ayant habité la même Maison), même rangée pour la Maison (cadets célibataires). Quant aux époux, réunis dans la vie, ils le sont dans la mort.

  • 12 Moreux C., Grandir à Dôle. Bonheurs et peines d’une jeunesse, 1928-1948, Besançon, Les éditions de (...)

21C’était aussi et c’est encore la Maison qui autorise l’accès aux estives, propriétés communales ou intercommunales connues ailleurs sous le terme de Vallée. Ajoutons un esprit Maison : on peut comparer la maysou ou la casa pyrénéenne à un château fort qui considère avec méfiance et même hostilité les autres Maisons, ce qui explique des relations conflictuelles entre unités domestiques et même intrafamiliales comme celles entre belle-mère et belle-fille de statuts différents et qui partagent le même espace. L’opposition nous/les autres a ici une valeur fonctionnelle fondamentale qui surdétermine l’ensemble des autres facteurs causals de l’activité sociale12.

Idéal et difficultés de la reproduction familiale

22Si le classement des unités familiales selon leur taille, leur composition et leurs fonctions est nécessaire, il n’est pas suffisant. La question de leur reproduction, autrement dit, de leur perpétuation, se posait, car toute société convaincue de la légitimité de ses conduites, du bien-fondé des valeurs qui l’anime et des buts qu’elle poursuit souhaite se perpétuer. Cette reproduction avait la caractéristique commune des sociétés paysannes où le social est en symbiose avec le territoire ; le bien foncier n’y est pas seulement une richesse, c’est un outil de travail. Reste que – et c’est une différence avec d’autres systèmes de dévolution – la propriété, qui se confondait avec l’exploitation, ne se divisait pas, du moins en théorie. Dans cette société à dévolution inégalitaire, le mariage acquérait ainsi une importance fondamentale puisqu’il permettait la reproduction à l’identique du groupe familial tout entier (mariage des cadets à l’aide d’une portion de la dot apportée par le conjoint de l’héritier ou de l’héritière, reproduction sociale du couple des héritiers). Le sort des cadets et cadettes exclus du patrimoine semblait se résoudre à un choix entre le départ et le célibat au service de la Maison. Autre caractéristique des Pyrénées : dans cette société où la résidence valait l’alliance et l’alliance valait la résidence, partir de la Maison équivalait à l’effacement rapide dans la mémoire généalogique. De façon générale, on peut dire que les relations entre les membres de la famille, s’ils n’étaient pas sous-tendus par une résidence commune ou proche, se distendaient rapidement. On tenait encore compte des seconds cousins s’ils habitaient un village ou une ville proche et si on avait des affinités avec eux (en particulier, si le partage de l’héritage n’avait pas été mal accepté). Au-delà, on connaissait la relation de parenté, mais elle n’était pas activée.

23Cette inégalité dans la transmission, ici l’aînesse intégrale, était réglée sous l’Ancien Régime par la coutume qui formalisait les usages venus (en principe) du peuple. Au XIIe siècle, sous l’influence de l’Église, on commença à adopter le droit romain, celui de Justinien qui substituait à l’autorité de la coutume l’autorité paternelle et qui, à la force de la coutume, opposait celle du testament. Le droit écrit avait un autre avantage : il permettait de conserver l’esprit des coutumes sinon tout à fait leur lettre. Comme le droit écrit était plus souple et autorisait d’autres activités que l’agriculture et l’élevage, il fut adopté dans la plaine et plus généralement à l’est de la Garonne. Là, l’héritier n’était pas obligatoirement le premier né mais on « faisait un aîné » de l’enfant qui semblait le plus apte à reprendre l’exploitation ou l’entreprise. Quant à la montagne et au piémont, ils restaient des conservatoires coutumiers mais, au fur et à mesure que l’on descendait vers la plaine, des mesures d’égalité pouvaient intervenir grâce au droit écrit. Sans aller aussi loin que l’égalité stricte ou réservée à un groupe de germains, et à l’aide des minutiers notariaux gardant trace des testaments et des contrats de mariage, on a pu observer que malgré un respect formel du droit écrit, on respectait, sous l’Ancien Régime, la coutume pyrénéenne de l’aînesse intégrale (ce qui laissait plus de chances aux cadets garçons pour s’établir) ; toutefois, profitant (peut-être) des troubles apportés à la transmission coutumière par les changements de régime, les pères désignèrent plus souvent un premier garçon comme héritier, ce qui fit plus de cadettes célibataires. Seules respectèrent le rang de naissance pour les filles premières nées, les Maisons plus aisées qui visaient plus le statut que l’argent (encore qu’un gendre était toujours choisi dans une meilleure famille et apportait donc plus d’argent pour les dots des cadettes de la famille).

  • 13 Claverie E., Lamaison P., L’impossible mariage. Violence et parenté en Gévaudan, 17e, 18e et 19e s (...)

24Dans cette société à système de parenté complexe, à filiation indifférenciée et soumise aux interdictions matrimoniales édictées par le droit canon, comment choisissait-on son conjoint ? Car, le système n’était pas gouverné uniquement par des règles d’exclusion. C’est ainsi que s’est posée la problématique des stratégies familiales. La notion centrale, comme dans le Gévaudan étudié par Elisabeth Claverie et Pierre Lamaison13, se trouve être le patrimoine. Comment le maintenir et si possible l’augmenter ? Comment choisir le meilleur parti pour l’héritier ou l’héritière selon leur statut économique, les réseaux d’alliance établis précédemment, l’importance du groupe familial et son prestige ? Pour la commune de Lomné, George Augustins a calculé la fréquence des relations triangulaires entre Maisons, autrement dit la configuration de leurs réseaux d’alliance. Elle est la plus élevée dans les « bonnes Maisons », la plus faible pour les Maisons pauvres et les Maisons plus riches qui vont chercher un conjoint plus aisé à l’extérieur des Baronnies. Les « bonnes Maisons » constituent ainsi l’ossature du village, d’autant plus solide qu’elle est renouvelée fréquemment. J’ai fait de même pour les formes du mariage à Laborde avant et après la Révolution et j’ai trouvé les mêmes caractéristiques de l’alliance à l’intérieur du village, la couronne matrimoniale se dessinant classiquement avec les communes limitrophes. Il existait donc deux niveaux du champ de l’alliance : la couronne matrimoniale dense et égale, et un réseau qui reliait de façon rare mais continue les meilleures Maisons des environs. Un trait différent pour notre terrain pourtant : trois mariages sur quatre se réalisaient avec les habitants des communes qui se partageaient la jouissance de la montagne de la Baronnie où paissaient bovins et ovins l’été. Ces cinq villages représentaient donc un niveau pertinent de la parenté en raison de l’ancienneté des alliances, de leur densité et du réseau qu’elles constituaient ; la jouissance commune de la montagne fournissait de nombreuses occasions de rencontres entre les habitants, que ce soit aux estives ou à Esparros pour régler les problèmes de gestion. Ainsi se trouvait justifiée l’analyse qui ne voyait pas dans le village un niveau significatif du fonctionnement des communautés pyrénéennes ; il se trouvait en deçà avec la famille et au-delà avec la vallée ou la communauté de jouissance de pâturages et de forêts.

Crises démographiques, économiques et politiques

25Un tel système familial et social, qui se voulait immuable, n’en était pas moins fragile, car son principe de reproduction à l’identique l’exposait à toutes les variations de la population, de l’environnement et de la législation. Or, il lui a fallu faire face à l’accroissement de la population dans la seconde moitié du XVIIIe siècle puis dans la première moitié du XIXe siècle, aux crises de subsistance régionales et nationales et aux bouleversements politiques de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle. La mission Baronnies a été l’occasion d’étudier de façon très précise l’impact de ces divers bouleversements et, en particulier, de voir en détail les conséquences de la modification des lois successorales.

Les créations de Maisons

26On sait que les cadets avaient traditionnellement le « choix » entre plusieurs destins : épouser un(e) héritier(e) et entrer dans sa Maison, demeurer célibataire et travailler au service de l’héritier, leur germain, et, dernière solution, partir à la recherche d’une nouvelle occupation. À la fin du XVIIIe siècle s’ajoutera à ces options la création de Maisons pour les garçons cadets.

27Les créations de Maisons quoique prohibées par la coutume n’étaient pas une solution inédite pour ces derniers. Avant la Révolution, l’étude des terriers et des minutiers montre que les créations furent assez nombreuses car elles profitaient d’un changement de mentalité plus favorable aux exclus de l’héritage. Ces derniers allèrent s’installer aux marges du terroir et par la colonisation des terres collectives, solution traditionnelle au Pays basque comme en Bigorre. C’est une possibilité déjà notée pour la fin du XVIIe siècle. Le cas de la vallée de Baïgorri en Basse-Navarre en est un exemple. Les cadets ont ainsi occupé de façon permanente l’habitat secondaire installé dans les zones foraines entre 700 et 1 000 mètres d’altitude (auparavant, la coutume leur donnait le droit de réclamer un lopin de terre qui leur permettait de vivre avec les droits d’usage sur les terres collectives). Les Aldudes (à plus de 700 mètres) se sont vu reconnaître l’autonomie municipale dans le courant du XVIIIe siècle. C’est le même processus qui a eu lieu en vallée d’Azun, l’une des sept vallées du Lavedan, la partie montagneuse la plus élevée des Pyrénées centrales, au sud de Lourdes. Là aussi, les cadets, avec la complicité des familles, ont occupé de façon permanente un habitat saisonnier fonctionnant de juin à septembre : ils ont pu le faire car ils étaient en charge du bétail et ne rentraient pas toujours dans la vallée. Trois hameaux se sont ainsi transformés en municipalités. Dans les Baronnies, la colonisation de l’Alat, replat bien exposé au bord de l’Aube et cadastré sur Esparros s’est effectuée au XVIIIe siècle. Ce même phénomène d’escalade de la montagne collective, ici intercommunale, reprendra au XIXe siècle et donnera naissance au hameau de la Goutille dont les habitants de Laborde disaient joliment : « Ils naissent et meurent à Laborde mais vivent à Esparros ». Viables dans un contexte économique favorable, ces nouvelles Maisons seront fragiles en période de crise. Pour Laborde, à l’inverse de la vallée d’Azun, la colonisation s’est effectuée trop tard. L’ouverture d’un marché extérieur du travail signera la mort de cette montée et les Maisons de la montagne deviendront des bâtiments d’exploitation.

28À ces Maisons dont la naissance est due à la croissance forte de la population s’ajoutèrent celles provenant du partage des propriétés permis par l’application des nouvelles lois successorales. À la Révolution, la stricte égalité entre héritiers fut proclamée dès l’an II et introduite dans le Code civil de 1804 avec, cette fois, la possibilité d’avantager dans une mesure réduite un enfant : soit un tiers pour une fratrie de deux, un quart pour une fratrie de trois et plus. Compte tenu de cette législation, certaines Maisons furent amenées à partager, ce qui entraîna un affaiblissement aux conséquences désastreuses pour leurs occupants. Partagèrent évidemment les Maisons qui n’avaient pas produit assez d’acquêts pour payer une dot intéressant une autre Maison et aussi celles qui avaient mis le bien-être de leurs enfants au-dessus de la position statutaire de la Maison. En outre, le recours à l’artisanat du textile pour les femmes, du bois pour les hommes, permettait aux plus modestes de s’installer au village sans recourir à une activité agropastorale. À Laborde, là où n’existaient que 56 Maisons en 1773, on en dénombrait 91 en 1826 et 138 en 1872. Beaucoup de ces Maisons seront parmi les plus fragiles et leurs filles ne pourront se marier faute de dot suffisante. On put ainsi voir des Maisons abriter trois générations de filles-mères à Laborde comme à Esparros.

L’émigration

  • 14 Etchelecou A., Transition démographique et systèmes coutumiers dans les Pyrénées occidentales, Par (...)
  • 15 Ces chiffres ne sont pas particuliers à la chaîne pyrénéenne à cette époque car une étude récente (...)

29Pour les garçons, l’émigration de travail était la solution la plus pratiquée depuis des siècles. On connaît la réputation des montagnes, réservoirs d’hommes14. Il y avait déjà des Pyrénéens originaires des Baronnies en Catalogne au XVIIe siècle. On trouve dans les minutiers rédigés au début du XIXe siècle trace d’anciens habitants installés en Andalousie qui reviennent lors des troubles consécutifs à la guerre avec l’Espagne. Que ce soit dans la plaine ou dans le piémont, l’émigration des cadets, sans que l’on connaisse leur éventuel établissement définitif et leur statut matrimonial, était importante (entre 56 % et 60 %15). Ainsi, à Laborde, entre 1800 et 1896, 322 garçons sur 571 quittèrent le village pour n’y plus revenir et 262 filles sur 499 prirent le même chemin.

30L’émigration définitive ne s’est pas tout de suite imposée aux montagnards. Ils ont pratiqué d’abord les départs saisonniers à la fois pour alléger les charges familiales et se constituer un pécule pour les célibataires ou le paiement des dettes pour les héritiers. Car l’étude fine des trajectoires de vie montre que les héritiers des petites Maisons et même des Maisons moyennes après 1 800 partaient pour quelques mois vendre leur production de vaisselle de bois ou leur force de travail. Au XVIIIe siècle, les cadets allaient faire les travaux en Espagne et écouler le produit de leur artisanat (le buis des forêts était réputé). Au XIXe siècle, en raison des difficultés politiques, ils allèrent travailler en France et firent entre autres du colportage d’imprimés. Ils pratiquèrent aussi l’émigration temporaire.

  • 16 Duroux R., Les Auvergnats de Castille. Renaissance et mort d’une migration au XIXe siècle, Clermon (...)
  • 17 Voir les travaux d’Annick Foucrier dont Le rêve californien. Migrants français sur la côte Pacifiq (...)
  • 18 Annales de démographie historique, no 1, 2000 : « Les Français d’Amérique ».

31Quand les solutions éprouvées (pluriactivité, travail temporaire et colportage pour survivre sur place) se révélèrent inefficaces, les destinations furent de plus en plus lointaines. La population qui, selon les endroits de la chaîne, était en pleine croissance depuis le XVIIe siècle, décrut dès 1834 dans certains endroits du piémont et dans les Baronnies en particulier. À la fin de la monarchie de Juillet, soit plus tard que pour les Basques et les Béarnais, les Bigourdans se tournèrent vers les petites villes du piémont et les métropoles régionales comme Bordeaux et Toulouse. Au temps de la Seconde République, ils migrèrent vers les pays étrangers, tels ceux issus de la fragmentation de l’empire espagnol en Amérique du sud pour lesquels la familiarité linguistique jouait. On connaît mieux maintenant les réseaux migratoires bigourdans fondés sur la classe d’âge et la famille en Uruguay puis en Argentine. Sont partis des agriculteurs mais aussi des artisans et on a pu montrer que l’on formait, par un apprentissage approprié, ceux qui devaient partir. Une émigration fondée sur le métier exista tout autant : la renommée du pain français étant bien établie, de nombreux boulangers bigourdans partirent outre-Atlantique comme ces boulangers auvergnats qui s’étaient installés en Castille au siècle précédent16. En Bigorre, existe un gros bourg, Ossun, dont certains ressortissants débarquèrent à Caracas pour travailler dans le commerce des grains et la boulangerie. Ils y furent si nombreux que les sœurs de Saint-Joseph de Tarbes y fondèrent un couvent et des institutions d’éducation et de soins. Puis au tournant du XIXe siècle, Basques, Béarnais et Bigourdans partirent pour les États-Unis, les uns comme bergers, les autres comme blanchisseurs17, retrouvant là d’anciens colons installés en Californie depuis la fin du XVIIIe siècle18.

  • 19 Bonnain R., « Vivre à Paris en 1900. Les Bigourdans dans le XIXe arrondissement de Paris », dans C (...)

32Les départs des habitants des Baronnies se multiplièrent au début du Second Empire, dans un contexte de paupérisation croissante, puis s’accélèrent sous la Troisième République sous la demande conjointe des industries et de l’État. C’est surtout l’action de ce dernier qui se révéla décisive car il recrutait pour ses services. Un courant migratoire bien ciblé visa Paris et l’on a pu suivre l’installation de ces Pyrénéens dans le XIXe arrondissement de la capitale, à la Villette, plus exactement, auprès des industries localisées près du canal de l’Ourcq et dans le voisinage immédiat de l’entreprise des Pompes funèbres générales. Un tissu serré et fonctionnel de liens de parenté spirituelle et réelle permettait aux exilés de surmonter les difficultés de l’installation dans une très grande agglomération19.

33Dès la fin de la première moitié du XIXe siècle et grâce aux études fines permises par les fiches de famille, on s’aperçoit que l’émigration ne concerna pas seulement les cadets mais que les aînés partirent aussi. Le modèle traditionnel de fonctionnement de la Maison s’effrita. Les habitations fermèrent progressivement, attendant la mort des parents dont la vieillesse fut veillée par une cadette que l’on avait gardée pour cet usage.

Le célibat

  • 20 Bourdieu P., « Célibat et condition paysanne », op. cit.

34Déjà en 1962, le sociologue béarnais Pierre Bourdieu avait publié son article « Célibat et condition paysanne20 » dans Études rurales où il mettait en évidence l’impossibilité d’établissement pour ceux qui demeuraient dans un village du piémont pyrénéen et l’équipe Baronnies arrivait dans un petit pays où venait de se tenir la première foire aux célibataires à Esparros. Contrairement à ce que l’on avait pu observer au XVIIIe et au XIXe siècle, deux mariages s’y étaient conclus et ils concernaient deux héritiers, ce qui était conforme à l’observation du sociologue.

  • 21 Les observateurs extérieurs de la société pyrénéenne s’étonnaient que le régime dotal puisse s’app (...)

35Aux époques précédentes donc, ceux et celles qui n’avaient pas une dot suffisante21, ceux que les parents avaient persuadés de rester avec eux pour travailler à la prospérité de la Maison ou pour s’occuper d’eux dans leur grand âge, restaient au foyer familial comme célibataires puisque, coutumièrement, la cohabitation de deux couples de même génération était prohibée. Double avantage pour la Maison : non seulement ces cadets travaillaient sans rétribution mais ils ne réclamaient pas leur part d’héritage et laissaient leurs droits au futur héritier dont ils étaient le parent par le sang et souvent par le baptême. On a beaucoup dit qu’ils étaient traités comme des domestiques. Le terrain dans les Baronnies nous a appris qu’il fallait nuancer cette affirmation. On avait besoin d’eux dans ce système agropastoral. Si les hautes vallées se sont montrées assez restrictives sur le plan de l’installation d’étrangers et sur celui du droit des cadets parce qu’elles avaient choisi de pratiquer seulement l’élevage, cela n’a pas été le cas dans le piémont où le mode de vie était mixte, les emblavures relativement importantes et où les cadets se voyaient chargés du bétail bovin et ovin. L’étude des familles indique, d’une part, l’intérêt que les parents montraient à leurs plus jeunes enfants (leur permettant de s’installer en créant une Maison) et, d’autre part, la solidarité des germains qui alla s’affirmant au cours du siècle en dépit de l’inégalité de statut créée par la position par rapport à l’héritage.

36Autre apport du terrain, les nuances apportées aux déclarations de certains quant au mariage en gendre. Le cadet qui se mariait dans une autre Maison était censé devenir le valet de sa femme ou, du moins, on lui en faisait la réputation. Or, il se pliait simplement aux lois régissant l’unité domestique où le père décidait des travaux à l’extérieur et des échanges. Quand le chef de Maison décédait, l’héritière devenait la daune (la dame) et le mari prenait le nom de Maison comme il a été dit plus haut. Ensuite, tout était affaire de caractère et d’éducation.

La « postérité » scientifique de l’enquête Baronnies

  • 22 Citons, entre mille, Les cadets (Segalen M., Ravis-Giordani G., dir.), Paris, Éditions du CNRS, 19 (...)

37L’enquête Baronnies a été une étape importante pour les membres de l’équipe comme nous le verrons plus loin et surtout, ce qui est plus essentiel, elle a compté pour la communauté scientifique des historiens et des ethnologues – sans oublier les historiens du droit de la famille qui ont été confortés dans leur choix de leur objet d’observation et avec lesquels nous avons établi des contacts. La région pyrénéenne a été à nouveau au centre de l’intérêt des chercheurs et a fourni le point d’ancrage de comparaison avec les pays du Nord et de l’Ouest de la France ainsi que de l’Europe du Nord, du Sud et de la Méditerranée quant au mode de reproduction familiale. Actuellement, elle fait l’objet d’études comparées non seulement en Europe mais aussi en Asie. Elle a fourni un cadre de référence pour les usages de la parenté, pour le mariage avec ses choix et ses obligations (en particulier sur la circulation des dots). Traitant de la reproduction familiale, les chercheurs se sont attachés à décrire la diversité et les conséquences des systèmes successoraux en regard de la coutume et du Code civil avec leur géographie, leurs transformations et leurs permanences, sans négliger de dégager la spécificité des systèmes sociaux des zones montagnardes et leur perpétuation. Au fil des recherches, la famille s’est imposée comme une figure incontournable pour les études économiques et sociales22.

38L’enquête a été aussi le point de départ d’un séminaire d’anthropologie historique sur les sociétés paysannes au Centre de recherches historiques de l’EHESS mené par Joseph Goy. Elle a été également maintes fois évoquée lors du séminaire d’Isac Chiva sur les sociétés paysannes.

  • 23 Citons quelques publications : Les Pyrénées et les Carpathes, XVIe-XXe siècles, Cracovie, Éditions (...)

39Il y a une dizaine d’années, les débats se sont orientés vers la place du marché dans les comportements familiaux et sur les migrations. Trois questions fondamentales ont été mises ainsi à l’ordre du jour : les rapports des familles avec les marchés qu’elles fréquentaient, les formes de propriété qu’elles connaissaient et les modes de transmission qu’elles adoptaient ; l’adaptation des familles au progrès économique et à l’instauration d’un système capitaliste ; le façonnement du destin des familles et l’infléchissement de leurs stratégies en raison de l’intrusion du marché et de l’évolution économique. Nombre de colloques ont traité de ces thèmes en France comme à l’étranger. Il faut signaler la fécondité des relations avec d’autres pays francophones au nombre desquels le Québec tient une place à part par l’antériorité des relations que nous avons établies avec la Belle Province. Pas moins d’une dizaine de rencontres entre chercheurs français, québécois, suisses, polonais, se sont tenues où les Pyrénées et leur organisation spécifique ont servi de point de comparaison23.

  • 24 Augustins G., Comment se perpétuer ? Devenir des lignées et destins des patrimoines dans les paysa (...)

40Pour George Augustins, ethnologue intéressé depuis toujours, selon ses propres termes, par les questions d’organisation sociale en ce qu’elles concernent tout à la fois les hiérarchies et la parenté et après un terrain exotique dans les hauts plateaux de Madagascar, les Baronnies ont été l’occasion de poursuivre et de préciser ses recherches théoriques sur la parenté et sur la perpétuation des Maisons patrimoniales. Il a ainsi présenté une thèse de doctorat sur La perpétuation des groupes domestiques dans les sociétés paysannes européennes24. Quittant provisoirement le terrain français, il est allé au Portugal pour étudier la mise en œuvre des hiérarchies sociales et de la différenciation sociale et culturelle. Enseignant à la chaire d’ethnologie de l’Université Paris 10, il a enrichi ses objets d’étude en se tournant vers le monde urbain.

  • 25 Fauve-Chamoux A., « Les structures familiales au royaume des familles-souches : Esparros », Annale (...)

41Antoinette Fauve-Chamoux, historienne et experte en matière de reconstitution des familles selon la méthode de Louis Henry, a beaucoup étudié les formes de la parenté, les structures familiales25, la transmission des rôles et des biens, l’histoire des femmes ainsi que les migrations. Pour elle, les Baronnies ont été un formidable point de comparaison avec l’Europe et le Japon dans l’étude des familles-souches, des femmes seules et des veuves, des servantes et des héritières, résultats qu’elle a exposés lors des séminaires à l’EHESS sur « Pouvoirs et dépendances au sein de la famille : perspectives comparatives (XVIe-XXe siècles) ».

  • 26 Bonnain R., « Les bonnes maisons : perception, expression et réalité de la stratification sociale  (...)

42Quant à mon trajet scientifique, de la sociologie du quotidien à l’ethnologie du domaine rural et à l’anthropologie historique, il ne se serait pas déroulé de cette façon sans l’expérience des Baronnies. J’avais pour mission de voir de près le système alimentaire local et ses transformations. Un séjour aux archives départementales m’avait permis de dégager l’aspect évolutif de ce système : adoption et rejet de certains aliments, distinction entre aliments centraux et secondaires, occasionnels et périphériques. L’étude sur le terrain m’avait apporté précisions et questions quant au système traditionnel pratiqué : repas quotidiens et festifs, séquence des plats lors des célébrations (fêtes calendaires et rites de passage). J’avais saisi dès le départ l’importance de l’élevage du porc comme pourvoyeur de protéines animales et de lipides, et la spécificité de la transformation de sa viande (techniques, consommations et pratiques rituelles et sociales). Participant aux pèle-porcs (nombreux pendant la saison hivernale de janvier à mars), j’avais noté l’importance du rôle du voisinage dans l’abattage, les repas offerts à cette occasion et les cadeaux tirés de l’animal dépecé et transformé (filet et boudin). Les voisins n’étaient pas invités à titre individuel mais se trouvaient comptabilisés en terme de maysou : les premiers voisins et les seconds voisins apportaient leur force de travail à l’unité domestique qui sacrifiait son cochon. Ils étaient remerciés par une invitation aux repas pris pendant les deux jours que duraient la tuerie et la préparation des salaisons des boudins, des saucisses et des pâtés. La distinction entre premiers et seconds voisins qui s’appuyait sur la proximité (et l’ancienneté) avait été bouleversée par l’exode rural et la professionnalisation des ruraux. Elle se reconstruisait sur d’autres critères plus individualistes comme l’amitié et la compétence. Intervenait, aussi, dans la fête mais avec une moindre part la parenté proche et locale (ce qui n’était pas le cas quelques dizaines d’années auparavant, quand les quartiers étaient plus peuplés et que les alliances se faisaient beaucoup dans la couronne matrimoniale). J’avais été conduite, tout naturellement pourrait-on dire, à observer les relations entre Maisons voisines, les pratiques et les sens du voisinage, les principes non écrits de la réciprocité à l’occasion des travaux agricoles (dont faisait partie l’abattage du cochon), des rites de passage – les funérailles, en particulier – et de la sociabilité orale quotidienne qui jouait un si grand rôle dans la communication. J’avais cartographié toutes les habitations et identifié leur nom (ce qui me donna l’occasion d’écrire un nouvel article sur ces repères spatiaux personnalisés et rattachés à une histoire familiale qui montra que ce système d’appellations était commun aux cinq communes de la cuvette). Les funérailles m’avaient conduite au cimetière et j’avais retrouvé et l’organisation familiale, et l’organisation sociale de la communauté. En parlant des maisons avec les habitants de Laborde, revenait souvent l’expression bonnes maisons qui renvoyait à un classement en termes de hiérarchies sociales profondément ancré dans l’histoire du village. La Maison constituait bien « un système de représentations rendant compte de tous les éléments de la vie villageoise et de ses problèmes présents et passés : localisation, étendue et valeur des terres ; continuité et destin des familles à travers leurs stratégies matrimoniales ; leurs occupations professionnelles et le départ de leurs membres ; les modifications et les altérations du régime successoral ; l’accès aux responsabilités collectives et politiques26 ».

43Ce dernier travail, parce qu’il m’avait conduit à interroger certaines sources archivistiques, en particulier le terrier de 1773 de la baronnie d’Esparros et la série Q des archives départementales, a été l’occasion, pour moi, d’interroger l’Histoire et de dépasser son utilisation en tant que chronologie – ce que permettait la fréquentation des archives –, mais surtout de m’intéresser à de nouvelles questions (en tenant compte de l’histoire des idées et des institutions pour interpréter les textes qui pouvaient m’éclairer sur des réalités passées). J’ai aussi beaucoup appris des historiens démographes et de leurs exigences comptables lorsqu’il a fallu estimer l’influence de la démographie sur l’observation de la coutume quant au mariage et plus largement sur le système successoral et son application en matière de mariage.

  • 27 Bonnain R., « Houses, Heirs and non-Heirs in the Adour Valley : Social and Geographic Mobility in (...)

44La présence de Gilles Sautter dans l’équipe m’a incitée à « territorialiser » mon approche des niveaux de relation et les fondements de l’identité locale qui s’actualisent dans les rapports entre gens d’ici et gens d’ailleurs. J’ai donc pratiqué la pluridisciplinarité comme addition de contributions spécifiques sur un même objet. C’est dans une perspective comparatiste que j’ai choisi d’aller travailler sur un village de la plaine proche des centres urbains27 pour comparer les formes migratoires selon la position par rapport à l’héritage et l’influence de la propriété collective sur les rapports entre héritiers et cadets.

*

45Que tirer de l’expérience Baronnies et de ses prolongements ? Si elle a été si féconde pour nous et pour les autres chercheurs, puisqu’elle a permis de renouveler les problématiques, c’est qu’elle s’est produite à un moment où les sciences sociales se développaient et profitaient des expériences précédentes, quand la formation des scientifiques s’appuyait sur un socle commun et sur leur histoire au sein d’institutions qui communiquaient, quand les chercheurs parlaient le même langage et quand les moyens financiers étaient présents. L’on pourrait appeler cela un « âge d’or », un moment passé de la recherche.

Bibliographie

Travaux sur les Baronnies

Chiva I., Goy J. (dir.), Les Baronnies des Pyrénées, volume 1 : Maisons, mode de vie, société, Paris, Éditions de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, 1981.

Chiva I., Goy J. (dir.), Les Baronnies des Pyrénées, volume 2 : Maisons, espace, famille, Paris, Éditions de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, 1986.

Notes

1 La zone test fut le Pays de Sault (Aude) placée sous la responsabilité de Daniel Fabre.

2 Or, la petite région, bien que marginalisée économiquement, n’avait rien d’un isolat comme les historiens, démographes et ethnologues le démontreront très vite. Ce qui explique peut-être le désintéressement postérieur des biologistes et des médecins et la non-remise de leurs résultats finaux.

3 Bonnain R., « De l’apprentissage des archives pour une ethnologue (1974-2003) », Ateliers du LESC, no 32 : L’ethnologue aux prises avec les archives, 2008.

4 Augustins G., « Maison et société dans les Baronnies au XIXe siècle », dans Les Baronnies des Pyrénées (Chiva I., Goy J., dir.), volume 1, Paris, Éditions de l’EHESS, 1981, p. 21-122.

5 Bonnain R., « Les transformations de l’alimentation paysanne dans les Baronnies des Hautes-Pyrénées depuis l’entre-deux-guerres », Ethnologie française, volume 10, no 3, juillet-septembre 1980, p. 303-318, et « Le pèle-porc dans les Baronnies », dans Les Baronnies des Pyrénées, volume 1, op. cit., p. 195-218.

6 Bonnain R., « Une économie de la sociabilité », dans Les Baronnies des Pyrénées, volume 1, op. cit., p. 169-184.

7 Bonnain R., « Les bonnes maisons : perception, expression et réalité de la stratification sociale d’un groupe villageois », dans Les Baronnies des Pyrénées, volume 1, op. cit., p. 123-168.

8 Augustins G., « Un point de vue comparatif sur les Pyrénées », dans Les Baronnies des Pyrénées (Chiva I., Goy J., dir.), volume 2, Paris, Éditions de l’EHESS, 1986, p. 201-214.

9 Bourdieu P., « Célibat et condition paysanne », Études rurales, no 5-6, 1962, p. 32-135.

10 Ce nom n’est jamais matérialisé sur les murs, juste sur les adresses pour aider un nouveau facteur car les patronymes ne sont pas nombreux.

11 À ce sujet, voir le remarquable ouvrage de Moreux C., Être maire en Béarn. Du seigneur à l’entrepreneur, 1944-1989, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, coll. Socio-logiques, 2008.

12 Moreux C., Grandir à Dôle. Bonheurs et peines d’une jeunesse, 1928-1948, Besançon, Les éditions de Franche-Comté, 2007, p. 147.

13 Claverie E., Lamaison P., L’impossible mariage. Violence et parenté en Gévaudan, 17e, 18e et 19e siècles, Paris, Hachette, 1982.

14 Etchelecou A., Transition démographique et systèmes coutumiers dans les Pyrénées occidentales, Paris, Presses Universitaires de France-INED, coll. Travaux et documents, 1995.

15 Ces chiffres ne sont pas particuliers à la chaîne pyrénéenne à cette époque car une étude récente a montré que les deux tiers des enfants quittaient leur village de naissance, mais dans ce chiffre sont compris les mariés sur place et dans les villages environnants.

16 Duroux R., Les Auvergnats de Castille. Renaissance et mort d’une migration au XIXe siècle, Clermont-Ferrand, Association des Publications de l’Université Blaise-Pascal, 1992.

17 Voir les travaux d’Annick Foucrier dont Le rêve californien. Migrants français sur la côte Pacifique, XVIIIe-XXe siècle, Paris, Belin, coll. Cultures américaines, 1999.

18 Annales de démographie historique, no 1, 2000 : « Les Français d’Amérique ».

19 Bonnain R., « Vivre à Paris en 1900. Les Bigourdans dans le XIXe arrondissement de Paris », dans Cultures et solidarités dans les Pyrénées centrales et occidentales. 56e congrès régional de la Fédération historique de Midi-Pyrénées, juin 2005, Orthez, Fédération Historique de Midi-Pyrénées-Société académique des Hautes-Pyrénées, 2007, p. 69-86.

20 Bourdieu P., « Célibat et condition paysanne », op. cit.

21 Les observateurs extérieurs de la société pyrénéenne s’étonnaient que le régime dotal puisse s’appliquer aux hommes.

22 Citons, entre mille, Les cadets (Segalen M., Ravis-Giordani G., dir.), Paris, Éditions du CNRS, 1994.

23 Citons quelques publications : Les Pyrénées et les Carpathes, XVIe-XXe siècles, Cracovie, Éditions scientifiques de Pologne, Cahier de l’Université Jagellonne, 1981 ; Los Pireneos. Estudios de Antropologia Social e Historia. Actes du colloque de Madrid de 1981, Madrid, Casa de Velasquez-Universidade Complutense, 1986 ; La société rurale dans la France de l’Ouest et au Québec (XVIIe-XXe siècles). Actes des colloques de Paris de 1979 et 1980 (Goy J., Wallot J.-P., dir.), Montréal-Paris, Université de Montréal-Éditions de l’EHESS, 1981 ; Évolution et éclatement du monde rural, France-Québec (XVIIe-XXe siècles). Actes du colloque de Rochefort de juillet 1982 (Goy J., Wallot J.-P., dir.), travaux rassemblés par R. Bonnain, Paris-Montréal, Éditions de l’EHESS, 1986 ; Sociétés villageoises et rapports villes-campagnes au Québec et dans la France de l’Ouest (XVIIe-XXe siècles). Actes du colloque franco-québécois de Québec de 1985 (Lebrun F., Seguin N., dir.), Trois-Rivières-Rennes, Centre de recherche en études québécoises, Université du Québec à Trois-Rivières-Presses Universitaires de Rennes 2, 1987 ; Famille, économie et société rurale en contexte d’urbanisation (XVIIe-XXe siècles). Actes du colloque d’histoire comparée Québec-France de Montréal de 1990 (Bouchard G., Goy J., dir.), Chicoutimi-Paris, Centre interuniversitaire SOREP-Éditions de l’EHESS, 1990 ; Transmettre, hériter, succéder. La reproduction familiale en milieu rural France-Québec (XVIIIe-XXe siècles). Actes du colloque d’Annecy de 1991 (Bonnain R., Bouchard G., Goy J., dir.), Paris-Lyon, Éditions de l’EHESS-Presses Universitaires de Lyon, 1992 ; Les exclus de la terre en France et au Québec (XVIIe-XXe siècles). Actes du colloque de Montréal de 1997 (Bouchard G., Dickinson J., Goy J., dir.), Sillery, Septentrion, 1998 ; Famille et marché (XVIe-XXe siècles). Actes du colloque de Montréal de 2002 (Dessureault C., Dickinson J., Goy J., dir.), Sillery, Septentrion, 2003 ; Famille, terre et marché, logiques économiques et stratégies dans les milieux ruraux (XVIIe-XXe siècles). Actes du colloque de Paris de 2002, (Béaur G., Dessureault C., Goy J., dir.), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2004 ; Marchés, migrations et logiques familiales dans les espaces français, canadien et suisse (XVIIIe-XXe siècles). Actes du colloque de Genève de 2005 (Head A. L., Lorenzetti L., Goy J., dir.), Bern, Peter Lang, 2005.

24 Augustins G., Comment se perpétuer ? Devenir des lignées et destins des patrimoines dans les paysanneries européennes, Nanterre, Société d’ethnologie, 1989.

25 Fauve-Chamoux A., « Les structures familiales au royaume des familles-souches : Esparros », Annales ESC, volume 39, no 3, 1984, p. 513-528.

26 Bonnain R., « Les bonnes maisons : perception, expression et réalité de la stratification sociale », dans Les Baronnies des Pyrénées, volume 1, op. cit., p. 123-168.

27 Bonnain R., « Houses, Heirs and non-Heirs in the Adour Valley : Social and Geographic Mobility in the Nineteenth-Century France », The History of the Family, volume 1, no 3, 1996, p. 273-295, et « Household mind and the ecology of the central Pyrenees in the 19th century: Fathers, sons and collective landed property », The History of the Family, volume 10, no 3, 2005, p. 249-270.

Auteur

Ethnohistorienne, maîtresse de conférences, école des hautes études en sciences sociales, Centre de recherches historiques (CRH), UMR CNRS 8558 (EHESS/CNRS), Paris.

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