Politiques d’aménagement universitaire et impacts sur la ville
L’exemple lyonnais
p. 45-60
Texte intégral

1L’Université a, aujourd’hui, une place prépondérante dans la vie des grandes agglomérations françaises. On remarque d’abord ceci par l’espace occupé. Une université est un équipement qui est très demandeur et consommateur d’espaces, comme peuvent aussi l’être les hôpitaux. En effet, en plus des bâtiments abritant des salles de cours proprement dites, correspondant souvent à des immeubles de quelques étages, des besoins en lieux annexes apparaissent, comme des lieux de restauration ou des gymnases, par exemple. Ainsi, l’impact strictement spatial d’une université dans une ville est loin d’être négligeable. Mais la place d’une université n’est pas uniquement importante par son emprise au sol. Ainsi, André Ruston, dans l’avant-propos de l’ouvrage Universités et villes, tient la réflexion suivante : « Les agglomérations recherchent l’implantation de nouveaux enseignements et de filières plus complètes. Les villes ont à faire face à l’afflux d’étudiants de toute sorte, et l’urbanisme local tente de les inscrire »1. Ce que montre avec force André Ruston, c’est la nécessité qu’ont les villes de répondre à l’afflux d’étudiants. L’inscription spatiale de l’Université doit être comprise dans une logique globale pour la Ville, car les implications sont multiples.
2On peut alors se demander si l’enseignement supérieur est territorialement aménageable. En effet, tout établissement est localisé, ce qui signifie qu’il a une place géographique dans la Ville. D’ailleurs, les établissements où sont dispensées les formations portent même souvent un nom qui marque leur localisation géographique : les quais, le campus de Bron, ou encore La Doua, pour prendre l’exemple de Lyon. C’est une marque très claire de territorialisation. Mais cette dimension d’appartenance spatiale est-elle nécessaire à l’existence d’une université ? C’est là une des grandes ambiguïtés et donc un aspect complexe de l’enseignement supérieur. En effet, si toute université est appelée du nom de son lieu d’origine –ville ou région, par fois–, l’enseignement supérieur reste une activité à vocation universelle. Partout sur le territoire, les formations dispensées répondent aux mêmes exigences scientifiques et il n’existe pas de différenciation entre les régions. Nous pouvons ainsi suivre Françoise Coutelier, consultante indépendante, spécialisée dans l’accompagnement des collectivités sur les questions d’enseignement supérieur : « C’est que l’Université, comme la science, n’est elle-même que si elle est détachée des influences de tous ordres. Elle se doit de s’affirmer comme une entité qui transcende le particulier, le local et se tourne vers la généralité. Dans cet esprit, la localisation n’est qu’une contrainte triviale et en aucun cas une appartenance »2. De plus, existe le risque que le souci d’aménager le territoire avec ces équipements d’enseignement supérieur mette à mal la fonction première de l’Université (lieu de la connaissance scientifique et de la transmission de cette connaissance). Néanmoins, demeure la nécessité, pour l’enseignement supérieur, de se développer dans un espace donné. En ce sens, ce n’est pas une activité « hors sol »3, mais en lien direct avec son territoire. Nous pouvons même affirmer que l’inscription de l’enseignement supérieur dans une logique d’aménagement urbain est nécessaire, tant pour les collectivités que pour l’enseignement lui-même. D’ailleurs, dans le « projet » d’établissement, qui doit être réalisé par tout établissement d’enseignement supérieur, la notion d’« adaptabilité au territoire » apparaît. Sont ainsi soulignées l’importance et la nécessité de cette notion. De plus, l’Université ne peut pas se « couper » de toute politique d’aménagement proposée par les collectivités, même si celles-ci ont souvent du mal à intégrer la dimension territoriale de l’enseignement supérieur dans leurs stratégies de développement4. C’est en tout cas tout ce rapport a priori complexe qu’il est nécessaire d’interroger.
3Quel est finalement le réel lien entre l’aménagement urbain et l’enseignement supérieur ? Comment a-t-il évolué depuis une vingtaine d’années pour passer d’une logique où les équipements universitaires ont été construits au maximum à l’extérieur des agglomérations à un rapprochement très net entre collectivités et enseignement supérieur qui conduit à un retour dans le centre des agglomérations de ces mêmes équipements ?
4Pour répondre à ces interrogations, nous utiliserons l’exemple de l’agglomération lyonnaise, car il est symptomatique de toutes les évolutions que nous évoquons. Nous nous intéressons donc ici uniquement aux établissements membres du Pôle de Recherche et d’Enseignement supérieur (PRES) de Lyon, qui a été créé en 2007, et qui regroupait, au 1er janvier 2014, vingt établissements dont dix-sept situés dans l’agglomération lyonnaise (constituée de 58 communes sur quelques 520 km2, et représentant environ 1 300 000 habitants).
5Lyon n’a pas une longue histoire universitaire puisque, si en 1789, à la veille de la Révolution française, la France possède 22 universités, aucune d’elles ne se trouve à Lyon. C’est à la fin du XIXe siècle que les choses évoluent avec la création de quatre Facultés (Droit, Médecine et Pharmacie, Sciences, Lettres), regroupées officiellement le 18 juillet 1896 en tant qu’Université de Lyon. Très vite, elle devient la première Université de province. Suite aux événements de 1968 et de nombreuses discussions et polémiques, deux Universités différentes sont créées en 1969 puis Lyon 2 se sépare en deux entités en 1973. En 1995 se forme le Pôle universitaire lyonnais (PUL) avec six établissements, pour répondre à un éclatement des formations, à la fois géographiquement, mais aussi du fait du grand nombre de doublons. Lyon fait ensuite partie des premiers PRES à être instaurés (décret d’application en date du 22 mars 2007). Aujourd’hui, Lyon est devenue le deuxième centre universitaire de France, puisque, avec presque 120 000 étudiants, dont près de 100 000 étudiants dans l’agglomération lyonnaise, le PRES de Lyon se situe, en importance, derrière Paris. Et les sites universitaires se trouvent à la fois au cœur de l’agglomération et en périphérie. L’enseignement supérieur y connaît surtout de profondes modifications depuis quelques années qui permettent de bien mettre en lumière toutes les évolutions évoquées ici.
DE L’APRÈS-GUERRE AUX ANNÉES 80, LES UNIVERSITÉS QUITTENT LE CENTRE DES VILLES
Un contexte général qui explique le « rejet » hors des villes
6Jusque dans les années 1980, l’État gère quasiment seul les Universités, en relation avec les recteurs d’Académie, sans l’appui des collectivités territoriales. Celles-ci interviennent toutefois pour fournir des terrains afin d’installer des bâtiments, puisque la massification de l’Université, dès l’après-guerre, oblige à de nouvelles implantations. Depuis le début du XXe siècle, l’estimation du nombre d’étudiants en France est la suivante : environ 30 000 dans les années 1900, 80 000 à la veille de la Seconde Guerre mondiale et 140 000 dans les années 19505. Entre le début des années 1960 et la fin des années 1980, le nombre d’élèves inscrits à l’Université, à l’échelle du territoire français, est passé d’un peu plus de 200 000 à plus de 1 000 0006. Cela est d’abord dû à une volonté de l’État français de pousser les élèves à obtenir leur baccalauréat, aujourd’hui considéré comme le premier grade universitaire, notamment par la suppression du primaire supérieur (qui était la partie du système scolaire que l’on réservait aux familles les plus modestes) au profit du collège unique. Dès lors, le nombre de jeunes obtenant le baccalauréat, et ayant donc une qualification nécessaire pour entrer à l’Université, a augmenté considérablement.
7En France, les plus importants centres d’enseignement supérieur se situent dans les plus grandes agglomérations. Ce n’est pas le cas dans tous les pays (nous pouvons ici prendre les exemples d’Oxford ou Cambridge au Royaume-Uni, de Louvain-la-Neuve en Belgique, ou encore de Yale aux États-Unis) et cela implique des problématiques différentes, et notamment celle du rôle joué par l’Université au cœur de la Cité. Jusqu’au milieu du XXe siècle, les bâtiments étaient situés au cœur de toutes les villes françaises, mais la croissance très importante du nombre d’étudiants a obligé un desserrement. La politique d’alors, dans les années 1960-1970, édictée au niveau national, est principalement celle des campus.
8Celle-ci peut se comprendre pour trois raisons distinctes. La première, politique, suit directement les événements de mai 1968. En effet, il y a une certaine peur du désordre étudiant en centre-ville et les en éloigner semble donc nécessaire. La deuxième raison, pragmatique, répond à une logique d’opportunités. En effet, lorsqu’il a été nécessaire de trouver des terrains de grande taille, rapidement, et à un coût moindre, il a nécessairement fallu s’éloigner des centres. Une troisième raison, idéologique, fait quelque peu référence au modèle américain qui s’est alors mis en place. En effet, lorsque la construction d’un équipement universitaire d’envergure est décidée, deux logiques rentrent en ligne de compte. La première pourrait être qualifiée d’« interne » et la seconde d’« externe ». La logique « interne » correspond à penser cette construction comme un tout, presque comme une ville en miniature. Elle constitue une réponse directe à ce qui se fait dans d’autres pays comme les États-Unis, par exemple, avec la notion de « campus à l’américaine », relativement loin de toute grande cité. L’étudiant et l’enseignant-chercheur sont réunis dans un lieu dont ils n’ont pas besoin de sortir et dans lequel ils peuvent vivre en toute autonomie. Tout y est à disposition, qu’il s’agisse de commerces ou d’équipements de loisirs et culturels tels que le cinéma. L’autre logique, « externe », pense plutôt dès le départ l’équipement dans sa relation avec son environnement.
9En France, la plupart des campus se sont construits dans un climat de grande urgence, à la hâte, et sans réelle concertation. Ils ne répondent finalement à aucune des deux logiques édictées. Créer un lieu où les étudiants auraient tout à disposition implique d’être pensé et concerté avec des acteurs très nombreux puisqu’il faut que les activités commerciales ou les activités de loisirs viennent s’y installer. Mais la hâte avec laquelle les campus ont été créés, sur des terrains disponibles rapidement et peu onéreux, a empêché de penser stratégiquement le lien entre les nouveaux équipements et leur environnement. André Sauvage parle ainsi de cette politique de campus : « Le modèle du campus français est largement inspiré par un modèle monastique, uniquement égayé de quelques grands espaces naturels propices à la réflexion studieuse »7. Cette phrase est quelque peu ironique puisque, en fait, il explique cette réalité plus par une absence de concertation et une hâte des projets plutôt que par une vraie conviction politique. Ainsi, en France, la grande majorité des campus se trouve en périphérie, loin de la vie étudiante, et ils sont complètement désertés dès la fin des cours.
Ce qui se passe à Lyon au cours de cette période
10Historiquement, c’est le faubourg de La Guillotière (rive gauche du Rhône) qui a accueilli les établissements universitaires et cela depuis l’installation de la première École Vétérinaire française en 1762. La deuxième moitié du XIXe siècle, à partir du rattachement de La Guillotière à la commune de Lyon, effectué en 1852, va voir l’édification de nombreux bâtiments sur un espace qui est quasiment vierge de toute construction et ceci jusqu’à la fin du siècle. Dès le début du XXe siècle, on va pouvoir observer un certain desserrement des lieux de formation, avec le départ vers l’est de la Faculté de Médecine et de Pharmacie, dans des quartiers périphériques, mais encore à l’intérieur du périmètre de la ville. À la fin des années 50, la Faculté de Sciences s’installe à La Doua, à Villeurbanne, où l’Institut National de Sciences appliquées (INSA) choisit aussi de s’installer. Ce site abritait un camp militaire créé au XIXe siècle et une nécropole dédiée aux combattants des anciennes colonies françaises, un hippodrome, des bâtiments des PTT, ainsi qu’un bidonville, le Chaâba. À partir de 1957, 100 hectares sont occupés afin de créer un véritable campus. Comme tous les campus de l’époque, il a été pensé avec une logique interne : la construction de nombreux bâtiments, sur cet espace, devait pouvoir permettre le déroulement de cours, mais aussi le logement des étudiants. Dans leur atlas historique de Lyon, Charles Défiante et Jean Pelletier le décrivent ainsi : « C’est une véritable petite ville vouée à l’enseignement de haut niveau qui fut quelque peu esseulée au début de sa mise en service, d’autant plus qu’elle affichait son identité par une modernité architecturale et urbaine en rupture avec l’habitat populaire du quartier limitrophe du Tonkin »8. Cette citation résume bien les problématiques de l’installation de ce nouveau campus qui se veut autonome.
11Au milieu des années 1960, la taille des différents bâtiments que possède l’Université de Lyon ne correspond plus à l’afflux de plus en plus important d’étudiants. Alors qu’en 1960 l’Université accueille 12 900 étudiants, le Rectorat en prévoit plus de 27 000 en 19709. En 1966, le Ministère de l’Éducation nationale décide de prendre les devants et se porte acquéreur des 120 ha du parc de Lacroix-Laval sur la commune de Charbonnières-les-Bains (à l’ouest de l’agglomération). Le projet était celui d’un espace de 32 000 m2 de bâtiments. Néanmoins, il ne verra jamais le jour. Alors qu’il est encore évoqué dans toutes les discussions à propos de l’Université lyonnaise, il sera finalement abandonné officiellement au début des années 1970, partiellement du fait de la redéfinition du schéma d’aménagement urbain du « Grand Lyon », prévu pour s’étendre plutôt en direction de l’est et du sud-est de l’agglomération.
12Ainsi, l’exemple du campus Porte des Alpes à Bron est-il particulièrement significatif. La construction, dans les années 1970, s’est faite de façon relativement précipitée. Une installation à Bron est en effet apparue comme une solution de repli pour laquelle tout n’a pas forcément été pensé. Le CNE, en 1997, émettait le jugement suivant sur cette installation « Bron-Parilly est un campus isolé, excentré dont résidences et foyers publics ou privés sont absents : toute la vie y est organisée pour la journée ; les ouvertures des restaurants, des cafétérias et le déroulement de manifestations culturelles se concentrent autour de midi »10. Ainsi, ce campus apparaît-il uniquement comme un lieu d’étude et non comme l’espace d’une véritable vie étudiante qui, elle, continue de se dérouler au centre-ville de Lyon et notamment dans les quartiers de Croix-Rousse ou du Vieux-Lyon, où il n’y a pourtant aucun bâtiment universitaire.
UNE MODIFICATION IMPORTANTE S’OPÈRE AU TOURNANT DES ANNÉES 90
Bouleversement des relations entre État, Universités et collectivités
13Au début des années 1990, nous assistons à une prise de conscience des autorités qui se rendent compte que le développement de l’Université ne peut plus se faire presque exclusivement sous la conduite étatique. Au cours des années 1990, l’État ne va offrir aux collectivités aucune nouvelle compétence dans le domaine universitaire. Mais leur place va néanmoins considérablement évoluer à travers la création de plans de modernisation des universités.
14Deux schémas se mettent ainsi en place dans les années 1990 : Université 2000 (U2000), dès 1990, et Université du Troisième Millénaire (U3M), en 1999. En juin 1990, lors des Assises de l’Enseignement supérieur à la Sorbonne, les enjeux de cette nouvelle politique, relativement ambitieuse, sont définis. Ils tournent autour de trois axes : culture et scientifique, économique et, surtout, géopolitique et territorial. Les trois objectifs principaux sont les suivants : rattraper le retard très important accusé en termes d’équipements, redéfinir une carte cohérente des implantations universitaires et, enfin, mettre en place une vaste concertation pour élaborer un schéma de développement de l’enseignement supérieur. Ce programme se veut comme l’amorce d’une nouvelle politique unissant enseignement supérieur et aménagement du territoire, ainsi qu’un engagement officiel des collectivités territoriales pour le développement universitaire11.
15Le 7 mai 1991, le plan U2000 est officialisé par le Gouvernement. Il est lancé sur une durée de 4 ans, soit jusqu’en 1995. Il apparaît comme particulièrement novateur, constituant un véritable plan de développement et d’aménagement du territoire universitaire dans lequel tous les acteurs sont pris en compte. Ainsi, l’État propose-t-il un financement partenarial aux collectivités que sont les régions, les départements, les agglomérations et les villes. Certes, celles-ci ne disposent d’aucune compétence légale dans ce domaine, mais elles acceptent de financer, en partie, ce nouveau plan. C’est par l’intermédiaire des Contrats de Plan État-Région (CPER) que les relations entre l’État et les différentes collectivités vont se modifier, car c’est avec U2000 que ce type de plan se développe avec vigueur. En effet, en contrepartie d’une partie du financement, l’État « a partagé la responsabilité du développement universitaire avec les autorités locales compétentes sur leur territoire, dans le cadre d’une action publique " multi niveaux", régulée par le contrat, garant de l’équilibre entre préoccupations générales et locales, et dans le souci d’éviter une compétition politique entre collectivités »12. Le plan U2000 a surtout pour objet de construire des bâtiments afin d’accueillir un nombre toujours croissant d’étudiants. Ainsi, 1 500 000 mètres carrés de locaux supplémentaires, dont le financement est assuré majoritairement par les collectivités, sont-ils construits en 1995, ce qui a permis d’atteindre la surface de 6 mètres carrés par étudiant en moyenne. Au total, ce sont plus de 900 opérations qui sont prévues à l’échelle du territoire.
16Ce qui est sans doute le plus remarquable dans le plan U2000, c’est l’apparition de relations nouvelles entre les universités et leur territoire. Claude Allègre, ministre de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie de 1997 à 2000, présente ainsi ces nouveaux liens : « Le dialogue existe, un vrai partenariat s’est établi, les présidents d’universités sont considérés dans toutes les régions comme des acteurs majeurs intégrés dans la vie non seulement universitaire, mais aussi sociale, économique. Désormais, tous les partenaires travaillent en symbiose »13. C’est un discours politique, quelque peu éloigné de la réalité du terrain, mais il montre la volonté qui existe de renforcer les relations Université-collectivités, de les fortifier afin d’en faire un des nouveaux piliers de l’enseignement supérieur en France.
17Le schéma U3M offre trois objectifs supplémentaires. Les deux premiers tiennent à une plus grande cohérence dans l’organisation de l’enseignement supérieur et de la recherche en France. Le troisième objectif est de mieux insérer le système d’enseignement supérieur dans le tissu local selon deux volets : les équipements pour la vie étudiante, qui peuvent avoir un usage mixte (avec les communes notamment), et les structures de coopération en vue du développement économique. Ce schéma a été décidé pour 6 ans, sur la période 2000-2006, avec un budget élevé puisqu’il s’élève à 42,7 MF (soit 6,5 Md€), pour lequel les collectivités sont encore majoritaires. Et, là encore, ce sont les CPER qui sont utilisés pour mettre en place U3M. Il est enfin intéressant de noter que, pour ce schéma, une déclinaison territoriale des objectifs a été mise au point afin que chaque région puisse faire bien valoir ses spécificités tout en conservant une palette de formations diversifiées et en évitant les concurrences inutiles entre villes et surtout entre universités au sein d’une même agglomération. Cela vient faire écho au discours de Claude Allègre, qui affirme que, lors de la présentation officielle du plan U3M : « d’une manière générale, les diverses implantations d’enseignement supérieur d’une même académie ou d’académies voisines doivent s’organiser autour de la notion de réseau »14. De façon claire, avec ces deux schémas, on voit une volonté de « réinventer » les relations entre l’enseignement supérieur et tous ceux qui deviennent alors de véritables partenaires.
Les changements à Lyon au cours de cette période charnière
18Lorsque nous analysons la chronologie des implantations à Lyon, nous pouvons avoir l’impression que la Manufacture des Tabacs (rénovation d’un grand bâtiment pour accueillir une bonne partie de l’Université Lyon 3) est le grand projet lyonnais d’U2000. C’est en partie vrai, même si certains éléments viennent nuancer cette affirmation. En effet, nous pouvons remarquer que le projet d’offrir de nouveaux bâtiments à l’Université Lyon 3 dans ce lieu inoccupé depuis 1987, date d’avant la concrétisation officielle d’U2000. C’est Michel Noir, qui, lors de son arrivée à la Mairie de Lyon, en 1989, décide de remettre l’Université au centre de sa politique : « Lyon a tout pour réussir, sixième campus en Europe avec plus de 75 000 étudiants, l’une des sept ou huit grandes métropoles européennes économiques et scientifiques avec ses 450 centres de recherche, Lyon est appelé à jouer les premiers rôles en Coupe d’Europe des villes championnes des années 1990 »15. Pour cela, il propose, dès l’été 1989, le rachat de ces bâtiments. La première réaction du Ministère de l’Éducation nationale est symptomatique des relations qui pouvaient exister entre État et collectivités par rapport à la question universitaire : il dit, en substance, que ce n’est pas aux collectivités de décider où se situeront les bâtiments universitaires et que, de toute façon, ce bâtiment est déjà réservé par le Ministère de l’Intérieur qui veut en faire une École de Police. Après un an de négociations, le Ministère accepte le projet et mobilise des fonds propres. La Ville de Lyon décide d’accélérer le processus, sans attendre que ce projet soit inscrit au nouveau schéma U2000. Ainsi, la recherche nécessaire de partenaires afin de financer une réhabilitation très onéreuse est particulièrement compliquée pour la Ville de Lyon.
19Officiellement, les quatre tranches de travaux sont financées par le Conseil régional Rhône-Alpes, le Conseil général du Rhône, le Grand Lyon et la Ville de Lyon. Néanmoins, la Région est absente de la première tranche. En effet, participant déjà financièrement, et de façon importante, au tout nouveau U2000, elle n’entend pas débloquer de nouveaux crédits. Nicole Peycelon, alors présidente de la commission « enseignement supérieur » à la Région confie que les discussions ont été serrées « pour que la participation régionale ne soit pas exclusivement lyonnaise et que les universités de Savoie, de la Loire, d’Isère n’y perdent pas complètement parce que nous avions des budgets et il ne fallait pas que la Manufacture des Tabacs en absorbe la totalité »16. La Région attend que cette opération soit inscrite dans le Plan U2000 pour financer, ce qui est fait en 1994, avec l’instauration d’un CPER sur 4 ans. Mais l’Agglomération et la Ville de Lyon disposent d’un rôle bien moindre puisque la Région monopolise la relation avec l’État, ne laissant que très peu de place aux échelons inférieurs17. Ce projet de la Manufacture des Tabacs, mené au moment de l’instauration d’U2000, montre, à la fois comment les relations ont pu évoluer, mais aussi les problèmes qui ont pu subsister. Finalement, le montant total des opérations lors d’U2000 s’est élevé à 1,2 MF (soit 180 M€) pour l’Académie de Lyon, dont 54,4 % (soit 658 MFF, soit 100 M€) ont été financés par les collectivités18. C’est un des montants les plus importants à l’échelle du territoire, mais la dépense par étudiant est bien inférieure à la moyenne nationale. En effet, à Lyon, elle est de 18 650 FF (soit 2 843 €) alors qu’en France, en moyenne, celle-ci s’est chiffrée à 32 530 FF (soit 4 959 €). Ce chiffre montre que le plan U2000 n’a pas eu un fort impact dans l’agglomération lyonnaise. Pour U3M, aucune construction majeure n’est à signaler sur le territoire, même si un projet de créer une quatrième université a pu être évoqué au cours de cette période, mais n’a jamais été développé
20Par rapport aux campus éloignés et qui ont été pensés lors de leur construction comme des lieux où l’on pourrait vivre en autonomie (les campus de La Doua à Villeurbanne et de Bron sont les deux meilleurs exemples), on assiste à un renversement par rapport à la logique initiale. En effet, il y a une volonté de plus en plus forte d’ouvrir ces campus au reste de l’agglomération. C’est notamment le cas pour le campus de la Doua. Ce changement répond déjà à une injonction qui est celle du logement. En effet, le campus, en lui-même, ne peut plus accueillir tous les étudiants qui y ont des cours, et ceux-ci doivent donc pouvoir s’y rendre dans les meilleures conditions. Alors que le projet d’un prolongement du métro a toujours été envisagé (même si techniquement extrêmement compliqué), c’est le tramway qui rejoint le campus depuis 2001. Cet équipement permet de le relier de façon plus efficace au reste de l’agglomération. Aujourd’hui, de nombreux projets sont en cours pour créer de réelles interfaces entre le campus et le centre-ville de Villeurbanne. Le tramway passe aussi dans le campus de Bron (avec deux arrêts différents) depuis la même date.
QUELLE RÉPONSE AUJOURD’HUI AUX PROBLÉMATIQUES D’AMÉNAGEMENT UNIVERSITAIRE EN CŒUR D’AGGLOMÉRATION ?
Les appels à projets ont remplacé les schémas
21Les deux schémas –U2000 et U3M– permettent donc de rapprocher l’Université et les différentes composantes du territoire grâce à une logique principalement contractuelle. En 2008, une nouveauté est à mentionner dans ces rapports entre État, collectivités et universités. En effet, en février de cette année-là, est lancé le premier appel à projets de « l’Opération Campus ». Celle-ci se base d’abord sur un constat une nouvelle fois alarmiste en matière d’immobilier universitaire. En effet, selon le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR), « 25 % des bâtiments ne répondent plus aux normes de sécurité quant aux incendies, 15 % sont inadaptés à l’enseignement et à la recherche d’aujourd’hui, certains locaux n’ont pas été rénovés depuis 20 voire 30 ans »19. Plus de 5 Md€ (qui proviennent de la vente de 3 % du capital d’EDF) sont alors débloqués par l’État pour rénover les campus, mais cette remise à niveau des bâtiments doit aussi permettre aux universités d’obtenir une meilleure visibilité à l’international. La nouveauté réside dans l’encouragement des projets interuniversitaires, mais surtout dans l’organisation d’un appel à projets. Ainsi, ce sont les universités elles-mêmes qui ont l’initiative et qui prennent les décisions qui leur semblent les plus importantes. Ce sont elles qui doivent déposer leur dossier, tout en y incluant les partenaires qui entreront nécessairement dans le processus, comme les organismes de recherche ou encore les collectivités territoriales. Le cahier des charges que les projets doivent remplir peut se résumer en quatre points principaux qui sont détaillés par le Ministère : « des projets globaux et de grande envergure, des campus " durables" dans l’esprit du Grenelle de l’Environnement, des sources de financement diversifiées, des projets exemplaires à tous les niveaux : contenu, méthodologie, contractualisation avec l’État »20.
22En mai 2008, sur les 46 projets reçus, 6 ont été retenus, dont Lyon. Une deuxième vague d’appels à projets a permis d’en retenir 4 nouveaux. Enfin, 2 derniers ont été retenus en 2009. Pour certains campus qui n’ont pas été choisis, un label « campus prometteur et innovant » a été mis en place. Selon les calendriers initiaux, les contrats de partenariats public-privé devaient être signés afin que les travaux puissent débuter avant le début de l’année 2012, avec, pour objectif de livraisons 2015 ou 2016. Aujourd’hui, ces délais sont rallongés. En 2009, l’État français a décidé de lancer un grand emprunt de 35 Md€. Sur cette somme, 10 Md€ sont prévus pour l’enseignement supérieur : 1,3 Md€ permet de boucler le financement du Plan campus, 1 Md€ est attribué au Plateau de Saclay, en région parisienne, 7,7 Md€ sont attribués à la « dotation en capital de 5 à 10 campus d’excellence »21. Là encore, le choix des campus se fait en fonction d’un appel à projets dont le jury est international. Les appels à projets ont été officiellement lancés au second semestre 2010. Comme pour le Plan campus, ces projets doivent être portés par les regroupements d’universités eux-mêmes.
Lyon Cité campus : l’application lyonnaise de l’Opération campus
23Depuis 2007, de nombreux éléments ont évolué par rapport à l’Université. En août de cette année est promulguée la loi relative aux Libertés et Responsabilités des Universités (LRU). Elle permet aux universités une plus grande autonomie, non seulement dans les finances, mais aussi dans leur gestion. Cette loi permet aussi à l’État de rappeler que le lien entre l’Université et les collectivités doit concrètement exister et même se renforcer : « Au-delà de leur simple participation financière, la loi consacre la participation des collectivités territoriales à la définition des politiques de formation, de recrutement et d’insertion professionnelle, car elle prévoit la présence de deux ou trois représentants de celles-ci ou de leur groupement, dont un du conseil régional, dans les conseils d’administration »22. Cette LRU est accompagnée de l’Opération Campus. Le projet lyonnais, appelé « Lyon Cité Campus », a été un des premiers retenus, dès mai 2008. Il a été doté par l’État de 575 M€, ce qui en fait le projet le plus subventionné en région23. Ce projet se définit de la façon suivante : « Dans cette nouvelle organisation, le campus est un lieu permettant de valider une approche d’Université ouverte : ouverte sur l’international, ouverte sur la société, ouverte sur le monde socio-économique. En s’appuyant sur les atouts de la Métropole lyonnaise, et en valorisant les initiatives existantes, la Vie de Campus repose sur une combinaison fine entre espaces de vie et qualité d’environnement, infrastructures et échanges de savoirs »24. Dans ce projet, deux campus sont plus particulièrement mis en avant. Ce sont ces deux sites qui vont concentrer la grande majorité des financements pour mettre en place des rénovations. Sur un budget total de plus d’1,2 Md€, plus de 900 M€ leur seront attribués. Il s’agit du campus de La Doua, rebaptisé Lyon Tech, et d’une nouvelle entité, nommée Campus Charles Mérieux, qui associe les sites des quais du Rhône au CHU de Lyon sud (situé à Oullins) en passant par le site de Gerland.
24Ce qui est le plus remarquable dans le projet pour La Doua s’avère l’élément décrit de la façon suivante : « L’objectif visé est de rendre le site plus accueillant, et de renforcer sa perméabilité à la ville, en faisant du site une opération de réaménagement majeur pour l’agglomération »25. Il y a donc une réelle volonté d’ouvrir ce quartier à l’agglomération, de l’intégrer en créant des interfaces entre Villeurbanne et le campus. Le deuxième lieu qui doit devenir un point de centralité pour le projet « Lyon Cité Campus » est le campus Charles Mérieux. Une telle entité est difficile à envisager au premier abord. En effet, à vol d’oiseau, il y a environ 8 km entre les extrémités nord (les bâtiments de Lyon 2 et Lyon 3 sur les quais du Rhône) et sud (le CHU d’Oullins). De plus, chacun de ces bâtiments ne forme pas une entité unique, comme peut l’être le campus de La Doua. Il y a au moins trois sites très distincts. Mais « Lyon Cité Campus » ne s’arrête pas à cette réalité spatiale et préfère parler d’un campus au cœur de l’agglomération, qui permet « la rencontre entre les biosciences et les sciences humaines et sociales »26. Conscient que la notion de « campus » est peut-être un peu présomptueuse, le projet lyonnais prévoit une densification des activités universitaires en misant sur les gisements fonciers relativement riches dans cette partie de l’agglomération. D’ailleurs, des constructions, notamment d’un bâtiment appelé Pôle universitaire des quais, regroupant le siège de l’Université de Lyon, deux équipements pédagogiques ainsi qu’une résidence et un restaurant universitaire, ont déjà été lancées. Nous pouvons remarquer que, plus qu’une vision, spatiale, le projet, dénommé « “Sciences, Société, Santé” –La dynamique d’une nouvelle université », insiste clairement sur une dimension disciplinaire. Néanmoins, le lien avec la ville est évoqué, lorsque les évolutions à venir dans les campus principaux sont mentionnées. C’est par exemple le cas du campus de la Doua où à la dimension purement urbaine –lien grâce à un renforcement du maillage viaire– s’associe une dimension plus sociale –notamment autour du logement et des installations sportives et culturelles27. Les réalités disciplinaires et spatiales qui se rejoignent correspondent en tout cas aux enjeux qu’a déterminés l’Université de Lyon pour ce projet : « Dans la continuité de la construction de l’Université de Lyon [les collectivités] appuient la politique du site par le déploiement d’une stratégie d’aménagement urbain qui soit connecté à la stratégie scientifique et pédagogique de l’université. L’enjeu est double : avoir une Université connectée au monde économique et ancrée dans la Cité »28.
Le Schéma de Développement universitaire : une réponse lyonnaise
25L’agglomération lyonnaise a lancé, en 2007, une démarche inédite à l’échelle nationale : le Schéma de Développement universitaire (SDU), document décrit de la manière suivante : « Ce document définit un cadre stratégique pour l’action qui fixe, de manière partenariale, les grandes orientations en matière de développement de l’enseignement supérieur et de la recherche sur le territoire de la métropole. Ce cadre doit aussi définir la place de chacun dans un système en forte recomposition »29. Le SDU s’appuie sur trois orientations stratégiques principales qui, elles-mêmes, se situent directement dans la continuité de « Lyon Cité Campus » : augmenter l’attractivité et la lisibilité internationale de l’Université de Lyon ; optimiser l’organisation territoriale du développement universitaire pour répondre aux enjeux d’excellence ; faire de Lyon une métropole universitaire accueillante. Ce qui est intéressant dans cette démarche de SDU, c’est son aspect réellement territorial. Il ne s’agit pas seulement d’impulser les grandes orientations en matière de nouveaux bâtiments afin de répondre à une demande disciplinaire. En effet, le SDU, dans la « fiche projet » de chaque site universitaire, insiste lourdement sur la dimension purement urbaine du site. Nous pouvons, en ce sens, prendre l’exemple du campus Lyon Tech (nouveau nom donné à La Doua). Le sous-titre de la « fiche projet » est : « Ouvrir sur la ville et densifier un campus d’excellence internationale centré sur les écotechnologies et les ingénieries postcarbone »30. L’aspect d’ouverture sur la ville passe donc en premier lieu et apparaît comme primordial. Les objectifs principaux sont de « recréer une trame urbaine en continuité de celle des quartiers environnants »31 et de « densifier la façade sud selon des principes de mixité habitat/services/activité et mettre en valeur la façade nord sur le boulevard Laurent Bonnevay »32. Cette très nette territorialisation permet de différencier le SDU de « Lyon Cité Campus ». En effet, si les objectifs énoncés sont similaires, le SDU met en place une démarche qui va plus loin puisqu’elle prend en compte un nombre bien plus important d’aspects. Mais cela est possible, car c’est avant tout une scène de négociation ouverte à un nombre d’acteurs plus important. Le SDU est une démarche qui inclut « Lyon Cité Campus » dans un objectif plus important d’aménagement de l’enseignement supérieur à l’échelle de l’agglomération. En ce sens, c’est novateur et c’est une preuve supplémentaire de tous les changements que nous avons pu évoquer ci-avant.
26Sur ce SDU, appelé à devenir une instance regroupant un grand nombre de partenaires, nous pouvons noter le fait qu’il y a un rapport très étroit entre une volonté de thématisation de l’enseignement supérieur, autour de domaines d’excellence, et une territorialisation de ce même enseignement supérieur. En effet, derrière les quatre grandes thématiques que nous avons déjà citées doivent se trouver des sites identifiés. Pour l’attractivité internationale, les deux dimensions vont de pair. Les étudiants, comme les chercheurs, doivent pouvoir rapidement identifier un lieu dans la ville où toutes les activités, sur un même thème –enseignement et recherche–, se déroulent. Si un chercheur doit traverser l’agglomération pour rencontrer tel ou tel collègue ou si un enseignant-chercheur possède son bureau à un tout autre endroit de celui où il dispense ses cours, cela est très pénalisant pour l’Université en elle-même, car les meilleurs chercheurs, mais aussi les étudiants les plus prometteurs, iront chercher des conditions de travail plus favorables dans une autre ville voire dans un autre pays. Dans « Lyon Cité Campus » cette dimension du lien entre thématisation et territorialisation de l’enseignement supérieur apparaît également, mais, dans le SDU, elle va bien plus loin puisque de réelles analyses spatiales sont lancées pour mettre en place « un modèle du campus articulant les fonctions relevant de l’académique, de l’économique et de l’urbain et en intégrant [les projets de « Lyon Cité Campus »] dans des projets urbains ambitieux dont ils peuvent être le moteur, quitte à bousculer la trame et l’organisation urbaine pour accueillir des projets de grande ampleur »33. Bien plus, la mise en cohérence et la liaison entre tous les projets est un élément-clé du SDU et c’est cela qui en fait sa spécificité et son intérêt.
27En vingt ans, les rapports entre les villes et l’enseignement supérieur ont changé de manière quasiment radicale. Alors que, jusque dans les années 80, tous les équipements universitaires étaient installés le plus loin possible des centres, pour des raisons autant pratiques qu’idéologiques ou politiques, un tournant s’opère au début des années quatre-vingt-dix. La relation entre l’État, les universités et les collectivités est profondément modifiée par l’apparition des schémas. U2000 ou U3M vont permettre aux collectivités de réellement prendre en compte le développement universitaire et d’en faire l’un des éléments de l’aménagement urbain. Des logiques sociétales –la place de la vie étudiante– et économiques –questions d’attractivité de la recherche– se font jour et poussent les principales villes universitaires dans un mouvement de retour des principaux bâtiments en cœur d’agglomération, mais aussi à la recherche de relier au mieux les campus éloignés et de les intégrer à la cité. Depuis la fin des années deux-mille, la mise en place des appels à projets permet aux collectivités d’aller encore plus loin et l’agglomération lyonnaise, à travers le plan « Lyon Cité Campus » ou encore le « Schéma de Développement Universitaire » mène une véritable politique d’aménagement universitaire qui privilégie les établissements situés au centre en insistant pour toujours plus les insérer dans leur quartier.
28Si, aujourd’hui, les collectivités sont de plus en plus impliquées dans la conduite de l’aménagement universitaire, il reste néanmoins que les équilibres peuvent être fragiles et que ces collectivités doivent rester attentives à ne pas franchir quelques écueils. Le premier concerne l’utilisation qui peut être faite de l’enseignement supérieur comme levier d’un projet urbain de requalification d’un territoire. Pourtant, c’est une idée qui avait déjà cours au début des années 1990 : « L’Université doit être un élément moteur de projets urbains pour la redynamisation de terrains vierges et de friches industrielles »34. Mais, dans ce cas, l’enseignement supérieur perd le sens premier qui est le sien : celui de l’universalité puisqu’il devrait s’inscrire dans un territoire et en devenir le nouveau moteur. Une telle façon de procéder donne à l’Université un rôle qui n’est pas le sien. Elle doit, bien sûr, rester actrice du territoire où elle se trouve, et même devenir vecteur de mobilisation et de structuration de la politique locale35. Mais la transformer en véritable moteur, autour duquel toutes les nouvelles activités vont s’articuler, est une démarche qui va beaucoup trop loin. En effet, « il y aurait une grave dérive à confondre intervention des collectivités territoriales et règlement de la question de l’aménagement du territoire »36 en matière d’enseignement supérieur. Le second est d’oublier de bien prendre en compte toutes les dimensions de l’Université, notamment dans le fait que se tissent parfois entre ses différentes composantes des liens, des relations, des protocoles de recherche, parfois à une toute petite échelle, de sorte qu’elle n’est pas facilement appréhendable. D’où une chaîne de la connaissance dont tous les maillons sont essentiels. Une décision d’aménagement peut rompre ces liens pouvant avoir des conséquences qui seront finalement contraires aux volontés premières des aménageurs. Toutes les implications d’une décision d’aménagement sur l’enseignement supérieur doivent donc être prises en compte, ce qui n’est pas toujours le cas. C’est pourquoi des scènes de décision où le plus grand nombre d’acteurs participe sont absolument essentielles.
Bibliographie
Ouvrages, thèses et travaux
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Revues et périodiques
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Notes de bas de page
1 Dubet, Filâtre, Merrien et al., 1994, p. 8.
2 Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale, 1998, p. 126.
3 Conseil économique et social, 2008, p. 68.
4 Felouzis, 2003, p. 33.
5 Charle, Verger, 2007, p. 121.
6 Ministère de l’Éducation nationale, 2009, p. 169.
7 Institut National de Recherche Pédagogique, 2005, p. 38.
8 Delfante, Pelletier, 2004, p. 150.
9 Bayard, 2004, p. 10.
10 Comité National d’Évaluation, 1997, p. 103.
11 Felouzis, 2003, p. 22.
12 Balme, Mallet, Richard, 2005, p. 473.
13 Allegre, 1999, p. 2.
14 Allegre, 1999, p. 3.
15 Aust, 2004, p. 50.
16 Aust, 2004, p. 52.
17 Aust, 2004, p. 51-55.
18 Balme, Mallet, Richart, 2005, p. 475.
19 Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, 2008, p. 2.
20 MESR, 2008, p. 7.
21 Présidence de la République, 2009, p. 3.
22 MESR, 2007, p. 14.
23 MESR, 2009, p. 16.
24 Université de Lyon, 2008, synthèse, p. 5.
25 Université de Lyon, 2008, synthèse, p. 7.
26 Université de Lyon, 2008, synthèse, p. 9.
27 Université de Lyon, 2008, dossier complet, p. 65.
28 Université de Lyon, 2008, dossier complet, p. 21.
29 Agence d’urbanisme de Lyon, Grand Lyon, SEPAL, Université de Lyon, 2010, p. 4.
30 Agence d’urbanisme de Lyon, Grand Lyon, SEPAL, Université de Lyon, 2010, p. 28.
31 Agence d’urbanisme de Lyon, Grand Lyon, SEPAL, Université de Lyon, 2010, p. 29.
32 Agence d’urbanisme de Lyon, Grand Lyon, SEPAL, Université de Lyon, 2010, p. 30.
33 Agence d’urbanisme de Lyon, Grand Lyon, SEPAL, Université de Lyon, 2010, p. 20.
34 Programme Architecture Nouvelle, 1991, p. 14.
35 Felouzis, 2003, p. 27.
36 Commissariat général au plan, 2004, p. 117.
Auteur
Chargé de mission du Conseil de Développement Nord Isère Ancien étudiant à l’Institut d’Urbanisme de Lyon
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