Épilogue. Fête de parole
p. 363-365
Texte intégral
1Les Rencontres Art et Philosophie de Cornillon, qui ont débuté en 2011, ont une histoire très concrète. Leur forme actuelle procède de divers événements, parfois cocasses, toujours instructifs, que je dois relater très rapidement.
2Cornillon est un village médiéval, dont demeurent la plupart des enceintes et une rue circulaire unique, rue haute et rue basse. C’est un lieu riche en artistes, pas moins de cinq peintres et un potier, sur une population intra-muros ne dépassant pas quarante habitants l’hiver. Son passé prestigieux (il possédait la majeure partie du Gard et donna deux Papes à l’Eglise) se devine encore aux massives ruines du Château, où la cour principale a été aménagée, avec scène de belle acoustique, et des gradins.
3Peu après notre installation au village, j’ai désiré profiter de ce beau lieu pour organiser, avec un autre habitant, un Festival de jazz. J’avais des amis dans le jazz dit classique (années 1925 à 1940) et mon partenaire, des amis dans le jazz plus moderne. La répartition se fit en deux journées de swing, et trois de groupes bop ou plus expérimentaux. Le Festival ne fut pas reconduit, apparemment suite à une impossibilité de combiner ces deux styles. Un peu plus tard, ayant créé avec les artistes du village une association loi 1901, l’Association Vivre Ensemble à Cornillon (AVEC), j’ai décidé que le système vertical d’attribution de subventions ne me convenait pas et j’ai tourné le dos à tout ce qui ne venait pas directement du village ou de mes amis du monde poétique et philosophique.
4Je suppose que cette brève présentation suffit à faire comprendre la particularité des colloques que j’ai organisés à Cornillon, du premier, à peine ébauché, sur le thème de « Dieu » (2011), au tout dernier, sur le thème de l’Infini (2015). Tout a commencé par une discussion directement dans la rue, sur l’Art, au cours du vernissage des peintres, avec ouverture des ateliers, en 2010. Un budget d’environ 1000 euros a permis, chaque année, en faisant appel au bénévolat, d’inviter sur quatre ans une quarantaine de conférenciers pour des rencontres de deux jours, de les nourrir et loger gratuitement, mais également, grâce aux initiatives de Michel Montigné, Léo de Schepper ou Patrick Rouquette, de produire des lectures de poésie, des concerts de jazz et de musique classique, des « vernissages collectifs des peintres » suivis d’un repas, des soirées Slam ou peintures sur corps, etc.
5J’ai choisi les invités des colloques parmi mes amis, et d’après ce que je savais de leur compétence, de leurs qualités humaines, de leur originalité. On a pu voir à Cornillon Patrick Quillier, éminent spécialiste de Pessoa, « accoucher » shamaniquement de dessous sa chevelure abondante et insoupçonnée, brusquement déroulée, un crâne rituel ; Michel Deguy et le poète canadien Bishop s’engager dans une danse lors de la soirée du 14 juillet, sur la place du village ; l’excellent Régis Lefort faire vivre comme jamais le poème difficile de Gherasim Luca ; Alain Saudan, philosophe spécialiste de théologie et toujours imperturbable, tenter de dominer les mugissements du vent dans les arbres, ou de multiplier ses bras pour rattraper ses feuilles de conférence, voguant soudain sur le mistral.
6Tous les colloques ont eu lieu dans le jardin, ou en cas de pluie, dans la cave de Josette Fontanille, qui les a généreusement prêtés. La présence de deux marronniers de grand âge et belle ramure a sans aucun doute apporté une atmosphère spécifique à ces rencontres hors cadre. Je remercie Jonathan Pollock, de l’Université de Perpignan Via Domitia, d’avoir été le maître d’œuvre de l’édition auprès des Presses Universitaires de cette ville. Je remercie les habitants d’avoir prêté leur concours pour le transport matinal ou vespéral des tables et des chaises. Je remercie Marie-Pierre Villani Saladin d’avoir endossé la logistique et l’intendance de ces colloques. Je remercie tous les intervenants d’avoir partagé leur savoir, et d’avoir, par leur sens de l’amitié, fait vivre cet événement annuel qu’il m’arrive, plutôt que du nom de « colloque » ou mieux « rencontre », de nommer parfois « fête de parole » ou « congrès rustique ». Je salue la mémoire de deux amis qui viennent de disparaître en janvier 2016 (Jean-Pierre Cometti qui a parlé ici en 2014, et Jean-Louis Martinoty en 2015) dont je suis heureux de rendre publiques les conférences.
Auteur
(Pour plus de précisions voir la préface). Après avoir parcouru un cursus complet en Lettres Classiques et en Philosophie, Arnaud Villani a enseigné la Philosophie en Classes préparatoires littéraires (Khâgne) au Lycée Masséna de Nice pendant plus de quarante ans. Retiré dans le Gard, il s’y consacre à l’écriture, poétique et philosophique.
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