1Analyser, par rapport à celles de Paris, les formes prises par les manifestations communalistes de province, pourrait entraîner, sur ce seul thème, de très longs débats. D’entrée de jeu, le professeur Larguier et Marc César ont évoqué les contrastes qu’ on pourrait relever.

2Il faudrait, sur le plan méthodologique bien distinguer plusieurs niveaux :

• Les centres où une action effective a eu lieu, sanctionnée par l’éphémère proclamation d’un pouvoir insurrectionnel : Lyon, Marseille, Le Creusot, Saint-Étienne, Toulouse, Narbonne.

• Les lieux où des tentatives plus ou moins avancées avortent : Limoges, Bordeaux, ou, à la rigueur, Brest.

• Enfin, les localités où ont émergé des manifestations non équivoques de solidarité avec Paris insurgé. Par exemple, au printemps 1871, le long des voies ferrées, dans les gares entre La Charité-sur-Loire et Nemours.

3On verrait alors comment les conditions géographiques et politiques différentes (géopolitiques pour sacrifier à la mode !) déterminent dans un mouvement de même nature des formes variables.

I. Une réaction contre la centralisation impériale

4Parmi ces conditions, il convient sans doute de privilégier les données militaires : d’un côté Paris assiégé maintenant des liens aussi ténus qu’aléatoires avec le reste de l’hexagone et, de l’autre côté, une province, au sud de la Loire, beaucoup moins concernée par les contraintes immédiates qu’impose la menace d’invasion.

5À cela s’ajoute ou, plus exactement, de cela résulte la régression des capacités d’ intervention de l’État centralisé traditionnel : un gouvernement isolé à Paris, une délégation surtout préoccupée des exigences de la défense installée à Tours, puis à Bordeaux en décembre 1870.

6Martial Delpit, rédacteur du rapport de la Commission d’enquête parlementaire sur le 18 mars, le dit clairement1. Il signale que, dans « certaines villes du Midi, l’autorité n’existait plus que de nom et que les chefs-lieux de département étaient dominés par les municipalités. »« Ainsi, dit-il, du 4 septembre au 18 mars le désordre moral (... inverse idéal du futur « ordre moral » de Mac-Mahon !) n’a pas cessé de s’accroître un seul instant dans la plupart des villes du centre et du midi de la France [...], le gouvernement de la Défense nationale était contraint de fermer les yeux sur ce qu’il ne pouvait empêcher. »

7C’est ce qui explique l’avance de ces villes du centre et du midi (du moins pour celles qui ont un passé de contestation politique) en matière d’indiscipline à l’égard du gouvernement de la Défense nationale.

8Comme l’a écrit Jeanne Gaillard2, à Marseille, « c’est le fédéralisme qui sert d’enveloppe à la révolution communaliste ». Il suffit d’un mois après l’investissement de Paris (14 septembre 1870) pour que le 13 octobre, Delpech et Esquiros rompent avec Tours – c’est-à-dire avec Gambetta – et affirment ainsi la divergence de la Ligue du Midi fédérant les départements rétifs au pouvoir de la délégation.

9Delpit remarque, avec justesse, dans le rapport cité, que cette adhésion au fédéralisme constitue un reniement à l’égard du principe centralisateur du radicalisme et y voit – avec une certaine exagération – l’indice d’un ralliement à l’Internationale : « cet étrange mouvement de fédération était accepté par le parti jacobin qui reniait un de ses dogmes de 93, l’unité et l’indivisibilité de la République, et c’est même une des preuves les plus manifestes du progrès des idées de l’Internationale dans notre pays. »

10Mais avant même ce 13 octobre (« avant, avant Lyon le meilhor ! »), Lyon avait marqué ses distances avec le suspect gouvernement de la Défense nationale. Lorsque l’avocat Louis Andrieux3 avait proposé au Comité de salut public, qui le 4 septembre s’était révolutionnairement substitué à la municipalité impériale présidée par le préfet, un message à Paris qui disait « attendre les instructions du gouvernement », il fallut, devant les protestations, remplacer instructions par communications et, à gouvernement provisoire, ajouter... de Paris ! Le préfet nommé par Gambetta, Challemel-Lacour, en dépit de la qualification de « républicain vigoureux » qui accompagnait sa nomination, ne parvint jamais à reprendre totalement la situation en main !

11Ainsi, on peut dire qu’il n’y a pas une Province, il y a des Provinces parmi lesquelles on peut distinguer trois niveaux :

• Celle des départements ruraux où les comportements sont influencés par des traditions historiques complexes et variées et des structures sociales plus archaïques.

• Celle des petites villes qui ont conservé le caractère artisanal et semi-rural des centres urbains du début du XIX^e siècle.

• Celle des villes touchées et même parfois bouleversées par les évolutions industrielles rapides de la période 1850-70, où les changements sont plus profonds et générateurs de crises, de conflits sociaux vigoureux où l’Internationale affirme souvent sa présence.

12Mais ce sont là des catégories très générales. Reste à être plus précis en intégrant les héritages politiques et sociaux qui influent sur les représentations des événements dans ces villes, transformées socialement, plus que les autres par ces évolutions économiques et urbaines rapides.

II. La spécificité lyonnaise

13S’agissant du cas lyonnais, c’est une impérieuse nécessité.

14L’histoire sociale de Lyon est rythmée par une longue série de luttes vigoureuses et multiformes qui se développent en parallèle avec son essor économique.

15Ville des grandes foires de la Renaissance, de la banque et du commerce des soieries, elle compte très vite un tiers de sa population vivant directement ou indirectement des activités proto-industrielles de la « grande fabrique des soies ». Ce peuple laborieux est dominé par quelques centaines de banquiers et commerçants en soie qui, parés du titre de marchands-fabricants, imposent leur loi qui est celle d’un vaste marché débordant les limites du royaume et lancé à la conquête de l’espace européen. Ces maîtres du négoce, fournisseurs de matière première et distributeurs du produit fini, réduisent les « maîtres-ouvriers », installés à Lyon à partir de 1536 et leurs compagnons tisseurs, à la condition de salariés à domicile qui supportent en outre tous les aléas de la production, de la préparation des métiers à la livraison des étoffes.

16Lorsqu’en août 1744, un édit royal, en interdisant aux maîtres ouvriers toute vente directe de soierie, fait passer dans l’ordre juridique ce qui n’est que le résultat de cette évolution socioéconomique, Lyon connaît la première d’une grande série d’émeutes du travail réprimées avec le concours de l’armée.

17Entre 1744 et 1786, les « ouvriers en soye » finissent par s’accepter comme tels. Maîtres-ouvriers possesseurs des moyens de production et compagnons disposant de leur seule force productive commencent à se percevoir comme le bloc du travail opposé à la puissance des négociants.

18En août 1786, c’est la « révolte des deux sous », lutte pour un salaire de deux sols en plus par aune tissée. Jusqu’en 1793, à la faveur de la Révolution, sous l’inspiration d’un personnage -Denis Monnet, véritable « militant » moderne – les tisseurs inventent au gré de leurs revendications, le tarif, l’échelle mobile du salaire aux pièces, la négociation périodique sous arbitrage municipal.

19Je renvoie aux conclusions de la thèse de Maurice Garden Lyon et les Lyonnais au XVIII ^e siècle. Pour lui, Lyon a connu dès le XVIII^e siècle des semaines de « pouvoir ouvrier » contraignant le pouvoir municipal à reculer dans l’attente de meilleurs rapports de forces. On passe ainsi, écrit-il, de l’action « du corps de métier à la lutte de classe », car il y a bien « des éléments d’une lutte de classes, encore imparfaits et indécis ». Et « par bien des aspects la société lyonnaise du XVIII^e siècle annonce celle du XIX^e : la domination de la bourgeoisie sur la main-d’œuvre des manufactures est déjà l’essentiel. »4

20La Révolution à Lyon est d’ailleurs particularisée par ce trait essentiel, comme j’ai tenté de le montrer dans un article pour la revue La Pensée5, en analysant l’incompréhension manifeste des conventionnels en mission à Lyon à l’automne 1793 à l’égard des réactions de « ce curieux prolétariat, ce curieux élément de la classe ouvrière qui se dresse dans des émeutes où nous pouvons bien voir les préludes de la Commune », comme l’a écrit Jürgend Kuckzinsky à propos de 18316.

21C’est ce qui explique pourquoi le gros deuxième tiers du XIX^e siècle est marqué ici par des affrontements souvent sanglants dont le contenu de classe est indéniable :

• Novembre 1831, la célèbre « révolte des canuts ».

• Avril 1834, réplique à l’oppression sociale lors du jugement des grévistes du Devoir Mutuel et des compagnons ferrandiniers et à la nouvelle de la loi supprimant le droit d’association (avec la jonction, cette fois, entre le mouvement ouvrier et les organisations républicaines).

• Entre ces deux dates, la sourde lutte entre les « canuts » et le préfet Gasparin (conseillé directement par Thiers)7 pour empêcher, par décision du Conseil d’ État, l’égalité revendiquée par les premiers, d’une représentation au Conseil des prud’hommes entre maîtres-ouvriers et marchands-fabricants. (On se rappellera – précision pleine de sens ! – que c’est en 1806 que Napoléon crée à Lyon le premier Conseil des prud’hommes de France dans l’espoir d’instaurer une « juridiction paternelle » tempérant la violence des conflits entre les deux parties).

• Juin 1849, nouvelle insurrection férocement réprimée, où selon Marx (dans La Lutte des classes en France), « ce fut à Lyon seulement (souligné par moi, M.M.) qu’on en vint à un conflit opiniâtre, sanglant. Dans cette ville où la bourgeoisie et le prolétariat industriel se trouvent directement face à face, où le mouvement ouvrier n’est pas, comme à Paris, enveloppé et déterminé par le mouvement général, le 13 juin perdit, par contrecoup, son caractère primitif »8. J’ajouterai : à Lyon où selon le journal Le Républicain du 4 juin, dix jours avant l’affrontement sanglant on pouvait lire que la solution était « dans la dictature du prolétariat détruisant la bourgeoisie, comme la bourgeoisie a chassé l’aristocratie, comme la royauté a enterré la féodalité. »9

22À ce propos, il convient de rectifier une vue erronée contenue dans l’intéressant essai de Gérard Noiriel sur Les ouvriers dans la société française (Le Seuil, 1986). Sur le plan géographique, il ne s’agit pas, comme il l’affirme, de la simple continuation du combat des « sans-culottes ». Selon lui, les révoltes de 1831 et 1834 se déroulent dans les mêmes quartiers que le soulèvement dit « des deux sous » de 1786. C’est une erreur. Le soulèvement de 1786 affecte la rive droite de la Saône et le centre de la presqu’île, au nord de la place Bellecour. En 1831, c’est essentiellement la Croix-Rousse qui « envahit » le 22 novembre la presqu’île car le plateau croix-roussien pour des raisons pratiques, économiques et sociologiques, est devenu le lieu où se concentrent les canuts, le lieu d’élection de la fabrique des soies. En 1834, l’embrasement est plus vaste, car, par la voie du républicanisme renaissant, l’alliance sociale s’est étendue : c’est encore la Croix-Rousse mais aussi au nord, Vaise (où a lieu en préface au massacre parisien de la rue Transnonain un carnage semblable) et aussi la Guillotière. En juin 1849, la bataille est contenue sur le seul plateau de la Croix-Rousse où l’armée inflige la deuxième phase (jusqu’à un certain point décisif) de la punition frappant le quartier jusqu’alors leader de toutes les révoltes. En 1870-71, on le verra, l’axe du conflit social s’est nettement fixé outre Rhône dans le faubourg de la Guillotière. Il y a là un mouvement des espaces sociaux insurrectionnels qui traduit bien dans cette période longue la variation de l’implantation des forces ouvrières et leur capacité d’entraînement d’autres secteurs sociaux : classes populaires artisanales et commerçantes comme couches nouvelles du monde ouvrier.

III. La première internationale, force innovante

23C’est sur ce terrain fertile, si souvent labouré, que s’implante dès 1865 l’ Internationale lyonnaise. L’Association Internationale des Travailleurs (AIT) n’a eu, en province, de force réelle d’intervention qu’à Lyon et Marseille.

24L’histoire de l’AIT lyonnaise est complexe. De 1865 à 1867 la section végète, tiraillée entre un pôle croix-roussien où l’influence de « coopérateurs purs » d’obédience proudhonienne est importante et un pôle centré sur la Guillotière autour du « républicain d’action » Schettel, un mécanicien, flanqué du tisseur J.M. Gauthier, proudhonien de stricte observance en même temps qu’indicateur de police !...

25Le pôle de la Guillotière l’emporte et finit par être reconnu comme seule section lyonnaise par le Conseil général de Londres. Mais Schettel ne tarde pas à être écarté alors que s’imposent de jeunes cadres qui portent sur la révolution de 1848 un regard critique et sont animés de la volonté de rompre avec la gauche radicale exclusivement politique, au profit d’une organisation de combat prioritairement orientée vers la révolution sociale. Ceux-ci, Albert Richard et Gaspard Blanc, à partir de l’été 1868, reçoivent de Londres, par Eugène Dupont correspondant de la section française, des encouragements chaleureux : « Pour nous, leur écrit-il le 13 août, la révolution est toute dans la question sociale. Ce qu’il faut changer c’est le fond et non la forme. 48 a été une révolution de forme [...], je suis heureux d’apprendre qu’à Lyon vous êtes dans la vraie voie ». Et d’ajouter : « je désire que notre ami Rey soit élu », avec l’espoir que, pour les élections législatives de 1869, la section lyonnaise présente sous son drapeau une candidature10.

26Mais c’est précisément le moment où, délégué au Congrès de Bruxelles de l’AIT et au Congrès de la Ligue de la Paix et de la Liberté à Berne, Albert Richard rencontre Michel Bakounine pour lequel il subit une fascination qui n’a d’égale que celle qu’exprime pour le même personnage, Bastélica, le jeune leader des internationaux marseillais. L’un et l’autre ne tardent pas à s’affilier à l’Alliance de la démocratie socialiste, formation internationale au sein de l’AIT, fournissant pour Bakounine les « intimes » qui constituent, dans l’esprit du révolutionnaire russe, l’état-major secret de la Révolution « intégrale » !

27L’évolution de la section lyonnaise s’accélère surtout à partir de la fin du printemps 1869. Sa structure se modifie par l’adhésion des sociétés corporatives sous la forme de « chambres syndicales ». Le mouvement s’emballe à la faveur d’une vague de grèves qui touche, sur le plan national, des régions entières pénétrées par l’industrialisation. Particulièrement forte dans la région lyonnaise, elle atteint plus de vingt-cinq corporations. Le Salut Public du 28 juin manifeste son inquiétude devant « la malaria du moment, (le) vertigo des grèves qui affole les cervelles ! »

28Aux revendications salariales s’ajoutent des revendications de dignité et d’indépendance qui tendent à freiner l’exploitation du travail (abandon de la rémunération aux pièces, affichage dans les lieux de travail des règlements et surtout limitation de la durée journalière de présence dans les ateliers et les usines).

29Deux de ces grèves émergent du lot par leur singularité :

30– Celle des ovalistes qui fabriquent dans de nombreux ateliers les fils de soie. C’est la première grande grève féminine française qui bénéficie de soutiens financiers nationaux et internationaux grâce à FAIT. Cette main-d’œuvre, recrutée dans les campagnes et jusqu’à l’étranger (au Piémont en particulier), vivait dans des conditions aussi misérables qu’humiliantes, logée « en chambre » ou en dortoir sous le contrôle de leurs patrons ou du clergé. Son éveil à la lutte sociale provoque un véritable choc, y compris au sein de l’Internationale, où des militants comme Varlin ou Aubry auraient souhaité leur présence dans la délégation lyonnaise au congrès de Bâle afin de mettre en position délicate les derniers proudhoniens de stricte observance fidèles aux conceptions antiféministes de leur défunt maître.

31– Celle aussi des imprimeurs sur étoffes de Neuville-sur-Saône, organisée par des militants de FAIT qui dure près de six mois et dont un texte, paru dans le très conservateur Salut Public du 18 novembre 1869, présente une ressemblance extrême avec un passage du Capital (paru en 1867) : « Tout ouvrier intelligent, écrivent les responsables de la grève, a compris qu’aujourd’hui l’ouvrier n’est qu’une machine dans laquelle sous forme de pain et quelquefois de viande, on met du combustible comme dans l’autre sous forme de houille. » Marx, de son côté, évoquait « le travailleur rabaissé au rang de simple instrument (qui) se voit fournir sa nourriture comme on fournit du charbon à la chaudière, de l’huile et du suif à la machine »11. Nos imprimeurs sur étoffes, lecteurs du Capital ? Évidemment non ! mais lecteurs de journaux relevant de l’AIT ou collaborant avec elle, canaux de transmission ponctuelle d’une pensée marxisante qui nourrit l’argumentaire des grévistes...

32La poussée syndicale de 1869 – car les grèves s’ accompagnaient de créations de « sociétés de résistance » adhérentes à l’Internationale – (mouvement qui se poursuit jusqu’à l’été 1870) participait au déclin du second Empire tout comme les difficiles épreuves électorales que le régime devait affronter : les législatives de mai 1869 puis le plébiscite de mai 1870.

33Dans ce dernier domaine qui relève du combat politique, ce qui est important de souligner ce sont à la fois les hésitations de la direction locale de l’AIT et les nuances significatives qu’on constate entre l’attitude de l’électorat ouvrier de la Croix-Rousse et de la Guillotière.

34– Hésitations de FAIT : Albert Richard et ses amis renoncent finalement au projet de candidature ouvrière en se ralliant avec réticences aux candidatures radicales (à la différence de Bastélica à Marseille qui pense « qu’on ne peut pas se montrer indifférent à la solution politique du problème social »). C’est l’électorat ouvrier qui assure le renouvellement de la représentation lyonnaise au corps législatif en provoquant la défaite des républicains modérés élus en 1863. À la Guillotière, Raspail obtenait 16 585 voix contre 5 991 à Jules Favre et à la Croix-Rousse Bancel réunissait 16 933 suffrages contre 6 936 à Hénon.

35– À la Croix-Rousse, la campagne de Bancel et ses déclarations au lendemain du scrutin ont été beaucoup plus modérées que celles de Raspail à la Guillotière.

36Différence de tonalité qui ne doit rien au hasard.

37À la Croix-Rousse, la crise de la Fabrique des soies s’est accélérée. Beaucoup de métiers ont quitté le plateau pour les fermes des campagnes environnantes. La population décline et vieillit, le noyau des compagnons se réduit tandis que se renforce la catégorie des chefs d’ateliers. L’Empereur lui-même, en ordonnant la construction d’un boulevard à la place des fortifications élevées en 1831, a affirmé que « le danger d’émeute a disparu » chez les canuts. Comme l’a écrit Georges Duveau, « le canut souhaite un monde figé dans lequel la fraternité est plus humaine que proprement ouvrière [...]. L’essentiel du socialisme moderne, un monde totalement renouvelé et par là enfantant un homme neuf lui échappe »12.

38Outre-Rhône, à la Guillotière et aux Brotteaux (partie nord de la rive gauche du fleuve), c’est l’inverse. Avec les métallurgistes, les maçons, les cordonniers, les ouvriers de la chimie, les manœuvres, un peuple laborieux diversifié constitue l’essentiel de la population. C’est devenu le faubourg, ce creuset où se mêlent des apports humains multiples. En 16 ans, 28 000 nouveaux venus s’y sont installés, en partie chassés du centre par les grands travaux de Vaïsse, le Haussmann lyonnais, en partie issus de migrants logés dans des maisons construites à l’aide de matériaux de réemploi, provenant des destructions de la presqu’île rénovée et embellie. C’est surtout dans ce faubourg que se tiennent les 214 réunions publiques et les 84 privées dont Jeanne Gaillard fait état dans son essai, Communes de province, Commune de Paris, en évoquant la période 1869-1870 à Lyon. Réunions de masse, parfois corporatives, comme celle que le préfet Censier signale au ministre de l’Intérieur et qui a réuni le 24 avril 1870 1 500 à 2 000 participants.

39Le mouvement ouvrier est alors en pleine expansion dans la capitale rhodanienne : un mois plus tôt, le 13 mars, s’est tenu à la Rotonde, à la limite de la Guillotière et des Brotteaux, avec la participation de Varlin, Aubry, Bastélica et Albert Richard, un congrès ouvrier réunissant 6 000 participants locaux (chiffre identique sous la plume de Richard et du commissaire de police des Brotteaux). Ce congrès est parfois considéré – avec quelque exagération – comme le premier congrès national de l’AIT.

40La puissance d’entraînement des organisations ouvrières (AIT et chambres syndicales affiliées) se vérifie dans les résultats du plébiscite de 1870.

41Un moment, les internationaux hésitent entre l’abstention et le vote inconstitutionnel entraînant annulation des bulletins que recommandent les radicaux raspaillistes. Finalement, cette hésitation n’a que très peu de conséquences sur le vote négatif. Jeanne Gaillard s’est trompée en insistant sur les chiffres lyonnais de 1870 sans les comparer avec les élections législatives de 1869. La comparaison est éclairante : si l’on cumule en 1869 abstentions + votes nuls on obtient 25,8 % de non-votes et, en 1870, 24,3 % de non-votes pour Lyon... Mais ce qui est le plus important, c’est un autre résultat : en 1869 les voix républicaines (radicaux + modérés, Raspail + Jules Favre) représentent à la Guillotière-Brotteaux 86,6 % ; en 1870 le non réunit 71,7 % des voix et l’écart est de 14,9 % des voix. Or, en 1869, Jules Favre en avait recueilli 13,3 %. À la Croix-Rousse la coïncidence est encore plus nette compte tenu de la stagnation à pente régressive de l’électorat : Bancel avait obtenu 5 976 voix qui se retrouvent dans les 5 979 non de 1870 tandis que le total des voix conservatrices et de celles portées sur Hénon en 1869 (2 039) se retrouvent à peu près dans les 1 962 oui de 1870.

42Ainsi, à la veille de la guerre, l’Union des radicaux « irréconciliables » et des ouvriers influencés par l’ Internationale semble s’être renforcée, tandis que s’éloignent de plus en plus les républicains modérés.

43Elle l’est aussi dans les manifestations hostiles à l’Empire qui déferlent dans la presqu’île, centre du conservatisme local, le 20 juillet au moment de la déclaration de guerre. Elle se concrétise encore, quoiqu’ avec des nuances, lorsque le 4 septembre, à 8 heures du matin, donc avant Paris, la préfecture (située dans les locaux de l’Hôtel de Ville) est envahie, la République proclamée et le drapeau rouge hissé sur la maison commune (il y restera six mois). Un Comité de salut public s’installe de manière révolutionnaire, il compte, après des adjonctions successives 78 membres dont 18 sont des ouvriers militants et, au moins – selon l’historien britannique Julian Archer – 9 membres authentiques de l’AIT.

44On a déjà évoqué au début de cet exposé, avec quelle méfiance ce Comité de salut public accueille le préfet Challemel-Lacour nommé par la délégation de Tours avec mission – non-avouée – de remettre de l’ordre à Lyon en contrant les initiatives municipales qui inquiètent Gambetta.

IV. L’échec de l’Internationale

45En réalité, l’union révolutionnaire réalisée est fragile parce qu’elle est ambiguë et que très tôt se développe autour de l’Hôtel de Ville des manœuvres diverses : celles de Challemel-Lacour qui ne pouvait tolérer les décisions prises par le Comité de salut public et annoncées par affiches signées de la Commune de Lyon « qui se (tenait) en dehors et au-dessus de l’action administrative »13, celles du jeune Louis Andrieux, personnage retord, habile à se faire nommer procureur de la République et futur préfet de police de Paris et, d’un autre côté, celles des fervents de l’Alliance de la démocratie socialiste qui rêvent de la révolution « pure », selon Bakounine. Ce dernier ne tarde pas à accourir à Lyon pour, selon une lettre écrite à Vogt, « y porter ses vieux os et y jouer sa dernière partie » !

46De cette situation résulte une division accélérée des éléments révolutionnaires (qui se fractionnent en comités) et de leurs alliés potentiels. On distingue alors :

47– Le Comité central fédératif, dont la constitution est en rapport avec la fondation de la Ligue du Midi, le 18 septembre par les délégués de 13 départements méridionaux. Il met en avant des objectifs vagues : « défendre la révolution et maintenir l’esprit populaire à la hauteur des circonstances ». L’essentiel est le « salut de la France » au prix de mesures d’exception égalitaires. Ses réunions se tiennent au Palais Saint-Pierre, proche de l’Hôtel de Ville – préfecture. Fort daté, il représente la fraction ultra-jacobine de la démocratie lyonnaise. Sur 30 militants repérés, on compte 11 tisseurs, 6 artisans, 4 employés, 4 commerçants (dont 3 pharmaciens « raspaillistes » champions de la médecine au camphre !), 2 ouvriers. Parmi eux, deux ex-initiateurs de l’AIT, écartés de l’organisation : Schettel (51 ans) et le navetier Comte (71 ans). La moyenne d’âge est d’ailleurs de 50 ans (comprise entre 71 et 31 ans). La marque croix-roussienne se confirme, lorsque l’on sait que le deuxième siège de l’organisation se situe sur le plateau, au Cercle des tisseurs.

48– Le Comité de sûreté générale, qui a pour dirigeant Timon (51 ans) et rassemble les anciens Voraces de l’insurrection de 1849, des membres des anciennes sociétés secrètes. Il se fixe l’objectif de déjouer les entreprises de la réaction et brigue les fonctions policières. Y participe un membre de l’AIT, Guillaume Chol, arrêté en avril 1870 lors des poursuites contre l’Internationale et libéré le 4 septembre.

49L’arrivée à Lyon, le 14 ou le 15 septembre, de Michel Bakounine fait naître d’autres organisations. Bakounine vit dans l’exaltation la période de son existence où il se dégage de l’influence du conspirateur et imposteur Serguei Netchaïev, sans avoir encore fait le deuil des conceptions tirées de cette fréquentation. La longue lettre à Netchaïev datée de Locarno le 2 juin 1870 – qui occupe 42 pages dans le livre de Michaël Confino, Violence dans la violence, Maspero, 1973 – exprime parfaitement sa vision du moment, déjà traduite dans les statuts de l’Alliance pour la démocratie socialiste (A.D.S.) : « Au milieu de l’anarchie populaire, une organisation secrète [...] formée de petits groupes et néanmoins fortement unis par une pensée commune et un but commun [...]. Ces petits groupes, inconnus en tant que tels, ne détiennent aucun pouvoir officiellement reconnu [...], (ils) sont forts de leur pensée qui exprime l’essence même des instincts, des désirs et des besoins populaires [...]. Voilà ce que j’appelle la dictature collective de l’organisation secrète. (Elle) n’est entachée d’aucune cupidité, vanité ou ambition parce qu’elle est impersonnelle et imperceptible. »« Mélange d’anarchisme, de jacobinisme et de blanquisme qui instaurerait une dictature qui n’en serait pas tout en l’étant », commente en note Michaël Confino...

50Pour Bakounine, Lyon est un terrain d’expérience. Dès le 4 septembre, il a écrit à Albert Richard : « Si les ouvriers de Lyon et de Marseille ne se lèvent pas immédiatement, la France et le socialisme sont perdus ! »14.

51Dans ces conditions, Richard, Gaspard Blanc et aussi Bastélica, les jeunes gens distingués par le « colosse révolutionnaire » (dixit Bastélica) et enivrés de cette confiance, étaient bien incapables de tenir compte des conseils modérateurs envoyés de Londres par Eugène Dupont, correspondant pour la France de l’AIT, les incitant « après la fin piteuse du Soulouque impérial » à laisser « la vermine bourgeoise faire la paix avec les prussiens » en profitant de la situation pour « répandre partout et conforter » l’Internationale15.

52Le 17 septembre, près de 6 000 participants garnissent les gradins de la Rotonde au meeting inaugural du Comité de salut de la France. Des représentants de Grenoble, Marseille, Vienne y participent et l’on s’accorde sur la nécessité de préparer le soulèvement de la France contre l’envahisseur. Il est question d’action et non pas d’organisation. Dès lors, l’ Internationale lyonnaise se dissout littéralement dans la nouvelle organisation et l’activité purement conspirative l’emporte sur l’activité politique.

53Les choses vont aller désormais très vite : il suffira de onze jours.

54Des conciliabules se multiplient chez le traiteur Guillerme, siège de l’AIT locale à la périphérie de la Guillotière. On y examine les moyens de provoquer une manifestation revendicative des chômeurs employés aux ouvrages de défense de la ville. Le Comité de sûreté générale de la rue Suizerne est sollicité pour appeler à une levée en masse de bataillons de francs-tireurs au moment où l’on annoncera la présence à Lyon du « général » Cluseret, « vaillant soldat de la démocratie » fraîchement arrivé des États-Unis. Des troupes levées par les départements se rassemblent à Lyon.

55Le 28 septembre, la tentative bakouninienne de provoquer « une révolution spontanée » a lieu. Profitant d’une décision municipale qui réduit les journées de travail sur les chantiers de la défense de 10 à 8 heures et ramène en même temps les salaires journaliers de 3 f à 2 f 50, les comploteurs parviennent à ameuter, place des Terreaux, devant l’Hôtel de Ville-Préfecture des milliers de protestataires.

56Dans le même temps, paraissent sur les murs de la ville les affiches d’une mythique « Fédération des Communes révolutionnaires » (qui englobe arbitrairement Tarare et Saint-Étienne) décrétant (art. 1) « l’abolition de la machine gouvernementale et administrative », la substitution (art. 2) de « la justice du peuple » à tous les tribunaux, la suspension (art. 3) « de tous les impôts et des hypothèques remplacés par une contribution prélevée sur les riches. »

57Bakounine et ses conjurés, introduits clandestinement à l’Hôtel de Ville, où siège le conseil municipal élu à la place du Comité de salut public et dirigé par Hénon, depuis une semaine, s’emploient en vain à rallier cette assemblée modérée au mouvement. Pendant ce temps, du balcon de la maison commune dominant la place où s’agitent des milliers de manifestants, le plâtrier Saignes proclame la patrie en danger et nomme solennellement Cluseret « général en chef des armées révolutionnaires et fédéralistes du Midi de la France » !

58De 14 à 19 heures, c’est la confusion complète. Hénon, à la surprise des conspirateurs, réagit vivement. Bakounine bousculé, est projeté dans le bassin de la cour d’honneur, on l’arrête, on le dépouille de son carnet (déposé par la suite aux archives de la ville) et de son revolver. Ses amis réagissent, le libèrent, font à leur tour prisonnier le conseil. Les deux camps s’efforcent de gagner l’appui de la Croix-Rousse. Cluseret est chargé de se rendre sur le plateau pour rallier les bataillons de la Garde nationale mais s’arrête en route. Hénon, par contre, fait jouer ses relations et se montre plus efficace. En fin d’après-midi, un bataillon de croix-roussiens dirigé par un canut, le commandant Arnaud, intervient sous les applaudissements des deux camps qui voient en lui l’apport décisif à leur cause. Les amis de Bakounine ne tardent pas à être détrompés et leur chef s’esquive, bientôt imité par tous les inspirateurs du coup de main manqué.

59Cette équipée est fatale à l’Internationale, considérée désormais comme responsable de cette palinodie.

60Comme l’écrit à Beesly, le 19 octobre 1870, Karl Marx : « Ces ânes de Bakounine et de Cluseret sont arrivés à Lyon et ont tout gâté. Appartenant tous deux à l’ Internationale, ils ont eu malheureusement assez d’influence pour fourvoyer nos amis. »

V. Les soubresauts du soutien à Paris

61Désormais, Gambetta peut agir, avec Challemel-Lacour, pour reprendre totalement les choses en mains dans la ville rebelle.

62En octobre, des arrestations frappent les Internationaux dont les dirigeants locaux se cachent ou sont en fuite.

63Désorientés, les révolutionnaires cèdent du terrain. Ainsi, le 17 octobre, le Comité révolutionnaire de la Guillotière adopte un programme démocratique, égalitariste, solidariste et anticlérical qui se démarque peu du « programme de Belleville » gambettiste.

64Pourtant, des « émotions » secouent encore la ville. Elles relèvent de réactions spontanées qui révèlent un état d’esprit persistant.

65C’est le cas le 4 novembre, lorsque le général d’ Empire Mazure est mis en péril par la rébellion de bataillons de la Garde nationale venus de Vaise, la Croix-Rousse et la Guillotière. Ce dernier, soupçonné de trahison, est interné à la prison Saint-Joseph afin de le protéger, puis est subrepticement libéré avec le concours d’Andrieux.

66C’est le cas le 20 décembre, lorsqu’on apprend les résultats de la malencontreuse bataille de Nuits où ont été engagés des mobiles de Lyon. À la Croix-Rousse, une manifestation salle Valentino tourne mal et le canut Arnaud, un radical modéré, commandant d’un bataillon, celui-là même qui a joué contre les révolutionnaires le 28 septembre, est bousculé, désarmé, frappé par la foule alors qu’il tente d’intervenir. Un cortège se forme qui le traîne jusqu’au Clos Jouve, terrain d’exercice. Accusé de trahison par l’ International Chol, il est exécuté à l’initiative d’un autre canut, Christophe Deloche qui, arrêté à son tour, sera fusillé en mai 1871, pendant la « Semaine sanglante » parisienne.

67Gambetta utilisera à fond la malencontreuse « affaire du commandant Arnaud » pour, lors des funérailles de la victime auxquelles il assiste en personne, accabler les révolutionnaires et rallier une partie des radicaux hostiles au gouvernement de la Défense nationale.

68Dans ces conditions, les élections du 8 février 1871 à l’Assemblée constituante de Bordeaux sont un rude échec pour les adversaires du gouvernement provisoire. Toute la liste des conservateurs alliés aux républicains modérés est élue. Quatre jours avant le scrutin, le préfet à poigne Valentin avait remplacé Challemel-Lacour jugé trop timoré pour faire face aux problèmes à venir...

69Ainsi, lorsque la Commune de Paris, le 18 mars 1871, inaugure sa brève existence, Lyon a largement dilapidé son potentiel révolutionnaire.

70Les 22, 23 et 24 mars 1871, cependant, le Comité central de la Garde nationale lyonnais se prononce, avec prudence, pour le soutien à la Commune de Paris. Mais aucune mesure d’organisation sérieuse n’est prise pour assurer l’exécution de ce choix et donner vie à une Commune lyonnaise. Le 25, les mobiles de Belfort qui sont sortis de la place forte avec les honneurs de la guerre entrent en fanfare à Lyon. L’Hôtel de Ville qui avait cependant été mis en défense dans la nuit du 24 au 25 est abandonné : la commune « théorique » de Lyon était morte-née !

71Ultime sursaut enfin : le 30 avril-1^er mai 1871, la révolte de la Guillotière contre les élections municipales. Thiers, pour mieux isoler la Commune de Paris, a décidé de renouveler toutes les municipalités et de faire nommer par l’exécutif tous les maires des municipalités des villes de plus de 20 000 habitants.

72À Lyon, l’activisme se réveille avec l’appui d’un émissaire de Paris, Caulet de Tayrac, et l’aide de sections suisses de l’AIT du Jura (bakouniniennes) et aussi des « Genevois » hostiles à Bakounine comme Outine, Becker, Duval du Comité fédéral romand de l’ Internationale.

73Malgré des mécomptes à la frontière, des affiches appelant à l’insurrection réussissent, grâce au jeune Camille Camet, à pénétrer en France. Signées d’une Commune provisoire, marquées de l’outrance alliduciste, elles proclament la résolution « plutôt que de se laisser ravir la victoire (de)ne faire qu’un monceau de ruines d’une ville assez lâche pour laisser assassiner Paris et la République. »

74Au matin du 30 avril, une barricade a bien été élevée à la Croix-Rousse, bloquant la voie de chemin de fer de l’Ain d’où pouvaient venir des renforts militaires, mais elle n’avait pas un seul défenseur.

75Il n’en est pas de même à la Guillotière où des barricades apparaissent dans la grande rue et le cours des Brosses. Les insurgés qui les occupent ne sont pas isolés, personne ne peut voter à la mairie voisine autour de laquelle s’agglomère une foule dense. Lorsque le commandement militaire installé près de la gare de Perrache envoie les premiers détachements armés, ceux-ci sont entourés, exhortés à ne pas tirer, englués dans les attroupements de civils. Sur le soir, deux fortes colonnes accompagnées d’artillerie progressent vers la mairie, sur la rive gauche du Rhône, par la rue de Marseille et sur la rive droite, par les quais. Elles se rejoignent lorsque la colonne de la rive droite bifurque sur le pont de la Guillotière. Devant ce déploiement de force, la foule se disperse, les premiers coups de feu partent des barricades, le préfet Valentin est blessé à la cuisse, la bataille s’engage. Elle durera une partie de la nuit.

76Au petit matin du 1^er mai, le jour se leva sur la désolation d’un champ de bataille. Les murs de la mairie étaient étoilés d’ impacts de boulets. On releva chez les insurgés une douzaine de tués et une quinzaine de blessés connus. Parmi les tués, le jeune tisseur croix-roussien Joseph Geoffray ; parmi les blessés croix-roussiens, Pierre Moreau, tourneur sur bois de 51 ans et la dévideuse Catherine Grailhet, 18 ans. Tous les autres étaient des ouvriers habitant la rive gauche du Rhône soit à la Guillotière, soit aux Brotteaux, à la Villette ou à Villeurbanne.

77Dans les années 1830-40, c’était sur les barricades de la Croix-Rousse qu’on « montait » se faire tuer. En 1871, on « descendait » de la Croix-Rousse pour défendre les barricades de la Guillotière.

78Signe des temps qui changeaient, signe qui annonçait aussi la fin du temps des barricades16. Une seule fois celles-ci réapparurent en grandeur et péril réel : c’était encore sur la rive gauche du Rhône mais plus loin à l’est, aux limites de Lyon et de Villeurbanne lors de la brève insurrection de cette dernière ville, fin août 1944, dans d’autres circonstances et pour d’autres buts...