La Chambre de commerce de Montpellier au XVIIIe siècle
p. 21-43
Texte intégral
1Les chambres de commerce créées par l’arrêt du Conseil du 30 août 1701 constituent un cas intéressant pour la réflexion sur les corps intermédiaires. Elles participaient du dispositif qui, avec le Bureau de commerce institué l’année précédente (arrêt du 29 juin 1700), visait à « connaître et procurer tout ce qui pouvait être de plus avantageux au commerce et aux manufactures du royaume »1. L’idée de créer une instance nationale dédiée au commerce ainsi qu’aux manufactures avait traversé tout le siècle précédent, donné lieu à la création de conseils, mais leur existence était restée éphémère2.
2Il ne s’agit pas, ici, de reprendre dans son ensemble la question des chambres de commerce antérieures à la Révolution, inégalement connues en raison de la plus ou moins grande attention dont elles ont fait l’objet et de la documentation très disparate qu’elles ont conservées3. On s’intéressera seulement à la Chambre de Montpellier oubliée jusqu’ici par la recherche, desservie il est vrai par la faiblesse des sources disponibles dont l’essentiel est constitué par quatre registres de délibérations qui ne couvrent pas l’ensemble du siècle4 et par une partie des mémoires dont elle fut la destinataire.
3Moins prestigieuse que d’autres chambres de commerce, elle n’offre pas moins un exemple éclairant à plusieurs égards : sa création ne fut pas acquise d’emblée, mais contribua indirectement à la réhabilitation de la ville ; après des débuts modestes, elle trouva sa place, fut de plus en plus consultée et sollicitée par les négociants et les fabricants de la province en mal d’appuis, noua des relations avec les autres chambres ou corps de commerce du royaume et dépassa la fonction initiale à laquelle elle était destinée.
Création de la Chambre de commerce
Le Languedoc d’abord oublié ?
4La création du Conseil de commerce puis des chambres de commerce constitue un exemple caractéristique des créations institutionnelles de l’Ancien Régime où s’entremêlent souvent la réactivation de projets antérieurs inaboutis ou peu suivis d’effet, une préparation insuffisante qui oblige ultérieurement à des ajustements, des innovations néanmoins et du pragmatisme. L’idée du Conseil de commerce est tout droit issue du Conseil royal de commerce dont Colbert avait obtenu la création en 1664. Pontchartrain père, en 1699, au moment de quitter le Contrôle général des Finances pour la Chancellerie, l’indique clairement dans sa suggestion faite à Louis XIV d’établir un Conseil royal de Commerce « pareil à celui que Votre Majesté forma il y a environ vingt ans sous le ministère de M. Colbert »5. C’était pour lui, qui avec le Contrôle général cumulait le Secrétariat d’État à la Marine et la surintendance des Arts et manufactures, un moyen de pérenniser l’unification de la direction du commerce dont la nécessité se faisait de plus en plus pressante.
5Le nouveau conseil, commission gouvernementale présidée par le contrôleur général des finances, innovait en faisant une place beaucoup plus importante au négoce que son prédécesseur puisqu’il comptait douze négociants représentant les principales villes commerçantes du royaume. Leur rôle restait purement consultatif cependant car, s’ils assistaient aux séances du Conseil, les députés interviendraient seulement lorsqu’ils y seraient invités et ne participeraient pas aux délibérations. Y eut-il un oubli lors de la rédaction de l’arrêt ? Aucune ville du Languedoc ne figurait dans la liste des villes représentées au Conseil de Commerce. Les États de Languedoc, peut-être prévenus par le délégué de la Bourse commune que les marchands de Toulouse entretenaient à Paris6, s’émurent qu’aucune ne fût prévue pour la province7, entreprirent aussitôt des démarches et obtinrent, par un arrêt particulier du Conseil d’État du 7 septembre, que le Languedoc eut un représentant qu’ils désigneraient8. Cette singularité allait interférer dans le processus de création des chambres de commerce.
6De la qualité de l’information dont il disposerait dépendrait l’efficacité du Conseil de Commerce. Pontchartrain, d’ailleurs, avait préconisé la formation de « conseils particuliers de commerce » dans les principales places de commerce du royaume chargés d’examiner les mémoires qu’on leur adresserait et de les transmettre après avis au Contrôle général des Finances. L’arrêt du 30 août 1701 créa effectivement des chambres de commerce dans chacune des « villes de députation ». On voit la difficulté pour le Languedoc : les États avaient obtenu un député au Conseil de Commerce, mais la province n’avait pas de « ville de députation » désignée. Faut-il voir dans cette singularité l’explication de la contradiction que comporte l’arrêt du 30 août 1701 ? Il mentionne Toulouse et Montpellier parmi les villes amenées à être dotées d’une chambre, mais indique par ailleurs que l’assemblée provinciale serait amenée à délibérer sur le choix de la ville ou serait établie la chambre de commerce attribuée au Languedoc. Erreur ou inattention des rédacteurs de l’arrêt ? On en a discuté. Les commissaires du commerce des États, chargés d’examiner la question, ne manquèrent pas de tirer parti de la contradiction et le Languedoc eut deux chambres, l’une à Toulouse, l’autre à Montpellier, dont le ressort ne fut jamais précisément délimité9.
Une chambre dépendante des États de Languedoc ?
7Restait à établir ces chambres. Pour ce faire, soucieux de ne pas brusquer les milieux du négoce toujours soupçonneux à l’égard des initiatives du gouvernement dans le domaine commercial, celui-ci déclara vouloir respecter les usages des places de commerce et laisser les négociants libres de s’organiser comme il leur conviendrait. On ne saurait être plus pragmatique. Effectivement, les corps de commerce ne s’empressèrent pas. Si Lyon et Rouen répondirent rapidement, plus de trois ans s’écoulèrent à Bordeaux avant que se tienne l’assemblée générale des négociants (5 septembre 1704)10, davantage encore à La Rochelle, à Lille et à Bayonne, où la chambre ne fut formée qu’en 1726. Nantes et Saint-Malo restèrent sur la réserve et sans chambre de commerce tout au long du XVIIIe siècle.
8Pour le Languedoc, il n’était pas question, bien évidemment, de rester en retrait. Leurs chambres furent parmi les premières à être érigées11. La patte des États de Languedoc s’aperçoit : les arrêts d’établissement des deux chambres stipulent que le syndic de la province pourrait se trouver à leurs assemblées « quand bon lui semblera »12. Les États, également, et non les corps de commerce ou les municipalités, subviendraient aux frais de fonctionnement des chambres. De plus, à Montpellier, le premier secrétaire de la chambre ne fut autre que Guillaume Lacazin, le propre secrétaire du syndic de la province, une pratique qui se perpétua13.
9En fait, l’influence des États provinciaux était beaucoup plus forte et ne se dissimulait pas. Le choix du député de la province auprès du Conseil de Commerce leur en donna l’occasion. Qui le choisirait et qui choisir ? Un marchand expérimenté, désigné selon quelles modalités ? En faisant en sorte que le Haut et le Bas Languedoc fussent alternativement représentés ? Les États pensèrent que le syndic général de la province en tour auprès de la Cour pourrait remplir la fonction. Un arrêt du Conseil, du 7 août 1703, leur en donna l’autorisation et confirma que la désignation du député lui appartenait. Aussi, quand les chambres de Toulouse et de Montpellier s’avisèrent, en 1705, de prendre une délibération pour revendiquer que c’était à elles, comme aux autres chambres, de désigner de trois en trois ans, alternativement, le député de la province, s’attirèrent-elles une réaction offusquée – le roi fut prié de casser les délibérations – et ce commentaire cinglant :
« Les dites Chambres ne peuvent ignorer l’application que les États ont à soutenir le commerce de la province et à l’augmenter, puisque ce n’est que par leur secours qu’elles ont été établies comme ce n’est que par leur consentement que la province leur accorda six cents livres à chacune pour leurs menues nécessités ; si elles ont cru pouvoir manquer au respect et à la reconnaissance qu’elles doivent à cette Assemblée, il est du moins nécessaire de leur faire connaître que les États ne permettent pas qu’elles prennent des délibérations contraires à celles qu’ils ont déjà prises et qu’elles ne procureront jamais mieux le bien du commerce que lorsqu’elles se conformeront aux délibérations des États »14.
10Les chambres durent s’incliner et le député de la province au Conseil du Commerce, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, fut nommé par les États. Leur préférence alla toujours à la désignation du syndic en tour auprès de la Cour, sûrs de leur connaissance des affaires de la province et de la conformité à leurs vues en matière de commerce, mieux garantie que celle d’un négociant, même expérimenté. Aussi, après l’expérience de négociants – des Gilly, une des dynasties de négociants les plus en vue de la province – les États en revinrent-ils au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle à la formule des syndics généraux en tour. Une solution dont ces derniers voyaient les limites néanmoins : chaque syndic général ne venait à Paris qu’une fois tous les trois ans et n’y restait qu’une partie de l’année ; de plus, les syndics ne possédaient pas forcément toujours les compétences très spécialisées, techniques, que réclamaient nombre de questions examinées au Conseil du Commerce15.
La chambre, composante du rétablissement de Montpellier au début du XVIIIe siècle
11La création de la Chambre de commerce de Montpellier constitue également l’aboutissement d’un long cheminement, inaperçu, qui renvoie à la place occupée par Montpellier sur les bords du golfe du Lion et en Languedoc. Long chemin depuis la création au début du XIIe siècle de « consuls de mer »16 confirmée ultérieurement à plusieurs reprises, mais brutalement remise en cause au XVIIe siècle. Un arrêt du Parlement de Toulouse, consécutif à l’invasion du siège de la juridiction consulaire l’année précédente par les officiers du Présidial, l’avait supprimée en 1626 : un épisode de l’affrontement entre les catholiques et les protestants qui venaient de subir un grave revers à Montpellier avec le siège de la ville par les troupes royales et sa reddition en 1622. Les officiers de justice, restés en majorité catholiques, prenaient ainsi leur revanche sur les marchands « presque tous hugunotz », qui avaient été le fer de lance de la religion réformée à la fin du siècle précédent. Pour eux, la juridiction consulaire n’avait plus de raison d’être depuis la création d’une Bourse commune à Toulouse en 1549.
12Ce coup de force des gens de justice contre la juridiction consulaire est une des premières manifestations de la reconquête catholique à Montpellier qu’ils n’eurent de cesse de soutenir17. Trois quarts de siècle plus tard, ils s’opposaient encore avec la dernière énergie à l’idée de son établissement. Toulouse restait dans les mêmes dispositions, traitait Montpellier de « pas capitale de province », « petite ville sans rivière, peu marchande », dont le négoce n’approchait pas « d’un sixième (celui) fait dans la seule ville de Carcassonne, sans parler des Saptes, Limoux, Castres, Alby... »18. À cette date – 1690 – la situation avait néanmoins sensiblement évolué. La perte de son statut par Montpellier ne présentait pas que des avantages. On le perçut bien lorsque fut lancé le projet de creusement du canal des Deux-Mers et de fondation d’un port à Sète. Des voix s’élevèrent en 1665 aux États de Languedoc pour réclamer le rétablissement de la juridiction consulaire19. Les marchands en profitèrent pour dénoncer l’éloignement de Toulouse, le manque de compétence de sa Bourse en matière de commerce maritime. En 1683 un arrêt du Conseil donna pouvoir à l’intendant d’Aguesseau d’examiner la question. Le caractère officiel donné à sa mission entrait dans une stratégie qui ne dissimulait pas ses intentions : saper la résistance du parti huguenot, déjà affaibli à Montpellier aux trois quarts du XVIIe siècle20.
13Au début de l’année 1691 les choses s’accélèrent. L’intendant Basville se prononce le 2 février pour la création d’une Bourse commune à Montpellier. Un arrêt du Conseil, le 20 mars, l’annonça. Un édit la confirma avant la fin du mois de mai qui lui attribua comme ressort la généralité de Montpellier. Pour le négoce montpelliérain, le rétablissement était éclatant puisque le prieur, les consuls et les assesseurs de la Bourse commune se recruteraient dans le corps des marchands de la ville21. On comprend mieux les intentions du pouvoir lorsqu’on rapproche cette création de la réorganisation des sièges d’Amirauté autour du golfe du Lion décidée par un édit du mois d’avril de la même année. Celui-ci créait deux sièges d’Amirauté supplémentaires, le premier à Collioure pour la province du Roussillon annexé en 1659, le second à Montpellier22. Les Amirautés avaient en charge toutes les affaires maritimes de leur ressort... ce qui, dans la nouvelle Bourse commune, pouvait être l’ancien champ de compétence des consuls de mer. Effectivement, cette juridiction exercée à Sète où résidait le lieutenant général de l’Amirauté prit son essor au XVIIIe siècle, très appréciée car les audiences se tenaient dès que les circonstances le réclamaient.
14La chambre de commerce obtenue par les États de Languedoc consolida encore la position de Montpellier et de son corps de marchands, en dépit de la prévention dont l’accablaient les gens de justice qui ne cessaient de mettre en garde contre le manque de sincérité de beaucoup de nouveaux convertis. Même si les chambres de commerce étaient conçues seulement comme des instruments d’information, ce n’était plus seulement, comme en 1691 pour la création de la Bourse commune, une affaire interne à la ville ou à la province.
15Deux ans plus tard, par des lettres patentes du mois de février 1706, était fondée la Société royale des Sciences de Montpellier que le titre, le privilège et les statuts plaçaient à égalité avec l’Académie des Sciences de Paris. En moins de quinze ans l’ancien bastion calviniste avait connu un retour en grâce spectaculaire.
La Chambre de commerce, organe du grand négoce montpelliérain
Composition et fonctionnement
16Lors du processus de création des chambres de commerce, on voit l’originalité de la situation languedocienne à laquelle contribuèrent « l’oubli » de l’arrêt de 1700 puis « l’imprécision » de celui de 1701 qui avaient conduit les États de Languedoc à placer les deux chambres dans une position de quasi-subordination à leur égard, d’autant qu’ils prenaient en charge le défraiement du député de la province au Conseil de Commerce, les frais de fonctionnement des chambres et la rétribution de leur secrétaire – 600 livres par an (art. XXI). La composition des deux chambres de Toulouse et de Montpellier était identique : elles seraient composées du prieur et des deux consuls en charge de la Bourse de chacune des villes ainsi que de quatre marchands ou négociants faisant ou ayant pratiqué le commerce au moins pendant 10 ans élus, lesquels seraient appelés Députés du commerce (art. I)23. Tous les marchands, en gros ou en détail, nobles ou non nobles, pouvaient être élus députés du commerce (art. II et III). La rotation des charges était prévue : les députés seraient renouvelés tous les deux ans. Un député ne pouvait être prorogé qu’une fois, pour deux années supplémentaires, et se porter à nouveau candidat qu’après un intervalle de quelques années (art. IX et X).
17À Montpellier, à l’instar des autres chambres, même les plus prestigieuses comme celle de Bordeaux24, le fait essentiel était le lien établi avec la juridiction consulaire puisque le prieur et les deux consuls de la Bourse avaient la préséance sur les députés élus et le lieu prévu pour la tenue des réunions de la chambre n’était autre que la maison de la Bourse (art. XII). Une disposition, néanmoins, donnait le pas à la Chambre sur la Bourse commune en matière de jurisprudence commerciale : les parères – il s’agit de consultations de droit commercial sur des situations ou des cas réels ou supposés délicats à trancher –, faits sur la place de la Bourse, n’auraient pas d’autorité dans les affaires de commerce s’ils n’avaient été présentés à la chambre de commerce et approuvés (art. XVIII)25.
18Voici un nouvel organe, solidement encadré, puisque l’intendant de la province pouvait venir assister à ses assemblées, et dans ce cas les présider (art. XIII), comme le syndic de la province on l’a vu, auquel n’était assigné qu’une fonction modeste : recevoir les mémoires qui lui seraient adressés, les examiner, les transmettre avec avis au Contrôleur général des Finances et faire toute proposition jugée utile (art. XVII) : de collecte d’information au niveau régional et d’intermédiaire en quelque sorte au profit de l’administration. Rien n’était dit, ni du député de la province auprès du Conseil de commerce, ni de ce dernier. Ce flou servit les chambres, amenées, au fil du temps, à être saisies des affaires les plus diverses.
19La Chambre fit rapidement connaître son existence aux principales villes de la province, les incita à engager les négociants à lui envoyer leurs plaintes et des mémoires26. Ses débuts furent toutefois extrêmement modestes. L’arrêt de création prévoyait une réunion par semaine (art. XII), le samedi. L’examen des premières délibérations dispense de longs commentaires : à plusieurs reprises, parfois durant un mois à un mois et demi, elles portent : « rien n’a été délibéré »27. Aucune assemblée ne se tenait durant les foires de Pézenas, de Montagnac et de Beaucaire qui rythmaient la vie du négoce du Bas Languedoc. La proximité d’une foire faisait renvoyer les affaires après sa tenue28. De même, les députés ne se réunissaient pas si une fête religieuse tombait un samedi, ni durant la semaine sainte, ou lorsque se tenait une assemblée générale du corps des marchands29. Au cours du siècle, la fréquence des réunions n’augmenta guère : une par mois, voire moins, avec un étiage marqué durant les mois de juillet et août. Mais elle n’était guère plus soutenue ni plus régulière à la chambre de Toulouse30.
Dans la première moitié siècle, la fine fleur du grand négoce
20On le pressentait, ce qui fut installé en 1704 fut moins un organe original qu’un prolongement du corps de commerce de Montpellier, une formation restreinte de sept membres appelés à siéger en Chambre de commerce31. Sans surprise, ne parviennent aux charges de prieur, de consul, et à être députés du commerce que les marchands les plus en vue. La rotation des charges prévue fut effective, mais s’effectua au sein d’un groupe restreint. Sa composition, son recrutement, ainsi que l’évolution du corps des marchands se lisent aisément sur les affiches imprimées chaque année pour faire connaître le nom des membres de la Bourse commune élus ou sortis de charge32.
21Comptaient la réputation du nom, la nature et l’importance de l’activité, l’étendue des relations familiales et commerciales, l’expérience. Pour ce qui regarde les charges de la Bourse, il y avait une véritable carrière des honneurs. On était d’abord choisi comme juge assesseur33, ensuite on accédait au consulat – être second consul avant de devenir premier consul – pour enfin atteindre la première place de prieur. Avoir été consul, prieur surtout, conférait un statut honorifique, amenait à être consulté et appelé à siéger dans des assemblées élargies de la chambre.
22Dans la première moitié du XVIIIe siècle, le corps des marchands, composé de deux centaines de membres, se caractérisait par une hiérarchie très accusée. Au sommet, une poignée d’individus : François Périer marchand de laine, négociant et banquier34, les frères Arnail et Jacques Gilly, les sieurs Marguerit et Angelin, bientôt les Vassal, les plus fortement taxés à la capitation et aux contributions demandées au corps des marchands35. On a là le gotha du négoce naguère identifié et décrit par Guy Chaussinand-Nogaret36. Derrière ces gros brasseurs d’affaires se trouvaient des marchands plus spécialisés : marchands de laine, de toile, de draps et d’étoffes de soie, les contingents les plus fournis du négoce montpelliérain dont l’énoncé des spécialisations dit bien quel était le socle de l’activité de la ville.
23La présence la plus assidue parmi les membres composant la Chambre de commerce durant la première moitié du XVIIIe siècle fut celle des Gilly37. On sait la réussite éclatante de cette lignée issue de Calvisson, village proche de Nîmes, protestante, prolifique, ce qui lui assura la durée38. Les Gilly, présents à Cadix tout au long du XVIIIe siècle, nouent aussi d’étroites relations d’affaires avec les Antilles, sont présents à Paris, étroitement associés à l’aventure de Law puisqu’un fils de Simon I fut actionnaire de la Compagnie de Law et un autre un des directeurs de la compagnie d’Occident, occasion pour eux de spéculer sur les actions avec des membres de la Cour des comptes de Montpellier dont Arnail était conseiller tout en ayant pris la succession du négoce des draps de son père.
24Ces affaires étaient conduites avec des parents et le négoce montpelliérain resté protestant : la maison de commerce de Cadix était gérée avec des beaux-frères, dont un Aribert ; en lien avec leurs trafics antillais, la reprise d’un projet de raffinerie de sucre se fit avec Angelin et Dufau, membres de la R.P.R.39 ; parmi les membres de la Cour des comptes spéculateurs en 1719-1720 se trouvait un Laussel40... Autant de personnalités qui siégèrent à la Chambre de commerce. Il convient aussi de signaler la fonction de député de la province de Languedoc au Conseil de commerce41 exercée par Simon II Gilly et par son neveu Simon Gilly de Nogaret42.
25Le cas des Gilly est exceptionnel, à la fois par l’étendue de leurs affaires et le crédit dont ils jouirent en Languedoc avec le soutien de l’assemblée provinciale et de l’Intendance sans lequel ils n’auraient pu être désignés représentants du Languedoc au Conseil de Commerce. D’autres exemples pourraient être donnés, également remarquables par l’ampleur des affaires et l’appartenance à la religion réformée, ainsi les Sabatier, puissants munitionnaires fournisseurs de l’habillement et de l’armement des troupes, les Mazade dont plusieurs membres avaient gagné Genève après la Révocation, les Vassal d’abord enrichis dans le commerce du sel, ou les Pommier, marchands drapiers de moindre envergure, restés pour cela davantage présents au long du siècle dans le négoce et donc à la Chambre de commerce43.
26Ils illustrent la place acquise par le corps des marchands de Montpellier44, font mieux comprendre le choix des personnalités portées au tribunal de la Bourse commune. La fortune et l’ampleur de leurs affaires les distinguaient, leur type de négoce également. Les marchands de grains, par exemple, n’y paraissent quasiment jamais. Y siégeaient seulement des négociants d’envergure, praticiens expérimentés des contrats de vente, des prêts entre marchands, des effets de commerce, principales sources du contentieux examiné à la Bourse45, ce qui excluait le petit négoce. Les parères soumis à la Chambre dont l’examen demandait d’être versé en droit commercial et les mémoires fouillés rédigés pour les solutionner le démontrent. De fait, si on revient aux exemples cités ci-dessus, eux-mêmes, leurs parents ou leurs associés en affaires se trouvaient en permanence représentés à la Bourse et à la Chambre.
27Ces différents liens mériteraient des investigations plus approfondies, en se remémorant les diatribes lancées avant la création de la Bourse commune par le parti catholique qui la soupçonnait peuplée de convertis opportunistes, restés religionnaires de conviction. Effectivement, les Gilly n’avaient rien abandonné de leurs relations huguenotes. Des gens de la religion figurent fréquemment parmi leurs associés – ainsi dans la société mise sur pieds pour la raffinerie de sucre à Sète46 –, et un homme comme François Périer, prieur de la Bourse en 1719, donc président en titre de la Chambre de commerce, était connu pour recevoir des pasteurs du Désert dans une de ses métairies située aux portes de Montpellier47. Le cas le plus piquant est celui de Simon Gilly de Nogaret : lorsqu’il avait succédé à son oncle comme député du commerce de la province, les États ignoraient qu’il était calviniste et ils n’avaient pas osé le renvoyer par crainte du scandale lorsque cela s’était découvert. Aussi refusèrent-ils que son frère, Gilly de Montaut, le remplace lorsqu’il fut nommé directeur de la compagnie des Indes48.
Dans la seconde moitié du siècle, des négociants de moindre envergure
28Guy Chaussinand-Nogaret l’avait montré : un solide groupe de marchands, issu en partie de la manufacture et de la recette des impôts, s’était dégagé en Languedoc dans le dernier tiers du XVIIe siècle. C’est la première génération parvenue à maturité que l’on retrouve à la Bourse commune et à la Chambre de commerce. Après le milieu du XVIIIe siècle, si l’on y rencontre encore les Vassal, on ne relève plus le nom des Gilly, des Sabatier ou des Mazade. Ils ont gagné d’autres horizons géographiques ou ont quitté le négoce actif pour les offices ou la finance, ainsi les Mazade issus d’Étienne Mazade, époux d’une Sabatier, prieur de la Bourse commune en 1694, député du commerce en 1707 et 1708 en compagnie d’Arnail Gilly49, qui a marié une de ses filles à Laurent-Ignace Joubert, syndic de la province, et dont la famille et la parentèle ont additionné tout au long du XVIIIe siècle les charges de fermiers généraux, de receveurs généraux des finances, de trésoriers de la Bourse des États de Languedoc, de trésoriers généraux du clergé de France.
29Les premiers rôles s’étant effacés, restaient les seconds qui avaient persévéré dans le négoce : les Pommier, marchands de draps, les Farel, marchands toiliers, les Allut marchands de laine qui accèdent à la charge de prieur de la Bourse, ce qu’ils n’avaient pu faire au début du siècle. Était-ce le signe d’un affaiblissement relatif du négoce montpelliérain car ces dernières lignées n’ont pas l’envergure de la génération dominante du premier tiers du siècle ? Parallèlement, un renouvellement se produisit, incarné par les Durand, en pleine ascension au milieu du siècle. Toutes proportions gardées, ceux-ci sont de nouveaux venus à Montpellier. François, le fondateur de la maison, s’installe au début du XVIIIe siècle, Raymond, le fils ainé, invité à participer à une délibération de la chambre en 1754 dont le sujet concernait les futailles de vin50, est élu second consul de la Bourse en 1756, premier consul en 1759, bientôt prieur51. Une ascension rapide qui illustre l’infléchissement des activités marchandes. Les Durand ne prospèrent pas dans la draperie, sont beaucoup plus intéressés par le négoce du vin effectué à Sète, sont moins orientés vers Cadix comme les Gilly, davantage vers Bordeaux, les pêcheries, pas encore par la finance – la place était prise52.
L’émergence d’un nouveau type de « corps intermédiaire »
30Pour le corps des marchands de Montpellier, la création de la Chambre de commerce constituait une opportunité inespérée. Ses meilleurs représentants ne la dédaignèrent pas. Il lui restait à se faire une place, ce qui n’allait pas de soi après la remontrance des États. N’était-ce pas, avant même le début de ses travaux, l’étouffer, en tout cas lui dénier toute autonomie ? La conjoncture, particulièrement morose, aggravée par la pression fiscale et la fermeture des débouchés à cause de la guerre de Succession d’Espagne, n’incitait pas aux prises de risques. Trop récentes, peu nombreuses encore, les chambres de commerce n’avaient également guère eu le temps de nouer des relations.
Une activité lente à se dessiner
31Jusqu’à la fin du règne de Louis XIV, l’activité de la Chambre de commerce se résume à peu de chose. Ses réunions ne sont guère consacrées qu’à l’examen d’arrêts du Conseil sur la petite draperie53, l’huile employée pour la fabrication des draps, le vin et les eaux-de-vie. Ce n’est pas anodin néanmoins : la draperie, les vins et les eaux-de-vie étaient les deux principaux secteurs d’activité exportateurs de la généralité de Montpellier ; le second encore à ses balbutiements. La production de mémoires fut réduite. Le premier, semble-t-il, adressé au Contrôleur général des Finances en 1713, porta sur le commerce des soies de la province et l’avantage qu’il y aurait à empêcher l’entrée de soies concurrentes par le port de Saint-Malo54. De même, elle ne fut sollicitée que de rares fois par les intérêts languedociens : les plaintes et les requêtes qu’on lui adressa se comptent sur les doigts de la main, portent sur des questions mineures – embarras pour la navigation sur le canal des Deux-mers, fraudes sur le vert-de-gris, etc. –, et émanent principalement de marchands de Montpellier même ou de son environnement immédiat.
32Sans être spectaculaires, des infléchissements s’aperçoivent à partir du début de la Régence, effet probablement d’un climat des affaires moins sombre que précédemment : des relations se nouent entre chambres de commerce à titre d’information puis en vue d’interventions concertées, début d’échanges transversaux qui se renforceront au cours du siècle ; une méthode de travail s’esquisse avec l’ouverture des assemblées de la chambre à des membres extérieurs invités – anciens prieurs de la Bourse, consuls ou députés du commerce, voire professionnels concernés par les sujets examinés – lorsqu’un avis ou une réponse devait être fourni au Conseil de commerce ou au Contrôleur général des Finances. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, le 14 avril 1717, plusieurs marchands drapiers et des négociants ainsi que des maîtres teinturiers de Montpellier furent conviés afin de répondre à la lettre envoyée par le commissaire du commerce Béchamel de Nointel, transmise par l’intendant Basville, qui demandait des éclaircissements sur la teinture en noir de différentes étoffes55. Les membres de la chambre s’attachaient ainsi à ne pas être considérés comme l’émanation étroite du seul corps des marchands de Montpellier.
33Le registre des délibérations de la chambre de la période 1720-1740 ne nous est pas parvenu. Entre-temps son activité est devenue beaucoup plus soutenue. Elle s’accroit encore après 1745. L’éventail des questions sur lesquelles elle intervient s’élargit, elle produit davantage de mémoires, est sollicitée fréquemment par des négociants, des corps de métiers et des fabricants de la généralité de Montpellier ainsi que du Haut Languedoc, entretient des contacts réguliers avec les autres chambres de commerce du royaume, les députés de la province au Conseil de commerce, le Contrôleur général, le syndic général des États et l’intendant. A joué l’essor des trafics commerciaux, davantage encore l’investissement croissant des États dans tout ce qui touchait à l’économie de la province, également la dissipation des préventions à l’égard de la chambre dont on percevait désormais mieux le rôle de relais qu’elle remplissait et le bénéfice à tirer d’un avis positif de sa part.
34Nouveauté, à partir de 1740 : l’examen de plus en plus fréquent de parères, dont on se rappelle qu’ils codifiaient et validaient des usages commerciaux concernant les lettres de change, les billets à ordre..., leur circulation et leur acceptation. 70 sont examinés entre 1740 et 1774, dont plus de la moitié au cours de la dernière décennie d’observation. Ceci correspond à une tendance générale. Il en est beaucoup plus fait mention également dans les délibérations des autres chambres à partir du milieu de la décennie 1740-1749. Le nombre de mentions peut être considéré comme un indicateur de l’importance respective des places commerciales. La Chambre de Toulouse se prononce sur près de 200 parères entre 1721 et 1780, celle de Bordeaux sur un nombre beaucoup plus considérable56. Il témoigne aussi de la densification des relations entre chambres et de l’effort d’harmonisation, par le négoce, de ses pratiques commerciales.
35Sans surprise, la suppression, de fait, du député de la province au Conseil du Commerce avec l’exercice de la fonction par le syndic général en tour, ne fut pas sans incidence sur le fonctionnement de la chambre. En effet, on la voit de plus en plus fréquemment sollicitée pour avis par l’intendant et les syndics généraux et elle-même n’adresser ses conclusions qu’à ces derniers. À se demander si elle ne se transforma pas en un collège d’experts au service de l’Intendance et des États, ce qui permet de nuancer le scepticisme des syndics généraux sur leur assistance aux séances du Conseil du Commerce. En effet, les avis sur nombre de questions examinées nourrissent les décisions des États et se retrouvent dans les cahiers de doléances portés au souverain après la session annuelle des États : une voie beaucoup plus directe que celle du Conseil de Commerce.
Les principaux champs d’action et d’intervention de la chambre
36Si l’éventail des sujets examinés par la Chambre de Montpellier s’élargit au cours du XVIIIe siècle, un petit nombre dominent nettement. L’emporte de loin tout ce qui a trait aux draps et aux différentes étoffes produits en Languedoc, depuis l’approvisionnement en laine, la fabrication, le contrôle de la qualité des produits, le négoce via Marseille, jusqu’au débit dans les échelles du Levant. Viennent ensuite les vins et les eaux-de-vie pour les droits qu’ils supportaient et les tonneaux dans lesquels on les expédiait, les canaux projetés et le port de Sète auquel on peut ajouter la fabrication du vert-de-gris, une spécialité de Montpellier et des localités qui l’entouraient. Trois domaines représentatifs des positions prises par la chambre et du rôle qu’elle fut amenée à jouer.
37Le premier rang occupé par le secteur textile s’explique par son importance dans l’économie de la province, l’implication directe de nombre de membres de la chambre et l’intérêt que lui portaient les États de Languedoc et le Conseil de Commerce57. Au moment de sa création ce secteur était déjà développé, structuré, strictement réglementé. Elle n’était guère en situation de prendre des initiatives. À travers lui, néanmoins, on aperçoit l’évolution de ses champs d’intervention, nettement perceptible à partir de la décennie 1730. Elle fut en effet de plus en plus fréquemment sollicitée pour donner son avis sur des projets de règlement : un effet des efforts de diversification des tissus fabriqués et de l’introduction de nouveaux procédés. Ainsi, en 1747, celui pour la fabrication de toiles dans le diocèse d’Albi rédigé par l’inspecteur des manufactures Lamazurier. L’intendant le communiqua pour avis à la Chambre de commerce. Après examen, celle-ci suggéra quelques modifications et engagea une correspondance avec les fabricants d’Albi58. Ce processus associant des techniciens, l’Intendance, la chambre et les fabricants se répéta à plusieurs reprises59. Fait à noter, le diocèse d’Albi, situé en Haut Languedoc, ne faisait pas initialement partie de l’aire de compétence de la Chambre de Montpellier.
38Les marchands-fabricants produisant pour le Levant, même du Haut Languedoc, s’adressaient de préférence à elle plutôt qu’à la Chambre de Toulouse, en particulier lorsque des difficultés surgissaient à propos de la qualité des draps, que ce soit au départ des jurandes ou à Marseille, situation beaucoup plus problématique dans ce cas car les draps avaient passé avec succès l’épreuve du bureau de contrôle de Montpellier. La chambre était alors appelée à la rescousse afin de dénouer des situations difficiles et d’utiliser son crédit auprès du Contrôle général, une fonction d’intercession et de recours qu’elle ne dédaigna pas exercer. Dans un cas de ce type, pour des draps arrêtés à Marseille, on la voit même consultée sur un projet d’arrêt préparé pour régler une situation délicate60. Sans donner trop d’importance à ce type de sollicitation, il témoigne de la place conquise par la Chambre de commerce, qui dépasse sa simple fonction d’information qu’on lui assignait ou à consulter nécessairement. Cela se savait, encourageait les demandes d’intervention et de médiation. On l’aperçoit après la fin de la guerre de Sept Ans quand des marchands fabricants déjà présents sur le marché du Canada se tournent vers elle pour les aider à rentrer dans leurs fonds61. Bien sûr, à propos des draps, la chambre n’eut de cesse de dénoncer les privilèges de Marseille, de réclamer le droit d’expédier par Sète directement vers le Levant, mais aussi d’accueillir favorablement les plaintes élevées contre la rigidité des règlements, ainsi celles des marchands et fabricants d’étoffes de soie de Nîmes qui réclamaient en 1755 qu’il leur fût permis d’imiter les étoffes venues des Indes ou des pays étrangers et d’employer de nouvelles teintures, autant de choses que les étrangers, soumis à moins de règlements, ne se privaient pas de faire pour les concurrencer victorieusement62.
39Les eaux-de-vie et les vins, peu réglementés, sans tradition d’exportation, constituaient un nouveau champ d’activité dont l’émergence, effet de la fondation du port de Sète, coïncide à peu près avec la création de la chambre63. La première intervention notable porta sur la qualité des eaux-de-vie, médiocre et inconstante aux yeux des Nordiques qui en étaient les principaux demandeurs à Sète. À défaut de spécialistes dans la province, la Chambre de Montpellier élabora en 1725 un projet de règlement soumis pour avis et observations éventuelles aux négociants, aux tonneliers, aux habitants des principaux lieux de production d’eau-de-vie, avant qu’il ne soit transmis au Conseil de Commerce64. La question était plus complexe qu’il ne paraît au premier abord car elle engageait le transport des produits jusqu’à leur transbordement sur les bateaux, la qualité des tonneaux, le degré de responsabilité des différents intermédiaires, les contrôles à faire pour prévenir les fraudes, la place et la rémunération des courtiers, etc. Sur ces différents points, la chambre fut très active. La difficulté principale venait de la jauge et de la qualité des tonneaux. L’arrêt de 1729 imposait des contenances de 3, 4, 8 barraux65. Or la Côte du Rhône, par manque de bois de qualité à proximité, recevait la quasi-totalité des fûts dont elle avait besoin du Lyonnais fabriqués à la jauge de 5 barraux comme en Bourgogne. En 1744 l’intendant imposa la jauge de Bordeaux et l’estampille du maître jaugeur de Montpellier. On comprend pourquoi : les exportations de vin et d’eau-de-vie, s’effectuant essentiellement en direction de l’Atlantique, les négociants réclamaient l’uniformité des tonneaux pour la facilité du négoce et de l’équilibrage de leurs cargaisons. La chambre, proche des intérêts du négoce et de Sète, soutint fermement l’inspecteur chargé de faire respecter la réglementation, avec beaucoup de difficulté cependant car les gens de la Côte du Rhône, par absence de fabrication sur place, continuèrent à être tributaires des futailles qu’on leur livrait. En 1788, malgré des incidents et des condamnations répétés, la question n’était pas réglée : la chambre, examinant les moyens d’améliorer le débit des vins, réclamait encore le logement de tous les vins « dans des barriques dites à la bordelaise » et l’abandon des tonneaux en bois de châtaigner dont on se plaignait jusqu’à Saint-Pétersbourg dans la Baltique66.
40Dans ce domaine, la chambre œuvra en faveur de l’établissement de normes, seules susceptibles d’instaurer la confiance des acteurs du négoce et de favoriser les expéditions de vin et d’eau-de-vie. Cela ne l’empêcha pas d’ailleurs, au contraire, d’agir contre la concurrence de nouveaux alcools, comme l’eau-de-vie de sucre – le tafia – au cours de la décennie 1750, puis le cidre et de poiré dont la Normandie et la Bretagne demandaient la libre exportation67. Autant, sinon davantage que la draperie, le secteur du vin et des eaux-de-vie illustre la ligne de conduite de la Chambre de Montpellier. En matière de normes et de liberté du commerce : nécessité d’une réglementation afin de préserver la qualité à condition qu’elle ne soit pas étouffante ; lutte contre les privilèges, de Marseille pour le commerce du Levant et de Bordeaux pour les expéditions de vin par le canal des Deux-Mers et la Garonne ; mais hostilité à la liberté du commerce lorsque celle-ci risquait de menacer des productions de la province : d’importations venues de l’extérieur, même s’il s’agissait de colonies, et d’exportations de nouveaux produits qui se posaient en concurrents redoutables. Ce qui amena la chambre de commerce à louvoyer entre des alliances circonstancielles : hostile à Bordeaux favorable à l’introduction des tafias, elle unit sa voix à la Chambre de Guienne, avec La Rochelle et Bayonne, pour s’opposer à la libre exportation du cidre et du poiré68.
41Sète, la navigation et la mer, touchaient de beaucoup plus près les intérêts de Montpellier. Pour les projets de canaux qu’on lui demanda d’appuyer, la doctrine de la chambre, exprimée à l’occasion de la jonction de Narbonne au canal des Deux-Mers qui se heurtait à de puissants intérêts depuis Toulouse jusqu’à Agde et pour laquelle elle se prononça positivement, fut constante : la multiplication des voies d’eau concourrait à la multiplication du commerce69, mais à une condition impérative : qu’il n’y eut ni monopoles ni taxations préjudiciables au trafic. Aussi se montra-t-elle constamment très réservée lorsque des intérêts privés paraissaient l’emporter70.
42Son attitude ne fut cependant pas toujours aussi ferme. Cela a été montré pour d’autres chambres de commerce, sélectivement favorables à la liberté du commerce selon leurs intérêts. Sète constitue un cas d’espèce à cet égard. Le nouveau port, dont l’essor fut lent à se dessiner, eut le plus grand mal à se dégager de l’étouffante tutelle dans laquelle la maintenait le négoce montpelliérain, juge et partie en l’occurrence. La position de la Chambre de Montpellier peut se résumer ainsi : refus de toute émancipation du port qu’elle considérait comme sa chose – l’expression « marine de Montpellier » employée par Louis Dermigny à propos de Sète prend ici tout son sens –, tentatives cependant pour développer ses trafics en agitant l’étendard de la liberté, mais attitude timorée quant aux entreprises maritimes, peu en accord avec ses vœux réitérés de développement des trafics.
43À la demande formulée par des négociants établis à Sète de pouvoir constituer un bureau particulier de commerce habilité à traiter de leurs affaires et à correspondre avec la Chambre de Montpellier, celle-ci répondit par un refus catégorique : les négociants de Montpellier ou leurs correspondants faisaient l’essentiel du trafic et les chambres de commerce existaient seulement dans des villes dotées d’une juridiction consulaire. Argument encore plus rédhibitoire : les marchands de Sète ne pouvaient prétendre faire corps puisqu’en vertu d’un privilège de 1673 n’importe qui pouvait s’installer dans la ville71. Cela revenait à dénier toute capacité d’autonomie à Sète, à garder la main sur le port, à parler en son nom, à réclamer pour lui des foires franches à l’instar de Bordeaux, de Toulouse et de Marseille72, le libre trafic avec l’Italie, l’Espagne et bien sûr le Levant, plus tard l’Amérique avec l’obtention du statut de port franc73.
44Ces demandes, très partiellement satisfaites, ne doivent pas laisser croire à un dynamisme du négoce montpelliérain à Sète. Pour preuve, le mémoire rédigé par la Chambre de commerce en 1765 sur le commerce du Nord. Au lendemain de la guerre de Sept Ans, une réflexion s’engagea pour voir comment compenser les pertes de trafic consécutives aux abandons du traité de Paris. Une liaison directe avec le Nord à partir de Sète dont la principale activité consistait en expéditions d’eaux-de-vie et de vins vers la mer du Nord et la Baltique assurées pour l’essentiel par des Nordiques pouvait se concevoir. La Chambre n’adhéra pas, fit valoir qu’il serait ruineux d’armer des bateaux, de payer des équipages, d’affronter une des mers les plus redoutables qui soit, surtout de se confronter sur place avec des négociants ligués pour décourager toute concurrence. De plus, il n’était pas sûr de disposer des retours qui rendraient les voyages lucratifs. En bref, se borner à un commerce passif, de commission, sans risques, était infiniment plus profitable74. On comprend mieux pourquoi aucun armement d’envergure ne se développa à Sète au XVIIIe siècle. Plusieurs négociants, il est vrai, préféraient investir à Saint-Malo, Bordeaux ou Marseille. À la fin du siècle, portée par l’engouement du Languedoc en faveur des Treize colonies, la réticence de la Chambre à l’égard de l’Amérique fut moindre75. Des vaisseaux partirent de Sète, mais les débuts furent mitigés, notamment parce que les Marseillais, peu satisfaits de voir une concurrence éventuelle se lever, mirent sur le marché de grosses quantités de tabac – un des retours possibles d’Amérique.
La Chambre de commerce : un type nouveau de « corps intermédiaire »
45En dépit de ses débuts prudents, la Chambre de commerce de Montpellier était donc parvenue à se faire une place en Languedoc. Redisons la singularité de sa position due aux circonstances de sa création, davantage marquée encore qu’à Toulouse à cause de sa proximité avec l’Intendance et des liens entretenus par les principales figures du négoce montpelliérain avec les officiers de la province.
46À l’examen, même si cet aspect a été peu souligné jusqu’ici76, elle présente comme ses homologues nombre de traits distinctifs que l’on reconnaît aux corps intermédiaires. Le principe de la création des chambres de commerce est en effet annoncé par un arrêt du Conseil. Chaque chambre fait l’objet d’un arrêt particulier qui en dresse les statuts. Même si ces derniers circonscrivaient strictement leur capacité d’intervention puisqu’elles étaient placées sous la tutelle de l’intendant et ne transmettaient leurs observations qu’au Contrôleur général des Finances, elles devinrent bien un corps au sens où on l’entendait durant l’Ancien Régime, et même un « corps intermédiaire » par destination, au sens littéral du terme, puisque telle était la fonction qu’on leur assignait : collecter l’information, l’examiner, la transmettre au Contrôleur général des Finances. Sur ce plan, il s’agissait du premier organe de ce type. Et l’on sait combien la compétence, la capacité à produire des expertises spécifiques est un des fondements de la création des corps intermédiaires77.
47L’activité des chambres, au fil des ans, répondit à cette attente, avec des différences d’une chambre à l’autre. Celles de Bordeaux et de La Rochelle par exemple se préoccupèrent davantage de l’intérêt des ports et du commerce maritime que des intérêts du reste de leur circonscription. En Languedoc, il en fut différemment. Montpellier, d’une part, n’avait pas dans la province un poids économique comparable à celui des ports atlantiques. D’autre part, l’assemblée provinciale mena le jeu, autant que les marchands de la ville. Ceci ne fut pas étranger aux demandes d’expertise à partir « du bas » – les mémoires ou les revendications de particuliers, de fabricants ou de corps de marchands... –, et depuis le « haut » – le Contrôleur général des Finances, l’intendant, les officiers des États. Tout ce qui réclamait un examen et un avis informé dans ses principaux champs de compétence lui fut transmis, ce qui lui fit devenir un rouage déterminant de la conduite de l’économie de la province.
48Si elle remplit la fonction d’un corps intermédiaire, la Chambre de commerce en eut aussi le comportement. Forte de ses statuts, elle défendit sa position face à la concurrence éventuelle de nouvelles chambres de commerce dans la généralité, réclamées par Carcassonne et par Nîmes, les deux places principales des fabrications de drap et de soieries, par Béziers aussi, susceptibles de réduire sa circonscription et ses champs d’intervention78. Le négoce de Montpellier, par sa voix, on l’a vu, s’employa efficacement à faire obstacle aux velléités d’émancipation de Sète.
49Mais ce sont les relations établies avec ses homologues, de plus en plus étroites et diversifiées à mesure que le siècle s’avance qui sont les plus originales est à souligner. Les intérêts défendus par les différentes chambres ne coïncidaient pas toujours, voire entraient en conflit. Elles cherchaient néanmoins à s’accorder afin de porter des revendications communes. L’exemple le plus représentatif est celui de la réaction suscitée par la tentative de réforme des justices consulaires avec le retrait à celles-ci de l’examen des faillites et des banqueroutes. Les corps de commerce, très attachés à leur justice, plus rapide et moins onéreuse que la justice ordinaire, vécurent aussi la mesure comme une atteinte portée à leurs prérogatives et à leur indépendance. Une véritable campagne s’engagea, source de correspondances entre toutes les chambres de commerce, les principaux corps de marchands, et d’interventions appuyées auprès des intendants, du Contrôleur général des Finances, du Chancelier79. L’action ne fut pas sans effet : le pouvoir royal, par sa déclaration du 7 avril 1759 relative aux juridictions consulaires, revint sur ses premières intentions.
50Ce type de relations transversales est à mettre en parallèle avec celles que l’on voit se développer à partir du milieu du siècle entre les municipalités et les corps de ville afin de s’informer sur les problèmes qu’elles rencontraient – approvisionnement, prix des denrées, sécurité, aménagements... – sans recourir aux services de l’Intendance, ou, à un autre niveau, entre parlements. Par là, les chambres de commerce acquièrent une autonomie et une influence que ne pouvait imaginer le pouvoir royal qui les avait instituées, distinctes les unes des autres, ce que montre leur création à des dates différentes.
51Elles ne peuvent se comparer aux jurandes, ni aux cours souveraines, ne serait-ce que par leur recrutement fondé sur le renouvellement de leurs membres, mais elles se parent au cours du siècle des attributs et des caractères que l’on reconnaît aux corps intermédiaires contemporains : un statut, un champ d’action et d’intervention, une ligne de conduite commandée par les intérêts de ses mandants, même si son discours est celui de l’intérêt général, la recherche d’une audience et d’une influence qui s’inscrit dans le long terme... etc. Elles en sont une préfiguration alors que d’autres types de corps comme les jurandes sont l’objet d’attaques qui les emporteront.
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Notes de bas de page
1 Article « Conseil de commerce » dans BÉLY (Lucien) dir., 1996, p. 319-320 ; Conseil de commerce et Bureau de commerce (1700-1791), 1900 ; SEURON (Sébastien), 1995 ; VOSGIEN (Sébastien), 2011.
2 SMEDLEY-WEIL (Annette), 1983, p. 473-486.
3 Article « Chambres de commerce » dans BÉLY (Lucien), 1996, p. 224-229 ; BUTEL (Paul), 1988 ; CHINAULT (Jules), 1956 ; FOURNIER (Joseph), 1920 ; RAMBERT (Gaston) dir., 1954, t. IV, p. 78-87 et 301-330 ; DELÉCLUSE (Jacques), 1985 ; GARNAULT (Émile), 1896 ; Chambre de Commerce de Dunkerque, 250e anniversaire, 1950 ; PARISET (M.), 1886 ; WALLON (Henri), 1903 ; LOGIÉ (Paul), 1949.
4 Arch. dép. Hérault (ci-après AD34), C 6958 (1704-1720), C 6959 (1740-1752), C 6960 (1753-1762), C 6961 (1763-1774).
5 BOISLISLE (Arthur Michel de), 1883, p. 463-469.
6 CHINAULT (Jules), 1956, p. 7.
7 Ce qu’ils ne manquèrent pas de rappeler lors de leur session annuelle : cette absence risquait de les empêcher de « défendre ses intérêts, quoyque pourtant il y ait des ports de mer et beaucoup plus de manufactures qu’il n’y ait dans les autres provinces du royaume, et qu’il y eût à combattre tous les jours contre la ville de Bordeaux pour le commerce des vins, contre celle de Lyon pour celle des soyes, et contre la ville de Marseille pour toutes les choses qu’il demandoit pour faire valoir le port de Cette », PV de délibération des États, novembre 1700-janvier 1701.
8 PV de la session des États (séances des 15 décembre 1700 et 3 janvier 1701).
9 CHINAULT (Jules), 1956, p. 10-11.
10 BUTEL (Paul), 1956, p. 7.
11 Arrêt du Conseil du 29 décembre 1703 pour Toulouse, du 15 janvier 1704 pour Montpellier.
12 Article XVI pour la Chambre de Toulouse, XIV pour celle de Montpellier.
13 AD34, C 6962, délibération de la Chambre, 21 juin 1727, Joubert fils réclame pour son secrétaire le même privilège dont avait bénéficié le secrétaire de son père.
14 Session des États, décembre 1705-février 1706, séance du 31 décembre 1705.
15 DURAND (Stéphane), JOUANNA (Arlette) et PÉLAQUIER (Élie), avec le concours de DONNADIEU (Jean-Pierre) et MICHEL (Henri), 2014, p. 307-309.
16 GERMAIN (Alexandre), 1861.
17 CHOLVY (Gérard) dir., 1984, p. 157-223 ; AMALVI (Christian), PECH (Rémy) dir., 2015.
18 Supplique présentée à l’intendant par les officiers royaux de la ville et viguerie de Montpellier, 1690, AD34, C 2754.
19 AD34, C 2754.
20 CHOLVY (Gérard), 1984, p. 190-194 ; CORBIÈRE (Philippe), 1881.
21 MOLINIER-POTENCIER (Sophie), 2007/1, no 17, p. 79-86.
22 LARGUIER (Gilbert), 2014, p. 201-221.
23 Seule différence, pour des questions de préséance : à Toulouse, la mention de la place faite à d’anciens capitouls s’ils entraient à la chambre (art. VI et VII).
24 BUTEL (Paul), 1988, p. 8.
25 Sur les parères : FAURE (André), 1913.
26 AD34, C 6962, réponse des consuls d’Annonay.
27 Ibid., C 6958.
28 Ibid., 4 juillet 1716 : l’examen d’un mémoire est renvoyé après la prochaine foire de Beaucaire ; 22 janvier 1718 : « renvoyé jusqu’au retour de la foire Saint-Hilaire de Montagnac », etc.
29 Ibid., 15 février et 14 mai 1716, 12 mars 1718, 22 avril 1719 (ce jour-là : bureau de direction pour les affaires extraordinaires du corps)...
30 CHINAULT (Jules), 1956, p. 27.
31 Le prieur et les deux consuls de la Bourse et les quatre marchands élus.
32 AD34, C 6966.
33 Des juges assesseurs assistaient les deux consuls. Ils étaient au nombre de 14 en 1728, de 16 en 1735, de 23 en 1759, de 28 en 1785, reflet de l’augmentation de l’effectif du corps des marchands au cours du siècle et de sa diversification.
34 CHAUSSINAND-NOGARET (Guy), 1970, p. 70.
35 AD34, C 6964. Les Marguerit, parmi les plus fortement taxés, ne figurent pas dans les listes de la Bourse commune ou des députés du Commerce. Alliés aux Gilly, leurs affaires sont davantage en Espagne ou dans le Levant.
36 CHAUSSINAND-NOGARET (Guy), 1970.
37 Des Gilly sont membres de la Chambre de commerce, de manière discontinue cependant, entre 1704 et 1759.
38 CHAUSSINAND-NOGARET (Guy), 1970, p. 72-75.
39 DERMIGNY (Louis), 1955, p. 50.
40 Un Laussel est premier consul en 1706, un autre second consul en 1716.
41 Le Conseil de commerce est modifié à plusieurs reprises, il devient Bureau du commerce en 1722. Par commodité on n’emploiera que l’expression Conseil de commerce.
42 Conseil de Commerce..., op. cit., 10 mars 1713, nomination de Simon Gilly, p. 70 ; 22 janvier 1733, nomination de Simon Gilly de Nogaret, p. 206 (il exercera cette charge jusqu’en 1750).
43 Sur ces exemples, CHAUSSINAND-NOGARET (Guy), 1970, p. 222-266.
44 On n’entrera pas ici dans les questions internes du corps : répartition des marchands en deux classes (AD34, 8 B 148), interrogation pour savoir si les marchands parfumeurs (une nouvelle activité) pouvaient être acceptés dans le corps (1717, AD34, C 6963)...
45 Ibid., 8 B 394-433.
46 DERMIGNY (Louis), 1955, p. 50.
47 CHAUSSINAND-NOGARET (Guy), 1970, p. 70, et CORBIÈRE (Philippe), 1881, p. 416.
48 DURAND (Stéphane), JOUANNA (Arlette) et PÉLAQUIER (Élie), 2014, p. 307.
49 Mazade est à nouveau député du commerce en 1713 et 1714, Gilly en 1714 et 1715.
50 AD34, C 6960, fol. 53, 10 juillet 1754.
51 Ibid., C 6966.
52 DERMIGNY (Louis), 1955, p. 16, 40.
53 Par petite draperie on entend les tissus, très variés, fabriqués hors des manufactures royales spécialisées dans la production des draps de qualité exportés vers le Levant.
54 AD34, C 6958, fol. 163-164, 7 octobre 1713 ; suivi peu de temps après par un autre mémoire sur la navigation et le commerce des négociants de Saint-Malo aux Indes orientales et à Macao, fol. 163-166, 31 octobre 1713.
55 AD34, C 6958, fol. 211, 14 avril 1717. Autre exemple, postérieur : les directeurs des manufactures des Saptes, de Cuxac-Cabardès et les députés des corps des fabricants de Carcassonne, de Clermont et de Saint-Chinian sont appelés pour dresser un tableau informé de la fabrication des draps destinés au Levant ainsi que des difficultés d’écoulement qu’elle rencontrait, AD34, C 6959, fol. 126vo-161vo, 12 septembre 1750. Autre exemple : 10 juillet 1754, assemblée élargie à des négociants de vin et d’eau-de-vie à propos de la qualité et de la jauge des futailles, etc.
56 CHINAULT (Jules), 1956 ; FAURE (André), 1913.
57 L’inventaire analytique des procès-verbaux de leurs séances est très éloquent à cet égard, cf. Conseil de commerce..., 1900.
58 AD34, C 6959, fol. 110-115vo, 31 août 1747.
59 Projets de règlement pour les étoffes du Rouergue et du Gévaudan (30 octobre 1750, C 6959), les cordelats de Mazamet (C 6975), la fabrique de Limoux (1752-1753, C 11938), les draps de Lodève destinés aux troupes (1754, C 11939), etc.
60 Comme le renvoi en Languedoc de draps destinés au Levant jugés défectueux, ce qui plaçait les fabricants dans une situation financière difficile, cf. C 6960, fol. 90-92, 8 mars 1755 ; C 6961, fol. 52-52vo, 10 novembre 1764.
61 Ibid., C 6961, fol. 57vo, 27 avril 1765, mémoire présenté par de sr Albert Condé et cie, négociant de Cenne-Monesties, contre un négociant de Québec au Canada auquel il avait envoyé des ballots de draps par Bordeaux. Une sollicitation intéressante, car Albert Condé s’était préalablement adressé à la Chambre de commerce de Toulouse.
62 Ibid., C 6960, 23 août 1755.
63 GAVIGNAUD-FONTAINE (Geneviève) et LARGUIER (Gilbert), 2007, p. 93-96.
64 Texte du projet : AD34, C 6973. L’arrêt du Conseil du 27 septembre 1729 reprend nombre de ses articles, fixe des règles strictes de fabrication des eaux-de-vie et de la vaisselle vinaire.
65 Le barral contenait 53,32 litres.
66 AD34, C 6973, 8 février 1788.
67 En 1764, plusieurs mémoires sont rédigés par la Chambre de commerce sur le sujet, des lettres sont adressées à l’archevêque de Narbonne, président des États, à l’intendant, au Contrôleur général, pour montrer le préjudice que représenterait pour le Languedoc la libre exportation des eaux-de-vie de cidre et de poiré.
68 Ibid., C 6961, 6 juin 1764.
69 Ibid., C 6971, 13 octobre 1751, et LARGUIER (Gilbert), 1996, p. 1031-1054.
70 Canal jusqu’à Lunel (C 6969) ; canal depuis l’étang de Thau jusqu’à Beaucaire avec un prolongement vers Nîmes (26 février 1754, C 6960) ; canal à travers l’étang de Thau (6 novembre 1771, C 6971)... La Chambre de commerce, par contre, fut violemment hostile au projet de relance d’un port à l’îlot du Brescou à Agde qui pouvait mettre Sète en péril (septembre 1752, C 6971).
71 AD34, C 6960, fol. 22-24, 7 juillet 1753.
72 Ibid., C 6960, fol. 84-88, 28 février 1775.
73 Ibid., C 6977.
74 Ibid., C 6961, 4 décembre 1765, fol. 81vo-82 ; 7 décembre 1765, fol. 82 ; 3 janvier 1766, fol. 84-85 ; 10 mars 1766, fol. 91vo-92.
75 Des correspondances en tous sens. En témoigne son mémoire de 1783, A. N., F12 1889, cité par DERMIGNY (Louis), 1955, p. 52-53.
76 Récemment cependant, dans Les corps intermédiaires : concept (s), généalogie et échelles, Histoire, Économie & Société, Époque moderne et contemporaine, 1. 2016, mais de manière allusive, p. 21-22.
77 CHATRIOT (Alain) et LEMERCIER (Claire), « Les corps intermédiaires », 2002, p. 691-698.
78 Demandes de juridictions consulaires de la part de Carcassonne, Béziers, Nîmes. La demande de cette dernière, poussée le plus loin, est rejetée définitivement par l’intendant Saint-Priest en 1767 (C 6967).
79 AD34, C 6960.
Auteur
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Gilbert Larguier
Professeur émérite d’histoire moderne, Université de Perpignan Via Domitia, membre de Medi-Terra, EA 4605 et de l’UMR 7194. Il s’est particulièrement intéressé à la fiscalité, à l’économie, à la société ainsi qu’à l’environnement en Languedoc et en Catalogne dans une perspective comparative et de longue durée (XIIIe-XXe siècle) ; il a publié de nombreux ouvrages et articles sur ces sujets.
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