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1968, entre libération et libéralisation

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Michel Margairaz
, 
Danielle Tartakowsky

Deuxième partie. L'école libérée et la culture sans entrave ?

La Réunion des théâtres lyriques nationaux autour de l’année 1968 : entre libéralisation des politiques culturelles et libération des métiers de la culture

Aurélien Poidevin

Texte intégral

  • 1 Extraits du débat parlementaire consacré au budget des affaires culturelles (1re séance, 9 novembr (...)
  • 2 En 1966, le journaliste Maurice Denuzière livrait les conclusions d’une longue enquête consacrée à (...)

1À l’automne 1967, le débat parlementaire consacré au budget des affaires culturelles est particulièrement houleux. André Malraux, ministre d’État chargé des Affaires culturelles est mis en difficulté devant l’Assemblée nationale par le président de la commission des Finances de l’Économie générale et du Plan, Valéry Giscard d’Estaing, qui s’est fait confier le rapport spécial du budget de la Réunion des théâtres lyriques nationaux (RTLN)1. Après avoir examiné la situation financière des théâtres de l’Opéra et de l’Opéra-Comique, en s’appuyant notamment sur un rapport public de la Cour des comptes, Valéry Giscard d’Estaing propose d’effectuer d’importantes coupes budgétaires pouvant conduire à la fermeture de l’Opéra-Comique. La presse, qui s’est immédiatement saisie du dossier, s’interroge alors sur la persistance de dysfonctionnements déjà signalés au milieu des années soixante2.

2Ce contentieux budgétaire, apparemment anodin, est le point de départ d’une histoire administrative et sociale où différents acteurs élaborent et interfèrent les politiques publiques de l’art lyrique et de la danse, du projet de fermeture de l’Opéra-Comique (automne 1967) à sa dissociation de la RTLN (1er janvier 1973). À travers les réformes structurelles de la RTLN, la focale se déplace de l’État, employeur, aux personnels, salariés, en passant par la presse et les différents administrateurs du palais Garnier et de la salle Favart. Tous prennent position sur la libéralisation des politiques culturelles et la démocratisation culturelle, en confrontant, dans l’espace public, leurs approches et définitions respectives d’un Opéra populaire autour de l’année 1968.

La Réunion des théâtres lyriques nationaux à l’heure du vote du budget des affaires culturelles de 1968

La nécessaire réforme de l’institution

  • 3 Jusqu’en janvier 1975, la RTLN est principalement régie par la loi du 14 janvier 1939, portant réo (...)
  • 4 AN 1989 0533/28 : Jarniou P., Étude sur le fonctionnement de la réunion des théâtres lyriques nati (...)
  • 5 Ibid., vol. 2, p. 92-93.

3Depuis le début des années soixante, les pouvoirs publics, les personnels de la RTLN et la presse déplorent unanimement l’absence de réforme de l’établissement public3. Le cabinet d’André Malraux et la direction du Théâtre et des Maisons de la culture ont pourtant accumulé une somme considérable de notes, d’études et de rapports consacrés à l’Opéra et à l’Opéra-Comique. Parmi cette abondante littérature administrative, une Étude sur le fonctionnement de la Réunion des théâtres lyriques nationaux est conduite par Pierre Jarniou4. Ce haut fonctionnaire spécialiste de conseil en organisation, précédemment sollicité pour l’aménagement de l’aéroport d’Orly, a été détaché auprès du ministère des Affaires culturelles de mai à décembre 1966. Habitué aux infrastructures complexes, Pierre Jarniou a choisi une méthode qui consistait à « faire largement participer le personnel5 » et suggéré la création d’une commission paritaire pour réformer la RTLN.

  • 6 AN 1989 0533/15, note à l’attention de monsieur Francis Raison, direction du Théâtre et des Maison (...)

4À la fin de l’année 1967, un mois avant la publication du rapport public de la Cour des comptes consacré à la situation de la RTLN, Alain Trapenard, conseiller technique en charge de la musique au cabinet d’André Malraux, énumère quant à lui des recommandations nécessaires à une meilleure gestion financière de l’établissement public6. En quelques pages, il tente d’apporter des éléments de réponse aux questions posées par Valéry Giscard d’Estaing :

  • 7 AN 1989 0533/15, note…, op. cit., p. 1.

« Si le déficit de la RTLN a atteint 32 945 000 francs en 1966, c’est bien, dans une certaine mesure, parce que l’Administrateur, que seul intéresse l’aspect artistique de sa gestion, n’est pas suffisamment secondé sur le plan administratif. […] L’autorité est, certes, exercée en dernier ressort par le ministère de tutelle mais celui-ci n’a pas empêché ces dernières années l’accroissement excessif de certaines rémunérations, et a par trop négligé lui-même les impératifs fonctionnels et commerciaux. D’autre part, les musiciens de l’orchestre bénéficient du curieux privilège de se gérer eux-mêmes, ce qui est la source de nombreux abus (absentéisme, etc.)7. »

  • 8 Alain Trapenard préconisait la création d’un Conseil d’administration de la RTLN, grâce auquel « l (...)

5Toutefois, aucun de ces documents ne proposait de solution aux problèmes financiers, administratifs et humains, malgré la mobilisation de personnalités reconnues pour leurs compétences en matière d’organisation et de gestion. Cette solution était peut-être à chercher dans les choix de gestion artistique des deux théâtres, mais les rédacteurs de littérature administrative ne lui réservaient que la portion congrue de leurs travaux, quand ils ne l’évinçaient pas. En revanche, tous dénonçaient systématiquement la carence de l’administration face au personnel, jugé « très revendicatif8 ».

Le personnel artistique et technique de la RTLN

  • 9 En 1953 et 1962, les conventions collectives avaient déjà été dénoncées par l’administrateur la RT (...)

6Depuis 1939, le personnel artistique et technique de la RTLN a développé des caractères originaux intrinsèquement liés à la structure juridique et administrative de l’établissement public. À l’exception du contrôleur financier, habituellement détaché par le ministère de tutelle, personne ne bénéficiait de la qualité de fonctionnaire, puisque le régime du louage de travail était en vigueur dans des conditions de droit privé. La flexibilité de ce cadre d’emploi convenait certes aux établissements publics exerçant une activité commerciale ou industrielle, mais le législateur avait également confié une mission de service public à la RTLN. Afin d’assurer le fonctionnement régulier des deux théâtres, des conventions collectives avaient donc été négociées entre l’administrateur et ses salariés afin d’instituer des dispositions non prévues par le Code du travail : respect des coutumes, des effectifs, des tarifs, etc. En 1967, cette jurisprudence, contestée par le ministère de tutelle, affichait quelques imperfections9. La presse accusait alors les conventions collectives de tous les maux et s’attaquait à son tour aux employés des deux théâtres :

  • 10 BmO, Opéra Presse 1967 (1), Macabiès J., « Qu’est-ce qui ne va pas à l’Opéra ? », Le Journal du Di (...)

« Obtenues par le personnel, après les grèves de la saison 1959-1960, elles règlent la vie de la maison et font l’objet d’une surveillance jalouse de la part des délégués syndicaux et des représentants du personnel. […] Pourtant, partir en guerre contre elles provoquerait une épreuve de force devant laquelle ont reculé jusqu’ici les différents administrateurs, car une grève du personnel des théâtres lyriques pourrait entraîner par solidarité celle des autres subventionnés10. »

7Les dispositions particulières des contrats de travail collectifs entravaient effectivement la bonne gestion artistique, financière et administrative de la RTLN. Les rémunérations de la troupe de chant, dont les prestations étaient devenues médiocres à force de sous-emploi, avaient augmenté de 60 % à 100 % entre 1962 et 1967. Ce renchérissement, que l’administrateur justifiait par la loi de l’offre et de la demande, avait incité les artistes du chœur et de l’orchestre à réclamer une hausse de salaire de 16 %, sans contrepartie. L’effectif des artistes de la danse, dont la convention collective prévoyait qu’il soit maintenu à 114, était de 153. Les corps de ballet pléthoriques de l’Opéra et de l’Opéra-Comique se distinguaient alors des orchestres, atteints par l’absentéisme. À chaque nouvelle production, la RTLN devait recourir à une vingtaine de musiciens supplémentaires, la convention collective des orchestres ne prévoyant aucun dépassement d’effectif.

  • 11 « Ciné » désigne à l’origine des « heures-cinéma », c’est-à-dire la possibilité, pour les bénéfici (...)
  • 12 « “Faire la mise”, c’est installer ou planter un décor. À la Comédie-Française [et à la RTLN], où (...)

8Selon les métiers exercés et les rythmes imposés par l’alternance, la part des heures supplémentaires dans les rémunérations du personnel technique pouvait varier d’un tiers à la moitié du salaire. Une portion de ces heures supplémentaires ne correspondait toutefois ni à des tâches additionnelles, ni à des heures de présence effective. Le fractionnement des équipes étant proscrit par les conventions collectives, des « ciné » étaient parfois attribués aux machinistes ou électriciens en surnombre, conformément aux coutumes11. Néanmoins, les cadres techniques mobilisaient toujours une équipe de renfort par service de quatre heures afin de « faire la mise12 » en toute sécurité. En 1967, l’application de la loi sur les heures supplémentaires et l’embauche de machinistes et d’électriciens supplémentaires sont donc souhaitées par la Commission des finances, qui assortit ce vœu d’un ensemble de mesures de réorganisation :

  • 13 AN 1989 0533/15, note…, op. cit., avis de la commission des Finances, de l’Économie générale et du (...)

« La réduction des effectifs de personnel artistique est le préalable nécessaire à toute réorganisation de la RTLN. Tant pour ce qui concerne l’effectif des artistes du chant, que celui du corps de ballet, et celui des musiciens de l’orchestre. […] Il y aurait enfin intérêt à fusionner les deux orchestres de la RTLN de manière à permettre un meilleur emploi des artistes en fonction de chaque salle et de chaque spectacle. […] Il y a lieu d’assouplir les règles de travail des machinistes en faisant prévaloir notamment le fractionnement des équipes et la journée continue. Sans doute une profonde amélioration ne pourrait-elle être obtenue que par une remise en cause des conventions collectives de 1962, que le ministère de tutelle n’aurait pas dû accepter13. »

  • 14 Ibid.

9Si les experts s’abstiennent de tout jugement concernant la gestion artistique des théâtres, la Cour des comptes déplore le système de l’alternance, « beaucoup plus marquée qu’ailleurs » et suggère, en cas d’aggravation du déficit, la fermeture de l’Opéra-Comique et la réduction du répertoire de la RTLN, qui n’a plus le même public « ne serait-ce que par suite de la profusion de spectacles et de distractions de l’époque contemporaine14 ».

Libéralisation financière et politique culturelle, un impossible compromis ?

  • 15 AN 1989 0533/15, rapport public…, op. cit., p. 1.
  • 16 BmO, Opéra Presse 1967 (1), « Théâtres lyriques nationaux : trop de postes de direction », Le Mond (...)

10À la fin de l’année 1967, le rapporteur de la Cour des comptes estime toutefois que « la Réunion des Théâtres Lyriques Nationaux au moins en ce qui concerne l’Opéra, a connu depuis quelques années un certain renouveau artistique dont on ne peut que se féliciter15 ». Son constat – qui fait abstraction de la hausse de la fréquentation de la salle Favart – apporte certes d’indispensables nuances à ses observations sur la mutation du public de la RTLN, mais accentue le contraste entre l’Opéra et l’Opéra-Comique. Depuis l’été 1967, la salle Favart est donc incontestablement placée dans le collimateur de la Cour des comptes, qui souligne aussi son faible indice de fréquentation (40 %) et l’augmentation prodigieuse de son déficit (de 6 à 10 millions de francs) entre 1960 et 196416.

Saisons

Nb. de spectateurs

Nb. de représentations

Nb. moyen de spect./représ.

Palais Garnier

1960-1961 1965-1966
1968-1969

315291 352372
299180

221
207
201

1426
1702
1488

Salle Favart

1960-1961 1965-1966
1968-1969

155931 165674
164888

278
228
211

560
726
781

  • 17 AN 1989 0533/1, notes et correspondance de Marcel Landowski, directeur de la Musique, de l’Art lyr (...)

Tableau 1. – Nombre moyen de spectateurs par représentation à la RTLN entre 1960 et 196917.

  • 18 Extraits du débat parlementaire consacré au budget des affaires culturelles (1re séance, 9 novembr (...)
  • 19 BmO, Opéra Presse 1967 (1), « L’exercice démocratique de l’indépendance », Essor, Éd. de Saint-Éti (...)

11C’est dans ce contexte peu favorable à la RTLN que Valéry Giscard d’Estaing préconise la fermeture de l’Opéra-Comique, en prenant soin d’ajouter que l’intention de la commission des Finances « n’était pas de voir adopter une solution aussi négative que la fermeture pure et simple d’un établissement, mais, au contraire, de rechercher et d’obtenir la réforme et la réorganisation de cet établissement18 ». Valéry Giscard d’Estaing profite donc de la situation de l’Opéra-Comique pour se livrer à « l’exercice démocratique de l’indépendance19 », en proclamant haut et fort sa fidélité à la majorité, tout en dénonçant la gestion de l’établissement public placé sous la tutelle du gouvernement. Le critique et essayiste Henry Chapier s’appuie quant à lui sur une éventuelle fermeture de l’Opéra-Comique pour ouvrir le débat consacré au mécénat privé :

  • 20 BmO, Opéra Presse 1967 (1), Chapier H., « Seul le mécénat privé sauvera de l’asphyxie la vie artis (...)

« L’échec de la salle Favart […] n’[est] que la conséquence de la seule et même impuissance dirigiste d’un État qui voudrait tout stimuler et contrôler à la fois, sans avoir les moyens nécessaires. […] Ce n’est pas M. Georges Auric ni ses prédécesseurs qui portent la responsabilité d’un mauvais répertoire, ni des conflits syndicaux qui éclatent entre musiciens, techniciens de plateau, chefs d’orchestre, et leur employeur avaricieux et imprévoyant, l’État maître et patron. Ce n’est pas le ministère de M. Malraux qui peut assumer le rôle de mécène à l’égard des auteurs dramatiques, des futurs cinéastes, des architectes ou peintres. […] Faute d’y pourvoir, on aboutit au méli-mélo où nous sommes, à l’éternel compromis entre des aspirations esthétiques et un facteur de rentabilité immédiate, lorsqu’il ne s’agit pas – comme pour la salle Favart – du maintien laborieux d’une tradition avec les moyens du bord20. »

12La gestion de l’Opéra-Comique ainsi que sa structure juridique et administrative sont alors à ce point remises en cause qu’elles contraignent André Malraux à annoncer la nomination d’un nouvel expert, pour une nouvelle réforme de la RTLN :

  • 21 Extraits du débat parlementaire consacré au budget des affaires culturelles (1re séance, 9 novembr (...)

« S’agissant d’abord de la Réunion des théâtres lyriques, il faut transformer non seulement l’Opéra-Comique mais aussi l’Opéra, et les mettre au service d’une politique nouvelle de l’art lyrique. Après l’action à tant d’égards remarquables de M. Georges Auric, qui n’envisage pas le renouvellement de son mandat, M. Jean Vilar a accepté d’étudier la transformation de la Réunion des théâtres lyriques21. »

  • 22 AN 1989 0533/15, lettre de Paul Douai à André Malraux, 19 juillet 1968. L’administrateur délégué d (...)

13À la différence de ses prédécesseurs, Jean Vilar est un homme de l’art, dont on peut supposer qu’il associe spontanément les enjeux financiers, humains et artistiques à son projet de transformation administrative de l’établissement public. À défaut d’avoir été suffisamment impliquée dans une politique publique de l’art lyrique et de la danse, la RTLN devient l’un des terrains où responsables politiques et entrepreneurs imaginent la libéralisation de la politique culturelle, à la fin de l’année 196722. Les propositions et tentatives de dérégulation financière ou humaine de l’établissement public donnent alors un caractère urgent et impérieux à sa réforme et André Malraux n’obtient que deux années de sursis pour le maintien de l’exploitation de la salle Favart, en contrepartie d’une réflexion qu’il confie à Jean Vilar et dont les conclusions doivent être rendues avant le 30 juin 1968.

Les personnels de la RTLN face aux tentatives de dérégulation du secteur culturel

  • 23 BmO, Opéra Presse 1967 (2) : pour le seul mois de décembre 1967, plusieurs dizaines de coupures de (...)

14Au seuil de l’année 1968, les salariés du palais Garnier et de la salle Favart ont pu mesurer les risques qu’ils encouraient lors d’une trop forte exposition médiatique des dysfonctionnements de l’établissement public23. Le projet d’une fermeture de l’Opéra-Comique a brutalement fait apparaître la vulnérabilité des deux théâtres lyriques nationaux, désormais menacés par diverses tentatives de dérégulation. En 1968 et bien avant mai, les serviteurs de l’art lyrique et de la danse qui sont à la fois artistes, salariés et citoyens, ont donc à justifier l’existence et le maintien du service public de la culture auprès de l’État et de la collectivité.

Essai d’histoire sociale de la RTLN (1959-1968)

  • 24 AN 1989 0533/15, calendrier de la crise de la RTLN, réalisé par la Fédération nationale du spectac (...)
  • 25 BmO, Opéra Presse 1968, Ange-Michel, « La colère de Mephisto », Carrefour, 13 mars 1968.

15Le 8 mars 1968, les salariés rappellent les grandes étapes de la crise de la RTLN à l’occasion d’une conférence de presse convoquée à leur initiative24. Quelques jours plus tard, le dessinateur Ange-Michel évoque « la colère de Mephisto » en lui attribuant ces quelques mots : « Et pourtant, Dieu sait que j’ai tout tenté25… » Le diable est alors adossé à l’entrée des artistes, à côté d’un panneau d’affichage resté vide pour cause de grève à l’Opéra et à l’Opéra-Comique. La crise a débuté en 1959, au lendemain de la dénonciation de conventions collectives assorties d’un protocole établissant le montant des salaires de la RTLN selon les revalorisations de l’indice 100 des salaires de la fonction publique. En 1962, de nouveaux contrats de travail collectifs sont enfin signés, mais une partie des annexes catégorielles demeure à l’état d’ébauche :

  • 26 AN 1989 0533/15, calendrier…, op. cit., p. 1. Pour plus de détails sur Émile-Joseph Biasini et Fra (...)

« Toutefois, M. Biasini, eu égard aux résultats appréciables de ses démarches auprès des services du ministère des Finances, considérait nécessaire pour lui et pour les personnels, de reprendre souffle, et pour cela, sollicitait une trêve. Les représentants syndicaux en acceptaient le principe26. »

16Jusqu’en novembre 1965, les salariés s’abstiennent donc de tout mouvement social, tandis que la presse et les pouvoirs publics commencent à remettre en cause l’existence même de l’Opéra-Comique. En octobre 1966 Émile-Joseph Biasini, démis de ses fonctions par André Malraux, doit laisser son fauteuil de directeur du Théâtre, de la Musique et de l’Action culturelle à Francis Raison. Ce dernier entreprend alors la réforme suggérée par Pierre Jarniou, en créant une commission plénière à laquelle sont invités les personnels de la RTLN. Mais en novembre 1967, toutes les discussions sont interrompues après l’annonce de la nomination de Jean Vilar. Entretemps, les artistes du chant ont été avertis du non-renouvellement de leur contrat pour la saison 1969-1970 et l’effectif des solistes réengagés s’avère inférieur à celui prévu par leur convention collective.

  • 27 AN 1989 0533/15, calendrier…, op. cit., lettre de Francis Raison aux personnels de la RTLN, 24 jan (...)
  • 28 BmO, RE 378, Journal de régie, palais Garnier, 1968. 10 mars, grève de tout le personnel ; 23 et 2 (...)

17Les musiciens de l’orchestre, soutenus par l’ensemble du personnel, déposent alors une série de préavis de grève, qui obligent Francis Raison à leur proposer un pacte en vue d’une seconde trêve, incluant « l’application de mesures sociales n’ayant pas de rapport direct avec la réforme » et le versement d’une « prime d’attente non hiérarchisée », à dater du 1er janvier 196827. Ce pacte, majoritairement accepté par les personnels de la RTLN est rompu le 1er mars 1968, quand le ministère des Finances émet une série de contre-propositions dans le cadre de la tutelle qu’il exerce sur l’établissement public. Une grève d’avertissement de vingt-quatre heures est décidée le 10 mars : c’est la première d’une série de six, entre le 10 mars et le 19 mai 196828.

18La presse se saisit à nouveau du dossier, en posant un regard plus nuancé qu’auparavant sur les différentes revendications des personnels de la RTLN, dont les conventions collectives ont été encore dénoncées le 22 février 1968 :

  • 29 BmO, Opéra Presse 1968, « La crise de l’Opéra et de l’Opéra-Comique, dans l’attente des réformes » (...)

« Le climat actuel est mauvais […], l’absence d’organisme de dialogue ou de participation des personnels à l’entreprise […], les perspectives de fermeture de l’Opéra pour travaux et d’une réforme remise d’année en année, tout cela donne aux personnels l’impression qu’on cherche à les acculer à une position défensive inconfortable alors qu’ils pensent avoir joué loyalement le jeu de la réforme29. »

19Au début de l’année 1968, une nouvelle épreuve de force s’engage entre les personnels de la RTLN et les pouvoirs publics. Le mouvement social propulse les salariés des deux théâtres dans la rue. À l’épreuve de la grève et des manifestations, leur parole semble enfin se libérer, tandis que le dialogue avec l’État est rompu.

La prise de parole des personnels de la RTLN

  • 30 Valéry Giscard d’Estaing à André Malraux : « Vous nous avez laissé entrevoir ce que devrait être c (...)

20En novembre 1967, lorsque Valéry Giscard d’Estaing s’inquiète du contenu de la réforme de la RTLN – brièvement évoquée par André Malraux à l’Assemblée nationale – le président de la Commission des finances n’imagine certainement pas que les salariés s’emparent du projet d’un « théâtre lyrique populaire » pour exiger du ministre d’État qu’il tienne enfin ses promesses et précise les orientations de sa politique culturelle30. Pourtant, le 21 mars 1968, les serviteurs de l’art lyrique et de la danse (machinistes, danseurs, musiciens, etc.) manifestent devant le palais Garnier et affirment publiquement leur attachement au maintien d’un service public de la culture, dont ils craignent désormais la disparition :

  • 31 BmO, Opéra Presse 1968, « Ça bouge à l’Opéra et à l’Opéra-Comique », Libération Champagne, Éd. de (...)

« Environ 350 membres des personnels de l’Opéra et de l’Opéra-Comique ont tenu une courte réunion sur les marches de l’Opéra, portant des banderoles “M. Malraux, tenez vos promesses” et “Pour une véritable politique culturelle au service du peuple”31. »

21Les messages figurant sur les banderoles qu’arborent ces salariés trahissent surtout les inquiétudes et les interrogations de citoyens préoccupés par le sort réservé à l’art lyrique et à la danse, dont les institutions sont progressivement ébranlées par la libéralisation sociale, économique et culturelle. Soumis à des politiques publiques dont ils peinent à apprécier la lisibilité et à mesurer les enjeux, les personnels de la RTLN ne sollicitent pas seulement le maintien ou l’amélioration de leurs conditions de travail, mais s’interrogent également sur le rôle qui leur est assigné par les deux ministères de tutelle. Robert Sandrey, secrétaire général de la Fédération CGT du spectacle, dénonce « l’incohérence des pouvoirs publics » et s’appuie sur ses relais de presse que sont L’Humanité ou La Vie ouvrière pour interpeller Michel Debré et André Malraux :

  • 32 BmO, Opéra Presse 1968, « Manifestation des personnels de l’Opéra et de l’Opéra-Comique », Centre- (...)

« Au lieu, pour le ministère des Finances, de récuser les propositions du ministère des Affaires culturelles et, pour celui-ci, d’avoir l’air d’être “brimé” par le premier, il conviendrait que l’on prenne d’urgence, dans ces bureaux, l’affaire là où elle doit et peut être résolue32. »

  • 33 BmO, Opéra Presse 1968, Clarendon, « Les grèves de l’Opéra ont déjà coûté une trentaine de million (...)

22En mars, des représentations de Faust, des Pêcheurs de perles ou d’Orphée sont annulées. Le ministère des Affaires culturelles laisse alors filtrer quelques chiffres et informations tronquées à propos des négociations en cours : le 3 avril 1968, le coût des grèves de la RTLN est évalué à trente millions d’anciens francs (AF). Bernard Gavoty alias Clarendon, critique musical au Figaro, laisse entendre que si le mouvement social se poursuit, « le déficit correspondant ne sera pas loin d’atteindre les quelque 180 millions d’AF nécessaires pour l’apaisement des revendications33 ». Il n’empêche qu’en avril 1968, lorsque les dernières de Turandot ou la première du Prisonnier sont menacées par des préavis de grève, le même Bernard Gavoty accuse :

  • 34 BmO, Opéra Presse 1968, Gavoty B., « Le plan de Vilar pour l’Opéra », Aux Écoutes, semaine du 10 a (...)

« Tout se passe comme si les Affaires culturelles et les Finances, en désaccord apparent, conjuguaient en fait leurs efforts dans le but de discréditer l’Opéra actuel, afin de rendre infiniment désirable la venue du sauveur promis à notre attente34. »

23Jean Vilar a jusqu’au 30 juin 1968 pour rendre sa copie et le ministère des Affaires culturelles n’a encore donné aucune satisfaction aux grévistes. Le 19 mai 1968, une grève illimitée avec occupation des locaux est donc votée par le personnel technique de la RTLN.

Mai 68 à l’Opéra

  • 35 BmO, RE 378, journal…, op. cit., « Période de grève du samedi 18 mai au vendredi 7 juin 1968 » (4  (...)
  • 36 Ibid., pendant cette période, Emmanuel Bondeville, directeur de l’Opéra et André Chabaud, chef des (...)
  • 37 Pour plus de précisions sur la situation de ces deux théâtres, on pourra s’appuyer sur l’ouvrage s (...)

24Du samedi 18 mai au vendredi 7 juin 1968, les personnels de la RTLN sont en grève. Au palais Garnier, l’ensemble des décisions prises par les représentants du personnel, les rencontres avec l’administration et les incidents qui rythment la vie du théâtre sont minutieusement consignés, au quart d’heure près, dans une annexe du Journal de régie35. À partir du dimanche 19 mai, « personne n’est autorisé à rentrer dans le théâtre s’il ne se déclare pas gréviste36 ». Les conditions dans lesquelles s’organise et évolue la grève illimitée avec occupation des locaux sont donc assez différentes de celles du théâtre de l’Odéon ou de la Comédie-Française37. À la RTLN, les revendications s’inscrivent exactement dans la continuité du mouvement déclenché le 10 mars 1968 :

  • 38 BmO, Opéra Presse 1968, « Après les techniciens, les musiciens en grève à l’Opéra », France-Soir, (...)

« Cette décision de grève avait été prise à la suite du refus par la direction des théâtres lyriques nationaux d’accepter une motion de revendication dans laquelle le personnel exigeait une augmentation des salaires, l’abolition des ordonnances sur la Sécurité sociale et la création d’un comité de cogestion avec la direction38. »

25Le discours des salariés est désormais imprégné d’un vocabulaire nouveau. Pour désigner la « commission paritaire » proposée par Pierre Jarniou en 1966 – mise en place l’année suivante par Francis Raison sous l’intitulé de « commission plénière » – les salariés exigent la création d’un « comité de cogestion ». Les principes de cette formule, dont les contours sont encore flous à la fin de mai 68 sont néanmoins défendus lors d’une l’assemblée générale des artistes du chant :

  • 39 AN 1989 0533/15, motion des artistes du chant de la RTLN, 21 mai 1968.

« Pour pallier toute déviation future, nous demandons l’avalisation [sic] immédiate d’un comité de cogestion artistique et technique. Ce comité déterminera avec l’administrateur responsable et nanti des pouvoirs pour la saison prochaine, les bases de ce qu’il pense être un véritable relèvement du théâtre lyrique français en fonction de ses devoirs et de ses aspirations39. »

  • 40 AN 1989 0533/15, résolution du comité de grève de la RTLN, 17 mai 1968 ; résolution du comité de g (...)

26Peu à peu, les revendications circulent et s’harmonisent entre les théâtres nationaux. Le 20 mai, une résolution du comité de grève de la RTLN sert de modèle à celle du Théâtre national populaire (TNP). Le lendemain, le TNP est fermé pour cause de grève, puis les personnels de la Comédie-Française se déclarent solidaires des personnels de l’Opéra et de l’Opéra-Comique : un comité d’action dépose une motion pour exiger à son tour la création d’un comité de gestion paritaire destiné à améliorer les conditions de travail et d’exploitation, salle Richelieu40. La RTLN reste à part, abandonnée des pouvoirs publics. Le 22 mai, c’est par voie de presse que le ministère des Affaires culturelles s’adresse à ses salariés et plus particulièrement aux machinistes :

  • 41 BmO, Opéra Presse 1968, « Le ministère des Affaires culturelles : “Il s’est créé à l’Opéra une sit (...)

« Ils n’acceptent d’ouvrir les portes qu’aux signataires d’une motion approuvant la grève. Le ministère des Affaires culturelles ne peut en conséquence poursuivre les discussions sur les revendications qui avaient été amorcées avant cette action car les grévistes représentent une minorité non représentative de l’ensemble du personnel41. »

  • 42 Une vingtaine d’articles de presse, consacrés à la mise en place du dispositif de sécurité autour (...)
  • 43 BmO, Opéra Presse 1968, « Le “mouvement Occident” a investi l’Opéra pendant quelques minutes », L’ (...)
  • 44 BmO, Opéra Presse 1968, « Elles entrent dans la danse… », Paris-Jour, 29 mai 1968.

27Le ministère de l’Intérieur semble également délaisser le palais Garnier, dont il a pourtant organisé la surprotection, à compter du 17 mai : après le rappel de 10 000 réservistes, l’Opéra et la tour Eiffel ont en effet été flanqués de dizaines de cars de la gendarmerie mobile, de CRS et de la police municipale, chargés d’éviter toute éventuelle incursion dans l’un ou l’autre édifice42. Le 22 mai, le mouvement Occident, mené par Tixier-Vignancourt, parvient toutefois à incendier les banderoles des grévistes du palais Garnier, à attaquer le personnel et même à forcer les grilles du théâtre. L’incursion des militants d’extrême droite à l’intérieur du palais Garnier provoque enfin la prompte intervention des CRS, qui, à leur tour, occupent les lieux. C’est en faisant promettre aux personnels de la RTLN qu’ils n’occuperont le palais Garnier « qu’afin de faire aboutir leurs revendications et non dans l’espoir d’imposer un régime socialiste » que l’extrême droite, qui scande « le communisme ne passera pas ! » accepte d’évacuer le théâtre43. Malgré la rupture du dialogue avec l’État, les serviteurs de l’art lyrique et de la danse continuent à revendiquer un service public de la culture. Assumant désormais leur triple identité d’artistes, de salariés et de citoyens, les personnels de la RTLN affirment progressivement leur volonté d’une démocratisation artistique, en participant notamment aux états généraux de la danse, du chant et du théâtre. Claude Bessy, présentée par la presse comme « la ballerine vedette des galas officiels réservés aux chefs d’État », entre dans la danse44. Un an après Mai 68, la danseuse étoile adresse une lettre ouverte à André Malraux :

  • 45 BmO, Opéra Presse 1969, Bessy C., « Lettre ouverte », Les saisons de la danse, no 14, mai 1969 (p. (...)

« Partagée entre les conventions collectives à refaire, les travaux à effectuer, une politique à redéfinir, un répertoire à revoir entièrement, l’administration semble écrasée et on le comprend, surtout lorsqu’en plus on préconise des économies. Combien de temps encore faudra-t-il pour que nos jeunes talents se lassent de ne rien faire45 ? »

La libéralisation de l’art lyrique et de la danse au lendemain de mai 68

  • 46 André Malraux, discours prononcé au Parc des Expositions, le 20 juin 1968. Accessible en ligne : h (...)
  • 47 Ory P., La belle illusion. Culture et politique sous le signe du Front populaire 1935-1938, Paris, (...)

28Le 20 juin 1968, André Malraux prononce un discours de soutien à l’Union pour la défense de la République (UDR), dans le cadre de la campagne pour les élections législatives. En esquissant un bilan du gaullisme, le ministre d’État tente de rassurer les électeurs quant à la capacité du président de la République d’apporter au pays « la force de supporter les conséquences des grèves46 ». Il énumère alors quelques-unes des réformes réalisées par le général de Gaulle depuis la Libération (nationalisations, comités d’entreprise, Sécurité sociale, etc.) et rappelle discrètement l’échec économique et financier de la France, au lendemain des grèves du Front populaire. Concernant l’art lyrique et la danse, ce bilan est pourtant positif : la nationalisation des deux théâtres a été imaginée par Jean Zay, accompagnée de revalorisations salariales, d’importants travaux de rénovation technique et d’une programmation artistique ambitieuse47. En revanche, en 1968, les personnels de la RTLN ne bénéficient toujours pas de comité d’entreprise et exigent l’abolition des ordonnances sur la Sécurité sociale…

  • 48 L’UDR obtient 293 sièges sur un total de 487, à l’Assemblée nationale.
  • 49 AN 1991 0242/11 : Vilar J., Une réforme de l’Opéra, rapport, 30 juin 1968.
  • 50 AN 1987 0601/5, conclusions à tirer de la réunion du 27 février 1968 : « En cas de réponse affirma (...)

29Le 30 juin, la droite remporte une victoire incontestable aux élections législatives48. Ironie du sort, Jean Vilar doit remettre son rapport intitulé Une réforme de l’Opéra à André Malraux le jour même49. Mais l’administrateur pressenti, qui s’est prêté à l’exercice jusqu’au bout, malgré un contexte défavorable, renonce au mandat qui lui avait été proposé par le ministère des Affaires culturelles50.

Jean Vilar, une arlésienne

  • 51 Cette hypothèse s’appuie sur un témoignage oral, recueilli lors de la journée d’étude du 25 octobr (...)
  • 52 BmO, Opéra Presse 1967 (2), « Un singulier historien », Le Nouvel Observateur, semaine du 3 au 9 j (...)
  • 53 Wallon E., « Mai 68 », paru dans De Waresquiel E. (dir.), Dictionnaire…, op. cit., p. 374.

30Trois facteurs concourent donc à expliquer la renonciation du « sauveur », tel que surnommé par Clarendon. L’état de santé de Jean Vilar ne semble plus lui permettre d’envisager une rénovation de grande ampleur nécessitant d’accepter un ou plusieurs mandats, dont la durée minimale est de trois ans51. La conjoncture politique est défavorable au lendemain des élections législatives, ainsi qu’en témoigne la résurgence d’un discours nauséabond, violemment anticommuniste, autrefois réservé à quelques farouches militants d’extrême droite, tels l’historien Pierre Gaxotte52. La virulence et la brutalité des propos tenus le 30 mai à l’égard des acteurs du mouvement social ont certainement bouleversé Jean Vilar, « qui ressent aussi la défiance du pouvoir, [et] abandonne la mission qu’on lui avait confiée d’imaginer un “opéra populaire”53 ». Enfin, Jean Vilar avait voulu s’assurer la participation d’artistes dont la compétence musicale et chorégraphique était unanimement appréciée, tels Pierre Boulez et Maurice Béjart, pressentis pour diriger la RTLN à ses côtés, mais sans ménager la susceptibilité de Marcel Landowski, alors inspecteur général de la musique au ministère des Affaires culturelles. Une note adressée au directeur de cabinet d’André Malraux montre que les aspects relationnels doivent être pris en considération, tant ils interfèrent dans ce dossier de nomination :

  • 54 AN 1989 533/1, Marcel Landowski, note à l’attention de monsieur Antoine Bernard, directeur du Cabi (...)

« Si plus que quiconque je souscris au principe de la totale liberté qui doit être laissée aux artistes chargés d’une responsabilité, je pense cependant qu’il n’y a nulle entorse à cette règle en prévenant Jean Vilar qu’il serait impossible d’accepter une éventuelle nomination de Pierre Boulez tant que celui-ci affichera une attitude délibérément hostile et provocatrice à l’encontre de notre action musicale54. »

31À la fin de l’année 1967, le chef d’orchestre français – invité par Georges Auric à diriger une vingtaine de représentations de Wozzeck au palais Garnier, en 1963 – a accordé, outre-Rhin, une interview retentissante dans laquelle il faisait savoir qu’un théâtre d’opéra lui paraissait une « armoire pleine de mauvaise odeur » :

  • 55 BmO, Opéra Presse 1967 (2), Longchampt J., « Pierre Boulez et l’Opéra », Le Monde, 16 décembre 196 (...)

« Dans cette ville de province qu’est Paris, le “musée” est très mal tenu. L’Opéra est plein de poussière et de… (ici un mot intraduisible en français depuis Waterloo), pour parler en bon allemand. Seuls les touristes y vont, parce qu’on doit avoir vu l’Opéra de Paris. Cela fait partie du circuit touristique comme les Folies-Bergères et le dôme des Invalides55. »

  • 56 D’après les bottins administratifs 1966-1969, la compétence échoit à Pierre Moinot, directeur des (...)

32Le conflit entre Pierre Boulez et Marcel Landowski interfère dans l’organigramme du ministère des Affaires culturelles, en défaveur de l’administrateur pressenti par André Malraux. Une erreur d’appréciation a donc été commise par Jean Vilar, car après Mai 68, le service de la Musique se transforme en laboratoire des politiques publiques de l’art lyrique et de la danse, bien que de 1966 à 1969, les deux seules personnes officiellement en charge de la RTLN soient Pierre Moinot et Francis Raison. Cela amène à s’interroger sur le rôle exact de Marcel Landowski dans la réforme de la RTLN56. En tout état de cause, les problèmes de santé, la conjoncture politique et le conflit Landowski-Boulez concourent à expliquer le refus manifesté par Jean Vilar, dont la marge de manœuvre s’est peu à peu réduite comme une peau de chagrin.

Administrer la RTLN après Mai 68, une gageure

  • 57 BmO, dossier d’artiste de Georges Auric, « Entretien avec Georges Auric. Le problème des théâtres (...)

33En juin 1962, Georges Auric, nommé administrateur de la RTLN, annonçait une programmation ambitieuse, incluant d’ores et déjà Wozzeck, sous la direction de Pierre Boulez57. Estimant que les problèmes administratifs, financiers et humains avaient été résolus après la signature des conventions collectives de 1962, Georges Auric évoquait la manière dont il envisageait de gouverner les deux théâtres :

  • 58 BmO, dossier d’artiste de Georges Auric, « “Il faut changer l’état d’esprit de l’Opéra”, nous décl (...)

« Le ministre […] ne m’a pas appelé pour régler des conflits entre les ouvreuses – simple exemple. C’est pourquoi je m’abstiendrai systématiquement de m’occuper des questions administratives ; il y a pour cela d’excellents fonctionnaires et je ne connais rien à la question. En revanche, sur les questions qui me sont familières, j’ai revendiqué un pouvoir absolu58. »

34En juillet 1968, arrivé au terme d’un second mandat éprouvant, l’administrateur s’est effectivement appuyé sur André Chabaud, un excellent directeur administratif bien rompu au fonctionnement de l’établissement public. Après le départ de Georges Auric, le ministère des Affaires culturelles confie donc tout naturellement les fonctions d’administrateur par intérim à André Chabaud, qui s’appuie à la fois sur les différents rapports consacrés à la RTLN et sur son expérience pour entreprendre enfin la réforme des deux théâtres. La fermeture du palais Garnier lui permet d’appliquer des réformes en adoptant un système transitoire, favorable au dialogue avec les personnels de la RTLN. Pendant les travaux d’aménagement des bennes monte-décor du palais Garnier, les deux saisons 1968-1969 et 1969-1970 avaient été programmées sans nécessiter l’attribution de crédits supplémentaires. Mais le 8 octobre 1969, André Chabaud démissionne après avoir été averti par Marcel Landowski d’une diminution de 15 % de la subvention de la RTLN :

  • 59 Gourret J., Ces hommes qui ont fait l’Opéra 1669-1984, Paris, Albatros, 1984, 296 p., p. 188.

« André Chabaud bondit chez Edmond Michelet, le Ministre : “Par quelle aberration exigeait-on, à moins d’un mois de l’ouverture de la saison, des économies strictement irréalisables ?” Cherchait-on à paralyser l’Opéra ? Ou bien s’agissait-il d’une manœuvre destinée à extorquer à Chabaud sa démission ?
D’un ton sans réplique, le Ministre confirma la décision d’austérité. Chabaud ne fut pas dupe. On voulait son départ ; eh bien ! on l’aurait, car jamais il ne s’associerait à pareille aventure59. »

  • 60 Ibid.
  • 61 AN 1989053/1, Edmond Michelet, lettre à René Nicoly, 7 octobre 1969.
  • 62 BmO, Opéra Presse 1969, Nussac S. de, « Musique. Grandes manœuvres à l’Opéra de Paris », L’Express (...)

35Ce récit du désengagement de l’État est extrait d’un ouvrage de Jean Gourret, consacré aux administrateurs de l’Opéra entre 1669 et 1984. La quatrième de couverture de cette biographie collective, préfacée par André Chabaud lui-même, mentionne la démission de douze administrateurs, « de gré ou de force » et la mort à la tâche de sept administrateurs, sur un total de 5460. Son successeur, René Nicoly, est décédé au palais Garnier, le 22 mai 1971. En octobre 1969, lors de sa prise de fonction, le fondateur des Jeunesses musicales de France souhaitait « démocratiser l’opéra », dans la continuité des propositions émises par Jean Vilar. La lettre de mission adressée par Edmond Michelet, ministre d’État chargé des Affaires culturelles, ne laissait pas entrevoir de difficultés majeures et ce d’autant moins que la subvention de la RTLN avait été créditée de 15 % pour l’exercice 197061. En revanche, à la veille de sa nomination, 43 lettres de licenciement avaient éliminé l’ensemble des salariés âgés de 65 ans ou plus, en dépit de la notoriété, de la fonction et de l’apport de ces artistes à la RTLN. Marcel Landowski évoque alors la nécessité de « remettre de l’ordre dans cette baraque62 ». Une fois de plus, il est question de remettre en cause les conventions collectives :

  • 63 BmO, Opéra Presse 1969, « Dans les théâtres lyriques nationaux. Les syndicats considèrent que l’Op (...)

« Loin de refuser des aménagements aux conventions collectives, les personnels de l’Opéra et de l’Opéra-Comique seraient prêts à y souscrire, si elles vont, a déclaré M. André Courby, délégué des électriciens, qui présidait la réunion, dans le sens d’une amélioration des conditions de travail, de la qualité des spectacles et d’une utilisation rationnelle des moyens de production et des talents63. »

  • 64 Auclair M. et Poidevin A., « La Réunion des théâtres lyriques nationaux sous l’administration de D (...)

36René Nicoly n’y parvient pas et meurt, acculé à la tâche. Daniel-Lesur est alors sollicité par son ami Marcel Landowski, pour exercer les fonctions d’administrateur de la RTLN par interim. En dix-huit mois, Daniel-Lesur parvient à diriger, administrer et gérer la RTLN, tout en préparant la séparation des deux théâtres pour l’arrivée de Rolf Liebermann64.

Marcel Landowski et la RTLN (1966-1971)

  • 65 Le 23 décembre 1970, la création d’une direction de la Musique, de l’Art lyrique et de la Danse (D (...)

37Depuis le 9 mai 1966, date de la création du service de la Musique au ministère des Affaires culturelles, Marcel Landowski est chargé des questions musicales, à l’exclusion des théâtres lyriques – RTLN et Réunion des théâtres lyriques municipaux de France. Cependant, le chef du service de la Musique veille. À l’hôtel Kinsky, 53 rue Saint-Dominique, la situation de la RTLN est systématiquement observée, commentée et discutée. Autour de 1968, grâce à ses interventions ciblées auprès d’André Malraux, d’Edmond Michelet ou de Jacques Duhamel et auprès des différents administrateurs de la RTLN, Marcel Landowski est un des principaux acteurs des politiques publiques de l’art lyrique et de la danse, bien qu’il n’apparaisse dans aucun des organigrammes officiels avant le 23 décembre 197065.

  • 66 Durney D., « Musique (politiques de la) », in De Waresquiel E. (dir.), Dictionnaire…, op. cit., p. (...)
  • 67 Ibid.

38Entre 1966 et 1969, la politique musicale fait l’objet d’une série de mesures « significatives d’une philosophie de l’intervention de l’État qui allie prestige et démocratisation66 ». À partir de 1969, le « plan de dix ans pour l’organisation des structures musicales françaises », conçu et rédigé par Marcel Landowski, coordonne l’action des pouvoirs publics, dans les institutions sous tutelle du ministère des Affaires culturelles. À la RTLN, la libéralisation se poursuit, mais elle ne peut plus être imputée aux errements des politiques publiques de l’art lyrique et de la danse. Avant le 1er janvier 1973, date de l’arrivée de Rolf Liebermann au palais Garnier, la RTLN n’a pourtant pas bénéficié des moyens permettant d’allier prestige et démocratisation, puisque sa part a diminué dans le budget de la musique (1966, 77 % ; 1974, 56 %)67. En effet, Marcel Landowski exigeait de ses administrateurs une réduction drastique des dépenses associée à une fermeté sans faille à l’égard des syndicats.

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  • 68 BmO, Opéra arch. 20/1805, lettre de Rolf Liebermann à Marcel Landowski, 23 décembre 1971.
  • 69 Ministère des Affaires culturelles, « Réalisations et perspectives de la Direction de la Musique, (...)

39Entre le 30 juin 1968 et le 1er janvier 1973, les réformes structurelles de la RTLN aboutissent finalement à la séparation des deux théâtres. Rolf Liebermann, qui succède à Daniel-Lesur et administre l’Opéra de 1973 à 1980, a en effet exigé des pouvoirs publics d’être déchargé de l’Opéra-Comique, dès son entrée en fonction68. L’administrateur refuse d’être contraint, comme ses prédécesseurs, d’assurer la satisfaction des intérêts contradictoires de l’État et des personnels de la RTLN. Alors que l’ensemble des acteurs s’accorde à promouvoir l’idée d’un opéra populaire rendant l’art lyrique et la danse accessibles au plus grand nombre, les désaccords émergent autour de l’année 1968 quant à la manière de faire. Lorsque les personnels de la RTLN prônent la démocratisation culturelle, c’est un encadrement plus étroit du service public de la culture qu’ils exigent. L’État, en revanche, libéralise sa politique culturelle, à la fois dans l’espoir d’une meilleure gestion des deux théâtres lyriques parisiens, mais également dans la perspective d’une décentralisation lyrique voulue par Marcel Landowski depuis 1966 et qui n’est véritablement mise en place qu’après le 1er janvier 1973, une fois réglés les problèmes de la RTLN69.

Notes

1 Extraits du débat parlementaire consacré au budget des affaires culturelles (1re séance, 9 novembre 1967), Journal officiel, no 94, 10 novembre 1967. Accessible en ligne http://archives.assemblee-nationale.fr/3/cri/1967-1968-ordinaire1/052.pdf (consulté le 20 octobre 2008).

2 En 1966, le journaliste Maurice Denuzière livrait les conclusions d’une longue enquête consacrée à la situation de la Réunion des théâtres lyriques nationaux : « I) L’État, mécène de l’art lyrique » ; « II) Le syndicat des musées » ; « III) La condition du musicien » ; « IV) Chanteurs, danseurs et choristes » ; « V) Faut-il fermer les théâtres lyriques nationaux ? ». Cette série, intitulée « L’opéra de quat’milliards », fut publiée dans Le Monde, entre le 11 et le 16 février 1966.

3 Jusqu’en janvier 1975, la RTLN est principalement régie par la loi du 14 janvier 1939, portant réorganisation des théâtres lyriques nationaux.

4 AN 1989 0533/28 : Jarniou P., Étude sur le fonctionnement de la réunion des théâtres lyriques nationaux, ministère d’État chargé des Affaires culturelles, Paris, 1966 (10 vol. ).

5 Ibid., vol. 2, p. 92-93.

6 AN 1989 0533/15, note à l’attention de monsieur Francis Raison, direction du Théâtre et des Maisons de la culture, 30 novembre 1967, et AN 1989 0533/15, rapport public de la Cour des comptes (I – Réunion des théâtres lyriques nationaux), décembre 1967.

7 AN 1989 0533/15, note…, op. cit., p. 1.

8 Alain Trapenard préconisait la création d’un Conseil d’administration de la RTLN, grâce auquel « l’administrateur serait ainsi mieux appuyé, en face d’un personnel très revendicatif » (ibid.).

9 En 1953 et 1962, les conventions collectives avaient déjà été dénoncées par l’administrateur la RTLN. Gourret J., Ces hommes qui ont fait l’Opéra (1669-1984), Paris, Albatros, 1984, 296 p., p. 173 sq.

10 BmO, Opéra Presse 1967 (1), Macabiès J., « Qu’est-ce qui ne va pas à l’Opéra ? », Le Journal du Dimanche, 5 novembre 1967 (dernière et p. 11).

11 « Ciné » désigne à l’origine des « heures-cinéma », c’est-à-dire la possibilité, pour les bénéficiaires (un à deux machinistes par brigade), de quitter le théâtre afin d’assister à une séance de cinéma ou de regagner son domicile, sans que cette absence ne donne lieu à une retenue sur le salaire.

12 « “Faire la mise”, c’est installer ou planter un décor. À la Comédie-Française [et à la RTLN], où se pratique l’alternance, c’est après “avoir fait la salade” – rangé les décors de la veille dans un certain ordre – que les machinistes sont amenés à faire la mise pour la représentation du soir. Mais l’expression n’est pas seulement utilisée par eux ; elle appartient à tous les corps de métier du théâtre. », extrait de Pierron A., Dictionnaire de la langue du théâtre, mots et mœurs du théâtre, Paris, Robert, coll. « Les usuels », 2002, 622 p.

13 AN 1989 0533/15, note…, op. cit., avis de la commission des Finances, de l’Économie générale et du Plan, cité par Alain Trapenard, p. 2 sq.

14 Ibid.

15 AN 1989 0533/15, rapport public…, op. cit., p. 1.

16 BmO, Opéra Presse 1967 (1), « Théâtres lyriques nationaux : trop de postes de direction », Le Monde, 8 juillet 1967.

17 AN 1989 0533/1, notes et correspondance de Marcel Landowski, directeur de la Musique, de l’Art lyrique et de la Danse : 1970-1973.

18 Extraits du débat parlementaire consacré au budget des affaires culturelles (1re séance, 9 novembre 1967), Journal officiel, op. cit., p. 4757.

19 BmO, Opéra Presse 1967 (1), « L’exercice démocratique de l’indépendance », Essor, Éd. de Saint-Étienne, 13 octobre 1967.

20 BmO, Opéra Presse 1967 (1), Chapier H., « Seul le mécénat privé sauvera de l’asphyxie la vie artistique parisienne », Combat, 7 et 8 octobre 1967, p. 13.

21 Extraits du débat parlementaire consacré au budget des affaires culturelles (1re séance, 9 novembre 1967), Journal officiel, op. cit., p. 4775.

22 AN 1989 0533/15, lettre de Paul Douai à André Malraux, 19 juillet 1968. L’administrateur délégué de la Chambre syndicale des directeurs de théâtre de France adresse une proposition à André Malraux : après avoir procédé au licenciement de tout le personnel de la RTLN Paul Douai se dit prêt à prendre la gestion du théâtre sous le régime d’une régie intéressée avec reversement de 50 % des bénéfices au personnel, « à titre de participation ».

23 BmO, Opéra Presse 1967 (2) : pour le seul mois de décembre 1967, plusieurs dizaines de coupures de presse sont rassemblées au sein d’une chemise dont l’intitulé « 1967 décembre + réorganisation de la RTLN + fermeture de l’Opéra-Comique » est sans équivoque.

24 AN 1989 0533/15, calendrier de la crise de la RTLN, réalisé par la Fédération nationale du spectacle et ses syndicats affiliés.

25 BmO, Opéra Presse 1968, Ange-Michel, « La colère de Mephisto », Carrefour, 13 mars 1968.

26 AN 1989 0533/15, calendrier…, op. cit., p. 1. Pour plus de détails sur Émile-Joseph Biasini et Francis Raison, on pourra consulter Rauch M.-A., Le bonheur d’entreprendre. Les administrateurs de la France d’outre-mer et la création du ministère des Affaires culturelles, Paris, Comité d’histoire du ministère de la Culture, Travaux et documents, no 7, 1998, p. 95-97.

27 AN 1989 0533/15, calendrier…, op. cit., lettre de Francis Raison aux personnels de la RTLN, 24 janvier 1968, p. 4.

28 BmO, RE 378, Journal de régie, palais Garnier, 1968. 10 mars, grève de tout le personnel ; 23 et 27 mars, grève des chœurs ; 29 mars, grèves des chœurs, de l’orchestre, de la technique, de la régie et des chefs de chant ; 19 avril, grève des chœurs ; 19 mai, grève illimitée, avec occupation des locaux.

29 BmO, Opéra Presse 1968, « La crise de l’Opéra et de l’Opéra-Comique, dans l’attente des réformes », Le Monde, 11 mars 1968.

30 Valéry Giscard d’Estaing à André Malraux : « Vous nous avez laissé entrevoir ce que devrait être cette réforme : l’apparition de ce que vous avez appelé un “théâtre lyrique populaire”. La France posséderait donc le théâtre national populaire et en même temps un théâtre lyrique populaire. Cette suggestion, d’ailleurs, n’est pas nouvelle car la commission chargée de préparer le Ve Plan avait déjà envisagé la transformation de l’Opéra-Comique en un théâtre lyrique populaire. Il est d’ailleurs vraisemblable que cette transformation poserait, entre autres, un problème de salle car ce n’est sans doute pas dans les locaux actuels qu’elle pourrait se faire » (extraits du débat parlementaire consacré au budget des affaires culturelles, 1re séance, 9 novembre 1967, Journal officiel, op. cit., p. 4757).

31 BmO, Opéra Presse 1968, « Ça bouge à l’Opéra et à l’Opéra-Comique », Libération Champagne, Éd. de Troyes, 22 mars 1968.

32 BmO, Opéra Presse 1968, « Manifestation des personnels de l’Opéra et de l’Opéra-Comique », Centre-Matin, Éd. de Montluçon, 21 mars 1968 et « Vers une nouvelle grève à l’Opéra ? », L’Humanité, 25 mars 1968.

33 BmO, Opéra Presse 1968, Clarendon, « Les grèves de l’Opéra ont déjà coûté une trentaine de millions d’A. F. N’y a-t-il pas moyen d’y mettre un terme ? », Le Figaro, 3 avril 1968.

34 BmO, Opéra Presse 1968, Gavoty B., « Le plan de Vilar pour l’Opéra », Aux Écoutes, semaine du 10 au 16 avril 1968.

35 BmO, RE 378, journal…, op. cit., « Période de grève du samedi 18 mai au vendredi 7 juin 1968 » (4 p. dactylographiées).

36 Ibid., pendant cette période, Emmanuel Bondeville, directeur de l’Opéra et André Chabaud, chef des services administratifs discutent avec le comité de grève de part et d’autre des grilles des portes d’entrée du palais Garnier (p. 1).

37 Pour plus de précisions sur la situation de ces deux théâtres, on pourra s’appuyer sur l’ouvrage suivant : Rauch M.-A., Le théâtre en France en 1968, Nanterre, Éd. de l’Amandier, coll. « Essais », 562 p., p. 192-226 et p. 251-261, ainsi que sur l’article de Wallon E., « Mai 68 », in De Waresquiel E. (dir.), Dictionnaire des politiques culturelles de la France depuis 1959, Paris, Larousse/CNRS, 2001, 658 p., p. 373-375.

38 BmO, Opéra Presse 1968, « Après les techniciens, les musiciens en grève à l’Opéra », France-Soir, 21 mai 1968.

39 AN 1989 0533/15, motion des artistes du chant de la RTLN, 21 mai 1968.

40 AN 1989 0533/15, résolution du comité de grève de la RTLN, 17 mai 1968 ; résolution du comité de grève du TNP, 20 mai 1968 ; BmO, Opéra Presse 1968, « Après les techniciens… », op. cit., 21 mai 1968.

41 BmO, Opéra Presse 1968, « Le ministère des Affaires culturelles : “Il s’est créé à l’Opéra une situation particulière” », Le Figaro, 21 mai 1968.

42 Une vingtaine d’articles de presse, consacrés à la mise en place du dispositif de sécurité autour de la tour Eiffel et du palais Garnier (17 mai), puis consacrés aux manifestations du mouvement Occident, dans le quartier Saint-Lazare et Opéra (21 mai) ont été sélectionnés et consultés. Ils proviennent de divers quotidiens internationaux, nationaux et régionaux parmi lesquels Herald Tribune, Le Figaro, Le Monde, Combat, La Croix, L’Humanité, etc.

43 BmO, Opéra Presse 1968, « Le “mouvement Occident” a investi l’Opéra pendant quelques minutes », L’Aurore, 21 mai 1968.

44 BmO, Opéra Presse 1968, « Elles entrent dans la danse… », Paris-Jour, 29 mai 1968.

45 BmO, Opéra Presse 1969, Bessy C., « Lettre ouverte », Les saisons de la danse, no 14, mai 1969 (p. 8-9).

46 André Malraux, discours prononcé au Parc des Expositions, le 20 juin 1968. Accessible en ligne : http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/dossiers/malraux2006/discours/a.m-20juin68.htm (consulté le 20 novembre 2008).

47 Ory P., La belle illusion. Culture et politique sous le signe du Front populaire 1935-1938, Paris, Plon, coll. « Civilisations et mentalités », 1994, 1 033 p.

48 L’UDR obtient 293 sièges sur un total de 487, à l’Assemblée nationale.

49 AN 1991 0242/11 : Vilar J., Une réforme de l’Opéra, rapport, 30 juin 1968.

50 AN 1987 0601/5, conclusions à tirer de la réunion du 27 février 1968 : « En cas de réponse affirmative, il est entendu que Jean Vilar, assisté de son équipe, sera chargé, après le départ de M. Auric, d’assurer la réalisation de la réforme proposée. Les moyens financiers nécessaires lui seront assurés jusqu’à sa nomination officielle à la tête du nouvel organisme qui prendra la suite de la RTLN. »

51 Cette hypothèse s’appuie sur un témoignage oral, recueilli lors de la journée d’étude du 25 octobre 2008. Jean Vilar est décédé à Sète, le 28 mai 1971, à l’âge de 59 ans.

52 BmO, Opéra Presse 1967 (2), « Un singulier historien », Le Nouvel Observateur, semaine du 3 au 9 janvier 1968. Au début de l’année 1968, Pierre Gaxotte, qui écrivait dans Le Figaro, avait consacré l’une de ses chroniques au triumvirat chargé de la réforme de la RTLN (Maurice Béjart, Pierre Boulez et Jean Vilar) : « Je trouve seulement que l’installation d’un état-major communiste à la tête de l’Opéra soit la première victoire anticommuniste devenue, depuis le congrès de Lille, la loi souveraine et la mission de l’UNR rebaptisée. » Les extraits de cette chronique avaient été cités afin de dénoncer la calomnie dont étaient victimes les trois hommes.

53 Wallon E., « Mai 68 », paru dans De Waresquiel E. (dir.), Dictionnaire…, op. cit., p. 374.

54 AN 1989 533/1, Marcel Landowski, note à l’attention de monsieur Antoine Bernard, directeur du Cabinet, « Problème Pierre Boulez », 26 janvier 1968.

55 BmO, Opéra Presse 1967 (2), Longchampt J., « Pierre Boulez et l’Opéra », Le Monde, 16 décembre 1967. Citation et traduction de nombreux extraits de l’interview accordée par Pierre Boulez au Spiegel, intitulée « Sprengt die Opernhaüser im die Luft » (qu’on pourrait traduire par quelque chose comme « Dynamitez les opéras »), 25 novembre 1967.

56 D’après les bottins administratifs 1966-1969, la compétence échoit à Pierre Moinot, directeur des Arts et Lettres (DGAL) et la RTLN est déléguée à Francis Raison, directeur du Théâtre et des Maisons de la culture (DTMC).

57 BmO, dossier d’artiste de Georges Auric, « Entretien avec Georges Auric. Le problème des théâtres lyriques nationaux est loin d’être résolu », propos recueillis dans Le Monde, 26 octobre 1962. Georges Auric précisait alors que Wozzeck serait un test. S’il échouait à programmer cette œuvre, il se retirerait.

58 BmO, dossier d’artiste de Georges Auric, « “Il faut changer l’état d’esprit de l’Opéra”, nous déclare Georges Auric », propos recueillis dans Le Figaro, 11 avril 1962.

59 Gourret J., Ces hommes qui ont fait l’Opéra 1669-1984, Paris, Albatros, 1984, 296 p., p. 188.

60 Ibid.

61 AN 1989053/1, Edmond Michelet, lettre à René Nicoly, 7 octobre 1969.

62 BmO, Opéra Presse 1969, Nussac S. de, « Musique. Grandes manœuvres à l’Opéra de Paris », L’Express, semaine du 15 au 21 septembre 1969.

63 BmO, Opéra Presse 1969, « Dans les théâtres lyriques nationaux. Les syndicats considèrent que l’Opéra est en péril », Le Monde, 16-17 novembre 1969.

64 Auclair M. et Poidevin A., « La Réunion des théâtres lyriques nationaux sous l’administration de Daniel-Lesur (23 mai 1971 – 31 décembre 1972) », in Auzolle C. (dir.), Regards sur Daniel-Lesur. Compositeur et humaniste (1908-2002), Paris, Presses de l’université de Paris-Sorbonne, coll. « Musique/Écritures », 2009, 412 p., p. 317-345.

65 Le 23 décembre 1970, la création d’une direction de la Musique, de l’Art lyrique et de la Danse (DMALD) permet à Marcel Landowski de s’occuper de l’ensemble des questions musicales, théâtres lyriques inclus. Pour plus de précisions sur l’histoire administrative du ministère des Affaires culturelles, on peut s’appuyer sur l’ouvrage de Beaulieu B. et Dardy M., Histoire administrative du ministère de la Culture (1959-2002), Paris, La Documentation française, 2002, 208 p.

66 Durney D., « Musique (politiques de la) », in De Waresquiel E. (dir.), Dictionnaire…, op. cit., p. 454-455.

67 Ibid.

68 BmO, Opéra arch. 20/1805, lettre de Rolf Liebermann à Marcel Landowski, 23 décembre 1971.

69 Ministère des Affaires culturelles, « Réalisations et perspectives de la Direction de la Musique, de l’Art lyrique et de la Danse », Notes d’information, no 23, 1er trimestre 1974, p. 38.

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