Habiter la ville. Narbonne et ses habitants à la fin du XVIIIe siècle
p. 153-178
Texte intégral
1Vivre en ville : un thème susceptible de déclinaisons quasi infinies… à condition d’avoir à disposition une matière suffisante pour les aborder avec profit. Ce n’est pas toujours le cas. Tout dépend de l’existence et de la conservation de certains types de séries documentaires, fiscales notamment1. La morphologie de la ville ou ses institutions servies par les traces monumentales laissées ou la documentation écrite conservée – les monumenta en quelque sorte qui relèvent des structures – s’appréhendent mieux que ses habitants et leur vie quotidienne, au moins jusqu’à une période récente. Même si certaines sources, exploitées depuis une trentaine d’années comme les inventaires après décès, ont apporté de précieux éclairages2.
2Vivre en ville est d’abord y résider, à titre permanent ou temporaire, ce dont rend compte, par exemple, la qualité d’habitant reconnue et attribuée après une résidence avérée et stable durant plusieurs années. Mais dans quelle position : propriétaire ou locataire ? Rares sont les travaux sur ce point avant le XIXe siècle. Par manque de sources. Aucun dénombrement n’en fait état. Les minutes notariales sont à peu près silencieuses à cet égard. Rares sont les locations ayant donné lieu à des contrats écrits en bonne et due forme.
3La mise à plat de la fiscalité par l’Assemblée nationale après 1789, le choix d’une fiscalité exclusivement directe et l’instauration d’une contribution personnelle et mobilière (loi des 13 janvier - 18 février 1791) assise essentiellement sur la valeur du loyer des logements effectivement occupés ou loués par leur propriétaire – le montant de celui-ci servant d’évaluation approximative du revenu des contribuables – fut un moyen commode pour assujettir à l’impôt tous les chefs de feu résidents que n’atteignait pas la fiscalité antérieure, si ce n’est – mais c’est remonter loin – le personnal ou capage médiéval méridional supprimé au XVIe siècle par la cour des aides de Montpellier. Le Languedoc où la capacité contributive des individus, des communautés et des diocèses civils se déterminait en fonction de l’estime des biens fonciers et immobiliers, disposait d’une culture éprouvée d’inventaire exhaustif et d’évaluation de ce type de biens, ce dont témoignent les milliers de compoix conservés. Aussi, le passage d’une « fiscalité d’Ancien Régime » à une « fiscalité révolutionnaire » s’effectua-t-il sans difficultés majeures ni longs délais3.
4Le plus neuf en Languedoc, dans l’immédiat, fut de révéler les non-propriétaires, une catégorie d’habitants mal cernée. Jusque-là on ignorait sa proportion dans la population urbaine. Les opérations préparatoires à l’instauration de la nouvelle contribution ont parfois donné lieu à la confection de documents de synthèse, véritables recensements exhaustifs des chefs de famille mentionnant leur localisation en ville, leur condition, ainsi que les personnes vivant dans leur foyer, domesticité comprise. Un document de ce type a été confectionné à Narbonne4. Il donne un éclairage inédit sur la société urbaine, plus complet à nombre d’égards que les sources antérieures à disposition – capitation, compoix terriens et cabalistes –, permet de mieux localiser les ménages dans la ville, de déterminer la proportion des propriétaires et des locataires dans son ensemble et par catégorie sociale. Par ailleurs il offre un aperçu sur l’échelle des loyers et l’identité des bailleurs (III). Mais, auparavant, il convient de procéder à une rapide description du cadre urbain (I) et de dégager les principales caractéristiques de la population citadine (II).
I. Le cadre urbain
5Comptant 9.599 habitants en 1791, Narbonne était une ville de troisième rang en Languedoc, éloignée des têtes de la province, Toulouse, Montpellier ou même Nîmes, dont la population était supérieure à 30.000 habitants, et moins peuplée que Carcassonne, Béziers, Le Puy-en-Velay, qui approchaient ou dépassaient 15.000 habitants5. Un rang modeste, loin de sa gloire passée – n’avait-elle pas été la première fondation romaine en Gaule ? –, où elle paraissait devoir rester confinée. La ville vivait comme un déclassement de n’être plus que chef-lieu d’un district du nouveau département de l’Aude issu du récent redécoupage territorial du royaume.
6De la trame originelle…
7Le souvenir romain serait superflu à raviver s’il n’en demeurait pas des traces : un territoire municipal vaste – 173 km2 –, une trame urbaine héritée de ses origines, et jusqu’à la manière de désigner les deux parties de la ville sises de part et d’autre de l’ancien lit de l’Aude6 conservée jusqu’à aujourd’hui : Cité et Bourg. Le plus souvent, lorsqu’on traite de Narbonne – il en est de même pour nombre de villes –, est seulement considéré l’espace intra‑muros. C’est oublier son territoire, lui aussi peuplé. Le dénombrement de 1791, le premier à nous informer sur ce point, permet d’estimer la population résidant hors des murs : 984 habitants, soit 10,3 % de la population totale. C’est loin d’être négligeable. Il n’en avait pas toujours été ainsi. La formation de domaines ruraux dispersés dans le terroir est un phénomène postérieur au début du XVIe siècle, d’où des relations plus étroites entre la ville et son terroir et une incidence, nous le verrons, sur la distribution de l’habitat à l’intérieur des remparts.
8Exemple type de la permanence des structures urbaines dans la longue durée – cela a été maintes fois signalé – Narbonne conservait, parfaitement identifiables malgré des phases successives d’expansion et de contraction, en Cité le quadrillage originel de la ville antique, en Bourg occupé postérieurement, au-delà du pont enjambant le fleuve, les directions des voies conduisant vers le sud et vers l’ouest. Seule nouveauté, d’importance : en raison de sa nouvelle fonction stratégique face à la frontière avec l’Espagne des rois catholiques à la fin du XVe siècle et de la révolution de l’art de la guerre qui imposait l’édification de nouvelles ceintures fortes, la seule possibilité de croissance urbaine fut de densifier le centre, de construire sur le pont reliant les deux parties de la ville et à ses alentours7. Cette densification et le passage facilité entre Cité et Bourg ne furent probablement pas sans effets, difficiles à mesurer cependant, sur la fluidité des échanges intra-citadins.
Figure 1. Narbonne et ses « îles »

9Empreinte antique, contraction à partir du milieu du XIVe siècle – après une phase d’expansion mal documentée8 – imposée par les risques de la guerre, rendue plus impérative et contraignante au début du XVIe siècle avec une ceinture forte continue et densification au centre. Tels sont les traits principaux de la ville, peu modifiés encore à la fin du XVIIIe siècle en dépit de la perte de sa valeur militaire à la suite du traité des Pyrénées, de l’annexion du Roussillon, puis de la montée d’un Bourbon sur le trône d’Espagne (cf. fig. 1).
10Aux îlots…
11S’imposaient-ils aux habitants et déterminaient-ils, au quotidien, leur manière d’habiter la ville, si l’on met à part l’ouverture et la fermeture de ses portes ? Comptaient autant sinon davantage des espaces plus circonscrits, le quartier, la rue, l’îlot et la maison où l’on résidait9. La documentation disponible ne permet pas d’éclairer tous ces aspects. Ainsi, peu d’inventaires après décès, précieux pour connaître la composition des logements et leur mobilier, nous sont parvenus. En revanche, les séries fiscales offrent de précieuses ressources. La plus éclairante vient du compoix commandé au feudiste Charles Varlet en 1774, resté inachevé10. Ses travaux préparatoires nous sont néanmoins parvenus, notamment des plans de situation très précis, hors les murs des différents tènements, intra‑muros de chacune des îles avec les mesures exactes des parcelles et l’identité des propriétaires11. On dispose ainsi d’une image très fine de l’occupation de l’espace intérieur.
12Cet ensemble documentaire mériterait une analyse spécifique approfondie. On se bornera ici à de brèves remarques. La principale est la suivante : dans cette ville au si long passé, continûment habitée, au moins en partie, à quand remonte l’organisation interne de chacune des îles ? On le discerne très imparfaitement. Les transformations « modernes », postérieures à la fin du XVe siècle, n’ont pas été mineures : investissement du Pont-Vieux et de ses abords, on l’a vu ; au XVIIe siècle vague de fondations consécutive à la réforme catholique post-tridentine marquée par l’installation de nouveaux ordres religieux, féminins principalement, d’un séminaire, et par la construction d’une Charité destinée à recueillir les indigents. Mais ces fondations se sont insérées dans la trame déjà existante des îles sans la modifier fondamentalement.
13À l’analyse, c’est plutôt l’inégale densité de l’espace bâti dans les îles qui retient l’attention. Elle dépend en grande partie de leur taille, l’espace étant plus contraint au sein des moins vastes. Des traits communs s’aperçoivent néanmoins, en Cité comme en Bourg, ce qui interroge étant donné l’origine différente des deux côtés de ville. Nulle part on ne remarque des endroits où, au sol, les maisons contiguës auraient une forme et une superficie semblables. Pas de traces non plus de lotissements ni d’opérations coordonnées de reconstruction. Le type dominant serait plutôt : une ou deux grandes demeures et, en bordure, d’étroites maisons comportant deux étages, surmontés parfois d’un grenier. Des traces de cette disposition existent encore, ce qui permet, les plans Varlet aidant, de mieux comprendre la manière d’habiter la ville au XVIIIe siècle. Ce type dominant – parler de modèle serait exagéré car cela supposerait une intention, hypothétique – se décline en nombre de variantes depuis l’îlot-hôtel particulier des Gléon en Cité – île Sainte- Barbe – jusqu’à l’île Saint-Pierre en Bourg, beaucoup plus vaste (cf. fig. 2). L’accès à l’espace privé est ce qui en fait le mieux saisir la disposition. Les étroites maisons périphériques donnaient directement sur la voie publique. De grandes portes cochères ou d’imposants portails signalaient les résidences nobles ou bourgeoises. Les plus vastes comportaient une maison d’habitation, des dépendances – écurie, remise, bucher, etc. –, une cour, un jardin, et même un parterre. Contrairement à l’impression laissée par une rapide déambulation dans les rues, l’espace intérieur des îles n’était pas entièrement construit. Ainsi l’île Saint-Pierre déjà évoquée. En sus de petits patus, elle comportait en 1780 huit cours, cinq jardins, et quatre parterres. Exemple limite certes, qui oppose les habitations donnant sur la rue et celles sur des espaces intérieurs dissimulés à la vue. Habiter la ville ne se distinguait pas seulement par la valeur et les dimensions du logement occupé mais également par l’éventail des autres lieux et équipements privés à disposition.
14Aux puits
15Les plus déterminants peut-être, et fréquentés quotidiennement, étaient les puits, très nombreux en Cité comme en Bourg puisque les plans Varlet en figurent deux cent quatre-vingts au total. C’est beaucoup et peu à la fois. Cela correspond, si on se risque à faire un calcul, à un puits pour trente habitants environ. Ces puits fournissaient l’essentiel de l’eau à usage domestique. N’existaient en effet, seulement depuis le début du XVIe siècle, que deux fontaines approvisionnées par des sources captées dans le massif de Fontfroide, peu abondantes, notamment l’été12. Situées de part et d’autre du Pont-Vieux, elles n’offraient qu’une ressource peu commode et aléatoire aux familles ne disposant pas d’un accès facile aux puits privés. On l’a compris, cela dépendait du nombre de puits dans chacune des îles – quasiment toutes en étaient pourvues –, davantage de leur localisation et de celle des maisons. Quelques puits se trouvaient à l’intérieur même des habitations, ainsi le long de la rue centrale de Cité. Ils se situaient le plus souvent dans les cours, en bordure des jardins ou au centre des parterres.
Figure 2. Ile Saint-Pierre (Bourg)

Document © Archives départementales de l’Aude.
16Trois situations, pour les Narbonnais, découlaient de ces emplacements : l’usage exclusif pour les résidents d’une seule maison, l’accès partagé à un puits par les propriétaires et les locataires d’une, deux, parfois trois maisons donnant sur une cour, ou l’exclusion pour les petites maisons situées à la périphérie des îlots qui donnaient directement sur les rues. Les puits, et donc l’accès à l’eau domestique, constituaient un des attributs les plus discriminants des hiérarchies sociales et de l’habitat citadin, peu perceptible au premier abord. La présence d’une nappe phréatique peu profonde et le nombre élevé de puits expliquent, pour une part, l’absence, longtemps, d’équipements collectifs, aucune source abondante n’existant à proximité de la ville. Depuis quand existaient-ils ? Cela renvoie, à nouveau, étant donné l’occupation séculaire ininterrompue de Narbonne, à la question de la mise en place de ce type d’urbanisme, partiellement en creux en quelque sorte. Elle n’a guère été abordée jusqu’ici.
II. Les habitants de Narbonne au début de la Révolution
17Une synthèse éclairante
18Le cadre urbain esquissé, intéressons-nous aux habitants de la ville. Le dénombrement les range en neuf classes. En voici la synthèse, moins précise qu’il ne paraît au premier abord (cf. tableau 1). Qu’entendait-on exactement par père et par mère en effet ; s’agit-il des adultes ? Et jusqu’à quel âge était-on considéré garçon ou fille ? Un autre dénombrement effectué l’année précédente dont on n’a pas le détail donne, comme il se faisait habituellement, les garçons de moins de quatorze ans et les filles de moins de douze ans, ce qui ne permet pas de procéder à des comparaisons correctes13. L’inconvénient est secondaire : des faits saillants se dégagent, dont le principal est le déséquilibre entre les sexes à l’intérieur des remparts comme hors les murs.
Tableau 1. Les habitants de Narbonne en 1791
Pères | Mères | Garçons | Filles | Domestiques | Servantes | Compagnons | Abbés | Religieuses | Total | |
Cité | 648 | 845 | 757 | 978 | 71 | 279 | 87 | 113 | 77 | 3.855 |
Bourg | 914 | 1.134 | 1.119 | 1.178 | 41 | 194 | 109 | 49 | 22 | 4.760 |
Intra-muros | 1.562 | 1.979 | 1.876 | 2.156 | 112 | 473 | 196 | 162 | 99 | 8.615 |
Tuileries | 8 | 6 | 28 | 8 | 53 | |||||
Jardins | 43 | 29 | 86 | 58 | 216 | |||||
Métairies | 156 | 83 | 310 | 166 | 715 | |||||
Extérieur | 207 | 118 | 424 | 232 | 984 | |||||
Total | 1.769 | 2.100 | 2.300 | 2.388 | 112 | 473 | 196 | 162 | 99 | 9.599 |
19En ville les femmes et les filles étaient plus nombreuses que les hommes et les garçons. Ce n’est pas une surprise. Le sex ratio à l’avantage des femmes en ville a été remarqué ailleurs, dans des proportions comparables : à Lille, par exemple, il y avait 118 femmes pour 100 hommes en 168614. C’était l’inverse hors les murs, ce qui contribue, si on prend en compte l’ensemble de la population, à rééquilibrer un peu le rapport femmes/hommes à Narbonne. Net dans les deux parties de la ville, l’écart était plus marqué en Cité qu’en Bourg (cf. tableau 2)15. C’était dû pour une part aux servantes, en dépit du plus grand nombre d’ecclésiastiques hommes en Cité qu’en Bourg.
Tableau 2. Proportion des hommes et des femmes à Narbonne en 1791 (en %)
Hommes | Femmes | Sex ratio F / h | |
Cité | 43,5 | 56,5 | 130 |
Bourg | 46,9 | 53,9 | 112,5 |
Intra-muros | 46,4 | 53,6 | 120,4 |
Extérieur | 64,1 | 35,9 | 56,5 |
Total | 46,1 | 53,9 | 111,5 |
20Il convient de s’arrêter sur les serviteurs. Ils formaient une part non négligeable de la population, souvent mal identifiée et évaluée – 6,8 % de la population intra‑muros. Cette proportion paraît assez élevée si l’on compare avec d’autres villes16. De même, les servantes l’emportaient de beaucoup sur les domestiques hommes (80,9 % du total), au service très majoritairement pour ces derniers d’ecclésiastiques, de la noblesse et de ménagers. Ce n’était pas toujours le cas ailleurs. À Toulouse, par exemple, il y avait davantage de domestiques hommes que de servantes17. Était-ce un effet indirect des structures sociales de la ville ?
Tableau 3. Les domestiques dans la ville
% des domestiques dans la population | rapport servantes/ domestiques hommes | |
Cité | 9,1 | 79,7 |
Bourg | 4,9 | 82,6 |
Total | 6,8 | 80,5 |
21Se dessine ainsi un contraste entre la ville et sa campagne proche et des nuances entre les deux parties de la ville. Domestiques et ecclésiastiques représentaient au total 14 % des habitants en Cité, 6,4 % seulement en Bourg. La différence est trop importante pour ne pas être l’héritage d’un long passé. Cité s’était toujours signalée par son caractère aristocratique, Bourg, durant la période médiévale, attirant davantage le grand négoce. La présence du palais archiépiscopal et du chapitre cathédral y avait fortement contribué. La majorité des membres du clergé domiciliés en Cité appartenait d’ailleurs aux trois chapitres qui s’y trouvaient, et ceux qui ne vivaient pas avec des membres de leur famille entretenaient un domestique ou une servante18.
22Deux populations ?
23Narbonne n’était pas une ville de grande noblesse. Quasiment éteinte à la fin du XVe siècle, si bien qu’aucune famille ne pouvait prétendre appartenir à la noblesse immémoriale, la noblesse s’était reconstituée au XVIe siècle19. Numériquement, elle n’était pas considérable. Narbonne, en 1791, ne comptait pas plus d’une vingtaine de familles nobles, résidant quasiment toutes en Cité. Ses membres détenaient les principales charges royales locales, et quatre d’entre eux pouvaient se prévaloir, avant 1789, d’offices de trésoriers généraux ou de conseillers de la cour des aides de Montpellier20. C’est peu, mais on voit la perte de statut qu’elle venait de subir avec les bouleversements intervenus depuis 1789. Leurs revenus provenaient principalement de la terre. Leurs biens fonciers depuis le début du XVIIe siècle ne s’étaient guère étendus. À la fin du XVIIIe siècle, plusieurs d’entre eux se trouvaient en difficulté, obligés de vendre une partie de leur patrimoine foncier21. Quelques nobles se signalaient par le nombre de domestiques à leur service, jusqu’à cinq ou six, des domestiques mâles en majorité.
24Une quarantaine de chefs de feu sont qualifiés de bourgeois : vingt-deux en Cité, dix-neuf en Bourg. Si l’on additionne les membres de la noblesse, les bourgeois et les gens de justice, « hommes de loi » ou juges, (dix-sept en Cité, dix-huit en Bourg), on cerne à peu près l’effectif des notables où se recrutaient jusqu’en 1789 les édiles municipaux, les gestionnaires des établissements d’assistance, etc. – moins d’une centaine d’individus au total. Un groupe relativement restreint, représentant de 6 à 7 % des chefs de feu en comptant les veuves appartenant à la même strate sociale.
25Réserve faite des membres de la fonction publique royale, départementale et municipale, groupe trop faible numériquement et composite puisqu’il assemblait le personnel de la foraine et des fermes, des directeurs de services, des inspecteurs et des employés, on peut ranger le reste de la population en quatre grandes catégories : les travailleurs, les artisans et boutiquiers, le négoce, les femmes célibataires ou veuves22. Aucune ne jouissait d’une position dominante. Au nombre de cinq cents environ, les travailleurs l’emportaient, mais sans véritablement dominer. C’étaient des brassiers pour les trois quarts d’entre eux. Les artisans et les boutiquiers, en nombre de chef de feu toujours, et les veuves, constituaient des groupes d’importance équivalente, à quelques unités près23. Groupe numériquement le plus faible : le négoce, puisqu’au nombre des cent quatre-vingt-dix individus qu’on peut lui rattacher cinquante étaient des « gens de mer » ; « patrons », c’est-à-dire propriétaires ou capitaines d’embarcation, et matelots.
26Ces quatre ensembles, peut-on objecter, sont trop convenus et insuffisamment différenciés. Ainsi les veuves. Une distinction est à établir, également, car ils n’ont pas la même envergure ou l’objet de la même considération, entre les négociants et les marchands spécialisés, ou entre gens de métiers. Ils ne permettent pas moins de caractériser commodément la population narbonnaise et la situation de la ville à la fin du XVIIIe siècle. Leur manque de relief est frappant. Le faible nombre d’hommes de loi, plus encore d’avocats et de procureurs, fournit un premier indice. Contrairement à des villes comme Toulouse, Montpellier et Perpignan, sièges d’une cour souveraine, ou même d’une sénéchaussée comme Carcassonne, Narbonne ne fut jamais gratifiée d’une cour de justice supérieure avec, en sus de ses magistrats et conseillers, sa nébuleuse d’auxiliaires de justice. Ne comptait-on pas à Perpignan, à la veille de 1789, près d’une centaine d’avocats auprès du Conseil souverain de la province du Roussillon ?
27De même, le grand commerce avait fui Narbonne, un phénomène accentué par le creusement du canal des Deux-Mers qui avait détourné vers Agde l’exportation des céréales, jusque-là le principal trafic de son port. Les négociants et les marchands restaient plus nombreux en Bourg qu’en Cité, comme par le passé, mais aucun n’atteignait l’envergure des négociants de naguère. Encore plus éloquent était le monde des travailleurs – auquel on a intégré les compagnons et les garçons ne vivant pas chez leurs maîtres – : des brassiers essentiellement, et à côté d’eux quelques portefaix, des jardiniers et des bergers. L’indifférenciation du terme brassier exprime mieux que tout autre critère l’absence de main-d’œuvre employée à une ou des productions spécialisées, comme les draps de laine à Carcassonne ou les tissus de coton à Montpellier.
28Narbonne, à l’inverse, possédait un large éventail d’artisans et de boutiquiers, en nombre à peu près équivalent dans les deux parties de la ville. On n’en dressera pas la liste exhaustive ici. Les plus représentés : cordonnier, maçon, menuisier, et pour les boutiquiers boulanger. Si l’on met à part une poignée d’orfèvres, établis en Cité, ils entraient quasiment tous dans la catégorie des métiers de service soutenus par la consommation du reste de la population. Aucune activité nouvelle n’est mentionnée. Tout au plus note-t-on l’installation de perruquiers – plus d’une vingtaine ! –, en Cité pour la majorité d’entre eux. Mais il s’agit davantage de l’air du temps. Peut-on qualifier Narbonne de ville immobile, ce dont rend compte la stabilité de sa population tout au long du XVIIIe siècle et son recul relatif par rapport aux villes voisines ?
29Le nombre des veuves – notre document ne comporte aucune mention de veufs – est élevé. Des tentatives d’évaluation ont été faites sur leur importance dans la société d’Ancien Régime à la suite des chiffres donnés par l’abbé Expilly dans son Tableau de la population de la France publié en 1780 : 8,8 % de la population adulte. Mais comment cette proportion a-t-elle été calculée et quel degré de fiabilité peut-on lui accorder ? Si l’on s’en tient au cas de Narbonne, elle serait deux fois supérieure à la moyenne donnée par Expilly : 16,7 % pour l’ensemble de la population intra‑muros, 19 % en Cité, 14,9 % en Bourg. La notion d’adulte, on l’a vu, reste incertaine dans le dénombrement. De plus, parmi les femmes déclarées célibataires, ou les servantes, combien y avait-il de veuves ? Ces réserves faites, et sans parvenir à la précision souhaitable, la proportion des veuves paraît notoirement élevée. Ce qui a pu ne pas être étranger à l’absence de dynamisme de la ville.
30La population vivant hors des remparts des villes, dans les faubourgs ou dans des domaines ruraux, rarement évoquée faute de dénombrements la prenant correctement en compte, constitue un angle mort de l’histoire urbaine. Les délibérations municipales, d’ailleurs, n’en parlent quasiment jamais. Aussi, le dénombrement narbonnais de 1791 est-il bienvenu. Sa présentation reste sommaire néanmoins. Le sex ratio, caractérisé par un fort taux de masculinité, montre qu’elle était profondément différente de celle vivant en ville : pas d’ecclésiastiques, pas d’artisans, pas de faubourgs non plus prohibés par la fonction stratégique dévolue à Narbonne au début du XVIe siècle, mais un territoire communal vaste, bien mis en valeur, comportant selon les registres de la capitation et les compoix cabalistes à la veille de 1789 plus de trente jardins et soixante-deux métairies – nom donné aux grands domaines ruraux24. Ces derniers jouaient un rôle majeur dans l’approvisionnement urbain puisqu’ils fournissaient aussi bien des légumes, des grains, que de la viande, les métairies entretenant quasiment toutes un important troupeau d’ovins.
31Le Narbonnais n’était pas une terre de métayage, en dépit du terme employé pour désigner les grandes exploitations. Appartenant aux chapitres et à la noblesse citadine les métairies ne se donnaient pas en fermage. Les ramonets, équivalents de chefs de culture, les faisaient valoir à l’aide de valets, de jardiniers – la moitié d’entre elles comportaient un jardin – et de bergers. Les ramonets vivaient avec femmes et enfants, contrairement aux valets et aux bergers, célibataires pour la plupart d’entre eux. Le contraste est grand entre la population agglomérée et celle, dispersée, du terroir. Il y a bien une ville et une campagne, et des degrés d’interpénétration entre elles. La majorité des citadins, et en leur sein nombre de brassiers, possédaient des biens fonciers qu’ils faisaient valoir eux-mêmes ou en les donnant à travailler. Les brassiers cultivaient leurs parcelles, plantées en vigne le plus souvent, et complétaient leurs ressources en se louant à la journée. Ruraux par le travail, ils n’en étaient pas moins d’authentiques citadins, à l’inverse des valets et des bergers employés dans les métairies.
32Ces derniers sont la population permanente des domaines ruraux, seule retenue par le dénombrement. Lors des récoltes affluaient des travailleurs saisonniers, des hommes exclusivement, venus pour la majeure partie d’entre eux des Corbières, des pays ariégeois ou des premiers contreforts du Massif central, proche, régions ou la rémunération du travail était nettement inférieure à celle octroyée en plaine ou à proximité du littoral25.
33Bien que Narbonne soit une ville peu dynamique sa population était ainsi plus diversifiée qu’il ne paraît au premier abord. Encore n’a-t-on pas parlé, bien qu’ils soient comptabilisés, des hommes et des femmes soignés à l’hôpital des malades ou accueillis temporairement à l’Hôtel-Dieu, d’origine beaucoup plus lointaine pour une partie d’entre eux. Ils ne faisaient que passer26.
34Mariages et dynamiques sociales
35Population stable – la fonction du dénombrement était de l’identifier afin de l’assujettir à la contribution mobilière – ne signifie pas population immobile. La formation des couples apporte un aperçu suggestif des dynamiques spatiales et sociales ainsi que de leurs interactions27. Une norme intangible les commande et les régit : l’homogamie et l’isogamie. Elle s’impose à toutes les catégories sociales, au sein des quartiers comme à tous ceux qui tentaient de s’établir en ville ou recherchaient hors de celle-ci un conjoint qui lui soit assorti. Ceci ne constitue pas une surprise mais conduit à se représenter les différentes catégories sociales comme des strates quasi étanches les unes par rapport aux autres.
36On retrouve ici les principaux groupes de la population narbonnaise dégagés ci-dessus. C’est en leur sein que se nouent les unions matrimoniales et que se structurent les alliances. On ne voit quasiment jamais un artisan épouser une fille de brassier et rarement un fils de brassier entrer dans une famille de boutiquier. La hiérarchie sociale comportait des degrés plus fins encore. Ainsi, le terme brassier est trop générique. Tous les brassiers n’étaient pas forcément dépourvus de biens ou incapables d’apposer leur signature au bas des actes de mariage. De là des distinctions entre les plus démunis, vivant seulement de leurs journées et ceux qui avaient hérité d’un petit bien, maison ou parcelles de terre. De même, il y avait loin entre les cordonniers et les maçons, entre les boutiquiers, les marchands et les négociants. Les travailleurs et les gens de métiers, les boutiquiers à un moindre degré, apparaissent comme les groupes les plus fermés sur eux-mêmes. Par difficulté à s’en dégager ou par volonté d’en contrôler l’accès ? Les uns et les autres disposaient d’un bien, d’un savoir-faire, d’un état à transmettre, bien identifié en ville. Dis-moi qui tu épouses, quelle famille t’accepte et je dirai qui tu es, et qui tu fréquentes… C’est pourquoi, pour les catégories les plus modestes – les plus nombreuses –, les conjoints sont issus très majoritairement de la même paroisse, ou du même quartier. À défaut, les unions pouvaient se conclure entre personnes de Cité et de Bourg de part et d’autre de la robine, mais toujours dans le même milieu. C’était assez rare néanmoins – moins d’un mariage sur dix. Doit-on conclure à des relations peu développées entre les deux côtés de ville ? On touche là à la manière dont se tissaient les relations entre catégories sociales, entre quartiers, entre citadins et forains, à la possibilité de venir travailler en ville, de s’établir, éventuellement de faire souche, et donc au renouvellement d’une population quand le nombre d’habitants et leurs activités ne varient guère un siècle durant.
37Les domestiques et les habitants du terroir en montrent la difficulté. Ils avaient en commun, très majoritairement, de ne pas être natifs de Narbonne. On a pu faire la même observation dans d’autres villes28. Ambitionnaient-ils de devenir citadins ? Une poignée de domestiques mâles sont propriétaires de modestes biens. Une étape vers une intégration citadine ? Mais pour les servantes, on en doute, même si l’opportunité pouvait se présenter. Issues des villages proches ou des Corbières, venir s’engager en ville présentait pour elles un moyen de se constituer un pécule avec leurs gages avant de retourner convoler dans leur village. Celles qui se mariaient sur place épousaient le plus souvent un autre domestique ou un cocher, en service dans la même maison29.
38C’est encore plus flagrant pour les habitants des métairies. Les mariés y sont valets de labourage, jardiniers, les épousées servantes, filles de ménagers ou de ramonets. Ce sont des ruraux issus de communautés voisines, parfois aussi plus lointaines, les femmes comprises : des Corbières, du nord, ou de l’est, du côté de Béziers. Phénomène remarquable à observer : la localisation des métairies détermine l’aire de recrutement de leurs occupants : les métairies situées dans la partie orientale du terroir recrutent au nord et vers l’est, celles situées à l’ouest au sud et vers l’ouest. De plus les couples se forment entre « pays », entre gens d’un même secteur géographique.
39Autres forains présents à Narbonne, à l’intérieur des remparts cette fois, que les registres paroissiaux ne permettent pas de déceler : des marchands juifs. Sept sont mentionnés dans notre document, locataires des appartements où ils logeaient et de magasins, sauf un, Jasse Cohen, propriétaire d’une maison30. Narbonne, depuis le milieu du siècle, servait de relais à leur négoce. Ils y vivaient seuls ou à deux, avec un domestique – une seule femme est signalée –, hébergeaient des compagnons de passage.
40La seule classe d’habitants où se discerne une mobilité en son sein et une ouverture vers d’autres catégories sociales est celle qui s’adonne au négoce, plus précisément sa strate supérieure, des marchands et des négociants, dont l’alliance n’était pas dédaignée par les gens de justice. Le nombre réduit de ces deux catégories bornait les possibilités d’ascension sociale. Aussi n’est-il pas surprenant que, pour des alliances plus prestigieuses, le conjoint soit recherché hors de Narbonne. Ainsi, pour ne prendre qu’un seul exemple, les filles de Jean-Baptiste Angles, un temps subdélégué de l’intendant puis conseiller à la cour des comptes de Montpellier, épousent-elles l’une un avocat du roi au bureau des finances de la généralité de Toulouse, l’autre un homme de loi de Perpignan31.
III. Propriétaires et locataires
41Cette rapide analyse de la population narbonnaise a permis de déterminer ses principales composantes, plus diverses qu’il ne paraît au premier abord, et dont la dimension territoriale n’est pas l’aspect le moins intéressant à découvrir. Quelle était la proportion des propriétaires et des locataires ?32
42Des taux très différents selon les catégories sociales
43Le taux des propriétaires paraît assez élevé puisqu’il dépasse 40 % et, à peu de choses près, est équivalent en Cité et en Bourg.
Graphique 1. Propriétaires et locataires à Narbonne en 1791 (en %)

44Ce taux, bien sûr, n’est qu’une moyenne. Il est sensiblement différent d’une catégorie sociale à l’autre. Sans surprise, une minorité de nobles, d’hommes de loi et de bourgeois sont déclarés locataires. À l’examen il s’agit dans la plupart des cas de frères, de sœurs, d’enfants, de gendres ou de proches parents des propriétaires. Les interrogations portent davantage sur les autres catégories, moins homogènes. Près du tiers des brassiers possédaient le logement ou la maison où ils habitaient, ce qui en faisait d’authentiques citadins (cf. graphique 2). Cette proportion, loin d’être négligeable, confirme combien l’image convenue du terme brassier, perçu comme désignant un travailleur sans terre et sans biens, est à nuancer, d’autant que nombre d’entre eux, locataires de leur logement, possédaient une parcelle ou deux dans le terroir. La proportion des veuves ou femmes vivant seules propriétaires, par contre, s’approche du taux moyen observé dans l’ensemble de la ville. Ce n’est pas forcément étonnant puisque figuraient parmi elles des personnes appartenant à toutes les catégories sociales. Notons néanmoins, pour elles comme pour les brassiers, les écarts de taux entre les deux côtés de la ville. Quelle en est la raison ? Il est difficile de se prononcer.
Graphique 2. Propriétaires et locataires, brassiers, veuves et femmes seules (en %)

45Les distinctions les plus intéressantes à observer se situent au sein des gens de métier, des boutiquiers et du négoce. Les proportions données ici, établies à partir d’une poignée d’individus, de quelques dizaines au mieux, plus approximatives, n’auront pas la même solidité. Elles n’en sont pas moins très éclairantes car fines révélatrices de l’échelle sociale citadine.
46Afin de ne pas se livrer à une énumération fastidieuse, voici un graphique qui en donne l’essentiel.
Graphique 3. Propriétaires et locataires, des taux différents selon les métiers (en %)

47Ces taux, à considérer comme approchés, ne sont pas à rejeter pour autant, ni à sous-estimer. Leur mérite est d’embrasser l’ensemble de la population citadine, ce que permettent rarement d’autres types de sources – les contrats de mariage compris car tous les couples n’en établissaient pas –, permettent de mieux situer les milieux sociaux-professionnels et les métiers les uns par rapport aux autres. La hiérarchie marchande ne constitue pas une surprise. C’est moins le cas pour d’autres branches d’activité ou spécialités. Ainsi, les cordonniers n’étaient-ils pas aussi démunis qu’on le présente souvent. Mais Narbonne était une ville de métiers réglés. De même, on perçoit plus clairement la distance séparant les patrons des matelots qu’ils engageaient.
48Trois classes se distinguent assez nettement au sein des métiers : les métiers où 70 à 80 % de leurs membres sont propriétaires de leur habitation, ceux au contraire qui, pour moins d’un quart, sont dans ce cas, et une classe intermédiaire où les taux oscillent entre 35/40 % et 60/65 %. Celle-ci est la moins homogène dans la ville. Ainsi, si 28 % seulement des cordonniers de Cité sont portés comme propriétaires, 64 % le sont en Bourg. Moins prononcé, l’écart est également sensible pour les maçons : 48 % sont propriétaires en Cité, 60 % en Bourg. À quoi tiennent ces différences entre Bourg et Cité ? Il est difficile de répondre, le nombre d’artisans, rapporté à la population, ne peut pas être avancé comme facteur explicatif.
49Une autre géographie citadine
50Ces observations invitent à examiner de plus près la répartition des propriétaires et des locataires dans les quartiers. Elle n’était pas sans relations avec celle des différentes catégories sociales, comme on le pressent, mais ne correspondait pas forcément à celle que l’on attendrait. À nouveau, Cité et Bourg se différencient (cf. fig. 3). En Bourg, les îles où, à l’exception d’une ou deux, la proportion des propriétaires est la plus élevée, supérieure ou égale à celle des locataires, sont au centre, proches de la robine et du Pont-des Marchands. C’est l’inverse en Cité : la proportion des locataires est élevée dans les îles du centre33, celles où les propriétaires sont en majorité au contraire sont éloignées du centre. La densité des propriétaires au centre – en Bourg – est due à des marchands et à des négociants ; à la périphérie – en Cité – à des brassiers. On aperçoit là une des raisons pour lesquelles la proportion des brassiers propriétaires de leur habitation était plus forte en Cité qu’en Bourg.
51L’inégale superficie des îles ne permet pas d’aller très loin dans leur comparaison. Donnons un exemple cependant, celui de l’île Saint-Pierre en Bourg, déjà évoquée, la plus peuplée en 1791 car on y avait établi quatre ans plus tôt une Mendicité où séjournaient cent vingt-trois pauvres. Elle était une des îles où la proportion des locataires était la plus élevée de la ville : 80 % environ. Les propriétaires ? Trois veuves dont celle d’un avocat au parlement de Paris, un médecin, un bourgeois, deux ménagers, un serrurier, un ancien boulanger, la femme d’un jardinier, un maître de pension. Les locataires ? Seize veuves ou femmes célibataires, quatorze brassiers, deux laboureurs, deux jardiniers, un portefaix, un patron, trois matelots, quatre garçons – travaillant chez des artisans –, mais aussi un prêtre et un chevalier de Saint-Louis…
Figure 3. Propriétaires et locataires : proportion des propriétaires dans les îles

52Destiné à évaluer la valeur locative des logements occupés, le dénombrement signale très imparfaitement l’identité et la qualité des bailleurs34. On peut faire quelques remarques néanmoins. Dans près de 90 % des cas, les bailleurs occupent une partie des maisons où ils entretiennent des locataires : un, deux, trois, rarement davantage. On n’aperçoit pas de groupes d’investisseurs disposant d’immeubles de rapport. L’analyse des compoix le laissait supposer : peu de propriétaires possédaient plusieurs maisons dans la ville à la fin du XVIIIe siècle. Parmi eux, aucun noble, aucun homme de loi et peu de gens de négoce. C’est dans d’autres catégories sociales que l’on rencontre les bailleurs louant une maison où ils ne résidaient pas35. Donnons quelques exemples, pris en Bourg : un chirurgien, un ménager, un marin. Le chirurgien Pierre Lamazère (île Saint-Paul) possédait douze locataires : trois portefaix, trois brassiers, une veuve, un matelot, un laboureur, un tonnelier (pour une cave) ; le ménager Raymond Rivière (île Saint-Pierre) louait à quatre brassiers et à un maître écrivain ; le marin Antoine Bouruit avait pour locataires un garde écuelle, deux brassiers, une veuve.
53À ce stade, on peut s’interroger : quelle est la représentativité du cas narbonnais ? Il est difficile de répondre, la situation de chacune des villes étant spécifique en fonction de leur taille, de leurs types d’activités, des caractéristiques de leur population, et peu de travaux solides permettent d’établir des comparaisons. En Languedoc, on dispose seulement des réflexions de Michel Taillefer sur Toulouse36. Il note la faible appétence des Toulousains aisés pour la propriété immobilière urbaine en dehors de l’hôtel qu’ils occupaient, leur préférant les propriétés rurales. Certains qui en possédaient d’importantes se contentaient même d’être locataires en ville. Nobles et parlementaires louaient parfois quelques pièces chez eux, mais seulement à des connaissances proches, l’exploitation d’immeubles de rapport étant considérée comme peu compatible avec leur condition. Les bailleurs se recrutaient davantage chez les rentiers, les marchands, les artisans, les locataires, très majoritairement, dans les classes populaires. Michel Taillefer évalue à 10 % environ la proportion des gens modestes propriétaires de leur logement et ajoute qu’« être propriétaire de son appartement est le privilège des dominants au XVIIIe siècle ».
54Plusieurs traits toulousains se retrouvent à Narbonne. Le groupe des nobles et des membres des cours souveraines y est beaucoup plus étroit, mais son attitude à l’égard de la propriété immobilière urbaine et rurale est identique. Concernant les bailleurs, peu de négociants ont des locataires. Le point sur lequel Toulouse et Narbonne divergent le plus concerne les « classes populaires ». Des remarques de Michel Taillefer on peut induire que la proportion des propriétaires est plus faible à Toulouse qu’à Narbonne. Cela provient d’une propriété populaire davantage répandue à Narbonne et, pour une part, de la composition sociale différente des deux villes. C’est particulièrement net pour les brassiers qui, pour quelques-uns d’entre eux, peuvent également louer une ou deux pièces de leur maison. Aussi, l’affirmation « être propriétaire de son appartement est le privilège des dominants » doit-elle être nuancée. Les citadins propriétaires ne sont pas exclusivement des dominants.
55Cela renvoie à la question : à qui et que louent les bailleurs ? Les exemples proposés ci-dessus en donnent une idée, confortée par l’estime de la valeur locative des appartements occupés. À de rares exceptions près, qui concernent principalement les ecclésiastiques, les bailleurs louent à des personnes appartenant à des membres de leur catégorie sociale ou qui en sont très proches. Chaque maison a sa propre microsociété, avec des logements à peu de choses près comparables les uns aux autres. Nous ne disposons pas des critères d’évaluation des valeurs locatives susceptibles d’en éclairer l’échelle. Seules indications, rares et sommaires : l’estime de la valeur locative de « chambres », comprise entre dix et trente livres. Elles prennent néanmoins tout leur relief lorsqu’on observe que la valeur locative de plus de 40 % des appartements loués ne dépassait pas ce seuil. Faut-il en conclure que 40 % des locataires, soit le quart des foyers narbonnais, logeaient dans une seule pièce ? Ce serait aller trop loin, mais révèle le caractère modeste des conditions d’habitation d’une fraction importante de la population : une pièce pour des veuves, des personnes célibataires ou vivant seules, deux pièces pour les brassiers locataires.
56Cela donne un bon aperçu des conditions d’habitation à Narbonne à la fin du XVIIIe siècle et du crédit au choix fait par l’Assemblée nationale d’évaluer le revenu des habitants par le biais de la valeur locative du logement qu’ils occupaient37. On l’imagine aisément pour les nobles, les négociants ou les hommes de loi. C’est également vrai pour les catégories plus modestes, brassiers, veuves et artisans, comme le montre le tableau 4 qui donne à voir les caractéristiques de chacune des catégories, leurs différences, même si les chiffres paraissent peu spectaculaires, et l’éventail interne au sein de chacune d’elle, beaucoup plus large chez les artisans. Notons par exemple, les évaluations supérieures à deux cents ou trois cents livres dues aux tanneurs installés en Bourg.
Graphique 4. Estime des logements et locaux loués (en livres et en %)

Graphique 5. Estime des habitations des propriétaires (en livres et en %)

Tableau 4. Echelles des valeurs locatives des appartements possédés occupés ou loués (en % par catégorie)
Brassiers | Veuves, femmes célibataires | Artisans | ||||
Propriétaires | Locataires | Propriétaires | Locataires | Propriétaires | Locataires | |
≤ 19 livres | 2,1 | 14,7 | 1,9 | 13,6 | 0,3 | 1,4 |
20-29 livres | 4,1 | 35,1 | 4,7 | 21,4 | 1,7 | 6,6 |
30-49 livres | 9 | 21,4 | 9,3 | 17,7 | 6,6 | 10,8 |
50-99 livres | 9,3 | 2,8 | 9,9 | 1,7 | 13,1 | 15,3 |
100-199 livres | 1,5 | 8,4 | 6 | 24,2 | 8,3 | |
200-299 livres | 4,5 | 1,7 | 5,7 | 2 | ||
≥ 300 livres | 0,9 | 3,4 | 0,6 | |||
Total | 26 | 74 | 39,6 | 60,4 | 55 | 45 |
57Logement et relations sociales
58Toutes ces informations additionnées permettent d’avoir une idée plus fine de la hiérarchie sociale et de saisir quelles pouvaient être les relations entre les habitants au sein des maisons, des îles et des quartiers. Deux constatations s’imposent : la faible concentration des plus aisés dans les mêmes îles ou côtés de ville et l’homogénéité sociale des occupants des immeubles. Les îles les plus vastes où se trouvaient des jardins et des puits le donnent à voir. Ainsi celle de Saint-Pierre en Bourg. Entrons dans le détail. On y distinguait trois types de propriétaires : trois « aisés », huit plus modestes qui cohabitaient également avec des locataires et cinq non-résidents. La valeur locative des locaux occupés par les trois « aisés » s’élevait à trois cent cinquante ou quatre cents livres. La veuve Maucler avait un seul locataire, un maître à danser, installé dans une petite maison contigüe à la sienne ; le médecin Solier un seul également, une femme célibataire. Pierre Bennais, bourgeois, louait quatre appartements, à une veuve, à un prêtre, à un chevalier de Saint-Louis (cent cinquante livres de valeur locative pour chacun), à un jardinier (valeur locative trente livres) ainsi qu’un magasin (deux cents livres). Parmi les « cohabitants » plus modestes : cinq femmes, dont deux veuves et deux célibataires, un serrurier, un ancien boulanger, un maître de pension. La valeur locative de leur logement allait de cinquante à cent dix livres. Quant à leurs locataires ou à ceux qui logeaient dans les maisons des propriétaires non-résidents, il s’agissait de brassiers, de portefaix, de matelots, de veuves, dont la valeur locative des pièces qu’ils occupaient était, pour un tiers inférieure à vingt livres, pour un tiers comprise entre vingt et vingt-neuf livres, pour le tiers supérieur ne dépassait pas cinquante livres.
59Le même constat peut être fait ailleurs. Ainsi en Cité. Bornons-nous aux propriétaires dont la valeur locative de l’habitation atteint ou dépasse cinq cents livres. Trois traits communs les rapprochent de la veuve Maucler, du médecin Solier et du bourgeois Bennais (cf. tableau 5) : le faible nombre de personnes hébergées, l’importance de la domesticité, l’étendue de l’espace bâti et non bâti occupé dont ils avaient l’usage, avec toutes les commodités qui allaient de pair (les puits, etc.). Aisance – à tous les sens du terme : fortune, espace occupé, services à disposition, style de vie – et étroitesse – de la superficie des appartements, des ressources et des conditions de vie des occupants – se côtoyaient.
Tableau 5. Composition des foyers des plus riches propriétaires de Narbonne (1791)
Nom | Île | Valeur des loyers | Père | Mère | Enfants | Domestiques mâles | Servantes | Ecclésiastique | Compagnon |
Veuve Maucler | St Pierre | 400 | 1 | 1 | 2 | ||||
L. F. Solier | St Pierre | 350 | 1 | 1 | 2 | ||||
P. Bennais | St Pierre | 400 | 1 | 1 | 1 | ||||
J. H. Augier | St Bazile | 550 | 1 | 3 | 1 | 1 | |||
Gept-Villesèque | St Ambroise | 500 | 1 | 1 | 2 | ||||
De Grave | St Antoine | 600 | 1 | 1 | 4 | 2 | 1 | ||
F. M. de Chefdebien | St Martin | 700 | 1 | 1 | 2 | 2 | 2 | 1 | |
C. Fournas-Labrosse | La Major | 500 | 1 | 1 | 1 | 1 | 2 | ||
J. Léonard | St Zacharie | 600 | 1 | 1 | 2 |
60Quels types de relations entretenaient les aisés et les catégories modestes, locataires majoritairement, habitants d’appartements composés d’une, deux, trois pièces au maximum, dépourvues de toutes commodités ? Avouons notre ignorance. Observons seulement l’ancienneté de la présence de ces « aisés », dans les mêmes îles ou côtés de ville – pour les nobles depuis le XVIe siècle –, leur présence au consulat lors d’épisodes difficiles parfois – ainsi au XVIIe siècle –, puis, également au XVIIIe siècle dans l’administration des hôpitaux et le maintien de l’ordre dans la ville, ainsi qu’après 1789, une participation directe ou indirecte aux instances municipales ou aux nouvelles institutions en voie d’installation. Une même continuité exista-t-elle dans les maisons où logeaient les plus modestes ? Sans source à disposition on ne peut se prononcer. Cela paraît difficilement concevable cependant.
61De là, une série de nouvelles interrogations : quel fut le degré de stabilité ou de mobilité dans les immeubles ? Les valeurs locatives reflètent-elles exactement les loyers réglés par les locataires ? Ainsi, les parents ou les proches des propriétaires déclarés comme étant leurs locataires payaient-ils effectivement des loyers ? De même, tous les locataires, ainsi les brassiers locataires de brassiers ? À quel titre occupaient-ils les pièces où ils logeaient ? Moyennant un loyer versé en liquide ou en contrepartie de prestations en travail équivalentes à la valeur du loyer – pour les brassiers, le loyer mensuel estimé correspondait à peu de choses près au prix de deux journées de travail. Mais comment les veuves se procuraient-elles ce montant ?
Conclusion
62De tous les éléments pris en compte pour déterminer la future contribution foncière, seule l’évaluation de la valeur locative des logements et des habitations occupés nous est parvenue à Narbonne. C’était l’aspect le plus neuf du nouvel impôt, retenu antérieurement par aucun type d’impôt ou dénombrement, même pas par les contributions languedociennes médiévales sur le meuble et le cabal. Plus universelle que la contribution foncière, elle atteignait tous les résidents.
63On a pu mesurer l’intérêt et l’importance de son apport pour la connaissance de la ville : sur la population citadine – mais des dénombrements précis ont pu être menés à bien ça et là –, de manière plus inédite sur les structures urbaines elles-mêmes puisque depuis la trame originelle, via le quartier et l’îlot, elle permet de descendre jusqu’à l’unité de base, le logement. Ce dernier offre une perception renouvelée, beaucoup plus fine et précise de la ville, des relations entre les habitants au sein des maisons, des quartiers où ils résidaient, mais aussi de l’échelle sociale. L’égalité en droit proclamée par la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen en 1789 ne l’a pas fait disparaître. La qualité de propriétaire ou de locataire ajoutée au montant de la valeur locative de l’habitation occupée en disent autant sinon davantage que toutes les tentatives taxonomiques fondées sur la nomenclature des statuts juridiques et professionnels.
64La contribution mobilière « modèle 1791 » : un révélateur pertinent de la ville et de sa population très inégalement conservé et étudié. Une « fenêtre » documentaire bientôt abandonnée car la valeur locative des logements occupés fut rapidement délaissée au profit de critères autrement plus sommaires, nombre de cheminées puis portes et fenêtres.
Notes de bas de page
1 F. Bayard, Vivre à Lyon sous l’Ancien Régime, Perrin, 1997 ; P. Butel, Vivre à Bordeaux sous l’Ancien Régime, Perrin, 1999 ; F.-X. Emmanuelli, Vivre à Marseille sous l’Ancien Régime, Perrin, 1999 ; Ph. Guignet, Vivre à Lille sous l’Ancien Régime, Perrin, 2000 ; M. Taillefer, Vivre à Toulouse sous l’Ancien Régime, Perrin, 2000.
2 D. Roche, Le peuple de Paris. Essai sur la culture populaire du XVIIIe siècle, Paris, Aubier, 1981 ; A. Pardailhé-Galabrun, La naissance de l’intime. 3.000 foyers parisiens, XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, 1988. On ne peut recourir à ce type de source en Narbonnais. Très rares sont les registres de notaires où l’on en trouve.
3 D’autant que l’on eut souvent recours à des spécialistes de la confection des compoix. Ainsi, à Narbonne, Charles Varlet, entrepreneur du dernier compoix commandé à Narbonne, resté inachevé (cf. note 10) fut sollicité pour participer à la confection des matrices des contributions foncière et mobilière, Arch. Mun. Narbonne, 1D 1 / 2, délibérations du Conseil général de la commune, 20 novembre 1791 et 29 janvier 1792.
4 Arch. Mun. Narbonne, document non coté. La contribution mobilière devait tenir compte du nombre des domestiques, des mulets et des chevaux de selle, des carrosses, des cabriolets et des litières, de la valeur locative des appartements occupés, du revenu d’industrie et des richesses mobilières des contribuables. Notre document, préparatoire, nous donne la composition de la population et la valeur locative des appartements. Il porte la date de 1791, mais n’a été réalisé qu’à la fin de l’année ou au début de 1792 : la commission chargée de sa confection a été nommée à la fin du mois de novembre 1791 et la matrice déclarée envoyée au district du département au début du mois de mars 1792, Arch. Mun. Narbonne, 1D 1 / 2, délibération du 10 mars 1792.
5 É. Pélaquier et S. Durand, « Les villes du Languedoc au XVIIIe siècle. Essai de typologie », in J. Fouilleron et R. Andréani (dir.), Villes et représentations urbaines dans l’Europe méditerranéenne (XVIe-XVIIIe siècle), Mélanges offerts à Henri Michel, Montpellier PULM, 2011, p. 115-132.
6 Il n’était plus désigné que par le terme robine.
7 Le Pont-Vieux appelé ultérieurement Pont-des-Marchands.
8 J. Caille, « Narbonne au Moyen Âge, évolution de la topographie et du paysage urbain », 110e Congrès des Sociétés savantes. Montpellier 1985, Histoire médiévale et archéologie, t. II, p. 57-96.
9 L’îlot est appelé île à Narbonne. Les deux termes seront employés ci-après indifféremment.
10 Le contrat de confection du nouveau compoix fut passé en 1774. En raison d’un différend entre la ville et Varlet le compoix ne fut pas transmis à la cour des aides pour validation et enregistrement. Les plans ont été réalisés en 1779 au plus tard.
11 Arch. Mun. Narbonne, CC 6042-6044.
12 Une troisième, établie postérieurement, à la fin du XVIIe siècle, en Cité, alimentée par l’eau de la robine à l’aide d’une machine hydraulique souvent en dérangement, n’offrait qu’un maigre secours, G. Larguier, « L’alimentation en eau d’une ville méridionale. Narbonne (Aude), XIVe-XVIIIe siècles », Archéologie du Midi médiéval, t. 33 – 2015, p. 39-54.
13 On ne s’engagera pas ici dans une critique fouillée de ce document. Autant que la qualité de son élaboration la question est celle des comparaisons éventuelles avec d’autres dénombrements, du début de la période révolutionnaire ou confectionnés avant 1789. Ainsi, en ville, tenait-on compte des personnes, adultes ou enfants, présents dans les hospices ou les hôpitaux pour malades ? C’est le cas à Narbonne. L’hôpital des malades, l’Hôpital général et la Mendicité entretenaient 402 personnes au total (56 hommes, 78 femmes, 143 garçons, 125 filles). De même, les Dames de Sainte-Marie, les Sœurs de la Croix et les Ursulines avaient au total 116 pensionnaires. Ces nombres additionnés rendent problématiques les comparaisons avec d’autres villes où peu d’indications sont données sur ces catégories de résidents.
14 Ph. Guignet, op. cit, p. 72.
15 Il se remarque également dans les rapports hommes / femmes – 43,4 % / 56,6 % en Cité, 44,6 % / 54,6 % en Bourg – et garçons / filles – 43,6 % / 56,1 % en cité, 48,7 % / 51,6 % en bourg.
16 Elle est de l’ordre de 5,8 % à Lille, de 5,2 % à Valenciennes en 1686, Ph. Guignet, op. cit., p. 72.
17 En 1790 plus de la moitié des domestiques toulousains étaient des hommes, 53,5 %, J.-L. Laffont, « Les domestiques dans la ville. Le cas de Toulouse sous l’Ancien Régime », in B. Bernard et X. SteVens (dir.), La domesticité au siècle des Lumières. Une approche comparative. Actes de la table-ronde tenue au XIIe Congrès international des Lumières, Montpellier 8-15 juillet 2007, Archives et Bibliothèques de Belgique, Bruxelles, 2009, p. 25-59, p. 38.
18 La question se pose, en 1791, des effectifs des religieux hommes et femmes par rapport à 1789. Combien avaient déjà quitté la ville ? Il est difficile de répondre.
19 G. Larguier, Le drap et le grain en Languedoc. Narbonne et narbonnais, 1300-1789, Perpignan, PUP, 1996, p. 680-750.
20 Arch. dép. Aude, C 459, 1770.
21 G. Larguier, « Atonie d’une ville, difficultés de la noblesse. Le marché immobilier et foncier narbonnais en 1789 », Annales du Midi, 1989, p. 375-407.
22 Les évaluations sont faites par chef de feu, proche équivalent des ménages actuels. Les femmes célibataires ou les veuves entretenaient ainsi des maisonnées moins nombreuses que des nobles ayant plusieurs domestiques à leur service.
23 437/445 chefs de feu.
24 Informations tirées des capitations (Arch. dép. Aude, 1770, C 459 ; 1775, C 464 ; 1788, C 477) et des compoix cabalistes : 29 en Cité, 5 en Bourg en 1787 selon le dernier compoix cabaliste conservé (Arch. Mun. Narbonne, CC 2655).
25 G. Larguier, « Décès à l’hôpital de Narbonne au XVIIIe siècle, 2e partie : courants migratoires en Narbonnais », Bulletin de la Société d’études scientifiques de l’Aude, t. LXXXVI, 1986, p. 65-90.
26 Idem.
27 Sondage effectué à partir de l’analyse des mariages célébrés dans les cinq paroisses de la ville : trois en Cité (Saint-Just, Saint-Sébastien, La Major), deux en Bourg (Saint-Paul et Lamourguier), Arch. Mun. Narbonne, GG 22, 23 49, 50 et 75 ; Arch. dép. Aude, 5 E 262/1, 9, 26 et 27.
28 Ainsi à Lyon, F. Bayard, op. cit., p. 108.
29 Trois exemples de mariages célébrés dans la paroisse Saint-Paul : 25 novembre 1788, Jean-Pierre Boutet, de Bizanet, domestique chez un aubergiste/Élisabeth Astruc de Cascastel, servante ; 7 janvier 1790, Jean Til postillon chez Charles Ratié maître de poste/Anne Gouzi fille de service chez un aubergiste ; 13 octobre 1790, Augustin Serlabou de Ventenac cocher chez monsieur Mengau/Jeanne-Marguerite Limousi de Portel servante.
30 Dans l’île Saint-Dominique en Bourg.
31 Paroisse Saint-Just : Jeanne Jacquette Angles épouse Messire Jean-Jacques Lamouzié avocat du roi au bureau des finances de la généralité de Toulouse (11 décembre 1788) ; Élisabeth Angles épouse Jean-Joseph Senac, homme de loi de Perpignan (8 mars 1791). Sur la famille d’Angles, protégée par les archevêques de Narbonne : C.-M. Robion, « Une dynastie d’officiers et de militaires en Narbonnais du XVIIe au XIXe siècle : la famille d’Angles », Bulletin de la Commission archéologique et littéraire de Narbonne, 1990, p. 93-98.
32 L’examen, on l’a compris, concerne uniquement la population intra-muros. Il sera fait par futurs contribuables, c’est-à-dire par logement occupé, quel que soit le nombre et la qualité des individus qui y vivaient.
33 Ainsi l’île Saint-Just en partie occupée par le palais archiépiscopal et la cathédrale, peuplée essentiellement de modestes marchands, de 5 perruquiers, d’une marchande de mode et de quelques artisans : 57 contribuables, 13 propriétaires (27 %).
34 Une accolade signale sommairement les résidents des maisons, propriétaire et locataires. Mais ce n’est le cas ni de toutes les îles ni de toutes les maisons, en Cité davantage qu’en Bourg.
35 Je n’ai pas relevé de cas d’un propriétaire ayant des locataires dans deux maisons où il ne résidait pas
36 M. Taillefer, op. cit., p. 159-161.
37 On sait qu’il ne sera pas maintenu, la préférence étant donnée ultérieurement au nombre de cheminées puis au nombre et à la taille des portes et fenêtres.
Auteur
-
Gilbert Larguier
Professeur, université de Perpignan Via Domitia
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2006
Le Livre Vert de Pierre de la Jugie
Une image de la fortune des archevêques de Narbonne au XIVe siècle. Étude d’une seigneurie
Marie-Laure Jalabert
2009