Chapitre II. Saint-Tropez : une ville, un port, un terroir
p. 53-89
Texte intégral
1Observer les Tropéziens au travail, objectif premier de l’enquête, revient à mettre au centre de l’étude le métier de la mer. Dans ces conditions, c’est prendre place, avant tout, sur les navires pour suivre le cours ordinaire des jours mais aussi saisir les moments exceptionnels. Par son essence même, la pratique du métier nous éloigne donc, pour un temps parfois long, des quais familiers. Néanmoins, pour la majorité de ces semi-nomades, le port, et particulièrement celui d’origine, reste par excellence le port d’attache, de toutes les attaches : professionnelles, familiales, administratives, voire spirituelles.
2Vers lui convergent non seulement les regards de ceux qui exercent directement le métier, mais aussi de ceux qui, l’ayant exercé, n’ont pas, par intérêt ou sentiment, tout à fait rompu avec lui, et de ceux qui, restant toujours à terre, n’en sont pas moins dépendants. Aussi, mêlant notre regard aux leurs, il convient d’examiner en premier lieu les composantes du dispositif portuaire, en relever les aptitudes en fonction des besoins d’un modeste port dominé par l’armement et la pratique du petit cabotage.
3Ensuite seulement nous pourrons circuler dans les rues de la cité, d’une cité au destin et à l’espace étroitement associés à ceux du port. Si l’on rencontre parfois le long de la côte provençale une dissociation spatiale entre la ville et le port, rien de tel ne s’observe à Saint-Tropez. Les deux éléments résultent de la détermination des refondateurs en réponse aux impératifs stratégiques et aux nécessités d’un trafic commercial « nourricier » à plus d’un titre.
4Cette liaison ne se retrouve-t-elle pas alors dans les principaux rouages de la vie municipale ? Les hommes qui tiennent la ville ne tiennent-ils pas aussi le port ?
Atouts et contraintes du dispositif portuaire
5Le long du littoral provençal « si finement ciselé et si merveilleusement articulé » (Paul Masson), se succèdent une série de ports en eau profonde, de modestes criques et de courtes plages de sable ou de galets, offrant aux embarcations un mouillage abrité. Les relevés cartographiques soulignent cet aspect déchiqueté et marquent la présence de nombreux caps ou pointes, ainsi que des minuscules îles jalonnant la côte, formant obstacles ou refuges. Bien souvent ces localités se révèlent n’être que des « marines » temporairement occupées par les habitants des gros bourgs voisins, le temps d’une saison ou de quelques jours afin de permettre le transport par voie maritime de productions locales. Ainsi voit-on le « port » de Léoube, près de Brégançon, n’exister que trois à cinq semaines en automne pour évacuer les châtaignes du massif des Maures en direction de Toulon, et plus encore de Marseille. Le nom de ces « marines » sont souvent et à tort confondus avec celui du proche bourg d’occupation permanente : Golfe Juan s’effaçait derrière Vallauris, Le Lavandou derrière Bormes et parlait-on de Cagnes pour Le Cros, de Fréjus pour Saint-Raphaël ou encore de Six-Fours à la fois pour La Seyne et Sanary. Rien de comparable avec la situation tropézienne même si le port paraît éclaté en plusieurs fragments.
6Pour juger de la valeur du site tropézien il faut considérer les trois pièces qui en constituent l’ensemble à savoir le port de Saint-Tropez, la baie des Canebiers et le vaste plan d’eau du golfe de Grimaud.
7Nous pouvons les distinguer, avec netteté, sur un remarquable dessin, rehaussé de couleurs, donnant Description de la ville de St Tropès, du goulfe de Grimaut et paisage d’alentour1. La calme étendue du golfe contraste avec l’écrin mouvementé des collines et des contreforts des Maures figurés à l’arrière-plan. Malgré certaines maladresses, le dessin anonyme, probablement réalisé afin de mettre en valeur le caractère stratégique de la position de Saint-Tropez, date sans doute du premier tiers du XVIIe siècle. En effet, le château de Grimaud, perché au premier plan à droite, n’a pas encore été démantelé, suite aux ordres de Richelieu, et le couvent des Capucins, édifié en 1617, figure dans le terroir tropézien.
Le golfe de Saint-Tropez
8Entre Cavalaire et le cap des Issambres, Saint-Tropez occupe le cœur du territoire de l’amirauté dont il est le siège. Placé sur la rive sud du « golfe de Saint-Tropez, anciennement dit de Grimaud », il en commande l’entrée2. Le golfe dessine une profonde indentation « entre des terres dont les pentes, généralement peu rapides, viennent se terminer à la mer par des plages de sable ou de petits escarpements ». Le plan d’eau, orienté sud-ouest/nord-est, couvre près de 40 kilomètres-carrés et a une profondeur moyenne de vingt mètres – trente à cinquante mètres dans la partie centrale.
9Pour de nombreux observateurs praticiens de la mer ou non le golfe présente, par sa position hydrographique, un réel intérêt pour la navigation. Le préfet Fauchet s’en fait l’écho, en rappelant que « la Méditerranée est sous la loi d’un courant général et littoral qui, pénétrant par le détroit de Gibraltar, longe successivement les côtes d’Afrique, d’Italie et de Provence ». Le golfe de Saint-Tropez étant dans sa direction, « les navires de Livourne et de Gênes y sont poussés, dans les longs calmes d’été, presque sans avoir besoin de gouverner3 ».
10Ce courant aurait eu des incidences majeures pour le pays de Saint-Tropez : il aurait guidé, vers la presqu’île, au Ve siècle avant notre ère, les premiers occupants ligures, il dicterait la route aux scombridés lors de leur migration annuelle en Méditerranée et aurait conduit, selon la légende, le corps décapité du saint martyr, San Torpès – mis dans une embarcation à l’embouchure de l’Arno, près de Pise – jusqu’au golfe de Grimaud, avant d’être recueilli et caché par les Chrétiens du lieu au Ier siècle.
11La présence de pareil courant facilite assurément la circulation, les échanges et l’usage du chemin de la mer, mais les Tropéziens lui attribuent « une suite inévitable de maux ». Divers actes font état de cette ambivalence. Ainsi peut-on lire dans l’un d’eux à la fin du XVIIIe siècle :
« Sa côte, que tous les marins, venant du Levant et de l’Italie en Provence, sont forcés, principalement par les courants, de prolonger ou de reconnaître, le rendait, comme elle le rend encore aujourd’hui, un lieu vraiment important. Aussi, les ennemis de l’État et l’État lui-même avaient le plus grand intérêt d’en conserver la possession4. »
12Sur le pourtour accidenté du golfe, « hérissé de bois du côté de la terre et dangereux à aborder du côté de la mer », ne se trouve établi sur la rive nord face à Saint-Tropez et distant de lui d’environ quatre kilomètres que le port de Sainte-Maxime5. Ce bourg insignifiant au début du XVIIe siècle ainsi que le montre La Description du Goulfe de Grimaut connaît un réel dynamisme à la fin de l’Ancien Régime sans menacer les activités de la cité tropézienne. Avec près de 700 habitants vers 1765, selon l’abbé Expilly, la localité a pour Darluc « toutes les apparences d’un village bien peuplé. Il y a un petit port pour les tartanes, au moyen d’une jetée qu’on y fit en 1748. […] Elles y sont à l’abri des vents du sud-est. La rade y est si assurée qu’il n’y a aucun exemple de naufrage6 ». Affirmation à nuancer…
13Certes le golfe, ainsi que le reconnaissent voyageurs et riverains, paraît « navigable partout pour les plus grands navires7 ». En 1743, une partie de l’escadre anglaise de l’amiral Matthews y a pris position sans difficulté pour surveiller des bâtiments de commerce espagnols réfugiés à Saint-Tropez8. À la fin du XIXe siècle, il se présente toujours, malgré les mutations techniques du temps, de « la manière la plus heureuse, avec des fonds d’une excellente tenue, où les navires du plus fort tonnage peuvent venir mouiller, à peu de distance de la côte, par des profondeurs de plus de dix mètres9 ». Ces bonnes conditions nautiques et l’accès aisé – malgré quelques écueils comme les Sardinaux – en font un refuge recherché en cas de gros temps ou de menaces corsaires. Elles s’avèrent pourtant amoindries par la « mauvaise orientation de cette grande rade foraine, qui s’ouvre directement au sud-est, et se ressent beaucoup trop de la houle du large10 ». Comme l’ensemble du pays de Saint-Tropez, le golfe est sous l’action de deux vents redoutés : d’une part le vent du nord-ouest ou Mistral dont les rafales hérissent ses eaux de courtes vaguelettes crêtées d’écume – les moutons – et le vent d’est ou Levant à l’origine de la formation de vagues amples et grisâtres, amenant de fortes pluies d’automne. Les nombreuses dépositions, enregistrées par le greffe de l’amirauté de Saint-Tropez, attestent leurs effets redoutables : ainsi, pendant les mois de novembre et de décembre 1732 des vents « violents » et « contraires » provoquèrent plusieurs avaries et quelques naufrages11.
La baie des Canebiers
14De ce point de vue la baie ou rade des Canebiers présente, en apparence, de meilleures dispositions. Pour Séguiran il s’agit là d’un « deuxième port […] très grand et fort assuré pour les navires, à couvert de tous vents, excepté peut-être du nord12 ». Dans cette rade, longue de près de deux kilomètres et large de plus d’un kilomètre :
« Le vent du nord ne peut pas incommoder les navires qui mouillent l’ancre parce que la mer, en cet endroit n’ayant pas plus de trois mille de trajet, ne donne pas loisir au vent du nord d’exciter beaucoup le flot de la mer. Le mouillage y est fort bon partout, avec des fonds plus que suffisants pour toutes sortes de navires13. »
15Séguiran estimait d’ailleurs dans son rapport que cette rade serait « capable de recevoir une armée navale ».
16La colline sur laquelle sont perchés quatre moulins exposés aux vents dominants et celle occupée par la citadelle protègent légèrement la rade ouverte sur l’entrée du golfe. Des bâtiments l’utilisent régulièrement : pour attendre l’entrée à Saint-Tropez, y effectuer de courtes relâches, de brèves escales techniques ou trouver un abri momentané. Ainsi, La Madone Santissima La Conception, tartane partie en 1779 de Livourne chargée de blé pour Alicante, « serait venue par miracle mouiller à la rade des Canebiers14 » après s’être débarrassée d’une partie de la cargaison à cause d’un très violent vent d’est. Divers bâtiments tropéziens fréquentent aussi cette rade soit de retour d’Italie ou du Levant, soit en se rendant dans ces directions après être passés à Marseille ou Toulon pour y chercher du fret. Ils effectuent là une courte halte : déchargements de quelques marchandises, descentes ou embarquements de marins, prise de nouvelles après une longue absence. En août 1715, de retour d’Acre, la barque Saint François du capitaine Antoine Martin s’arrête dans la rade, avant de gagner Marseille15. Le 18 mars 1749, après plus de trois ans d’absence, le capitaine Charles Tropez Ratou, commandant le pinque Saint Jean-Baptiste, fait escale aux Canebiers avant de poursuivre sa route vers Toulon puis Marseille16. Parfois, les autorités tropéziennes désignent ce plan d’eau à des capitaines pour faire purger à leurs bâtiments un temps de quarantaine, suite à des soupçons de contagion, sous l’observation d’un officier de santé et les regards, plus lointains, de la citadelle.
17Néanmoins, la majorité des bâtiments qui choisissaient les Canebiers tentaient d’échapper au paiement de droits dus à l’amirauté pour la fréquentation du port. Afin de lutter contre cette pratique illicite les responsables tropéziens firent construire, en 1759, une redoute aux Canebiers – au lieu dit Saint-Pierre – pour y placer une batterie. La réalisation obéissait, en pleine guerre de Sept Ans, à un souci de protection contre les incursions ennemies et les consuls essayèrent d’en faire supporter la charge financière à la province et au roi17. L’entreprise fut menée à bien par la communauté qui se gardait de signaler l’autre objectif de la construction.
18Une telle surveillance fut effective et efficace mais contraignante. Aussi, dans un second temps, les responsables locaux obtinrent une modification de la législation. Par arrêté du 3 germinal an VI (23 mars 1798) le Directoire exécutif décidait que « la rade des Canebiers fait désormais partie du port de Saint-Tropez. […] Les bâtiments qui y relâchent seront soumis aux mêmes formalités que s’ils étaient dans l’enceinte du port ». La conséquence de l’arrêté paraît immédiate car dès lors, ainsi que le constate le commis de la marine, « presque tous les bâtiments caboteurs relâchent sur cette rade attendu qu’avant cet arrêté la plupart étaient soumis par la batterie Saint-Pierre d’entrer dans le port pour payer des droits18 ». Le commis tropézien devant se « rendre sans cesse aux Canebiers » demande à l’ordonnateur Najac en poste à Toulon « la désignation d’un canot pour assurer ses déplacements ».
19Ces modifications, liées avant tout à la perception de taxes, ne doivent toutefois pas nous faire perdre de vue que dans le dispositif portuaire de Saint-Tropez la baie des Canebiers ne constitue qu’un médiocre avant-port. Rédigeant, en 1738, un mémoire sur le port de Saint-Tropez, un officier relatait que « les galères du Roi, n’ayant pu entrer dans le port de Saint-Tropez […], mouillent, aujourd’hui, sous la citadelle, à la plage des Canebiers, où elles sont cependant trop exposées avec un gros vent du nord ou nord-ouest19 ».
20De plus des bancs de sable, particulièrement larges dans la partie orientale, gênent ou interdisent l’approche du rivage20. Par ailleurs, l’existence à l’entrée de la baie, du début du XVIIe siècle au milieu du XIXe siècle, d’une madrague pour la capture des thons, « calée » pendant près de huit mois par an, constitue un obstacle pour la circulation des bâtiments. Enfin, une installation au fond de cette rade ne constituait pas le meilleur site pour assurer la surveillance du golfe et engager de rapides opérations contre les menaces redoutées.
Le port de Saint-Tropez : forces et fragilités du site
21Le choix du site de Saint-Tropez, dans la partie la plus étroite du golfe à l’abri des collines voisines, répondait aux objectifs recherchés par les rebâtisseurs du XVe siècle, à savoir surveiller et verrouiller l’entrée du golfe.
22Arrivant à Saint-Tropez en février 1633, Henri de Séguiran, lieutenant de Richelieu pour les côtes du Levant, n’avait pas caché son étonnement :
« … le port est, comme dans la ville, de tout joignant les maisons des habitants qui l’environnent en partie21 ».
23La symbiose entre le port et la ville est remarquablement exprimée, quelques années plus tard, par un dessin réalisé en 1665 pour les officiers de l’amirauté en accompagnement du procès-verbal dressé à la demande de Colbert au moment de la grande enquête sur la marine du royaume (1664). Les officiers tropéziens ont en effet jugé utile :
« pour une plus claire intelligence du contenu du présent verbal de faire faire et de joindre un plan et vue figurée du port de Saint-Torpès et du premier rang des maisons qui sont au bord de la mer22 ».
24La gravure montre la ville, réduite aux hautes maisons qui bordent le rivage et dominée par la citadelle, enveloppant de ses môles le port, ou tout au moins le principal bassin qui forme le cœur de la cité.
Plan 2. – Saint-Tropez en 1665.

25L’auteur de cette représentation peu commune demeure inconnu. Pareil dessin panoramique aux maisons du premier plan rabattues semblerait proche du procédé employé par Francesco Maria Levanto, dans le Spechio del Mar, imprimé à Gênes en 166423. Étant donné les liens étroits noués avec la Ligurie, l’influence génoise paraît fort probable.
26Un court extrait du rapport final établi par les officiers accompagnés des deux experts locaux, Balthazar Martin et Louis Remondel, bourgeois – et anciens capitaines –, « afin de visiter et faire sonder la profondeur du port », permet de pénétrer dans le bassin :
« Le port est bordé de maisons et de deux quais, bâtis dans l’eau, dont le premier est couvert d’une muraille de huit à dix pans de hauteur, et prend son commencement au pied de le Tour du Roi, tirant à droite ligne par le vent d’est à l’ouest, d’environ soixante dix cannes de longueur. Au bout de ce quai, il y a une digue de grosses pierres, de trente cannes de longueur, par le même vent, élevée de trois ou quatre pans sur l’eau, pour rompre le flot de la mer, et rendre ce port assuré contre le vent du nord et nord-est.
L’autre quai a une petite plage par derrière, et prend son commencement, proche des maisons du faubourg Notre-Dame, tirant à droite ligne, par le vent du sud au nord, jusqu’à la Tour St Torpès, de quatre vingt dix cannes de longueur, avec une autre digue de grosses pierres, au bout de vingt cinq cannes de longueur, qui couvre le port du vent de l’ouest. Ces deux digues de pierres laissent l’embouchure du port ouverte au vent de nord-ouest de soixante cannes de largeur24… »
27La description, si minutieuse soit-elle, appelle cependant une remarque dans la mesure où elle laisse à l’écart un espace que ne peuvent ignorer ni les officiers ni les experts requis. Elle néglige totalement la minuscule « crique », sise entre la Tour Vieille et la Tour du Roi, associée au quartier de la Ponche ou Pointe, soit la partie essentiellement utilisée par les pêcheurs. Le regard porté sur le port de Saint-Tropez privilégie résolument le secteur pouvant accueillir les bâtiments de guerre et de commerce. Pour ces observateurs, là se trouve l’espace utile. Le bassin enserré entre deux digues présente, en apparence, de réels atouts.
« La mer n’ayant, en cet endroit du golfe, pas plus de trois mille d’étendue, le vent de nord-ouest n’a pas loisir de faire beaucoup élever le flot et ne peut pas non plus incommoder les navires qui se tiennent dans le port25. »
28L’avantage de l’abri offert constitue un thème régulièrement évoqué au fil du siècle. En 1687 les autorités urbaines certifient que « par toute sorte d’orages, les vaisseaux, galères et autres bâtiments peuvent rester dans le port, sans aucune apparence de danger26 ». L’affirmation revient, près d’un siècle plus tard, en 1782 :
« Depuis Toulon à Antibes, c’est-à-dire dans l’espace de trente à quarante lieues de côtes, il n’y a point d’autre port ; il est le seul qui puisse donner asile aux navires poussés par la tempête ou chassés par l’ennemi27. »
29Ces déclarations, venant des autorités municipales et visant à obtenir quelque aide financière pour la réalisation de travaux, appellent à la prudence. Toutefois, d’autres voix s’ajoutent à ce concert, comme celle de l’auteur du Mémoire rédigé en 1738 destiné au secrétaire d’État à la marine, et pour qui « les bâtiments de mer sont, à Saint-Tropez, en tout temps, en pleine sécurité […] le port est à l’abri de la mer du large et des vents du nord28 ».
30Le courant marin ainsi que les coups de vent soudains et furieux rendent compte de quantité d’arrêts, de gré ou de force, à la recherche d’un refuge.
31Le greffier de l’amirauté fait ainsi état de relâches effectuées, dans des conditions souvent dramatiques, par des navires de commerce circulant entre Ligurie et Languedoc, voire Catalogne. Mais à côté de ces cas ordinaires, à coup sûr les plus fréquents, figurent quelques arrêts exceptionnels ayant mis à contribution la valeur du site.
32Parmi les surprenants visiteurs involontaires, ayant choisi l’abri tropézien, signalons dès 1533, semble-t-il, le pape Clément vii conduisant avec 18 galères et 6 vaisseaux, sa nièce Catherine de Médicis en France29. En 1600, Marie de Médicis, qui se rend à Marseille pour épouser Henri iv, fit halte avec ses galères dont les dehors éblouirent les Tropéziens30. Un siècle plus tard, en 1701, c’est Marie-Louise de Savoie qui, ayant quitté Nice, pour aller épouser Philippe v d’Espagne, s’arrêta à Saint-Tropez. Auparavant, en 1665, Le Bernin, invité par Louis xiv, avait dû se réfugier à Saint-Tropez à cause de la grosse mer, tout comme le fit quelques années plus tard le légat du pape Maidalchini, envoyé par Rome auprès du roi de France31. Toutefois, le passage le plus spectaculaire et le plus imprévu, sinon le plus pittoresque, reste à coup sûr celui de l’ambassadeur du Japon Hasékura Rokuméon qui, en route pour Rome avec sa flottille (1613), fut obligé de faire une brève escale à Saint-Tropez à cause d’une forte tempête de vent d’est. Le bref séjour de la mission japonaise n’a pas manqué d’éveiller la curiosité des Tropéziens, ainsi que le signalent diverses relations32.
33L’étendue du plan d’eau, avec un peu plus de 10 000 toises carrées – soit environ 4 hectares – apparaît, après l’abri, comme l’autre avantage. Un Mémoire réalisé au début du XIXe siècle attribue au bassin une longueur moyenne de 240 mètres et une largeur moyenne de 200 mètres. Ces données, à retenir pour le siècle précédent, n’ont cependant de valeur que rapprochées du trafic portuaire et des possibilités réelles d’accueil33. Séguiran, qui reconnaît aussi que le port « est à couvert de tous les vents, fors du nord-ouest », l’estimait capable de « contenir présentement cent ou six-vingts navires34 ». Ce jugement à inscrire en faveur d’une « réunion de la place au domaine (royal) » semble corroboré par le procès-verbal de 1665. En effet, avant le « dépérissement » dans lequel se trouve à ce moment-là le port, celui-ci « suffisait pour abriter le grand nombre de bâtiments appartenant aux habitants de ce lieu, soit quatre-vingts navires et polacres et un plus grand nombre de barques et tartanes35 ». Certes ces bâtiments se trouvaient rarement, sinon jamais, ensemble dans le port mais les places des navires manquants pouvaient être prises par d’autres venus d’ailleurs.
34La valeur du mouillage constitue un paramètre tout aussi, sinon plus, déterminant que la surface seule du bassin. Pour les observateurs de 1665 :
« La profondeur de ce port, aussi bien proche les maisons que les quais, et partout, était telle qu’à son embouchure, c’est-à-dire de 18 à 25 pans d’eau (soit 5,5 m à 7,5 m), et par conséquent, capable de contenir bon nombre des plus grands navires avec les plus grands chargements36. »
35Or, un tel état n’est plus de mise lors de cette visite, « à cause des bancs de sable et de boue qui se sont élevés dans le port, depuis les maisons jusqu’au milieu d’iceluy ». Pareille situation, visible sur le plan « panoramique » avec les mentions de faibles profondeurs, relevées lors des sondages, suffit seulement aux petites embarcations d’une flotte anéantie, « n’exigeant pas un plus grand fond qu’il y a à présent dans le port ». Ce constat, sur lequel il faudra revenir, donne bien pour l’instant toute la mesure de la fragilité des atouts dont on accrédite volontiers le port et qui ne sont, en rien, des données définitives et immuables.
36La nécessité de maintenir par des travaux acharnés un bon mouillage illustre la lutte indispensable et incessante des hommes contre le poids des éléments naturels, puisque
« tous les bancs ne sont que des sables mouvants et de boue que la suite du temps a porté dans le port, tant par le moyen des pluies que par les orages37 ».
37Le cloaque, visible au pied de la Tour du Port, participe aussi à l’envasement du plan d’eau.
38À cette contrainte permanente, il faut ajouter le poids de l’accidentel. Le naufrage de cinq galères espagnoles, incendiées en 1742 dans le port de Saint-Tropez à la suite d’une attaque anglaise, entravèrent durant plusieurs années son fonctionnement38. Les épaves gênèrent l’utilisation de l’espace disponible, y compris le simple va-et-vient des petites embarcations. Vendues aux enchères, en 1742, par Don Francisco de Leira, commissaire des galères pour le roi d’Espagne, les carcasses calcinées, acquises par le bourgeois Jean Baptiste Martin, ne furent retirées du port, après plusieurs tentatives malheureuses (1742 et 1745), qu’en mai 1748 par l’entrepreneur de Toulon Joseph Barralier39.
39Les potentialités d’un site portuaire sont étroitement tributaires des travaux réalisés par les hommes, des techniques existant pour entretenir, améliorer et aménager l’espace ainsi que des capacités financières disponibles. La prise de décision pour engager les opérations nécessaires revient à l’autorité de la ville placée entre les mains du conseil de la cité mais s’inscrit dans un schéma qui concerne toute la cité.
Saint-Tropez, ville fortifiée
40Dressant le panorama du département du Var au début du XIXe siècle, le préfet Fauchet n’hésitait pas à classer Saint-Tropez parmi les « villages maritimes40 ». Pour lui, on ne peut considérer une ville qu’à partir d’un seuil d’habitants à savoir 5 000 individus « car seulement à ce degré de population commencent les mœurs, les besoins et les habitudes des villes41 ». En revanche, pour les observateurs précédents le caractère urbain de Saint-Tropez ne faisait aucun doute. « Petite ville » pour Darluc (1784) et Achard (1785), « ville » pour Millin (1807) et pour l’auteur d’un Mémoire sur le port (1738), Saint-Tropez répondait assurément à la définition générale de la ville d’Ancien Régime à savoir : un « espace bâti entouré de murailles ». Il s’agit toutefois d’une très petite ville n’abritant qu’un peu plus de 2 000 habitants au début du XVIIIe siècle. Ce niveau hisse néanmoins la cité au premier rang des localités voisines et représente la moitié de la population des communautés du golfe.
41Construite avec et pour le port, elle porte dans sa trame la marque de la fonction défensive assignée par les refondateurs du XVe siècle, ceux-là mêmes qui « au commencement de leur habitation, comme les Juifs dans la réédification du Temple, tenaient la truelle d’une main pour bâtir leurs maisons et l’épée de l’autre pour repousser l’ennemi42 ».
Paysages urbains
42Des cartes, gravures et plans, relativement nombreux, d’origines diverses et souvent éparpillés, sans oublier le plan-relief de Saint-Tropez en 1716, fournissent les éléments indispensables pour dresser les principales composantes du paysage urbain43. L’existence de ces levées pour une modeste localité peut surprendre si l’on oublie le rôle stratégique, même mineur, de la cité portuaire et « frontalière » et le désir de l’État royal de connaître pour dominer au mieux le territoire. Autre source de contrôle, fiscal celui-là, les cadastres disponibles apportent des informations complémentaires.
43Dans sa tournée d’inspection des côtes méditerranéennes Henri de Séguiran, après avoir visité en personne les ouvrages de défense à Saint-Tropez (1633), a commandé à l’ingénieur La Fleur la levée du plan de la ville44. Sur la gravure qui résulte probablement de cette demande, Saint-Tropez apparaît bien comme une agglomération de maisons ceinte de murailles. Derrière le rang serré des bâtiments de deux à trois étages élevés en bordure des quais et aperçus sur le plan panoramique de 1665, la ville dévoile les différentes étapes de sa croissance. Dès le début du XVIIe siècle le territoire urbain apparaît découpé par un dispositif de remparts englobant des périmètres non-bâtis offerts à une possible extension de l’habitat.
44Au début du XVIIIe siècle, la « vieille ville » occupe la partie septentrionale de l’espace urbanisé, tournée à la fois vers le plan d’eau du port et l’entrée du golfe. Elle s’inscrit dans un quadrilatère délimité par quatre tours : du Portalet, du Port, de l’Aire du Commun – dite encore bastion Jarlier – et tour Vieille ou de la Ponche45. Prenant appui sur ces trois dernières pièces, une ceinture de barris ou remparts avait été élevée pour protéger l’espace habité dès la seconde moitié du XVIe siècle, alors que Saint-Tropez comptait déjà près de 200 maisons et plus d’un millier d’habitants46.
Plan 3. – Saint-Tropez vers 1700.

45L’angle nord-ouest de la vieille ville constitue le noyau primitif occupé par les refondateurs de 1470. Une première fortification, établie semble-t-il au tout début du XVIe siècle, enveloppait déjà ce site initial depuis la tour Vieille jusqu’à la porte de Ravelin ou de la Ponche et la maison seigneuriale – dite « château de Suffren » au XVIIIe siècle – en bordure du port proche du portail qui s’ouvre sur un court môle. En fait, ce noyau originel ne se distingue guère dans le paysage de la vieille ville dans la mesure où il fut très rapidement débordé et prolongé par l’installation de nouveaux venus.
46En bordure de mer et le long du port les maisons faisaient office de muraille. En effet, le percement d’ouvertures se trouvait réglementé par les autorités municipales et en cas de menace venue de la mer ces mêmes autorités ordonnaient aux particuliers de fermer les portes ouvrant a la marino, la communauté se chargeant de l’obstruction des andronos, ces étroits passages qui relient la cité au rivage47.
Plan 4. – Saint-Tropez vers 1800.

47Des maisons faites de pierres arrachées aux collines voisines, dépassant rarement trois niveaux, étroites et serrées composent la vieille ville. Certaines disposent en leur partie basse d’un puits ou d’une citerne et la plupart possèdent des caves et des celliers ; d’autres présentent des bottiques et des mazeguins ou magasins, particulièrement près de la mer. Les maisons, comme les tours et les murailles, ont des façades badigeonnées de chaux, « à la génoise », et des toits de tuiles hérissés de courtes cheminées. Les venelles sont ombragées, sinueuses et non pavées. Les cadastres localisent les bâtiments tantôt selon les noms des quartiers – Saint-Roch, Cavailhon… –, tantôt selon les noms de rues – carrière Cocorel, rue de la Ponche, rue du Portal… –, ou encore en référence à un édifice ou un lieu public – moulin, fontaine, église…
48Au-delà de ce quadrilatère densément occupé, la présence de faubourgs, dans la partie méridionale, témoigne de l’extension de la cité « hors-les-premiers-murs ». Ce signe évident de croissance semble attesté dès le milieu du XVIe siècle, malgré les nombreux assauts lancés contre le bourg fortifié.
49La nébuleuse de maisons et jardins du quartier de la Garonne et la ligne de bâtisses de celui de la Bourgade finement étiré le long du port se renforcent au XVIIe siècle, mais enregistrent une progression sensible au siècle suivant, ainsi qu’une densification de l’habitat. Ces deux faubourgs se développent à l’abri d’une levée de terre et d’un fossé qui compose un retranchement bastionné mis en place dès la fin du XVIe siècle (1585-1590) et englobe une partie de la colline des Moulins à vent. Au sommet de cette dernière, et dominant la ville, est édifiée depuis le début du XVIIe siècle (1602-1607) la citadelle en remplacement du premier ouvrage construit par le duc d’Epernon (1593-1596).
50Tandis que s’agrandit au pied de cette place-forte le quartier de la Pointe ou Ponche – espace fréquenté par les pêcheurs –, les faubourgs de la Bourgade (d’Henrigou) et de Saint-Roch s’affirment, au XVIIIe siècle, comme les véritables prolongements de la ville avec rues plus rectilignes et présence de vastes demeures, au décor parfois mystérieux48. Cependant de nombreux jardins piquetés d’arbres fruitiers, de cazaus et stables sont associés à ces quartiers, alors que pinèdes, luegues et messuguières reculent dans une ville abritant plus de 3 600 personnes à la veille de la Révolution49.
Aménagements urbains au XVIIIe siècle
51Si les travaux portuaires retiennent l’attention des autorités locales, la ville connaît également, au dernier siècle de l’Ancien Régime, un ensemble de transformations et d’aménagements qui reflète de nouvelles préoccupations.
52L’enceinte, objet de tous les soins jusqu’à la fin du XVIIe siècle, n’est plus un souci majeur pour les responsables municipaux. Le danger n’a certes pas disparu et la ville reste « frontière de mer » : les incursions barbaresques, la menace des vaisseaux anglais et le passage des troupes impériales scandent l’histoire tropézienne au XVIIIe siècle. Pourtant, dès 1720 des travaux sont engagés au sud de la ville, sur les lices et en 1738, le Maréchal d’Asfeld, directeur des Fortifications, autorise la Communauté à niveler le retranchement bastionné situé en avant des quartiers de la Bourgade et de Saint-Roch et relié aux pentes de la colline de la citadelle. Dans ces opérations d’urbanisme les fossés aux eaux croupissantes, vecteurs de fièvres, sont comblés. Le vaste terrain, ainsi dégagé et assaini, devient peu à peu une belle esplanade plantée d’ormeaux dite dès 1750 « place des Lices ».
53De moindre ampleur trois autres places figurent non loin des quais du port et de la Bourgade d’Henrigou. Dans la vieille ville également des modifications de même ordre aèrent le tissu urbain serré : percement d’une nouvelle porte dans les remparts à l’est – porte du cimetière ou porte d’Aumale –, déplacement de la porte de la Pointe et aménagement d’une petite place – « place de l’Ormeau » – sur le terrain du vieux cimetière situé derrière l’église paroissiale, près du rempart.
54Cette décision, prise après force discussions en 1774, correspond à l’ample mouvement de transfert des « champs des morts » hors les murs des villes50. Le cimetière occupait l’extrémité du quartier de la Pointe, au pied du glacis de la citadelle, non loin du « jeu de boules51 ». La translation des ossements, effectuée « sans décence, ni respect, ni acte de religion », fut terminée en 1776. Pourtant l’usage du nouveau cimetière fut de courte durée car le terrain acheté, composé de pierre et d’argile, ne permettait pas de creuser des tombes de plus de cinquante centimètres de profondeur et d’enfouir correctement les cercueils52. Par ailleurs, cet inconvénient se trouvait accentué par les méfaits des eaux ruisselant le long du glacis. À cela il convenait d’ajouter, ainsi que le signalèrent les riverains mécontents, les odeurs mêlées à celles d’un proche magasin des madragues. Les vives protestations des habitants du quartier, amplifiées en 1788 par les effets d’une « fièvre putride » contagieuse, déclarée dans ce même quartier, conduisirent à envisager un nouveau transfert du cimetière. Après de nombreuses réunions et l’examen de divers sites, le conseil municipal accepta le don d’un terrain des frères Martin de Roquebrune situé dans le prolongement du précédent, au pied de la citadelle, face à la mer. Le « cimetière marin » ne devait plus connaître de profondes modifications.
55À ces transformations il faut ajouter deux chantiers, deux reconstructions d’édifices religieux. Il s’agit tout d’abord de la chapelle de Saint-Tropez desservie par les Capucins qui rapportent qu’en
« 1742, et le 11 janvier à deux heures et demie après minuit, notre église croula jusques aux fondements ; seules la muraille du côté du cloître et celle du sanctuaire n’ont pas eu le même sort […] ni séculier, ni religieux ne se sont trouvés sous les ruines53 ».
56Les travaux de remise en état de cet important lieu de culte tropézien durèrent jusqu’en 176454.
57Toutefois, la grande affaire concerna l’église paroissiale, située au cœur de la cité, qui menaçait, dès le milieu du XVIIIe siècle, de s’écrouler. Les étançons mis en place ne permirent pas de sauver le bâtiment. Lors de la reconstruction, décidée en 1775, l’éventualité d’un agrandissement du lieu de culte donna l’occasion de vives discussions. Dédiée à Notre-Dame de l’Annonciation l’église avait été bâtie vers 1540 en remplacement de la gleya vieilla, église primitive des colons du XVe siècle devenue trop petite dès les premières décennies du siècle suivant. Au début du XVIIe siècle, les évêques de Fréjus, en visite pastorale, ne cessèrent d’apporter leur soutien à la construction d’une nouvelle église encore plus vaste : Fleury en 1703, Pierre de Castellane en 1716, Martin du Bellay en 1741 ou encore Emmanuel du Beausset en 1769. Commencés en 1779 les travaux furent achevés en 1784, grâce au concours financier de donateurs parmi lesquels figurent de nombreux patrons et capitaines de navires marchands.
58Durant la fermeture de l’église pour cause de travaux, le vicaire général du diocèse désigna la chapelle de la Miséricorde pour servir d’église paroissiale jusqu’à l’achèvement et la bénédiction du nouveau lieu de culte. Les Pénitents noirs n’acceptèrent pas volontiers d’ouvrir leur chapelle, comme en témoigne le conseil de ville qui envisagea de faire « défoncer les portes de la chapelle » si la sentence épiscopale ne se trouvait pas respectée55.
La ville au service du port ?
59Les comptes-rendus des délibérations communales montrent – derrière la gravité parfois excessive de quelques déclarations solennelles – l’attention particulière accordée par la ville à l’état de son port. Lorsqu’en 1766 le sieur de Favas, maire, assemble le conseil pour délibérer sur les moyens à prendre pour empêcher « la ruine de ce port qui entraînerait infailliblement celle de cette ville, qui ne peut subsister que par son commerce maritime », il n’hésite pas à présenter l’opération à réaliser – curage, creusement et réparation – comme « l’acte le plus important depuis la fondation de la cité56 ». Il est vrai que nombre de membres qui dirigent la cité sont, comme le sieur de Favas, intimement liés aux affaires maritimes et ont grand intérêt à ne point laisser dépérir l’outil portuaire. Pourtant il ne faut pas minorer la pression exercée parfois par des patrons et capitaines pour que la Communauté daigne engager des travaux au financement délicat.
Travaux portuaires
60Espace vulnérable et milieu fragile le plan d’eau, mais aussi les môles qui le délimitent et le protègent, nécessite des travaux d’entretien permanents souvent tributaires du savoir-faire et des techniques des ports voisins, particulièrement de Toulon.
61Le nettoiement et le creusement du bassin forment assurément les préoccupations majeures, avec néanmoins quelques temps forts dans la conduite des opérations. Le premier se situe à la fin du XVIIe siècle, signe d’un renouveau des activités, après la période de « dépérissement » signalée à Colbert en 1665. Le travail, « indispensable pour rétablir le négoce et le trafic maritime57 », décidé en 1687, est amorcé l’année suivante. Nicolas Angallier, entrepreneur de Toulon, dirige les opérations en utilisant du matériel provenant du port-arsenal : un ponton, offert par Nicolas de Vauvré, Intendant général des mers du Levant, et deux bateaux percés pour transporter la saffre ou vase, technique éprouvée à Marseille et Toulon. La Communauté tente de pallier le manque de matériel disponible en finançant la construction d’un bete ou tone pour servir au creusement du port mais confie en 1700 une nouvelle opération de creusage à Louis Daniel, de La Seyne58. Sans un entretien incessant la menace d’envasement s’avère constante. En 1738, un officier venu établir à Saint-Tropez un « plan en sonde du port » alerte le secrétaire d’État à la marine :
« Les galères du Roi ne peuvent plus entrer dans le port ; comme depuis plus de trente ans il n’y a plus de machine à creuser entretenue, il s’est rempli, et si on le néglige encore quelques années, nul bâtiment n’y pourra aborder […] mais quand il sera creusé il sera aussi sûr que les ports et darses de Toulon et Marseille59. »
62Cette situation n’a guère dû être favorable aux cinq galères espagnoles venues se réfugier dans le port en 1742. Le sondage de la passe, effectué par les Anglais, a néanmoins été jugé convenable à l’entrée dans le port de leur vaisseau et à l’envoi d’un brûlot vers les galères. Si de menus travaux ont été effectués en 1741, puis en 1748 au moment de l’enlèvement des carcasses, un profond creusage général fut différé jusqu’en 175660. Dix ans plus tard, la situation est redevenue dramatique dans la mesure où « à cause de son peu de profondeur le port ne peut contenir à peine 50 bâtiments sur les 100 qui existent […] et les bâtiments du Roi sont réduits à mouiller dans le golfe61 ». À partir de 1772, à l’aide d’une machine prêtée par Toulon et de deux bateaux venus d’Antibes pour le transport de la vase hors du port, un nouveau dragage peut être mené62.
63Dès 1665 de claires directives préventives préconisaient aux utilisateurs de charger en lest leurs bâtiments
« aux rivages du port, proche des maisons qui sont dans l’enclos d’iceluy, pour éviter par ce moyen que les eaux pluviales du lieu n’emportent toujours plus de sable et de boue, qui est sur les dits rivages, dans le milieu du port. (Quant à la décharge du lest, il convient de la faire) derrière la maison du jeu de Paume et la Chapelle Saint-Elme, bâties sur le milieu du quai, entre la Tour Saint-Torpès et la chapelle Notre-Dame, sur la plage d’où nulle sorte de vent ne les peut retirer dans le plus prochain fond de la mer, ni les faire entrer dans le port, à cause du quai, qui sépare le port de cette petite plage63 ».
64La vase issue du creusage devra d’ailleurs, ainsi que le stipulent les prix faits, être mise dans cette même zone64. La localisation précise des différents endroits, réservés aux charges et décharges de lest est un des motifs de la réalisation du plan, joint au procès-verbal destiné à Colbert. Malgré les interdictions et les cinquante livres d’amende pour les contrevenants, il faudra à diverses reprises comme en 1725 « défendre aux patrons d’entreposer leur lest au môle du Levant65 ».
65Une autre intervention essentielle, engagée par la ville et à mettre en relation avec la nouvelle vitalité du port, a trait aux travaux concernant les môles, particulièrement celui du Portalet qui protége le port de la haute mer. Séguiran avait déjà noté que :
« … pour mettre le port à couvert du vent du nord-ouest et qui le bat diamétralement, il ne faudrait que prolonger une desdites jetées, environ de trente ou quarante toises, y bâtir dessus, et au bas desdites deux jetées, faire deux plates-formes pour fermer le dit port à la chaîne66 ».
66Ce n’est qu’à la fin du XVIIe siècle que les avantages d’un « fleurissant commerce » engagèrent les administrateurs de la ville à travailler à l’agrandissement et à la bonification du port en y élevant des môles. Les opérations se révélèrent délicates à plus d’un titre et parfois mouvementées.
67Après une série de simples réparations (1679-1683-1696-1706) et de mesures énoncées à l’encontre de ceux « qui prendront des pierres à la jetée derrière le môle du Portalet » (1703), la ville décide, en 1714, d’agrandir le port « au moyen d’une jetée de pierres en prolongement de celle existant au môle du Portalet ou du Levant ». Une telle décision s’explique en partie par un regain d’activités. Commencés vers 1715, sous la direction de Gaspard Feraud, « maître pierrier » d’Antibes, les travaux avancèrent lentement. Sans doute trop, au goût de plusieurs patrons, qui intentèrent un procès à la Communauté pour l’obliger à continuer la jetée. « La Cour, par son arrêt de 1719, ordonne aux consuls, à peine d’amende, d’augmenter le môle67. » Pour ce faire, mais dans un ensemble de travaux plus importants, Nicolas Dubreuil, dessinateur et Jacques de Bonvoisin, ingénieur, vinrent de Toulon pour dessiner le plan du port. Une fois encore les compétences et les ressources techniques du port militaire voisin furent mises à contribution. À côté de réparations faites au môle du Ponant, « du côté de la chapelle Saint-Elme », les consuls demandèrent en 1725 un devis à des entrepreneurs de Toulon, dont Nicolas Aguillon, en charge « des réparations de l’arsenal », pour prolonger le môle du Portalet « devenu impraticable68 ». En fait, l’opération se poursuit toujours en 1750 à l’aide « d’encaissements de pierres et de brisants, pris sous la colline des moulins et mis au bout du môle de l’ancienne jetée69 ».
68Des travaux de consolidation suivirent mais en 1840 encore le maire Augustin Guérin demandait l’intervention du député Poulle pour obtenir de l’État le prolongement du môle toujours inachevé. La lenteur de telles opérations d’aménagement s’observe en d’autres ports voisins comme Cannes ou Antibes70.
69Parallèlement à ces réalisations, les quais demandent régulièrement réparation et remodelage. « Courant dans la mer comme un môle », le quai neuf construit en 1620-1626, bien visible sur le plan panoramique de 1665, au débouché d’un portail, est presque entièrement supprimé. Il perdait de son utilité devenant même gênant au moment du prolongement du môle du Portalet et de la création du quai en bordure du bassin, dit aussi parfois « quai des fenêtres71 ». En effet, en 1733, le conseil de ville se prononça en faveur de l’aménagement d’un quai « sur le port, pavé de briques et de pierres », suivi de la destruction de la Tour du port, munie de pont-levis près du cloaque, autorisée par le directeur des fortifications, le Maréchal d’Asfeld72. Les opérations provoquèrent le vif mécontentement de capitaines et patrons pour qui cette place, dans la partie centrale du port, servait au halage des bateaux et chaloupes, ainsi que de chantier de constructions navales. Quantité de maisons riveraines, « aux pieds dans l’eau », aux bases quelque peu renflées, comme pour atténuer les effets des vagues, disposaient de remises ou « magasins » pour entreposer du matériel nautique et pouvaient même accueillir de très petites embarcations. Le modèle se retrouve également en certains ports italiens et levantins.
70Malgré ces protestations, les magistrats municipaux ne renoncèrent pas à l’aménagement en bordure du plan d’eau veillant au dépavage et repavage de certaines parties « avec pente suffisante pour l’écoulement de l’eau », afin d’éviter la formation de cloaques73. Des mesures d’accompagnement furent adoptées pour faire enlever de ce quai les bois de construction, mâtures, cordages et autres objets encombrants. Le voisin botaniste Darluc, de passage dans la ville à la fin du siècle, en apprécie le résultat :
« Le quai qui entoure le port et les maisons de ce joli endroit est bâti sur des pilotis, avec de la pouzzelane qui prend corps dans l’eau ; il met à l’abri des inondations et des crues des eaux de la mer qui, en certain temps de l’année, aux équinoxes surtout, et par le souffle des vents d’ouest, remplissent les caves des maisons. On peut se promener aujourd’hui sur ce joli quai, sans craindre la tempête et les flots courroucés74. »
71Le regard du visiteur ne recoupe pas celui des praticiens de la mer qui n’apprécient guère ce grignotage de l’espace. En fait, le conseil de ville prit peu après, en 1752, la décision de réserver le quai Saint-Elme à la construction navale. La création d’un glacis, « pour lancer plus commodément les bâtiments à la mer » envisagé en 1755, est finalement ajournée à cause de la guerre de Sept Ans. Cependant, en 1773, l’activité croissante du chantier entraîne son extension avec le nivellement ou « atterrissement » du quai de l’Annonciade et la confection d’une cale, entre la Tour Saint-Tropez et la chapelle Saint-Elme, pour faciliter le lancement des bâtiments, cale élargie en 1782. Les éléments retenus, vers 1820, par Louis Garneray avec au premier plan de sa Vue du port de Saint-Tropez le chantier de construction navale, sont désormais en place75.
Financement des opérations
72La réalisation des travaux, comme le laissent entrevoir la lenteur de leur exécution et leurs reports, s’est heurtée à une même question épineuse, à savoir celle du financement par une Communauté aux ressources irrégulières et limitées.
73En 1766, le conseil de ville établissait à « 150 000 livres la dépense faite au port pendant quarante ans ». Toujours selon la même autorité, auraient été employés, depuis 1719, « au moins 100 000 écus » pour le port et seraient dépensées chaque année « 2 à 3 000 livres indépendamment d’une quantité considérable de chaux et de pouzzolane pour l’entretien des môles et des quais76 ». La municipalité a réglé, grâce à ses revenus, une partie des frais engagés, mais a dû solliciter des aides extérieures – Province, État et usagers directs du port –, pour couvrir la totalité des dépenses. À titre d’exemple, pour rassembler les 87 138 livres destinées aux ouvrages à faire au port, en 1719, la ville propose de fournir 34 138 livres, soit près de 40 %77, mais demande 23 000 livres à la Province et 30 000 livres au Roi. La Province rejette sans détours la requête
« sur le principe de la réciprocité, note l’abbé de Coriolis, car il ne paraissait pas raisonnable que, tandis que la Communauté de Saint-Tropez, faisant partie des Terres adjacentes, refusait de contribuer aux charges du Pays (réparations des ponts et chemins), on voulût forcer celui-ci de concourir à des réparations locales et propres à cette Communauté78 ».
74Toutes les demandes tropéziennes, pour obtenir que la viguerie de Draguignan soit contribuable à la dépense du port, connurent pour cette même raison une fin de non-recevoir79.
75L’aide demandée au Roi, et promise dès 1719, se concrétisera tardivement et de manière détournée. En 1737, la recherche de la protection du cardinal Fleury, pour procurer le secours octroyé, n’aboutit pas. Ce n’est que trente ans plus tard, à la suite d’une démarche réalisée pour les consuls à Paris auprès de l’Intendant par le juge Tropez Martin, que celui-ci obtient l’aide financière80. En réalité le montant de cette aide correspond à la « liquidation des fournitures faites par Saint-Tropez pendant les deux dernières guerres81 ». La somme de 36 700 livres est aussitôt entièrement affectée, en 1772, au curage du port. L’Intendant de Provence, outre l’envoi de cent écus en guise de contribution volontaire, a obtenu à cette occasion de l’Intendant de la marine une machine sans en consigner le prix, mais avec « obligation de la rendre en bon état ». Malgré ces moyens « l’ouvrage dut être suspendu par le défaut d’argent », la Communauté ayant dû prélever sur la somme royale 27 760 livres pour régler les arriérés du creusage de 175682. L’aide de l’État royal représenterait environ 20 % des dépenses engagées durant les quarante années considérées. Avant le soutien financier versé en 1772, et malgré sa relative modestie eu égard les besoins exprimés, la situation était plus que préoccupante aux dires du maire et docteur en médecine Jean Baptiste Joseph Ollivier :
« … bientôt vos capitaines étaient obligés de quitter le sein de leur famille pour aller désarmer leur bâtiment dans d’autres ports ; vos matelots de s’expatrier, vos denrées de rester invendues ; votre pays de se dépeupler ; vos constructeurs de porter ailleurs l’industrie et les arts ; laisser mourir vos bois de construction sur leurs pieds et priver le golfe d’un commerce avantageux et nécessaire. Voilà les maux qui vous menaçaient. Et vous avez été les tristes témoins d’autres qui ont été sensibles à vos cœurs. Vous avez vu périr des bâtiments qui ne pouvant pas entrer dans votre port faute d’eau étaient obligés de mouiller à l’embouchure, exposés aux vents, faire naufrage ; d’autres couper leurs mâts, jeter leurs cargaisons à la mer pour soulager leurs bâtiments. Vous ne serez plus les témoins de ces tristes catastrophes depuis que Monseigneur de Montyon, Intendant de cette province, a daigné homologuer la délibération du conseil général tenu le 23 dernier dont lecture va vous être faite, qui vous permettant de remplir vos engagements vous facilite les moyens de curer votre port et donner à tous les bâtiments un refuge très précieux dans le temps de mauvais temps comme en temps de guerre83 ».
76Dressé lors d’un conseil de ville extraordinaire ce tableau, noirci à dessein, rappelle que l’entretien portuaire demeure vital pour les Tropéziens dont le destin est si étroitement lié à la libre fréquentation du chemin de la mer. Le rappel des menaces et des catastrophes passées permet également aux autorités locales de mettre en relief et le rôle du conseil et la bienveillance de l’autorité de tutelle des Terres adjacentes, en une période où la cité connaît de fortes activités économiques. Il omet toutefois de mentionner que le bon fonctionnement du port assure aussi des recettes à l’amirauté, au seigneur du lieu et à la Communauté, précisément à un moment où des voix s’élèvent contre le paiement à celle-ci d’une contribution spécifique, à savoir la « taille sur les bâtiments de mer et engins de pêche ».
77Les officiers de l’amirauté avaient observé, à propos de l’envasement du port en 1665, « qu’il n’a jamais été levé aucun droit pour l’entretien du port ». Certes, le seigneur du lieu faisait exiger « sur toutes sortes de bâtiments des pays étrangers » un droit d’ancrage « à raison de cinq sols par mât, mais ce droit n’était aucunement employé à l’entretien du port84 ».
78Pourtant, « depuis un temps immémorial » – au vrai depuis une délibération du 18 juin 1570 – le principe d’une participation des patrons et capitaines à l’entretien du port paraissait acquis :
« Désireux de faire un ou deux môles au port de Saint-Torpès attendu la quantité de barques qui sont à présent […] Jaume Coste et Jauffret Antiboul, députés pour la partie des marchands et des patrons de Saint-Torpès, avec seize autres patrons ou capitaines, acceptent de mettre certaine somme d’argent des profits que faran les barquos et canouts que pourtaran marchandises […] soit cinq pour cent de tous et chacun des profits que feront lesdits barquos, canouts et marchandises85. »
79Cette mesure exceptionnelle devient peu après contribution régulière, dite « taille sur les bâtiments de mer et les filets de pêche », reconnue par un arrêt de la Cour en 1674. Devant l’insuffisance des revenus de la Communauté la logique consiste à faire participer les utilisateurs à l’entretien et aux aménagements portuaires par le paiement d’une taxe. « Tandis que la Communauté fait des jetées, qu’elle répare les quais, qu’elle cure l’enceinte du port pour la tranquillité des propriétaires sur la sûreté de leurs navires, ceux-ci seront-ils les seuls à n’y point contribuer ? » s’interrogent les magistrats municipaux. L’argumentation développée les conduit à la mise en place de cette taille, non précédée d’une estimation, puisqu’établie sur le tonnage et non la valeur du bâtiment : 30 sols pour chaque cent quintaux de port pour les bâtiments de plus de cent quintaux et 24 livres cadastrales sur tous les filets et petits bâtiments au-dessous de cent quintaux de port. Par ailleurs, la taille ne concerne que les bâtiments possédés majoritairement par des Tropéziens, commandés par des capitaines classés à Saint-Tropez et armés à Saint-Tropez – même s’ils désarment ailleurs. Il s’agit donc d’une contribution strictement attachée aux Tropéziens. D’autres localités, comme Cannes et Fréjus réclamèrent une imposition analogue, mais la Cour rejeta leur requête, la situation étant incomparable à celle de Saint-Tropez.
80Les capitaines et patrons veillaient jalousement à ce que les revenus de la contribution soient vraiment employés à l’amélioration du port, particulièrement à l’avancement du môle du Portalet, pièce essentielle pour assurer abri et sécurité. Ils purent soupçonner quelquefois un détournement du montant de l’imposition en faveur d’autres réalisations, comme le pavage des quais. Ces craintes expliquent les fréquentes sommations, les vérifications exigées86. Si la taille ne procurait que huit à neuf cents livres par an, alors que selon la Communauté « le seul entretien des quais coûtait, année commune, 2 000 livres », celle-ci entendait, en raison des « dépenses immenses à faire au port », ne pas perdre cette ressource remise en question, en 1674 et en 1782, par les capitaines plaideurs Sassy et Hermieu.
81Faute de pièces comptables suffisantes, il reste difficile de fournir un état précis des dépenses effectuées pour entretenir et aménager le port, de connaître l’évolution de celles-ci, tout comme la répartition des charges, variables mais assurément lourdes. Les tiraillements observés entre la Communauté et les utilisateurs du port ne facilitent guère les choses, d’autant plus que les conflits entre le port et la ville, entre les pouvoirs qu’ils représentent et les groupes socioprofessionnels sous-jacents, recouvrent de complexes réalités sur lesquelles il faudra revenir.
82Pour l’heure les éclairages portés sur le site permettent de se prononcer sur sa valeur, en fonction des besoins auxquels il devait répondre.
83Destiné à assurer la protection et la défense du golfe et de la presqu’île, le port que domine la citadelle peut servir de base à des actions ponctuelles, à des opérations de course et abriter – dans son bassin, dans la rade des Canebiers ou le golfe – des bâtiments de guerre, mais non de puissantes escadres. En 1746, le Maréchal de Belle-Isle choisit le port de Saint-Tropez mais pour y établir le magasin de l’armée chargée de protéger la Provence contre les troupes austro-sardes. Saint-Tropez est un élément du « bouclier » qui doit abriter la Provence mais ne peut en constituer l’unique ou meilleur rempart et prétendre se hisser au rang de port militaire même si d’aucuns y ont songé comme Vauban réfléchissant en 1701 à l’établissement d’un arsenal sur le littoral provençal. Toutefois, sa venue pour faire effectuer relevés et sondages ne pouvait inquiéter Toulon, malgré les huîtres offertes par les magistrats de la cité à leur prestigieux visiteur87.
84Dans une perspective commerciale – préoccupation devenue désormais majeure – l’organisme portuaire saisi dans sa globalité constitue un outil de travail convenable pour les armateurs, les types d’activités et les bâtiments employés. Les progrès de l’envasement, malgré les dragages coûteux, irréguliers, insuffisants et insuffisamment efficaces, rendent certes une partie du bassin inaccessible aux gros bâtiments, mais ceux-ci ne sont pas les plus nombreux à fréquenter le port, surtout à pleine charge. Le port d’armement voit bien souvent les gros navires quitter son plan d’eau sur lest pour n’y revenir qu’avec de modestes cargaisons. Au reste, les fortes unités attachées au port et dépassant rarement les deux cents tonneaux de jauge ne se retrouvent pas tous en même temps dans le bassin. Quant aux multiples et rapides rotations des petits caboteurs, elles ne provoquèrent pas de graves encombrements et les manœuvres dans le port ne furent pas source d’avaries. Enfin, l’espace disponible et la dimension des quais suffirent à la manutention des sacs, caisses, balles et futailles pour un port qui ne présentait en rien les exigences d’un entrepôt.
85L’envasement du plan d’eau reste néanmoins à la fin de l’Ancien Régime une source d’inquiétude et, indirectement, un signe de l’activité portuaire. En 1819 l’auteur d’un rapport adressé au bureau du Directeur général des Ponts et chaussées constate que
« depuis 1790 le port s’est tellement encombré par les immondices de la ville, que les pluies amènent naturellement, et par les algues apportées par les vagues, qu’il n’est plus praticable aux navires d’un certain tirant d’eau que près de l’entrée. Il est donc urgent de le curer. [Quant aux môles et à certains quais] les travaux, réalisés aux frais de la ville, ayant été faits avec beaucoup d’économie en maçonnerie irrégulière de moellons, ils étaient assez peu solides et ne se maintenaient que par les moyens d’un entretien journalier88 ».
86Cet état des lieux qui révèle la médiocrité des travaux accomplis démontre la lutte incessante à mener pour maintenir de correctes conditions d’utilisation du bassin. Il signale également le « dépérissement » dont le port semble de nouveau être frappé « depuis 1790 ». En somme nous percevons, dans ces lignes, comme un lointain écho du mémoire préparé pour Colbert en 1665.
87Au-delà de ces permanences, la physionomie du port a lentement changé au cours du XVIIe et plus encore du XVIIIe siècle. Bien que de dimension modeste, l’espace portuaire tend à se spécialiser : la Ponche pour les pêcheurs, le môle du Portalet et le quai du port ou « quai des fenêtres » pour les marchands, les transporteurs et les badauds, le môle du Ponant pour la construction navale, entre la tour Saint-Elme et la chapelle de l’Annonciade.
88Tous ces indicateurs montrent, à des titres divers, la place centrale occupée par les activités maritimes. Les Tropéziens se détourneraient-ils donc de la terre et se montreraient-ils indifférents aux travaux des champs, aux rythmes agricoles ?
Le terroir tropézien
89Résolument tournée vers le large, la ville qui enserre le port n’en demeure pas moins solidement arrimée à la terre ferme. Si la refondation de la cité ne répond pas en priorité aux objectifs d’une colonisation agraire le facteur agricole ne pouvait pas être négligé par les nouveaux occupants du site déserté. Le premier cadastre réalisé dès la fin du XVe siècle, soit peu après l’installation des colons, laisse entrevoir cette préoccupation mais les nombreux observateurs s’accordent pour le dire et les données chiffrées disponibles le confirment : le territoire de Saint-Tropez présente de modestes dimensions et le terroir de médiocres aptitudes.
Dimensions et composition du terroir
90Les termes de « borné », « resserré », « petit » et « mince » reviennent sans cesse sous la plume des érudits, des administrateurs et des voyageurs pour qualifier globalement le territoire de Saint-Tropez « ce point imperceptible […] qui n’a tout au plus qu’une petite demi-lieue de longueur sur un petit quart dans sa plus grande largeur89 ». Ce caractère éclate avec d’autant plus de force que le territoire de chacune des communautés voisines « est dix fois, peut-être même quinze » plus étendu. Les indications fournies par les cadastres du début du XIXe siècle apportent des éléments plus précis. Les superficies relevées, proches d’ailleurs de celles de l’état actuel, reflètent assez fidèlement la situation des derniers siècles de l’Ancien Régime qui ne furent pas, dans ce domaine, marqués par de grands bouleversements.
Tableau 1. Superficies des communautés du pays de Saint-Tropez90.
Communautés du pays de Saint-Tropez | Superficie totale (hectares) |
Saint-Tropez | 1117 |
Ramatuelle | 3554 |
Gassin | 6357 |
Cogolin | 2794 |
Grimaud | 4459 |
La Garde Freinet | 7665 |
Sainte-Maxime | 8161 |
91Le territoire tropézien n’est qu’un îlot dans cette presqu’île. Reconnaissons tout de même une certaine exagération dans les derniers propos rapportés extraits d’une plaidoirie non-exempte de quelques arrière-pensées antifiscales.
Carte 3. – Limites des territoires des communautés du pays de Saint-Tropez au XVIIIe siècle.

92À ce territoire « borné » correspond un terroir de faible valeur. En 1749, mentionnant au représentant de l’Intendant de Provence le nombre de livres cadastrales, les consuls déclarent un total de « cent trente neuf livres, sçavoir le terroir cinquante neuf et les maisons (sol et édifice) quatre-vingts livres à cause de la petitesse du terroir91 ».
93Qui plus est, toujours selon ces mêmes responsables locaux, « le terroir est sec, aride et sablonneux ; la plus grande partie est inculte, rempli de cotteaux et rochers ». Le jugement est partagé par les divers visiteurs du lieu qui ne manquent pas d’évoquer : « le sol pierreux, sec, aride » et « le terroir dévoré par une grande étendue de plages et très garni de bois ». Ces conditions convergent pour rendre compte de la médiocrité des ressources d’un terroir n’ayant « aucun fruit, ni pâturage » et où l’on ne rencontre que « terres messuguières, pinatelles et quelque peu de vignes92 ».
94La consultation des cadastres des XVIIe et XVIIIe siècles, ainsi que la collecte de données chiffrées dans celui du début du siècle suivant, conduit à préciser et à nuancer ces affirmations officielles. En reprenant, sans originalité pour les régions méditerranéennes, la distinction entre l’ager et le saltus on observe le partage suivant à la fin de l’Ancien Régime.
Tableau 2. – Composition du terroir de Saint-Tropez à la fin du XVIIIe siècle93.
superficie | % du terroir | |
terres cultivées (ager) | 532 ha 30 a | 50,5 |
terres non-cultivées (saltus) | 521 ha 80 a | 49,5 |
total du terroir | 1054 ha 10 a | 100 |
95Ces deux ensembles équilibrés et complémentaires répondent aux contraintes imposées par les conditions naturelles locales – relief, eau, sol – mais ne sont dans leur étendue ni figés, ni définitifs. Débarrassé de sa végétation naturelle, l’ager correspond à l’espace régulièrement travaillé : labouré ou « défoncé », planté ou semé. Dans ce champ nourricier voisinent, ici comme dans la plupart des terroirs méditerranéens, les céréales panifiables, les arbres fruitiers et le vignoble. Avec l’ager, qui concentre l’essentiel des tâches agricoles, il faut mentionner la place réduite de l’hortus – jardins – ceinturant en partie l’espace urbain ; la présence discrète de cette portion de terroir ne signifie pas son rôle marginal pour les habitants de la cité, bien au contraire.
96Autre composante essentielle du terroir, le saltus désigne les espaces laissés aux broussailles, aux taillis, aux friches ou messugues – « cistes » en provençal – mais aussi les médiocres pâtures. Si ces dernières exigent, au fil des saisons, des travaux d’entretien et d’exploitation, les sols ne sont en rien maintes fois retournés, amendés, irrigués ou drainés comme ceux de l’ager. À ces terrains non régulièrement cultivés nous pouvons ajouter la silva dans la mesure où il ne s’agit pas dans cette frange littorale d’une couverture forestière dense et continue ; néanmoins, bien que ne constituant pas un lieu cultivé, la forêt reste pourvoyeuse de biens. Le saltus semble avoir été grignoté au cours du XVIIIe siècle tant par la modeste extension de l’ager que par l’exploitation régulière et les attaques parfois accidentelles – incendies – de la portion boisée et broussailleuse.
97Un Plan de S. Torpez oppose clairement à l’extrême fin du XVIIe siècle, et en forçant parfois le trait, ces deux grands domaines. Les cultures occupent avant tout de longues lanières disposées perpendiculairement au-delà des fortifications ; elles s’infiltrent également dans le fond de quelques vallons, tapissent de petits bassins et gravissent les pentes taillées en terrasses ou restanques des sombres collines boisées qui délimitent les terroirs de Ramatuelle et de Gassin.
Plan 5. – « S. Torpez » vers 169094.

La répartition de la propriété foncière
98Avec les cultures associées et son évolution sur un temps relativement long, cette répartition demeure difficile à restituer malgré la modestie du terroir. La tenue régulière des livres décrivant les productions n’obéit pas à des règles identiques au fil des décennies, bien que les « experts » aient en général totalisé les biens par propriétaires. La même parcelle peut apparaître parfois à deux ou trois reprises : pour la terre, pour la vigne et/ou pour les arbres fruitiers ce qui rend délicate toute opération de comptage. Enfin, la mention des superficies reste rare, insuffisante ou inexistante mais autorise l’esquisse d’un tableau général.
99L’analyse du seul cadastre de 1787 conduit à présenter une pesée globale de la part occupée par les gens de mer dans le terroir qui rassemble plus de 85 % de la valeur des biens encadastrés95. Loin de se détourner des choses de la terre les gens de mer sont particulièrement bien enracinés dans le terroir. Ils possèdent près de 40 % de la valeur globale des terres – cultivées, incultes, avec ou sans bastides – et mordent à pleines dents sur les terroirs voisins de Ramatuelle et de Gassin96.
100Au sein de cette catégorie socioprofessionnelle les seuls capitaines et patrons de Saint-Tropez – moins de 7 % de la population totale – contrôlent plus du quart de l’ensemble foncier et constituent le principal groupe de propriétaires terriens à la fin du XVIIIe siècle. Le cadastre de 1745 laisse entrevoir une situation équivalente au milieu du siècle97.
Tableau 3. – Répartition des biens fonciers du terroir de Saint-Tropez (1787)98.
Groupes socioprofessionnels | valeurs des biens fonciers | % ensemble des biens |
capitaines, patrons | 41 975 | 25,2 |
bourgeois, officiers | 34 788 | 20,9 |
Officiers mariniers et matelots | 15047 | 9,1 |
gens de justice | 14379 | 8,6 |
nobles | 13580 | 8,2 |
artisans (métiers de la mer exclus) | 11891 | 7,1 |
marchands | 11199 | 6,7 |
divers : confréries, madragues, hôpital… | 7143 | 4,3 |
profession de santé | 5538 | 3,3 |
artisans (métiers de la mer) | 4307 | 2,6 |
paysans, travailleurs | 3749 | 2,2 |
pêcheurs | 1987 | 1,2 |
gens d’église | 1019 | 0,6 |
total | 166602 | 100 |
101Avec un peu plus de 20 % de la richesse foncière les bourgeois de Saint-Tropez figurent en deuxième place ; il faudrait néanmoins tenir compte dans cet ensemble d’un fort noyau de capitaines « ayant renoncé à la mer pour vivre bourgeoisement ». Les officiers mariniers et les matelots, avec un peu moins de 10 %, se situent au troisième rang dans cette répartition, soit dans une position proche de celle des gens de justice – où nous rencontrons également plusieurs fils de capitaines. Finalement, à peine mieux lotis que les gens d’église (0,6 %) et que les pêcheurs, les paysans et « travailleurs » possèdent moins de 3 % du terroir.
102Gens de mer, gens de terre ? Assurément à Saint-Tropez, mais également gens de ville dans la mesure où ce groupe possède 43 % du bâti urbain (valeur). Situation originale en cette seconde moitié de XVIIIe siècle ou traditionnelle depuis la renaissance de la cité à la fin du XVe siècle ? Un regard porté sur les cadastres disponibles depuis le début du XVIe siècle inviterait à accréditer la seconde hypothèse. Seule une étude fine de cette documentation, et des registres des localités voisines, permettrait d’apporter une réponse sûre.
Principales ressources
103Quatre types de production d’importance inégale se partagent l’espace cultivé.
Tableau 4. – Cultures dans le terroir de Saint-Tropez (fin XVIIIe siècle).
superficie (hectares) | % du terroir | % de l’espace cultivé | |
vignes | 436 | 41,4 | 81,9 |
« terres cultes » | 83,5 | 7,9 | 15,7 |
vergers, oliviers | 9,5 | 0,9 | 1,8 |
jardins | 3,3 | 0,3 | 0,6 |
104Malgré leur apparente précision les données chiffrées extraites du cadastre « napoléonien » ne prétendent pas fournir un état exact de la situation agricole. La conquête de coteaux et la présence d’arbres dans les champs, ou en leurs bordures, appelleraient quelques corrections après avoir démêlé vinho et terro ou vinho et campt d’une même parcelle. Néanmoins, ces résultats constituent un ordre de grandeur acceptable et révèlent sans équivoque la domination de la viticulture.
Carte 4. – Quartiers du terroir de Saint-Tropez aux XVIIe-XVIIIe siècles.

105Le terroir viticole de Saint-Tropez, le plus important de la viguerie de Draguignan, présente certaines originalités dans les pratiques culturales et les paysages99. Sans offrir ici comme dans le reste de la Provence l’image des vignobles homogènes actuels, la vigne est parfois signalée sur les versants des collines – la Belle Isnarde, le Capon, Belle Vue – taillés en banquettes – bancaous ou faïsses – partageant les planches avec des céréales sous quelques oliviers. Plus souvent encore la vigne, traitée comme une culture dérobée, occupe les basses terres en association avec d’autres végétaux : vinho, campt, olivo, vinho et ort, vinho et prat, selon les cadastres dès le XVIe siècle100. Elle est alors plantée en lignes ou files – filagnes ou outins – séparées par des bandes de terre ou oulières d’environ trois mètres de large chacune, qui après labour portent des grains ou des légumes.
106Ces terres dévorent de grosses quantités de travaux inscrits dans un calendrier complexe qui obéit aux exigences des cultures complantées. Le système des oulières avec filagnes conduit à « ne pas défoncer simplement la bande où la souche est placée, mais tout l’intervalle qui se trouve entre deux files […] et y donner des soins particuliers attendu l’aridité et la stérilité du sol101 ».
107Afin de vaincre celle-ci, pour que les vignes donnent « du fruit et du vin en abondance » les viticulteurs « les fument et les entretiennent par le moyen d’algue que la mer jette et vomit sur le rivage » où elles sont « amoulonées » c’est à dire mises en tas ou moulons102. Toutefois, la circulation n’est guère aisée pour atteindre et acheminer commodément ces moulons – ce « fumier de la mer […] trésor inestimable » – mais aussi pour pouvoir « fossoyer, cultiver puis vendanger les vignes ». À la suite de diverses « dénonces et procès » un réseau d’étroits chemins, permettant seulement à deux animaux de se croiser, fut tracé dans ce « labyrinthe de vignes » qui des Canebiers gagne Pampelonne en passant par le quartier de Valfère.
108Ces pièces, mises en culture au début du XVIIe siècle sans délimitation de chemins de desserte, ne laissent guère ici place à d’autres cultures sinon à quelques arbres. Il ne s’agit plus de coltura promiscua mais de « vigne épaisse », encore exceptionnelle dans les cadastres provençaux – signalé dans le bassin du Beausset, près de Toulon103. Les nombreuses transactions enregistrées par les notaires rappellent cet aspect encore peu répandu. Ainsi, le 8 novembre 1713 Anne Martelle, veuve de marinier, cède à Honoré Guérin, marinier de Saint-Tropez, « quatre fosserées de vigne épesse » au quartier des Mares104. Le 18 novembre 1758 l’ancien patron Jean Ripert vend au navigant Jean Jacques Meifredy « une propriété de terre avec vignes épaisses et en filagnes, avec oliviers et arbres fruitiers au quartier de La Bellinarde105 ». Le 25 septembre 1770 l’ancien matelot Jean François Mistral vend au capitaine Antoine Félix Mistral son neveu « une propriété de terre en vigne épaisse en mauvais état » au quartier des Canebiers106. Le 14 juin 1774 le capitaine Bruno Broquier achète « une vigne en filagne et une vigne épaisse » au quartier Saint-Antoine107.
109Ces échantillons prélevés au fil du siècle attestent la présence de ce type de plantation en plusieurs points du terroir, laissent entrevoir la rotation et le morcellement de la propriété et montrent le vif intérêt des gens de mer pour le vignoble avec la présence de navigateurs-vignerons. En 1607, comme en 1787, la moitié des inscrits aux cadastres possèdent de la vigne, mais la petite propriété domine dans la mesure où plus de la moitié d’entre eux disposent de moins de dix fosserées en 1607 ou quinze soucherées en 1787108. Une évaluation de la production est délicate à proposer tant par le manque d’indicateurs sûrs que par les fluctuations des récoltes. Chaque fosserée produisant au début du XVIIIe siècle à Saint-Tropez en moyenne une charge de vin la production annuelle peut être estimée à environ 5 à 6 000 charges, soit 5 à 6 000 hectolitres109.
110Les jugements et les goûts divergent quant à la qualité du vin obtenu. Le voyageur Millin repousse ce vin de « mauvaise qualité » que le préfet Fauchet qualifie d’excellent et que Darluc, médecin et botaniste, « boit avec plaisir lorsqu’il a été fait avec soin […] car c’est un vin fumeux et qui a du montant […] mais l’eau de la mer avec laquelle on lave les tonneaux contribue à lui donner du piquant110 ». Garcin apporte certaines nuances quelques décennies plus tard en notant que ce vin « jouit de réputation […] les bons crus sont réellement d’une qualité supérieure […] mais sont habituellement mélangés avec les qualités inférieures111 » ; cette amorce de classification ne marque-t-elle pas une évolution ayant en partie échappé aux producteurs locaux des XVIIe et XVIIIe siècles ? La production couvre les besoins de la consommation locale et fournit matière à distribution, essentiellement par voie maritime même si selon Darluc « ce produit souffre le transport de mer ». Au vrai, la dominante viticole de certaines communautés apparaît liée à la proximité de la mer car comme le constate le préfet Fauchet, « à mesure que la distance à la mer augmente, le prix du transport réduit celui du vin112 ».
111En dehors de la vigne, l’olivier, autre culture de la trilogie méditerranéenne, constitue une production identifiable dans les cadastres mais peu représentée – absence de véritables oliveraies et présence d’un moulin à huile – et posant des problèmes d’évaluation, tout comme les vergers. On rencontre en effet souvent oliviers et arbres fruitiers associés dans la description sommaire de parcelles lors d’achat ou de vente de propriété comme celle intervenue en janvier 1772 entre le matelot Ignace Antoine Félix et son cousin le patron Victor Magloire Félix au sujet d’une « terre complantée d’oliviers, de figuiers et d’amandiers au quartier de la Belle Isnarde113 ». Les cadastres n’apparaissent guère plus précis : parmi les biens du capitaine Jacques Guérin figurent une « terre culte, vigne, figuiers et arbres fruitiers au quartier des Canebiers » ainsi qu’une « terre et inculte, vigne, oliviers figuiers et arbres fruitiers au quartier Saint-Joseph114 ». Qui plus est un olivier mentionné dans le cadastre correspond parfois à une production d’olives. Dans celui de 1787 les auteurs de l’opération précisent en début de registre que pour arriver aux six panaux d’olives que représente un olivier « il a fallu prendre plusieurs pieds d’olivier pour faire un arbre ». Si une fois encore les gens de mer sont bien ancrés dans le terroir il reste difficile de préciser l’ampleur des cultures arbustives parmi lesquelles figurent d’autres essences méditerranéennes : orangers, citronniers, palmiers. Les chènevières semblent en recul depuis le XVIe siècle : une vingtaine de canebiers vers 1500 mais moins de cinq les siècles suivants. Les 16 quintaux récoltés sur place à la fin du XVIIIe siècle ne peuvent pas couvrir les plus de mille quintaux (1 030) de la consommation, en large partie liée à l’activité portuaire. « Il n’est aucun moyen capable de surmonter les obstacles qui s’opposent à l’accroissement de cette production, répond l’Intendance de Provence à l’enquête de Necker » relative à ce produit stratégique115. Il est vrai que le chanvre de bonne qualité de Nice, de la rivière de Gênes, voire du royaume de Naples, est proposé à prix modéré. Enfin, le mûrier progresse au XVIIIe siècle et livre la matière première à la fabrique de soie de Jean Pierre Jourdan et Jacques Antoine Guirard, négociants de Saint-Tropez116.
112Malgré leur place en apparence insignifiante dans l’utilisation de l’espace agricole les jardins jouent un rôle de premier plan pour la population locale. Entre les mains de 40 % des inscrits aux cadastres – en 1607 comme en 1787 – les jardins ou orts qui n’occupent que 0,3 % du terroir et 0,6 % de la surface cultivée représentent 22,4 % des parcelles de l’ager. Quelques micro-parcelles se situent dans les quartiers en extension – Garonne, Bourgade, Orts, Saint-Roch – mais la majorité d’entre elles, clôturées ou non, sont dans la zone périphérique de part et d’autre des fortifications. Certaines disposent de modestes constructions qui abritent outillage ou animaux – stables ou étables, cazaux, luegues ou emplacements de maisons, magasins, relarguiers. Des jardins sont « attachés » aux constructions de la cité, jouxtent les maisons. En juillet 1750 le marchand Joseph Ignace Ganteaume « baille à loyer toute une maison avec son jardin et relarguier près du port » au tisseur à toile Pierre Dauphin117. Plus nombreux sont ceux qui, délimités par de petits murets, sont isolés de toute habitation à l’image du « jardin entouré de muraille au quartier de Corbière autrement dit des Arènes » que loue en février 1744 Thérèse Senglar, épouse de marin, au maître d’école Jacques Moisson118. La vigne figure quelques fois dans ces modestes jardins-vergers consacrés à la culture des « herbes » ou légumes destinés à l’autoconsommation.
113Le reste des terres régulièrement cultivées, soit 15,7 % de la totalité de l’ager, consiste en « terres cultes ». Par cette dénomination il faut entendre les terres labourables et semables. Elles dominent, à l’exclusion d’autres cultures, dans certains quartiers tels ceux du Capon et des Carles, mais sont parfois mêlées à la vigne sous la dénomination de terra et vinho depuis le XVIe siècle – quartier de l’Estagnet. La culture des céréales était probablement pratiquée sur ces terres avec des rendements aussi médiocres que ceux enregistrés dans l’ensemble de la viguerie de Draguignan avec, comme dans la communauté voisine de Cogolin, un ensemencement un an sur deux, voire sur trois119. La production locale que transforment trois moulins ne couvre qu’une partie des besoins alimentaires de la population. Achard et Fauchet rejoignent les consuls du XVIIIe siècle dans leur affirmation selon laquelle « le blé qui se perçoit n’est d’aucune considération120 ». Les secours en blé constituent une attention majeure des responsables de la cité121. Les Tropéziens se procurent des farines à Fréjus, achètent du pain à Sainte-Maxime et puisent les « bleds de mer » dans les multiples greniers méditerranéens par l’intermédiaire de la place marseillaise ou directement en Barbarie, en Italie méridionale et dans l’Archipel122.
114Deuxième grande composante du terroir le saltus peut être divisé en plusieurs secteurs qu’il n’est pas toujours aisé de distinguer clairement. En effet, là nous voyons se côtoyer bosquets, plus ou moins touffus, fragments de maquis avec bruyères et genêts épineux, éclaircis de pâtures et terres messuguières aux limites mouvantes.
Tableau 5. – Terres non cultivées du terroir de Saint-Tropez (fin XVIIIe siècle).
superficie (hectares) | % de la totalité du terroir | |
sable | 10 | 0,9 |
pâtures, prés | 145,5 | 13,8 |
terres messuguières, friches | 185,7 | 17,7 |
bois | 180,5 | 17,1 |
115Les prés ou pradons, que l’on ne saurait assimiler à de grasses prairies verdoyantes, procurent le fourrage et les herbages aux animaux éparpillés dans les étables et écuries de la cité, ainsi que dans les jas ou bergeries du terroir. Les cadastres renseignent de manière inégale et incomplète sur ce cheptel assurément limité : absent ici, associé à chaque encadastré là ou encore regroupé dans une rubrique spéciale avec les bâtiments de mer123. À côté d’une trentaine de bovins – buous, vacos et junegons – au début du XVIIIe siècle, alors que les porcs semblent ignorés, les animaux de bât restent les plus nombreux tout au long du siècle : chevaux, cavales, polhems et canassons et plus encore ânes, ânesses, mules et bourriques. Ces bêtes de somme (saumo) assurent le charroi et participent aux travaux des champs et des bois, mais ce sont les ovins et les caprins – chèvres, cabris ou chevreaux – qui sont en plus grand nombre, y compris dans les actes notariés. Les livraisons à la boucherie municipale en 1763-1765 fournissent un autre indicateur de la répartition du bétail avec une douzaine de bœufs achetés pour plus de 1700 moutons124.
116L’élevage local ne livre pas l’ensemble de ces animaux de boucherie. Les Tropéziens s’adressent régulièrement à diverses localités plus ou moins proches de Basse-Provence – Draguignan, Lorgues, Fayence. En novembre 1712 Armentaire Viole, boucher de Saint-Tropez – fils de Raphaël Viole, boucher à Draguignan – emprunte deux cents livres au capitaine Félix Gerfroid « pour l’achat de moutons et autre bétail à la foire de la Saint-André de Barjols125 ». Des foires plus lointaines de Haute-Provence ravitaillent également les étals tropéziens comme celles de Castellane, Ampus, Aups, Barrème. La jouissance des herbages du terroir, qui accompagne fréquemment les baux de la banque de la boucherie, permet de disposer de pacage pour les animaux avant de les conduire à l’égorgerie126.
117Les terres messuguières qui composent plus du tiers du saltus (35,6 %) peuvent à l’occasion servir, comme la jachère, de maigres pâtures à ce menu bétail. Ces terres gastes couvertes de cistes, bruyères, myrtes, lentisques, correspondent aux parties les plus arides et rocailleuses ; elles accueillent parfois quelques dizaines de ruches pour les « mouches à miel127 ». On rencontre les messugues disséminées dans tout le terroir mais principalement sur la bordure orientale, escarpée et battue par les vents marins, entre le cap du Pinet et la Pointe du Capon, le cap de Saint-Tropez et la Pointe de la Rabiou et en bordure des secteurs boisés. Elles résultent pour une large part de la dégradation séculaire de ces derniers.
118Si l’ensemble du terroir apparaît piqueté de bosquets, les espaces forestiers occupent plus particulièrement les versants des petites collines de l’extrémité de la presqu’île et surtout sa partie orientale. À l’exception de tamaris et de chênes-lièges (6 hectares) les pinatelles représentent la majorité de la portion boisée : 174,5 hectares soit 96,7 % de celle-ci à la fin du XVIIIe siècle. Cette place dominante, signalée par la toponymie – la Pinède, le Pinet, la Forêt du Pin, Cap Pinet – avait été relevée par le commissaire de la marine Chabert de l’Isle au terme de sa visite générale de 1724 en Provence. Dans le terroir de Saint-Tropez « qui n’a que deux lieues de tour on n’y trouve, observe-t-il, que des pins : sçavoir 550 pins pigniers et 3 400 pins sots128 ». À côté de quelques grands propriétaires, comme le sieur Caussemille qui possède 550 arbres – quartier de la Belle Isnarde – des 3 950 recensés par Chabert, cette forêt est dispersée en de nombreuses mains. Elle apporte du bois à brûler – broussailles, branches basses et arbres torses – et très peu de gros bois d’œuvre. Déjà, en 1698, Charles Caussemille qui envisage de faire construire à Saint-Tropez « un vaisseau du port d’environ 2 000 quintaux » semble devoir renoncer à son entreprise étant donné « la difficulté d’y trouver des beaux bois propres à une telle construction129 ». Les modestes lambeaux de forêt du terroir tropézien ne peuvent pas répondre aux besoins croissants des chantiers navals de la fin de l’Ancien Régime. À l’inverse des céréales qu’il faut aller chercher souvent au loin, les terroirs voisins et la proche forêt des Maures compensent en partie ces insuffisances.
119Au terme de ce cheminement à travers le terroir tropézien il est difficile de refuser l’état des lieux dressé par les représentants locaux selon lesquels
« sur ce mince terroir amoindri par les rivages, […] par deux ou trois collines pelées, […] par quantité de bois et bruyères […], mis en culture par un travail pénible et coûteux, […] on ne recueille du blé que pour nourrir la centième partie des habitants, des légumes pour un mois de soupe, […] du bois insuffisant pour le chauffage, de l’huile pour la salade et le vin pour la boisson : il n’y a donc point de denrées d’exportation130 ».
120Le tableau sombre et accablant, qui réduit à peu de chose les productions agricoles, contient une large part de vérité. Toutefois, alors que la place des céréales est réduite, la vigne occupe un rôle central et croissant dans la mise en valeur du terroir. Les inventaires après décès, où les caves garnies de futailles et autres accessoires viticoles méritent de plus minutieuses descriptions que les modestes greniers ou remises à grains, le confirment.
121Au vrai, le cortège de lamentations conduit les auteurs du mémoire à démontrer qu’à Saint-Tropez « on n’avait nulle autre ressource que la mer ». L’ingratitude des conditions naturelles pousse les Tropéziens « à vivre en Barbaresques » mais, en retour, les activités maritimes les engagent à vivifier le terroir et à s’enraciner dans la presqu’île. Ne leur donnent-elles pas à terme les moyens pour prendre pied et souche dans les terroirs voisins, vastes et très peu peuplés ? Bref, à « faire de la terre avec la mer » (J.-Cl. Perrot) ?
Notes de bas de page
1 Recueil et cartes des provinces de Provence, Languedoc, Comté d’Avignon et Principauté d’Orange. Manuscrit déposé aux Amis du Vieux Toulon et de sa région. Voir Annexe II : Description de la ville de St Tropès, du goulfe de Grimaut et paisage d’alentour, p. 430.
2 Selon les termes des rédacteurs du procès-verbal présentant Le port de Saint-Tropez en 1665. Extrait du greffe de l’amirauté de Saint-Tropez. Bibliothèque du Musée de la Marine, Paris. PH 36 524 V 1b - 28 091.
3 Fauchet J., préfet, op. cit., p. 282.
4 AM Saint-Tropez, FF 19. Mémoire à consulter sur le droit de chasse, 4 janvier 1789.
5 Bibliothèque du Musée de la Marine, Paris, PH 36 720. V 4j - 28 336. Service hydrographique Ms. 1001.
6 Darluc M., op. cit., p. 280.
7 Le port de Saint-Tropez en 1665. Extrait du greffe de l’amirauté de Saint-Tropez. Bibliothèque du Musée de la Marine, Paris. PH 36 524 V 1b - 28 091.
8 AN, B3-411 f° 541.
9 Lentheric C., op. cit., p. 293.
10 Ibid.
11 AD V 7B.
12 Correspondance d’Henri d’Escoubleau de Sourdis, éditée par Eugène Sue, 3 vol., Paris, 1834, t. III, p. 286.
13 Le port de Saint-Tropez en 1665. Extrait du greffe de l’amirauté de Saint-Tropez. Bibliothèque du Musée de la Marine, Paris. PH 36 524 V 1b - 28 091.
14 AD V 7B 6, 25 octobre 1779.
15 AD BdR, 200 E-476.
16 Ibid., 200 E-505 et SHDM T, 4P 170.
17 AM Saint-Tropez, BB13, 1er mai 1759.
18 SHDM-T, 1A2-197. Correspondance de Saint-Tropez avec le port de Toulon, 11 thermidor an VI.
19 SHDT-V Art. 8. Section 1. Carton 1 (1694-1820). Mémoire sur le port de Saint-Tropez (1738).
20 Petit atlas maritime. Recueil de cartes et plans des quatre parties du monde, Paris, 1764, t. V. Plan de Saint-Torpez et entrée du golfe de Grimaud.
21 Correspondance d’Escoubleau de Sourdis, op. cit., p. 285-286.
22 Le port de Saint-Tropez en 1665, doc. cit.
23 Vivielle J., Le Yacht, 16 juin 1928 et « Le port de Saint-Tropez en 1665 », Neptunia, no 50, 2e trim., 1958, p. 20-21.
24 Le port de Saint-Tropez en 1665, doc. cit.
25 Le port de Saint-Tropez en 1665, doc. cit.
26 AM Saint-Tropez, BB 10, 1687.
27 AM Saint-Tropez, FF 79, 1782. En 1766 déjà cette appréciation figurait sous la plume du greffier du conseil de ville : « Saint-Tropez est le seul port, de Toulon à Antibes, où les bâtiments du roi et de ses sujets puissent se mettre à couvert des ennemis et du mauvais temps » (BB-13 - 1766).
28 SHDT-V Art. 8. Section 1. Carton 1 (1694-1820). Mémoire sur le port de Saint-Tropez (1738).
29 Rosati J., op. cit., p. 117.
30 Papon J.-P., abbé, op. cit., t. 4, p. 416.
31 Guidicelli P., op. cit., p. 37.
32 Rosati J., op. cit. p. 118-125. La bibliothèque Inguimbertine de Carpentras possède les manuscrits relatant ce passage de l’ambassadeur du Japon à Saint-Tropez, notamment les récits de René de Grasse, seigneur de Saint-Tropez, celui de son épouse et celui de Fabre, notaire à Saint-Tropez.
33 AD V, 4S 39.
34 Correspondance d’Escoubleau de Sourdis, op. cit., p. 286.
35 Le port de Saint-Tropez en 1665, doc. cit.
36 Ibid.
37 Ibid.
38 AN B3-410 et 411. Incendie de cinq galères d‘Espagne par les Anglais dans le port de Saint-Tropez (1742), avec dépositions des autorités.
39 AD V, 3E 24-148. 15 mai 1748. Les carcasses sont brisées, les chaloupes, agrès et arbres emmenés à Toulon. Cet entrepreneur est un spécialiste qui a retiré du port de Toulon les bâtiments « coulés » lors du siège de 1707.
40 Ibid., p. 99.
41 Fauchet J., préfet, op. cit., p. 133.
42 AM Saint-Tropez, FF 19, 1787.
43 Hôtel des Invalides, galerie des plans-reliefs, Paris. Saint-Tropez en 1716. Construit en 1716 au 1/600e, restauré en 1816 et 1920 le plan-relief mesure 1,55 m sur 1,37 m. Une copie, déposée au musée naval de Saint-Tropez, situé dans la citadelle, a été restaurée en 1999. Il manque la « gleya », église surmontée d’un clocher depuis 1634, car lors de la restauration de la maquette en 1816 on l’a sans doute enlevée sans introduire le modèle de la nouvelle. Voir Annexe III, p. 430.
44 Dans sa tournée d’inspection Henri de Séguiran était accompagné de Jacques Maretz pour dresser le plan des cités et ports provençaux. Toutefois, selon le compte-rendu des délibérations du Conseil de ville ce n’est pas Maretz qui a effectué l’opération à Saint-Tropez, mais l’ingénieur La Fleur (La Flour). AM Saint-Tropez, BB 7, 1633, f° 1015. Ce plan exécuté par La Fleur est mentionné dans l’inventaire des archives municipales de Saint-Tropez, mais a disparu. L’extrait de la planche des villes portuaires annexé à la carte Maretz, déposée aux archives nationales avec copie au Musée de la Marine (Paris) semble être cette réalisation.
45 Voir plans 3 et 4.
46 AM Saint-Tropez, EE 22-23. Actes pour la construction de la muraille. Baratier E., Démographie provençale (XIII-XVIe siècle). Avec chiffres de comparaison pour le XVIIIe siècle, Paris, 1961, p. 152.
47 AM Saint-Tropez, BB 2, 1542.
48 Voir dernière partie.
49 On appelait cazal un bâtiment rudimentaire servant de remise et/ou d’écurie (stables ou estables). En provençal les messugues sont les cistes, les terres messuguières des terres en friche et les luegues des espaces vides qui pouvent être bâtis.
50 Voir Bertrand R., Les Provençaux et leurs morts. Recherches sur les pratiques funéraires, les lieux de sépultures et le culte du souvenir des morts dans le Sud-Est de la France depuis la fin du XVIIe siècle, thèse d’État, Paris I-Sorbonne, 1994.
51 Grezes H. de, R.P., Archives capucines. Le couvent de Saint-Tropez, Bar-le-Duc, 1893, p. 99.
52 Ibid.
53 Ibid., p. 38.
54 Rosati J., op. cit., p. 51.
55 AM Saint-Tropez, BB 13, 15 décembre 1776. Si l’église n’apparaît pas sur le plan-relief (voir note 43) on y trouve la masse de la chapelle des Pénitents noirs, dite de la Miséricorde (1645-1656), proche de l’hôpital Saint-Jacques (1636-1640).
56 AM Saint-Tropez, BB 16, 1766 et 1770.
57 AM Saint-Tropez, BB 10, 1687.
58 AD V, 3E 24-136, 2 mai 1700.
59 SHDM-T, V Art. 8. Section 1. Carton 1 (1694-1820). Mémoire sur le port de Saint-Tropez (1738).
60 AM Saint-Tropez, FF 79, 1782.
61 AM Saint-Tropez, BB 13, 1766.
62 Ibid., 1772.
63 Le port de Saint-Tropez en 1665, doc. cit.
64 AD V, 3E 24-136, 2 mai 1700.
65 AM Saint-Tropez, BB 11, 1725.
66 Correspondance d’Escoubleau de Sourdis…, op. cit., p. 287.
67 AM Saint-Tropez, FF 79.
68 A. M. Toulon, BB 487, 1725.
69 AD V, 3E 24-149, 4 août 1750.
70 Agulhon M., « L’économie du littoral varois à la veille de l’essor du tourisme », Provence historique, 1975, fasc. 101, p. 421-434. Raybaud C., Cannes. Un siècle de tradition maritime, Nice, 1987. Lacroix J.-B., « Les travaux du port d’Antibes, XVIe-XXe siècles », Recherches régionales des Alpes-Maritimes, no 171, 2004, p. 67-88.
71 AD V, 4S 39, Mémoire sur le port de Saint-Tropez (1819).
72 AM Saint-Tropez, BB 12, 1733-1735.
73 AD V, 3E 24-150, 21 novembre 1753.
74 Darluc M., op. cit., p. 279. Comme nous pouvons l’observer sur la rive nord du port de Marseille à la fin du XVIIIe siècle, ces pilotis étaient en fait des pieux de bois reliés entre eux, enfoncés dans le sol « jusqu’à refus du mouton » et soutenant le front du quai bâti en pierre. Voir Rébuffat F., « Les anciens quais de Marseille », Revue Marseille, mai 1950, p. 34-37.
75 Voir Annexe IV.
76 AM Saint-Tropez, BB 13, 1766 et FF 79, 1782.
77 À cette occasion, afin de réaliser l’avancement du môle exigé par l’arrêt de la Cour (saisie par les patrons et capitaines) a été imposé un « capage », « que les marins payèrent volontiers ».
78 Coriolis, abbé de, op. cit., p. 112-113.
79 AM Saint-Tropez, BB 10 — 1700 ; BB 13, 1766.
80 AD V, 3E 24 - 166, 24 mars 1767.
81 AM Saint-Tropez, BB 13, 1767.
82 AM Saint-Tropez, FF 79.
83 AM Saint-Tropez, BB 13. 1772.
84 Le port de Saint-Tropez en 1665, doc. cit.
85 AM Saint-Tropez, FF 79 — Procès Hermieu, 1782-84.
86 AM Saint-Tropez, BB 11 pour 1718 et 1724.
87 Le projet ressurgira en 1834 sous la plume d’Honoré Antiboul.
88 AD V 4S 39, Mémoire sur le port de Saint-Tropez (1819).
89 AM Saint-Tropez, FF 79. Procès Hermieu, 1782.
90 Le territoire de la commune de Gassin se trouve aujourd’hui plus réduit (2473 ha) dans la mesure où furent détachées les communes de Cavalaire en 1928 (1674 ha) et de La Croix-Valmer en 1934 (2210 ha).
91 AM Saint-Tropez. Non coté. Mémoire sur la situation actuelle de la communauté de Saint-Tropez (1749).
92 Ibid.
93 AM Saint-Tropez, CC 18 et cadastre « napoléonien ».
94 Musée de la Marine, Paris. Carton V. 16 j/29.892. Plan de S. Torpez, 1690.
95 AM Saint-Tropez. CC 18. 1787.
96 Le cadastre de Ramatuelle de 1755 montre la présence, parmi 342 encadastrés, de 91 Tropéziens dont 82 appartiennent au monde de la mer.
97 AM Saint-Tropez, CC 17. 1745.
98 AM Saint-Tropez, CC 18. 1787.
99 Une vue générale pour la viguerie de Draguignan est fournie par Letrait J.-J., « Les ressources agricoles de la Viguerie de Draguignan au XVIIIe siècle », Provence historique, fasc. 13, 1953, p. 208-216.
100 AM Saint-Tropez, CC 2 (1500/1520).
101 AM Saint-Tropez, FF 19. Procès Hermieu, 1782.
102 Archives privées. Fonds Courtin-Germondy. Extrait d’acte des chemins voisinaux du 11 janvier 1634, recopié par Jacques Octoul, notaire, le 17 avril 1700 à Saint-Tropez. L’utilisation d’algue comme engrais placée au pied des ceps de vigne, très peu fréquente en Provence, se retrouve parfois en Ponant, notamment à l’île de Ré (avec « sart ou goimon »). Lachiver M., Vins, vignes et vignerons. Histoire du vignoble français, Paris, 1988, p. 267.
103 Derlange M., op. cit., p. 287.
104 AD V, 3E 66-1, f° 282.
105 AD V, 3E 24-159, f° 371.
106 AD V, 3E 24-161, f° 940.
107 AD V, 3E 24-167, f° 72.
108 La fosserée ou « fossoirée » représente la superficie occupée par 500 souches dans les documents du XVIIe siècle étudiés par Letrait J.-J., « Les ressources agricoles… », art. cit. Cependant, en 1787 la soucherée de 400 ceps de vigne sert de base aux estimations des experts (AM Saint-Tropez, CC 18).
109 AD V, C 113, 1728.
110 Millin A.-L., op. cit., p. 467-468 et Darluc M., op. cit., p. 275-276. Pour ce dernier « l’algue maritime » servant de fumier était également responsable du piquant signalé (comme le goimon qui donnait « mauvais goust » à celui de l’île de Ré). L’algue était-elle dessalée durant deux à quatre ans avant son utilisation comme le faisaient des vignerons de Cogolin jusque dans la seconde moitié du XXe siècle ?
111 Garcin E., op. cit., p. 531-532.
112 Fauchet J., préfet, op. cit., p. 214-218.
113 AD V, 3E 24-154, f° 364.
114 AM Saint-Tropez, CC 18 (1787).
115 Monguilan J.-L., « Une enquête sur la culture du chanvre en Provence à la fin du XVIIIe siècle », Provence historique, fasc. 155, janv.-mars 1989, p. 35-53. À titre de comparaison Toulon et La Ciotat consomment environ 5 000 et 4 200 quintaux de chanvre annuellement, Martigues 700 quintaux, Cannes 1 000 quintaux.
116 AD V, 3E 24-181, f° 9, 15 mai 1788.
117 AD V, 3E 66-8, f° 462.
118 AD V, 3E 66-7, f° 416.
119 Letrait J.-J., « Les ressources agricoles… », art. cit., p. 212-213.
120 AM Saint-Tropez non coté. Mémoire sur la situation actuelle de la communauté de Saint-Tropez (1749).
121 AM Saint-Tropez, HH 17. 1712.
122 Voir ci-dessous.
123 AM Saint-Tropez, CC 15 (1671), fos 1 à 79.
124 D’après : Letrait J.-J., « Les ressources agricoles… », art. cit., p. 214.
125 AD V, 3E 66-1, f° 157.
126 AD V, 3E 66-2, f° 64 et 3E 24-145, f° 296 : achat par le fils du capitaine Ganteaume « de la grande écurie servant d’égorgerie pour les brebis ».
127 AD V, 3E 66-2, f° 75, 28 octobre 1719.
128 SHDM-T, 1L 434, Quantités et qualités des arbres situés dans le comté de Provence d’après la visite générale finie en décembre 1724 par le commissaire de la marine Chabert de l’Isle, f° 94 vo.
129 AD V, 7B 3, Déclaration de Charles Caussemille à l’amirauté, le 15 décembre 1698.
130 AM Saint-Tropez, FF 19, 11 novembre 1782.
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