Le genêt, plante textile du Lodévois aux XVIIe et XVIIIe siècles : un marqueur des relations ville-campagne ?
p. 355-378
Texte intégral
1Aux XVIIIe et XIXe siècles, les écrits des savants, agronomes et techniciens, ainsi que ceux des administrateurs, présentent l’exploitation du genêt d’Espagne, en Lodévois, comme une activité strictement locale, artisanale et vouée à l’autoconsommation familiale de fibres textiles1. Des recherches en archives confirment cet état de fait2 : le Spartium junceum Linné est un arbrisseau faisant l’objet d’un entretien voire de véritables façons culturales de la part des paysans du piémont du Massif central, dans un « plat pays » – c’est-à-dire un espace rural – en réalité assez vallonné, le long de la rivière Lergue et de ses affluents. Ce sont les ruraux qui récoltent les tiges de la plante en été, afin de satisfaire leurs propres besoins en toile de maison. Le rouissage des rameaux se fait ensuite au bord des cours d’eau, avant le filage et le tissage pratiqués dans les villages, hameaux et fermes isolées. Le genêt « textile » relève donc de problématiques rurales, et même spécifiquement agricoles, lesquelles semblent a priori expliquer à elles seules l’histoire de son exploitation.
2Si, au début du XVIIe siècle, le spartier se rencontre encore rarement dans les compoix et les actes notariés, c’est sans doute à cause de la pression foncière importante dans des campagnes peuplées ; tandis que la multiplication des ginestières ou genêtières dans les documents fiscaux à partir du milieu du XVIIe siècle résulte très vraisemblablement des importants abandons de terres à la suite de la grave crise démographique survenue autour de 1630 en Lodévois davantage qu’ailleurs. La rareté des mentions de genêts dans les actes notariés jusqu’au début du XVIIIe siècle vient à l’appui de l’hypothèse d’une présence spontanée, dans un contexte d’expansion des friches, de plantes qui, exploitées ponctuellement, ne sont pas disputées pour autant. Avec le XVIIIe siècle, au grand nombre des ginestières encadastrées s’ajoute une abondance de mentions de litiges et de clauses de sauvegarde – ces dernières d’ailleurs souvent outrepassées – faisant des genêts des plantes à préserver de la dent des troupeaux et à intégrer dans des cycles de culture complexes. La littérature agronomique confirme alors un essor de l’intérêt pour le genêt comme plante participant aux assolements dans un but d’amélioration des rendements3.
3Le genêt semble donc, à première vue, représenter un des éléments d’une polyculture traditionnelle, strictement séparé des productions textiles urbaines de la même époque. Il est habituellement considéré comme seulement un complément au sein des multiples activités agropastorales des paysans ; et sa réputation l’associe assez systématiquement à la pauvreté des habitants des campagnes. Son autoconsommation échappe au marché des villes voisines : les marchands-fabricants de Lodève, Clermont-l’Hérault et Bédarieux, spécialisés dans l’industrie lainière jusqu’au XIXe siècle, négligent ces tissus grossiers.
4Or, plusieurs indices suggèrent que la conjoncture de l’exploitation du genêt pourrait aussi être déterminée par des interactions entre villes et campagnes. Si l’on commence par étudier la fin du processus, il se trouve en effet que le déclin de cette activité artisanale, après 1860, est imputable à des facteurs exogènes à la ruralité locale comme la concurrence des textiles étrangers4. Cela invite donc à se pencher sur la conjoncture textile avant 1860 pour voir si celle-ci a pu jouer aussi sur l’essor du genêt aux XVIIe-XVIIIe siècles. Un autre élément militant en faveur de l’élargissement de l’échelle d’analyse au monde urbain est, au moins aux XVIIIe et XIXe siècles, le fait que le tissage de la fibre issue du genêt, dernière étape de la chaîne opératoire, est souvent délégué par les propriétaires de genêtières à un professionnel5. Ce phénomène est donc extérieur aux activités strictement paysannes.
5Ces deux aspects invitent à réexaminer la question du genêt non plus du seul point de vue rural, agricole et autarcique, mais aussi en fonction d’éventuels liens avec les autres industries textiles, c’est-à-dire avec le contexte urbain et, derrière ce dernier, mondial. En effet, si les facteurs industriels ont, à certains moments, joué un rôle dans cette activité, peut-être aideront-ils à expliquer son histoire sur la longue durée.
6Le genêt s’étant développé dans une région par ailleurs lainière, il faut donc voir si la multiplication des genêtières pourrait être associée à l’émergence de la proto-industrie lainière. D’importants travaux ont déjà été consacrés à cette dernière, qui était alors la principale industrie du Lodévois. Cependant, les publications régionales sur la laine ignorent le genêt6, à la seule exception de celles d’Émile Appolis. Et encore ce dernier auteur traite-t-il les deux activités textiles de manière strictement autonome, ne tentant aucun lien entre genêt et laine et n’accordant que moins de deux pages de sa thèse au genêt7. Il en avait fait un article à peine plus long quelques années auparavant8.
7L’approche de ces historiens, tendant à ne pas mettre laine et genêt sur un même plan, est confirmée par le fait que le terme « genêt » ne figure pas dans l’inventaire des très nombreuses cotes des Archives départementales de l’Hérault consacrées à l’industrie lainière, notamment celles de la série C. Quelques sondages dans cette documentation ne livrent pas plus d’informations explicites sur le genêt. Il faudrait bien sûr vérifier, et re-dépouiller intégralement l’énorme masse documentaire concernant la laine, déjà étudiée par Émile Appolis. En l’état actuel de la recherche, les sources sur l’histoire de la draperie ne laissent en tout cas envisager aucun lien direct entre laine et genêt. Cette documentation officielle est centrée sur la laine et dédaigne le genêt, tout comme les historiens qui ont examiné ces archives : il n’est donc pas surprenant que ces derniers n’aient pas trouvé de renseignement sur le linge de genêt, d’autant plus qu’ils n’ont pas problématisé leur recherche en fonction de cette production puisque celle-ci ne les intéressait pas, tant elle était réputée archaïque et dérisoire. Seuls les aspects techniques et ethno-historiques ont intéressé ceux qui ont accordé un peu de leur temps de recherche à cette activité9.
8Voyons donc quels sont les liens possibles entre la ville et le « plat pays » à travers le cas du travail du genêt. Si sa définition est souvent complexe, la ville est avant tout le lieu de la concentration de la richesse et de la population, qui impulse le développement économique de l’ensemble d’un territoire10. Au début de l’Époque moderne, « la ville n’est ni bourg, ni village et, de ses remparts, domine le plat pays » ; elle a une spécificité juridique, un certain prestige et exerce une « fonction de commandement sur le plat pays »11. Peu à peu, au XVIIIe siècle, alors que les remparts sont souvent démantelés, s’affirme le critère démographique aux dépens du symbolique12. En Lodévois, la ville est avant tout – si l’on s’en tient au critère économique – un lieu de production lainière à destination de l’exportation. Il s’agit bien sûr de Lodève, chef-lieu du diocèse et sa plus grande ville, avec environ 8000 habitants à la fin du XVIIIe siècle ; mais aussi de sa rivale Clermont-de-Lodève (à présent Clermontl’Hérault, environ 5000 habitants à la même époque), voire de la petite cité de Villeneuveles-Clermont (aujourd’hui Villeneuvette), modeste démographiquement (elle abritait alors autour de 150 habitants)13 mais entièrement orientée vers la draperie à partir de son érection en manufacture royale au temps de Colbert.

Figure 1 : Villes drapières et plat pays dans l’aire d’exploitation textile du genêt entre Lodévois et Biterrois sous l’Ancien Régime
Conjoncture de la laine et conjoncture du genêt : mises en parallèle
UN SUPPOSÉ ESSOR LAINIER AU XVIIE SIÈCLE, SIMULTANÉ DE CELUI DES GENÊTIÈRES
9Avant même le déclin des années 1860, des coïncidences ressortent du rapprochement des chronologies respectives de la laine et du genêt.
10La vieille industrie lainière de la ville de Lodève, qui s’affirme depuis le XIIIe siècle au moins, connaît un tournant décisif au XVIIe siècle, sous la forme de son imbrication croissante avec la main-d’œuvre de la campagne avoisinante. Alors, la manufacture lodévoise paraît manifester « une tendance marquée à de nouvelles extensions ». En effet, un règlement de 1608 témoigne de la volonté des fabricants d’arrêter le mouvement qui portait leur industrie à s’étendre dans les alentours. Jean Sablou en déduit que des fabricants de Lodève achetaient dans les campagnes voisines des draps qu’ils faisaient façonner par leurs ouvriers. Ce règlement serait en réalité demeuré lettre morte : la ville de Lodève devait continuer à faire appel à la main-d’œuvre de la campagne, à laquelle, de fait, elle était étroitement liée. « Le XVIIe siècle allait être pour elle celui du développement de cette symbiose » entre la ville et sa campagne14, avec la mise en place d’une exurbanisation durable des fabrications simples et peu coûteuses, y compris d’une partie du travail de la grande draperie15. Bientôt, Colbert allait encourager les fabricants à utiliser la main-d’œuvre languedocienne pour développer le commerce vers le Levant16, notamment à Clermont et à Villeneuvette pour ce qui est du Lodévois. À partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, ce sont des paysans qui tissent la laine pendant une partie de l’année17.
11Les historiens considèrent que le développement de ce système est à relier à des régions de paysannerie suffisamment pauvre pour que les agriculteurs trouvent leur compte dans le complément de revenu fourni par le travail de la laine. Les contrées les moins fertiles ont ainsi été les plus dynamiques dans le secteur proto-industriel, de même que les « terroirs » riches surpeuplés où le morcellement de la propriété était excessif pour permettre à chaque individu d’obtenir un revenu décent par le seul travail de la terre. Là, s’est produite une véritable « prolétarisation sur place » des populations paysannes18.
12Il apparaît que le moment auquel les marchands facturiers lodévois et clermontais ont en quelque sorte « délocalisé » une partie de leur production lainière auprès de la main-d’œuvre paysanne bon marché correspond à l’époque où les mentions de genêtières se multiplient dans les compoix.
13Bien sûr il faut éviter toute approche réductrice de l’activité lainière : un rapide examen de l’historiographie révèle une chronologie mal étayée, et même des contradictions. En effet, s’il est probable que la sous-traitance a été amorcée au XVIIe siècle, comme dans d’autres régions19, c’est seulement au siècle suivant que son organisation rurale autour des cardeurs et à l’aide des fileuses est bien connue par les textes20. Notons également qu’un règlement de 1566 manifestait déjà le souci d’interdire le tissage hors de la ville de Lodève, si bien qu’Émile Appolis suppose des tentatives déjà anciennes des drapiers de faire travailler à la campagne21 ; ce qui relativise les affirmations de Jean Sablou sur le XVIIe siècle. En tout cas, cette véritable sous-traitance à la campagne ne transparaît pas dans les règlements avant la seconde moitié du XVIe siècle, même si un tel phénomène a dû se produire avec plus ou moins d’ampleur lors de certaines phases du Moyen Âge déjà. Ainsi, aucun indice dans celui de 1513 « ne permet de supposer que les fabricants donnaient du travail à des fileuses ou des tisserands de la campagne » selon Jean Sablou, point sur lequel Ernest Martin est tout de même moins formel22. On voit que la thèse de Jean Sablou, la seule à quelque peu aborder la période antérieure au milieu du XVIIe siècle, souffre de beaucoup d’approximations. Les récents travaux de Jean-Michel Minovez évoquent plusieurs phases d’exurbanisation de la production textile du Midi, celle du XVIIe siècle donnant lieu à une situation durable. Mais cet auteur se base avant tout sur le haut Languedoc23, tandis que le Lodévois est surtout perçu à partir des archives « officielles ». Si son récent et volumineux travail est la première grande somme sur la draperie languedocienne, la question de l’industrie lainière lodévoise des XVIe-XVIIe siècles mériterait d’être réexaminée à l’échelle locale, notamment à partir des abondantes archives des notaires et de la justice. À lire Jean Sablou comme Jean-Michel Minovez, il semble tout de même avéré que le XVIIe siècle est l’époque d’un essor et d’une diffusion croissante de cette industrie dans la campagne24. En attendant de nouvelles recherches, admettons donc cette hypothèse, même s’il est évident que la ville n’a pas suscité la naissance ex nihilo et soudaine de l’artisanat rural de la laine au XVIIe siècle25. De même, il existe probablement un peu de travail textile du genêt avant l’essor du XVIIe siècle26. En tout cas, l’usage des fibres végétales n’est pas nouveau au XVIIe siècle. Il existe au contraire, dans le Languedoc médiéval déjà, des tissus mélangés de laine et d’autres fibres, en particulier celles de chanvre et de lin27, et à Lodève dans un leudaire de 1212 il est question de draps de laine et de draps de lin28. Dans le Lodévois du XVIIe siècle, il y a aussi des produits en laine émanant de l’artisanat familial, lequel est réputé très ancien, et qui sont strictement séparés de la production industrielle des draps de troupe29, preuve que le XVIIe siècle prolonge des processus déjà existants, des pratiques artisanales anciennes autour des fibres végétales et animales.
AU XVIIIE SIÈCLE, L’APOGÉE D’UN SYSTÈME LAINIER DOMINÉ PAR LA VILLE, SIMULTANÉ DE CELUI DU GENÊT « TEXTILE »
14Avec le XVIIIe siècle, la conjoncture lainière devient mieux connue. Une nouvelle étape semble franchie dans la décennie 1720, durant laquelle les entrepreneurs des centres textiles de Lodève, Clermont et Villeneuvette sont contraints à des accords devant notaire et se soumettent à un arbitrage de l’Intendant afin de définir les zones rurales respectives où ils peuvent faire carder et filer30, après un important essor de la production drapière à la charnière des XVIIe et XVIIIe siècles31. À cette époque, le Verlagsystem est clairement en place dans le Lodévois32.
15En ce qui concerne le tissage, Émile Appolis affirme que ce n’est qu’après 1740 que les fabricants lodévois, pressés par la demande, le font pratiquer pour leurs étoffes dans les campagnes de toute la région. Pourtant il fournit des exemples qui montrent qu’en fait, au moins dès les années 1730, des tisserands travaillent pour l’industrie lodévoise et clermontaise dans les villages33. Il faudrait donc là encore mieux examiner les archives et différencier le cardage et le filage d’avec le tissage, ces activités ayant des chronologies différentes. Mais il apparaît bien que c’est entre les décennies 1720 et 1740 que les villages du Lodévois deviennent massivement intégrés dans une logique de sous-traitance, au service des marchands-fabricants de Lodève, Clermont et Villeneuvette : c’est la mise en place de la fameuse proto-industrie dans les campagnes de la région, sans doute favorisée par le cardinal André Hercule de Fleury, le ministre de Louis XV natif de Lodève34. Et c’est justement l’époque à laquelle le linge de maison du trousseau de la mariée est très souvent confectionné en toile de genêt selon les actes notariés, le phénomène étant constaté surtout à partir des années 173035.
16Les XVIIe et XVIIIe siècles correspondent à un moment d’affirmation de l’emprise de la ville sur la campagne. Et ce processus semble bien avoir contribué, de manière concomitante avec le contexte agraire et démographique, à l’essor de la culture du genêt, faisant passer cette matière première, tout comme la laine, d’une présence mesurée à une situation très répandue.
17Mais quel est exactement le lien entre laine et genêt ? Pour mieux comprendre les critères en interaction, il faut avancer de nouvelles hypothèses.
18L’historiographie régionale explique l’essor de la laine en Lodévois dès le Moyen Âge par le fait que, à cause de la pauvreté de son sol et des vastes étendues de garrigues où paissait un bétail nombreux, le Lodévois a dû trouver d’autres ressources économiques que les seules productions végétales36. Cette même infertilité a dû favoriser la culture du spartier, particulièrement adaptée aux sols maigres et secs37. Mais cette condition n’est pas suffisante : l’artisanat du genêt n’a pu se répandre que dans un contexte favorable.
Les mécanismes du recours au genêt : la réglementation et le contexte commercial ?
19Il s’agit donc à présent de s’interroger sur ce contexte et, en premier lieu, sur les liens entre l’offre et la demande de matières textiles ainsi que sur le cadre réglementaire. Tentons d’échafauder et de vérifier des hypothèses explicatives.
DES CONTRAINTES COMMERCIALES ET RÉGLEMENTAIRES ?
20Au cours des années 1720, l’activité lainière de la région de Lodève opère une véritable amélioration qualitative, en se spécialisant presque exclusivement dans la production de draps, c’est-à-dire de produits haut de gamme38. Au temps du cardinal de Fleury, dans les années 1730, Lodève s’est amplement tournée vers la fabrication de draps de troupe, donc en direction d’un marché national, alors qu’au XVIIe siècle la ville n’était qu’un centre de petite draperie produisant des serges et des petites étoffes pour la province39. Il y a donc bien eu une rupture fondamentale à cette époque.
21Est-ce l’essor des manufactures du Lodévois au XVIIIe siècle qui consomme toutes les laines locales de sorte qu’il faut importer40 l’essentiel de la matière première ? En fait, les choses ne se passent pas exactement ainsi. On importe des laines espagnoles parce que, pour fabriquer les londrins et autres draps de qualité supérieure, la laine de la région n’est pas satisfaisante41. Les laines locales sont cependant également utilisées, notamment pour la fabrication des draps de troupe à Lodève42.
22Mais le souci de qualité de la production lainière à destination des troupes conduit à une évolution de la réglementation des métiers du textile. Dans les années 1740, on cesse de faire entrer à Lodève des laines inférieures et d’y confectionner des tissus lainiers de consommation courante et de qualité moyenne43. Il pourrait y avoir un lien entre la mise en place de règles de plus en plus strictes régissant l’industrie des draps de laine contrôlée par les villes et l’essor de l’artisanat familial du genêt. C’est une hypothèse à envisager, imposant de ne pas négliger la part de l’initiative urbaine dans une activité pourtant habituellement considérée a priori comme entièrement rurale. Ainsi, les paysans de Flandre cultivaient le lin à la fin du Moyen Âge dans un proche rayon autour de la ville de Gand parce que les règlements leur interdisaient le travail de la laine44. Donc une ville peut mettre en œuvre des contraintes juridiques concernant l’industrie, lesquelles ont parfois des répercussions sur les pratiques agricoles de leur environnement rural. De la même manière, en 1743, la réglementation impose à la ville de Lodève de se spécialiser dans les produits lainiers de qualité : l’Intendant de Languedoc Jean Le Nain d’Asfeld publie le 25 novembre une ordonnance qui interdit la confection des serges, tissus lainiers de consommation courante et de qualité moyenne, à Lodève même45. L’objectif est de garantir la qualité de la production lainière46, et, peut-être, d’obliger la main-d’œuvre lodévoise à se consacrer entièrement à la draperie.
23D’ailleurs au XVIIIe siècle, la fabrication des serges, de qualité inférieure aux londres larges, a beaucoup diminué. Il n’y a plus que les pauvres gens qui portent des vêtements confectionnés à partir de serge ou sargue. Dans les catégories aisées on préfère désormais les habits de drap47. Ce contexte d’évolution du vêtement, avec une moindre diffusion des tissus à bas prix, a pu pousser les paysans modestes à se vêtir avec ce qu’il restait de textile bon marché. La ville se tournant vers la production de tissus de qualité commercialisables, et se détournant, par là même, de la clientèle locale – en cessant de fabriquer du tissu bas de gamme –48, cette dernière a pu être tentée de produire elle-même ses propres fibres, artisanalement.
24Notons que les genêtières n’apparaissent dans les compoix du « terroir » rural de Lodève qu’à partir du XVIIIe siècle. La chronologie des mentions de genêts dans les compoix contraste singulièrement entre cette ville et les villages alentour. Certes la courte périodicité de l’élaboration de ces compoix urbains et leur très grand nombre de feuillets ont contraint à procéder par sondages. Quelques ginestières ont pu échapper à la recherche. Mais force est de constater que la seconde moitié du XVIIe siècle n’a pas connu dans le finage de cette ville de multiplication des genêts : le tournant constaté dans les villages dès 1630-1640 ne se produit pas à Lodève.
25Un dépouillement systématique des pages des compoix successifs de cette ville concernant les terres « rurales » de la métairie de Tréguiés, appartenant à la famille noble de Fourés, confirme cette impression. Ce domaine se situe en surplomb de la Lergue, au sud du finage de Lodève, près des limites des taillables de Soumont, d’Olmet et du Puech. Il se trouve dans les ruffes du bassin permien, c’est-à-dire dans la zone de prédilection du genêt. La plupart de ses terres ne sont pas éparpillées, mais au contraire agglomérées aux environs des bâtiments du domaine. Puisque ce dernier reste durablement entre les mains de la même famille et ne subit pas de démantèlement, il est aisé à retrouver de compoix en compoix49. Le domaine de Tréguiés ne possède pas de genêtières à la fin du XVIe siècle ni au XVIIe siècle. Dans les compoix de cette époque, il ne comprend en effet que des olivettes – et autres nombreuses terres avec oliviers –, bois de rivage, garrigues ou hermes, bois et champs ou terres labourables. À partir de 1655, s’ajoutent des vignes ; à partir de 1693 des terrains couverts de buis ; enfin, avec le compoix de 1731, s’ajoutent aussi un farratjal pour produire du fourrage, un jardin et une ginestière50. D’une manière plus générale, le compoix de 1731 mentionne des genêts nombreux : l’unique ginestière du domaine de Tréguiés ne constitue qu’un exemple d’un phénomène massif à l’échelle du finage de Lodève.
26Si l’absence de genêtières au XVIe siècle ne surprend guère – elle correspond à un phénomène observé partout ailleurs dans les villages de la région – en revanche celle du XVIIe siècle ne laisse d’étonner. L’absence est-elle à mettre sur le compte des nombreuses lacunes des compoix ? Peut-être… On sait à quel point ces documents sont trop allusifs, surtout lorsqu’il s’agit de décrire les marges et l’inculte51 ; et ce sondage laisse des doutes quant à la fiabilité des compoix ou à la spécificité de Lodève par rapport aux villages des alentours à propos du genêt. L’apparition des parcelles arrosées, farratjal et jardin dans le même compoix relèvent peut-être simplement d’un plus grand degré de précision que dans les compoix précédents, tout comme le mot ginestière pourrait traduire une description plus fine de ce qu’on nommait auparavant herme ou garrigue.
27Il faut en tout cas attendre les années 1730, c’est-à-dire justement le moment où l’usage textile de la plante devient généralisé dans les environs, pour que les genêts soient encadastrés à Lodève. On ne peut exclure l’hypothèse d’un changement réel de couvert végétal et d’occupation du sol. Ne sommes-nous pas face à un finage de Lodève encore très peuplé au XVIIe siècle et non touché par les « années de misère » du règne de Louis XIV, face à une prolongation du « monde plein » typique du XVIe siècle ? Alors les genêts ne trouveraient pas de terres en friche où se développer spontanément. C’est possible, puisque la ville manufacturière occupe une main-d’œuvre nombreuse52 et que les ouvriers urbains sont réputés cultiver quelques minuscules – mais nombreuses – parcelles de vigne. Les actes notariés de toute l’Époque moderne confirment que Lodève possède de nombreuses vignes sur les coteaux surplombant la ville. Ce seraient donc les vignes qui occuperaient les pentes caillouteuses du finage de Lodève, à la place des genêts.
28Pourtant, vers 1730, le profil agricole de Lodève se transforme avec l’introduction de la culture des genêts. C’est la spécificité lodévoise d’absence persistante des genêts après le tournant rural de 1630 qui reste donc à expliquer. Pour l’instant on ne peut se borner qu’à la constater, et à tenter de la mettre en relation avec les évolutions réglementaires du textile lodévois, dont on ne saisit sans doute que des bribes avec le règlement de 1743, l’histoire de la laine dans la ville restant largement à écrire.
LE MANQUE DE FIBRES COMME DÉCLENCHEUR DU RECOURS AU GENÊT ?
29Le fait que les laines inférieures sont devenues indésirables en ville au XVIIIe siècle ne signifie pas pour autant qu’elles se retrouvent plus abondantes dans les villages situés aux alentours de Lodève, comme on pourrait le croire du fait de l’arrêt de leur importation en ville. Car leur rareté est chronique au XVIIIe siècle. Un mémoire de l’inspecteur de Lodève Tricou explique ce problème par le fait que le troupeau a diminué par rapport au passé où il y avait moins de manufactures, notamment à cause des maladies (en particulier l’hiver 1754-1755), mais aussi à cause des baux de boucherie, liés à la hausse de la population urbaine qui consomme de la viande. Il y a moitié moins de bêtes à laine et moitié plus d’habitants par rapport au siècle précédent53. Les États de Languedoc font le même constat amer dans les années 1740 et 175054. De son côté, Tricou pense qu’il faudrait taxer la vente des agneaux de boucherie pour que seuls les riches en achètent ; il faudrait faire venir des moutons d’ailleurs, faire des croisements, donner du sel parce que sa consommation rend la toison plus belle et les ovins qui ont eu du sel ont mieux résisté au froid de l’hiver 1754-1755. En outre, dans le même temps, le manque de pâturages, du fait de cette même croissance démographique, rend ces laines locales de plus en plus rares, donc chères et d’un usage d’autant plus dissuasif pour les couches populaires55. Plus on avance dans le XVIIIe siècle, plus les administrateurs signalent jusqu’au manque de matière première lainière56 de qualité inférieure. Si bien qu’en 1768, selon un mémoire de l’Intendant Saint-Priest, le taux de couverture des besoins en laine de la province n’est plus que de 33 %57. Il est vrai que la production de petites draperies du sud du Massif Central utilise essentiellement de la laine produite par les ovins du pays58. Le phénomène de carence est général. À la suite de son voyage en Languedoc de l’année 1764, M. Holker, inspecteur général des manufactures étrangères, le déplore par un mémoire dans lequel il aborde la fabrique de laine, notamment en Gévaudan. Comme l’inspecteur des manufactures M. Le Blanc deux ans plus tard, il constate que les pâturages deviennent rares, entraînant une diminution du nombre de bêtes à laine59. En conséquence, il y a alors dans le Midi un manque général non seulement de laines de qualité supérieure (espagnoles) mais encore de matières premières de qualité inférieure60, puisque les petites draperies proviennent non de laines importées mais de la toison des ovins du pays61.
30La ville de Lodève se détournant, au profit du commerce national (draps de troupes) et international (draps pour les Échelles du Levant), de la production lainière à destination de la clientèle locale, cette dernière a donc pu trouver une raison de plus de produire elle-même ses propres fibres, artisanalement. Les plus modestes paysans, ne trouvant plus à bon marché et en nombre suffisant de linge de maison en laine, ont pu se tourner vers une matière première plus accessible, dont ils disposaient abondamment sur leurs terres : le genêt. Il y avait bien aussi le chanvre, mais la nécessité de terres fertiles et irriguées, alors de plus en plus monopolisées par des prairies et des jardins potagers, rendait sa culture dissuasive, donc en déclin au XVIIIe siècle62. Le recours au genêt s’expliquerait donc par une grave carence à la fois en laine et en chanvre. Les experts qui ont tenté une nouvelle aventure avec le genêt dans les années 1950 considéraient d’ailleurs que cette activité ne pouvait être envisagée qu’en période exceptionnelle, dans une situation de pénurie63. Déduisons de cela que le milieu du XVIIIe siècle a été, comme l’époque de la Seconde Guerre mondiale, une de ces périodes exceptionnelles pendant lesquelles les fibres faisaient gravement défaut.
Les mécanismes du recours au genêt : les facteurs techniques
31Pour que le processus de développement de l’artisanat du genêt se produise, encore fallait-il que les paysans fussent capables de s’y adonner. Et c’est là qu’intervient une mutation technologique, elle aussi étroitement stimulée par l’histoire de la laine dans la région.
L’ARRIÈRE-PLAN TECHNOLOGIQUE DE LA PROTO-INDUSTRIALISATION, UN CONTEXTE FAVORABLE AU GENÊT ?
32En effet, la ville industrielle, distribuant du travail et de l’outillage à la campagne pour le travail de la laine a, ce faisant, répandu des outils et des savoir-faire susceptibles de créer un terreau favorable à l’essor de l’artisanat du genêt.
33Le tour ou rouet64 – ou plutôt le fuseau65 – utilisé pour le filage de la laine, a également pu servir pour confectionner du fil d’origine végétale. La multiplication éventuelle des rouets pour la laine est donc propice au filage d’autres fibres comme celles de genêt ou de chanvre, notamment aux périodes où les femmes qui filent ne sont pas approvisionnées en laine par les marchands-fabricants urbains. Même si cet outil représente peu de valeur et est donc fréquemment omis dans les inventaires après décès d’autres régions66, on en trouve assez régulièrement dans ceux de l’arrière-pays languedocien67. La possibilité d’utilisation, à la place du rouet, de la quenouille – apparemment peu répandue68 et qui pouvait se réduire à un roseau ou un simple bâton léger – aggrave le sous-enregistrement de cet outillage dans les inventaires69. De toute façon, si l’outillage lié au travail textile appartient au donneur d’ordres urbain, il échappe à toute mention dans l’inventaire après décès.
34Le même processus d’utilisation de l’outillage simultanément au profit de la laine et du genêt a pu se produire pour le tissage, puisque lorsque, avec la proto-industrialisation, celui-ci est effectué de manière croissante par des paysans dans les campagnes, ce sont les marchandsfabricants qui fournissent le grand métier à tisser qui est utilisé70.
35Voilà qui accroît la polyvalence des paysans, leur donnant peut-être aussi la compétence nécessaire au maniement des petits métiers. En effet, l’inspecteur des manufactures Henri Sauclières mentionne l’existence, dans les ateliers des tisserands ruraux, conjointement aux grands métiers pour le tissage des draps à destination des fabricants lodévois ou clermontais, d’autres métiers. Ainsi le 27 avril 1748, il note : « avons visité à Hauton71 les petits métiers qu’avons trouvés montés de toiles pour l’usage des particuliers »72. Le 7 mai à Lunas il évoque aussi « quatre petits métiers montés de toiles pour l’usage des particuliers, et les cardeurs et fileuses qui travaillent les laines pour la manufacture de Lodève »73. Le 7 août il note : « à Vinas74 petit hameau, visité un métier monté d’une pièce de toile grise que le tisserand nous a dit appartenir à un particulier »75.
36Ces « petits métiers » sont réservés à la basse draperie76. Ils servent sans doute à confectionner les tissus mentionnés par les inspecteurs du milieu du XVIIIe siècle comme « serges » ou « sargues », ces toiles grossières de couleur rousse, grise ou blanche, que les tisserands des campagnes produisent afin de répondre aux commandes de leurs compatriotes. L’inspecteur Sauclières en trouve régulièrement, surtout lors de ses tournées dans les villages puisqu’à Lodève elles sont théoriquement interdites de fabrication. Certaines de ces toiles étaient peut-être composées en genêt. À défaut d’en trouver la preuve dans les journaux des inspecteurs, faisons donc appel au roman Julien Savignac de Ferdinand Fabre, dans lequel une domestique sort d’une armoire « un large tablier de grosse toile rousse de genêt »77.
37Certaines sargues sont décrites sommairement par l’inspecteur Sauclières, de sorte qu’on sait qu’elles sont « composées la chaîne de fil de chanvre et la trame de laine »78. Hélas l’inspecteur ne s’intéressait qu’aux draps, cherchant la laine qui avait été détournée de leur fabrication. Par conséquent il dédaignait de décrire plus dans le détail ces fameuses toiles partiellement en chanvre. Cependant, elles existaient, tout comme dans le nord de la France à la fin du Moyen Âge, lorsque les sayetteurs de Lille fabriquaient davantage de toiles anglaises, c’està-dire mixtes, en laine et lin, que de tissus de lin proprement dit79. En 1778, dans une procédure lors de laquelle Jean Cabannes, tisserand de toiles, de Pézènes80, accuse Marie Panis épouse de Pierre Beaumel de propos calomnieux, il est question simultanément de « sarghe » et de fil de « chanvre de genêt »81. Cet exemple rappelle en outre que le terme chanvre ne désigne pas forcément une plante, mais une fibre végétale. Ainsi, en 1778 dans les hameaux de la juridiction de Pézènes, on emploie l’expression « chanvre de genêt » pour désigner les tiges en train d’être « couvées » c’est-à-dire rouies le long d’un ruisseau82. Pour un professionnel du textile comme Sauclières, le terme « chanvre » doit également être appréhendé dans un sens très large. En effet, « le vocabulaire botanique et le vocabulaire technologique ne s’accordent ici que très imparfaitement, et […] il y a lieu de distinguer entre le nom des espèces (usuel ou scientifique) et le nom des fibres : ramie, jute, chanvre, lin, sont en réalité des termes de technique textile, recouvrant des espèces florales différentes »83. Le roman régionaliste vient confirmer ce sens du mot « chanvre » puisque, dans Julien Savignac, l’hiver arrivé, la domestique Zabeth « ne désertait guère le coin du feu, où elle filait sa quenouille chargée de gros chanvre de genêt »84. D’ailleurs, la fibre de genêt a des caractéristiques qui la rendent proche du chanvre85, d’où même d’éventuelles confusions.
38Les sargues peuvent donc être composées d’un mélange de genêt et de laine, tout comme certains draps fabriqués dans la région de Pise au milieu du XVIIIe siècle86. On peut aussi supposer que ce sont les mêmes petits métiers qui servent pour la laine, pour le chanvre et pour le genêt.
TISSAGE DU GENÊT ET TISSAGE DE LA LAINE
39En tout cas, le travail du genêt par des tisserands, ou du moins des ruraux pluriactifs ayant le tissage au nombre de leurs activités, est avéré par plusieurs sources87, même si la documentation d’époque reste difficile à trouver. Émile Appolis a découvert, dans le notariat de Clermont, un seul acte du XVIIIe siècle faisant l’objet d’une transaction mettant en jeu du fil de genêt afin de le transformer en tissu. Et il en retire que « les tisserands des villages tissent des toiles de genêt pour les particuliers qui leur en commandent. Par exemple, le 27 août 1732, un habitant de Clermont en fait fabriquer 28 mètres, « pour des serviettes », à un tisserand d’Octon »88. En réalité, l’acte est beaucoup plus confus et il est difficile de connaître le rôle respectif de chacune des deux parties. Il est écrit que Jacques Salasc, maître tisserand de toiles du lieu d’Octon, s’engage à remettre au Sieur Jacques Bonneville vieux, maître affineur de draps de Clermont,
« la quantité de quatorze cannes toile gineste servant pour des serviettes que led (it) S (ieu) r Bonneville luy a remis ci-devant pour travailler pour la façon de laquelle toile led (it) S (ieu) r Bonneville lui a aussi ci-devant payé dix livres pour le travail dud (it) Salasc, laquelle toile a en nombre de quatorze cannes. Led (it) S (ieu) r Salasc promet et s’oblige porter aud S (ieu) r Bonneville le quinzième du mois d’octobre prochain comme à jour reçu le fil comme est dit cy dessus »89.
40Tout cela est assez confus, et la fin de la citation laisse penser à une répartition des rôles inverse de ce qu’a compris Émile Appolis et qu’indique en effet le début de la citation. Mais au final, peu importe que ce soit le Clermontais ou l’Octonais qui travaille pour l’autre partie. En effet, si à première vue on peut croire avoir affaire à une forme de sous-traitance d’un marchand-fabricant urbain à un ouvrier rural, l’approfondissement du dossier suggère qu’il n’en est rien. On apprend en effet par ailleurs que, quinze ans plus tard, une femme originaire d’Octon et apparentée à la famille Vigné, Magdeleine Ollier, a épousé le Sieur Mathieu Bonneville, marchand-fabricant de draps de Clermont90. On retrouve aussi régulièrement le patronyme Bonneville à Octon à la fin du XVIIIe siècle91. Dans le même temps, des Bonneville sont marchands-fabricants à Clermont92. Il y a sans doute un lien entre les marchands-fabricants clermontais Bonneville et le village d’Octon. L’acte repéré par Émile Appolis relève donc peut-être davantage des solidarités familiales et de voisinage que d’une quelconque protoindustrialisation. Il n’empêche qu’un même tisserand peut travailler du fil d’origine animale (la laine) ou végétale (le genêt), indifféremment.
41Le travail textile du genêt était bel et bien segmenté en deux étapes : le passage de la plante au fil, activité paysanne par excellence ; et le passage du fil à la toile, confié à un professionnel du textile – qui pouvait évidemment avoir aussi une activité agricole.
42À travers un autre exemple, moins embrouillé – et inédit ! – tentons de mieux suivre le genêt du fil jusqu’à la toile, et même de la « couvée » jusqu’à la toile. Ainsi, on sait qu’en 1778, la famille du quinquagénaire Pierre Beaumel, du masage de Congras, juridiction de Pézènes, a déjà l’habitude depuis longtemps de faire rouir son genêt au ruisseau des Marguerides. C’est sa fille qui se charge de porter le « chanvre » de genêt à ce rec pour le mettre en « couvée » au mois de septembre 177893. Dans une procédure judiciaire entamée quelques mois plus tôt, on retrouve la même famille, mais à travers la personne de Marie Panis, l’épouse de Pierre Beaumel, dans une affaire judiciaire où cette fois il est question du produit consécutif à une couvée de chanvre antérieure à celle de l’année 1778. Marie Panis est accusée par Jean Cabannes, tisserand de toile, de Pézènes, de propos calomnieux. Le litige provient du fait que
« la femme de Pierre Baumel est venue chez lui pour prendre du fil qu’elle lui avait donné pour faire une toile ; que Marianne Cabannes sa fille ayant donné à la dite femme de Beaumel une canne de toile de gineste, il a voulu retenir trois livres et demi de fil de ladite gineste pour se payer de sa toile outre le montant de la façon ; que sa dite fille ayant pris la romaine pour peser les trois livres et demi de fil, ladite femme de Beaumel s’est plainte qu’elle en prenait plus qu’elle ne devait »94.
43Ensuite, selon le tisserand, Marie Panis aurait accusé à tort le tisserand Cabannes et sa famille
« d’avoir fait à ses dépens de sarghe rayé pour de joupons, qu’il lui avait gardé une livre de fil de chambre et qu’il lui retient aussi une sarghe »95.
44Cette affaire présente bien l’aboutissement ultime d’un processus dont les étapes précédentes ont déjà été mises en évidence. Ici il est évident que les particuliers comme la famille Beaumel fabriquent leur fil de genêt puis le portent à un tisserand rural afin d’obtenir des toiles.
45Les paysans devenus pluriactifs ont donc bien acquis les gestes techniques et apprentissages leur permettant de produire pour eux-mêmes du linge de maison en genêt. Le matériel et le savoir-faire étaient disponibles et ne demandaient qu’à être rentabilisés par un usage plus fréquent, en travaillant le genêt à certaines périodes de baisse de l’activité lainière au lieu de laisser l’outillage inutilisé.
*
46L’explication de l’origine de l’essor du genêt ne relève peut-être donc pas seulement de la conjoncture rurale agricole et démographique, mais tout autant, sinon même davantage, de la conjoncture lainière – donc urbaine, ou du moins impulsée par la ville – du Lodévois. Le processus d’affirmation de l’emprise de la ville sur la campagne semble bien avoir contribué à l’essor de la culture du genêt à l’Époque moderne, faisant passer cette matière première d’un statut confidentiel à une situation très répandue.
47Les ruraux ont pu prendre l’initiative de produire du fil, voire de la toile de genêt, puisque leur activité dans le domaine de la laine en liaison avec Clermont et Lodève les avait conduits à s’équiper, sous la houlette des marchands-fabricants, d’un outillage commun à toute activité textile, comme des rouets et des métiers à tisser, ainsi qu’à acquérir un savoir-faire d’ouvriers textiles. Les paysans ont également pu prendre l’habitude d’utiliser la toile de genêt pour leur usage domestique afin de réserver leur production de tissu de laine aux marchands-fabricants urbains, en s’adaptant à la réglementation, en mettant en œuvre une stratégie commerciale tendant à écouler vers leurs pourvoyeurs de travail une grande partie de leur production à base de laine et d’en tirer par là un maximum de profit, ne gardant pour eux que les produits invendables, lesquels échappent donc largement aux archives96.
48Si la recherche des liens entre ville et plat-pays en ce qui concerne les dynamiques de l’activité de transformation des fibres de genêt mérite d’être poursuivie et approfondie, on voit bien que les pistes qui viennent d’être ébauchées à propos de cette interaction constituent des orientations stimulantes. La conceptualisation des changements agricoles et techniques dans les campagnes ne saurait s’opérer dans un environnement intellectuel qui compartimente trop l’espace géographique. Histoire rurale et histoire urbaine ne peuvent constituer des objets trop strictement limités et séparés. Au contraire, l’histoire doit s’écrire en soulignant les interactions entre différents terrains et différentes activités97.

Figure 2 : Espace agraire, proto-industrie de la laine et travail des fibres végétales en Lodévois au XVIIIe siècle
Notes de bas de page
1 Pierre-Marie-Auguste Broussonet (ou Broussonnet), « Observations sur la culture & les usages économiques du Genêt d’Espagne », Mémoires d’agriculture, d’économie rurale et domestique, 8 décembre 1785, trimestre d’automne 1785, Paris, Société nationale d’agriculture de Paris, L. Jorry, pp. 127-136 ; Arch. nat., F10 413, Administration générale, Commission d’agriculture, Renseignements statistiques sur les chanvres et lins, an III-1811 : Lettre de la sous-préfecture de Lodève au Préfet de l’Hérault, 4 septembre 1811 ; H.-G. Paris, Histoire de la ville de Lodève, de son ancien diocèse et de son arrondissement actuel, depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, Montpellier, Boehm, 1851, t. II, pp. 370-371 ; Émile Appolis, « La fabrication des toiles de genêt dans le Lodévois au XVIIIe siècle », Bulletin de la Société Languedocienne de Géographie, 1940, pp. 42-48 ; Émile Appolis, Un pays languedocien au milieu du XVIIIe siècle : Le diocèse civil de Lodève, Étude administrative et économique, Albi, Imprimerie coopérative du Sud-Ouest, 1951, pp. 566-567.
2 Sylvain Olivier dir., Le genêt textile. Plante sauvage, plante cultivée, Lodève, Les Cahiers du Lodévois-Larzac, n° 34, 2009.
3 Sur tout cela : Sylvain Olivier, « Le genêt textile (XVIIe-XIXe siècles). Une dynamique agricole en Lodévois », Histoire et Sociétés Rurales, n° 23, 1er semestre 2005, pp. 137-168 ; Sylvain Olivier, « Entre infield et outfield : une géographie historique de l’exploitation du genêt d’Espagne en Lodévois (XVIe-XIXe siècle) », in Jean-Pierre Husson et Xavier Rochel dir., La forêt et ses marges. Autour de la biogéographie historique : outils, résultats, enjeux, publication en ligne dans la Revue de Géographie Historique, n° 3, novembre 2013 (http://rgh.univ-lorraine.fr/articles/view/39/Entre_infield_et_outfield_une_geographie_historique_de_l_exploitation_du_genet_d_Espagne_en_Lodevois_XVIe_XIXe_siècle).
4 Anonyme, « The Spanish Broom as a Fibre Plant. (Spartium junceum, L.) », Bulletin of Miscellaneous Information (Royal Gardens, Kew), 1892, n° 63, p. 53 ; Maximilien Vanden-Berghe et Jules Grisard, « Le Genêt comme plante textile et papyfère (genêt d’Espagne et genêt à balais) », communication du 22 janvier 1892, Extrait de la Revue des sciences naturelles appliquées, n° 3, 5 février 1892, p. 5 ; P.-G. Bourcier, Le genêt textile nouveau, ses origines, les phases de son développement, ses possibilités d’avenir, Paris, Fédération Nationale du Genêt, 1948, pp. 7-8 ; Arch. dép. Hérault, 2 W 1537, Direction départementale de l’Agriculture et de la Forêt, genêt d’Espagne, correspondance, 1943-1954 : rapport dactylographié de Marcel Pomier-Layrargues, « le genêt textile », décembre 1940, p. 1.
5 Émile Appolis, Un pays languedocien…, op. cit., 1951, p. 567 ; Francis Bourrilhon, Le genêt d’Espagne : Spartium junceum, mémoire de l’École Normale sous la direction du Professeur Luquet, 1953, manuscrit, pp. 15-19.
6 Jean Sablou, La Manufacture des draps à Lodève du XIIIe au XVIIIe siècles, Paris, thèse de l’École des Chartes, 1949 ; James K. J. Thomson, Clermont-de-Lodève, 1633-1789, Fluctuations in the prosperity of a Languedocian cloth-making town, Cambridge, Cambridge University Press, 1982, XII ; Christopher H. Johnson, The Life and Death of Industrial Languedoc, 1700-1920, New York-Oxford, Oxford University Press, 1995 ; Jean-Michel Minovez, La puissance du Midi. Drapiers et draperies de Colbert à la Révolution, Rennes, PUR, 2012.
7 Émile Appolis, Un pays languedocien…, op. cit., 1951, pp. 566-567.
8 Émile Appolis, « La fabrication des toiles de genêt… », art. cit., 1940.
9 Émile Appolis, ib., pp. 42-48 ; Pierre Aussel, « La toile de maison ou l’or des ruffes », Études sur l’Hérault, nouvelle série, n° 2-3, 1986-1987, pp. 147-149 ; Catherine Llaty, Le genêt dans le Lodévois : savoirs populaires et utilisations, 1988, maîtrise d’Ethnologie, Université Montpellier III, dactyl.
10 Jacques Lévy, Michel Lussault dir., Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Paris, Belin, 2013, pp. 1082-1084 ; Philippe Loupès, Jean-Pierre Poussou, Les Petites villes du Moyen Âge à nos jours, Colloque international, Bordeaux, 25-26 octobre 1985, Paris, Éd. du CNRS, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 1987, pp. 15-102 ; Jean-Pierre Poussou, La croissance des villes au XIXe siècle. France, Royaume-Uni, États-Unis et pays germaniques, Paris, SEDES, 1992, pp. 30-39 ; Christine Lamarre, Petites villes et fait urbain en France au XVIIIe siècle : le cas de la Bourgogne, Dijon, Éd. universitaires, 1993, pp. 15-102.
11 Stéphane Durand, Les villes en France, XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Hachette, « Carré Histoire », 2006, pp. 3-4.
12 Ib., p. 148.
13 Claude Motte, Marie-Élisabeth Martin Laprade et Jean-Marc Peysson, Paroisses et Communes de France. Dictionnaire d’histoire administrative et démographique. Hérault, Paris, Éditions du CNRS, 1989, p. 252, p. 184, p. 481 ; Stéphane Durand, Les villes en France…, op. cit., 2006, p. 150 ; Stéphane Durand, Élie Pélaquier, « Les villes du Languedoc au XVIIIe siècle. Essai de typologie », in Joël Fouilleron, Roland Andréani dir., Mélanges offerts au professeur Henri Michel, Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, 2011, pp. 115-132.
14 Sur tout cela : Jean Sablou, La Manufacture des draps à Lodève…, op. cit., 1949, pp. 68-70 ; Émile Appolis, Un pays languedocien…, op. cit., 1951, pp. 538-539.
15 Jean-Michel Minovez, La puissance du Midi…, op. cit., 2012, p. 14.
16 Jean Sablou, La Manufacture des draps à Lodève…, op. cit., 1949, p. 62 ; Francesc Valls Junyent, « Échecs et succès de l’industrialisation dans les territoires du vignoble. Languedoc versus Catalogne », in Florent Le Bot, Cédric Perrin dir., Les chemins de l’industrialisation en Espagne et en France. Les PME et le développement des territoires (XVIIIe-XXIe siècles), Bruxelles, P. I. E. Peter Lang, 2011, p. 264.
17 Émile Appolis, Un pays languedocien…, op. cit., 1951, p. 538.
18 .Jean-Michel Minovez, La puissance du Midi…, op. cit., 2012, pp. 92-96.
19 Pierre Deyon, « La diffusion rurale des industries textiles en Flandre française à la fin de l’Ancien Régime », Aux origines de la révolution industrielle. Industrie rurale et fabriques, Revue du Nord, n° spécial, t. LXI, n° 240, 1979, pp. 83-96.
20 Jean Sablou, La Manufacture des draps à Lodève…, op. cit., 1949, p. 88, p. 93, p. 182.
21 Fulcran Teisserenc, L’industrie lainière dans l’Hérault, Paris, A. Rousseau, 1908, p. 28 ; Émile Appolis, Un pays languedocien…, op. cit., 1951, pp. 542-543.
22 Jean Sablou, La Manufacture des draps à Lodève…, op. cit., 1949, p. 51 ; Ernest Martin, Histoire de la ville de Lodève depuis ses origines jusqu’à la Révolution, Montpellier, Serre et Roumégous, 1900, t. II, pp. 482-483.
23 Jean-Michel Minovez, La puissance du Midi…, op. cit., 2012, p. 14.
24 C’est la période d’essor de la pluriactivité chez les paysans : Jean-Michel Minovez, La puissance du Midi…, op. cit., 2012, pp. 92-96.
25 Gilbert Larguier, Le drap et le grain en Languedoc, Perpignan, Presses Universitaires de Perpignan, 1996, pp. 595-610 ; Dominique Cardon, La Draperie au Moyen Âge. Essor d’une grande industrie européenne, Paris, CNRS Éditions, 1999 ; Marie-Claude Marandet, Les campagnes du Lauragais à la fin du Moyen Âge (1380-début du XVIe siècle), Perpignan, Presses Universitaires, collection « Études », 2006, p. 58.
26 Aline Durand, « Anthracologie du site médiéval du Rocher des Deux-Vierges » et « Des genêts au Moyen Âge d’après les sources savantes et diplomatiques méridionales », in Sylvain Olivier dir., Le genêt textile. Plante sauvage, op. cit., 2009, pp. 24-26 et pp. 31-33.
27 Dominique Cardon, La Draperie au Moyen Âge…, op. cit., 1999, pp. 117-118.
28 Ernest Martin, op. cit., 1900, t. I, p. 248.
29 Jean Sablou, La Manufacture des draps à Lodève…, op. cit., 1949, p. 52, p. 58.
30 Fulcran Teisserenc, L’industrie lainière…, op. cit., 1908, p. 35 et 37 ; Émile Appolis, Un pays languedocien…, op. cit., 1951, pp. 538-542.
31 Tihomir J. Markovitch, Histoire des industries françaises. Les industries lainières, de Colbert à la Révolu tion, Genève, Droz, 1976, pp. 208-209.
32 Jean-Michel Minovez, La puissance du Midi…, op. cit., 2012, pp. 89-90.
33 Émile Appolis, Un pays languedocien…, op. cit., 1951, pp. 543, 545.
34 Ib, p. 479.
35 Catherine Llaty et Sylvain Olivier, « Depuis le XVIIIe siècle, des genêts souvent mentionnés et très exploités en Lodévois », in Sylvain Olivier dir., Le genêt textile. Plante sauvage, op. cit., 2009, pp. 46-47.
36 Jean Sablou, La Manufacture des draps à Lodève…, op. cit., 1949, p. 31 ; Émile Appolis, Un pays languedocien…, op. cit., 1951, pp. 455-456.
37 Sylvain Olivier, « Le genêt textile… », art. cit., 2005.
38 Tihomir J. Markovitch, Histoire des industries…, op. cit., 1976, p. 224.
39 Jean-Michel Minovez, La puissance du Midi…, op. cit., 2012, p. 128.
40 Jean Sablou, La Manufacture des draps à Lodève…, op. cit., 1949, p. 80, p. 192, p. 217.
41 Jean-Michel Minovez, La puissance du Midi…, op. cit., 2012, pp. 42-43.
42 Hippolyte Creuzé de Lesser, Statistique du département de l’Hérault, Montpellier, A. Ricard, 1824. Réimpr. avec préface d’Emmanuel Le Roy Ladurie, Le Caylar, Arts et Traditions Rurales, 2011, pp. 558-559, p. 566.
43 Émile Appolis, Un pays languedocien…, op. cit., 1951, pp. 486-487 ; Arch. dép. Hérault, C 2392 et C 2400, Intendance de Languedoc, laines, 1738-1743 et 1743-1748 ; Fulcran Teisserenc, L’industrie lainière…, op. cit., 1908, p. 38.
44 Erik Thoen, « Technique agricole, cultures nouvelles et économie rurale en Flandre au Bas Moyen Âge », Plantes et cultures nouvelles en Europe occidentale au Moyen Âge et à l’époque moderne, Douzièmes Journées internationales d’histoire de Flaran, Auch, 1992, pp. 51-68.
45 Fulcran Teisserenc, L’industrie lainière…, op. cit., 1908, p. 38 ; Émile Appolis, Un pays languedocien…, op. cit., 1951, p. 487. Arch. dép. Hérault, C 2400, Intendance de Languedoc, laines, confirme bien cette date, sur laquelle Fulcran Teisserenc se trompe de deux ans.
46 Émile Appolis, Un pays languedocien…, op. cit., 1951, p. 486.
47 Jean Sablou, La Manufacture des draps à Lodève…, op. cit., 1949, p. 140.
48 Ou du moins en diminuant très fortement cette production, puisque la fabrication de sargues demeure, mais de manière résiduelle : Émile Appolis, Un pays languedocien…, op. cit., 1951, p. 487, p. 564.
49 Je n’ai dépouillé à cet effet que le compoix des biens roturiers de la famille Fourés.
50 Arch. dép. Hérault, Compoix de Lodève : 142 EDT 67, 1589, f° 408 r° ; 142 EDT 70, 1626, f° 117 r° ; 142 EDT 73, 1655, f° 315 ; 142 EDT 77, 1672, 2nd vol., f° 1 r°-v° ; 142 EDT 78, 1693, f° 145 ; 142 EDT 80, 1696, f° 1 ; 142 EDT 81, 1731, f° 2 r°.
51 Sylvain Olivier, « Compoix, terriers et cadastres. Des données quantitatives et spatiales sur l’environnement rural languedocien (XVIIe-XIXe siècle) », in Cadastres et paysages, Actes de la journée d’étude du 15 octobre 2005, recueillis par Élie Pélaquier, Lionel Dumond, Stéphane Durand, Liame. Bulletin du Centre d’Histoire et d’Histoire de l’Art moderne et contemporain de l’Europe méditerranéenne et de ses périphéries, n° 14, juillet-décembre 2004 (parution 2007), pp. 63-82 ; Jean-Loup Abbé, Vincent Challet, « Du territoire à la viguerie : espaces construits et espaces vécus à Saint-Guilhem-le-Désert à la fin du Moyen Âge », Annales du Midi, t. 119, n° 260, octobre-décembre 2007, pp. 509-532.
52 La population de Lodève est de 916 feux en 1693, 840 feux en 1709, et 6 450 habitants en 1761, avant de tourner autour de 10 000 habitants au début du siècle XIXe siècle : cf. Claude Motte, Marie-Élisabeth Martin Laprade et Jean-Marc Peysson, Paroisses et Communes…, op. cit., 1989, p. 252 ; Hélène Berlan, Frédéric Bocage, Élie Pélaquier et Frédéric Rousseau, Démographie et crises en Bas-Languedoc (1670-1890), Montpellier, Institut de Recherches Historiques par l’Informatique et la Statistique, 1992.
53 Arch. dép. Hérault, C 2502, Intendance de Languedoc, Laines, 1746-1756, pièce 119-122 : « Mémoire et observations sur la disette des bêtes à laine, cause principale de la rareté et de la cherté des matières propres aux manufactures de Languedoc et sur les moyens en même tems de remédier à cet inconvénient », fait à Lodève le 14 août 1755 par Tricou fils.
54 Arch. dép. Hérault, C 7461, Délibération des États de Languedoc du 18 janvier 1743, f° 94 r°.
55 Arch. dép. Hérault, C 2502, Intendance de Languedoc, Laines, 1746-1756, pièce 119-122 : « Mémoire et observations sur la disette des bêtes à laine, cause principale de la rareté et de la cherté des matières propres aux manufactures de Languedoc et sur les moyens en même tems de remédier à cet inconvénient », fait à Lodève le 14 août 1755 par Tricou fils.
56 Arch. nat., F10 517, « Mémoire pour multiplier les troupeaux et obtenir une meilleure qualité de laine dans le bas Languedoc », par Michel, XVIIIe siècle.
57 Jean-Michel Minovez, La puissance du Midi…, op. cit., 2012, pp. 40-41.
58 Ib., p. 58.
59 Arch. dép. Gard, C 1188, Mémoires divers sur l’agriculture : Observations de M. Holker, inspecteur général des manufactures étrangères, Pour améliorer les Bêtes à laine, & les Pâturages, Montpellier, veuve Jean Martel, 1765 ; Mémoire sur la culture de la pimprenelle, par M. Le Blanc, inspecteur des manufactures, Montpellier, veuve Jean Martel, 1767.
60 Jean-Michel Minovez, La puissance du Midi…, op. cit., 2012, pp. 40-41.
61 Ib., p. 39, p. 58.
62 Émile Appolis, Un pays languedocien…, op. cit., 1951, p. 413.
63 Arch. dép. Hérault, 370 W 24, Préfecture de l’Hérault, Direction des services agricoles, Culture du genêt d’Espagne : rapports, documentation (1951-1957) ; Délégation des industries diverses et des textiles, « rapport sur l’utilisation industrielle du « genêt d’Espagne », rôle de l’usine d’Aspiran de la Société Union Textile et Papetière du Languedoc », Toulouse, 13 avril 1953, dactylographié.
64 Émile Appolis, Un pays languedocien…, op. cit., 1951, p. 464 ; Alain Hortus, L’industrie de la laine dans le Lodévois. Étude économique et sociale (1789-1851), mémoire de maîtrise, dir. Robert Laurent, Université Paul-Valéry, Montpellier, 1968, p. 48.
65 Jean-Michel Minovez, La puissance du Midi…, op. cit., 2012, pp. 69-70.
66 Françoise Waro-Desjardins, La vie quotidienne dans le Vexin au XVIIIe siècle. Dans l’intimité d’une société rurale, Pontoise, Société historique de Pontoise, 1996, p. 246.
67 Cf. par exemple Arch. dép. Hérault, 10 Bp 651-25, Lunas, Inventaires après décès, XVIIIe siècle.
68 Émile Appolis, Un pays languedocien…, op. cit., 1951, p. 464.
69 Françoise Waro-Desjardins, La vie quotidienne…, op. cit., 1996, p. 246.
70 Émile Appolis, Un pays languedocien…, op. cit., 1951, p. 545.
71 Octon : chef-lieu de commune, dans la vallée du Salagou, Hérault.
72 Arch. dép. Hérault, C 2502, pièce 177-178, « Journal des visites et saisies que le Sr Henry Sauclières inspecteur des manufactures au département de Lodève a fait pendant le mois d’avril 1748 ».
73 Arch. dép. Hérault, C 2502, pièce 183-184, « Journal des visites et saisies que le Sr Henry Sauclières inspecteur des manufactures au département de Lodève a fait pendant le mois de may 1748 ».
74 Vinas : hameau de la commune de Lodève, au nord-est de la ville, en direction de Fozières.
75 Arch. dép. Hérault, C 2502, pièce 201, « Journal des visites et saisies que le Sr Henry Sauclières inspecteur des manufactures au département de Lodève a fait pendant le mois d’août 1748 ».
76 Jean-Michel Minovez, La puissance du Midi…, op. cit., p. 72.
77 Ferdinand Fabre, Julien Savignac, Paris, Charpentier, 1884 (1re éd. 1863), p. 153.
78 Arch. dép. Hérault, C 2413, Intendance de Languedoc, procédures criminelles pour vols de laine, n° 12, n° 13, 1746 ; C 2501, Intendance de Languedoc, Laines, Journal de l’inspecteur Sauclières, janvier 1746, novembre 1746 et passim ; Émile Appolis, Un pays languedocien…, op. cit., 1951, p. 564.
79 Alfred Renouard, Études sur le travail des lins (culture, rouissage, teillage, peignage et filature), Paris, Lacroix, 1875, t. I, p. 21.
80 Chef-lieu de commune, appelée Pézènes-les-Mines depuis 1926, à l’est de Bédarieux, Hérault.
81 Arch. dép. Hérault, 10 Bp 1317, Justice ordinaire de Pézènes, Procédures, Verbaux, n° 15, 13 février 1778.
82 Arch. dép. Hérault, 10 Bp 1317, Justice ordinaire de Pézènes, Procédures, Verbaux, n° 17, septembre 1778.
83 André Allix et André Gibert, Géographie des textiles, in Géographie économique et sociale, publiée sous la direction de A. Cholley, Paris, Librairie de Médicis, 1956, p. 33.
84 Ferdinand Fabre, Julien Savignac, op. cit., 1884, p. 130.
85 Élisabeth Hardouin-Fugier, Bernard Berthod, et Martine Chavent-Fusaro, Les étoffes. Dictionnaire historique, Paris, les éditions de l’amateur, 1994, 1994, p. 204 ; Maggy Baum, et Chantal Boyeldieu, Le dictionnaire des textiles, Lille, les éditions du Paillié, 2006, p. 302.
86 Anonyme, « Description de la manière dont on fabrique le fil & la toile de Genêt, dans le lieu appelé Bagno ad Acqua, au territoire de Pise », Journal Œconomique ou Mémoires, notes et avis sur l’Agriculture, les Arts, le Commerce & tout ce qui peut avoir rapport à la santé, ainsi qu’à la conservation & à l’augmentation des Biens des familles etc., novembre 1756, Paris, Antoine Boudet, 1756, p. 155.
87 H.-G. Paris, Histoire de la ville de Lodève…, op. cit., 1851 ; Francis Bourrilhon, Le genêt d’Espagne…, op. cit., 1953.
88 Émile Appolis, Un pays languedocien…, op. cit., 1951, p. 464.
89 Arch. dép. Hérault, 2 E 26/196, Minutes de Louis Joseph Manié II, notaire à Clermont, Acte du 27 août 1732.
90 Arch. dép. Hérault, 10 Bp 617, Justice ordinaire de Lauzières, n° 26, Registres d’audiences, 5 septembre 1747.
91 Arch. dép. Hérault, 2 C 499, Contrôle des actes, Enregistrement d’un bail passé devant Me Balestier, notaire à Clermont, le 30 septembre 1770 ; Arch. dép. Hérault, 2 E 41/99, Minutes de François Duguiés, notaire à Salasc, Acte du 6 février 1777, f° 14 v°.
92 James K. J. Thomson, Clermont-de-Lodève…, op. cit., 1982, p. 482.
93 Arch. dép. Hérault, 10 Bp 1317, Justice ordinaire de Pézènes, Procédures, Verbaux, n° 17, septembre 1778.
94 Arch. dép. Hérault, 10 Bp 1317, Justice ordinaire de Pézènes, Procédures, Verbaux, n° 15, 13 février 1778.
95 Arch. dép. Hérault, 10 Bp 1317, Justice ordinaire de Pézènes, Procédures, Verbaux, n° 15, 13 février 1778.
96 Comme le cas du maïs autoconsommé en haut Languedoc toulousain, alors que le blé est commercialisé : Georges Frêche, Toulouse et la région Midi-Pyrénées au siècle des Lumières. Vers 1670-1789, Paris, Cujas, 1974, p. 224.
97 Je tiens à remercier Henriette Pascal, Catherine Llaty, Élie Pélaquier, Éric Fabre et Lisa Caliste pour m’avoir orienté vers des documents, pour leurs conseils ou pour leurs réflexions pertinentes qui m’ont aidé à mûrir ce texte.
Auteur
Maître de conférences en histoire moderne, Université de Nimes, EA 7352-Détection, évaluation, gestion des risques chroniques et émergents (CHROME)
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