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Rôles, statuts et représentations des femmes

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Christophe Juhel

La population des veuves à Toulouse au siècle des Lumières (1695-1790)

Jean-Luc Laffont

Texte intégral

  • 1 Voir essentiellement : S. Beauvalet-Boutouyrie, Être veuve sous l’Ancien Régime, Paris, Belin, 2001 (...)
  • 2 S. Beauvalet-Boutouyrie, « La femme seule à l’époque moderne : une histoire qui reste à écrire », A (...)
  • 3 B. Maillard, « Les veuves dans la société rurale au XVIIIe siècle », Annales B.P.O., t. CVI, 1999, (...)

1L’étude historique du veuvage a connu un essor remarquable à la fin du siècle dernier et au début du nôtre, notamment pour la période d’Ancien Régime1. Depuis, malgré le développement de l’histoire des femmes et de celle du genre, les historiens ont délaissé ce chantier pourtant prometteur et loin d’avoir été épuisé2. Ce constat général se vérifie en ce qui concerne l’histoire urbaine de l’époque moderne pour laquelle l’on est resté sur l’idée que si « les veuves représentent un groupe numériquement important dans toute communauté villageoise », cette importance était sans doute moindre « qu’en ville »3. C’est pourquoi elle retiendra plus particulièrement notre attention ici.

  • 4 Voir J.-L. Laffont, Policer la ville. Toulouse, capitale provinciale au siècle des Lumières, Thèse, (...)
  • 5 Attirons plus particulièrement l’attention sur les travaux de C. Dousset, notamment : « Veuvage fém (...)

2En prenant pour cadre d’étude Toulouse au siècle des Lumières (1695‑1790)4, on sait avancer sur un terrain propice à la mise en œuvre d’une telle enquête. En effet, malgré leurs lacunes et les problèmes d’exploitation qu’elles peuvent poser, les archives toulousaines sont abondantes et diversifiées pour permettre de saisir au moins certaines facettes de la viduité. L’on peut aussi s’appuyer sur une historiographie locale qui non seulement n’a pas négligé la question des femmes à l’époque moderne, mais encore s’est déjà penchée sur la question des veuves5.

3Dit autrement, il s’avère que la capitale du Languedoc est l’une des rares villes de l’ancienne France à avoir fait l’objet de travaux sur l’histoire des femmes, mais que cette production demeure et bien méconnue, et très éclatée. Ce faisant, cette production gagne à être éclairée par la dimension démographique, trop rarement intégrée aux analyses. C’est donc cet angle qu’on se propose de développer ici en cherchant à déterminer la part de la viduité dans la population toulousaine et son évolution durant le dernier siècle de l’Ancien Régime. Ce faisant, l’on se focalisera plus particulièrement sur le cas des veuves.

I. Deux sources majeures pour saisir l’évolution de la viduité au sein de la population toulousaine : la capitation de 1695 et le dénombrement de 1790

  • 6 Sur cette question, voir notre article « Relecture critique de l’évolution de la population toulous (...)

4Deux sources majeures permettent une approche globale de la population toulousaine durant le dernier siècle de l’Ancien Régime. Il s’agit de la capitation de 1695 et du dénombrement de la population des 10 et 11 janvier 1790. On a affaire à des documents bien connus de la recherche locale qui y a eu régulièrement recours depuis des décennies. Ils ont ainsi alimenté tant des études globales que des études plus ponctuelles portant sur telle(s) ou telle(s) catégorie(s) socio‑professionnelle(s), la capitation étant cependant beaucoup plus étudiée que le dénombrement6. À la lumière de cette production, quelques observations se dégagent qu’il faut connaître pour mieux apprécier les données qu’on peut tirer de ces deux documents.

5D’une façon générale, l’on s’accorde à reconnaître qu’on dispose de sources aussi fiables que peuvent l’être de « bons » recensements fiscaux ou de population d’Ancien Régime. Mais, cela ne signifie en aucune façon qu’ils soient exhaustifs et ce, pour deux raisons : s’agissant de la capitation de 1695, elle ne prend pas en compte les nombreux foyers exempts de l’impôt, lesquels restent à inventorier. Ils excluent de fait les individus ne bénéficiant pas du droit d’habitanage et d’une façon plus générale, tous les forains (dont de nombreux locataires dans la cité) et notamment les populations flottantes (étrangers de passage, étudiants, mendiants et autres délinquants). Par définition, la capitation de 1695 et le dénombrement de 1790 ne permettent donc d’appréhender que la population stable et bien établie dans la cité de sorte qu’une partie de la population se dérobe à l’investigation. Il importe donc de garder présent à l’esprit que les chiffres qu’on obtient sur ces bases ne seront jamais que des minima à toujours considérer d’un œil critique.

  • 7 J.-L. LAFFONT, « Toulouse et ses territoires suburbains au siècle des Lumières », in M.-C. Marandet (...)
  • 8 C’est-à-dire la banlieue de la ville, correspondant à la juridiction des capitouls qui s’étendait d (...)
  • 9 Ce qu’illustre le cas des domestiques : J.-L. Laffont, « Les domestiques dans la ville. Le cas de T (...)

6Ces deux documents posent aussi des problèmes d’exploitation qu’on ne détaillera pas ici mais qui expliquent pourquoi jusqu’à présent, la plupart des chercheurs se sont bornés à l’exploitation des données portant sur la seule ville intra mura7, délaissant l’espace péri‑urbain des faubourgs et du gardiage8 ; et pourquoi aucune étude menée sur ces documents ne débouche sur les mêmes résultats sans que ces écarts ne soient jamais explicités par les auteurs, le cas particulier des veuves (graphique 1) n’était qu’une illustration parmi d’autres9 de ce problème.

  • 10 R. Senot, Toulouse en 1695 d’après la capitation. Mémoire de maîtrise d’Histoire, UTM, 1985 (un dou (...)

Graphique 1. Les variations du nombre de veuves à Toulouse (intra-muros) d’après la capitation de 1695 selon trois études différentes10

Graphique 1. Les variations du nombre de veuves à Toulouse (intra-muros) d’après la capitation de 1695 selon trois études différentes10
  • 11 Le Haut et le Bas-Languedoc furent tout aussi durement frappés. L’évolution et l’impact de cette cr (...)

7Enfin, il ne faut négliger le fait qu’ils ont été établis au lendemain de deux crises démographiques et sociales (marquées par de fortes révoltes populaires) majeures : celles de 1693‑169411 et de 1789. On a donc affaire à des populations dont les effectifs ont été diminués par de fortes mortalités (voire par l’hémorragie de certaines catégories d’individus se défiant des pouvoirs publics, notamment en 1790).

8Malgré cela, pour autant que l’on puisse en juger, la population toulousaine a connu un net accroissement durant le dernier siècle de l’Ancien Régime (cf. annexe 1) : on est passé de 43 000 (estimation basse) ou 46 000 (estimation haute) habitants en 1695 à 51 000 ou 53 000 habitants en 1750, pour atteindre 60 000 ou (plus sûrement à notre avis) 64 000 habitants en 1790. Ainsi, si l’on prend des données minimales (soit les 42 000 capités en 1750 et les 57 869 habitants recensés en 1790), le taux d’accroissement est de 37,78 %. Si l’on prend pour base les données maximales (soit 51 000 hab. en 1750 et 64 000 en 1790 – chiffres ronds par commodité –), le taux d’accroissement est de 25,5 %. En moyenne absolue, la ville aurait gagné annuellement près de 400 habitants pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle, estimation qui traduit une réelle vitalité.

9Dans l’optique qui est la nôtre ici, restons sur l’idée que d’après ce que l’on sait déjà de la capitation de 1695 et du dénombrement de 1790, ces documents devraient « logiquement » faire apparaître une surreprésentation des veufs et veuves (puisqu’on saisit des populations au lendemain de graves crises de mortalité), avec des taux importants de viduité à Toulouse, et des populations de veufs et de veuves en augmentation durant le dernier siècle de l’Ancien Régime.

II. Situation des veufs et des veuves à Toulouse d’après la capitation de 1695

10La capitation de 1695 permet de connaître le poids du veuvage dans la société toulousaine et de cerner ses contours socioprofessionnels. Cependant, il importe de préciser d’emblée que les résultats dont on dispose ne concernent que la ville intra-muros, de sorte que les faubourgs et le gardiage de Toulouse nous échappent. Voici qui limite donc la portée des observations qu’on peut formuler puisqu’il faut compter avec une déperdition de l’information concernant 20,6 % (soit les 7 706 individus recensés pour les faubourgs et le gardiage) de l’ensemble d’une population toulousaine capitée s’élevant au total à 37 349 individus.

A. Les poids et sex ratio de la viduité au sein de la population toulousaine en 1695

11Le premier enseignement que livre la capitation de 1695 est la faiblesse relative de la viduité au sein de la population toulousaine puisque le veuvage ne touchait alors que 6,91 % de l’ensemble de la population capitée vivant intra-muros (soit 29 643 individus). Ce résultat étant certainement lié aux conséquences de la crise de 1693‑1694, il y a lieu de croire qu’en temps ordinaire (si tant est que l’on puisse user de cette expression pour le XVIIe siècle toulousain), ce taux de viduité était plus bas (dans des proportions qui restent à déterminer).

  • 12 Voir, par exemple : M. Baulant, « La famille en miettes : sur un aspect de la démographie du XVIIe (...)
  • 13 Pour ces derniers, il faut déduire leur situation maritale de la présence dans leur foyer d’enfant( (...)

12Ce chiffre global (6,91 %) n’a qu’une valeur indicative. En effet, il faut comparer ce qui est comparable et, en l’occurrence, le nombre d’individus ayant perdu leur conjoint avec la population adulte (à l’exclusion du clergé). Comme partout12, cette opération est délicate car, s’il est relativement facile de repérer les veuves, il n’en va pas du tout de même pour les veufs13. Pour ces derniers, l’on se trouve toujours à devoir jongler avec des données sous‑évaluées et des estimations plus ou moins pertinentes.

  • 14 Si l’on ne tient pas compte de la population ecclésiastique (877 hommes et 510 femmes), la sex rati (...)
  • 15 « Rappelons quelques chiffres : Aix compte 13.626 habitants du sexe féminin, pour 12.956 masles » ( (...)

13Le sex ratio de la population toulousaine apparaît assez équilibrée à la fin du XVIIe siècle. Si l’on considère les données générales pour la population des individus dont le sexe est déterminé (soit 32 904 individus, en prenant en compte les enfants et les membres du clergé), on compte 15 957 individus du sexe masculin (soit 48,5 % de cette population) pour 16 947 individus du sexe féminin (soit 51,5 % de cette population)14. On obtient ainsi des proportions comparables à celles relevées par Jean‑Paul Coste pour Aix‑en‑Provence d’après la capitation de 169515. On n’est pas très éloigné non plus des 54 % de femmes composant la population parisienne au XVIIe siècle.

14Si l’on ne prend en compte que les adultes vivant à Toulouse (intra-muros, population ecclésiastique exclue), on constate que les hommes représentent 29,63 % de la population, les femmes 30,98 %. On retrouve donc dans le cas de la population adulte le relatif équilibre qu’on vient de relever à l’échelle de l’ensemble de la population. Mais, ce changement d’échelle tend à nuancer l’idée selon laquelle l’ancienne société urbaine était fortement féminisée.

15Si l’on considère maintenant le ratio des veufs et des veuves, on constate un fort dimorphisme entre ces deux groupes. En effet, on ne recense que 408 veufs, représentant à peine 1,37 % de l’ensemble de la population intra-muros, contre 1 642 veuves représentant 5,54 % de cette même population.

16Ces chiffres ne prennent tout leur sens que lorsqu’on les considère en fonction des populations adultes masculine et féminine (populations ecclésiastiques exclues). Pour ce qui est de la population masculine, on constate que les veufs représentent 4,64 % des 8 786 hommes adultes vivant à Toulouse (tableau 3). La proportion des veuves au sein de la population féminine adulte (9 186 individus) est autrement plus forte puisqu’elle flirte avec les 18 % (tableau 4. 17,87 % exactement).

  • 16 Voir B. Bonnery, La population de Toulouse, 1650-1700, op. cit., p. 53-56 ; J. Rives, L’évolution d (...)
  • 17 B. Maillard, « Les veuves dans la société rurale au XVIIIe siècle », op. cit., p. 221. Sur le remar (...)
  • 18 S. Beauvalet-Boutouyrie, Être veuve sous l’Ancien Régime, op. cit., p. 170.

17Ces chiffres viennent d’abord vérifier qu’à Toulouse, comme dans toutes les villes d’Ancien Régime, l’on rencontre une surreprésentation des femmes qui se décline dans le domaine de la viduité par une proportion plus forte des veuves par rapport aux veufs. On explique d’ordinaire cette situation par une série de phénomènes, tels que la surmortalité masculine ; versus la plus grande longévité des femmes. À Toulouse comme ailleurs, le fait se vérifie pour toutes les classes d’âge à l’exception de celle de 15 à 39 ans en raison de la forte mortalité maternelle. C’est là une constante qui ne se dément pas jusqu’à la fin de l’Ancien Régime16 ; la propension au remariage étant moins accentuée chez les femmes17. L’on peut aussi expliquer ce décalage par la sécurité que la cité pouvait accorder à une veuve, a fortiori avec enfant(s), ce qui pouvait en inciter certaines à émigrer vers une ville. Ce qui tend à distinguer la capitale languedocienne des autres cités pour lesquelles on a des données, c’est l’importance de l’écart entre veufs et veuves qu’on enregistre au sein de la population adulte. En effet, on est très loin des résultats obtenus pour Valenciennes en 1693 par Scarlett Beauvalet‑Boutouyrie18. Pour l’heure, ce constat reste sans explication pertinente.

B. La ventilation spatiale du veuvage en 1695

  • 19 Après diverses fluctuations durant l’époque médiévale, le découpage administratif du territoire com (...)

18Le cadre spatial de référence pour apprécier la distribution de la population dans l’espace toulousain est le capitoulat. Il s’agit d’une circonscription administrative et fiscale initialement fixée en vue de l’élection des huit magistrats municipaux (selon le principe : un capitoul par capitoulat)19. Les superficies et, par voie de conséquence, l’importance des populations comme de la densité du bâti sont très inégales selon les capitoulats. À la fin de l’Ancien Régime, les capitoulats étaient autant de divisions spatiales structurant moins l’espace urbain et ses activités (économiques, sociales ou culturelles) que la vie administrative et fiscale toulousaine. En d’autres termes, ils ne peuvent être assimilés à des quartiers ou à des espaces de vie cohérents ayant une réelle personnalité propre. Il résulte de ces observations que la géographie du veuvage qu’on peut établir ne doit pas faire illusion et qu’il ne faut pas chercher à lui donner un sens qu’elle n’avait pas forcément.

19La ventilation spatiale de la viduité (tableau 1, colonne « veufs et veuves »), réfléchit à peu de choses près l’inégale implantation de la population dans les capitoulats. De ce point de vue, l’on peut dire que le veuvage était présent, quoiqu’inégalement, dans toute la ville, ce qui n’est somme toute pas pour surprendre.

Tableau 1. Ventilation spatiale des veufs et des veuves dans l’espace urbain (intra-muros) en 1695

Veufs et veuves

Veufs

Veuves

nb

 %

hiérarchie

nb

 %

hiérarchie

nb

 %

hiérarchie

La Daurade

189

9,21

6

41

10,04

4

148

9,01

6

St‑Étienne

440

21,46

1

91

22,30

1

349

21,25

1

Le Pont Vieux

92

4,48

9

18

4,41

9

74

4,50

9

La Pierre

177

8,63

7

32

7,84

7

145

8,83

7

La Dalbade

344

16,78

2

66

16,17

2

278

16,93

2

St‑Pierre

221

10,78

4

34

8,33

6

187

11,38

3

St‑Barthélemy

244

11,90

3

65

15,93

3

179

10,90

4

St‑Sernin

202

9,85

5

24

5,88

8

178

10,84

5

Total Ville rive dr.

1 909

93,13

371

90,93

1 538

93,67

St‑Cyprien

141

6,87

8

37

9,07

5

104

6,33

8

TOTAL VILLE

2 050

100

408

100

1 642

100

20L’influence du poids du nombre se fait aussi sentir lorsqu’on considère indépendamment la situation des veufs et celles des veuves. Dans l’un et l’autre cas, on retrouve en tête de la hiérarchie de la localisation de ces populations les capitoulats les plus peuplés de Saint‑Étienne et de la Dalbade ; l’adéquation se vérifiant aussi pour le capitoulat du Pont Vieux. Dans ce cadre général, l’attention est plus particulièrement attirée par les différences que l’on observe dans la distribution respective des veufs et des veuves dans l’espace toulousain.

21On constate alors que la ventilation spatiale des veufs est davantage conditionnée par la distribution générale de la population selon les capitoulats que celle des veuves (le fait se vérifie 5 fois sur 9).

22La différence majeure qui se dégage concerne ces zones « périphériques » que sont le faubourg Saint‑Cyprien et les capitoulats de Saint‑Sernin et de Saint‑Pierre‑des‑Cuisines. Proportionnellement, les veufs sont plus nombreux dans le faubourg Saint‑Cyprien que les veuves, lesquelles étaient plus attirées que les hommes ayant perdu leur femme dans les capitoulats de Saint‑Sernin et de Saint‑Pierre‑des‑Cuisines. Ces deux capitoulats correspondaient à l’ancien bourg de Toulouse qui demeura longtemps (soit jusqu’au milieu du XVIIIe siècle) la partie la moins densément peuplée de la ville et celle où la vie économique était la plus faible, ce qui tient en ceci qu’il s’y trouvait surtout de nombreuses institutions religieuses et la plupart des établissements scolaires (universités et collèges). Tout porte à croire que les veuves y trouvaient plus de facilité pour se loger à moindre prix. La géographie du veuvage introduit donc l’idée d’une différence de condition économique et sociale entre veufs et veuves.

23On peut affiner ces observations générales en considérant quelle était la proportion de veufs et de veuves au sein des populations adultes masculine et féminine (tableaux 2 et 3).

Tableau 2. Ventilation spatiale (intra-muros) des veufs par rapport à la population adulte masculine en 1695

Veufs

Hommes adultes

CAPITOULATS

nb

 %

nb

 %

La Daurade

41

4,65

881

100

St‑Étienne

91

4,99

1 821

100

Le Pont Vieux

18

3,20

544

100

La Pierre

32

2,49

1 085

100

La Dalbade

66

4,51

1 462

100

St‑Pierre

34

5,52

615

100

St‑Barthélemy

65

4,85

1 340

100

St‑Sernin

24

4,67

513

100

Total Ville

371

4,49

8 261

100

St‑Cyprien

37

7,04

525

100

TOTAL

408

4,64

8786

100

24En ce qui concerne les veufs, le tableau 2 montre que leur ventilation était beaucoup plus homogène dans l’espace urbain que ne le laissait entrevoir le tableau 1 tant les écarts qu’on relève d’un capitoulat à l’autre sont peu importants. On vérifie plus nettement que précédemment l’importance du veuvage masculin dans le faubourg Saint‑Cyprien, mais il s’avère que le capitoulat de Saint‑Pierre‑des‑Cuisines n’était pas aussi délaissé que ne le laissaient penser les premières observations.

Tableau 3. Ventilation spatiale (intra-muros) des veuves par rapport à la population féminine adulte en 1695

Veuves

Femmes adultes

CAPITOULATS

nb

 %

nb

 %

La Daurade

148

17,18

861

100

St‑Étienne

349

17,90

1 949

100

Le Pont Vieux

74

17,37

426

100

La Pierre

145

13,98

1 037

100

La Dalbade

278

17,97

1 547

100

St‑Pierre

187

24,86

752

100

St‑Barthélemy

179

14,33

1 249

100

St‑Sernin

178

24,45

728

100

Total Ville

1 538

17,81

8 633

100

St‑Cyprien

104

18,80

553

100

TOTAL

1642

17,87

9186

100

25Le tableau 3 permet d’observer que les veuves se distinguent des veufs par une ventilation plus contrastée au sein de la population adulte. Si l’on vérifie la prédominance des capitoulats de Saint‑Pierre‑des‑Cuisines et de Saint‑Sernin dans leur domiciliation, on constate que le faubourg Saint‑Cyprien n’était pas aussi faiblement peuplé de veuves qu’il pouvait y paraître. Inversement, la proportion des veuves au sein de la population féminine montre que leur importance dans le capitoulat Saint‑Barthélemy doit être nuancée.

26De ces éclairages, l’on peut retenir que, si la viduité touchait l’ensemble du territoire urbain, une approche nuancée s’impose selon et les capitoulats et les sexes. Ce faisant, un dimorphisme sexuel caractérise cette ventilation spatiale qui tient essentiellement en ceci que les veuves étaient plus nombreuses à vivre dans les zones excentrées et déshéritées de la ville que les veufs. On peut en déduire que la situation économique et sociale des premières était moins fleurissante que celle des seconds.

C. La ventilation socio-professionnelle du veuvage à Toulouse en 1695

  • 20 Robert Senot a indiqué dans son analyse de la capitation de 1695 quelle était la proportion des veu (...)

27Comme le laissait présager l’important dimorphisme sexuel qu’on vient de relever, le tableau 4 montre, une fois encore, que la ventilation sociale du veuvage diffère notablement selon qu’on considère la situation des veufs ou celle des veuves20.

Tableau 4. Proportion et hiérarchie du veuvage masculin et féminin au sein de la hiérarchie socio-professionnelle de Toulouse en 1695

Tableau 4. Proportion et hiérarchie du veuvage masculin et féminin au sein de la hiérarchie socio-professionnelle de Toulouse en 1695
  • 21 R. Senot, Toulouse en 1695 d’après la capitation, op. cit., p. 153.

28Le veuvage masculin se caractérise par son faible poids au sein de toutes les catégories socioprofessionnelles. Le phénomène est général et transcende le corps social. Dans ces conditions, l’interprétation des données du tableau 4 est malaisée. On constate, sans surprise, une corrélation entre le sommet de la hiérarchie sociale (cf. les rubriques : noblesse et administration, médecine, marchands) et l’importance relative des veufs dans les groupes qui la constituent, résultant d’une plus importante longévité des individus dans ces milieux favorisés. Cela étant, on peut s’étonner de la faible proportion de veufs au sein du groupe des rentiers qui « comprend une bonne partie de la bourgeoisie toulousaine »21. On est aussi surpris de constater que, dans la hiérarchie du veuvage masculin qui se dégage, pour des groupes professionnels où l’on sait que le travail féminin était important et pénible comme dans le textile, l’artisanat ou l’agriculture, la proportion de veufs ne soit pas plus importante. Inversement, on n’enregistre pas de relation de cause à effet évidente entre la pénibilité ou la dangerosité de certaines professions génératrices de plus grande mortalité (comme l’armée ou les métiers de bâtiment, par exemple) et la faiblesse des taux de viduité dans la population masculine. Aussi est‑on bien en peine d’expliquer pourquoi les veufs étaient proportionnellement les plus nombreux dans les métiers de la pêche et de la pelleterie.

29Le poids relatif du veuvage féminin dans la population (tableaux 1 et 3) se retrouve au sein des différentes catégories socioprofessionnelles (tableau 4). Cela étant, sa ventilation sociale apparaît beaucoup plus contrastée que celle des hommes. L’importance de la proportion de veuves dans les couches aisées de la société se dégage ainsi clairement.

30On relève cependant que les taux les plus forts ne se trouvent pas au sommet de cette hiérarchie (noblesse et administration ; médecine) mais dans la strate inférieure, celle de la bourgeoisie, d’où émerge très nettement la catégorie des rentiers. On enregistre un tassement des taux de viduité dans les couches moyennes parmi lesquelles se trouvent les proportions de veuves les plus faibles (pelleterie, culture, métiers du bois). Au bas de l’échelle sociale, les taux tendent à augmenter à nouveau. Ce faisant, d’une catégorie socioprofessionnelle à l’autre, on trouve des écarts importants imputables moins au niveau de fortune qu’à la dangerosité (métiers du bâtiment) ou à la pénibilité (métiers liés à l’agriculture) de l’activité professionnelle de l’époux défunt. Beaucoup plus lisible et cohérent que celui établi pour les hommes, le tableau de la situation sociale des veuves tend à souligner l’inégalité de condition de ces femmes.

  • 22 Nous nous appuyons ici sur le travail de L. Lavigne (La pauvreté et la mendicité à Toulouse entre 1 (...)
  • 23 Voir l’annexe 2, tableaux A et B.
  • 24 Voir l’annexe 2, tableaux C et D.

31Il importe de compléter cette approche socio‑professionnelle en s’attachant aux plus démunis22. On n’a pas de peine alors à constater que c’est au plus bas de l’échelle sociale que l’inégalité entre veufs et veuves est la plus criante. Les chiffres sont, en effet, très éloquents. On ne compte que 47 veufs indigents, majoritairement pauvres (avec 38 individus dans cette situation pour seulement 8 mendiants), représentant 11,51 % de la population des veufs toulousains et 2,95 % de la population indigente vivant intra-muros (laquelle s’élève à 1 590 personnes d’après la capitation)23. En revanche, on dénombre 584 veuves indigentes, parmi lesquelles les pauvres prédominent largement (avec 491 individus) sur les mendiantes (au nombre de 93), représentant 36,73 % de la population des veuves toulousaines et 35,36 % de la population indigente de la ville24. Ces résultats sont en phase avec les observations dégagées du tableau 4.

32Ainsi, si au plus bas de l’échelle sociale le veuvage masculin demeure un phénomène marginal, dans le cas des femmes, au contraire, la viduité apparaît comme une composante importante de la pauvreté toulousaine.

33Qu’il s’agisse des veufs ou des veuves vivant dans l’indigence, ils étaient très inégalement répartis dans l’espace urbain (tableau 5). Ce faisant, cette ventilation spatiale s’opère de façon très différente selon qu’on considère le cas des veufs ou celui des veuves. On retrouve donc ici encore la marque du dimorphisme sexuel qui caractérise la viduité toulousaine.

Tableau 5. Éclairages sur la ventilation spatiale des veufs pauvres et mendiants à Toulouse (intra-muros) en 1695

CAPITOULATS

Effectifs des veufs pauvres et mendiants

 % par rapport : total effectif veufs pauvres

et mendiants

 % par rapport : total pop. pauvre (par capitoulat)

 % par rapport : total veufs

(par capitoulat)

La Daurade

9

19,14

4,11

24,94

St‑Étienne

22

46,80

3,80

24,16

Le Pont Vieux

2

4,25

8

11,11

La Pierre

0

0

0

0

La Dalbade

5

10,63

2,67

7,57

St‑Pierre

4

8,51

2,23

11,76

St‑Barthélemy

5

10,63

1,80

7,68

St‑Sernin

0

0

0

0

TOTAL

47

100

2,95

11,51

34En ce qui concerne les veufs, leur présence dans l’espace toulousain est très discontinue au point qu’ils sont totalement absents de deux capitoulats (soit ceux de la Pierre‑Saint Géraud et Saint‑Sernin), ce qui revient à souligner qu’ils se concentraient pour l’essentiel dans le cœur de la ville (tableau 5). Dans ce cadre, on vérifie cet effet de concentration avec l’écrasante prédominance des domiciliations dans le capitoulat Saint‑Étienne. Cela étant, lorsque l’on relativise les données absolues en considérant ce que pouvait représenter l’effectif de ces veufs démunis par rapport à la population pauvre de chaque capitoulat ou celle des veufs, on s’aperçoit que le poids de ces individus dans le capitoulat de la Daurade n’est pas aussi négligeable que pouvaient le laisser penser les chiffres absolus. Quant aux autres capitoulats, leur présence y est peu significative.

Tableau 6. Éclairages sur la ventilation spatiale des veuves pauvres et mendiantes à Toulouse (intra-muros) en 1695

CAPITOULATS

Effectifs des veuves pauvres et mendiantes

 % par rapport :

total effectif veuves pauvres et mendiantes

 % par rapport : total pop. pauvre (par capitoulat)

 % par rapport : total veuves (par capitoulat)

La Daurade

66

11,30

30,12

44,58

St‑Étienne

144

24,65

24,37

41,25

Le Pont Vieux

15

2,56

60

20,26

La Pierre

7

1,19

21,87

4,82

La Dalbade

69

11,81

36,89

24,81

St‑Pierre

89

15,23

49,71

47,58

St‑Barthélemy

155

26,54

55,95

86,58

St‑Sernin

49

8,39

52,12

27,52

TOTAL

584

100

36,73

35,56

35La ventilation spatiale des veuves indigentes corrobore les observations générales précédemment formulées (tableaux 1 et 3). Il s’avère, en effet, que leur répartition est beaucoup plus diffuse que celle des veufs puisqu’on les trouve partout dans la ville (tableau 6). Mais, là encore, on relève de fortes disparités d’un capitoulat à l’autre. Tous les paramètres concordent pour montrer que le capitoulat Saint‑Barthélemy est celui qui concentre le plus grand nombre de ces femmes, suivi par le capitoulat de Saint‑Pierre‑des‑Cuisines, d’une part, et que celui de la Pierre en compte le moins, d’autre part. Cela étant, la distribution des veuves dans l’espace urbain se laisse plus malaisément appréhender pour les autres capitoulats tant les données qu’on dégage paraissent confuses et, de ce fait, difficiles à interpréter.

36Bien qu’imparfait et incomplet, le tableau général de la viduité qui émerge de la capitation de 1695 montre que, si ce phénomène est une composante non négligeable de la société toulousaine de la fin du XVIIe siècle, il est moins important qu’on aurait pu le croire, surtout au lendemain d’une crise de mortalité majeure. En « temps ordinaires », la viduité était probablement une composante démographique assez marginale de la société toulousaine.

37On a éprouvé dans tous les domaines (poids – relatif – de la viduité, ventilations spatiales et sociales) un net dimorphisme sexuel entre hommes et femmes ayant perdu leur conjoint. Ce n’est pas le fait en tant que tel qui peut étonner – dans la mesure où il illustre l’importante inégalité de condition entre hommes et femmes dans cette société – ; ce qui étonne, c’est l’ampleur des écarts qu’on enregistre systématiquement entre hommes et femmes qui souligne la précarité des veuves dans la société toulousaine de la fin du XVIIe siècle.

III. Évolution du veuvage féminin à Toulouse (intra-muros) durant le dernier siècle de l’Ancien Régime (1695-1790)

  • 25 Précisons que l’absence de données sur le remariage pendant cette période dans les travaux de démog (...)
  • 26 J.-L. Laffont, « La police des « étrangers » à Toulouse sous l’Ancien Régime », in M.-C. Blanc-Chal (...)

38Les sources, comme l’état de la recherche toulousaine portant sur le siècle des Lumières25, ne permettent pas de suivre l’évolution des individus endeuillés dans la capitale languedocienne jusqu’à la fin de l’Ancien Régime : les capitations postérieures à 1695 sont incomplètes et largement biaisées par l’importance des exemptions, les états de métiers sont partiels et ne précisent pas toujours la mention de veuvage, les registres d’entrées des étrangers tenus aux portes de la ville sont lacunaires, tardifs et inégalement documentés26, etc.

  • 27 Pour qui n’était pas né à Toulouse, le droit d’être réputé « vrai habitant » de la ville et d’avoir (...)
  • 28 Soit une moyenne annuelle absolue de 3,6 lettres. Entre 1705 et 1787, 33 années sont en déficit ; s (...)

39Les déclarations d’habitanage27 peuvent illustrer l’impossibilité d’une recherche sérielle sur les veuves entre 1695 et 1790. Nous n’avons pu retrouver que 300 lettres d’habitanage se ventilant très inégalement entre 1705 et 178728 et qui permettent d’identifier 311 individus ayant manifesté leur volonté d’acquérir la citoyenneté toulousaine, ou du moins d’être en règle avec les autorités locales.

  • 29 L’incertitude vient du fait que sept lettres d’habitanage concernent un individu et les membres de (...)

40Sur les 311 individus recensés, on n’identifie avec certitude que 23 femmes29 dont la profession ou le statut social n’est presque jamais précisé. Plus de la moitié de ces femmes étaient veuves qui, majoritairement, n’avaient pas d’enfant (tableau 8). Leur souci de se faire enregistrer au greffe de la police témoigne de leur volonté de prendre un nouveau départ dans la vie en se donnant les garanties nécessaires pour ne pas être inquiétées par l’administration municipale. Voici qui accrédite l’idée selon laquelle, pour nombre de veuves, la ville devait apparaître comme une « terre promise » leur offrant des chances plus importantes de trouver un nouvel époux que dans leur village, voire de se dépouiller des attributs pesants de leur viduité pour se fondre dans la masse anonyme.

  • 30 Aujourd’hui dans le département de la Haute-Garonne, chef-lieu de canton, situé à 20 kilomètres de (...)
  • 31 Arch. mun. Toulouse, DD 71, fo 198. Il est probable que le défunt mari appartenait à la famille de (...)
  • 32 Aujourd’hui dans le département du Tarn-et-Garonne, arrondissement de Montauban.
  • 33 Arch. mun. Toulouse, DD 72, fo 56vo. Son défunt mari, maître Delpech, était vraisemblablement avoca (...)

41Mais cette explication n’épuise pas les motivations de ces femmes de s’installer dans la capitale provinciale. Il est très rare de trouver dans les lettres d’habitanage des précisions sur les motivations de ceux qui faisaient la démarche de faire leur soumission. Par bonheur, c’est le cas dans deux documents concernant des veuves. Jean‑Marie de Courail, veuve du sieur Laurens, habitant de Verfeil30, déclarait, le 20 septembre 1742, être native de Toulouse où elle avait vécu jusqu’à ses 25 ans avec ses parents31. Elle précisa au greffier qu’elle était « dans le dessin de venir passer le reste de [ses] jours dans cette ville qui est [sa] patrie ». Bien que l’on ne puisse l’affirmer, il est possible qu’elle vînt retrouver quelques membres de sa famille. En 1773, Antoinette Neuville quitta la communauté de Montech32 après le décès de son mari, avocat au Parlement33. Le greffier nota simplement qu’elle désirait « habiter Toulouse avec ses enfants » dans la maison qu’elle avait prise à loyer.

42On ne saurait tirer de conclusion de ces éclairages très ponctuels fournis par les lettres d’habitanage. Tout au plus, dans la perspective de nouvelles investigations, peut‑on formuler l’hypothèse selon laquelle la vie urbaine devait être moins pesante pour les veuves que la vie villageoise ou, du moins, qu’elle était perçue comme telle par un certain nombre de ces femmes en quête d’un nouvel avenir.

A. Les veuves en 1790

43Ce n’est qu’avec le dénombrement de 1790 qu’on peut disposer d’un état général de la population toulousaine. De multiples raisons expliquent qu’il faille utiliser ce document avec prudence tant il est vrai que les résultats qu’on peut en tirer sont entachés d’une marge d’erreur irréductible qui tendent manifestement à sous‑évaluer les effectifs de la population, dans des proportions qui restent cependant à déterminer. En outre, l’existence de nombre d’individus est mentionnée de façon trop laconique pour qu’on puisse déterminer jusqu’à leur sexe (c’est notamment le cas pour les enfants et les domestiques).

44Pour l’heure, l’on ne dispose d’information que sur les seules veuves domiciliées intra-muros. Par voie de conséquence, la confrontation de ces données avec celles de la capitation de 1695 ne permet guère que d’apprécier l’évolution séculaire de la viduité féminine.

45Sur les 57 869 habitants vivant à Toulouse et dans sa banlieue en 1790 (d’après le dénombrement), on compte 1 586 veuves (tableau 8 et graphique 2), lesquelles représentent à peine 2,74 % de la population totale (tableau 8). La majeure partie des veuves (soit 60,15 %) vivaient à l’intérieur des murs de la ville.

Tableau 8. Les veuves par rapport à la population toulousaine (intra-muros) en 1790

Veuves

Population

nb

 %

nb

 %

La Daurade

151

3,42

4 416

100

St‑Étienne

193

2,22

8 660

100

Le Pont Vieux

29

1,46

1 985

100

La Pierre

72

1,88

3 829

100

Dalbade

156

2,91

5 346

100

St‑Pierre

114

2,89

3 932

100

St‑Barthélemy

76

1,75

4 338

100

St‑Sernin

91

2,63

3 451

100

Total Ville rive droite

882

2,45

35 957

100

St‑Cyprien rive gauche

72

2,76

2 606

100

TOTAL

954

2,47

38 563

100

46Si l’on considère ce qu’il en est par rapport à la population des femmes adultes, on constate que les veuves représentent à peine moins de 10 % des Toulousaines (tableau 9). Ce faisant, en valeurs relatives, on relève une inclination de ces dernières à vivre de préférence aux marges de la cité (cf. faubourg Saint‑Cyprien et ville hors les murs).

Graphique 2. Les veuves par rapport à la population féminine toulousaine en 1790

Graphique 2. Les veuves par rapport à la population féminine toulousaine en 1790

47Si l’on considère plus particulièrement la situation pour la ville intra-muros (tableau 10), la proportion des veuves parmi les populations des différents capitoulats apparaît assez uniforme tant les écarts que l’on enregistre d’un capitoulat à l’autre sont minimes (aux deux extrêmes se distinguent seulement le capitoulat de la Daurade et celui du Pont Vieux).

Graphique 3. Ventilation spatiale des veuves dans l’espace urbain en 1790

Graphique 3. Ventilation spatiale des veuves dans l’espace urbain en 1790

48Cet éclairage général doit cependant être fortement nuancé. En effet, si l’on ne tient compte que des seules veuves (graphique 3) ou si l’on considère ces veuves par rapport aux populations féminines adultes des différents capitoulats (graphique 4), l’inégale distribution des veuves dans l’espace urbain se fait à nouveau jour. Si l’on met en regard ces différents éclairages, on retrouve le sentiment de confusion déjà éprouvé lors de l’analyse de la capitation de 1695.

49

Graphique 4. Les veuves par rapport à la population féminine adulte vivant intra-muros en 1790

Graphique 4. Les veuves par rapport à la population féminine adulte vivant intra-muros en 1790

Tableau 9. Hiérarchie de la ventilation spatiale des veuves selon différents critères en 1790

Capitoulats

Veuves seules I

Veuves/total population II

Veuves/pop. féminine III

La Daurade

3

1

1

St‑Étienne

1

6

6

Le Pont Vieux

8

9

9

La Pierre

7

7

7

La Dalbade

2

2

5

St‑Pierre

4

3

3

St‑Barthélemy

6

8

8

St‑Sernin

5

5

4

St‑Cyprien

7

4

2

50Pour tenter de clarifier la situation, on a reporté dans le tableau 9 la hiérarchie de la présence des veuves selon les différents capitoulats en fonction des divers paramètres dont on dispose (d’après les données relatives des graphiques 2, 3 et 4). Deux grands enseignements se dégagent. Tout d’abord, l’on ne peut manquer de relever que le poids des veuves dans le capitoulat de Saint‑Étienne (le plus peuplé de la ville et celui où les veuves sont les plus nombreuses) apparaît faible, constat qui se vérifie aussi, mais c’est moins surprenant, pour les capitoulats de la Pierre et de Saint‑Barthélemy, ainsi que, dans une moindre mesure, à Saint‑Sernin. Inversement, on note une coïncidence des paramètres pour souligner l’importance du poids des veuves dans le capitoulat de la Daurade, puis à Saint‑Cyprien et à la Dalbade et, dans une moindre mesure, à Saint‑Pierre‑des‑Cuisines. Il résulte de ces observations que les capitoulats où le poids des veuves est le plus fort sont tous (à l’exception de celui du Pont‑Vieux) riverains de la Garonne. Tout se passe donc comme si, à mesure qu’on s’éloigne du fleuve vers l’Est, le poids des veuves dans l’espace urbain diminuait. Reste à déterminer ce qui a pesé le plus pour déterminer cette implantation : la proximité de l’eau ou le prix des loyers.

51Observons que le veuvage féminin à la veille de la Révolution se présente sous le jour d’un phénomène à la fois marginal au regard de l’ensemble de la population et assez diffus dans l’espace urbain quoiqu’ayant tendance à se concentrer sur les zones riveraines de la Garonne.

B. Les veuves, de la capitation de 1695 au dénombrement de la population de 1790

52La mise en regard des données tirées de la capitation de 1695 et du dénombrement de 1790 permet de discerner quelques éléments d’évolution relatifs aux veuves qu’il convient cependant de considérer avec circonspection compte tenu des réserves qu’on a déjà pu formuler sur ces sources et leurs informations. De plus, la comparaison qu’on peut établir ne concerne que la ville intra-muros, ce qui limite donc la portée des observations.

53Le premier point qui émerge nettement est le déclin du nombre des veuves. En valeur absolue, on est passé de 1 642 à 954 veuves, soit une baisse de l’effectif de 41,90 %. En 1695, les veuves représentaient 5,54 % de la population citadine, et seulement 2,47 % en 1790. Si l’on se focalise sur la seule population féminine adulte, la baisse est plus vertigineuse puisqu’on est passé de 17,87 % à 8,67 %. Ce phénomène est d’autant plus remarquable qu’il s’inscrit à contre‑courant de plusieurs évolutions démographiques :

  • de l’évolution de la population toulousaine qui enregistre une hausse générale de ses effectifs d’au moins 25 % ;

  • de l’évolution de la population des femmes adultes à Toulouse qui est passée de 9 186 femmes adultes en 1695 (tableau 3) à 10 999 en 1790 (tableau 9), soit une progression de 16,48 % ;

    • 34 B. Maillard, « Les veuves dans la société rurale au XVIIIe siècle », op. cit., p. 211 et 214.

    de l’évolution nationale de la population des veuves. Ainsi Brigitte Maillard a‑t‑elle relevé, d’après le Tableau de la population de la France (...) de l’abbé d’Expilly, qu’en 1778 les veuves représentaient 8,8 % de la population adulte française (les veufs, quant à eux, 5 %) ; et elle observe que « ce pourcentage a dû augmenter dans les décennies 1770 et 1780 marquées par le retour de graves épidémies » et qu’il devait être même bien supérieur dans certaines régions comme dans l’Ouest34.

54À ce jour, ce phénomène est sans équivalent connu dans l’histoire démographique et sociale des villes occidentales du XVIIIe siècle.

55Cette évolution s’est accompagnée d’une redistribution des domiciliations de veuves dans l’espace urbain. C’est ce que montre bien le tableau 10 qui synthétise les données relatives des différents paramètres dont on dispose pour 1695 et 1790.

Tableau 10. Évolution de la ventilation spatiale des veuves selon la hiérarchie de leur représentation au sein de la ville (intra-muros) 1695-1790

Veuves

Veuves/total population

Veuves/pop. féminine

Capitoulats

1695

1790

1695

1790

1695

1790

La Daurade

6

3

7

1

7

1

St‑Étienne

1

1

3

6

5

6

Le Pont Vieux

9

8

6

9

6

9

La Pierre

7

7

9

7

9

7

La Dalbade

2

2

4

2

4

5

St‑Pierre

3

4

2

3

1

3

St‑Barthélemy

4

6

8

8

8

8

St‑Sernin

5

5

1

5

2

4

St‑Cyprien

8

7

5

4

3

2

56À l’exception du capitoulat Saint‑Barthelémy où le poids de la viduité apparaît relativement stable, on observe partout ailleurs des évolutions importantes. Le poids de la viduité s’est fortement accru dans le capitoulat de la Daurade, le phénomène étant plus faible pour celui de la Pierre alors que l’on n’enregistre qu’une faible augmentation pour le faubourg Saint‑Cyprien. On note un déclin très net dans le capitoulat du Pont Vieux, phénomène qui s’observe aussi, quoique dans de moindres proportions, pour les capitoulats de Saint‑Sernin, Saint‑Étienne et Saint‑Pierre‑des‑Cuisines.

57Celle nouvelle ventilation apparaît globalement en phase avec l’évolution générale de la population toulousaine dans l’espace urbain. Cette dernière se caractérise par un premier mouvement qui voit la Cité et le faubourg Saint‑Michel perdre des habitants, alors que la population du Bourg mais aussi du faubourg Saint‑Cyprien augmente notablement, phénomène qui s’accompagne d’une tendance à la concentration de la population vers les berges de la Garonne. Durant le dernier siècle de l’Ancien Régime, on assiste ainsi à un glissement du centre de gravité de la ville s’opérant suivant l’axe de la Garonne, d’amont vers l’aval, et orienté vers l’embouchure du Canal. L’essor de l’activité du canal de Languedoc et les opérations d’urbanisme à la Daurade (quais de la Garonne), de même que le développement des constructions privées expliquent certainement cet essor de la partie nord de la ville, alors que la partie sud pâtit des dévastations des inondations et de la faiblesse des travaux défensifs pour la préserver des dégâts des eaux. Par rapport à cette évolution générale, ce qui distingue les veuves, c’est que leur population a augmenté assez faiblement à Saint‑Cyprien, alors même que ce faubourg, où d’importants travaux d’aménagements furent réalisés, a connu une croissance de près de 41 % de sa population. Ce faisant, l’on ne peut que constater le fait faute de lui trouver de réelle explication.

58En ce qui concerne l’explication du déclin de cette population durant le dernier siècle de l’Ancien Régime – dont il convient de souligner que rien ne permet d’établir que ce fut un mouvement continu et moins encore régulier –, force est de laisser cette question en suspens. En effet, aucune des hypothèses qu’on pourrait envisager (telles la nuptialité et singulièrement le cas des remariages, l’espérance de vie, le statut social, etc.) ne débouche sur une piste probante. Il y a cependant une exception.

  • 35 J. Rives, L’évolution démographique..., op. cit., p. 75-76.

59On est fondé à croire que des modifications se sont produites dans l’importance et la nature des flux migratoires durant la seconde moitié du XVIIIe siècle. À la veille de la Révolution, Jean Rives a observé un tassement général de l’immigration35. Il explique ce phénomène par un déclin de « l’immigration de crise » caractérisé par l’afflux d’indigents à Toulouse en provenance essentiellement du diocèse de Toulouse pendant les périodes difficiles. Cela laisse à penser que l’augmentation de la population était induite par une natalité endogène assez forte. On peut aussi penser que moins de veuves virent dans la ville un « refuge » et le seul espoir de refaire leur vie. Ce qui pourrait signifier que leur condition se serait améliorée dans leur lieu de résidence rural. Il est probable aussi que l’immigration féminine se soit rajeunie durant la seconde moitié du XVIIIe siècle. C’est du moins ce que laisse à penser l’évolution de la population ancillaire qui a eu tendance à se féminiser durant le XVIIIe siècle, féminisation qui reflète une tendance à l’élargissement de l’assiette sociale des employeurs de gens de maison, avant de connaître une spectaculaire inversion de tendance (graphique 5).

Graphique 5. Sex ratio de la domesticité de Toulouse intra-muros (1695-1790)

Graphique 5. Sex ratio de la domesticité de Toulouse intra-muros (1695-1790)
  • 36 Sur l’ensemble de la période considérée, le nombre de femmes entrant au service de particuliers viv (...)

60Le graphique 5 montre que la domesticité masculine est l’élément déterminant des fluctuations de la population ancillaire. La baisse de cette dernière durant la première moitié du XVIIIe siècle apparaît d’abord comme la conséquence de l’effondrement des effectifs masculins (soit ‑ 45,37 %) alors que la domesticité féminine recule elle aussi, mais de façon beaucoup moins importante (‑15,22 %). Entre 1750 et 1770, le groupe masculin continue de décliner (‑197 individus, soit ‑11,23 % par rapport à 1750) alors que, dans le même temps, le groupe féminin augmente de 23,68 %. Si l’on peut alors parler de féminisation de la population ancillaire, il convient de nuancer ce phénomène en observant qu’il est d’abord la résultante du fort recul de la domesticité masculine, et ce faisant, qu’il a été assez limité36. Durant les années 1770‑1790, la tendance se renverse totalement : cette fois, l’augmentation de la population ancillaire est exclusivement imputable aux hommes dans une proportion impressionnante de +83,55 % pendant que le nombre de femmes baisse très sensiblement (‑ 26 individus). Ainsi, loin d’être en passe de devenir une spécialité féminine à Toulouse, le service domestique s’est masculinisé de façon remarquable durant les vingt ans qui ont précédé la Révolution. Atypique pour une ville de province, ce phénomène et son ampleur soulèvent bien des questions – tant en ce qui concerne les domestiques que leurs employeurs – qu’on laissera ici en suspens.

61Quelles qu’en soient les raisons, le déclin de la viduité féminine dans la capitale languedocienne autorise à penser que ce phénomène ne fut pas sans incidences sur le statut et la place de ces femmes dans la société urbaine. Le tout est de déterminer la nature de cette évolution et ses manifestations.

Conclusion

  • 37 Y. Aubry, « Pour une étude du veuvage féminin à l’époque moderne », Histoire, Économies et sociétés(...)

62Pour évident soit‑il aujourd’hui, le premier constat qui s’impose à l’observation est la difficulté qu’on éprouve à cerner les femmes dans la société d’Ancien Régime, et singulièrement les veuves. La résistance qu’oppose un tel sujet tient d’abord aux sources et aux problèmes d’interprétations qu’elles peuvent poser ; elle tient aussi à la nature même du sujet « qui nous place à la croisée de nombreux champs de l’observation historique : histoire matérielle, histoire de la famille de la solitude, de la vieillesse, pour ne citer que les plus évidents... »37. Force est donc de souligner l’importance des zones d’ombres qui subsistent et la multiplicité des questions laissées en suspens.

63Considérés sous l’angle de la viduité, la capitation de 1695 et le dénombrement de 1790 renvoient une image étonnante de cette catégorie de population. En effet, alors qu’on s’attendait à trouver une surreprésentation de ces deux catégories d’individus, c’est au contraire la faiblesse de leurs effectifs et de leur poids relatif dans la population qui ressort dans tous les cas de figure ; il pouvait aussi sembler logique que veufs et veuves enregistrent une augmentation de leurs effectifs dans le sillage d’une population toulousaine en nette croissance dans le courant du XVIIIe siècle. Or, il n’en est rien ; au contraire ils reculent tant en valeurs absolues que relatives. On a vu aussi la multiplicité et l’ampleur des différences de situation et de condition de vie existant entre veufs et veuves mais aussi au sein de la population des veuves. Le monde de la viduité était donc placé à tous égards sous le signe de l’hétérogénéité.

64Au regard de l’état des connaissances sur les veuves sous l’Ancien Régime et singulièrement dans les villes, Toulouse apparaît comme un cas de figure atypique, sinon original (les comparaisons manquent pour établir cette originalité). Cette situation tient d’abord et surtout à la relative faiblesse de la présence de veuves dans la capitale languedocienne, phénomène qui se pose comme une caractéristique de la société toulousaine sur la longue durée. Non seulement la proportion des veuves était basse, alors même qu’elle aurait dû être plus élevée au lendemain de crises de mortalités, mais encore elle est allée en diminuant durant le XVIIIe siècle. En cela Toulouse se distingue comme un cas d’espèce allant à contre‑courant de l’évolution d’une population dont les effectifs augmentaient.

65Les veufs et les veuves sont à classer parmi les composantes originales qui donnaient à l’ancienne société toulousaine sa coloration distinctive. En effet, par rapport à d’autres grandes villes, la capitale languedocienne était peu fréquentée par une série de groupes ou catégories socio‑professionnelles, notamment : la noblesse d’épée, au sommet de l’oligarchie locale ; les domestiques, jardiniers, porteurs d’eau et autres « gens du fleuve » – pour ne citer qu’eux –, au bas de la hiérarchie sociale.

Annexes

Annexe 1. État de la population toulousaine en 1695 et 1790

1695

1790

CAPITOULATS

nb

 %

nb

 %

ville intra-muros

La Daurade

3140

10,6

4416

13,9

St‑Étienne

6067

20,6

8660

22,5

Le Pont Vieux

1552

5,2

1985

5,2

La Pierre

3285

11,1

3829

9,9

La Dalbade

4905

16,5

5346

13,9

St‑Pierre

2558

8,6

3932

10,2

St‑Barthélemy

4 020

13,6

4338

11,3

St‑Sernin

2264

7,6

3451

6,3

Total Ville

27791

93,8

35957

93,2

St‑Cyprien rive dr.

1 852

6,2

2 606

6,8

TOTAL

29643

100

38563

100

ville extra muros (faubourgs et gardiage)

St‑Michel

5663

4777

24,7

St‑Étienne

1164

8 945

46,3

St‑Sernin & St‑Pierre

1507

2257

11,8

St‑Cyprien

 ?

/

3327

17,2

TOTAL

8334

100

19306

100

ville de Toulouse (intra et extra muros)

TOTAL GÉNÉRAL

37977

100

57869

100

Annexe 2. Veuvage, pauvreté et mendicité à Toulouse en 1695

Tableau A. Les veufs pauvres et mendiants par rapport à la population des veufs toulousains (intra-muros) en 1695

Veufs pauvres

Veufs mendiants

Total veufs

CAPITOULATS

nb

%

nb

%

nb

%

La Daurade

6

16,63

3

8,31

41

100

St‑Étienne

20

21,97

2

2,19

91

100

Le Pont Vieux

0

0

2

11,11

18

100

La Pierre

0

0

0

0

32

100

La Dalbade

5

7,57

0

0

66

100

St‑Pierre

4

11,76

0

0

34

100

St‑Barthélemy

4

6,15

1

1,53

65

100

St‑Sernin

0

0

0

0

24

100

TOTAL

39

9,55

8

1,96

408

100

Tableau B. Les veufs pauvres et mendiants à Toulouse (intra-muros) en 1695

Veufs pauvres

Veufs mendiants

Total veufs

CAPITOULATS

nb

 %

nb

 %

nb

 %

La Daurade

6

2,74

3

1,37

219

100

St‑Étienne

20

3,46

2

0,34

577

100

Le Pont Vieux

0

0

2

8

25

100

La Pierre

0

0

0

0

32

100

La Dalbade

5

2,67

0

0

187

100

St‑Pierre

4

2,23

0

0

179

100

St‑Barthélemy

4

1,44

1

0,36

277

100

St‑Sernin

0

0

0

0

94

100

TOTAL

39

2,45

8

0,50

1 590

100

Tableau C. Les veuves pauvres et mendiantes par rapport à la population des veuves toulousaines (intra-muros) en 1695

Veufs pauvres

Veufs mendiants

Total veufs

CAPITOULATS

nb

 %

nb

 %

nb

 %

La Daurade

63

42,56

3

2,02

148

100

St‑Étienne

74

21,20

70

20,05

349

100

Le Pont Vieux

10

13,51

5

6,75

74

100

La Pierre

7

4,82

0

0

145

100

La Dalbade

66

23,74

3

1,07

278

100

St‑Pierre

88

47,05

1

0,53

187

100

St‑Barthélemy

140

78,21

15

8,37

179

100

St‑Sernin

43

24,15

6

3,37

178

100

TOTAL

491

29,90

93

5,66

1 642

100

Tableau D. Les veuves pauvres et mendiantes par rapport à la population pauvre à Toulouse (intra-muros) en 1695

Veufs pauvres

Veufs mendiants

Total veufs

CAPITOULATS

nb

 %

nb

 %

nb

 %

La Daurade

63

28,76

3

1,36

219

100

St‑Étienne

74

12,24

70

12,13

577

100

Le Pont Vieux

10

40

5

20

25

100

La Pierre

7

21,87

0

0

32

100

La Dalbade

66

35,29

3

1,60

187

100

St‑Pierre

88

49,16

1

0,55

179

100

St‑Barthélemy

140

50,54

15

5,41

277

100

St‑Sernin

43

45,74

6

6,38

94

100

TOTAL

491

30,88

93

5,85

1 590

100

Annexe 3. Les divisions administratives de l’espace toulousain (capitoulats et paroisses)

CAPITOULATS

PAROISSES

I La Daurade

1 Saint-Etienne

II Saint-Etienne

2 La Dalbade

III Le Pont-Vieux

3 Notre-Dame-du-Taur

IV La Pierre-Saint-Géraud

4 Saint-Sernin

V La Dalbade

5 Saint-Pierre-des-Cuisines

VI Saint-Pierre-des-Cuisines

6 La Daurade

VII Saint-Barthélemy

7 Saint-Nicolas

VIII Saint-Sernin

8 Saint-Michel

Notes

1 Voir essentiellement : S. Beauvalet-Boutouyrie, Être veuve sous l’Ancien Régime, Paris, Belin, 2001 ; N. Pellegrin et C.H. Winn (dir.), Veufs, veuves et veuvage dans la France d’Ancien Régime. Actes du colloque de Poitiers, 11-12 juin 1998, Paris, H. Champion, 2003.

2 S. Beauvalet-Boutouyrie, « La femme seule à l’époque moderne : une histoire qui reste à écrire », Annales de Démographie Historique, 2000, no 2, p. 136 ; Y. Aubry, « Pour une étude du veuvage féminin à l’époque moderne », Histoire, Économies et sociétés, 1989, no 2, p. 223-236.

3 B. Maillard, « Les veuves dans la société rurale au XVIIIe siècle », Annales B.P.O., t. CVI, 1999, no 1, p. 215. Pour l’époque contemporaine, voir les éclairages de J.-P. Barrière, « Les veuves dans la ville en France au XIXe siècle : images, rôles, types sociaux », Annales B.P.O., t. CXIV, 2007, no 3, p. 169-174.

4 Voir J.-L. Laffont, Policer la ville. Toulouse, capitale provinciale au siècle des Lumières, Thèse, Histoire, Université de Toulouse-Le Mirail [désormais : UTM], 1997, 3 vol. 

5 Attirons plus particulièrement l’attention sur les travaux de C. Dousset, notamment : « Veuvage féminin et patrimoine : l’exemple du Midi toulousain sous l’Ancien Régime », in M. Bertrand (dir.), Pouvoirs de la famille, familles de pouvoir, Toulouse, CNRS-UTM, 2005, p. 53-63 ; « Des veuves spoliées ? Conflits familiaux et justice civile dans le Midi de la France. XVIIe-XVIIIe siècles », in B. Garnot (dir.), Justice et argent. Les crimes et les peines pécuniaires du XIIIe au XXIe siècle, Dijon, EUD, 2005, p. 53-63.

6 Sur cette question, voir notre article « Relecture critique de l’évolution de la population toulousaine sous l’Ancien Régime », Histoire, Économie, Sociétés, t. XVII, 1998, no 3, p. 455-478. Nous renvoyons à cette publication pour une présentation plus détaillée de la capitation de 1695 et du recensement de 1790.

7 J.-L. LAFFONT, « Toulouse et ses territoires suburbains au siècle des Lumières », in M.-C. Marandet (dir.), La ville et le plat pays, XIIIe-XVIIIe siècles, Actes du colloque international du CRHiSM, Université de Perpignan Via Domitia, 14- 15 juin 2013, Perpignan, PUP, 2016, p. 333-354.

8 C’est-à-dire la banlieue de la ville, correspondant à la juridiction des capitouls qui s’étendait dans un rayon de 20 km autour de la ville.

9 Ce qu’illustre le cas des domestiques : J.-L. Laffont, « Les domestiques dans la ville. Le cas de Toulouse sous l’Ancien Régime », in B. Bernard et X. Stevens (dir.), La domesticité au siècle des Lumières. Une approche comparative, Actes de la table ronde tenue dans le cadre du XIIe Congrès International des Lumières, Montpellier, 9-15 juillet 2007, Bruxelles, Archives et bibliothèques de Belgique, no spécial 86, 2009, p. 131.

10 R. Senot, Toulouse en 1695 d’après la capitation. Mémoire de maîtrise d’Histoire, UTM, 1985 (un double de son fichier de dépouillement de la capitation est conservé aux Archives municipales de Toulouse [désormais : Arch. mun. Toulouse] où il peut être consulté) ; A.-L. Bajol, Les veuves à Toulouse à la fin du XVIIe siècle. Mémoire de maîtrise d’Histoire, U.T.M., 1998 ; I. CAUBET, La « famille » à Toulouse en 1695 (d’après les registres de la capitation). Mémoire de maîtrise d’Histoire, UTM, 1993 ; ces données sont reprises dans sa thèse : Approches démographiques et sociales des ménages toulousains de 1695 à 1790. Thèse, Histoire, UTM, 1999, 3 vol. Ayant pu éprouver la fiabilité du travail de R. Senot d’après son fichier de dépouillement, nous avons pris le parti de nous en tenir à ce dernier.

11 Le Haut et le Bas-Languedoc furent tout aussi durement frappés. L’évolution et l’impact de cette crise de subsistance dans la capitale languedocienne sont bien connus. Toulouse se remettait de la forte poussée de surmortalité de 1684, lorsque, en 1691, l’on enregistra une importante augmentation des prix des céréales, conséquence de mauvaises conditions climatiques. La situation ne cessa de se dégrader et atteint son paroxysme en 1694, après un hiver 1693-1694 particulièrement rigoureux qui ponctuait une année particulièrement stérile. Pour cette année, en effet, outre une gravissime révolte populaire, l’on enregistre une très forte poussée du nombre de décès : au total 3 357 morts. Indiquons que la moyenne annuelle des décès pendant la période 1650-1700 est de 1 683. B. Bonnery, L’évolution démographique toulousaine de 1650 à 1700, DES de Lettres, Faculté des lettres de Toulouse, 1967, p. 96.

12 Voir, par exemple : M. Baulant, « La famille en miettes : sur un aspect de la démographie du XVIIe siècle », Annales E.S.C., t. XXVII, 1972, nos 4-5, p. 960 n. 9.

13 Pour ces derniers, il faut déduire leur situation maritale de la présence dans leur foyer d’enfant(s) à leur charge sans précision de l’existence de leur épouse. Se pose donc le problème des veufs sans enfant ou dont les enfants ne résidaient pas dans le foyer paternel qui se confondent avec les célibataires sans qu’il soit possible de les différencier. Pour tenter de se rapprocher de ce que devait être la réalité, on peut faire une estimation grossière sur la base des 903 hommes célibataires apparaissant dans la capitation, lesquels représentent 3,04 % de la population toulousaine vivant intra-muros et 10,27 % de la population masculine adulte. Si l’on admet que la moitié de ces hommes étaient veufs (hypothèse d’école, faute de mieux), on aboutit à ce résultat : veufs et veuves représenteraient 8,44 % de la population totale (intra-muros) et 13,93 % de la population adulte.

14 Si l’on ne tient pas compte de la population ecclésiastique (877 hommes et 510 femmes), la sex ratio est sensiblement identique puisque le rapport est alors de 47,72 % pour les hommes et 52,28 % pour les femmes.

15 « Rappelons quelques chiffres : Aix compte 13.626 habitants du sexe féminin, pour 12.956 masles » (cf. La ville d’Aix en 1695. Structure urbaine et société. Thèse de 3e cycle d’Histoire, Faculté des Lettres et Sciences Humaines d’Aix, 1970, 2 vol. , t. II, p. 999). Les femmes représentent donc 51,26 % de la population aixoise et les hommes, 48,74 %.

16 Voir B. Bonnery, La population de Toulouse, 1650-1700, op. cit., p. 53-56 ; J. Rives, L’évolution démographique de Toulouse, de 1750 à 1789. D.E.S. de Lettres, Faculté de Toulouse, 1966, p. 18-21 ; A. VoJtowic-Fonvielle, L’évolution démographique de Toulouse, de 1700 à 1749, D.E.S. de Lettres, Faculté de Toulouse, 1966, p. 45-46. Pour prolonger et mettre en perspective les résultats toulousains qui se fondent sur des dénombrements et non des reconstitutions de lignées, voir H. Gutierrez et J. Houdaille, « La mortalité maternelle en France au XVIIIe siècle », Population, 1983, no 6, p. 975-994.

17 B. Maillard, « Les veuves dans la société rurale au XVIIIe siècle », op. cit., p. 221. Sur le remariage des veuves, voir, par exemple : M. Baulant, « La famille en miette. Sur un aspect de la démographie du XVIIe siècle », op. cit., p. 960-961 ; F. Lebrun, La vie conjugale sous l’Ancien Régime, PUF, 1975, p. 49 ; M. Segalen, Sociologie de la famille, A. Colin, 1981, p. 32- 33 ; A. Fauve-Chamoux et F. Lebrun, « Le mariage et la famille », Histoire de la population française, op. cit., t. II, p. 316.

18 S. Beauvalet-Boutouyrie, Être veuve sous l’Ancien Régime, op. cit., p. 170.

19 Après diverses fluctuations durant l’époque médiévale, le découpage administratif du territoire communal fut fixé en 1438 et n’évolua plus guère jusqu’à la Révolution. Ignorant les limites des paroisses qui avaient contribué à structurer l’organisation de l’espace toulousain, le caractère arbitraire et apparemment incohérent des limites des capitoulats, lesquelles se prolongent hors les murs de la cité (à la notable exception du capitoulat de la Pierre-Saint-Géraud), ne tenait pas compte de la partition de la ville en deux parties situées de part et d’autre de la Garonne. Ainsi, le faubourg populaire de Saint-Cyprien (correspondant à la paroisse de Saint-Nicolas) était-il partagé entre les deux capitoulats de la Daurade et du Pont Vieux situés sur l’autre rive du fleuve. L’individuation de ce faubourg Saint-Cyprien étant essentielle pour une bonne compréhension des phénomènes qu’on cherche à étudier à l’échelle de la capitale languedocienne, nous l’avons donc introduite dans les tableaux que nous présentons dans le cadre de cette étude. Pour ce faire, nous avons simplement cumulé les données mentionnées dans les deux capitoulats de la Daurade et du Pont Vieux.

20 Robert Senot a indiqué dans son analyse de la capitation de 1695 quelle était la proportion des veufs et des veuves au sein des 18 grandes catégories socio-professionnelles composant la population des contribuables qu’il a discerné (ce qui exclut donc le cas des pauvres et des mendiants qui sera considéré ultérieurement). En regroupant ces données et en les classant selon la hiérarchie sociale qui se dégage de l’analyse des côtes d’imposition, on obtient un tableau général de la ventilation de la viduité au sein de la société toulousaine. Indiquons que la présentation des données adoptée par R. Senot ne permet pas de considérer la question d’un point de vue spatial.

21 R. Senot, Toulouse en 1695 d’après la capitation, op. cit., p. 153.

22 Nous nous appuyons ici sur le travail de L. Lavigne (La pauvreté et la mendicité à Toulouse entre 1650 et 1750. Mémoire de maîtrise d’Histoire, UTM, 1991, p. 67-86) qui été amenée à reprendre la capitation de 1695 en développant l’analyse de ce point négligé par R. Senot. Ignorant l’étude de L. Lavigne, K. Durtois a cru devoir refaire l’étude de la mendicité d’après la capitation de 1695 (cf. Mendiants et vagabonds au XVIIe siècle à Toulouse. Mémoire de maîtrise d’Histoire, UTM, 1994, p. 26-36). L’auteur semble être allé bien vite en besogne puisqu’elle n’a recensé que 470 mendiants. Nous n’avons donc pas tenu compte de ce travail aux résultats manifestement erronés. Comme pour le travail précité de R. Senot, la responsabilité du traitement des données tirées de l’étude de L. Lavigne et de leur interprétation nous incombe. Précisons qu’il n’est pas possible de distinguer le faubourg Saint-Cyprien d’après les informations fournies par ce mémoire.

23 Voir l’annexe 2, tableaux A et B.

24 Voir l’annexe 2, tableaux C et D.

25 Précisons que l’absence de données sur le remariage pendant cette période dans les travaux de démographie historique ou les études fondées sur l’exploitation des contrats de mariage ne permet pas de pallier cette carence de l’information en fournissant des indices susceptibles de donner des tendances.

26 J.-L. Laffont, « La police des « étrangers » à Toulouse sous l’Ancien Régime », in M.-C. Blanc-Chaleard, C. Douki, N. Dyonet et V. Milliot (dir.), Police et migrants. France. 1667-1939, Actes du colloque de l’Université d’Orléans, 28-29 octobre 1999, Rennes, PUR, 2001, p. 289-313.

27 Pour qui n’était pas né à Toulouse, le droit d’être réputé « vrai habitant » de la ville et d’avoir ainsi la faculté de jouir légalement des avantages et privilèges liés à cette qualité ne pouvait s’acquérir que par une résidence de cinq années consécutives, à raison d’au moins six mois de présence par an. Les nouveaux venus qui souhaitaient acquérir ce droit héréditaire devaient se présenter en personne au greffe de police de l’Hôtel de ville pour y faire leur déclaration (autrement qualifiée de « soumission ») d’habitanage en produisant des preuves de leur domiciliation attestant qu’ils vivaient bien à Toulouse depuis un lustre. Voir notre thèse pour plus de détails sur cette source et l’état de la documentation (Policer la ville... op. cit., t. II, p. 962-971).

28 Soit une moyenne annuelle absolue de 3,6 lettres. Entre 1705 et 1787, 33 années sont en déficit ; si l’on ne tient compte que des 50 années pour lesquelles l’on a au moins une lettre d’habitanage, la moyenne annuelle absolue des enregistrements s’élève à 6 lettres par an.

29 L’incertitude vient du fait que sept lettres d’habitanage concernent un individu et les membres de sa famille dont le détail n’est jamais donné. Il est probable que dans ce groupe se trouvait un certain nombre d’épouses. Le fait étant invérifiable, nous nous sommes donc abstenu de les comptabiliser dans la rubrique des femmes mariées avec enfant(s) du tableau 8. Ces sept documents sont les suivants : Arch. mun. Toulouse, DD 70. 4 décembre 1731. Le nommé Jean Fabre avec sa famille. DD 70, 23 mai 1732. Arnaud Ollé Lacombe, originaire de Fronton, avec sa famille. DD 70, 30 août 1732. Jacques Bouzignac, originaire d’Albi, avec sa famille. DD 70. 15 avril 1735. Louis Detté, ancien chirurgien du roi d’Espagne, avec sa famille. DD 70. 10 mai 1735. Pierre Caylon, ancien lieutenant d’infanterie dans le régiment de Mgr le Dauphin, originaire de Grisolles, avec sa famille. DD 72, fo 114vo. 8 juin 1780. Rose Victoire La Vaise de la Beaumelle, avec ses enfants, originaire de Mazères, diocèse de Foix. BB 158. 1er juin 1736. Jean de Babus, noble écuyer, capitaine au régiment d’Angoumois, et sa famille.

30 Aujourd’hui dans le département de la Haute-Garonne, chef-lieu de canton, situé à 20 kilomètres de Toulouse.

31 Arch. mun. Toulouse, DD 71, fo 198. Il est probable que le défunt mari appartenait à la famille de Gilles Laurens, l’un des deux notaires de Verfeil alors en activité. L. Maux, Verfeil et son canton. Aperçu historique, économique et anecdotique. Verfeil, 1989, p. 84-85.

32 Aujourd’hui dans le département du Tarn-et-Garonne, arrondissement de Montauban.

33 Arch. mun. Toulouse, DD 72, fo 56vo. Son défunt mari, maître Delpech, était vraisemblablement avocat au Parlement de Toulouse.

34 B. Maillard, « Les veuves dans la société rurale au XVIIIe siècle », op. cit., p. 211 et 214.

35 J. Rives, L’évolution démographique..., op. cit., p. 75-76.

36 Sur l’ensemble de la période considérée, le nombre de femmes entrant au service de particuliers vivant intra-muros n’a progressé que de 3,79 %, évolution somme toute bien modeste.

37 Y. Aubry, « Pour une étude du veuvage féminin à l’époque moderne », Histoire, Économies et sociétés, 1989, no 2, p. 224.

Table des illustrations

Titre Graphique 1. Les variations du nombre de veuves à Toulouse (intra-muros) d’après la capitation de 1695 selon trois études différentes10
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/4712/img-1.jpg
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Titre Tableau 4. Proportion et hiérarchie du veuvage masculin et féminin au sein de la hiérarchie socio-professionnelle de Toulouse en 1695
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/4712/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 96k
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/4712/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 40k
Titre Graphique 2. Les veuves par rapport à la population féminine toulousaine en 1790
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/4712/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 24k
Titre Graphique 3. Ventilation spatiale des veuves dans l’espace urbain en 1790
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/4712/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 24k
Titre Graphique 4. Les veuves par rapport à la population féminine adulte vivant intra-muros en 1790
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/4712/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 32k
Titre Graphique 5. Sex ratio de la domesticité de Toulouse intra-muros (1695-1790)
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/4712/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 32k
URL http://books.openedition.org/pupvd/docannexe/image/4712/img-8.jpg
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