Version classiqueVersion mobile

Consommateurs et consommation

 | 
Nicolas Marty
, 
Antonio Escudero

Une source pour l’approvisionnement et la consommation de Paris sous l’Ancien Régime : les lettres de voiture

Fabrice Poncet

Résumé

Délaissées par les historiens, les lettres de voiture sont des documents de premier ordre pour approcher la commercialisation et la consommation de certaines denrées alimentaires, à Paris, à l’époque moderne. Contrôlées obligatoirement par les notaires locaux, elles étaient par conséquent sujettes à un droit d’enregistrement auprès des bureaux du contrôle des actes. En prenant l’exemple de deux localités normandes réputées pour leur beurre frais, Isigny et Gournay, les archives de cette administration apportent de riches informations sur les volumes consommés, les acteurs de la filière et les lieux de destination. Une fois saisies dans un tableur, ces informations permettent aussi de mettre en évidence des modèles d’achat et de consommation différenciés et invitent l’historien à multiplier les approches pour en rendre compte.

Texte intégral

  • 1 Saint-Jacob (1956). Je tiens à remercier Vanessa Lemesle et Fanny Turpin pour l’aide qu’elles m’ont (...)
  • 2 Voir Brennan (1997) et Musset (2008) pour les vignobles de Champagne ou encore Roubert (1967) pour (...)

1Dans un court article publié en 1956, Pierre de saint-Jacob attirait l’attention des historiens sur l’intérêt de rechercher et d’étudier les lettres de voiture1. Ces documents, qui accompagnent les marchandises au cours de leur trajet, sont attestés, dès le XVIIe siècle. Encore utilisés de nos jours par les transporteurs routiers, ils permettent de contrôler rapidement un chargement, aussi bien en cours de route qu’au moment de sa réception. Comme elles devaient être passées devant les notaires les plus proches des lieux d’expédition, c’est dans les minutes et les répertoires de ces derniers que Pierre de saint-Jacob conseillait de mener l’enquête. Cependant, rares ont été les historiens qui lui ont emboîté le pas2.

  • 3 « Des campagnes transformées par les marchés urbains : espaces, sociétés et mutations de l’économie (...)
  • 4 Isigny-sur-Mer (14) et Gournay-en-Bray (76). Voir Abad (2002), p. 850.

2Au cours de nos recherches sur la production et la commercialisation des beurres normands aux XVIIe et XVIIIe siècles3, la consultation des registres du contrôle des actes des bureaux d’Isigny et de Gournay, en Normandie, dans lesquels on trouve de nombreuses lettres de voitures enregistrées, a conduit à nous intéresser à cette source et à tenter d’en tirer parti. Ces deux localités sont, au XVIIIe siècle, les principaux marchés normands expéditeurs de beurre frais vers les marchands fruitiers parisiens4.

3Après en avoir évalué la fiabilité, nous présenterons les diverses possibilités qu’offre cette source pour l’étude de l’approvisionnement et de la consommation de Paris au XVIIIe siècle.

  • 5 D’après un « Etat des marchéz, d’où les m[archan]ds fruitiers, orangers, beurriers, frommagers, coq (...)

Carte 1. Localisation de marchés sollicités par les marchands fruitiers parisiens (vers 1730-1740)5

Carte 1. Localisation de marchés sollicités par les marchands fruitiers parisiens (vers 1730-1740)5

1. La source

4Sous l’Ancien Régime, l’approvisionnement de la ville la plus peuplée du royaume est l’objet d’un surcroît de mesures de contrôle. Comme l’a bien montré Reynald Abad dans Le Grand marché, il s’agit tout d’abord de veiller à la régularité des arrivages et au maintien de prix raisonnables, face aux spéculateurs et aux risques de mouvements populaires. Mais une telle vigilance obéit également au souci de rendre plus fiable et efficace la perception des droits aux entrées de la ville. Les autorités municipales, le Parlement de Paris, le lieutenant général de police ou encore des financiers qui ont pris à ferme la perception de certains droits, partagent la responsabilité d’une gestion parfois conflictuelle.

  • 6 Pour une présentation plus détaillée de la législation, voir Bondois (1924).
  • 7 Et ce, en dépit de la distance effective qui sépare Gournay de Paris. Bondois (1924) et Abad (2002) (...)

5Au moins dès les années 1670, des lettres de voiture sont réclamées pour le commerce du beurre à destination de Paris. Un arrêt du Parlement de Paris du 15 avril 1699, repris dans une déclaration royale du 22 mars 1729, renforce le dispositif en portant obligation de faire passer les lettres devant un notaire, pour tous les chargements de beurre en panier tirés de localités éloignées de plus de 20 lieues de la capitale. La pratique finit par s’imposer, non sans récrimination ni mauvaise volonté6. Après une lutte acharnée opposant fruitiers parisiens et marchands forains, Gournay est finalement considérée comme faisant partie de la zone soumise à ces obligations7. Selon l’article VI de l’ordonnance du lieutenant général de police Berryer, du 25 juin 1757, ces lettres de voiture doivent comprendre :

  • 8 Voir Bondois (1924). Le texte de l’ordonnance de 1757 est reproduit dans l’annexe IX de l’article.

« le lieu de l’achat, le nom et la demeure de l’acheteur, la qualité, le poids et la destination des marchandises, le nombre des mottes de beurre et la quantité d’œufs, que chaque panier contiendra, ensemble le poids de chacune desdites mottes »8

  • 9 Voir notamment le fonds du marchand Pierre aux Archives Départementales du Calvados (ADC) (série L, (...)

6Peu d’entre elles ont cependant subsisté : elles sont sans doute remises aux commis présents aux entrées de Paris ou aux destinataires des chargements, qui s’en débarrassent ensuite, une fois vérification faite. Quelques-unes se trouvent dans les archives de marchands faillis mais il s’agit soit de lettres de voiture destinées à des clients normands, soit de lettres de l’époque révolutionnaire9. Les recherches menées dans les fonds notariés se sont également avérées bien décevantes, puisque les notaires n’en conservent pas de trace dans leurs minutes.

  • 10 Partiellement effacé, le compte de 1767 porte mention de l’expéditeur, du destinataire, de la quant (...)
  • 11 « État des lettres de voitures prises depuis et compris le 28 mars 1769 jusqu’au 20 juillet 1790 ». (...)

7Ils en tiennent parfois des comptes à part. On trouve dans le notariat d’Isigny deux récapitulatifs sommaires portant sur une partie des années 1767 et 1791, mais qui sont fort peu exploitables10. Seul un compte conservé dans le notariat de Gournay permet d’obtenir une statistique hebdomadaire des quantités de beurre envoyé vers Paris et les environs, entre 1769 et 178311.

Le contrôle des actes

  • 12 C’est aussi par le biais du contrôle des actes que Thomas Brennan et Benoît Musset ont pu utiliser (...)

8Fort heureusement, les registres du contrôle des actes suppléent largement à ces lacunes12. Pour Isigny comme pour Gournay, l’enregistrement de lettres de voiture portant sur des chargements de beurre devient fréquent à partir des années 1734-1735. Bon an, mal an, il se poursuit jusqu’en 1790. Le plus souvent, on trouve mention, dans les registres, d’une quantité de beurre, exprimée en paniers, en mottes ou en livres pesant, accompagnée de celle de l’expéditeur et/ou du destinataire, ainsi que du lieu de destination (cliché 1). Conformément aux textes réglementaires, la quasi-totalité des actes concerne du beurre en panier, c’est-à-dire du beurre frais ou bien légèrement salé. Les beurres pleinement salés et les beurres fondus ne sont pas soumis à une telle obligation. Si cette absence est peu gênante pour le pays de Bray, qui ne produit pas ou très peu de beurre de longue conservation, elle occulte, en revanche, une part importante des volumes commercialisés par Isigny, qui en est un des plus grands producteurs du royaume.

Ill. 1 - Extrait d’une page d’un registre du contrôle des actes de Gournay (13 décembre 1757) [ADSM, 2 C/1081]

Ill. 1 - Extrait d’une page d’un registre du contrôle des actes de Gournay (13 décembre 1757) [ADSM, 2 C/1081]

2. La source est-elle fiable ?

  • 13 Les doutes les plus fréquents portent sur les orthographes multiples de ce qui semble être un même (...)

9L’inégale rigueur des rédacteurs est à l’origine d’imprécisions, de confusions ou d’erreurs lors de l’enregistrement13. Surtout, les fraudes sont susceptibles d’affaiblir la validité des informations collectées. On peut en distinguer plusieurs types, à l’aide de la correspondance active et passive de marchands de beurre normands, ainsi que des procès-verbaux d’infractions, dressés au carreau de la Halle à Paris, par des commissaires au Châtelet.

10Il n’est tout d’abord pas à exclure que des chargements en partance de Normandie prennent le chemin de Paris sans enregistrement préalable. En outre, des marchands normands sous-évaluent délibérément, dans leurs déclarations, le poids des marchandises expédiées. Non pas dans le but d’abuser leur clientèle, puisque de nombreuses lettres prouvent que les fruitiers parisiens pèsent leur livraison, dès réception, pour vérifier qu’elle est bien conforme à leur commande. Il s’agit vraisemblablement de tromper les préposés à la perception des droits. D’où la plaisante remarque du marchand d’Isigny Benoist, dans une lettre du 17 mars 1770, qui semble rassurer son correspondant parisien sur l’honnêteté de ses pratiques frauduleuses :

  • 14 Orthographe et ponctuation modernisées. Lettre de Benoist à de Londre, de Paris, 15 février 1770 [A (...)

« Je n’ai pas l’honneur d’être connu de vous. Vous me dites que ce panier n’est point allégé et que le voiturier le pèse à l’arrivée. Je ne mets jamais au juste ce que le panier pèse dans la lettre de voiture pour l’entrée de Paris, parce que vous verrez sur la lettre que je n’ai pas le poids qu’il pèse, parce qu’il pèse à Joigny 154# brute et je n’ai mis que sur la lettre de voiture que 135# et si vous avez eu du mauvais poids, c’est la faute du voiturier »14

  • 15 Archives Nationales, Y 12 623.
  • 16 « Monsieur, ayant besoin à présent de deux morceaux de bon beurre tous les mercredi, ainsi de conti (...)

11Les fausses déclarations peuvent aussi porter sur la nature de la marchandise. Un arrivage de beurre d’Isigny est saisi à la Halle, à Paris, le 17 février 1773, après que l’on se soit aperçu que sous une couche superficielle de beurre salé, se trouvait en fait du beurre frais, destiné à échapper aux contrôles15. Enfin, par-delà les difficultés de lecture inhérentes à une source manuscrite, l’identité des destinataires est parfois sujette à caution. Dans les années 1770, on ne peut pas commander, au cours de la même période, du beurre d’Isigny, expédié par des marchands commissionnaires et du beurre forain, vendu à la Halle par des marchands qui travaillent pour leur propre compte. Il faut s’inscrire sur un registre dans l’une des deux catégories. Des marchands complaisants font alors office de prête-noms pour rendre service à leurs confrères16.

12L’imprécision des informations portant sur les quantités invite à redoubler de prudence. Les mottes sont de poids si variables qu’il serait vain de se risquer à leur appliquer un coefficient multiplicateur. Lorsque les quantités sont exprimées en paniers, on ignore si tous sont d’un volume identique et des pièces de correspondance laissent plutôt penser que divers types coexistent. Ajoutons que ces paniers peuvent être plus ou moins remplis. Même lorsque les quantités sont évaluées en livres pesant, demeure la question de la prise en compte de la tare. Les déclarants - honnêtes - tiennent-il toujours compte de la même manière du poids des paniers, des nappes et des linges, qui entourent les mottes, et de la paille qui les garnissent ?

  • 17 ADC, C 11 139 à C 11 184.
  • 18 Travail en cours.

13En dépit de toutes ces faiblesses, les séries constituées à partir du contrôle des actes présentent une certaine robustesse, qui réside tout d’abord dans l’abondance des informations disponibles. Pour Isigny, aux 20 960 actes de la période 1734-1775, pour lesquels les quantités sont exprimées en paniers, s’ajoute 9 354 actes portant mention d’un poids en livres pesant, pour la période 1775-1790, soit un total dépassant les 30 000 actes17. Les lacunes de la source sont très peu nombreuses et portent sur de courtes périodes, puisqu’elles équivalent, en tout, à quelques semaines. L’enregistrement par le bureau de Gournay présente une histoire plus heurtée. Entre avril 1742 et juin 1757, les rédacteurs se contentent de noter un nombre total hebdomadaire de lettres de voiture et une liste correspondante de marchands, sans aucune indication de quantité. Après un retour à la normale prolongé, qui suit de peu l’ordonnance du lieutenant général de police de Paris sur le commerce des beurres (25 juin 1757), la qualité de l’information se dégrade à nouveau, dans les années 1780. Mais, là aussi, des dizaines de milliers d’actes peuvent être mobilisés18.

  • 19 Archives de la mairie de Gournay et Poncet (à paraître).
  • 20 La comparaison entre un graphique issu de la thèse de Reynald Abad, portant sur les envois de beurr (...)

14Par ailleurs, si on prend pour base les envois hebdomadaires partant de chacune des deux localités, les graphiques obtenus sont marqués par une sensible régularité des variations, année après année, tout au long de la période. Cette première impression est confortée par d’autres sources qui fournissent des ordres de grandeur annuels et des variations hebdomadaires comparables. Pour Gournay, les formulaires destinés à enregistrer les ventes hebdomadaires de beurre à destination de Paris et de ses environs, établis pour le compte de fermiers généraux pour les années 1786-1789, corroborent les résultats obtenus à partir du contrôle des actes19. Même si le travail n’a pas été encore accompli de manière systématique, la confrontation des données du bureau d’Isigny avec l’abondante correspondance entretenue entre les marchands commissionnaires de cette ville et leurs clients parisiens, fournit déjà quelques similitudes concluantes. Ainsi, les dates de début et de fin de « campagne », c’est-à-dire la période des envois de beurre en panier, qui ne dure à Isigny, en général, que d’octobre-novembre à mai-juin20.

  • 21 La lettre la plus explicite concerne du beurre de longue conservation. Au sujet de tines à livrer à (...)

15Enfin, pour ce qui est des fraudes, on aurait tort de considérer les différents textes régissant ce commerce comme de simples dispositions de papier, dont chacun passerait son temps à se jouer. Les condamnations ne sont pas rares et plusieurs lettres sont marquées par d’instantes demandes de marchands parisiens pour que les règlements soient bien respectés21. Quant au volume représenté par d’éventuels chargements non-déclarés, s’il est impossible à évaluer, il ne doit pas être considérable, compte tenu des risques encourus et de la difficulté de soustraire un chargement entier aux contrôles. Un stockage aux abords de Paris afin de provoquer un renchérissement des prix ou un passage en petites quantités est d’ailleurs plus difficile à envisager pour ces denrées fragiles et périssables, que pour du beurre de longue conservation.

3. Approvisionnement et consommation de beurre à paris au XVIIIe siècle

  • 22 Je tiens à remercier Erwan Néel pour le travail de saisie réalisé ainsi que mon laboratoire, le CRH (...)

16Une fois saisies sur tableur, les informations relevées dans les registres du contrôle des actes peuvent se prêter à différents types d’opérations. Pour en faire la démonstration, nous allons nous appuyer plus particulièrement sur les 23 661 actes relatifs à des expéditions en beurre en panier de Gournay, effectuées au cours des années 1757-176922.

Les quantités 

17Même en faisant abstraction des faiblesses et des difficultés d’interprétation que nous venons d’envisager, les informations collectées ne peuvent pas permettre d’obtenir une évaluation globale de la consommation de Paris en beurre. Les Parisiens consomment aussi du beurre de longue conservation, conditionné dans des pots ou des barils, qui échappe à l’observation. En outre, les aires d’approvisionnement de la capitale en beurre en panier ne se limitent pas à ces deux pôles normands. une constellation de marchés situés dans les généralités d'Alençon et d'Orléans, parmi lesquels on compte Mortagne[-au-Perche] et chartres, pourvoient, certes dans une moindre mesure, à une partie de ses besoins (voir carte 1). Quant aux marchés les plus proches, situés dans le périmètre des vingt lieues, ils ne sont pas soumis à l’obligation de faire enregistrer des lettres de voiture. Il faut donc se contenter d’étudier ces séries pour ce qu’elles sont. Les beurres en panier d’Isigny et de Gournay comptant parmi les plus prisés des clientèles parisiennes, l’intérêt de telles informations n’est pas négligeable.

  • 23 Cet ordre de grandeur est confirmé par les états hebdomadaires des achats de beurre pour Paris et s (...)
  • 24 Même si on ampute ces chiffres de la part destinée à des localités aux environs de Paris, qui ne se (...)

18Une simple addition peut déjà permettre d’évaluer rapidement la part occupée par Gournay dans la consommation annuelle de Paris. Hormis l’année 1757, dont les enregistrements ne sont que partiellement exploitables, les quantités envoyées vers Paris et les environs s’élèvent, chaque année, à plus d’un million de livres pesant de beurre et même entre 1,2 et 1,4 millions de livres pour les années 1766-176823 (graphique 1). la consommation de beurre frais à Paris, en 1789, s’élevant, selon Lavoisier, à 3 150 000 livres pesant, on est donc là en présence du plus grand marché d’approvisionnement de la capitale24.

Graphique 1. Quantités annuelles de beurre de Gournay pour Paris et ses environs (fin 1757-1769)

Graphique 1. Quantités annuelles de beurre de Gournay pour Paris et ses environs (fin 1757-1769)

19La représentation des quantités expédiées non plus par année, mais par semaine, permet d’affiner l’analyse et met en évidence un approvisionnement variable sur l’année. Les arrivages les plus importants surviennent aux beaux jours, avec un maximum pour le mois de juin. Plusieurs facteurs d’explication peuvent être croisés pour en rendre compte. La logique du calendrier des expéditions procède d’abord de facteurs liés à la production, dans laquelle le cycle de lactation des vaches et le cycle végétatif de l’herbe favorisent le printemps et l’été. A l’inverse, de mai-juin jusqu’à l’automne, Isigny doit se résoudre à suspendre ses expéditions de beurre en panier vers la capitale et se tourne alors vers le beurre de longue conservation. Devant la hausse des températures, il devient en effet peu raisonnable de transporter du beurre frais sur une longue distance. Mais à côté de ces arguments techniques et biologiques, les pratiques culturelles et les habitudes alimentaires des consommateurs ne sont évidemment pas à négliger. Nous y reviendrons.

Graphique 2. Quantités hebdomadaires de beurre de Gournay pour Paris et ses environs (1757-1769)

Graphique 2. Quantités hebdomadaires de beurre de Gournay pour Paris et ses environs (1757-1769)

Les destinations

  • 25 Muchembled (2009).

20Tous les chargements enregistrés n’aboutissent pas à Paris. l’extension du contrôle à des localités situées en périphérie s’explique sans doute par la volonté de rendre la tâche plus difficile aux marchands indélicats, qui auraient voulu se dispenser de lettres de voiture ou se livrer à d’autres manœuvres. Les registres du contrôle des actes apportent ainsi leur contribution à l’histoire du Grand Paris25.

  • 26 Certaines lettres de voiture comprennent plusieurs destinations pour une seule quantité de marchand (...)

21Les localités dénombrées, au nombre de vingt-et-une, sont principalement situées au nord et à l’ouest de la capitale, dans une géographie qui est marquée par le facteur de proximité. Seuls Vincennes et Fontainebleau font exception. Quant aux quantités, il est frappant de constater qu’au total, si Paris est bien évidemment la destination principale des envois brayons, la part représentée par les autres localités est loin d’être négligeable, puisqu’elle oscille, à la fin de la période, entre 15 % et 20 % des quantités expédiées26. Saint-Denis, Argenteuil, Pontoise et Versailles se détachent de l’ensemble. Si leur poids démographique ou l’importance de leur activité économique pourrait expliquer une telle place, il est également possible que ces lieux de destination fassent à leur tour office de marchés redistributeurs pour les environs (graphique 3).

Graphique 3. Part représentée par chaque destination dans la quantité totale de beurre de Gournay expédiée à Paris et ses environs (1757-1769)

Graphique 3. Part représentée par chaque destination dans la quantité totale de beurre de Gournay expédiée à Paris et ses environs (1757-1769)

Marchands et consommateurs

22A Isigny, le commerce repose avant tout sur un groupe de marchands commissionnaires qui travaillent pour le compte de fruitiers parisiens, dont ils honorent les commandes. Les actes enregistrés comportent donc un expéditeur et un destinataire. Gournay est bien plus proche de la capitale et les commissionnaires y semblent peu nombreux. Aussi, n’a-t-on généralement mention que d’un seul patronyme, qui correspond le plus souvent à un fruitier, qui effectue lui-même ses achats sur place. Mais parmi les noms figurent également des marchands forains qui se chargent de vendre leur marchandise au carreau de la Halle, des voituriers qui assurent le transport pour un commanditaire inconnu ou, peut-être parfois, pour leur propre compte, ainsi que des consommateurs qui font le choix de s’approvisionner directement au marché de Gournay.

23En l’absence de précisions systématiques accompagnant le nom de famille, nous nous sommes contentés, le plus souvent, de procéder à des tris informatiques en fonction des patronymes, ce qui pose un certain nombre de problèmes pour l’analyse. Des confusions peuvent en effet survenir entre des familles homonymes, des générations, des individus. En outre, l’inégale longévité des patronymes dans l’activité n’est pas facile à interpréter. Une descendance composée uniquement de filles, un remariage après veuvage peuvent ainsi masquer une stabilité économique. Pour affiner la lecture, il faudrait reconstituer les réseaux de parentèles. Les résultats obtenus fournissent néanmoins un regard d’ensemble sur les acteurs du commerce, sur leur renouvellement et même, dans le cas d’Isigny, sur le caractère durable des relations entre marchands normands et clients parisiens. Une conjonction de disparitions de patronymes ou d’interruptions de relations peut, en outre, attirer l’attention du chercheur sur une possible conjoncture difficile. La présence intermittente de mentions relative à la situation familiale (« veuve », « fils », « fille ») peut aussi renseigner sur certains destins individuels.

24Avec toutes ces réserves, l’étude des volumes annuels associés à chaque patronyme peut permettre d’envisager les circuits de redistribution d’une denrée et la place que chaque groupe patronymique y occupe. Certes, pour le beurre ou les œufs, une fois parvenu au carreau de la Halle, un tiers de chaque chargement est loti aux enchères, afin d’éviter que le commerce ne se concentre entre quelques mains : aussi, les quantités attribuées à chaque patronyme sont trompeuses. Mais elles ne modifient pas fondamentalement la hiérarchie qui se dessine. Plus difficile, voire impossible, est de savoir ce que les membres de chaque groupe patronymique conservent pour leur propre commerce de détail, par rapport à ce qu’ils consacrent à leur activité de grossiste.

  • 27 Comme les quantités de beurre d’Isigny ne sont à cette époque exprimées qu’en paniers, nous avons a (...)

25Une approche basée sur les envois hebdomadaires est, là aussi, plus intéressante, puisqu’elle permet de distinguer différents profils de marchands et, sans doute, de clientèles. Certains marchands passent des commandes qui suivent assez fidèlement le rythme général des envois gournaisiens. Ils reçoivent des quantités plus abondantes de beurre en panier aux beaux jours (graphique 4). A l’inverse, d’autres semblent s’en tenir, peu ou prou, à la même quantité toute l’année (graphique 5). Il y a enfin ceux qui ne commandent que par intermittence du beurre de Gournay, préférant pour certaines périodes s’approvisionner ailleurs et notamment à Isigny, ce qu’il est possible de mettre en évidence en croisant les deux séries27 (graphique 6). Des marchands situés en dehors de Paris semblent obéir à d’autres logiques, plus difficilement explicables.

  • 28 Ce graphique porte sur une quantité de 1 370 970 livres pesant de beurre en 642 envois.

Graphique 4. Quantités hebdomadaires de beurre de Gournay rattachées au fruitier Jean Caquelard à Paris (1757-1769)28

Graphique 4. Quantités hebdomadaires de beurre de Gournay rattachées au fruitier Jean Caquelard à Paris (1757-1769)28
  • 29 Ce graphique porte sur une quantité de 62 877 livres pesant de beurre en 327 envois.

Graphique 5. Quantités hebdomadaires de beurre de Gournay rattachées au patronyme Robillard de Paris (1757-1769)29

Graphique 5. Quantités hebdomadaires de beurre de Gournay rattachées au patronyme Robillard de Paris (1757-1769)29
  • 30 Ce graphique porte sur une quantité de 227 828 livres pesant de beurre en 701 envois pour Gournay e (...)

Graphique 6. Quantités hebdomadaires de beurre de Gournay et d’Isigny rattachées au patronyme Pelletier (1758-1769)30

Graphique 6. Quantités hebdomadaires de beurre de Gournay et d’Isigny rattachées au patronyme Pelletier (1758-1769)30

26Si ces marchands font obstacle, malgré tout, aux véritables consommateurs, un certain nombre d’actes permettent de les envisager plus précisément.

  • 31 Exactement 11 399 livres pesant en 132 envois, entre le 9 juin 1767 et le 26 décembre 1769. Il y a (...)
  • 32 Quinze achats pour 6 445 livres de beurre au total, entre le 10 juin 1760 et le 20 juin 1769.
  • 33 Pour un total de 2 294 livres pesant de beurre en 30 envois, entre le 9 juin 1767 et le 30 août 176 (...)
  • 34 Fresne-Léguillon (60).

27Les clientèles les plus représentées sont les ecclésiastiques et les institutions religieuses. Une communauté d’hommes et deux communautés de femmes font venir du beurre de Gournay. Il s’agit de l’abbaye de Saint-Denis, qui achète pour plus de 11 000 livres pesant de beurre, entre juin 1767 et décembre 176931. Les quantités achetées par les carmélites de Saint-Denis et par les ursulines d'Argenteuil sont plus modestes32. Le beurre est une graisse animale fréquemment consommée par les communautés religieuses, en France du nord, d’autant plus que la plupart d’entre elles ont le droit de l’utiliser en « maigre ». Des investigations dans leurs comptes et un examen attentif du calendrier religieux seraient cependant nécessaires pour préciser son emploi. Ce beurre est-il employé pour le quotidien des membres de la communauté, à l’occasion de préparations culinaires spécifiques à certains moments de l’année ou bien pour des hôtes de passage ? Les achats effectués par les deux communautés féminines sont en effet très ponctuels et se situent tous, quelle que soit l’année considérée, entre la mi-mai et la mi-juillet. De plus, les achats portent sur du beurre en panier et non sur du beurre salé ou fondu. Ces derniers sont en général préférés par les ordres monastiques et religieux car ils sont toujours moins onéreux, ils se conservent plus longtemps et ils présentent l’intérêt de pouvoir être achetés à des périodes de bas prix, même éloignées du moment de leur utilisation. Il n’en est pas de même du beurre en panier, dont la faible durée de conservation empêche tout achat anticipé. des recherches complémentaires seraient aussi nécessaires pour mieux comprendre la raison pour laquelle l’archevêque de Paris fait acheter du beurre en 1767 et en 1768, pour être livré à sa résidence privée de Conflans33, près de Bercy, ou le fait que le modeste curé de Fresne-Léguillon soit mentionné pour un achat de 100 livres de beurre, le 3 octobre 175834.

  • 35 Pour un total de 741 livres pesant en 11 envois, entre le 14 février 1758 et le 23 mai 1758. Il fau (...)
  • 36 Acte en date du 30 juin 1750 [ADSM, 2C/1077 ].
  • 37 Louis Anselin est dit pourvoyeur du prince de Conti dans l’enregistrement d’une lettre de voiture p (...)
  • 38 Acte en date du 2 juin 1764, pour 160 livres pesant.
  • 39 Acte en date du 1er décembre 1767, pour 187 livres pesant.
  • 40 Exactement pour 93 986 livres pesant en 187 envois.
  • 41 Bondois (1924).

28A contrario, les consommateurs laïques sont assez peu présents. Les fruitiers et les métiers de bouche font écran à la plupart d’entre eux, sans oublier les possibilités pour certains de s’approvisionner ailleurs ou en dehors des circuits commerciaux. De la Cour à Versailles, on n’a ainsi que quelques mentions concernant les chevau-légers du roi, entre février et mai 1758, et encore pour des quantités assez faibles35. en 1750, un rédacteur du bureau de Gournay avait pourtant enregistré une « lettre de voiture de six paniers de beure pour la provision du Roy, de la reine et de Made Ponpadour, de l’envoi de Charles Létang »36. De la même manière, en dehors de Versailles, on ne dispose que d’une seule mention pour le prince de Conti fourni par Louis Ancelin37, pour monsieur de Boulogne, en son château près de Paris à Auteuil38 et d’un « bourgeois de Paris », approvisionné par Colas39. Les mentions concernant les Invalides, seule institution laïque représentée, sont plus nombreuses puisque ils achètent à Gournay pour plus de 90 000 livres pesant de beurre, entre le 20 mai 1766 et le 26 décembre 176940. On comprend d’autant mieux les raisons de cet approvisionnement direct que les Invalides sont exemptés de payer le sol pour livre, qui est perçu sur tout chargement de beurre entrant dans Paris41.

Conclusion

29Au terme de cette étude, il apparaît clairement que les historiens ont beaucoup à apprendre des lettres de voiture enregistrées par le contrôle des actes. Pour une denrée périssable comme le beurre en panier, les séries constituées offrent des éclairages non seulement sur le commerce mais aussi sur la consommation. La mise en graphique des séries présentant des périodes temporelles extrêmement fines (de l’ordre de la journée ou de la semaine) permet de s’interroger sur les pratiques individuelles et collectives des acteurs du commerce et de leurs clientèles. Si cela est moins visible pour Gournay, le rythme des expéditions des beurres d’Isigny est ainsi très influencé par le calendrier religieux. Les semaines marquées par les envois les plus importants se situent entre le mercredi des cendres et les rogations, période où l’usage des autres graisses animales est fortement restreint.

  • 42 Les sondages effectués aux Archives Départementales de l’Eure-et-Loir, dans les archives du bureau (...)
  • 43 Flandrin (1983).

30Certes, il importe de se départir de toute illusion quantitativiste. Si les informations sont abondantes et traductibles sous la forme de tableaux et de graphiques, elles doivent faire l’objet d’un solide travail critique. La connaissance de la législation (au sens large) et de ses évolutions apparaît comme fondamentale et doit se doubler d’une réflexion approfondie sur les possibilités de fraude. Comme l’obligation d’enregistrer les lettres de voiture n’a pas porté que sur le commerce du beurre, mais aussi sur celui des œufs, des fromages, des poissons, des vins et peut-être encore celui d’autres denrées alimentaires à destination de Paris, les perspectives de recherche et de travail sont considérables. ainsi, des sondages effectués dans d’autres dépôts d’archives aboutiraient sans aucun doute à de belles découvertes42, permettant, en les croisant, d’établir des relations de concurrence ou de complémentarité entre les différentes aires d’approvisionnement d’une même denrée ou de confirmer l’existence de liens forts existant entre plusieurs d’entre elles : le beurre est ainsi souvent associé, dans les écrits culinaires, aux poissons et aux œufs43.

Bibliographie

ABAD, Reynald, Le grand marché. L’approvisionnement alimentaire de Paris sous l’Ancien Régime, Fayard, Paris, 2002, 1030 p.

BONDOIS, Paul, « Les difficultés du ravitaillement parisien. Le commerce du beurre et des œufs sous l’Ancien Régime », Mémoires et documents pour servir à l’histoire du commerce et de l’industrie en France, J. Hayem, 8e série, Paris, 1924, p. 214-320.

BRENNAN, Thomas, Burgundy to Champagne, The Wine trade in early modern France, Baltimore et Londres, 1997, XXI-350 p.

LA MARE, Nicolas de, Traité de la police, tome 3, Amsterdam, 1729, 506 p.

FLANDRIN, Jean-Louis, « Le goût et la nécessité : sur l’usage des graisses dans les cuisines d'Europe occidentale (XIVe-XVIIIe siècle) », Annales E.S.C, 1983, n° 2, pp. 369-401

MUCHEMBLED, Robert, Histoire du grand Paris : de la Renaissance à la Révolution, Paris, Perrin, 2009, 414 p.

MUSSET, Benoît, Vignobles de Champagne et Vins mousseux, Histoire d’un mariage de raison (1650-1830), 2008, Fayard, 789 p.

PONCET, Fabrice, « L’élevage dans le Plain et le Bessin (XVIe-XIXe siècle) », in Acteurs et espaces de l’élevage (XVIIe-XXIe siècle), Bibliothèque d’Histoire rurale n° 9, Caen, AHSR, 2006, p. 233-245.

PONCET, Fabrice, « Le pays de Bray dans l’approvisionnement de Paris en beurre frais au XVIIIe siècle », communication lors du colloque La ville et le plat pays (XIIIe-XVIIIe siècle), Perpignan, 2013 (à paraître).

ROUBERT, Jacqueline, « Essai sur les transporteurs de marchandises en relation avec le commerce lyonnais au XVIIIe siècle », 92e congrès des sociétés savantes, Strasbourg et Colmar, 1967, p. 99-177.

SAINT-JACOB, Pierre, « Une source de l’histoire économique des vins : les lettres de voiture », Annales de Bourgogne, XXVIII (2), 1956, pp. 124-126.

Notes

1 Saint-Jacob (1956). Je tiens à remercier Vanessa Lemesle et Fanny Turpin pour l’aide qu’elles m’ont apportée.

2 Voir Brennan (1997) et Musset (2008) pour les vignobles de Champagne ou encore Roubert (1967) pour l’histoire des transports.

3 « Des campagnes transformées par les marchés urbains : espaces, sociétés et mutations de l’économie beurrière (XVe-XIXe siècles) », thèse sous la direction de Jean-Marc Moriceau, Université de Caen Basse-Normandie.

4 Isigny-sur-Mer (14) et Gournay-en-Bray (76). Voir Abad (2002), p. 850.

5 D’après un « Etat des marchéz, d’où les m[archan]ds fruitiers, orangers, beurriers, frommagers, coquetiers, tirent pour leur compte » (vers 1730-1740). Bondois (1924). Cet état est évidemment partiel, puisqu’il ne prend en compte que des marchés situés au nord et à l’ouest de Paris et qu’il ignore les marchés les plus proches de la capitale.

6 Pour une présentation plus détaillée de la législation, voir Bondois (1924).

7 Et ce, en dépit de la distance effective qui sépare Gournay de Paris. Bondois (1924) et Abad (2002), p 691.

8 Voir Bondois (1924). Le texte de l’ordonnance de 1757 est reproduit dans l’annexe IX de l’article.

9 Voir notamment le fonds du marchand Pierre aux Archives Départementales du Calvados (ADC) (série L, non coté).

10 Partiellement effacé, le compte de 1767 porte mention de l’expéditeur, du destinataire, de la quantité exprimée en paniers ainsi que du prix de l’acte [ADC, 8 e 23982]. Le compte de 1791 porte uniquement sur les mois de février et de mars. La date est mentionnée ainsi que l’expéditeur et le destinataire. La quantité, en paniers, n’est précisée que pour les 3 et 10 février [ACD, 8 E 23983].

11 « État des lettres de voitures prises depuis et compris le 28 mars 1769 jusqu’au 20 juillet 1790 ». Cet état devient très sommaire passé le mois d’août 1783. Nous devons cette découverte au travail effectué par monsieur Éric Tuncq, qui a dressé l’inventaire du fonds du notariat de Gournay-en-Bray [Archives Départementales de la Seine-Maritime (ADSM), 2 E 59 / 4-5].

12 C’est aussi par le biais du contrôle des actes que Thomas Brennan et Benoît Musset ont pu utiliser les informations provenant de lettres de voitures, dans leur travail sur les vignobles de Champagne. Brennan (1997) et Musset (2008), p. 111.

13 Les doutes les plus fréquents portent sur les orthographes multiples de ce qui semble être un même nom de famille, sur les apparentes confusions entre expéditeur et destinataire, ou le probable double enregistrement d’un même acte.

14 Orthographe et ponctuation modernisées. Lettre de Benoist à de Londre, de Paris, 15 février 1770 [ADC, 2 E 56]. dans le même registre de correspondance active, du même au même, le 12 mars 1770, au sujet de deux paniers de beurre pesant, chacun 182 livres, avec 15 livres de tare : « je vous les ai chargés sur la voiture de Baudin le 12 c[ouran]t et il vous seront remis lundi prochain et j’ai été obligé de lui donner 5# 10s du [cent] mais je ne lui ait mis à 300 l[ivres] pesant sur sa lettre de voiture que je lui ai donnée ».

15 Archives Nationales, Y 12 623.

16 « Monsieur, ayant besoin à présent de deux morceaux de bon beurre tous les mercredi, ainsi de continuer jusqu’à nouvel ordre, ne pouvant pas en faire venir pour mon compte, rapport que mon lot est inscrit chez Mr le commissaire pour le beurre forain, et qu’il est dit que ceux qui ont leur lot pour le beurre forain ne peuvent pas en faire venir pour leur compte, je suis d’accord avec M[adam]e Carouaille que vous m’en enverrez deux morceaux toutes les semaines et vous me l’enverrez sur le nom de Mr Carouaille le fils, marqué dessus la tête de 3 lettres pareilles FCF et, en conséquence, vous aurez la bonté de prévenir monsieur Breton, comme étant le marchand de Mr Carouaille, pour que cela ne fasse aucune difficulté de Mr Breton avec Mr Carouaille. Vous m’enverrez votre lettre d’avis ainsi que la lettre de voiture marquée comme ci-dessus au nom de Mr Carouaille fils ». Lettre de Marie-Louise Grinchon à Benoist, Paris, 15 décembre 1777 [ADC, 2 E 53]. Autre mention de cette pratique dans une lettre de la même au même, le 26 octobre 1778, [ADC, 2 E 53].

17 ADC, C 11 139 à C 11 184.

18 Travail en cours.

19 Archives de la mairie de Gournay et Poncet (à paraître).

20 La comparaison entre un graphique issu de la thèse de Reynald Abad, portant sur les envois de beurre de longue conservation, par voie maritime, au cours de l’année 1787, avec les informations contemporaines tirées du contrôle des actes d’Isigny est, elle aussi, significative. Poncet (2006).

21 La lettre la plus explicite concerne du beurre de longue conservation. Au sujet de tines à livrer à Paris, le fruitier Prévost recommande au commissionnaire d’Isigny Benoist : « comme les commis regardent de près à présent à la perception des droits, vous les déclarerez justes, car je ne veux pas passer par les mains de ces gens là ». Lettre de Prévost à Benoist, Paris, 10 octobre 1778 [ADC, 2 E 53].

22 Je tiens à remercier Erwan Néel pour le travail de saisie réalisé ainsi que mon laboratoire, le CRHQ pour le financement accordé pour ce travail. Sauf mention contraire, les actes cités se trouvent dans les registres de la série C des Archives départementales de la Seine-Maritime dont les cotes vont de 2C/1081 à 2C/1096.

23 Cet ordre de grandeur est confirmé par les états hebdomadaires des achats de beurre pour Paris et ses environs conservés à la mairie de Gournay pour les années 1786-1789. Poncet (à paraître).

24 Même si on ampute ces chiffres de la part destinée à des localités aux environs de Paris, qui ne semblent pas prises en compte dans l’estimation de Lavoisier. A titre de comparaison, Isigny expédie des quantités comprises entre 400 000 et 500 000 livres pesant, dans la seconde moitié des années 1770. Auparavant, les quantités sont exprimées en panier, ce qui rend toute comparaison avec Gournay difficile.

25 Muchembled (2009).

26 Certaines lettres de voiture comprennent plusieurs destinations pour une seule quantité de marchandise et certaines localités n’apparaissent même que dans ce cas de figure. On compte également un certain nombre de chargements pour lesquels la destination n’est pas précisée. Nous n’avons pas pu prendre en compte ces envois. Cependant, il s’agit là d’un problème mineur au regard des volumes en jeu (0.41 % du volume total).

27 Comme les quantités de beurre d’Isigny ne sont à cette époque exprimées qu’en paniers, nous avons ajouté arbitrairement la valeur 400 à chaque envoi afin de rendre la lecture du graphique plus aisée.

28 Ce graphique porte sur une quantité de 1 370 970 livres pesant de beurre en 642 envois.

29 Ce graphique porte sur une quantité de 62 877 livres pesant de beurre en 327 envois.

30 Ce graphique porte sur une quantité de 227 828 livres pesant de beurre en 701 envois pour Gournay et 1703 paniers en 393 envois pour Isigny.

31 Exactement 11 399 livres pesant en 132 envois, entre le 9 juin 1767 et le 26 décembre 1769. Il y a aussi un achat enregistré le 13 mai 1760, pour 80 livres pesant de beurre.

32 Quinze achats pour 6 445 livres de beurre au total, entre le 10 juin 1760 et le 20 juin 1769.

33 Pour un total de 2 294 livres pesant de beurre en 30 envois, entre le 9 juin 1767 et le 30 août 1768.

34 Fresne-Léguillon (60).

35 Pour un total de 741 livres pesant en 11 envois, entre le 14 février 1758 et le 23 mai 1758. Il faudrait ajouter une partie des 2 221 livres pesant des 6 envois effectués entre mars et juin 1758, mais pour lesquels le beurre est destiné à la fois à Saint-Denis et aux chevau-légers du roi.

36 Acte en date du 30 juin 1750 [ADSM, 2C/1077 ].

37 Louis Anselin est dit pourvoyeur du prince de Conti dans l’enregistrement d’une lettre de voiture pour 64 livres de beurre, en date du 13 septembre 1757.

38 Acte en date du 2 juin 1764, pour 160 livres pesant.

39 Acte en date du 1er décembre 1767, pour 187 livres pesant.

40 Exactement pour 93 986 livres pesant en 187 envois.

41 Bondois (1924).

42 Les sondages effectués aux Archives Départementales de l’Eure-et-Loir, dans les archives du bureau du contrôle des actes de Chartres n’ont révélé qu’un enregistrement intermittent des lettres de voiture.

43 Flandrin (1983).

Table des illustrations

Titre Carte 1. Localisation de marchés sollicités par les marchands fruitiers parisiens (vers 1730-1740)5
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/5540/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 84k
Titre Ill. 1 - Extrait d’une page d’un registre du contrôle des actes de Gournay (13 décembre 1757) [ADSM, 2 C/1081]
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/5540/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 84k
Titre Graphique 1. Quantités annuelles de beurre de Gournay pour Paris et ses environs (fin 1757-1769)
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/5540/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 56k
Titre Graphique 2. Quantités hebdomadaires de beurre de Gournay pour Paris et ses environs (1757-1769)
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/5540/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 208k
Titre Graphique 3. Part représentée par chaque destination dans la quantité totale de beurre de Gournay expédiée à Paris et ses environs (1757-1769)
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/5540/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 44k
Titre Graphique 4. Quantités hebdomadaires de beurre de Gournay rattachées au fruitier Jean Caquelard à Paris (1757-1769)28
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/5540/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 116k
Titre Graphique 5. Quantités hebdomadaires de beurre de Gournay rattachées au patronyme Robillard de Paris (1757-1769)29
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/5540/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 108k
Titre Graphique 6. Quantités hebdomadaires de beurre de Gournay et d’Isigny rattachées au patronyme Pelletier (1758-1769)30
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/5540/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 70k

Auteur

Agrégé d’histoire, doctorant à l’Université de Caen Basse-Normandie, sous la direction de Jean-Marc Moriceau, membre du Centre de Recherche en Histoire Quantitative (UMR 6583). Son sujet de thèse porte sur la spécialisation agricole en Normandie à l’époque moderne et sur ses conséquences sur l’économie, la société, les paysages. Ses premières publications concernent des aspects techniques et culturels du commerce et de la consommation du beurre, ainsi que l’évolution des biens communaux en Normandie. « Bien choisir son beurre », 138e congrès du CTHS, Rennes, 2013 (à paraître) ; « « Comme beurre au soleil », les beurres normands par tous les temps au XVIIIe siècle », colloque L’alimentation et le temps qu’il fait, Paris, 2014 (à paraître) ; « Vers un marais de propriétaires. Petites gens et marais communaux dans le Bessin (XVIIIe-XIXe siècle) », colloque les Petites gens et la terre, Caen, 2014 (à paraître).

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search