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Le choix de l'indépendance en Catalogne

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Krystyna Schreiber
, 
Mireia Domènech i Bonet

Les conversations

Option nationale (Québec) : Résister à l’intimidation

Entretien avec les membres Frédéric Dénommé, Viviane Martinova-Croteau, Sol Zanetti

Texte intégral

1Parti politique québécois, créé en 2011, Option Nationale a pour objectif principal de réaliser l’indépendance du Québec. Il mise sur la mobilisation et le militantisme de ses membres pour réaliser sa mission. Ouverte à de larges coalitions, Option Nationale est considérée comme une formation nationaliste-progressiste de centre gauche. Chef du parti depuis octobre 2013, Sol Zanetti est enseignant en philosophie au Campus Notre-Dame-de-Foy. Viviane Martinova-Croteau est la directrice générale d’Option Nationale depuis janvier 2016. Frédéric Dénommé en est militant depuis 2016.

Comment résumeriez-vous la perception générale (média, population…) au Québec du mouvement indépendantiste catalan ?

Les immenses manifestations pour l’indépendance, dépassant le million de personnes à Barcelone lors de ces dernières années, ont attiré l’attention au Québec. Le niveau d’organisation et de mobilisation militante des organisations de la société civile catalane est impressionnant. Pour prendre un exemple, la manifestation du lundi matin 6 février 2017 devant le tribunal où commençait le procès de l’ancien président Artur Mas en est un signe manifeste. Qu’environ 40 000 personnes se déplacent pour un enjeu aussi technique qu’un procès constitutionnel indique que le niveau de compréhension populaire de la crise politique actuelle est très élevé. Ce jour-là, des citoyens venus de partout en Catalogne ont pris congé et se sont levées à l’aube pour venir dans la capitale dénoncer la procédure judiciaire intentée, au fond, contre leur droit à l’autodétermination. Qu’une telle manifestation se soit déroulée dans un climat absolument pacifique est par ailleurs un exploit pour des rassemblements d’une si grande taille.

L’ampleur de l’implication bénévole retient aussi notre attention. Des militants de classes sociales, d’origines ethniques et d’âges très variés consacrent des dizaines d’heures par semaine au militantisme, en plus de leur emploi à temps plein. La parité hommes/femmes semblait également s’être installée tout naturellement dans toutes les sphères militantes et même politiques. Cela indique que ce mouvement social a des racines beaucoup plus profondes et une force bien plus grande que s’il provenait uniquement des partis politiques traditionnels.

Le mouvement indépendantiste catalan nous apparaît comme étant profondément progressiste et démocratique. Les enjeux identitaires ne semblent pas être abordés avec des valeurs conservatrices comme c’est parfois le cas dans certains mouvements nationalistes. Les indépendantistes catalans manifestent une conception très ouverte et inclusive de ce qu’est l’identité catalane.

Par ailleurs, la situation économique de la nation catalane est enviée par les indépendantistes du Québec. Chez nous, on entend dire que la Catalogne est en position de force pour devenir indépendante puisqu’elle est l’une des régions les plus riches d’Espagne. Au Québec, les fédéralistes –c’est-à-dire les personnes favorables au maintien de l’État canadien– prétendent que l’indépendance du Québec nous affaiblirait économiquement, ce qui génère beaucoup de débat.

Je suppose que votre formation politique suit avec attention les événements en Catalogne : quels aspects vous ont davantage marqué ? Quelles différences faites-vous avec le mouvement indépendantiste au Québec ?

Nous sommes très agréablement surpris de la résurgence du mouvement catalan depuis la grande manifestation de septembre 2012. L’appui populaire de 15 % que le mouvement recueillait en 2006 rendait imprévisible pour nous une telle remontée.

Nous sommes également impressionnés par la réussite de sa convergence au niveau des partis politiques. La liste commune de candidatures [Junts pel Sí] aux dernières élections régionales [27 septembre 2015] ainsi que la feuille de route commune pour l’indépendance qui a été élaborée dans les dernières années sont souvent prises en modèles par nos indépendantistes d’ici. Le mouvement québécois est actuellement beaucoup plus divisé. Les trois principaux partis indépendantistes sur la scène provinciale ne s’entendent pas sur la démarche à suivre ni sur le calendrier d’actions devant mener à l’indépendance. De plus, des enjeux idéologiques relevant de l’axe gauche-droite contribuent à polariser les forces indépendantistes.

Les Organisations Unies pour l’Indépendance du Québec (OUI Québec), la plus large organisation indépendantiste de la société civile québécoise, se sont inspirées de l’expérience catalane pour convier les partis indépendantistes à la rédaction d’une feuille de route vers l’indépendance. Toutefois, cette démarche démarrée en 2016 est présentement « sur la glace ».

Une autre différence entre les mouvements québécois et catalan, c’est que le Québec a connu deux référendums sur sa souveraineté en 1980 (où le « oui » avait obtenu 40 % des voix) et en 1995 (où le « oui » a récolté 49,4 % des suffrages). Les souverainistes ayant milité lors de ces deux référendums perdus ont aujourd’hui très peur d’entamer la marche vers une autre consultation populaire, puisqu’ils ne peuvent supporter l’idée de la perdre. La dépression politique que le mouvement a connue après 1995 se fait encore sentir chez plusieurs militants, ce qui a un effet démobilisateur important. L’appui à l’indépendance se situe toujours entre 35 % et 42 %, mais l’espoir de voir ce projet se réaliser est actuellement plutôt bas dans la population en général. Alors qu’actuellement les Catalans sont très majoritairement en faveur de la tenue d’un référendum sur leur indépendance, les Québécois y sont majoritairement opposés pour l’instant, y compris beaucoup d’indépendantistes qui ne croient tout simplement pas en leurs chances de le gagner aujourd’hui.

Mentionnons également que les indépendantistes de la Catalogne et du Québec ont devant eux des adversaires à l’attitude fort différente. Alors que le gouvernement espagnol se montre très agressif, arrogant et autoritaire envers le mouvement catalan, le gouvernement canadien a plutôt une stratégie de non-provocation et d’évitement du débat. Il y a tellement longtemps que les indépendantistes québécois l’ont réellement défié que le pouvoir central n’a pas grand-chose à combattre. Il se contente de laisser clos tout débat sur d’éventuels changements constitutionnels.

À l’étranger, on pense souvent que le système fédéral canadien donne beaucoup de pouvoir aux « provinces » : pourriez-vous nous rappeler brièvement les caractéristiques de ce système ? Et ses limites ?

  • 1 Cette proportion, qui était de 33 % en 1867, n’a fait que diminuer depuis.
  • 2 Gouvernement du Canada, « Le partage constitutionnel des pouvoirs législatifs », Gouvernement du Ca (...)

Actuellement, une large part des décisions [concernant le Québec] sont prises au Parlement d’Ottawa, dans lequel nous n’avons que 23 % des sièges1. C’est le cas notamment de toutes les décisions qui touchent la défense, les relations internationales, les banques, les cours monétaires, les « Indiens et [les] terres réservées [aux] Indiens », la citoyenneté, les lois criminelles, les pénitenciers, la gestion de la Caisse d’assurance-chômage, les télécommunications, le transport ferroviaire interprovincial, le transport des hydrocarbures, le transport maritime, les ports, la poste, la subvention aux arts, la recherche scientifique et bien d’autres choses encore2.

  • 3 Zanetti, Sol et al., Le livre qui fait dire oui, Les Éditions du Québécois, Drummondville, 2015, p. (...)

Par ailleurs, même dans les champs de compétence qui devraient relever exclusivement du Québec, le gouvernement du Canada possède un « pouvoir de dépenser » qui l’autorise à investir l’argent que nous lui envoyons chaque année dans des projets qu’il choisit en fonction de l’intérêt de la majorité canadienne. C’est ce qui se passe régulièrement dans les secteurs de la santé et de l’éducation, lorsque le gouvernement canadien nous dicte la façon de dépenser l’argent que nous lui envoyons en fonction de priorités qui ne conviennent pas à notre réalité »3.

La répartition des pouvoirs entre le gouvernement central et les provinces canadiennes s’est opérée en 1867 lorsque le Canada était encore une colonie britannique. C’est un système parmi les plus centralisateurs au monde. En effet, le premier ministre du Canada contrôle non seulement le pouvoir exécutif, mais aussi le pouvoir législatif. Plusieurs postes importants sont pourvus par des nominations et non des élections. Il y a très peu de mécanismes de contre-pouvoir au sein du régime canadien. Considérer qu’un parti politique puisse former un gouvernement majoritaire en récoltant seulement 35 % des votes exprimés, donner un tel pouvoir au premier ministre ne reflète pas les standards démocratiques les plus élevés.

  • 4 Ibid., p. 11.

« Non seulement le régime canadien réduit énormément le pouvoir que nous avons sur des secteurs clés de notre vie collective, mais sa structure même favorise une centralisation croissante des pouvoirs à Ottawa. En effet, l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 attribue au gouvernement central tous les nouveaux pouvoirs et responsabilités apparus depuis son adoption. Cet article confère à Ottawa ce qu’on appelle un pouvoir résiduaire. C’est à cause de ce pouvoir, par exemple, que les lois liées à Internet, d’une nécessité récente, relèvent du gouvernement canadien. Toutes les nouvelles responsabilités politiques futures, celles que nous ne pouvons même pas encore imaginer, relèveront exclusivement d’un Parlement au sein duquel nous avons une représentation politique décroissante » 4.

Le Québec collecte et administre une plus grande part de ses taxes et impôts que l’Écosse ou la Catalogne, mais il est tout de même privé de la marge de manœuvre fiscale dont il aurait besoin pour investir dans les secteurs stratégiques de son économie. Il confie à Ottawa environ 40 % des taxes et impôts prélevés sur son territoire. En retour, le Canada offre certains services et investit le plus souvent le reste dans des secteurs qui ne sont pas stratégiques pour le Québec, comme l’industrie pétrolière des provinces de l’Ouest.

La Constitution canadienne empêche également la protection efficace du français au Québec. Notre principal outil de défense est la Charte de la langue française (communément appelée la loi 101), qui a confirmé le français comme la seule langue officielle du Québec. Mais depuis sa création en 1977, ses pouvoirs ont été maintes fois réduits par la Cour suprême du Canada. Les tendances à long terme démontrent un recul continu de l’utilisation du français au Québec.

Le gouvernement catalan organise un référendum d’autodétermination le 1er octobre 2017. Le gouvernement espagnol de droite et le parti socialiste s’y opposent. Le Québec a déjà organisé des référendums d’auto-détermination. Comment avaient-ils été négociés avec le gouvernement du Canada ? A-t-il fallu réformer la Constitution ? Quels étaient les arguments mis en avant par les Québécois ?

Comme déjà évoqué, il y a eu deux référendums sur l’avenir politique du Québec, en 1980 et en 1995. Dans les deux cas, il n’y a pas eu de négociation préalable avec le gouvernement du Canada et aucune réforme de la Constitution canadienne pour assurer leur tenue.

Le premier référendum sur l’avenir politique du Québec a eu lieu le 20 mai 1980. Le référendum fut organisé à l’initiative du gouvernement du Parti Québécois, arrivé au pouvoir en 1976. Par le référendum, le gouvernement québécois cherchait un mandat pour négocier avec le gouvernement fédéral une entente de souveraineté-association. En cas de victoire du « oui », le résultat des négociations aurait été soumis à un second référendum. La question référendaire était la suivante :

« Le Gouvernement du Québec a fait connaître sa proposition d’en arriver, avec le reste du Canada, à une nouvelle entente fondée sur le principe de l’égalité des peuples ; cette entente permettrait au Québec d’acquérir le pouvoir exclusif de faire ses lois, de percevoir ses impôts et d’établir ses relations extérieures, ce qui est la souveraineté, et, en même temps, de maintenir avec le Canada une association économique comportant l’utilisation de la même monnaie ; aucun changement de statut politique résultant de ces négociations ne sera réalisé sans l’accord de la population lors d’un autre référendum ; en conséquence, accordez-vous au Gouvernement du Québec le mandat de négocier l’entente proposée entre le Québec et le Canada ? »

Le résultat fut le suivant : Non 59,56 %, Oui 40,44 %. Le camp du « non » avait beaucoup insisté pendant la campagne référendaire sur la promesse d’un renouveau de la constitution et du fédéralisme canadiens qui adviendrait en cas de rejet par la population du projet du premier ministre québécois d’alors, M. René Lévesque.

En 1982, le Canada, une colonie britannique qui n’a jamais complètement réalisé son indépendance, rapatria sa constitution qui se trouvait toujours à Londres. Ce faisant, elle y opéra des modifications qui furent imposées au Québec sans son accord. À ce jour, aucun gouvernement québécois, pas même les plus pro-canadiens, n’a encore signé la constitution canadienne, qui s’applique tout de même sur notre territoire.

Depuis 1982, il y a eu deux tentatives de négociations pour changer les lois constitutionnelles canadiennes afin qu’elles répondent aux exigences du Québec. Il y a eu l’Accord du Lac Meech en 1990 et l’Entente de Charlottetown en 1992. Le premier fut rejeté par le parlement canadien, la deuxième par un référendum pancanadien. Les Québécois ont rejeté l’Entente de Charlottetown parce qu’elle offrait trop peu et les Canadiens, parce qu’elle demandait trop.

Le second référendum sur l’avenir politique du Québec a eu lieu le 30 octobre 1995. Le projet de loi est l’Avant-projet de loi sur la souveraineté du Québec, déposé à l’Assemblée nationale du Québec le 6 décembre 1994 par le premier ministre d’alors, M. Jacques Parizeau. Cet avant-projet expose le projet politique que le gouvernement préconise pour faire du Québec un État indépendant, de même que la démarche pour y parvenir. La question était la suivante :

« Acceptez-vous que le Québec devienne souverain, après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique, dans le cadre du projet de loi sur l’avenir du Québec et de l’entente signée le 12 juin 1995 ? »

La question référendaire désirée initialement par M. Parizeau était plus beaucoup simple et décrétait tout simplement l’indépendance du Québec, sans qu’elle soit assujettie à des négociations. Il était clair pour M. Parizeau qu’une victoire du « oui » mènerait inévitablement à l’indépendance du Québec et qu’il serait dans l’intérêt du Canada de montrer sa bonne volonté lors de la période de négociation de ce partenariat, surtout lors de la séparation des biens et de la dette.

Le résultat fut déchirant : Non 50,58 %, Oui 49,42 %.

Il n’y a pas eu depuis de véritable initiative pour corriger la situation constitutionnelle, dans un camp comme dans l’autre. Le Canada, qui avait encore promis des changements constitutionnels durant la campagne référendaire, ne s’est jamais donné la peine d’honorer ses promesses.

Bref, le Québec n’a pas le pouvoir de changer les lois constitutionnelles canadiennes. Toutes les tentatives se sont soldées par un échec. Même le gouvernement libéral actuel au Québec, qui est pourtant contre l’indépendance, a jugé bon de déposer récemment un document afin de résoudre cette impasse, ce qui a été accueilli par une fin de non-recevoir sans équivoque de la part de Justin Trudeau. Le Canada n’est toujours pas prêt à ouvrir de débat constitutionnel. Il semble le voir comme une boîte de Pandore dont l’ouverture remettrait en question l’unité canadienne à coup sûr.

Le mouvement indépendantiste est né au début du XIXe siècle d’un élan républicain visant à donner le pouvoir au peuple québécois et à le soustraire à l’hégémonie coloniale anglaise. Depuis les années 1960, les arguments utilisés concernent les enjeux de démocratie, de protection de la langue, d’autodétermination et de développement économique. Étant donné le virage pétrolier que prend le Canada depuis quelques décennies, la protection de l’environnement est en train de devenir un autre argument pour l’indépendance. L’indépendance du Québec permettrait effectivement de bloquer les projets d’oléoducs que le Canada veut faire passer à travers le Québec pour atteindre les marchés européens.

En Catalogne on considère qu’il y a des nationalismes défensifs et/ou « émancipateurs », d’une part, et des nationalismes expansifs ou assimilateurs, de l’autre. Au Québec existe-t-il une vision similaire de ces questions ?

Nous n’utilisons pas précisément ces termes, mais si nous avions à le faire, nous nous identifierions davantage au nationalisme émancipateur, puisque nous sommes un peuple sans État. Il nous semble qu’un nationalisme « expansif » ou « assimilateur » ne peut prendre forme que dans un État-nation.

La typologie des nationalismes qui est utilisée dans nos débats est surtout constituée de l’opposition entre « nationalisme ethnique » et « nationalisme civique ». Ces deux nationalismes se distinguent principalement par la façon dont ils établissent ce qu’est l’identité québécoise. Pour les tenants du nationalisme ethnique, sont Québécois ceux et celles qui sont de culture québécoise. Les plus conservateurs, qui sont par ailleurs minoritaires, auront une vision plus exclusive et restreinte des critères balisant l’identité québécoise. Pour les tenants du nationalisme civique, l’identité québécoise est un fait politique qui transcende la seule origine culturelle ; elle est déterminée par l’appartenance au peuple québécois, défini comme une communauté politique démocratique qu’il est possible d’intégrer. Pour les nationalistes civiques, le peuple québécois est une communauté politique qui rassemble plusieurs ethnies. Leur conception de l’identité québécoise est plus ouverte et inclusive.

Pour sa part, le nationalisme canadien est plutôt colonialiste assimilateur. Même si le Canada se drape aujourd’hui dans un discours valorisant la diversité, son régime politique a été conçu pour assimiler ses minorités. Le génocide culturel qu’ont subi les nations autochtones et les communautés franco-canadiennes hors du Québec le démontre bien.

Vous êtes enseignant de philosophie, spécialisé en éthique, en santé mentale aussi… En Catalogne on a étudié l’angoisse qui créent l’instabilité linguistique, la minorisation dans son propre pays… Y a-t-il des analyses similaires au Québec ?

Je n’ai jamais entendu parler de telles études au Québec. Toutefois, beaucoup d’intellectuels se sont intéressés aux conséquences de la colonisation sur la psyché québécoise. Une des sources d’inspiration sur le sujet est l’ouvrage du tunisien Albert Memmi intitulé Portrait du colonisé, qui tire des conclusions dont certaines paraissent plutôt universelles. Il y observe, entre autres, que les colonisés finissent souvent par intégrer le mépris raciste que le colonisateur cultive à leur égard. Ainsi, lorsque les Québécois portent un regard sur eux-mêmes collectivement, ils ont tendance à se mépriser et à se percevoir comme incapables de se prendre en main complètement. Beaucoup de chroniqueurs et d’analystes politiques nourrissent un discours presque exclusivement critique à l’égard de l’état de la société québécoise, souvent perçue comme plus pauvre, plus corrompue et moins bien organisée que les communautés voisines, même lorsque la réalité observable tend à démontrer le contraire.

Cet état de minorité francophone au sein du Canada et de l’Amérique du Nord nourrit également la crainte de se faire assimiler à long terme au monde anglo-saxon. L’insécurité qui en découle est parfois récupérée par des groupes idéologiques plus conservateurs, qui ne constituent toutefois pas la majorité du mouvement indépendantiste québécois.

Davantage de recherches universitaires ont été faites sur les conséquences psycho-sociales du génocide culturel sur les autochtones du Canada.

Enfin, quel regard portez-vous de tout le chemin parcouru par le processus indépendantiste catalan ? Avez-vous un scénario, une hypothèse, sur ce qui peut arriver par la suite en Catalogne ?

Ce mouvement est très inspirant pour nous parce qu’il semble s’être relevé très rapidement d’une position presque désespérée. Plusieurs indépendantistes québécois rêvent aujourd’hui d’une renaissance de ce genre.

Nous espérons évidemment que la Catalogne votera pour son indépendance en octobre prochain. Nous espérons que le gouvernement indépendantiste ne cédera pas à la tentative madrilène de judiciariser ce conflit politique au sein des institutions légales espagnoles. On ne construit pas l’indépendance d’un peuple à l’intérieur du cadre légal du pays qu’on désire quitter. L’attitude du mouvement catalan semble aujourd’hui avoir intégré cette analyse et c’est pourquoi nous espérons qu’il tienne le cap.

Nous prévoyons que le gouvernement espagnol fera tout ce qui est en son pouvoir pour arrêter l’élan catalan. Actuellement, il est dans une posture d’intimidation légale et politique, mais ils savent qu’utiliser la force contre le peuple catalan ne fera qu’augmenter l’appui à l’indépendance. Il est donc plus probable que si les Catalans tiennent le cap du référendum, l’Espagne décide de jouer le jeu. Le cas échéant, comme c’est arrivé au référendum québécois de 1995, l’État central tentera de tricher pour influencer la campagne de toutes les façons possibles, y compris par le financement illégal, la fraude électorale et les tentatives de discréditer les porte-parole indépendantistes aux yeux du public. Si jamais les indépendantistes perdaient de justesse comme au Québec en 1995, il sera important qu’ils ne reconnaissent pas le résultat du référendum avant d’avoir réalisé une enquête publique sur le processus référendaire. Une telle enquête révèlerait certainement des fraudes qui seraient susceptibles de montrer le vrai visage du gouvernement espagnol et de faire augmenter l’appui à l’indépendance en cas de nouveau référendum organisé dans la foulée.

2Septembre 2017.

Notes

1 Cette proportion, qui était de 33 % en 1867, n’a fait que diminuer depuis.

2 Gouvernement du Canada, « Le partage constitutionnel des pouvoirs législatifs », Gouvernement du Canada. Affaires intergouvernementales, 2015. Web. 28 mai 2015. Millorar referència.

3 Zanetti, Sol et al., Le livre qui fait dire oui, Les Éditions du Québécois, Drummondville, 2015, p. 10-11.

4 Ibid., p. 11.

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