Moines et seigneurs dans le Bas-Maine
|Première partie. L’apparition des prieurés dans le Bas-Maine (XIe-Ier quart du XIIe siècle)
Chapitre IV. Le processus fondateur
Texte intégral
- 1 Le mot de « fondation », s’il n’est pas inconnu des acteurs de la fondation, n’est jamais employé (...)
- 2 Hourlier, Les Religieux, dans Histoire du droit et des institutions de l’Église d’Occident, t. 10, (...)
- 3 V. H. Galbraith, « Monastic foundation charters of the eleventh and twelfth centuries », dans Camb (...)
- 4 P. Racinet, « Implantation... », p. 11 et « Création des prieurés et installations des moines dans (...)
- 5 Voir l’approche politique de J.-F. Lemarignier, « Aspects politiques des fondations de collégiales (...)
- 6 J. Howe, « The nobility’s reform of the medieval church », dans The american historical review, 93 (...)
- 7 Cf. P. Johnson, « Pious legends and historical realities. The foundation of La Trinité de Vendôme, (...)
1L’exemple basilgéen nous a montré avec précisions les mécanismes à l’œuvre dans ce que l’on nomme, par commodité, la fondation d’un établissement monastique1. La problématique fondatrice n’a que rarement suscité d’étude pour elle-même. J. Hourlier, par exemple, dans sa grande étude des Institutions de l’Église en Occident, ne recourt guère au terme. Évoquant l’apparition des maisons religieuses, il parle d’« établissement » ou de « dotation des bien-fonds ».2, insistant spécialement sur la dimension matérielle du processus. D’un point de vue formel, V. H. Galbraith réfléchissait, en 1934, sur l’acte fondateur pour montrer que, bien souvent, la charte officielle de fondation n’enclenche pas le processus fondateur, mais, bien au contraire, l’aboutit, confirmant par écrit une décision orale antérieure3. À une telle vision rétrospective du processus fondateur est pourtant souvent préférée une vision prospective, la fondation marquant le point de départ d’un processus plus ou moins long permettant la constitution du patrimoine prieural. C’est la démarche suivie par P. Racinet pour les établissements clunisiens. Il définit a minima la fondation comme « la donation d’une terre et/ou d’une église pour y recevoir les moines »4 engageant le processus d’acquisition patrimoniale (« l’augmentation »). Selon une autre tendance, la fondation n’est étudiée qu’en termes de donation, en tant qu’acte social exprimant la volonté d’un groupe dont il faut mesurer les desseins (religieux, politiques...)5. Le cadre sociologique ou anthropologique qui commande cette tendance a l’intérêt d’éclairer les motivations diverses, laïque6 et ecclésiastique7, qui commandent le processus fondateur. L’exemple basilgéen évoqué précédemment vise ainsi à centrer la perspective sur la conjonction des motivations des fondateurs. Il cherche aussi à privilégier la notion de processus fondateur, de part et d’autre d’un acte d’officialisation, en observant, en amont, la mise en place progressive des conditions permettant l’implantation d’une communauté monastique et, en aval, la consolidation de cette implanta
La dotation initiale et ses enjeux
Les bâtiments monastiques et leur construction
La maison des moines
- 8 Voir E. Magnani Soares-Christen, Monastères et aristocratie en Provence, milieu Xe-début XIIe sièc (...)
- 9 Voir CSS, 6 ; CAG, 5, 10 ; CSV 1/448, 460 ; CMM, Bouère, 9 ; CStJln, 67 ; CMM, Mayenne, 31 ; CAbb, (...)
- 10 CC, 13 : « habitationem ad opus monachorum sicut designavi prius cum abbate Ascelino » (entre 1050 (...)
- 11 à Saint-Gault, Foulques Bonel donne une maison qu’il a préalablement construite (CSA, 919).
- 12 CMM, Origné, 1.
- 13 D. Iogna-Prat, Ordonner..., p. 92-99 et La Maison Dieu. Une histoire monumentale de l’église au Mo (...)
- 14 Sur la familia, voir D. Barthélemy, La société..., p. 491-493 et P. Racinet, « Familiers et conver (...)
- 15 CMM, Bouère, 1 : le fondateur donne « unam domum petrinam juxta ipsam ecclesiam ».
- 16 La question d’un éventuel rituel relatif à l’installation a été posée et ne donne pas de réponse t (...)
2L’arrivée locale des moines exige en premier lieu des murs et un toit : pour le fondateur laïc, l’obligation n’est pas secondaire, dans le sens où elle offre un symbole matériel évident de sa générosité8. Les actes n’ignorent pas la question, et suggèrent à l’occasion les desideratas des moines et les dispositions prises par leurs partenaires locaux. Qui se charge précisément de quoi à cet égard ? Aux XIe et XIIe siècles, nous disposons d’une dizaine de mentions de la domus (maison) des moines, dans laquelle on peut reconnaître leur lieu de vie concret plutôt que la désignation de leur prieuré ; parmi ces mentions, 8 interviennent au moment même de la fondation de l’établissement concerné, la construction constituant un élément parmi les autres de la fondation prieurale9. À Saulges, par exemple, le donateur, Guido, donne « une habitation pour les moines, comme je l’avais prévu10 préalablement avec l’abbé Ascelin » : l’expression suggère la rencontre locale des deux hommes, en préparation à l’arrivée des religieux, et l’attention de Guy à mettre à la disposition des moines un lieu adéquat (en accord avec l’abbé, dont on imagine mal qu’il n’ait pas indiqué ses préférences à cette occasion). La précision relative à la maison des moines est toutefois loin d’être systématique : la donation d’une maison (construite ou non pour l’occasion11) n’est pas un élément nécessairement associé au geste fondateur ; les moines peuvent simplement recevoir la place de maison sur lesquelles ils se chargeront de construire leur demeure. Cette phase de construction ne paraît qu’en deux occasions, à Astillé et Origné où le voisinage vient manifestement donner le coup de main12. L’énumération des personnes concernées est révélatrice de la fonction domestique de l’établissement monastique : comme l’a récemment relevé D. Iogna-Prat, avec la domus qui s’édifie c’est la familia qui prend corps13. C’est visiblement aussi l’opportunité pour une frange de la population locale, qu’on ne voit pas par ailleurs gratifier le nouvel établissement, de participer à l’installation des moines (selon un comportement qui confine au service seigneurial) et d’établir avec les moines une relation d’amitié14. Le passage suggère aussi l’usage de la pierre (« maceriam »), matériau que l’on retrouve lors de la fondation du prieuré de Bouère15. Quelle importance faut-il accorder à une telle précision qui, bien que fort ponctuelle, pose néanmoins la question d’un désir de monumentalité et de pérennité ? Si la mention de la domus et de ses matériaux, ne suggère pas a priori la mise en évidence d’une sacralité inhérente au lieu prieural, elle interroge néanmoins la reconnaissance, par les acteurs de la fondation, clercs et laïcs, de leur participation commune à la création d’un établissement régulier spécifique16. La monumentalité matérielle suggère aussi la volonté de fixer dans la réalité locale et de matérialiser le nouvel établissement.
Le lieu de culte prieural
- 17 Racinet P., « La vie quotidienne dans les petits prieurés bénédictins (XIe -XVe siècles) », dans L (...)
- 18 30 % des cas (notamment à Avénières, Bouère, Saint-Jean-Baptiste de Château-Gontier, Saint-Clément (...)
- 19 50 % des cas ; le prieuré peut être établi sur la parcelle contigüe, ou séparé de l’église par une (...)
- 20 20 % des cas (notamment à Bazougers, Cheméré, Saint-Ouen, Saulges, Vaiges).
- 21 Sur Neau : J. Naveau et E. Mare, MAH, 12, 1989, p. 3-20.
3Cette monumentalité s’exprime évidemment aussi à travers l’église prieurale. Hormis une quinzaine d’établissements dotés d’une chapelle, les moines utilisent l’église paroissiale comme église prieurale. Sans grande surprise la configuration de l’installation varie considérablement d’un endroit à l’autre. Comme le remarque P. Racinet, il n’y a pas de plan type mais une grande adaptabilité aux conditions locales17. Les établissements peuvent être accolés à l’église18, dans son voisinage immédiat19 ou bien disjoints, le prieuré s’établissant alors souvent en périphérie du bourg20. Dans le premier des cas de figure, la jonction du prieuré et de l’église permet souvent une communication directe, comme par exemple à Ballée, Neau ou Placé21. L’implantation du prieuré par rapport à l’église est variable : accolé ou voisin de l’église, il est généralement situé perpendiculairement au mur nord de la nef (35 % des cas) ou au mur sud (29 % des cas). Une telle disposition utilise la nef comme un côté permettant de fermer la cour prieurale.
- 22 La première concerne l’église de Bazougers, vers 1070 (CSV 1/442). L’autre une chapelle dont l’ide (...)
- 23 Cf. A. Valais, « Les premiers édifices... », p. 89-115.
- 24 Voir p. 111 sq.
- 25 Et organisent une paroisse : cf. S. Legros, « Les prieurés... », p. 47 et n. 54.
- 26 A. Angot, t. 3, p. 15.
- 27 CMM, Mayenne, 11.
4La construction concrète des édifices religieux, églises ou chapelles, ne paraît qu’à deux reprises dans la documentation22, ce qui est loin de rendre compte de la réalité : l’action des moines dans la prise en main matérielle des églises (édification ou restauration) est en fait bien plus importante23. Les moines de la Couture sont particulièrement actifs, à Pritz (dès la charnière des Xe et XIe siècles), Laval, Saint-Denis-du-Maine et Saulges24 ; ceux de Marmoutier édifient, à partir des années 1060, la chapelle Saint-Martin de Laval ; à Château-Gontier, les moines de Saint-Aubin construisent l’imposante église Saint-Jean-Baptiste25 ; les moines de la Trinité de Vendôme s’inspirent peut-être du modèle castrogontérien pour édifier l’église paroissiale Saint-Georges26 ; le phénomène se poursuit au début du XIIe siècle, avec deux chantiers importants, dans les églises prieurales de Javron et surtout de Notre-Dame d’Avénières. La présence d’un prieuré facilite certainement ce travail monumental, même si celui-ci touche aussi les églises paroissiales non prieurales. Les moines en sont vraisemblablement les maîtres d’œuvre directs, par l’entremise de leurs maçons, comme ce moine Auger qui paraît à Mayenne 112027. On peut aussi penser que le travail d’un tel religieux n’a pas dû se limiter aux bâtiments religieux...
La distribution des bâtiments prieuraux
- 28 P. Racinet a posé les bases méthodologiques de l’étude des installations monastiques prieurales, q (...)
- 29 P. Racinet, Crise..., p. 119, n. 185 et figure 22.
- 30 CSA, 678 ; CSV 1/444 ; CMM, Mayenne, 12.
- 31 ADM, H144, f° 161.
- 32 D.A.C.L, t. 3, 2e partie, Paris, 1914, col. 1992 : article « cloître ».
- 33 CMM, Origné, 2.
- 34 Cf. CAG, 38 ; ADM, H147, f° 39 ; ADM, 1Mi 144 R5 61, f° 36 et ADM, H9.
5La question des bâtiments prieuraux et de leur distribution est délicate28 Les cadastres du XIXe siècle nous donnent à voir une situation largement héritée des reconstructions de la fin du moyen-âge : les prieurés sont alors généralement centrés sur une cour (dont l’église paroissiale ou la chapelle prieurale bornent souvent un des côtés), autour de laquelle prennent place les bâtiments. La structure claustrale paraît de la sorte trouver ses bases architecturales. Les cadastres laissent entrevoir une telle organisation pour la moitié des établissements environ, pour les gros établissements (Laval, Château-Gontier ou Craon), mais aussi pour de petits prieurés (Louvigné, Ménil ou Saint-Loup). Jusqu’où remonter la réalité d’une telle disposition ? On peut s’interroger à cet égard sur la signification des mentions de « cloîtres » prieuraux évoqués dès les années 1080. P. Racinet se demande s’il ne faut pas, dans certain cas, envisager la réalité de cloîtres à galeries, simplifiés à l’époque moderne (la disparition de la galerie résultant du recul du mode de vie claustral à un moment où la non-résidence se généralise)29. à vrai dire, seuls trois prieurés, parmi les plus importants, sont associés à la mention d’un cloître à la charnière des XIe et XIIe siècles : Saint-Jean-Baptiste de Château-Gontier (entre 1082 et 1106), le prieuré de Bazougers (1106-1107) et Saint-Étienne de Mayenne (1120)30. Toutes les autres mentions sont modernes, y compris celle relative au prieuré de Craon31 La terminologie claustrale reste donc fort limitée et, pour tout dire, le terme de « cloître » n’évoque vraisemblablement que la clôture du prieuré, ce qui est déjà significatif du mode de vie prieural32. Au reste, cette interprétation a minima coïncide avec les deux caractéristiques principales de la topographie prieurale : des constructions centrées sur une cour formant un ensemble clôturé. Là encore les indications effectives de la clôture prieurale restent limitées avant le XIIIe siècle : une mention relative au prieuré d’Origné y fait peut-être allusion au début du XIIe siècle, les édifices en construction qui sont évoqués à l’occasion servant certainement à délimiter la propriété des moines33. Au-delà du XIIIe siècle, ces mentions sont plus nombreuses, mais pas fréquentes et on reste sans indication précise de l’organisation de ces murs, cloisons, murailles ou de ces « édifices » prieuraux mentionnés avant le XIIIe siècle34.
- 35 CMM, Laval, 16 ; CSV 1/460.
- 36 CSS, 174 ; CSV 1/448 ; CTV, 345 ; CMM, Mayenne, 11.
- 37 CTV, 98 ; CAbb, 10 ; CMSF, 365.
6Qu’en est-il justement des bâtiments ? Les sources, qui témoignent d’un désintérêt assez généralisé à l’égard de ce type de détail avant la seconde moitié du XIIe siècle, laissent tout de même entrevoir une légère évolution qui souligne la consolidation des établissements. Les mentions sont d’abord essentiellement ecclésiastiques et domestiques. Les deux priorités sont simples : un toit pour vivre en sécurité et une église pour prier. La désignation concrète de la maison des moines n’intervient qu’à la toute fin du XIe siècle, à Bazougers et à Laval, on l’a vu35. Dès la fin du XIe nous percevons la spécialisation des bâtiments annexes (une grange est mentionnée à Méral vers 1070, puis à Bazougers en 1109 ; des « officinae » (ateliers) sont mentionnées entre 1089 et 1093 au prieuré de Craon, puis à Mayenne en 112036) ; nous entrevoyons aussi les différents types de travaux qui se déroulent dans l’enclos prieural et qui peuvent être connectés à ces bâtiment : le prieuré de Craon abrite une vigne dès le milieu du XIe siècle, des vergers sont mentionnés à l’Abbayette dès 1128, puis au prieuré de Placé en 117837.
- 38 CNDE, 46 ; cf. CMM, Bignon, 5 et CMM, Bouère, 16.
- 39 CAG, 38.
- 40 CMM, SL, 6 ; ADM, H5, f° 23-28 ; ADM 1J127. Ce qui semblerait une règle cohérente, clôture monasti (...)
7Les premières descriptions plus complètes paraissent à la charnière des XIIe et XIIIe siècles au Bignon, à Bouère et surtout à la Ramée, lors de la fondation du prieuré, en 121138. La description modèle est aboutie à la fin du XIIIe siècle : en 1265, le prieuré d’Azé est précisément décrit comme un hébergement, selon le sens que le terme acquiert alors (résidence importante et centre d’exploitation) avec ses maisons, celliers, et appartenances, le tout étant clos39. L’acte évoque également le pressoir du prieuré d’Azé, et pose la question de la localisation des installations banales qui dépendent des moines. Celles-ci semblent généralement extérieures à l’enclos prieural : c’est le cas à Azé, mais aussi à Saint-Loup, comme l’indique un acte de 1200-1217 ; des actes plus tardifs le montrent également pour les prieurés du Genéteil, de Ménil ou de Pritz40.
- 41 ADM, H5, f° 23 ; H19, f° 7 ; H144, f° 161 ; 14J357.
8On voit donc que les établissements ont logiquement connu un développement matériel important. Quelle superficie recouvrent ces installations ? L’observation des cadastres laissent généralement entrevoir des enclos de taille variable (de 30 à 40 m de large sur 40 à 50 m de long : la fourchette haute correspond aux prieurés de Craon et Château-Gontier). Les déclarations de la fin du moyen-âge sont assez unanimes et certainement conventionnelles, estimant en général à deux journaux l’étendue des domaines prieuraux41. Au sein de ces propriétés relativement importantes, la spécialisation des bâtiments semble très aboutie dès le XIIe siècle et, au siècle suivant, les prieurés sont bien définis comme des hébergements : ils répondent alors à des contraintes agricoles et seigneuriales qui pèsent sur des moines qui, entre-temps, ont œuvré à consolider leur établissement.
La constitution du temporel prieural : une logique d’autosubsistance
- 42 CSA, 742 : « ut autem monachi in eodem loco habitare possent ».
9De ce point de vue, la fondation obéit à un impératif simple : la dotation patrimoniale doit assurer la subsistance locale de la communauté monastique, ce que précisent certains donateurs : Foulques de Mathefelon complète ainsi sa remise de l’église de la Cropte par diverses gratifications « pour que les moines puissent habiter dans ce lieu »42. La simplicité du principe ne préjuge pas des difficultés à le mettre en œuvre.
La fondation concrétise bien souvent une situation déjà acquise
- 43 CC, 13 : ils reçoivent des droits d’usage « ad opus monachorum et suorum hominum »
- 44 CSA, 899.
- 45 CSA, 742.
- 46 CMM, Laval, 1 : « omnes terras quas jam in suo honore habebamus ».
- 47 Comparer CMM, Arquenay 2 avec CMM, Laval, 1.
10Les actes de fondation viennent de fait généralement entériner une situation déjà acquise et achève en fait une phase de préparation qui a parfois permis une installation préalable, informelle, des moines. Les indices sont ténus en la matière, le cas de Bazougers, évoqué plus haut, paraissant à cet égard singulièrement clair. On pressent, à Saulges (entre 1050 et 1068), que les moines sont déjà possessionnés au moment de la fondation officielle de leur établissement, laquelle ignore toute donation foncière mais suggère que les moines disposent déjà localement d’« hommes » à eux43 À Quelaines, les moines paraissent possessionnés avant la fondation, qui intervient à l’occasion de la donation de l’église locale par Rivallon de Quelaines en 1087 : l’acte évoque une terre (Champagne) qui fait alors discorde avec Gautier de Montsoreau et ses frères, qui n’en ont pas fait la concession au moment de la transaction avec Rivallon44. L’impression est similaire à la Cropte en 1096, dans un acte très comparable45 tandis qu’à Laval, entre 1055 et 1062, les moines évoquent explicitement « toutes les terres que nous avions déjà dans son honneur » [celui de Guy de Laval]46. Le cas lavallois est à cet égard significatif d’une préparation très en amont de la fondation proprement dite. D’abord parce que la venue des moines de Marmoutier à Laval (entre 1055 et 1062) est préparée dès le milieu de la décennie 1040, par un seigneur qui prévoit lucidement la contrariété des moines manceaux de la Couture, déjà installés à Pritz et peu désireux de voir leurs confrères tourangeaux empiéter sur leurs plates-bandes : il fonde alors pour eux (entre 1046 et 1051) le prieuré d’Auvers-le-Hamon, qui leur signifie nettement qu’à Laval même ils ne seront sans doute pas les destinataires prioritaires de ses gratifications. Car au même moment Guy organise avec son vassal Lisiard et les moines tourangeaux l’installation de ces derniers à Arquenay. Ils les y honorent d’une belle donation à travers laquelle il me semble éprouver la validité d’une association qu’il reconduira à Laval quelques années plus tard, la charte de fondation lavalloise reprenant pratiquement in extenso les modalités mises en œuvre à Arquenay47. L’installation lavalloise paraît donc fort bien préparée, aboutissant un travail de plusieurs années. Le cas n’est sans doute pas fondamentalement original, même s’il implique des partenaires de première importance. Et à vrai dire les fondations organisent de tels transferts de biens qu’il pourrait difficilement en être autrement...
La préparation de l’implantation
- 48 CC, 13.
- 49 CSS, 9.
- 50 CStJln, 18 (original : ADIndre-et-Loire, H485), texte analysé par D. Pichot et le père Poussier, « (...)
- 51 CStJln, 18.
- 52 L’acte comtal est daté de 1046-1047 (CStJln, 18).
11La dotation initiale est ainsi manifestement le résultat d’un long travail préalable dont on a vu la manifestation concrète, à Saulges, quand l’abbé de la Couture se déplace pour rencontrer le donateur et repérer avec lui les biens destinés à ses moines. Dans48 ce travail les moines ne ménagent pas leurs efforts : ils n’hésitent pas à se déplacer, sur de longues distances et sont prêts à multiplier les transactions. C’est au milieu du XIe siècle que ces opérations se repèrent le plus aisément, par exemple à Bréal-Le Pertre, où les moines de Saint-Serge s’installent entre 1046 et 1055. Le moine André, qui gère les relations avec le donateur de la chapelle locale, Renaud Papillon, le conduit au chapitre de l’abbaye, à Angers, réaliser sa donation, puis l’accompagne à Laval, auprès de Guy Ier pour obtenir sa concession49. Ses déplacements couvrent, au bas mot, près de 250 km : et encore sommes-nous ici dans une opération de petite envergure. à Javron, à la même époque (vers 1046), l’action des moines de Saint-Julien de Tours impliquent des enjeux, et des pérégrinations autrement plus importants50. Deux moines (au moins) s’établissent localement, après trois transactions (une donation, réalisée par Normand de Mayenne, un achat et une confirmation) qui les conduisent de Tours à Javron, à Mayenne et au Mans51. La donation fondatrice de Normand leur permet de récupérer tout ce que celui-ci possède dans la villa et dans l’église de Javron. La donation est réalisée en présence du châtelain mayennais, à Javron. Premier acte. Les moines cherchent alors, vraisemblablement très rapidement après la donation de Normand, à obtenir les droits qui leur échappent dans l’église : l’entremise châtelaine est de nouveau requise et, pour 100 sous, les moines achètent à Adelelme, fils de Béraud, sa part de l’église. L’approbation de Geoffroy de Mayenne est l’occasion d’obtenir de deux de ses « hommes », Fromond et Adelelme, une terre d’une charruée de 8 bœufs. Deuxième acte. Il reste alors à consolider ces acquisitions, alors même qu’un certain Geoffroy, fils de Garnier, mécontent de ces transactions, menace de mettre le feu à la villa de Javron. L’abbé Richer se rend donc au Mans, avec les moines de Javron, pour solliciter du comte Hugues qu’il concède ces acquisitions. Celui-ci accède bien volontiers à la requête de l’abbé et confirme doublement la donation de Normand et la vente d’Adelelme, en présence de Richer, de ses moines et vraisemblablement de Geoffroy de Mayenne. Dernier acte. Ce bel acte de procédure, recomposé par les moines dans la perspective de la confirmation comtale, retranscrit de façon vigoureuse leur activité : les allées et venues des moines Herbert et Garin de Javron à Mayenne, leur travail d’acquisition en complément de la donation fondatrice de Normand, leur connexion avec l’abbé Richer, qui les accompagne au Mans. Les précisions chronologiques manquent malheureusement pour évaluer la période couverte par cette activité52, mais la complémentarité entre les actes de Normand et du comte invite à supposer leur proximité : à tout le moins, l’acte montre qu’une fondation est bien un processus à envisager dans la durée nécessaire à la consolidation de l’établissement monastique. Il montre, à cet usage, combien diverses sont les activités des moines, l’ampleur des distances qu’ils franchissent et leur confrontation continuelle avec les laïcs. Une fondation prieurale, n’est pas, loin s’en faut, une œuvre de repli mais un travail prolongé de confrontation au monde.
La dotation fondatrice
- 53 Cf. à ce sujet les remarques de G. Duby, « Le monachisme et l’économie rurale », dans Il monachesi (...)
12Les biens acquis par les moines, quels sont-ils ? La recension des actes de fondations dresse le cadre d’une dotation classique qui, à très court terme, doit permettre la mise en place d’un milieu de vie à trois niveaux : religieux, par le remise d’une église (et des droits afférents) ; matériel (associant un espace domestique et un espace foncier, qu’il soit détenu en propre ou exploitable par le biais de droits d’usage qui paraissent dans la moitié des cas) ; et seigneurial (au sein duquel les moines s’efforcent d’assurer leur immunité). Ces éléments constituent, aux yeux des moines et de leurs partenaires, la dotation nécessaire à l’établissement du prieuré comme une cellule de vie autonome53.
- 54 CR, 361.
- 55 CMM, Laval, 1 : « quandam terram ad burgum faciendum juxta castrum suum id est juxta Vallem cum om (...)
- 56 Cf. D. Barthélemy, La société..., p. 464-465.
- 57 Voir deux cas à Astillé (CSS, 6) et à Bazougers (CSV 1/433).
13Très bien documenté, le cas lavallois offre une traduction exemplaire de cet impératif initial, à cette originalité près que les moines de Marmoutier n’y récupèrent pas d’église (l’église paroissiale de Pritz restant du ressort des religieux de la Couture), mais édifient leur propre chapelle et, à ses côtés, leur maison, dont nous trouvons mention une dizaine d’année de après leur arrivée, vers 107054. Lors la fondation, entre 1055 et 1062, ils reçoivent « une terre pour faire un bourg près du château » [Guy de Laval] avec toutes les coutumes ». L’acte détaille la donation de Guy, qui donne, dans la terre en question, la justice, un large droit d’usage du bois une cohérence déjà bien reconnue et les péages55. La donation montre : on trouve le même type d’énumération dès 1046 dans l’acte de fondation de l’établissement de Javron, comme dans des actes plus tardifs, à la Cropte, en 1096, où à Saint-Calais en 1098. Dans tous les cas, on aperçoit la même volonté de donner à l’établissement les moyens de sa survie et de son bon fonctionnement matériel (culture, élevage, ressources en bois mort et vif). Et aussi la volonté de ne pas découpler la terre de la rente qui lui est associée : au-delà du bien foncier, c’est bien le dominium, la propriété seigneuriale, bref, la possession, qui est donné56. La terminologie invite à le constater : la référence à la terra domine le panel des dotations fondatrices, les mentions de mansura (masure) ou d’olca (ouche) paraissant davantage comme un moyen de mesure foncière57. La majorité des actes fondateurs permettent un tel constat, à Arquenay, Avénières, Bazougers, Bouère, la Cropte, Javron, Laval, Ménil, Quelaines ou Saint-Gault : la terra est ici donnée en propre, libre de coutumes.
- 58 CMM, Bouère, 1.
- 59 CStJln, 17 ; CR, 360 et 361 ; CMM, Ballée, 1 (« ipsam ecclesiam cum decima et sepultura et terra e (...)
14La remarque vaut aussi pour les églises remises aux moines. Celles-ci constituent très nettement l’élément déterminant de la fondation : aux XIe et XIIe siècles, une seule fondation, celle du prieuré Saint-Martin de Laval, n’associe pas la présence locale des moines à la possession, par ceux-ci, de l’église paroissiale ; partout ailleurs, c’est bien la remise de l’église (intégralement ou non) qui concrétise l’apparition de l’établissement monastique. La maison monastique lui est généralement associée, soit que les plans d’implantation nous le révèlent a posteriori, soit que l’acte de fondation le précise explicitement, comme à Bouère58. Viennent ensuite la terre et les droits qui l’accompagnent et, là aussi, selon une démarche finalement très carolingienne, le couple paraît peu dissociable : ce que les moines reçoivent, c’est bien le domaine ecclésial, qui est parfois décrit, comme à Javron, en 1046, à Avénières, vers 1070, ou Ballée vers 109059.
L’évolution du temporel et ses impératifs
Consolider la propriété prieurale
- 60 Cf. à Bouère les proclamations d’amitié en CMM, Bouère, 4 et 5.
- 61 Les exemples abondent (CC, 40 ; CMM, Louvigné, 1 ; CMM, Laval, 3 ; CMM, SL, 1 et 2 ; CSA, 899...). (...)
15Comment évolue la situation à 5, 10 ou 20 ans ? Les quelques cas relativement bien documentés en la matière (à Avénières, Azé, Bazougers, Bouère, la Cropte, Saint-Loup, Origné, Quelaines) montrent que les moines travaillent à la satisfaction de deux objectifs : garantir ce qu’ils possèdent effectivement et compléter ce qu’ils possèdent imparfaitement. Le premier point passe assez simplement par la conclusion d’accords définissant précisément les prérogatives de chacun des partenaires de la fondation et par la confirmation des donations du fondateur par sa parenté et/ou ses héritiers à Arquenay, Laval ou Bouère, les moines et le donateur-fondateur s’accordent ainsi sur les modalités de fonctionnement du bourg monastique. à court terme ces arrangements ne paraissent pas consécutifs à des situations de litiges avérés : les actes en question ne cherchent pourtant pas explicitement à réparer des torts, commis à l’occasion, mais plutôt à les prévenir60. À Bouère, l’accord est autorisé par les quatre fils du donateur : la précaution est classique, les moines travaillant à obtenir la confirmation de leurs acquisitions par les enfants du donateur-fondateur, ses frères ou son seigneur61. Ce travail est loin d’être négligeable : dans les 20 années qui suivent la fondation des établissements, tous prieurés confondus, les actes de confirmation ou de concession représentent plus des 2/5 de la documentation totale.
Augmenter la propriété prieurale et élargir le champ des possessions
- 62 CR, 360 : « Ego dedi (...) a ncillis sibi servientibus ecclesiam Avenerie solidam et sine calumpni (...)
- 63 CR, 366.
- 64 CR, 362.
- 65 CR, 372.
- 66 CR, 361.
- 67 CR, 365.
- 68 CR, 366 ; litige comparable à Juvigné : CSS, 334. Le droit de nommer le desservant est parfois exp (...)
- 69 À la mort du presbytre Guillaumard, Garin de Saint-Berthevin tente de nommer un nouveau curé (CR, (...)
- 70 CR, 402.
- 71 CR, 377 et 378.
- 72 CR, 374.
- 73 Le prieuré apparaissant entre 1055 et 1062.
- 74 CMM, Laval, 4, 5
- 75 CMM, Laval, 11 et 12.
16Le reste de la documentation laisse entrevoir l’autre objectif poursuivi par les moines : compléter ce qu’ils possèdent imparfaitement. Le prieuré d’Avénières offre un bel exemple de ce travail obstiné, les moniales du Ronceray parvenant, en une quinzaine d’années après leur installation (vers 1070) à garantir et compléter leur dotation initiale, avant de se lancer dans des acquisitions qui traduisent une démarche de développement. La dotation fondatrice présente les caractéristiques classiques : outre la remise d’une église, elle permet l’organisation d’une seigneurie prieurale et offre les usages nécessaires au fonctionnement de l’établissement62. Monastique La remise du domaine ecclésial et des droits qui lui sont associés est en réalité partielle : Garin de Saint-Berthevin, le fondateur, a certes donné l’église, mais a gardé le droit d’en nommer le curé63 Les moniales sont ici confrontées au problème de la fragmentation de la propriété ecclésiale, soit que les droits sont en réalité partagés entre plusieurs mains (tout le problème étant de passer du don seigneur à ceux des vassaux), soit que la donation de l’ecclesia ne porte que sur une partie du domaine ecclésial. Les moniales entament dès lors un long travail pour récupérer ce qui leur échappe. Les dévotions féminines jouent ici leur rôle, ainsi les sœurs du seigneur de Laval, Agnès et Hildelinde, obtiennent qu’il remette aux moniales sa part des oblations de l’église d’Avénières et64. la coutume sur ses hommes, y compris visiblement la justice à la même époque, Hamon d’Entrammes, un vassal du seigneur de Laval, donne aux moniales sa part de la justice d’une terre qui pourrait être celle d’Orgé et qui, appartenait à l’autel de l’église d’Avénières65 Garin de Saint-Berthevin la concède en effet aux moniales à la mort du presbytre Foulques, après l’avoir retenue à lui durant sa vie66 : la concession, qui coûte 100 sous aux moniales, annonce le ton de leurs relations avec le fondateur. Sans doute sentent-elles les difficultés qui s’annoncent, qu’elles préviennent en obtenant, entre 1067 et 1081, la venue de l’évêque du Mans, devant lequel Garin réitère sa donation initiale67 puis en obtenant de Garin, sans doute à la suite de cette visite, qu’il donne enfin le droit de nommer le curé68. Ces précautions, qui ne s’avérèrent pas inutiles69, semblent achever la consolidation de l’établissement et de son domaine ecclésial : les moniales amorcent alors une politique d’acquisition plus diversifiée, visant l’extension de leur patrimoine. Vers 1085 environ, elles obtiennent ainsi les églises de Bonchamp70 puis de Saint-Pierre de Cumont où elles reçoivent en outre de Garin de Saint-Berthevin la moitié du. moulin local au terme d’un arrangement avec les moines de Pritz71 à la même époque un certain Hugues leur abandonne la terre de la Coconnière près de Bonchamp, sur la voie conduisant vers le Mans, et approuve, à Avénières, la donation d’un arpent de vigne72 Après une quinzaine d’années de travail, la consolidation de leur domaine ecclésial a donc permis aux moniales d’envisager l’expansion du temporel de leur établissement, au sud vers Cumont et au nord et au nord-est vers Laval et Bonchamp. Le cas avéniérois montre bien la transition de cet impératif d’affermissement à une ambition d’extension plus large, dont nous verrons les motivations. Les choses sont parfois bien plus rapides, pour peu que les moines échappent à cet impératif laborieux de recomposition du domaine ecclésial. à Laval, où les moines de Marmoutier ont dû laisser à leur confrère de la Couture l’église paroissiale de Pritz, la politique d’extension se laisse entrevoir dès 106273 avec l’achat de la terre du Gravier, entre le château de Laval et l’église de Pritz et d’une mansura de terre au Genest (à 8 km au nord-est de Laval)74 ; avant 1080, soit une vingtaine d’années après la fondation, les moines ont en outre acquis, au sud-est de Laval, une place de moulin sur le Vicoin, dans la forêt de Concise, et acquièrent l’église de Saint-Berthevin en 108075.
17Ces quelques exemples soulignent combien la fondation des établissements doit s’envisager dans le temps. Sans que cela soit d’ailleurs très surprenant, la « fondation » apparaît bien souvent comme la simple reconnaissance d’une réalité de fait qui résulte d’une association déjà matériellement organisée entre les moines et leur(s) partenaire(s). Si le processus fondateur oblige à regarder en amont du moment auquel un établissement nous apparaît officiellement, il faut poursuivre l’observation vers l’aval, car l’établissement doit encore consolider ses propriétés et achever de constituer son patrimoine, afin de satisfaire cet impératif incontournable qui préside le processus fondateur : assurer la subsistance de la communauté et la pérennité de sa régularité. Mais de telles considérations, si elles rendent compte des fondations à petite échelle, n’envisagent pas l’observation plus large des fondations par groupement prieural : qu’en est-il de la procédure poursuivi dans ce cadre par les moines ? La rigueur mise en œuvre à l’échelle d’un établissement, se traduit-elle par une maîtrise comparable à l’échelle de deux, trois ou cinq établissements ? Peut-on éventuellement déceler à cet égard la mise en œuvre d’un programme a priori ?
Notes
1 Le mot de « fondation », s’il n’est pas inconnu des acteurs de la fondation, n’est jamais employé pour évoquer l’implantation d’un prieuré : il qualifie plus spécifiquement l’apparition d’un monastère (cf. CNDE, 2 ; CFD, 11, 14 ; CTV, 36, 75, 76, 96, 97, 98...). Appliquée aux prieurés la terminologie fondatrice n’apparaît qu’au début du XIIIe siècle, de façon rétrospective : cf. CFD, 14 (1206) ou CMM, Laval, 24 et 26 (1302 et 1332).
2 Hourlier, Les Religieux, dans Histoire du droit et des institutions de l’Église d’Occident, t. 10, Le Mans, 1971, p. 277-286.
3 V. H. Galbraith, « Monastic foundation charters of the eleventh and twelfth centuries », dans Cambridge Historical Journal, 4, 1934, p. 221-222. Pour une application locale d’une telle conception : J.-M. Bienvenu, « Genèse d’une abbaye canoniale : Notre-Dame de la Roë, au tournant des années 1100 », dans MAH, 14, 1991, p. 9-37.
4 P. Racinet, « Implantation... », p. 11 et « Création des prieurés et installations des moines dans le monde clunisien », dans Speculum Medii Aevi, 2, 1995, p. 75-95.
5 Voir l’approche politique de J.-F. Lemarignier, « Aspects politiques des fondations de collégiales dans le royaume de France au XIe siècle », dans La vita comune del clero nei secoli XI e XII, Milan, 1962, p. 19-40, ou celle, plus religieuse, de D. Barthélemy, La société..., p. 387-388.
6 J. Howe, « The nobility’s reform of the medieval church », dans The american historical review, 93, avril 1988, p. 317-339.
7 Cf. P. Johnson, « Pious legends and historical realities. The foundation of La Trinité de Vendôme, Bonport and Holyrood », dans Revue bénédictine, 91, 1981, p. 184-193.
8 Voir E. Magnani Soares-Christen, Monastères et aristocratie en Provence, milieu Xe-début XIIe siècle, Munster, 1997, p. 415.
9 Voir CSS, 6 ; CAG, 5, 10 ; CSV 1/448, 460 ; CMM, Bouère, 9 ; CStJln, 67 ; CMM, Mayenne, 31 ; CAbb, 10, 11 ; CMM, Origné, 1 ; CNDE, 46 ; CSV 1/576 ; CC, 13.
10 CC, 13 : « habitationem ad opus monachorum sicut designavi prius cum abbate Ascelino » (entre 1050 et 1068).
11 à Saint-Gault, Foulques Bonel donne une maison qu’il a préalablement construite (CSA, 919).
12 CMM, Origné, 1.
13 D. Iogna-Prat, Ordonner..., p. 92-99 et La Maison Dieu. Une histoire monumentale de l’église au Moyen Âge, Paris, 2006, p. 230-232.
14 Sur la familia, voir D. Barthélemy, La société..., p. 491-493 et P. Racinet, « Familiers et convers, l’entourage des prieurés bénédictins au moyen âge », dans Mouvances laïques des ordres religieux, Saint-Étienne, 1996, p. 20-22.
15 CMM, Bouère, 1 : le fondateur donne « unam domum petrinam juxta ipsam ecclesiam ».
16 La question d’un éventuel rituel relatif à l’installation a été posée et ne donne pas de réponse très concluante. Je note, en une occasion, lors de la fondation du prieuré de Saint-Calais, une cérémonie mais qui paraît toutefois davantage célébrer la remise de l’église (CSV 1/576). Reste la question de la monumentalité des bâtiments qui est peut-être davantage liée à la volonté réformatrice qui anime les religieux des XIe et XIIe siècles : cf. D. Iogna-Prat Ordonner..., p. 170-177 et La Maison..., p. 330-331.
17 Racinet P., « La vie quotidienne dans les petits prieurés bénédictins (XIe -XVe siècles) », dans La vie quotidienne des moines et des chanoines réguliers, Paris, 1995, p. 140 et Crise..., p. 117-120.
18 30 % des cas (notamment à Avénières, Bouère, Saint-Jean-Baptiste de Château-Gontier, Saint-Clément de Craon, Gesnes, Laval, Louvigné, Placé, Pritz, Saint-Loup, Torcé).
19 50 % des cas ; le prieuré peut être établi sur la parcelle contigüe, ou séparé de l’église par une rue (à Arquenay, Azé, Champgeneteux, Cossé-en-Champagne, la Cropte, Ham, Javron, Mayenne, Ménil, Neau, Quelaines, Saint-Calais, Thorigné, Trans, Villiers-Charlemagne).
20 20 % des cas (notamment à Bazougers, Cheméré, Saint-Ouen, Saulges, Vaiges).
21 Sur Neau : J. Naveau et E. Mare, MAH, 12, 1989, p. 3-20.
22 La première concerne l’église de Bazougers, vers 1070 (CSV 1/442). L’autre une chapelle dont l’identification est délicate (est-ce celle du château de la Gravelle ?) que les moines de Marmoutier doivent construire après leur acquisition de Mondevert (BB, Laval, 64 ; CMM, Laval, 21).
23 Cf. A. Valais, « Les premiers édifices... », p. 89-115.
24 Voir p. 111 sq.
25 Et organisent une paroisse : cf. S. Legros, « Les prieurés... », p. 47 et n. 54.
26 A. Angot, t. 3, p. 15.
27 CMM, Mayenne, 11.
28 P. Racinet a posé les bases méthodologiques de l’étude des installations monastiques prieurales, qu’il a mises en œuvre pour l’abbaye de Cluny : voir « Méthode de recherches sur les prieurés clunisiens à la fin du moyen âge », dans Revue Mabillon, 61, no 305-306, juillet-décembre 1986, p. 1-31 ; Crises et renouveaux..., p. 422 à 477 ; « Observation sur l’implantation et l’agencement du prieuré clunisien de Saint-Laurent d’Esserent », dans Revue archéologique de Picardie, 1989, no 1-2, p. 131-141 ; « Un prieuré moyen de l’ordre de Cluny dans l’Oise : Saint-Nicolas d’Acy (XIe-XVIIIe siècle) », dans Revue archéologique de Picardie, 1991, no 1-2, p. 21-163 ; « Les moines au village : pour une étude des installations monastiques dans le monde rural », dans Le village médiéval et son environnement, p. 182-185 ; et, avec E. Magnou-Nortier, « La villa et le prieuré de Nottonville du XIe au XIIIe siècle », dans Aux sources de la gestion publique, 1, Lille, 1993, p. 209-269. Sa démarche est centrée sur la prospection de terrain, l’exploitation des cartes et cadastres anciens et d’éventuelles fouilles archéologiques. Elle cherche à reconstituer l’agencement des édifices prieuraux et à restituer leur utilisation et leur fonction. Difficile pour la période XIe-XIIIe siècle, ce travail est évidemment facilité pour les périodes plus récentes, les sources étant alors plus disertes.
29 P. Racinet, Crise..., p. 119, n. 185 et figure 22.
30 CSA, 678 ; CSV 1/444 ; CMM, Mayenne, 12.
31 ADM, H144, f° 161.
32 D.A.C.L, t. 3, 2e partie, Paris, 1914, col. 1992 : article « cloître ».
33 CMM, Origné, 2.
34 Cf. CAG, 38 ; ADM, H147, f° 39 ; ADM, 1Mi 144 R5 61, f° 36 et ADM, H9.
35 CMM, Laval, 16 ; CSV 1/460.
36 CSS, 174 ; CSV 1/448 ; CTV, 345 ; CMM, Mayenne, 11.
37 CTV, 98 ; CAbb, 10 ; CMSF, 365.
38 CNDE, 46 ; cf. CMM, Bignon, 5 et CMM, Bouère, 16.
39 CAG, 38.
40 CMM, SL, 6 ; ADM, H5, f° 23-28 ; ADM 1J127. Ce qui semblerait une règle cohérente, clôture monastique oblige, n’est pourtant pas systématique : en 1540, la déclaration du prieuré de Craon montre le four à ban dans l’enclos prieural, mais l’importance du prieuré permettait peut-être ici, la dissociation topographique d’une zone proprement monastique d’une zone réservée aux relations avec l’extérieur : le cadastre montre ainsi l’existence de deux enclos (ADM, H144, f° 161) ; plus surprenante la déclaration du prieuré de Ballée, modeste établissement, qui indique bien, en 1481, la présence du four à ban au sein des « murailles » du prieuré (ADM, H9).
41 ADM, H5, f° 23 ; H19, f° 7 ; H144, f° 161 ; 14J357.
42 CSA, 742 : « ut autem monachi in eodem loco habitare possent ».
43 CC, 13 : ils reçoivent des droits d’usage « ad opus monachorum et suorum hominum »
44 CSA, 899.
45 CSA, 742.
46 CMM, Laval, 1 : « omnes terras quas jam in suo honore habebamus ».
47 Comparer CMM, Arquenay 2 avec CMM, Laval, 1.
48 CC, 13.
49 CSS, 9.
50 CStJln, 18 (original : ADIndre-et-Loire, H485), texte analysé par D. Pichot et le père Poussier, « Confirmation de la donation des églises de Javron faite par le comte du Maine à l’abbaye de Saint-Julien de Tours », dans MAH, 20, 1997, p. 3-10.
51 CStJln, 18.
52 L’acte comtal est daté de 1046-1047 (CStJln, 18).
53 Cf. à ce sujet les remarques de G. Duby, « Le monachisme et l’économie rurale », dans Il monachesimo e la riforma ecclesiastica, Milan, 1971, p. 341 et le bel article de G. D. Guyon, « L’état et l’exploitation du temporel de l’abbaye bénédictine Sainte-Croix de Bordeaux (XIe-XIVe siècles) », dans Revue Mabillon, nouvelle série, 1 (62), 1990, p. 262).
54 CR, 361.
55 CMM, Laval, 1 : « quandam terram ad burgum faciendum juxta castrum suum id est juxta Vallem cum omnibus consuetudines ipsius terre ».
56 Cf. D. Barthélemy, La société..., p. 464-465.
57 Voir deux cas à Astillé (CSS, 6) et à Bazougers (CSV 1/433).
58 CMM, Bouère, 1.
59 CStJln, 17 ; CR, 360 et 361 ; CMM, Ballée, 1 (« ipsam ecclesiam cum decima et sepultura et terra et pratis et bosco pertinentibus ad ipsam ecclesiam »).
60 Cf. à Bouère les proclamations d’amitié en CMM, Bouère, 4 et 5.
61 Les exemples abondent (CC, 40 ; CMM, Louvigné, 1 ; CMM, Laval, 3 ; CMM, SL, 1 et 2 ; CSA, 899...). Voir : S. D. White, Customs kingship and gifts to the saints, Chapel Hill and London, 1988.
62 CR, 360 : « Ego dedi (...) a ncillis sibi servientibus ecclesiam Avenerie solidam et sine calumpnia cum omni debito sicut ipse teneo, preter medietatem decime vini que ad eandem pertinet ecclesiam (...) Boscum vero similiter do eis ad suos porcos et ad porcos hominum in eodem loco sibi servientium et etiam ad burgum faciendum in terra que est juxta eandem ecclesiam et ad cuncta sibi necessaria »
63 CR, 366.
64 CR, 362.
65 CR, 372.
66 CR, 361.
67 CR, 365.
68 CR, 366 ; litige comparable à Juvigné : CSS, 334. Le droit de nommer le desservant est parfois explicitement transféré au moment de la donation initiale : CC, 13 (Saulges) ou CSV 1/433, 449, 453 (Bazougers).
69 À la mort du presbytre Guillaumard, Garin de Saint-Berthevin tente de nommer un nouveau curé (CR, 367).
70 CR, 402.
71 CR, 377 et 378.
72 CR, 374.
73 Le prieuré apparaissant entre 1055 et 1062.
74 CMM, Laval, 4, 5
75 CMM, Laval, 11 et 12.
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