1Aborder un tel sujet pose d’entrée deux problèmes. Tout d’abord, celui des sources existantes et, le cas échéant, des fonds disponibles1. Ensuite, celui des antécédents historiographiques2 et de la méthode à utiliser. Ainsi, peut-on traiter ce sujet de la même manière qu’une vision provinciale de la Commune ?

2A priori, oui et non. Oui, sur certains aspects, la Réunion peut être abordée comme une province, car avec l’ouverture du Canal de Suez en 1869 les navires mettaient moins d’un mois pour effectuer le trajet de la métropole jusqu’à l’île. Donc, théoriquement, les nouvelles de l’hexagone – nous le verrons plus loin – pouvaient être connues avec une grande rapidité. D’ailleurs, dans les régions les plus reculées de France, le paysan isolé et peu attentif à la vie politique était-il informé avec beaucoup moins de temps ? Sous un autre aspect, l’Île de la Réunion ne peut pas être traitée de la même manière qu’un département français, car elle avait à l’époque un statut juridique bien particulier3 (une colonie administrée par un gouverneur) et deux types d’habitants bien définis : les colons blancs et les noirs, anciens esclaves ou descendants de ceux-ci. Un troisième problème plus personnel se pose : celui de notre faible connaissance d’une histoire de la Réunion qui semble être encore, sous bien des aspects, à approfondir4. Enfin, notre recherche a dû se limiter aux années 1871, 1879-1880 (dates des amnisties partielles puis plénières) et 1971 (date du centenaire de la Commune) par manque de temps lors de notre court séjour dans l’île. Tous ces problèmes montrent qu’il serait malhonnête de prétendre notre travail exhaustif. Celui-ci se borne donc à poser quelques jalons et à entrouvrir quelques pistes sur ce sujet.

3La nouvelle de la déclaration de guerre de la France à la Prusse arrive le 4 août 1870 à l’Île de la Réunion. Rapidement, des dons et des volontaires affluent pour soutenir l’effort de guerre et « voler au secours de la mère-patrie »5. Comme en métropole, la nouvelle de la guerre excite un patriotisme ardent. Ainsi, lors du départ des volontaires réunionnais pour les champs de bataille français, le journal Le Moniteur du 22 octobre déclare : « Beaucoup de nos frères résidant en France sont déjà sous les drapeaux. Ceux qui partent demain iront se joindre à eux et l’histoire dira un jour que les enfants de la Réunion, malgré leur détresse et leur éloignement, ont encore une fois cimenté de leur sang leur inaltérable attachement à la France ». Le 7 septembre, Henri de Guigné écrivait dans le même journal : « Pour nous colons que la distance empêche de prendre une part aussi active que nous le voudrions dans les dangers de la patrie, offrons-lui sinon notre sang, du moins notre obole. » Mais si le sort de la patrie préoccupe les habitants de la Réunion, l’arrivée le 24 septembre du navire le « Mozambique » leur apprend la chute de l’Empire, la proclamation de la République, le 4 septembre 1870, et la constitution d’un gouvernement provisoire présidé par le général Trochu6. Néanmoins, la République ne fut officiellement proclamée que près d’un mois et demi plus tard, le 3 novembre 1870, après que le gouverneur Louis de Lormel eût reçu une dépêche ministérielle du nouveau ministre de la Marine et des Colonies, le Contre-Amiral d’Hornoy. Le gouverneur doit organiser pour le 20 novembre 1870 l’élection des deux représentants de l’Île à l’Assemblée constituante. Ceux-ci sont élus au suffrage universel. Mais si les Réunionnais paraissent adhérer à la République puisqu’ils élisent avec plus de 80 % des voix les républicains Laserve et de Mahy7, le taux d’abstention et la fraude électorale sont non négligeables...8 Sur ce point, Le Mémorial de l’Île de la Réunion rapporte « qu’inculte et misérable, la plus grande partie de la population réunionnaise ne semble pas plus prête qu’en 1848 à faire un bon usage du suffrage universel. »9 Plus loin, on peut lire « plus de 20 ans après l’abolition de l’esclavage, les nouveaux « citoyens de 1848 » ne se sentent toujours pas, selon toute apparence, très concernés par les questions politiques. »10

4Ce problème de « l’immaturité » des masses populaires est l’un des thèmes évoqués par le journal satirique L’enfant terrible11 dans son numéro du dimanche 16 avril 1871. Le directeur-gérant de ce journal, Victor Grenier, dans un article intitulé Dialogue des morts fait parler l’un de ses personnages « le capitaine cyclone » qui déclare : « je dis que nous n’étions pas préparés à l’application du suffrage universel et du droit nouveau, parce que nous n’avons ni électeurs, ni éligibles. Oui ! nous manquons complètement d’hommes, les rares intelligences que nous pouvions compter parmi nous ayant cru devoir s’abstenir de toute vie politique, pour étudier probablement le terrain [...] ». La dernière phrase de cette citation montre clairement que Victor Grenier critique ceux que l’on va bientôt nommer « opportunistes ». Dans un article du 23 avril 1871 traitant de l’éventualité de la nomination d’un gouverneur imaginaire, M. Imhaus, Victor Grenier déclare aussi que : « si le bruit [d’une restauration de l’ Empire] qui circule vient à se confirmer, il y a gros à parier que beaucoup de nos sénateurs libéraux recommenceront à chanter l’air patriotique : « Partant pour la Syrie », qui remplacera, comme toujours, pour eux, le chant de la Marseillaise et voire même le « ça ira » le plus échevelé. Ceux qui auront le plus blasphémé contre l’homme du 2 décembre, Napoléon le Sédentaire, dit Crapulard III, retrouveront bien des hymnes pour fêter la restauration de l’homme providentiel et du héros digne héritier du plus grand nom de l’histoire. » Plus loin il ajoute : « Quel que soit le gouvernement implanté en France, M. Imhaus ne peut pas manquer d’être gouverneur de la Réunion ; mais vrai, ce serait réellement plus joli s’il arrivait en nous portant la nouvelle de la restauration de l’Empire, comme il y a quelques personnes qui le pensent et le désirent. »

5Ici l’allusion est claire. Le rédacteur fustige le gouverneur Louis de Lormel nommé par Napoléon III en 1869 et qui resta en fonction jusqu’en 1875.

6Dans le numéro du 21 mai 1871, jour du début de la Semaine sanglante, L’enfant terrible qui, comme tous les journaux et tous les habitants de la Réunion ne peut pas savoir que l’étau se referme sur Paris, critique de nouveau l’arrivisme craintif et calculateur d’un certain nombre de républicains. Ses critiques se portent plus particulièrement sur le « propriétaire-directeur du Journal du commerce », M. Zéronime. Victor Grenier lui reproche d’avoir refusé d’insérer dans son journal une phrase d’une dépêche hostile à la Commune émanant des députés réunionnais à Versailles, tandis que son journal en avait le monopole de diffusion. M. Zéronime est accusé d’avoir peur « de se fâcher avec les Communards en imprimant la phrase suivante, qui n’a été rétablie que sur la réclamation des amis de nos représentants : ‘Maudits soient mille fois les énergumènes et les scélérats qui achèvent la ruine et l’abaissement de la France’ ». Victor Grenier lui reproche également d’avoir « peur de froisser les Communards en disant qu’ils ont arrêté l’archevêque de Paris pour voler son linge » et « qu’il voudrait bien ne pas se prononcer sur la question, et se réserver, pour donner son opinion, jusqu’au moment où l’on saura définitivement quels sont ceux qui ont gagné ou perdu la partie. »

7Il ressort de cet article que les députés réunionnais, ainsi que vraisemblablement une grande partie de la population de l’île, étaient opposés à la Commune. A nouveau, on s’aperçoit aussi que les incertitudes quant au gouvernement futur de la France (Versailles ou Paris) entraînent des prises de position souvent frileuses et, par voie de conséquence, de vives critiques. Au mois d’août 1871, l’envoi du compte rendu des députés réunionnais ravive l’hostilité de L’enfant terrible envers la Commune. En effet, ses « orgies sanglantes » qui sont venues s’ajouter aux « crimes de Metz et Sedan » et au « bombardement de Paris » n’ont pas empêché la France de « réunir, deux mois après, une armée formidable qui fait l’admiration de l’Europe entière [...] »12.

8Les « mythes » de la Semaine sanglante, apportés par les journaux de la métropole, servent également au journal satirique d’exemple pour railler telle ou telle décision locale. Ainsi, dans son numéro du 4 novembre, Victor Grenier fustige le maire de Saint-Denis d’avoir émis un arrêté calamiteux sur la détention du pétrole. « Si le docteur13 ne s’est point fait aider pour produire un monument législatif aussi important, il se révèle par un coup d’éclat et se fait connaître dans un seul jour. Les grands législateurs qui ont légué des lois à l’humanité ont longuement médité leur œuvre ; le docteur Sucre d’ Orge n’a eu besoin que de quelques jours pour bâcler sa besogne, et il a distancé du premier coup Licurgue, Solon, Justinien et voire même Napoléon I^er avec son conseil d’ État. » Néanmoins, le ton est-il si ironique lorsque Victor Grenier déclare : « nous venons de lire, dans les journaux de la métropole, les affreux exploits des pétroleuses pendant le dernier siège de Paris. Si la capitale de la France avait eu le bonheur de mettre la main sur un maire de la force du docteur Sucre d’ Orge, bien certainement l’histoire n’aurait pas eu à enregistrer les déplorables événements qui ont signalé la chute de la Commune. Les Tuileries n’auraient pas été incendiées ; les théâtres, le palais de la Légion d’honneur, nos principaux monuments publics, ne seraient pas devenus la proie des flammes, si on avait eu l’idée de prendre un arrêté semblable à celui du 21 octobre dernier » ?

9L’année suivante, la Commune est également vivement attaquée dans 12 pamphlets appelés Lettres républicaines à l’éditeur du Journal du commerce. Tout comme L’enfant terrible, ces lettres farouchement anticléricales critiquent l’opportunisme des élus qui sont incertains dans l’avenir14. Quant aux républicains sincères, l’auteur des lettres les croit absents du gouvernement de Versailles. Néanmoins, ceux qui ont pu commanditer des insurrections, « même les mieux justifiées en apparence » envers ces républicains que l’on dit être de circonstance « n’ont jamais accumulé que des ruines, [...] le désordre et le chaos [...] ». C’est la raison pour laquelle les Communards sont dans ces lettres aussi haïs que les soldats réfractaires ou les prélats. En outre, voici ce que rapporte le rédacteur dans sa 5^ème lettre : « Que la révolte vienne de la caserne ou qu’elle parte du cloître, qu’elle s’appelle l’Internationale ou qu’elle ait comme nom Compagnie de Jésus, qu’elle porte l’uniforme militaire ou qu’elle soit revêtue d’une soutane, c’est toujours la révolte, c’est-à-dire qu’elle est également coupable, également criminelle. Dans tous les cas, ses conséquences sont les mêmes : la honte et la ruine du pays. » La Commune et son instigateur présumé, l’ Internationale, sont donc bien classés au rang des plus grands ennemis que connaît la République et la France à cette époque15. Toute la phraséologie péjorative des journaux métropolitains s’y retrouve également. On parle de « spectre rouge », de drapeau rouge tenu dans une main, de « torches enflammées » dans l’autre, etc.

10Pour 1871-1872, l’attitude républicaine envers la Commune est donc celle de modérés et patriotes qui reproduisent au niveau local les jugements d’une grande partie de la presse métropolitaine.

11Lors de l’amnistie partielle qui survient en 1879, des deux journaux consultables, Le Travail et Le Moniteur, seul le premier traite dans ses articles de cet événement. Encore le fait-il avec froideur et sans commentaires. En fait, il se contente de reproduire les débats et discours métropolitains16. Aucune étude ne peut donc actuellement être envisagée sur la presse réunionnaise face à l’amnistie. Toutefois, l’enregistrement de la correspondance reçue par la Malle (le navire) du 20 août 1880 notifie qu’un certain nombre d’exemplaires du discours de Léon Gambetta sur la question de l’amnistie a été envoyé et qu’il a été affiché17. Ce discours fait par le président de la Chambre le 25 juin expose les raisons politiques et tactiques du vote de l’amnistie à cette époque18.

12L’indifférence des journaux réunionnais lors de l’amnistie se retrouve également pour certains d’entre eux à l’occasion du centenaire de la Commune en 1971. La Gazette de l’Île de la Réunion19, le journal catholique, La Croix du Sud20 et, plus étonnant. Le Travailleur réunionnais21, organe de la CGT Réunion proche du parti communiste réunionnais, n’évoquent pas du tout le centenaire de la Commune. Le Journal de l’Île de la Réunion qui se déclare un « quotidien indépendant d’information » s’en prend quant à lui violemment aux grévistes de l’École Normale Supérieure. Dans son numéro du 14 avril 1971, il considère que leur action est celle « d’ agités » saccageant « l’une des plus belles bibliothèques de France » pour « le centenaire de la Commune de Paris ». Plus loin, il continue ironiquement : « les professeurs à qui ces agissements ne plaisent pas – il y en a encore – n’ont qu’à bien se tenir ». Le 3 mai, s’il est fait mention du récit du 1^er mai et de la mémoire de la Commune à Paris, celui des tentatives de célébration dans l’Île est inexistant. Mais si Le Journal de l’Île de la Réunion ne relate pas l’interdiction de manifester pour la fête du travail, le quotidien communiste, Témoignages22, s’y attarde longuement...

13Les rédacteurs de ce journal rapportent le 4 mai « qu’outre l’interdiction des défilés, le préfet, par un arrêté pris spécialement pour la circonstance, a voulu également empêcher les travailleurs de manifester sous les plis de leur drapeau, le drapeau rouge de la Commune de Paris repris depuis par la classe ouvrière internationale. » Dans ce passage, le choix lexical est important, car le parti communiste réunionnais, qui est indépendantiste et opposé à la présence française, tient à se montrer comme une composante du mouvement ouvrier international bien distincte de celle française. Il y a donc ici une volonté évidente de montrer le caractère internationaliste de la Commune et de la détacher du pays où elle naquit. On retrouve cette volonté lors du récit de la montée au « Mur des Fédérés » dans le numéro du 27 mai. Témoignages parle ici « d’une mer de drapeaux ROUGES et tricolores » pour s’y rendre. Ici encore, ce n’est pas un hasard si l’adjectif de couleur « ROUGES » est publié en majuscules d’imprimerie tandis que « tricolores » l’est en minuscules. On veut bien évidemment majorer le côté internationaliste de la Commune et minorer son côté national.

14Ce récit de la commémoration parisienne permet également de dénoncer le préfet : « À Paris, après les défilés du 1^er mai, ce sont ceux pour la commémoration de la Commune. Et chaque auditeur23 aura pu entendre qu’à Paris, la capitale de la France, le drapeau rouge n ’est pas interdit 24. Et la circulation ne semble pas avoir été gênée par ces défilés qui ont duré plusieurs heures. Seule, la Réunion connaît l’arbitraire d’un préfet qui par arrêté officiel interdit les défilés25 traditionnels du 1^er mai, le drapeau rouge de la Commune [...] et cela au nom des embarras de la circulation ! Arbitraire et puérilité, c’est cela le colonialisme. »

15Le quotidien communiste cherche ici clairement, outre les éléments déjà cités, à montrer que la Réunion n’est pas un département français comme les autres pour alimenter sa propagande anticolonialiste et indépendantiste.

16Dans les autres organisations d’extrême gauche comme L’ Opposition marxiste, la Commune est aussi honorée à l’occasion de son centenaire. Proche des trotskystes français d’Informations ouvrières, ce journal évoque surtout la Commune comme le produit de la confrontation de la classe bourgeoise et de la classe ouvrière parisienne. À cette « classique » analyse de classe et à la critique du système capitaliste vient s’adjoindre, comme on pourrait s’y attendre, une critique de la bureaucratie stalinienne des pays de l’Est qui « a dépossédé de leur pouvoir politique » les exploités qui partout reprennent « le flambeau de la Commune »26. Ce flambeau qui est le symbole du premier gouvernement ouvrier du monde doit donc à l’Ouest comme à l’Est amener à « l’émancipation des travailleurs qui sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes »27. Dans son numéro de juin 1972, L’ Opposition marxiste déclare par contre que « l’ État ouvrier russe de 1917 » est « le premier État ouvrier du monde depuis des millénaires ». Son centenaire passé, la Commune serait-elle ici abandonnée ou oubliée ? C’est fort peu probable. Celle-ci pour les besoins du journal a certainement été mise de côté à cause de ses faiblesses. Si c’était le cas, mais ceci n’est qu’une hypothèse, les militants trotskystes qui animent ce journal seraient en accord avec les vives critiques qu’énonça Trotsky sur la Commune dans sa préface à l’ouvrage de Talès28 : « nous saluons dans la Commune – selon une expression de Lavrov – l’aube, quoique bien pâle29, de la première République prolétarienne. »

17Outre les communistes de Témoignages et les trotskystes d’ Opposition marxiste, un troisième groupe interprêta d’une façon singulière les événements de 1971 : les maoïstes de Jeunesse marxiste30.

18Ceux-ci, comme les trotskystes, parlent de la nécessité pour le prolétariat de prendre le pouvoir par une action révolutionnaire. Néanmoins, ils emploient par rapport à ces derniers dans leurs articles sur la Commune un champ lexical beaucoup plus dur. Ils utilisent ainsi des termes comme « violence révolutionnaire »31, « lutte à mort »32, et rejettent sans aucune exception tout ce qui n’est pas en accord avec ce qu’ils considèrent être la vérité absolue, c’est-à-dire « la vérité universelle du marxisme-léninisme »33. En dehors de ce cadre, ces maoïstes refoulent toute autre approche et toute autre vision pouvant amener au communisme. Brejnev, Marchais, Salvador Allende, François Mitterrand ou encore Paul Vergès (secrétaire général du Parti communiste réunionnais) sont considérés comme des traîtres et des révisionnistes qui prêchent « la révolution non violente » et le « passage pacifique » au communisme. Ce sont des traîtres au souvenir de la Commune.

19La révolution ne pouvant selon eux se faire sans action violente du prolétariat, celui-ci doit imposer sa dictature. Mais cette dictature n’a rien à voir avec celle de la classe opprimée sur la classe dominante énoncée par Marx. Ainsi, si ces maoïstes excluent, à juste titre d’ailleurs, les dictatures bureaucratiques des pays de l’Est du nombre des véritables dictatures du prolétariat, c’est pour mieux soutenir les régimes totalitaires de Mao en Chine et d’ Enver Hoxa en Albanie34 ! Ces régimes sont, selon eux, les seuls vrais héritiers de la révolution d’Octobre 1917, elle-même suite logique de la Commune de 187135. Cette succession se retrouve aussi pour « les pères du marxisme » : Jeunesse marxiste a, en haut de chacune de ses couvertures, les gravures côte à côte de Marx, Engels, Lénine, Staline36 et Mao...

20Il est également intéressant de souligner que, de tous les journaux qui se réclament du marxisme, Jeunesse marxiste est le seul, pour la période étudiée (1970-1973), à évoquer le rôle des femmes qui participent activement aux combats de la Commune. Peut-être faut-il y voir une attention particulière de ces maoïstes à l’oppression de celles-ci.

21L’étude de l’ensemble de ces journaux permet de constater que le centenaire de la Commune fut dans l’Île de la Réunion, soit complètement occulté, soit utilisé – comme en 1871 – à des fins partisanes. Dans le second cas, que la Commune soit critiquée, comme pour le Journal de l’Île de la Réunion, ou qu’elle soit quasiment sanctifiée par les organisations politiques se déclarant marxistes, celle-ci est systématiquement interprétée et transfigurée idéologiquement.

22Il ressort donc des archives étudiées que « les échos – bien faibles – de la Commune de Paris à l’Île de la Réunion » offrent, aussi bien pour 1871 que pour 1971, des sons déformés par la nature spécifique de leur lieu de résonance. Néanmoins, cette situation n’est pas exceptionnelle puisqu’elle se retrouve ailleurs en France métropolitaine. En cela, l’Île de la Réunion paraît beaucoup moins indifférente qu’on pourrait le penser aux événements métropolitains, voire au souvenir de certains d’entre eux.