1Population : près de 7,5 millions, près de 70 % des habitants ou leurs parents étant nés ailleurs (surtout dans d’autres parties d’Espagne, issus des migrations du XX^e siècle et intégrés)

2Drapeau : la Senyera (XII^e siècle), quatre pals de gueule sur un écu d’or. L’Estelada y intégre une étoile, et est devenu depuis quelques années le drapeau symbole de l’indépendance.

3Communes : 947

4Capitale : Barcelone, le plus grand port de la Méditerranée. C’est l’une des 20 villes les plus compétitives du monde, la 7^e en ce qui concerne les perspectives économiques et c’est un pôle technologique et scientifique du sud de l’Europe.

5Institutions : issues des assemblées de Paix et Trêve de Dieu, les Corts Catalanes sont nées au début du XIII^e dans le cadre de la confédération entre la Catalogne et l’Aragon et ont été supprimées en 1714. Elles ont été refondées dans une tout autre configuration (1931-1939) lors de la Seconde République en reprenant les mêmes dénominations (Parlament et Generalitat) puis à nouveau supprimées sous le franquisme. Elles existent aujourd’hui dans le cadre du régime des autonomies du royaume d’Espagne (1979) et sont composées aujourd’hui du Parlement (135 sièges) et de la Generalitat (le gouvernement, 5 présidents jusqu’en 2017, se réclamant de la continuité des 125 précédents, 121 sous l’ancien régime, 2 lors de la Seconde République et 2 pendant l’exil sous le franquisme). C’est une loi organique espagnole, le Statut d’autonomie (Estatut d’autonomia, en catalan), qui régit l’organisation institutionnelle de la Catalogne dans le cadre de la constitution de 1978. Réformé pour la première fois en 2006 et ensuite diminué par Madrid en 2010, l’Estatut est d’après de nombreux experts à l’origine de la montée des indépendantistes et du conflit actuel.

6Trois langues officielles :

• le catalan, dérivé du latin à partir du IX^e siècle. Compris par 93,8 % des habitants, et parlé par plus de 10 millions de personnes non seulement en Catalogne (7 millions) mais aussi aux îles Baléares, dans la communauté autonome de Valence (provinces de Valence, Castellón-Castelló et Alicante-Alacant), en Catalogne du Nord (la plus grande partie du département français des Pyrénées-Orientales), dans une frange orientale de l’Aragon limitrophe avec la Catalogne, dans la ville de l’Alguer (ou Alghero en italien) en Sardaigne, et en Andorre où elle est la seule langue officielle du pays. Le catalan est la 9^e langue de l’UE en nombre de locuteurs. Elle est enseignée dans 166 universités dans le monde. Langue de production littéraire et scientifique, elle est aujourd’hui véhiculaire à l’école (où l’espagnol est aussi enseigné), bien qu’elle fût interdite sous plusieurs souverains et dictatures depuis le XVIII^e siècle. Au vu de sa forte présence sur Internet, bien supérieure à son poids démographique, le domaine .cat a été accordé en 2011 par l’ICANN pour les domaines web.

• l’espagnol ou castillan, devenu majoritaire dans de nombreuses régions à l’origine catalanophone, depuis les migrations contemporaines venues d’autres parties de la péninsule, aujourd’hui parlé par 99,6 %¹ des habitants.

• l’aranais, sous-dialecte à statut co-officiel, parlé dans le Val d’Aran (partie la plus en amont du bassin de la Garonne) du dialecte gascon, lui-même division de l’occitan. La langue occitane qui est en grande partie présente sur le territoire français (entre Bayonne et Menton, Clermont-Ferrand et Leucate) et dans une moindre mesure sur le territoire italien (vallées alpines centrales et méridionales) n’a par contre nulle par ailleurs qu’en Val d’Aran un statut d’officialité.

7Universités : 7 universités publiques, 4 privées, 1 à distance.

8PIB (2017) : 234.651 M € (+ 3,4 % par rapport à 2016. Le PIB espagnol a connu une augmentation de 3,1 % et l’UE de +2,4. Il s’agit de la 1^e économie de l’Espagne représentant 19,2 % de son PIB.

9Economie : diversifiée, prédominance du secteur des services (plus de 70 %) et du secteur industriel spécialisé (20 %)², première pour les initiatives commerciales, l’innovation, les exportations (leader des exportations en Espagne avec un quart de l’activité environ) et la technologie – la Catalogne est le hub du sud de l’Europe. Depuis des années, les investissements étrangers ne cessent de croître autour de Barcelone, métropole dynamique ouverte au monde et destination touristique extrêmement prisée. La culture professionnelle de l’effort et du travail en équipe, l’esprit d’entreprise et la compétitivité sont mis en valeur et marquent la manière d’être des Catalans, anciens commerçants de la Méditerranée.

10Culture : Littérature, musique, architecture, patrimoine, gastronomie et design, la culture catalane classique se mélange à la contemporaine, avant-gardiste et créative dans plusieurs domaines, qui va de la fascination des castellers (tours humaines) à la mode et au high tech multimédia.

11Quelques particularités :

12On retrouve dans la société un fort mouvement de bénévolat et d’associationnisme. L’engagement des Catalans avec les initiatives sociales solidaires est remarquable pour ce petit territoire de l’Europe. On pourrait par exemple citer l’appel permanent à l’accueil des réfugiés, les campagnes réussies de la banque alimentaire et surtout le téléthon annuel de la télévision publique catalane qui collecte chaque Noël grâce aux citoyens et à des dizaines de milliers de bénévoles plus de 10 millions d’euros pour la recherche dans le domaine de la santé.

13La liste des personnalités internationales dans les domaines de la culture, de la gastronomie, du sport, des sciences, etc., est longue : Jordi Savall, Sergi López, Ferran Adrià, Joan Roca, Carme Ruscalleda, Pep Guardiola, Joan Massagué, Manel Esteller, Montserrat Caballé, Josep Carreras, Lluís Llach, Albert Sánchez Pinyol, Jaume Cabré, Kilian Jornet, Antoni Gaudí, Joan Miró, Salvador Dalí, Pau Casals,…

14Le FC Barcelone, « el Barça », est l’un des principaux ambassadeurs internationaux de la Catalogne, avec des supporteurs sur tous les continents. Engagé avec le pays, il en a toujours défendu la culture, la langue et les initiatives sociales, même lors des dictatures, ce qui lui a souvent valu des représailles (fermeture en 1925, bombardé en 1938, placé sous tutelle du franquisme pendant des années...). Symbole de la résistance catalane, il est donc considéré « més que un club », plus qu’un club, ayant d’après son hymne un « drapeau qui rassemble » du nord au sud du pays.

Perspective contemporaine des événements actuels

15Une histoire millénaire (depuis la création de la Marca Hispanica et des comtés carolingiens), une culture, une langue, une forte identité, la conviction d’être une nation et de vouloir une certaine autonomie, que ce soit sous la tutelle des Habsbourg ou celle des Bourbons au cours des derniers siècles. Ce sont ces singularités que les Catalans ont perdu en grande partie après la défaite du 11 septembre 1714 (date de la fête nationale, la Diada). Elles ressurgissent au XIX^e avec la Renaixença culturelle, qui entraîne la renaissance politique. La Catalogne avait même pu proclamer deux très brèves Républiques catalanes (1931 et 1934), voulant être fédérée dans le cadre d’une République espagnole qui de toute façon échouerait de même. Mais l’histoire du XX^e siècle est marquée par la répression exercée par une première dictature (Primo de Rivera, 1923- 1930), une guerre civile (1936-1939) et une deuxième dictature, celle du général Franco (1939-1975). L’interdiction de la langue, des institutions, la disparition et l’exécution de milliers de Catalans (dont leur président Lluís Companys), l’exil de plus de 200.000 –parmi plus d’un demi-million d’Espagnols– vers l’Europe ou le continent américain… La transition espagnole (1976-1981) est reçue avec soulagement, la Constitution espagnole qui permet de passer de 40 ans de dictature à une monarchie parlementaire est saluée par la grande majorité d’une société qui souhaite retrouver ses libertés. Après plusieurs années d’une autonomie régionale satisfaisante pour la plupart des citoyens, l’aspiration à un référendum d’autodétermination apparaît à cause de multiples facteurs au tournant du XXI^e siècle.

16Les principaux événements du processus d’indépendance catalan sont résumés ci-dessous :

172006 – L’Estatut, le nouveau statut d’autonomie de la Catalogne, réformé pour la première fois depuis sa première version (1979), à savoir celle de la transition démocratique, approuvée par le Parlement catalan en 2005, est envoyé au Gouvernement espagnol du socialiste Zapatero qui avait promis son soutien en 2003. Le Parlement espagnol ainsi que le Sénat en ratifient une version light dans laquelle la Catalogne obtient des avancées dans quelques domaines (culturel, linguistique, financier, entre autres) et elle est reconnue comme « nation ». Lors du congrés extraordinaire des jeunes socialistes à Madrid, le président de la Comission Constitutionnelle de l’Assemblée nationale espagnole à Madrid prononce le fameux Nos hemos cepillado el Estatut (« Nous nous sommes torchés avec le statut catalan ») pour se vanter, ce qui provoque rires et applaudissements. Ce statut obtient 73 % de « oui » de la part des Catalans lors du référendum, bien que la participation n’atteigne pas 50 %. L’Estatut devient donc une nouvelle loi espagnole, elle est signée par le Roi. Or, le Partido Popular (PP) de Mariano Rajoy débute en Espagne une campagne d’opposition à cette nouvelle version du statut et présente un recours d’anticonstitutionnalité auprès du Tribunal Constitutionnel, applaudi par plusieurs socialistes. Rajoy gagnera toutes les élections suivantes malgré la politique d’austérité imposée par la Troika européenne. En Catalogne, les sondages du Centre d’Études et d’Opinion de la Catalogne indiquent à ce moment-là que l’indépendantisme obtiendrait 15 % des suffrages.

182010 — Le Tribunal Constitutionnel déclare inconstitutionnelles les parties les plus significatives de la loi et en réécrit d’autres concernant la nation, la langue, la justice et la politique fiscale. En réponse, en juin, la société civile s’organise et 1,2 millions de Catalans manifestent dans Barcelone pour exprimer pacifiquement leur désaccord, lors de la plus grande manifestation jamais connue jusqu’à ce moment-là. La manifestation monstre se répète le 11 septembre, lors de la Diada (fête nationale catalane) avec le slogan Som una nació. Decidim, « Nous sommes une nation. Nous décidons » . Le gouvernement non-indépendantiste d’Artur Mas, vainqueur des élections, propose un statut plus ambitieux, semblable à celui du Pays Basque.

192011 – Mariano Rajoy arrive à la Moncloa, il annonce la recentralisation du pays dans plusieurs domaines. L’autonomie, la langue et l’enseignement en Catalogne sont depuis lors de plus en plus ciblés.

202012 – La Generalitat propose formellement à Madrid un pacte politique et budgétaire. La société se mobilise à nouveau, 1,5 millions de citoyens sortent dans la rue le 11 septembre pour manifester derrière la banderole, « Catalonia : next state of Europe ». Mais les possibilités du modèle institutionnel espagnol (« état des autonomies ») se heurtent à nouveau au projet catalan, le maximum des uns étant le minimum des autres. Suite à une nouvelle réponse négative lors d’une réunion entre Mariano Rajoy et Artur Mas, ce dernier déclare qu’il n’y a plus de solution fédérale possible en Espagne et convoque de nouvelles élections régionales. Le discours passe depuis lors de la défense de l’autonomie par un nationalisme modéré à celle de l’indépendantisme. A la suite de sa baisse de popularité, conséquence des restrictions budgétaires, Mas ne peut plus gouverner seul après les élections. Il fait une coalition pour un gouvernement transversal gauche-droite avec la gauche social-démocrate et indépendantiste d’Oriol Junqueras (Esquerra Republicana de Catalunya, ERC).

212013 – Vote par 77 % des députés au Parlement catalan – de droite et de gauche, allant des indépendantistes et autonomistes au socialistes et éco-communistes– en faveur de la négociation d’un référendum accordé avec l’Espagne. Les leaders catalans vont insister sur cette demande auprès du gouvernement espagnol à une vingtaine de reprises au cours des années suivantes aussi bien à Barcelone, qu’à Madrid et à Bruxelles. À nouveau, le 11 septembre, une manifestation massive se produit : pratiquement 2 millions de Catalans réclament leur « droit à décider » avec une chaîne humaine qui s’étale du nord au sud du territoire, sur plus de 400 kilomètres. Mas annonce la tenue d’un référendum comportant deux questions : « Souhaitez-vous que la Catalogne devienne un État ? Et si oui, souhaitez-vous que cet État soit indépendant ? »

222014 – À Londres, le gouvernement britannique a accepté de dialoguer avec le gouvernement écossais et d’organiser un référendum accordé, une « leçon de démocratie » saluée par les leaders catalans. Le Parlement catalan demande au gouvernement espagnol de pouvoir suivre ce modèle. Mais en réponse le Congreso espagnol vote à 86 % contre la demande de référendum. Le 11 septembre de cette année-là, Barcelone dessine avec 1,8 millions de personnes un gigantesque V humain, sang et or comme le drapeau catalan : V comme « Volem Votar », ‘Nous Voulons Voter’. Une loi de consultations est approuvée le 26 septembre par 106 des 135 députés du Parlement catalan puis suspendue par le Tribunal Constitutionnel, dont l’action contre plusieurs décisions de cette même assemblée se fait de plus en plus paralysante. 93 % des communes soutiennent la tenue d’un vote des citoyens et Mas signe le décret d’organisation d’une consultation non-contraignante, annoncée pour le 9 novembre. Le premier ministre espagnol Mariano Rajoy en appelle à nouveau au Tribunal Constitutionnel pour empêcher les préparatifs de la consultation. Le Tribunal se réunit le jour même, étudie le recours et décide de suspendre la consultation après une heure de réunion. Des milliers de Catalans réagissent en descendant dans la rue au cri de ‘Volem votar’ « Nous voulons voter ! », en vue de maintenir le vote symbolique. La Generalitat en suspend la campagne institutionnelle. Le Parlement approuve la création de la commission de contrôle pour la consultation non-contraignante. Le PP, le parti du gouvernement Rajoy, annonce qu’il poursuivra en justice les députés ayant voté en faveur de la consultation. Un grand rassemblement réunit le 4 octobre à Barcelone les représentants de 920 communes – sur un total de 947– pour soutenir le gouvernement. Les sondages indiquent que 80 % des citoyens souhaitent voter pour trouver une solution politique. Les partis décident alors que le vote symbolique réclamé par les citoyens doit avoir lieu, comme promis. Malgré les menaces faites aux présidents des centres de vote et en particulier aux directeurs des établissements scolaires où doivent se tenir les bureaux et malgré la suspension du Tribunal Constitutionnel de Madrid, plus de 2,3 millions de citoyens votent le 9 novembre. Le oui l’emporte avec 81 % des voix. À Madrid, Rajoy nie l’évidence de cet acte de désobéissance pacifique massive. Il affirme que la consultation n’a pas eu lieu en même temps que des poursuites pénales à l’encontre de plusieurs membres du gouvernement catalan sont entamées pour une consultation qui n’avait pas de conséquences juridiques. Le soutien de la société à l’indépendantisme grimpe alors jusqu’à 50 % selon les sondages du Centre d’Estudis i Opinió de la Generalitat.

232015 – Face à la pression populaire et au refus de Madrid d’accepter un référendum, la Generalitat annonce des élections plébiscitaires pour remplacer celui-ci afin que les citoyens puissent s’exprimer par un vote légal. Après une nouvelle manifestation qui réunit entre 1,5 et 2 millions de citoyens (selon les principales sources en Catalogne), de nouvelles élections ont lieu le 27 septembre. 47,8 % des suffrages se portent sur les partis indépendantistes, 13 % pour un parti favorable à l’autodétermination et à un référendum accordé, et 39,17 % pour les partis unionistes. 72 des 135 députés sont indépendantistes, une hausse remarquable compte tenu des 14 députés indépendantistes de 2010. Le 9 novembre, à l’occasion de l’anniversaire de la consultation de 2014, la majorité du Parlement de Catalogne approuve une déclaration politique à fort contenu social afin de commencer le processus d’indépendance, que le Tribunal Constitutionnel suspend ultérieurement.

242016 – À cause de son establishment autonomiste et des soupçons de corruption pesant sur son parti au pouvoir à Barcelone, l’extrême-gauche refuse qu’Artur Mas continue à être président de la Generalitat. Suite aux négociations entre les partis indépendantistes, Carles Puigdemont devient le 130^e président de la Generalitat. Il promet de mettre en place le programme électoral et la feuille de route approuvée par le Parlement afin de conduire la Catalogne vers l’indépendance en 18 mois. À la traditionnelle manifestation du 11 septembre, s’ajoutent des manifestations de soutien aux personnes poursuivies et jugées pour le vote symbolique de 2014, parmi lesquelles Artur Mas, des anciens membres de son gouvernement, la présidente du Parlement, Carme Forcadell. 400 élus sont poursuivis par la justice espagnole.

252017 – Artur Mas est condamné à deux ans d’inéligibilité et devra payer une caution de 5,25 millions d’euros pour le vote non-contraignant de 2014. Nouvelle tentative des leaders de la Generalitat, qui se déplacent à nouveau à Madrid pour demander un référendum accordé. La réponse est une fois de plus négative. Le président Puigdemont annonce un référendum pour le 1^er octobre, avec une seule question cette fois-ci : « Voulez-vous que la Catalogne soit un État indépendant sous la forme d’une République ? ». Début septembre, juste avant la nouvelle macro-manifestation, le Parlement catalan approuve les trois lois qui créent le cadre légal pour pouvoir organiser le référendum contraignant, on y prévoit la déclaration d’indépendance si le oui l’emporte. Les partis unionistes quittent la salle pour protester contre ce vote.

26Dans le cadre judiciaire, le procureur général de l’État menace de poursuivre les plus de 700 maires qui ont tout de suite annoncé la disposition de leur municipalité à accueillir le vote du référendum et les convoque devant la justice. Les menaces de Madrid sur les fonctionnaires catalans, les membres du gouvernement et le Parlement se multiplient. Le 20 septembre, la Guardia Civil fait irruption dans certaines administrations de la Generalitat et arrête 12 hauts responsables. Elle se lance aussi à la recherche des urnes et des bulletins de vote qui seront utilisés le 1er octobre et enquête dans plusieurs médias et sur plusieurs journalistes, la presse est visée. Les débats publics et autres conférences qui étaient organisés à propos du référendum sont également interdits dans toute l’Espagne. Pour éviter le référendum, le gouvernement espagnol met sous tutelle les finances du gouvernement catalan, qui se voit depuis lors économiquement bloqué.

27Le 1^er octobre, sur les écrans de télévision du monde s’affichent les images des violences perpétrées par la police espagnole contre des citoyens désireux de voter. Plus de 1000 personnes sont blessées selon les chiffres des hôpitaux sur l’ensemble du territoire catalan (40, d’après les sources du gouvernement espagnol). La police empêche de voter dans 99 bureaux de vote et saisit de force 400 urnes ainsi que plus de 700.000 bulletins de vote. Plus de 2,2 millions de voix ont pu cependant être comptabilisées, le oui l’emporte avec 90 %. Une grève générale est convoquée en Catalogne le 3 octobre, pour condamner la violence et soutenir le référendum qui a eu lieu, alors que le roi Philippe VI comparait exceptionnellement à la télévision et prononce un discours grave qui souligne l’engagement indéfectible des institutions de l’État espagnol envers sa Constitution.

28Le 10 octobre, les partis indépendantistes signent la déclaration d’indépendance, mais le président Puigdemont la suspend tout de suite afin de permettre la négociation et le dialogue que plusieurs autorités internationales réclament. Devant le nouveau refus de discussion de Mariano Rajoy et devant la menace exprimée par le gouvernement de Madrid d’appliquer l’article 155 de la Constitution espagnole (pour suspendre l’autonomie catalane), le 27 octobre le Parlement catalan vote et approuve une déclaration d’indépendance symbolique. Une Déclaration d’Indépendance non officielle et sans effets juridiques réels, la confusion, la panique d’un secteur des responsables politiques face à une éventuelle réponse dure de Madrid font croître l’incertitude et les erreurs commises par les indépendantistes catalans vont se payer cash. Le premier ministre espagnol Mariano Rajoy dissout le gouvernement catalan et destitue ses responsables. Il annonce la prise de contrôle de la Generalitat par Madrid par l’article 155, jamais mis en œuvre auparavant, la dissolution du Parlement et la convocation d’élections catalanes pour le 21 décembre.

29Carles Puigdemont et une partie du gouvernement catalan se déplacent à Bruxelles et y resteront désormais en exil. L’autre partie, avec le vice-président Oriol Junqueras à sa tête, reste à Barcelone pour gérer la mise en place de la nouvelle République, mais au bout de 24h, les membres du gouvernement catalan sont cités à comparaître devant la justice à Madrid. Après 8 minutes d’audience, le juge envoie en prison Junqueras et les 7 ministres restants –le gouvernement espagnol en avait fait la menace quelques jours auparavant– ; 5 seront mis en liberté sous caution de 100.000€ en décembre mais seront ultérieurement incarcérés, de manière préventive dans l’attente d’un procès. La justice espagnole réclame de même à la Belgique l’extradition de Puigdemont et de ses ministres exilés, qu’un juge belge interroge et laisse en liberté dans l’attente de prendre une décision à propos de la demande espagnole. Néanmoins, la Justice belge hésite ; après l’examen du cas et des arguments du président catalan, le juge espagnol retire le mandat d’arrêt européen.

30Lors des élections du 21 décembre, les partis pro-indépendance remportent à nouveau la majorité des sièges au Parlement catalan après une campagne électorale inhabituelle, sous contrôle des autorités espagnoles et avec les principaux candidats indépendantistes en prison ou bien exilés. Le parti de Rajoy n’obtient que 4 des 135 sièges, la plupart de ses voix se sont déplacées vers le parti de droite nationaliste espagnol Ciudadanos, le parti majoritaire qui dirige de fait l’unionisme sur place.

312018 – L’année commence avec 70 députés indépendantistes, 8 pro-référendum, ainsi que 57 unionistes au Parlement à Barcelone. Le Tribunal Suprême annonce de nouvelles enquêtes : il y a en tout 28 responsables politiques du Gouvernement, du Parlement et d’organisations civiles qui se retrouvent accusés de rébellion, 17 d’entre eux ont à nouveau été élus le 21 décembre. Entretemps à l’extérieur, 4 autres anciens ministres continuent leur exil à Bruxelles et en Écosse. Marta Rovira et Anna Gabriel, deux responsables politiques indépendantistes, s’exilent en Suisse. Fin mars, le président Puigdemont est arrêté en Allemagne sous le coup d’un nouveau mandat d’arrêt européen lancé par l’Espagne. Accusé de rébellion et de détournement de fonds publics, il doit désormais rester à Berlin où la justice allemande enquête pendant plusieurs mois en demandant de nouvelles preuves à la justice espagnole. En Catalogne, plus de 1000 personnes sont poursuivies par leur lien avec le référendum, dont 712 maires ainsi que des citoyens ayant critiqué à travers les réseaux sociaux la violence policière espagnole lors du référendum ou des professeurs ayant organisé des débats suite aux événements du 1^er octobre ou encore des activistes sociaux. Au mois de mai, l’indépendantiste Quim Torra est élu 131^e président du nouveau Gouvernement catalan par la majorité du Parlement.

32Mais la Catalogne continue depuis huit mois à être bloquée administrativement et financièrement et contrôlée par des hommes en noir du gouvernement Rajoy. Quim Torra ne peut pas nommer les ministres de son choix, en prison ou en exil, refusés par la Moncloa. Finalement, Torra cède et finit par former son gouvernement avec de nouveaux consellers. Madrid lève alors sa tutelle forcée mais avertit le nouveau gouvernement catalan : l’article 155 pourra être « appliqué chirurgicalement, si nécessaire ».

33Mais soudainement, le verdict du scandale de corruption Gürtel tombe et condamne le Partido Popular emporte Mariano Rajoy et son gouvernement. Le socialiste Pedro Sánchez dépose une motion de censure et la gagne : il devient premier ministre notamment grâce au soutien des Basques et des Catalans. Il prête serment sur la Constitution devant le roi Philippe VI.

34Le jaune (sur des rubans, sur les vêtements aussi bien dans les espaces publics) devient la couleur de revendication de la société catalane pour réclamer la libération de ses prisonniers politiques, enfermés depuis des mois, dont l’ancienne présidente du Parlement Carme Forcadell (voir son interview dans cette édition), le vice-président Oriol Junqueras et 5 anciens ministres du gouvernement catalan et les deux principaux leaders des mouvements sociaux, les Jordis, Cuixart et Sánchez.

35Cette publication est arrêtée au 4 juin 2018, ce qui explique que cette chronologie finisse à ce point-là. Les entretiens sont aussi datés afin de pouvoir les lire compte tenu du contexte extrêmement changeant.