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En France rurale

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Jean-François Simon
, 
Bernard Paillard
, 
Laurent Le Gall

Matériaux témoignages de quelques enquêteurs

Plozévet : du hasard à l’attachement

Bernard Paillard

Texte intégral

1Mon arrivée dans l’aventure plozévétienne relève du pur hasard alors que j’étais étudiant en sociologie à Rennes. J’y avais commencé une licence de psychologie qui, à l’époque, comportait cinq certificats. Boursier, je devais obtenir au moins deux d’entre eux chaque année, ce qui me donnait la possibilité d’engager une troisième année en m’inscrivant dans une autre licence. C’est ce que je fis en entreprenant une licence de sociologie pendant l’année universitaire 1964-1965 et en passant le certificat de sociologie générale. Sa réussite me donnait la possibilité d’obtenir une quatrième année de bourse. Mais pas plus. Aussi, il était clair qu’au 1er janvier 1967, sans les subsides de l’État, je devais avoir trouvé un travail.

  • 1 Le repas du restaurant universitaire coûtait 1,20 franc, soit un peu plus de 70 francs par mois ; (...)

2Bénéficiant d’une bourse dont le montant exact m’échappe, j’arrivais, cependant, à tenir un budget très serré durant l’année universitaire, limitant mes dépenses au strict nécessaire1. Restait la question des « grandes vacances », près de trois mois à remplir dont deux comme moniteur de colonie de vacances, ce qui m’assurait un dépaysement estival gratuit, montagnard puis maritime. Et une petite rémunération complétée par d’éventuels autres « petits boulots ». Au printemps 1965, anticipant l’obligation d’entrer dans la vie professionnelle à courte échéance, j’avais abandonné l’idée de ce monitorat au bénéfice d’un stage professionnel pendant l’été, un possible prélude à une embauche.

Où j’entends parler pour la première fois de Plozévet

  • 2 Georges Lapassade (1924-2008), fils de petit paysan, poursuit des études de philosophie après un p (...)
  • 3 Georges Lapassade et Edgar Morin se connaissaient depuis 1959 ; ils s’étaient rencontrés à Stresa (...)
  • 4 Depuis 1962, Georges Lapassade animait des sessions de formation à l’Union nationale des étudiants (...)

3C’est dans un tel état d’esprit que j’accueillis la proposition d’un Georges Lapassade2 qui, au printemps de 1965, de retour de Plozévet, fomentait le projet d’une enquête parallèle à celle menée là-bas par Edgar Morin3. Si le nom de Lapassade ne m’était pas inconnu4, celui de Morin m’était complètement étranger. Quant à Plozévet, aucun de mes enseignants, pourtant des « turbo-profs » parisiens, n’était au courant de la vaste enquête interdisciplinaire.

Georges Lapassade et sa contre-enquête

  • 5 Lewin K., Field Theory in Social Science, New York, Harper and Row, 1951.

4Quelles raisons avaient poussé Georges Lapassade à monter cette quasi-contre-enquête ? En venant à Plozévet, il comptait rallier Edgar Morin à une nouvelle méthode venue d’outre-Atlantique : l’action research dont un des promoteurs était le psychosociologue Kurt Lewin5. Une recherche-action qui, loin de se contenir dans l’observation distanciée, entendait intervenir dans et sur la réalité analysée dans le but de la transformer. Les prétentions lewiniennes se limitaient à des groupes restreints devant affronter en commun des problèmes spécifiques ; Georges Lapassade, lui, introduisait une dimension sociologique et politique. Luttant contre toute forme de bureaucratisme, il faisait de l’intervention psychosociale LE levier qui devait ouvrir la voie à une transformation autogestionnaire de la société.

  • 6 La sympathie et le soutien qu’Edgar Morin manifesta pour ce comité des jeunes furent à l’origine d (...)

5Arrivant à Plozévet, Lapassade voulait donc expérimenter ce qu’il appelait l’analyse institutionnelle. Une expérimentation proposée à l’auteur des Stars qui devait aboutir à la création d’un comité des jeunes de Plozévet6 et qu’il entendait poursuivre en menant un travail parallèle à celui d’un Morin peu enthousiasmé par des perspectives aussi radicales (car partisan d’une intervention sociologique beaucoup plus soft et moins idéologiquement marquée).

Recruter des enquêteurs pour une recherche-action

6Pourquoi avait-il jeté son dévolu sur les étudiants rennais ? L’anecdote est assez savoureuse. À Plozévet, Georges Lapassade avait fait la connaissance de quelques étudiants qui, sachant qu’il devait passer en Bretagne, avaient décidé de le rencontrer. Saisissant illico l’occasion, Georges Lapassade les emmena voir Edgar Morin au prétexte fallacieux qu’ils avaient fait le déplacement spécialement et uniquement dans ce but.

  • 7 Convocation faite au siège de l’Association générale des étudiants rennais, l’AGER affiliée à l’UN (...)
  • 8 Les jeunes filles devant assurer l’intendance, ce qui suscita murmures et protestations de leur pa (...)

7Sommé de raconter l’enquête, la naissance du club des jeunes, Edgar Morin, qui devait quitter Plozévet le lendemain, s’évertua à clore la conversation le plus rapidement possible en prenant l’adresse d’un des étudiants. Celui-ci s’imaginait qu’un chercheur au CNRS pouvait trouver facilement des stages professionnels pour l’été. Et, durant plusieurs jours, voici nos étudiants rennais embarqués dans l’aventure du comité des jeunes naissant. C’est dans ce contexte que Georges Lapassade se présenta aux étudiants rennais7 en leur exposant le principe d’une vaste enquête « autogérée ». Il imaginait de jeunes enquêteurs vivant sous tente8, chargés de faire « jaillir » la parole sociale d’un Plozévet placé aux avant-postes d’une nouvelle façon de développer les sciences humaines. Et il promettait financement et rémunérations.

8À la recherche d’un stage professionnel d’été, je m’inscrivis, avec deux autres personnes, dont l’apprenti sociologue, Jean-Yves Martineau, présent dans l’escapade plozévétienne. Cette perspective d’une enquête de « terrain », sur laquelle cependant je n’avais guère de lumières, me plaisait davantage que celle d’enquêtes alimentaires de marketing – ma première expérience en ce domaine, une enquête par questionnaire sur les boutons vestimentaires, m’ayant laissé un très mauvais souvenir. C’était une façon de travailler que j’excluais de mon devenir professionnel : elle était contraire à mes aspirations, voire à mes convictions idéologiques. J’étais plus intéressé par des recherches portant sur des problèmes plus cruciaux pour le devenir de la société française et déployant d’autres méthodes comme l’interview à laquelle nous avions été formés.

Edgar Morin se manifeste

9Assez rapidement, Lapassade disparut du paysage, ne donnant aucune suite à nos divers courriers. En fait, de retour à Paris, il tenta d’intéresser, en vain, Jean Stoetzel, un des commanditaires des enquêtes plozévétiennes. La virtualité d’un stage d’été s’évanouissant, je commençai à envisager un retour vers les colonies de vacances. Jusqu’au jour où, en juin, Jean-Yves Martineau reçut une carte postale d’Edgar Morin. Au dos d’une photo montrant une Brigitte Bardot pudiquement dévêtue, quelques mots du sociologue qui, pris par l’enquête, séduit par Plozévet, et ayant réussi à avoir une rallonge de crédits, cherchait des étudiants pour sa campagne d’été. Lapassade évaporé, j’optai pour Morin ne sachant pas si j’avais les qualités requises pour être un « sociologue dragueur », comme il le disait avec humour, à côté de « sociologues allumeuses ». Edgar Morin me recruta donc pour une étude sur « le moderne », sans autre précision. Je ne savais pas ce que j’aurais à faire. Je n’avais aucune idée du montant de ma rémunération ni de la durée de mon contrat.

Où il n’est question que de hasards

  • 9 Lapassade revenait du congrès de Bordeaux de l’UNEF où il avait rencontré Jean-Louis Peninou et où (...)

10Ainsi débuta mon aventure plozévétienne, résultat d’une rencontre imprévisible entre plusieurs logiques : le passage de Lapassade à Plozévet9 ; la naissance de son comité des jeunes ; l’idée lapassadienne de contre-enquête ; la rencontre des étudiants rennais avec Lapassade ; la demande de stage faite par Jean-Yves Martineau à Morin ; le désir de celui-ci de développer une enquête conçue, au départ, comme courte et très secondaire par rapport à ses autres préoccupations ; la rallonge de crédits qui lui fut accordée. Et, en ce qui me concerne, le besoin de gagner de l’argent pendant l’été et le souhait de trouver un stage professionnel.

Première rencontre avec Edgar Morin (11 juillet 1965)

11Débarquant à Plozévet au milieu de l’après-midi du dimanche 11 juillet 1965, endimanché comme pour un mariage auquel j’avais assisté la veille dans la baie de Douarnenez, ayant pris pour la première fois de ma vie un taxi pour me conduire à Pors Poulhan où Morin résidait, je trouvai d’abord porte close avant de voir pénétrer dans ce petit penty, plus d’une heure après le rendez-vous convenu, deux femmes chapeautées de grands sombreros. Me hasardant à entrer à mon tour, j’étais bien chez Edgar Morin, qui, barbe au vent et casquette de marin, fit son apparition à son tour une heure plus tard. J’imaginai alors être initié à l’enquête séance tenante, devant retourner à Quimper par le car du soir. En fait, après quelques présentations d’usage, Edgar Morin me demanda si j’allais au bal du soir. Surpris, je balbutiai un « Sans doute, oui », bien que ne sachant pas de quoi il s’agissait et où je passerais la nuit…

12C’est donc au bal de la « classe 66 » que j’ai assimilé quelques bribes du travail qui m’attendait. Une initiation entrecoupée de farandoles dans lesquelles de jeunes Plozévétiens entraînaient le « Capitaine Haddock » (l’ainsi dénommé Edgar Morin par les jeunes) et moi-même. Il s’agissait d’étudier le moderne ! Avec les autres recrutés, dont Jean-Yves Martineau, nous serions disséminés dans des hameaux de la commune, en charge d’étudier le milieu paysan tout en « observant » l’été plozévétien (rapports entre estivants et autochtones, les vacances des jeunes, etc.) et en suivant ce fameux comité des jeunes dont la naissance avait tout déclenché.

13Mes premières impressions ? Je jugeai l’été peu favorable à une étude sur les paysans. Je compris aussi que nous serions pratiquement abandonnés à nous-mêmes, l’ancienne équipe partant en vacances. Un peu rassuré cependant : Morin devait nous rédiger un « Mémento de l’enquêteur », véritable viatique pour les débutants que nous étions. Je ne sais plus si le montant de ma rémunération avait été évoqué, ce qui m’était pourtant important, comptant sur cet argent pour améliorer mon ordinaire. Et si j’avais trouvé Edgar Morin quelque peu désinvolte, sa décontraction, sa familiarité avec les jeunes et les autres Plozévétiens m’avaient quelque peu charmé : j’avais une sainte horreur des personnages guindés et cravatés.

Mon installation à Plozévet

  • 10 Qui, plus tard, deviendra le « Plan urbain ».
  • 11 Suite à ce premier contrat, le contact fut repris fin 1966 par Lucien Brams, la Mission de la rech (...)

14Je retrouvai Plozévet trois semaines plus tard, après avoir rendu le rapport d’une autre enquête que mes enseignants rennais m’avaient confiée (enquête par entretien sur l’urbanisation à Rennes, étude commandée par la Mission de la recherche urbaine du ministère de l’Équipement et du logement10). Travail de commande, il aurait pu m’ouvrir une autre perspective professionnelle11, à l’heure où les ministères, singulièrement celui de l’Équipement, faisaient appel aux sociologues, créant ainsi un volant de chercheurs contractuels dont certains allaient intégrer le CNRS au début des années 1980. L’époque était donc favorable à la constitution d’un milieu professionnel de spécialistes. Un contexte national, dont la fenêtre ne dura qu’une dizaine d’années mais dont je pus profiter, et qui décida de mon orientation vers la recherche. Il en est bien autrement ces jours-ci…

  • 12 Jean-Louis Peninou, étudiant en sociologie à la Sorbonne, avait été engagé par Edgar Morin pour dé (...)
  • 13 Christian Topalov, collègue de Jean-Louis Peninou, militait aussi à la Fédération des groupes d’ét (...)

15J’arrivai donc à Plozévet au début du mois d’août où seul Jean-Louis Peninou, chargé d’installer les enquêteurs de l’été, était encore sur place12. Nous nous sommes retrouvés dans différents villages de la commune, villages choisis en fonction de leur particularité tant il est vrai que, sur un même espace, on trouvait de très grandes différences entre un hameau de la côte comme Brumphuez où vivaient surtout des agriculteurs qui se consacraient aux primeurs et celui de Kermenguy, à l’intérieur des terres, voué à la petite polyculture sur de minuscules tenures. Je choisis de m’installer là, accueilli dans une famille d’agriculteurs dont j’ai partagé la quotidienneté pendant plusieurs mois. Christian Topalov, étudiant sorbonnard lui aussi recruté, vint m’y rejoindre de temps en temps13.

  • 14 Morin E., « Mémento de l’enquêteur », dans Journal de Plozévet. Bretagne, 1965, op. cit.

16Sa mission terminée, Peninou avait quitté les lieux et la toute nouvelle équipe était restée livrée à elle-même avec pour consigne ce fameux document dactylographié, le « Mémento de l’enquêteur ». Edgar Morin y avait précisé ses méthodes d’investigation, les trois voies comprenant : l’observation, que plus tard il fut convenu d’appeler « observation participante » ; les entretiens approfondis ; l’intervention sociologique (« une aide non-orientée et non-directive, l’échange d’informations et de savoirs. Nous devons donc être amenés, de manière officieuse, à faire connaître les données des enquêtes multidisciplinaires qui peuvent intéresser tel ou tel groupe. Principe déontologique : redistribution du savoir acquis auprès des intéressés sous forme de reconceptualisation14 »). Dans ce même document, un guide thématique nous précisait les thèmes à explorer, les questions à poser lors des entretiens, les groupes sociaux sur lesquels nous devions focaliser notre attention, etc., bref, un nombre assez considérable de points qu’il me semblait assez difficile de traiter dans un laps de temps aussi court. Edgar Morin nous avait demandé par ailleurs de tenir un « journal d’enquête » où devaient être notées, quotidiennement, nos observations de la journée, nos réflexions sur le travail, sur les hypothèses, sur les axes à développer.

17Une assez grande marge de manœuvre nous était accordée. Je dirais même une très grande liberté en raison de l’absence de Morin et de l’équipe précédente. Cette autonomie avait aussi un revers : livrés à nous-mêmes, nous devions nous organiser, nous auto-organiser… et mener un travail sans grands moyens, les crédits affectés pour acheter ne serait-ce que les bandes magnétiques ou les piles des magnétophones tardant à arriver. C’est dans ces conditions que nous avons dû réenregistrer sur les mêmes bandes (d’où la perte d’enregistrements pourtant précieux), user les piles jusqu’à leur totale extinction (d’où le ralentissement du son allant de plus en plus vers le grave), enregistrer à faible vitesse (d’où une perte de qualité).

Une enquête initiatique

18De telles conditions conférèrent à mon séjour plozévétien une valeur quasi initiatique. Et, si tel est souvent le cas lors d’une première enquête conséquente, celle dans laquelle je m’étais engagé avec Edgar Morin détonnait par l’ampleur de ses questionnements et par l’originalité des méthodes préconisées.

19Il s’agissait d’étudier le « moderne ». Notion floue qui se déployait en de multiples dimensions techniques, économiques, sociales, culturelles, psychologiques, etc. Et qui traversait, selon leurs modalités propres, les différents groupes sociaux, notamment les femmes qui aspiraient à de profonds changements dans leurs conditions domestiques et les jeunes, emportés par une revendication à l’autonomie (nous étions trois ans avant Mai 68).

20Ce fut, pour moi, un apprentissage radical de l’enquête sur le terrain, avec une présence 24 heures sur 24, une vie chez l’habitant, une participation à la vie collective et aux divers travaux, à l’organisation de petits événements locaux. Une vie qui, ma foi, me plaisait. Elle me faisait rencontrer des personnes différentes de mon milieu (même si j’avais quelques accointances avec le monde rural) et me permettait d’aborder et d’approfondir des problèmes concrets. En plus, elle satisfaisait mon goût pour la Bretagne et sa culture, choses que j’avais découvertes très jeune en colonie de vacances et que cultivait la britanophilie de mon père.

21Ce fut donc une période heureuse bien que difficile en raison de l’isolement et de l’absence du responsable de l’enquête : un Edgar Morin que je ne découvris que fin septembre, lorsqu’il revint quelques jours à Plozévet. Il connaissait notre travail qu’il suivait grâce à l’envoi régulier de notre « journal d’enquête ». Cette rencontre me marqua à jamais, comme une empreinte selon la conception de Lorentz, à une période où, au seuil de la vie professionnelle, il convenait de trouver son orientation. Edgar Morin me fascina alors de plusieurs façons : par sa personnalité, son goût du concret qui allait de pair avec celui pour les idées fondamentales et pour la théorie, par sa culture, son intérêt pour les sciences de la nature (que je n’ai jamais abandonnées), son humour, par la liberté qu’il nous laissait, par sa décontraction. Par sa facilité de contact avec les gens, grandement aidé en cela par sa compagne d’alors, feue Johanne Harelle, dont beaucoup de Plozévétiens ont conservé un souvenir impérissable.

Un questionnement tous azimuts

22Morin me surprit aussi dans sa façon d’envisager l’enquête, de la penser comme une sorte de pré-enquête permanente où les questionnements naissaient et renaissaient en fonction des problèmes rencontrés selon une vision stratégique qui s’adaptait aux découvertes, aux aléas et aux contraintes du milieu. Autre point à signaler : la conception d’une réalité multidimensionnelle qui s’émancipait des catégories disciplinaires. Au-delà du déploiement de techniques d’enquête, la recherche devenait une aventure où l’esprit de découverte devait être en éveil permanent et où chacun devait faire preuve d’initiatives (il ne s’agissait pas d’occulter sa subjectivité, cette alliée indispensable lorsqu’elle est curiosité tout en sachant l’endiguer par une autoanalyse permanente afin de résister au risque d’enfermement rationalisateur). On reconnaîtra là un des préceptes de l’ethnométhodologie – toujours considérer la position du chercheur – ; une idée que développait Edgar Morin à l’époque alors même que l’ethnométhodologie était inconnue en France…

Enquête et action sociale

  • 15 Une façon de développer ce « Cinéma-Vérité » qu’il avait initié avec Jean Rouch lors du tournage d (...)
  • 16 En réalité, un seul Plozévétien fut intégré à l’équipe : Jean-Claude Stourm, alors jeune enseignan (...)

23Un autre aspect m’intéressa. L’enquête ne se voulait pas seulement une observation froide et extérieure. Edgar Morin caressait en effet l’idée d’impliquer des Plozévétiens dans l’enquête, de faire faire des sortes d’auto-enquêtes par des groupes sociaux (jeunes, femmes, instituteurs, paysans, etc.), voire de les munir d’une petite caméra en vue de réaliser des montages sur leur vision des problèmes et de l’avenir de Plozévet15. Il avait été même envisagé de réunir des « états généraux de Plozévet » où chercheurs et habitants de la commune auraient débattu de leurs analyses respectives16.

24Si cet interventionnisme sociologique n’eut qu’une ampleur vraiment très limitée et s’il suscita pas mal de remous sur place, il correspondait pourtant à une de mes aspirations. Elle se nourrissait tant de ma formation en psychologie sociale et en dynamique de groupe que d’une orientation militante.

La place de l’enquêteur

  • 17 Que nous appelions « carte de relation ».

25Curieusement, tout ceci résonnait en moi de façon assez familière et, comme stipulé ci-dessus, pas seulement en raison de ma formation universitaire. Depuis la classe de quatrième, je faisais partie d’un mouvement de jeunesse, la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC), qui nous apprenait à « Voir », c’est-à-dire à observer, à « Juger », c’est-à-dire à analyser, avant d’« Agir » en vue de rendre un monde plus solidaire et fraternel. Cette pédagogie militante pouvait s’appuyer sur certaines techniques de la psychosociologie américaine. C’est elle qui m’initia, par exemple, au sociogramme de Jacob-Levy Moreno17, cette façon de tracer les liens sociaux d’une personne avec ses entourages, avant même d’aborder, en faculté, l’œuvre dudit auteur. Si j’ai pu établir à Plozévet des sociogrammes, c’est grâce à cet apprentissage militant et non en raison d’un enseignement universitaire. Ce mouvement nous avait appris à tenir une sorte de carnet de bord ; pas un journal intime au sens où certains adolescents aiment confier au papier leurs aventures ou leurs idées personnelles, mais un journal d’observations de la réalité scolaire puis universitaire. Aussi, ne fus-je pas dépaysé lorsqu’Edgar Morin demanda à chaque enquêteur de tenir son « journal d’enquête » alors même que nous ne l’avions pas appris dans l’enseignement supérieur.

Du « métier » d’enquêteur

  • 18 Bourdieu P., Passeron J.-C., Les Héritiers. Les étudiants et la culture, Paris, Minuit, 1964.

26Arrivant à Plozévet, je ne savais rien de l’enquête de terrain, guère plus de celle par questionnaire : mes enseignants, de formation philosophique, ne pratiquaient pas le métier de sociologue. Et mes connaissances théoriques étaient assez restreintes : celui qui professait l’histoire de la discipline l’arrêtait avant la Seconde Guerre mondiale. Aussi, n’avais-je jamais entendu parler d’Edgar Morin, d’Alain Touraine, de Michel Crozier ou d’Henri Mendras, pas même de Georges Friedmann. Et si je connaissais Pierre Bourdieu, c’était en raison de la parution récente de son livre sur l’école, Les Héritiers18, qui était une sorte de bible pour les syndicalistes étudiants que nous étions. En fait, ce fut en autodidacte que j’ai abordé les auteurs contemporains, un Claude Lévi-Strauss ou un Roland Barthes qui étaient à la mode et que je connaissais par Le Nouvel Observateur, un Henri Lefebvre grâce auquel je m’étais dégrossi en marxisme. Je connaissais Armand Cuvelier par son Manuel de sociologie et Jean Stoetzel par celui sur La psychologie sociale.

  • 19 Car, fait rare en France à l’époque, à Rennes, le certificat de psychologie sociale était animé pa (...)

27Mes connaissances en psychologie sociale étaient plus conséquentes19. J’avais lu Carl Rogers et son entretien non directif, Kurt Lewin et sa recherche-action, Moreno et son psychodrame. À côté de cet apprentissage théorique, nous avions reçu une formation pratique assez poussée, notamment à l’interview, à l’entretien, à la conduite de réunions. C’est cet entraînement que je mis judicieusement à profit à Plozévet. Reste que n’ayant aucune idée des règles de « l’observation participante », c’est sur le tas que je m’y suis formé.

  • 20 Au détriment des sciences biologiques, pourtant une autre passion.

28S’il fallait faire preuve d’initiatives, il fallait aussi être porté par une curiosité pour la chose sociale. Un intérêt qui, m’ayant fait choisir la sociologie20, était guidé par des préoccupations autres que professionnelles. Mon choix pour la recherche était alors motivé par un souci autant militant que professionnel et par une déception d’un monde politique trop engourdi dans sa langue de bois. Certains étaient venus à la sociologie par le marxisme et en raison de leur expérience politique. Mon enracinement dans un christianisme social teinté de personnalisme, mon engagement syndical et associatif jouèrent un rôle similaire. La pédagogie du « Voir-Juger-Agir », mon habitude d’envisager la petite société scolaire ou universitaire, celle de relater mes observations dans un « carnet de bord » furent mes meilleures formations à l’enquête.

Du « terrain »

  • 21 Terme utilisé pour signifier qu’une enquête est ancrée dans le concret. Mais, une formule que je r (...)
  • 22 Une anecdote : la personne qui, bénévolement, fit des photos pour le livre d’Edgar Morin, Plozévét (...)

29Premier terrain21, mon insertion dans un village jugé par beaucoup de Plozévétiens comme fermé, arriéré et à histoires ne rencontra pas les difficultés que ceux-ci imaginaient22. Et ceci même si toutes les portes ne s’ouvrirent pas spontanément. Certaines, d’ailleurs, me restèrent fermées.

30J’y fus introduit par le patriarche « rouge » du lieu, un tailleur communiste qui avait été conseiller municipal et usait d’un français assez recherché qu’il avait appris seul dans les livres (dont la Bible et Voltaire). Je conserverai toujours le souvenir des conversations à bâtons rompus que nous engagions sur le pas de son penty. Je le verrai toujours, droit dans ses boutoù-koad (sabots), disserter sur les bienfaits du progrès comme sur le devenir de l’humanité qui n’allait qu’en s’améliorant. L’élégance de ses tournures et son ton quelque peu péremptoire lui avaient valu le sobriquet de mestr-skol (maître d’école), les paysans le moquant un peu par-derrière. Il gardait toutefois une certaine emprise sur eux, influence liée à son ancien métier de tailleur-entremetteur et à son ancienne fonction politique où, là aussi, il servait d’intermédiaire, mais avec la mairie cette fois. Il avait d’ailleurs obtenu l’installation du seul poste de téléphone du lieu qui était dans son entrée. Il fallait donc aller chez le mestr-skol, ce qu’on ne faisait qu’en cas d’extrême urgence car on craignait toujours une oreille indiscrète ou une porte entrouverte.

31Ce patriarche vivait près de l’entrée du village, presqu’en face du seul commerce, une ancienne boulangerie qui faisait aussi office d’épicerie et de buvette mais qui n’attirait guère les chalands tant ses rayonnages étaient vides (et parce que, selon certaines langues, la balance pouvait être capricieuse). Aussi, ce village de plus de cent habitants ne bénéficiait pratiquement d’aucun lieu de convivialité, la place, que pour des raisons obscures on appelait « Pologne », n’étant plus, elle aussi, animée que par les amateurs de galoche (jeu de palets). Seuls les enfants et les adolescents s’y retrouvaient l’été lorsqu’ils n’aidaient pas aux travaux des champs. Et pour s’y ennuyer…

32L’absence de lieu de rencontre rendait donc impossibles les contacts fortuits, ceux-ci n’intervenant que le long des chemins. Ici, une vieille poussait sa pauvre vache, là, un homme revenait à pied des champs. Plus prometteurs étaient les contacts qui se faisaient dans la maison où j’avais trouvé refuge grâce au mestr-skol, qui, là encore, s’était fait l’intercesseur, cette fois au service des chercheurs. Car, s’il n’existait pratiquement plus de convivialité publique, seule demeurait celle du voisinage et des réseaux d’entraide. On se rendait visite après les travaux pour palabrer autour d’un verre de gwin ru pour les hommes ou pour le quatre-heures (café-pain-beurre) des femmes.

33Ce biais fut en quelque sorte mon sésame. S’il m’ouvrit un réseau, il rendit un peu plus difficile la communication en dehors de lui. Car, comme tout village, celui-ci vivait avec ses accointances et ses discordances, celles-ci ne recoupant pas nécessairement la fameuse division rouge/blanc qui avait tant surpris les premiers chercheurs. Sans doute y avait-il quelques animosités car certains ne répondirent jamais à mon salut – situation assez inconfortable et longtemps restée incompréhensible. Ayant épuisé les explications au bout d’un mois, j’émis l’hypothèse que l’étranger que j’étais était plus ou moins identifié à un réseau qui n’était pas familier à tous. Aussi, n’étant pas resté assez longtemps à Plozévet pour lever ces préventions, mon enquête resta donc incomplète.

  • 23 Plozévet contre Plodémet, ORTF, Rennes, diffusion : 9 mars 1968.

34Cette étude rencontra un autre obstacle. Si les jeunes avec lesquels j’allais papoter à « Pologne » se parlaient toujours en français, les adultes, eux, utilisaient entre eux le breton bien que, parfois, ils faisaient l’effort de dialoguer en français afin de ne pas trop m’exclure. Mais la langue vernaculaire reprenait vite le dessus lorsqu’on ne m’adressait pas directement la parole. Ainsi, lors d’un repas de moisson où j’avais prêté main-forte, un jeune me tint régulièrement au courant des thèmes abordés (d’homériques histoires de chasse y étaient évoquées). Ma non-connaissance du breton fut-elle un handicap pour mon enquête ? Sans doute, pour reprendre la critique de Pierre-Jakez Hélias lors de l’émission télévisée Plozévet contre Plodémet23, cette déficience limita considérablement ma compréhension des subtilités de la mentalité plozévétienne et de l’humour bigouden auquel l’auteur du Cheval d’Orgueil semblait beaucoup tenir. Mais mon objectif n’était pas de procéder à une ethnographie poussée.

35Attaché à comprendre ce que l’on pensait de la modernisation et de la vie moderne, mes échanges en français ne nuisaient pas trop à mon étude. Lors de mes entretiens enregistrés, je n’ai jamais rencontré une personne butant sur un mot ou le cherchant. Revisitant ces bandes près de quarante ans plus tard, j’ai pu constater le parfait bilinguisme de mes interlocuteurs. Ils avaient un français-bien plus parfait que celui des paysans d’autres régions où des accents typiques, des tournures patoisantes contrariaient ma compréhension. Aussi, est-ce avec beaucoup de réserves qu’il faut entendre les commentaires émis par certains à l’époque et toujours véhiculés dans quelques milieux aujourd’hui. Il est erroné d’affirmer que, parce que nous ne parlions pas breton, nous n’aurions strictement rien compris à Plozévet. En ce qui me concerne, mes limites furent davantage inhérentes au fait que je ne suis resté que quelques mois sur place, et que, étudiant, je n’avais pas encore acquis les connaissances professionnelles et la gymnastique intellectuelle suffisantes pour tirer toute la substantifique moelle de ce que j’avais observé ou appris lors de mes interviews.

  • 24 Mis à part les enregistrements sonores des films.

36La base du travail était, en effet, l’entretien auquel, majoritairement, on se prêtait de bonne grâce. Je n’ai eu à subir qu’une seule dérobade et, dans un autre genre, le radotage d’une personne âgée qui revenait sans cesse sur ses souvenirs de la guerre de 1914-1918. En général, ces entretiens se passaient chez l’interviewé avec, parfois, un brin de cérémonie. L’accueil était plutôt très cordial. Si le magnétophone suscitait souvent beaucoup de curiosité, jamais on ne m’empêcha de l’utiliser. C’était la seconde fois que j’utilisais cet appareil, une pratique qui était encore rare à l’époque (à preuve : Donatien Laurent et l’équipe d’Edgar Morin furent les seuls à y avoir eu recours à Plozévet24). Beaucoup de chercheurs craignaient que le magnétophone n’induisît blocages ou rétentions. Sa présence était en fait souvent oubliée au bout d’un moment. Et, s’il pouvait inciter à maquiller quelque peu le propos, l’enregistrement pouvait aussi incliner à l’enjoliver. De telles conduites n’ont rien d’exceptionnel, l’authenticité des confidences trouvant toujours ses limites, magnétophone ou pas. Ce sont ces distorsions qu’il convient d’avoir toujours à l’esprit lors de la transcription. N’ayant pas eu le temps d’accomplir systématiquement cette démarche, mes transcriptions, que je faisais consciencieusement chaque matin après l’écriture de mon journal d’enquête, doivent encore souffrir de ce manque.

37Magnétophone ou pas, des thèmes importants, assez difficiles à aborder, pouvaient donner lieu à des réponses très évasives. Ainsi en était-il de ces domaines, toujours aussi réservés, que sont l’argent, la religion, la politique et la sexualité. Rien d’étonnant à ce que des hommes échangeassent des propos un peu graveleux sur elle. Mais, en parler avec les jeunes, et surtout avec les jeunes filles, tenait de l’exploit. En 1965, à deux ans du vote de la loi de Lucien Neuwirth sur la contraception, Edgar Morin avait inclus cet aspect dans son enquête en nous demandant aussi de tester ce que les jeunes pensaient des relations entre garçons et filles, d’une possible amitié entre eux et des relations sexuelles avant le mariage ! Dans mon village, le climat était très éloigné de celui qui fit la météorologie sociale de Mai 68. Les jeunes filles étaient particulièrement surveillées et je ne pouvais jamais me tenir seul avec l’une d’entre elles. Ayant noué quelque entente avec la plus âgée qui entrait en faculté, il fut hors de propos d’envisager un entretien en tête-à-tête avec elle. Il fallut imaginer un stratagème digne d’un roman pour qu’il puisse se tenir en jouant de la complicité mensongère d’une amie. C’est ainsi qu’à voix très basse et nuitamment dans ma chambre, nous avons pu aborder, bien sagement, différents thèmes dont ces fameuses questions taboues. Mon interlocutrice me donna des réponses très convenues ainsi qu’elle me l’avoua quelques années plus tard. L’argent, les croyances religieuses, les opinions politiques provoquaient aussi nombre de défenses même dans ce village connu pour être un bastion du parti rouge et appelé « Kermenguy ru » (Kermenguy rouge). Plusieurs m’affirmèrent ne pas connaître l’origine de ce surnom, certains lui attribuant une raison fantaisiste (par exemple, la couleur de sa terre). À mon sens, ces inévitables écrans furent bien plus préjudiciables à l’enquête que ma non-connaissance du breton. Seule une longue familiarité aurait été susceptible de lever ces obstacles. Et encore… Car il restera toujours des points où tout regard extérieur ne pourra jamais bien accommoder. Aussi, est-ce avec une vision parfois floue que je suis un peu rentré dans l’intimité kermenguienne.

38Restait donc une bande moyenne sur laquelle il était possible de réfléchir, une construction échafaudée à partir de mes outils conceptuels de l’époque. Ayant plus d’accointances avec la psychologie sociale qu’avec la sociologie, j’ai tiré davantage mes analyses vers la psychologie de groupe que vers l’analyse économico-politique, découvrant, par exemple, un « complexe kermenguien » dont auraient souffert les habitants, particulièrement les jeunes.

Une expérience enrichissante ?

39Le temps était compté. Tellement compté que je me mis à la rédaction de la monographie que nous avait demandée Edgar Morin une fois la rentrée universitaire commencée. Un travail non payé qui s’ajoutait à une rentrée syndicale, à la reprise des cours et aux autres lectures. De telles conditions expliquent que mon rapport a pu pâtir d’un effilochage final qui ne plut guère à mon commanditaire. Ce reproche dont il ne me tint pas rigueur par la suite ne me toucha pas. J’estimai avoir accompli ma mission et je jugeai que ma situation financière ne me permettait pas de sacrifier au bénévolat. De retour à Rennes, je me retrouvai en effet aussi démuni qu’avant : mes maigres vacations avaient été pratiquement absorbées par mes frais de restauration et de logement. Ignorant tout du monde de la recherche, je ne savais pas que d’autres bénéficiaient de frais de mission. Ce n’est donc pas en termes pécuniaires qu’il convient d’apprécier l’expérience ! Le bénéfice fut plus intellectuel. Il doit aussi se jauger à l’aune de l’avenir qu’il m’ouvrit.

Du moderne : rédaction du rapport25

  • 25 Paillard B., Kermenguy ru : attitudes d’un hameau de la commune de Plozévet à l’égard du moderne, (...)

40Arrivant à Plozévet, si j’avais de la curiosité pour la chose sociale et politique, j’étais un peu trop aveuglé par la brillance de concepts que, d’ailleurs, je maîtrisais assez mal. Rédiger une monographie à partir de mon expérience de l’été m’obligea à respecter des réalités concrètes, parfois bien éloignées des théories en vogue. Pour la première fois, il me fallut réfléchir par moi-même et sans le secours de schémas préétablis. Car, le « moderne », entité multiface, se dérobait sous l’analyse : aucune théorie ne pouvait rendre compte de la diversité et de la multiplicité des changements en cours. La sociologie du changement était en voie d’élaboration, une sociologie à laquelle, d’ailleurs, je n’avais pas été initié. Seule semblait s’imposer une vulgate selon laquelle la modernisation technologique induisait nécessairement des transformations économiques positives qui, de proche en proche, devaient irriguer l’ensemble de la société jusqu’à la psychologie des individus. Une vision technocratique linéaire dont l’enquête plozévétienne m’apprit à me méfier.

41Infirme de guides livresques et livré à moi-même par un Edgar Morin qui, de retour à Plozévet tandis que j’étais revenu à Rennes, était toujours aussi lointain, je n’avais que mes seuls matériaux. Si mon emploi du temps devait limiter mon effort intellectuel, la rédaction de ce rapport eut cependant le mérite de me confronter, d’abord à l’écriture, ensuite à l’élaboration d’une synthèse, aussi imparfaite fût-elle. Pour la première fois, il me fallait conjuguer des aspects historiques, démographiques, politiques, économiques, sociaux, psychologiques, etc. Effort auquel mes études ne m’avaient pas habitué. C’est cette tentative qui me donna le goût d’aller grappiller un peu à côté des cadres d’une discipline qui, d’ailleurs, ne s’imposaient guère à moi. Ainsi, c’est sans doute à Plozévet que la nécessité de recourir à l’histoire s’est manifestée de façon décisive. J’avais découvert, au hasard de conversations, que Kermenguy avait accueilli autrefois un prêcheur protestant qui réunissait les Kermenguiens à « Pologne ». La même aventure avait marqué Pors Poulhan, village de la côte, lui aussi un bastion rouge. Ne possédant pas (ou plus) de chapelle, ces deux villages pauvres subissaient, de fait, moins l’influence de l’église paroissiale. Si les prêcheurs gyrovagues britanniques ne m’étaient pas étrangers – j’en avais rencontré un à Paimpol –, la concomitance de cet accueil dans les deux plus importants retranchements rouges me sensibilisa à la nécessité de remonter dans le passé pour mieux comprendre un présent qui, lui aussi, était une histoire en train de se faire. Une telle réceptivité à l’historicité était quelque peu à contre-courant de ce qu’imposait, alors, la vulgate structuraliste qui imposait la prééminence de la synchronie sur la diachronie. Alors que j’avais été assez tenté de me laisser aller à cette mode, mon passage plozévétien vint modérer ce penchant, de même qu’il m’ouvrit à d’autres disciplines, non sous l’influence de l’interdisciplinarité du programme du CADES mais grâce à l’apport intellectuel d’Edgar Morin que j’avais commencé à découvrir lors de son retour d’automne.

Deuxième contact avec Edgar Morin

42J’ai toujours le souvenir profond de cette « promenade confession » sur la plage d’Audierne. La mer, au loin retirée, semblait n’être qu’un simple liseré suspendu entre les roches de Plouhinec et la grève. La passe du Goyen vibrait sous un frais de noroît. Et sous lui frissonnaient les laisses de mer qui allaient se figeant en un miroir vitreux. Un ciel de septembre se reflétait sur cette glace, ciel de traîne sans doute, lumineux, limpide et clair, avec ses nuages blancs comme déchiquetés par une tempête et ces autres aux ballonnements gigantesques, lourds de leur couleur de plomb, mais aussi empanachés de lumières. Caban et blouson, bottés et casquettes vissées, nous marchions un peu saisis par l’atmosphère, minuscules et perdus dans cette découverte. Nous étions seuls mais proches, pour la première fois. Edgar Morin parlait de l’enquête, de mon travail, de ses projets et de l’avenir. Charmé par cette présence, bercé par une voix amicale et chaleureuse, envahi par l’ambiance marine, je me laissais aller à la fluidité de ce moment heureux. Nous rentrâmes en silence, accentuant le pas en remontant le vent. J’étais assez sonné, encore sous le coup de la nouvelle : Edgar Morin me proposait de devenir son collaborateur.

Recrutement au CNRS

  • 26 Centre de recherche auquel je suis resté affecté jusqu’en 2004. À cette date, j’ai été contraint d (...)

43Entendant étoffer la section de « sociologie du présent » créée par Edgar Morin et à laquelle, sans le savoir, j’émargeais, Georges Friedmann, alors directeur du Centre d’études des communications de masse (CECMAS) avait demandé un poste de « collaborateur technique au CNRS ». C’est ainsi qu’en janvier 1967, j’intégrai le CECMAS, laboratoire de la VIe section de l’École pratique des hautes études (EPHE)26.

44Je m’imaginais poursuivre une expérience itinérante, pérégrinant de terrain en terrain, tant j’escomptais ne pas rester prisonnier de Paris. Je souhaitais surtout pouvoir bénéficier des connaissances d’Edgar Morin dont, petit à petit, je mesurais l’esprit encyclopédique et la pertinence des analyses. Reste que si j’ai pu évoluer de lieu en lieu, ce fut sans lui. Pris par l’impérieux désir de penser La Méthode, il quitta très rapidement le chemin du concret, me laissant ainsi orphelin d’une « sociologie du présent » morte à peine née.

45C’est donc en solitaire que j’ai continué l’aventure, emportant pourtant en viatique mon expérience plozévétienne confortée par mon premier travail parisien, la relecture critique du brouillon de Commune en France, La métamorphose de Plodémet. Six mois d’un travail plus fructueux que l’étude d’un auteur reconnu. Car je voyais comment s’organisait une pensée à partir de matériaux que je connaissais. Tout en approfondissant mes connaissances d’un Plozévet que je n’avais perçu qu’à travers le filtre de mon village, je compris mieux les interactions entre les différents aspects de ses réalités sociales d’une façon tangible qui ne sacrifiait aucunement à la litanie à laquelle beaucoup n’échappaient pas, déclinaison où il était bon d’ajouter au « social », l’économique, le politique, le culturel, etc. Sous la plume de Morin, ces mots volaient en éclats. Ce fut, pour moi, une occasion de me méfier de ces facilités, une façon d’apprendre à écrire et à me dégager de l’académisme scripturaire.

Bonheurs du nomadisme et de la transversalité

  • 27 Morin E., Paillard B., Burguière É., De Lusignan S., Verone J., La Rumeur d’Orléans, Paris, Le Seu (...)
  • 28 Paillard B. (avec la collaboration de Claude Fischler), La damnation de Fos, Paris, Le Seuil, 1981

46Nous avons entrepris par la suite avec Edgar Morin quelques enquêtes, notamment celle sur cette étrange rumeur d’une traite des blanches organisée par des commerçants juifs27, avant d’envisager un grand projet de recherche auquel je lui avais donné mon consentement à la condition expresse qu’il en assurât la direction. Il s’agissait d’étudier les multiples problèmes posés par la création ex nihilo du vaste complexe portuaire, industriel et urbain de Fos-sur-Mer28, près de Marseille. Edgar Morin recruta une équipe de jeunes chercheurs contractuels et m’en confia la responsabilité provisoire. Elle devint vite définitive, La Méthode apparaissant désormais pour Morin sous la forme de la nouvelle et ardente obligation.

  • 29 Rappelons que la création du premier ministère de l’Environnement date de 1971.

47C’est donc en solitaire que j’ai continué cette aventure, l’équipe d’origine se dispersant après cette défection. Encore plus marquante que la première, cette expérience a déterminé mes orientations de recherche : non pas au niveau thématique, puisque mes travaux sont marqués par un certain nomadisme ; mais pour ce qui relève des méthodes d’enquête et de la façon de questionner la société. L’enquête plozévétienne interrogeait la modernisation d’un territoire communal. Il ne s’agissait pas d’écrire une simple monographie mais d’analyser des processus à l’œuvre dans la société globale en s’appuyant sur un cas concret situé géographiquement et historiquement. La recherche fosséenne, qui prenait à témoin un territoire vaste comme la moitié du département des Bouches-du-Rhône, visait de même à saisir les diverses crises liées au développement économique, crises que nous trouvions, là, de façon concentrée. Et dans ces crises, il s’agissait de détecter les nouvelles tendances qui se faisaient jour, dont la toute récente préoccupation écologique29.

48Plozévet et Fos-sur-Mer ont relevé d’un même positionnement de recherche. D’une part, prendre un territoire à témoin pour y diagnostiquer des processus sociaux à l’œuvre d’une façon plus générale. D’autre part, partir d’une hypothèse très large, voire floue, qui, mise à l’épreuve du terrain, se déploie en de multiples questionnements issus des découvertes liées à l’enquête elle-même. Enfin, ne pas se limiter aux champs disciplinaires académiquement définis, mais avoir toujours une attention polythématique et une perception multidimensionnelle des réalités analysées.

  • 30 Paillard B., L’Épidémie. Carnets d’un sociologue, Paris, Stock, 1994.

49Dès lors, suivant un parcours étranger à toute spécialisation thématique et même disciplinaire, j’ai pu m’intéresser à des phénomènes aussi divers que l’épidémie de sida à Marseille30 ou les multiples répercussions de l’accident de Tchernobyl. Toutes ces recherches ont été cependant unifiées par un même grand questionnement : comment les sociétés réagissent aux crises inattendues ? Toutes ces recherches ont été mues par les mêmes exigences que celles entrevues à Plozévet : être présent sur le terrain et y rester longtemps ; développer une vision stratégique de l’enquête ; tenir compte de la complexité et de la multidimensionnalité des réalités sociales. Mon enquête bigoudène a été la matrice de ce que j’ai développé par la suite. À tel point que cette véritable expérience initiatique d’un premier « terrain » s’est traduite par un grand attachement à ce pays et à ses habitants.

Retour à Plozévet

  • 31 Paillard B., « Introduction », dans Journal de Plozévet. Bretagne, 1965, op. cit.

50C’est avec nostalgie que pendant longtemps j’ai pensé à Plozévet. Mais aussi, en appréhendant un retour, certains bruits relatifs à « l’affaire Morin31 », dont on me faisait part tant à Paris qu’en Bretagne, n’étant guère encourageants. Cette situation « inconfortable » a alimenté en contrepartie une double exigence : retourner à Plozévet et s’expliquer avant de développer avec les habitants une relation autre que celle entre « observateurs » et « observés » ; exaucer ainsi ce qui avait été imaginé en 1965. Ce chantier, envisagé en vain au début des années 1980, s’est ouvert à la fin de la décennie quatre-vingt-dix avec la complicité de Jean-Claude Stourm, le Plozévétien des enquêteurs Morin. Il se construit depuis pas à pas, événement après événement, projet après projet. Un retour qui m’aurait été rendu difficile sans l’accueil de mes hôtes kermenguiens à la fidélité sans faille. Mais ceci est une autre histoire…

Notes

1 Le repas du restaurant universitaire coûtait 1,20 franc, soit un peu plus de 70 francs par mois ; ma chambre me revenant à 50 francs, mes charges mensuelles de base s’élevaient donc à 120 francs, ce qui me lassait peu pour faire face à mes frais d’étude, de loisir, d’habillement et autres. Pour référence, une place de cinéma coûtait 1,20 franc.

2 Georges Lapassade (1924-2008), fils de petit paysan, poursuit des études de philosophie après un passage à l’Éducation nationale comme instituteur. Se formant à la psychanalyse, rencontrant la psychosociologie américaine, il se fait connaître par son premier ouvrage, L’entrée dans la vie (Paris, Minuit, 1963), où il défend la thèse de l’inachèvement de l’homme et la nécessité d’une formation permanente. Attaché de recherche au CNRS (1957-1965), maître-assistant à l’Université de Tunis puis de Tours, en 1972, il devient professeur des sciences de l’éducation à l’Université Paris 8, cadre dans lequel il développe ses conceptions de l’analyse institutionnelle, de la microsociologie, tout en étant un des introducteurs de l’ethnométhodologie en France.

3 Georges Lapassade et Edgar Morin se connaissaient depuis 1959 ; ils s’étaient rencontrés à Stresa (Italie) au congrès de l’Association internationale de sociologie. À cette occasion, Lapassade lui avait parlé de ses thèses sur la bureaucratie et sur la dynamique de groupe à laquelle il se formait. Edgar Morin lui confia alors la direction d’un numéro de la revue Arguments qu’il dirigeait avec Kosta Axelos et Jean Duvignaud.

4 Depuis 1962, Georges Lapassade animait des sessions de formation à l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) et à la Mutuelle nationale des étudiants de France (MNEF). Il entendait former les dirigeants étudiants à l’intervention psychosociologique. Très critique par rapport aux tendances bureaucratiques et aux luttes intestines groupusculaires de ces organisations, plusieurs de ses interventions ont défrayé la chronique syndicale.

5 Lewin K., Field Theory in Social Science, New York, Harper and Row, 1951.

6 La sympathie et le soutien qu’Edgar Morin manifesta pour ce comité des jeunes furent à l’origine d’un grave malentendu avec certains notables de la commune, mairie et enseignants. Comme des problèmes que Jean-Claude Stourm, chargé de le suivre, rencontra par la suite.

7 Convocation faite au siège de l’Association générale des étudiants rennais, l’AGER affiliée à l’UNEF, et non dans le cadre de la faculté des lettres, Lapassade étant plus connu des syndicalistes étudiants que des professeurs d’université. Ce sont donc des militants UNEF qui avaient distribué des tracts aux étudiants de psychologie, de sociologie et de philosophie pour les appeler à cette réunion. Une confusion des genres qui, dès le départ, conférait une coloration politique à une réunion qui se voulait sociologique mais qui était dans la droite ligne de l’interventionnisme lapassadien.

8 Les jeunes filles devant assurer l’intendance, ce qui suscita murmures et protestations de leur part…

9 Lapassade revenait du congrès de Bordeaux de l’UNEF où il avait rencontré Jean-Louis Peninou et où il fut débusqué, caché sous une table, après qu’il avait eu l’intention de tenter l’analyse institutionnelle d’une réunion à huis clos durant laquelle se marchandaient et se pondéraient les places au bureau national des divers courants politiques…

10 Qui, plus tard, deviendra le « Plan urbain ».

11 Suite à ce premier contrat, le contact fut repris fin 1966 par Lucien Brams, la Mission de la recherche urbaine entendant structurer des équipes de jeunes chercheurs en région. Pressenti par Edgar Morin comme collaborateur technique au CNRS, ce fut Armel Huet qui, ayant mené avec moi la première enquête, organisa cette jeune équipe. Intégrée à l’Université de Rennes, elle devint le Laboratoire d’anthropologie et de sociologie (LARES).

12 Jean-Louis Peninou, étudiant en sociologie à la Sorbonne, avait été engagé par Edgar Morin pour développer sa section de « sociologie du présent » au Centre d’études des communications de masse (CECMAS, VIe section de l’EPHE). Voir Paillard B., « Sociologie du Présent », Communications, no 82 : Edgar Morin. Plans rapprochés, 2008, p. 11-48. À l’origine, Jean-Louis Peninou devait conduire l’enquête de Plozévet de façon autonome. Mais ses prééminentes préoccupations politico-syndicales s’entrecroisèrent avec cet investissement professionnel, à son détriment. Voir Morin E., Journal de Plozévet. Bretagne, 1965, La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube, 2001. Peninou, qui sera plus tard connu comme journaliste et directeur général de Libération, était alors un des concepteurs et leaders d’une tendance de gauche de l’UNEF. Membre de l’Union des étudiants communistes (UEC), ancien président de la Fédération des groupes d’études de lettres (FGEL-Sorbonne), il défendait une autre ligne syndicale, bien que proche, de celle prônée notamment par l’Association générale des étudiants de Rennes à laquelle j’appartenais. Voir De Maupéou-Abboud N., Ouverture du ghetto étudiant. La gauche étudiante à la recherche d’un nouveau mode d’intervention politique (1960-1970), Paris, Anthropos, 1974. Je connaissais donc Peninou avant de le retrouver à Plozévet.

13 Christian Topalov, collègue de Jean-Louis Peninou, militait aussi à la Fédération des groupes d’études en lettres de l’UNEF. Actuellement directeur de recherche au CNRS, il s’est orienté vers la sociologie urbaine. Je l’avais rencontré avant Plozévet en 1965 lors de la réunion fondatrice d’un mouvement très éphémère, la Jeunesse universitaire chrétienne (JUC). Issue d’une scission avec la JEC, branche universitaire, la JUC affichait des convictions politiques très marquées à gauche et des positions religieuses proches de la théologie de la libération. Sans tabou vis-à-vis du marxisme et du communisme, beaucoup de jucistes ont adhéré à l’Union des étudiants communistes (UEC). Par la suite, certains ont milité dans les divers mouvements d’extrême gauche, trotskistes ou maoïstes. La plupart d’entre eux ont rapidement abandonné leur foi chrétienne. Dans un entretien, Claude Dubar, sociologue des professions, a retracé l’itinéraire qui l’a conduit de la JEC à la sociologie et au communisme en passant par la JUC. Voir Nicourd S., « Parcours d’engagements en sociologie. Entretien avec Pierre Tripier et Claude Dubar », Sociologies pratiques, no 15, 2007, p. 25-38.

14 Morin E., « Mémento de l’enquêteur », dans Journal de Plozévet. Bretagne, 1965, op. cit.

15 Une façon de développer ce « Cinéma-Vérité » qu’il avait initié avec Jean Rouch lors du tournage de Chronique d’un été.

16 En réalité, un seul Plozévétien fut intégré à l’équipe : Jean-Claude Stourm, alors jeune enseignant, frais arrivé dans la commune et y ayant trouvé épouse.

17 Que nous appelions « carte de relation ».

18 Bourdieu P., Passeron J.-C., Les Héritiers. Les étudiants et la culture, Paris, Minuit, 1964.

19 Car, fait rare en France à l’époque, à Rennes, le certificat de psychologie sociale était animé pas des membres de l’Association de recherche et d’intervention psychosociologiques (ARIP) dont Max Pagès et André Lévy. Fondée en 1959 par, entre autres, Max Pagès, Eugène Enriquez, Guy Palmade, Jean Dubost, l’ARIP introduisit en France la psychosociologie américaine et l’intervention sociale. Alliant réflexions théoriques et pratiques psycho-cliniques, l’association fut le creuset d’où se dégagèrent plusieurs démarches, dont l’analyse institutionnelle et la psychosociologie clinique.

20 Au détriment des sciences biologiques, pourtant une autre passion.

21 Terme utilisé pour signifier qu’une enquête est ancrée dans le concret. Mais, une formule que je répugne à employer, car elle introduit une trop grande distance entre l’observateur et la réalité étudiée. En premier lieu, parce qu’il semble affirmer que le chercheur a devant lui un phénomène bien délimité. Or, si ce dernier est circonscrit temporellement et géographiquement, il n’est pas enfermé dans de telles frontières. Tout « terrain » est ouvert sur l’histoire et est traversé par des courants qui dépassent très largement son cadre géographique. Deuxièmement, le mot laisse entendre que l’enquêteur serait un être extérieur au sujet étudié, qu’il serait interchangeable, l’obligation d’objectivité devant éliminer les singularités individuelles. Or, l’enquête n’est pas l’application de recettes neutres, impersonnelles, abstraites. C’est une expérience vivante faite de rencontres, non pas avec des « enquêtés », mais avec des êtres riches de particularités autres que leur seule appartenance à une catégorie socioprofessionnelle. L’interview n’est pas un jeu de questions-réponses. C’est une interrelation entre deux personnes ayant chacune une personnalité, une histoire singulière, un vécu. Et la confidence la plus intime n’épuisera jamais la subjectivité d’un « enquêté » qui gardera pour lui sa part de mystère.

22 Une anecdote : la personne qui, bénévolement, fit des photos pour le livre d’Edgar Morin, Plozévétien d’origine exilé à Paris, demanda à être accompagnée par quelqu’un pour prendre des photos de ce village.

23 Plozévet contre Plodémet, ORTF, Rennes, diffusion : 9 mars 1968.

24 Mis à part les enregistrements sonores des films.

25 Paillard B., Kermenguy ru : attitudes d’un hameau de la commune de Plozévet à l’égard du moderne, ronéoté, 1965, 170 p.

26 Centre de recherche auquel je suis resté affecté jusqu’en 2004. À cette date, j’ai été contraint de quitter Paris pour plusieurs raisons. En particulier, parce que mes instances évaluatives jugeaient peu conformes à mes obligations de directeur de recherche certains de mes engagements à Plozévet, dont la réalisation des Rencontres régionales CNRS « Sciences et Citoyens ». Ces actions, qui ont permis de renouer avec Plozévet sous un autre registre, ont rendu possible un ensemble de démarches en cours avec la commune depuis. Projets reconnus désormais par le CNRS.

27 Morin E., Paillard B., Burguière É., De Lusignan S., Verone J., La Rumeur d’Orléans, Paris, Le Seuil, 1969.

28 Paillard B. (avec la collaboration de Claude Fischler), La damnation de Fos, Paris, Le Seuil, 1981.

29 Rappelons que la création du premier ministère de l’Environnement date de 1971.

30 Paillard B., L’Épidémie. Carnets d’un sociologue, Paris, Stock, 1994.

31 Paillard B., « Introduction », dans Journal de Plozévet. Bretagne, 1965, op. cit.

Auteur

Sociologue, directeur de recherche émérite au CNRS, Centre de recherches historiques de l’Ouest (CERHIO), UMR CNRS 6258, Université Rennes 2, Rennes ; chercheur associé au IIAC-Centre Edgar Morin, Paris.

© Presses universitaires de Rennes, 2010

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