Milan et son contado dans la deuxième moitié du XIIIe siècle. Le rôle des campagnes dans le processus de définition des premières expériences proto-seigneuriales urbaines
p. 143-162
Texte intégral
1Parmi les thèmes les plus étudiés par les historiens qui s’intéressent à l’Italie médiévale, celui des rapports entre les villes et leurs contadi occupe depuis longtemps une place privilégiée. Les premières études systématiques sur ce sujet furent menées dès la fin du XIXe – début du XXe siècle par les historiens de la Scuola economico-giuridica, courant historiographique italien qui, influencé par la pensée marxiste, affirmait l’importance de la dimension économique et sociale de l’histoire1. Toutefois, se penchant principalement sur le phénomène communal, ces chercheurs décrivirent le monde rural comme un espace discipliné par la ville et, par conséquent, entièrement soumis aux exigences agricoles, commerciales et fiscales de celle-ci. Comme l’a remarqué il y a quelques années Luisa Chiappa Mauri, le recours assez fréquent dans les travaux des médiévistes du début du XXe siècle à des expressions telles que « processus de comitatinanza » ou « conquête du contado » montre l’ampleur et la diffusion de cette interprétation historiographique à cette époque2.
La Commune milanaise et le contado
2Depuis quelques décennies, l’adoption de nouvelles perspectives de recherche a cependant permis de dépasser cette vision centrée sur la prépondérance absolue de la ville et de souligner le dynamisme des campagnes. En se limitant au cas de Milan et de son territoire, les historiens des dernières générations ont par exemple insisté sur le développement, dans le monde rural des XIIe et XIIIe siècles, d’un système complexe de relations entre trois sujets principaux : la ville, les titulaires des pouvoirs seigneuriaux et/ou patrimoines fonciers au niveau local, et les communautés rurales (celles-ci étant de plus en plus organisées en communes à l’imitation des cités). À l’intérieur de cette « dialectique triangulaire », le rôle de la ville et de ses institutions communales, bien qu’étant indubitablement le plus important, n’était pas univoque. Les magistratures urbaines cherchèrent à étendre leur influence politique et administrative sur le contado milanais en limitant l’autonomie des seigneurs locaux trop puissants et même en appuyant contre ces derniers les revendications des collectivités rurales : c’est notamment le cas de la commune rurale de Meda, au nord de Milan, qui en 1252 acheta pour mille livres de terzoli – une somme assez élevée pour l’époque – au dominus loci du bourg, le monastère bénédictin féminin de San Vittore, les droits seigneuriaux de honor, districtus et iurisdictio ainsi que celui sur le marché local : le contrat d’achat-vente, peut-être en raison de son importance et de sa nature indubitablement inusuelle, fut conclu en présence des représentants de la commune milanaise3. Mais la ville ambrosienne, aux XIIe et XIIIe siècles, rechercha aussi de manière de plus en plus systématique l’appui des seigneurs locaux qui reconnaissaient son autorité pour mieux encadrer le contado par de nouvelles formes centralisées de domination publique4. Parfois la mise en place de ce système de gouvernement pouvait s’appliquer aussi aux communes rurales. Le partage des droits de justice et de ban nous offre un très bel exemple de cette collaboration des trois intervenants : dès le milieu du XIIe siècle, on dispose pour plusieurs localités du contado (Civenna, Limonta, Arosio, Calpuno, Cremella, etc.) de statuts ruraux et d’accords entre les seigneurs et les communautés locales prévoyant l’attribution aux juges urbains de la haute justice, avec la possibilité pour ceux-ci d’imposer des amendes assez élevées, généralement supérieures – selon la localité concernée – à une ou trois livres de terzoli. En revanche, les titulaires des pouvoirs seigneuriaux, leur juridiction étant limitée essentiellement à la basse justice, pouvaient exiger des banna uniquement audessous de cette somme ; les magistrats des communes rurales, enfin, avaient compétence sur les infractions mineures, pour lesquelles les amendes étaient inférieures à cinq-dix sous de terzoli5. Cette pratique de répartition des droits de justice eut d’ailleurs une véritable codification normative dans le Liber consuetudinum Mediolani de 1216, à savoir la plus ancienne compilation statutaire de la ville ambrosienne qui nous est parvenue6. En outre, en ce qui concerne les grands lignages aristocratiques laïques, les magistratures communales de Milan favorisèrent leur implantation dans la ville et leur participation active à la vie politique et sociale de celle-ci, tout en leur permettant de préserver leurs bases économiques et leurs droits dans les campagnes7.
3L’affirmation définitive de la supériorité de la commune ambrosienne sur son territoire fut donc le résultat d’un processus long et parfois contrasté, qui se déroula graduellement pendant presque deux siècles et qui vit la participation active de tous les composants du contado8. Les premières étapes de cette évolution furent relativement précoces : on sait par exemple que, dans les années 1110 et 1120, à l’occasion des guerres contre les villes de Lodi et de Côme, Milan imposa des contributions fiscales régulières aux communautés du Seprio, territoire au nord-ouest de la ville ambrosienne ; en outre, une charte par laquelle la commune urbaine concédait en 1119 des exemptions au monastère bénédictin de San Giacomo de Pontida nous informe du fait que le contado milanais – dont les limites coïncident désormais avec celles de l’ancien diocèse – était soumis à des « onera » imposés par la ville9.
4Après la victoire des communes de la première Ligue Lombarde sur l’empereur Fréderic Ier Barberousse à Legnano en 1176 et la signature de la paix de Constance entre les deux partis en juin 1183, Milan renforça ultérieurement son contrôle sur le contado à travers la perception de nouvelles taxes, appelés selon le cas collectae, adiutoria, bovaria, focatica, etc.10. D’autres interventions concernèrent l’organisation et la rationalisation administrative du territoire : en 1211, par exemple, le contado dépendant de la ville fut partagé en trois zones relativement homogènes d’un point de vue économique et agricole, appelées fagie et ayant chacune ses propres consules de justice11.
5Dès le début des années 1240, les efforts des magistratures milanaises pour soumettre le contado au monde urbain se multiplièrent. Le nouveau conflit entre le pouvoir impérial et la deuxième Ligue Lombarde, dont Milan était à la tête, et la défaite militaire subie par les Milanais face aux armées de l’empereur Fréderic II à Cortenuova, près de Brescia, en novembre 1237, déterminèrent une crise politique, sociale et économique qui secoua en profondeur la ville ambrosienne. Afin de limiter l’échec financier de la commune causé par les coûts de la guerre et faciliter le prélèvement fiscal, Gregorio de Montelongo, légat apostolique en Lombardie depuis 1238 et surtout rector communis Mediolani en collaboration avec le frère mineur Leone de Perego, archevêque élu de Milan depuis 1241, imposa au milieu des années 1240 la rédaction des premières estimations des biens de tous les propriétaires fonciers de la ville et du contado12. Cette innovation fut suivie, une quinzaine d’années après, par la création d’une nouvelle magistrature, l’officium inventariorum, chargé de la révision et de la mise à jour des inventaires patrimoniaux servant au calcul de l’impôt. Dans les dernières décennies du XIIIe siècle, la commune urbaine et les domini loci du contado se répartirent enfin le droit de nommer les podestats des communautés rurales. Un témoignage de ce partage fut la rédaction, au milieu des années 1280, d’un registre conservé près de la commune ambrosienne :
in quo scripta sunt nomina communium burgorum et locorum comitatu Mediolani secundum quod solvere debent pro feudis podestadiarum13.
6Dans ce registre, aujourd’hui connu seulement grâce à de petits extraits conservés dans les fonds d’archives des quelques établissements religieux exerçant les pouvoirs d’honor et districtus dans le contado, l’on procéda à l’enregistrement des noms des bourgs et villages du territoire milanais, accompagnés de l’indication du titulaire du droit de nomination du podestat rural (selon le cas, la commune urbaine ou les domini loci).
Les élites urbaines milanaises et le contado : le cas des Torriani
7Pourtant, l’initiative de la commune urbaine visant à étendre son influence sur les campagnes milanaises fut accompagnée, surtout durant la deuxième moitié du XIIIe siècle, par celle, moins « institutionnelle » et « légitime », de certains individus et lignages aristocratiques. Ceux-ci, profitant de leur appartenance à l’oligarchie politique, économique et militaire et/ou de leur position au sommet de la vie publique de la ville, cherchèrent à consolider leurs bases économiques et leur pouvoir dans le contado. Le cas indubitablement le plus intéressant de ce deuxième type de pénétration dans le monde rural fut celui des Torriani (ou della Torre)14.
8Originaires du contado, les Torriani provenaient de la Valsassina, une vallée dans les Préalpes lombardes au nord du bourg de Lecco, avant-poste milanais à la frontière avec le territoire de Côme15. Dès le début des années 1240, les Torriani acquirent une position de prééminence politique à Milan – où ils s’étaient installés entretemps – grâce à l’un des membres les plus entreprenants de la famille, Pagano : ce dernier, au lendemain de la bataille de Cortenuova de 1237, réussit avec le soutien du légat Gregorio de Montelongo à s’imposer à la tête de la pars Populi ambrosienne. Dans les années 1240-1250, des luttes internes entre les populares et les milites aristocratiques, avec la victoire de la première faction sur la deuxième, contribuèrent à consolider la suprématie de Pagano et de sa famille dans la ville. Pendant presque deux décennies, toutefois, les Torriani n’exercèrent leur pouvoir que de façon informelle. La légitimation institutionnelle de leur hégémonie date en effet seulement de 1259, lorsque le neveu de Pagano, Martino, obtint le titre de Anzianus perpetuus de la Credenza di Sant’Ambrogio, magistrature représentative de la pars Populi milanaise depuis la fin du XIIe siècle16. Dès son obtention, ce titre devint héréditaire dans le lignage : à Martino, succéda d’abord son frère Filippo (1263-1265), puis Napoleone, connu aussi comme Napo, fils de Pagano (1265-1277)17. Dans les années 1260-1270, les Torriani gouvernèrent aussi d’autres villes lombardes et piémontaises – parmi lesquelles on citera Côme, Lodi, Bergame, Brescia, Novare, Verceil – à travers le contrôle de la charge de podestat, ce qui leur permit de donner un caractère proto-régional et proto-seigneurial à leur domination18.
9Une menace constante au pouvoir des Torriani venait de l’action des milites milanais, qui, obligés par les populares à abandonner la ville après les combats des années 1240-1250, s’étaient réfugiés dans le contado, où ils possédaient des châteaux forts, des seigneuries et des complexes patrimoniaux. Réunis autour d’un nouveau leader, l’archevêque milanais Ottone Visconti – que les Torriani avaient empêché d’entrer à Milan depuis son élection en 1262 –, les milites continuèrent pendant quinze ans leur lutte dans les campagnes. Le 21 janvier 1277, les armées d’Ottone Visconti et des milites surprirent et battirent celles des Torriani à Desio, à une quinzaine de kilomètres au nord de Milan. Plusieurs membres du lignage perdirent la vie ou furent emprisonnés durant la bataille : parmi ces derniers, Napoleone, qui mourra l’année suivante dans les prisons du château du Baradello, près de Lecco. La bataille de Desio marqua donc la fin de la première expérience proto-seigneuriale des Torriani sur Milan. À la place de ceux-ci s’affirma la domination personnelle de l’archevêque Ottone Visconti19.

L’EXPANSION PATRIMONIALE DES TORRIANI DANS LE CONTADO MILANAIS LES DOMINATUS LOCI (FIN DES ANNÉES 1260 - DÉBUT DES ANNÉES 1270)
10La délocalisation des luttes entre factions à l’extérieur de la ville contribua donc à créer dans les campagnes milanaises un climat d’insécurité générale. Face à la menace portée par les milites exilés, les Torriani entreprirent dès les années 1260 une politique d’expansion patrimoniale et seigneuriale dans le contado visant à renforcer le pouvoir et les bases économiques et militaires dont ils disposaient.
11Malheureusement, des contraintes de nature documentaire nous empêchent aujourd’hui de mesurer toute l’ampleur de cette politique expansive : le peu d’informations dont on dispose permet d’établir que les Torriani, entre la fin des années 1260 et le début des année 1270, détenaient des complexes patrimoniaux de dimensions assez variées et des droits seigneuriaux dans au moins une douzaine de localités du contado : Brignano d’Adda, près de Treviglio, à l’est de Milan ; Cornegliano, Ripalta et Triginto di Mediglia, dans les campagnes au sud et sud-est de celle-ci ; Turbigo, Trezzano, et Cornaredo à l’ouest, vers la ville de Novare ; Cerchiate, Seregno et Nobile dans la partie septentrionale du contado milanais ; Bindo et Vimogno, près de Lecco et du lac de Côme, dans les Préalpes ; et enfin Bellinzona, aujourd’hui dans la Suisse italienne. Il est de toute façon fort probable que cette liste soit incomplète : en effet, la damnatio memorie qui s’abattit sur les Torriani après la fin de leurs expériences seigneuriales sur Milan – autant la première, de 1259-1277, que la deuxième, de 1302-131020 – n’épargna pas les archives familiales, où se trouvaient très probablement beaucoup plus de renseignements relatifs à la création ou à l’accroissement du patrimoine et/ou des pouvoirs seigneuriaux dans d’autres localités21. Il est néanmoins intéressant de souligner l’importance stratégique, au niveau commercial et militaire, de nombreux lieux mentionnés ci-dessous : l’exercice du dominatus loci à Turbigo et Trezzano garantit par exemple aux Torriani un contrôle direct du Naviglio Grande, canal artificiel d’irrigation et de navigation qui mettait en communication Milan avec le Tessin et la région du lac Majeur. Le bourg de Seregno et le village de Nobile, par contre, se trouvaient le long du chemin qui conduisait de Milan à Lecco, et de là, vers Bindo et la Valsassina : pour les membres du lignage, contrôler les localités situées sur cette route signifiait donc se garantir, à l’abri de la menace des milites, un voyage relativement sécurisé vers leur terre d’origine, où d’ailleurs ils détenaient encore à cette époque une partie considérable de leurs biens fonciers22.
12Mais que peut-on dire à propos des modalités de formation de ces complexes patrimoniaux/seigneuriaux ? Pour répondre à cette question, concentrons notre attention sur les cas de Turbigo, Trezzano, Seregno, Nobile et Triginto, les seuls pour lesquels la documentation à notre disposition a, jusqu’à présent, permis de proposer quelques observations plus approfondies.

LES TORRIANI À TURBIGO (1272-1275)
13À Turbigo, trente-cinq kilomètres à l’ouest de Milan, le processus de création de la seigneurie foncière et du ban se réalisa par le biais d’une longue série d’achats faits par Napoleone della Torre et son frère Francesco, souvent représentés par des procureurs, entre 1272 et 1275. La première phase de cette vaste opération eut lieu à l’automne 1272, lorsque les deux frères achetèrent, pour le prix assez élevé de mille deux cents livres de terzoli, toutes les propriétés que le lignage aristocratique local des Oldani possédait in loco, y compris leur part d’honor et districtus, le droit de ban, la dîme, et quatre-vingt-dix sedimina et pièces de terre. Très peu de temps après, l’été 1273, les membres d’une autre famille aristocratique de Turbigo, les Coiri, vendirent à Napoleone tous leurs biens et droits pour une somme totale, encore une fois, d’environ mille deux cents livres. Contrairement aux Oldani, qui avaient procédé à la vente de façon globale, les Coiri stipulèrent plusieurs contrats séparés avec Napoleone. En outre, puisque plusieurs individus du lignage, contraints par les difficultés financières, avaient recouru dans les années précédentes à des prêts sur gage foncier, Napoleone prit soin en 1273 de racheter à leurs créditeurs les biens des Coiri passés dans les mains de ceux-ci : on peut en déduire que la stratégie des Torriani à Turbigo était de maintenir intactes, autant que possible, l’unité et la cohésion du patrimoine qui, à l’origine, avait appartenu aux Coiri23.
14À l’été et l’automne 1274, deux autres lignages nobiliaires, les Lampugnani et les della Croce, vendirent à Napoleone della Torre leur patrimoine à Turbigo pour trois-cents livres chacun. Dans les cas des Lampugnani, la cession comprenait aussi la huitième part de l’honor et districtus sur Turbigo, la moitié du château, les droits concernant le port fluvial de la localité, les droits de pêche (piscaria) et de dérivation et utilisation de l’eau du Naviglio24. D’autres ventes plus modestes furent faites entre 1273 et 1275 par des établissements religieux – comme l’hôpital milanais du Brolo, qui en novembre 1273 reçut pour ses biens deux-cents livres – et par des petits propriétaires locaux : parmi ces derniers, l’on peut citer au moins Crotto Villani, qui vendit en mars 1273 à Lombardo Capitaneo, procureur de Napoleone della Torre, cinq pièces de terre pour cent livres25.
15L’ampleur de l’action ainsi que de l’investissement économique des Torriani à Turbigo entre 1272 et 1275 est évidente. Pourtant, comme l’a déjà remarqué Flavia de Vitt, Napoleone della Torre ne parvint pas à s’emparer de toute la localité : sa domination ne fut donc pas complète26.
LES TORRIANI À TREZZANO (1271)
16Le village de Trezzano, aujourd’hui à la périphérie occidentale de Milan, avait, comme celui de Turbigo, une position stratégique pour le contrôle du Naviglio Grande. À Trezzano, le principal propriétaire foncier s’identifiait avec le chapitre de l’église milanaise de Sant’Ambrogio : l’institution religieuse, au début des années 1260 possédait dans la localité presque mille-cent-quatre-vingts perches milanaises de terre (environ quatre-vingts hectares), dont les trois quarts cultivés et le dernier quart couvert de forêts et de pâturages. Les chanoines détenaient aussi la moitié des droits seigneuriaux sur le locus et territorium27.
17Les premières manifestations d’intérêt des Torriani sur la localité, et plus précisément sur les propriétés et droits du chapitre de Sant’Ambrogio de Milan, remontent au début des années 1270. Le 5 avril 1270, le chapitre de Sant’Ambrogio décida de louer tous les biens qu’il possédait à Trezzano à deux cives milanais, Ruggero Oldegardi et son fils Cazadracus. Ce choix n’est pas surprenant : il répondait en effet à une pratique communément adoptée à cette époque par de nombreux établissements religieux de la ville et du contado milanais, qui, face aux mutations sociales en cours dans les campagnes et aux difficultés croissantes rencontrées dans l’administration de leurs patrimoines, privilégiaient le recours aux formes indirectes de gestion de la terre ; de cette manière, les religieux s’assuraient une rente annuelle fixe en déférant à un tiers toutes sortes de problèmes concernant, par exemple, les rapports avec les paysans et/ou la perception des loyers. Le contrat entre le chapitre de Sant’Ambrogio et Ruggero et Cazadracus Oldradi eut cependant une durée assez courte : le 1er septembre 1271, les deux cives renoncèrent à la location devant le chapitre canonial. Comme on peut le lire dans la charte rédigée à cette occasion, les deux locataires
[..] finem et refutationem [..] fecerunt ad preces et instantia domini Francischi de la Turre civitatis Mediolani, ut ibi dicti pater et filius dixerunt et protestati fuerunt28.
18Grâce à un témoignage documentaire postérieur de cinq ans, l’on sait que le 3 septembre 1271, deux jours après la renonciation de Ruggero et Cazadracus, Francesco della Torre acheta aux chanoines l’ensemble patrimonial en le partageant immédiatement en deux : la première partie, correspondant à quatre cinquièmes des terres et droits achetés, fut louée nomine mercati à Lantelmo de Fara ; la deuxième partie – un cinquième du total – à Iacopo de Veano29. Contrairement aux attentes, le prix de l’achat, mille quatre cent quatre-vingt-treize livres et quinze sous de terzoli milanais, ne fut pas directement versé au chapitre de Sant’Ambrogio, mais déposé auprès de deux institutions religieuses milanaises appartenant à l’ordre des Humiliés : sept-cents livres à la domus de Omnibus Sanctis et sept cent quatre-vingt-treize livres et quinze sous à celle de Carugate30. Cette somme aurait dû rester : « in depositum penes illos prelatos et conventus illarum domorum donec investita fuerit in rebus inmobilibus ad utilitatem ipsius ecclesie [scil. l’église de Sant’Ambrogio] secundum quod placuerit ipsis prepoxito et capitulo, et quod ille dominus Francischus debeat scribi pro emptore in acquisto earum rerum31 ».
LES TORRIANI À SEREGNO (1273)
19À Seregno, bourg situé à une quinzaine de kilomètres au nord de Milan, les Torriani s’intéressèrent aux biens fonciers du monastère bénédictin féminin de San Vittore de Meda, qui possédait dans la localité presque mille six cents perches milanaises de terre (environ cent hectares) ; l’abbaye détenait en outre le droit de prélever la dîme sur la moitié de son patrimoine (huit cents perches)32.
20En mars 1273, Uberto della Torre, surnommé Cassone, fils de Napoleone, imposa aux moniales de San Vittore de Meda un accord par lequel toutes les propriétés de l’abbaye à Seregno passèrent sous son contrôle. En échange, le chapitre monastique reçut la moitié pro indiviso d’un moulin sur le fleuve Lambro et de trois prés situés dans le territoire de Verano, à quelques kilomètres au nord de Seregno33. Les procureurs de Cassone déposèrent aussi une somme de cent livres de terzoli auprès de la domus des Humiliés de Pozzolo de Meda ; comme dans le cas de Trezzano, cet argent aurait dû être employé pour réaliser d’autres transactions patrimoniales visant à améliorer (« pro ioncta et melioramento ») l’échange34.
21Nous sommes mal informés sur les circonstances qui amenèrent à la permutation. L’accord fut toutefois presque sûrement le résultat d’une contrainte à laquelle le chapitre monastique fut soumis par Cassone della Torre. On sait en effet que, dans les semaines précédant la stipulation du contrat, les moniales de San Vittore essayèrent inutilement d’empêcher la transaction, en ayant même recours à Visdomino de Visdominis, archevêque d’Aix-en-Provence et légat apostolique en Lombardie35. Dans la pétition présentée à Visdomino, les procureurs de San Vittore affirmèrent que, puisque les rentes garanties par le moulin étaient nettement inférieures à celles jusque là perçues sur les terres de Seregno, l’accord aurait été économiquement défavorable à l’abbaye36. Le légat, pour sa part, chargea alors deux boni viri, Orrico Scaccabarozzi, archiprêtre de l’église cathédrale de Milan, et Nazario, abbé du monastère milanais de San Celso, de vérifier la conformité de l’échange37. Mais les deux religieux, dont l’historiographie a déjà remarqué l’appartenance à la faction milanaise favorable aux Torriani, assurèrent, après examen, que les rentes annuelles du moulin, estimées à cette occasion à quarante-quatre muids milanais de céréales, étaient « longe ampliores et pinguiores reditus quam ex dictis possessionibus [scil. les terres de Seregno] ipse moniales habuerint vel sperent percipere in futurum », et, de ce fait, ils autorisèrent sans tarder la permutation38.
22Quelques mois après, en juillet 1273, Cassone della Torre loua pour une période de cinq ans à la communauté de Seregno, représentée par les consules et les procureurs de la commune rurale, les mille six cents perches de terre permutées avec San Vittore : le loyer annuel imposé aux locataires était cinq fois supérieur aux rentes du moulin, s’élevant à 225 muids de céréales39.
LES TORRIANI À NOBILE (1269-1274)
23La quatrième localité étudiée ici, Nobile, à quarante kilomètres au nord de Milan, était entièrement soumise au dominatus loci du monastère de San Vittore de Meda. Dans le « locus et territorium de Nobiro », selon l’appellation qu’on retrouve dans les chartes médiévales, le chapitre bénédictin possédait environ deux mille trois cents perches milanaises de terre (plus de cent cinquante hectares), ce qui faisait de lui le propriétaire foncier non seulement le plus important, mais aussi presque exclusif, de la localité. L’abbaye de San Vittore exerçait en outre sur la communauté rurale ses pouvoirs de honor, districtus et iurisdictio, en administrant la basse justice et en nommant les podestats et les autres officiers locaux40.
24L’action des Torriani à Nobile n’a malheureusement laissé aucune trace documentaire directe : contrairement aux cas de Turbigo, Trezzano et Seregno, nous ne disposons pas de chartes attestant, par exemple, la réalisation de contrats d’achat-vente, ou d’échanges. Les seules informations relatives à la construction d’une seigneurie territoriale des Torriani dans le locus et territorium remontent à la fin des années 1270-début des années 1280, lorsque les moniales de San Vittore eurent recours, au lendemain de la bataille de Desio, aux magistratures judiciaires milanaises pour obtenir la restitution des propriétés qu’elles possédaient auparavant. À cette occasion, les procurateurs de San Vittore, agissant au nom de l’abbaye bénédictine et « ad honoracionem comunis et hominum loci de Nobiro », déclarèrent d’abord au nouveau podestat de Milan, Riccardo de Langosco, puis à Arduino de Bosis, juge présidant l’officium malexardorum – magistrature chargée de s’occuper des biens séquestrés aux Torriani et à leurs alliés41 – que les terres et les droits seigneuriaux sur Nobile :
[…] tenebantur per Carnevarium de la Turre tempore rupte de Dexio et ante […] per vim ipsi monasterio, et contra Deum et iustitiam, propter dominationem et potentiam eius […]42, et que : […] Napleo de la Turre et fratres et nepotes eius […] et maxime Carnevarius de la Turre, frater illius Napleonis, […] intraverunt in possessionem et tenutam loci et territorii per vim, in preiudicium et gravamen animarum suarum, violenter, iniuste et sine causa, tempore conflictus de Dexio et antea per plures annos43.
25Selon les représentants de San Vittore, Carnevale, frère de Napoleone della Torre, imposa donc sa seigneurie personnelle à Nobile en recourant à la force et à la violence, ce qui semble justifier l’absence d’attestations documentaires.
26Mais peut-on établir quand ces expropriations eurent lieu ? Des sondages conduits dans le riche fond d’archives du monastère de San Vittore ont permis de vérifier que l’établissement religieux administra ses possessions à Nobile en percevant régulièrement les rentes de celles-ci jusqu’en 126944 ; après cette date, toutes mentions de la localité disparaissent du chartrier jusqu’en 1274, lorsque finalement une charte concernant une vente nous montre qu’à cette époque la plupart des terres de la localité et les droits seigneuriaux étaient désormais passés à Carnevale della Torre45. On peut donc situer l’intervention de Carnevale entre ces deux dates.
LES TORRIANI À TRIGINTO
27Contrairement aux cas précédents, les informations à notre disposition sur l’expansion patrimoniale et seigneuriale des Torriani à Triginto, petit village situé une vingtaine de kilomètres au sud-est de Milan, faisant partie aujourd’hui de la municipalité de Mediglia, sont plus limitées, faute de documentation. Le seul témoignage de l’implantation des Torriani dans la localité provient d’un acte datant de novembre 1277, mais connu seulement par des copies des XVIIIe et XIXe siècles. Cet acte nous apprend que, peu de temps avant la bataille de Desio, Napoleone della Torre obligea le monastère du Bocchetto de Milan à lui céder « contra suam voluntatem » ses biens fonciers pour mille quatre cent soixante-onze livres, deux sous et quatre deniers de terzoli. Néanmoins, encore une fois, comme à Seregno et Trezzano, l’argent ne fut pas versé à l’institution religieuse, mais déposé près d’un autre établissement appartenant à l’ordre des Humiliés, la domus de San Calimero de Milan46.
L’EXPANSION DES TORRIANI DANS LE CONTADO MILANAIS : CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
28Les exemples de Turbigo, Trezzano, Seregno, Nobile et Triginto permettent de proposer quelques considérations générales sur la façon dont les Torriani imposèrent leur domination dans le contado.
29D’abord, il est intéressant de relever que leur action se déroula de façon presque simultanée dans les différentes localités au début des années 1270. Elle semble donc faire partie d’une véritable stratégie d’affirmation et de domination des campagnes milanaises mise en place à cette époque par le lignage sous la direction de son membre le plus important, Napoleone della Torre. Dans cette stratégie, dont l’on remarque le caractère sans doute agressif, l’intérêt personnel et familial se superposait clairement à l’intérêt politique et militaire : les Torriani profitaient de leur pouvoir – dérivant bien évidemment de l’hégémonie exercée depuis plusieurs années dans la ville de Milan – pour accroître leurs domaines territoriaux et seigneuries personnelles dans le contado. Néanmoins, l’impossibilité d’étendre leur influence de façon homogène sur le territoire milanais, trop vaste et surtout infiltré par leurs ennemis, poussa Napoleone, Francesco, Cassone et Carnevale à opérer des choix : ils concentrèrent alors leurs efforts sur des lieux bien précis du contado, des « places fortes » dont le contrôle était perçu a priori essentiel pour garder intactes les bases de leur pouvoir dans la ville.
30La mise en place de cette stratégie de domination du contado passa par deux voies :
- La première était – au moins apparemment – la plus légale, qui prévoyait la réalisation de transactions foncières avec les titulaires des complexes patrimoniaux et/ou de droits seigneuriaux des localités concernées. Cette voie suppose une importante disponibilité financière de la part des Torriani, dont l’origine s’expliquait par les liens étroits que ceux-ci avaient précédemment établis avec la composante financièrement plus dynamique de la pars Populi milanaise, tels que les marchands, les banquiers et les prêteurs. Mais jusqu’à quel point cette disponibilité était-elle effectivement utilisée pour effectuer les payements prévus dans les contrats ? Pour répondre à cette question, il me semble intéressant d’insister sur le modus operandi des Torriani, qui au moins dans trois cas – Seregno, Trezzano et Triginto – eurent recours aux monastères de l’ordre des Humiliés comme « lieux de dépôts » des sommes d’argent dues aux vendeurs, théoriquement mises à disposition de ces derniers mais dans les faits inaccessibles pour eux. Il est d’autre part assez probable que, avant la stipulation des contrats, les Torriani exerçaient des pressions considérables sur les propriétaires, les domini loci et/ou les concessionnaires des biens : c’est ce qui s’est sans doute passé avec les monastères de San Vittore de Meda et du Bocchetto de Milan, qui, comme l’on a vu, furent forcés d’accepter des permutations ou des ventes désavantageuses des biens de Seregno et de Triginto ; ou encore avec Ruggero et Cazadracus Oldradi, qui renoncèrent à la location des biens du chapitre de Sant’Ambrogio à Trezzano, permettant ainsi aux Torriani de s’en emparer.
- Face aux possibles résistances, les Torriani – voici la deuxième voie – ne méprisaient pas le recours manifeste à la violence, comme le cas de Nobile semble en témoigner. Les propriétaires fonciers et les domini loci lésés auraient certainement pu, selon les statuts milanais, essayer d’avoir recours aux juges urbains pour conserver leurs droits légitimes ; mais, puisque les magistratures communales de la ville étaient désormais asservies à la volonté des Torriani, ce recours aurait pu être non seulement totalement inutile, mais peut-être même dangereux.
*
31Pour conclure, dans les années 1260-1270, la commune milanaise, tout en survivant dans ses formes « extérieures » et bureaucratiques, laisse désormais la place aux premières expériences seigneuriales. Celles-ci naissent et se développent à l’intérieur de la ville ; mais elles ne sont bien évidemment pas seulement un phénomène urbain. Le contado, comme le démontre l’exemple des Torriani, joue un rôle essentiel dans ce processus d’affirmation : le contrôle des campagnes est indispensable pour préserver l’hégémonie dans la ville.
Notes de bas de page
1 Tableau des mesures : 1 perche milanaise = 654,51 m2 - 1 muid milanais (8 staria) = 146 litres - 1 livre milanaise de terzoli = 20 sous de terzoli
Liste des abréviations :
AATMeda, SVP = Archivio Antona Traversi de Meda, San Vittore Pergamene
ASMI, AD, pergg. = Archivio di Stato di Milano, Archivio diplomatico, Pergamene
ABSA = Archivio della Basilica di Sant’Ambrogio di Milano
cart. = cartella
doc., docc. = document, documents
t., tt. = tome, tomes
Sur la scuola economico-giuridica, on renvoie ici à titre d’exemple à : E. Artifoni, Salvemini e il Medioevo. Storici italiani fra Otto e Novecento, Naples, 1990 ; M. Vallerani, « La città e le sue istituzioni. Ceti dirigenti, oligarchia e politica nella medievistica italiana del Novecento », in Annali dell’Istituto Storico Italo-Germanico di Trento, 20, 1994, pp. 165-230.
2 L. Chiappa Mauri, Prefazione, in Ead., éd., Contado e città in dialogo. Comuni urbani e comunità rurali nella Lombardia medievale, Milan, 2003, p. 7.
3 Voir à ce propos A. Albuzzi, éd., Meda 1252. Arbitrato tra monastero e comune, Meda, 2002.
4 Voir les cas des seigneuries du monastère de Sant’Ambrogio de Milan dans les villages de Origgio et de Cologno Monzese, étudiés respectivement par R. Romeo, Il comune rurale di Origgio nel secolo XIII, Milan, 19922, et G. Sironi, « Il districtus del monastero di Sant’Ambrogio sul comune rurale di Cologno Monzese (sec. XII-XIII) », in Rendiconti dell’Istituto Storico Lombardo, Accademia di Scienze e Lettere. Classe di Lettere e Scienze morali e storiche, 134, 2000, pp. 161-224 ; d’autres exemples concernent le monastère milanais de San Maurizio (ou Maggiore), titulaire de pouvoirs seigneuriaux à Arosio et dans d’autres localités du contado, pour lesquels on renvoie à C. D. Fonseca, La signoria del Monastero Maggiore di Milano sul luogo di Arosio (secoli XII-XIII), Gênes, 1974 ; E. Occhipinti, Il contado milanese nel secolo XIII. L’amministrazione della proprietà fondiaria del Monastero Maggiore, Bologne, 1982.
5 Pour l’accord concernant les deux villages de Civenna et Limonta, soumis à la seigneurie du monastère milanais de Sant’Ambrogio, voir : P. Grillo, Milano in età comunale. Istituzioni, società, economia (1183-1276), Spolète, 2001, pp. 594-595 ; pour Arosio, voir : G. Seregni, « Del luogo di Arosio e de’ suoi statuti nei secoli XII-XIII. Con appendice di documenti inediti », in Miscellanea di storia italiana, 38, 1902, pp. 154-307, ici p. 306 ; pour Calpuno et Cremella, voir : P. Grillo, « Statuti signorili della canonica di Monza : Calpuno, Castelmarte, Colzago, Cremella, Monguzzo (1196-1246) », in L. Chiappa Mauri, éd., Statuti rurali lombardi del secolo XIII, Milan, 2004, pp. 21-37.
6 E. Besta, G. L. Barni, Liber Consuetudinum Mediolani anni MCCXVI, Milan, 1949, rubrique De districtis et honoribus et conditionibus, 21, 17, p. 113.
7 Sur le thème de l’implantation de l’aristocratie rurale à Milan durant le XIIIe siècle, voir P. Grillo, Milano in età comunale…, op. cit., pp. 237-335.
8 Ouvrages généraux sur l’histoire évènementielle de Milan et de son contado aux XIIe et XIIIe siècles : G. Giulini, Memorie spettanti alla storia, al governo ed alla descrizione della città e campagna di Milano ne’secoli bassi, t. V, Milan, 18552 ; G. L Barni, Dal governo del vescovo a quello dei cittadini, in Storia di Milano della Fondazione Treccani degli Alfieri, t. III, Dagli albori del Comune all’incoronazione di Federico Barbarossa (1002-1152), Milan, 1954, pp. 3-236 ; Id., Milano verso l’egemonia, ivi, pp. 239-393 ; Id., La lotta contro il Barbarossa, in Storia di Milano della Fondazione Treccani degli Alfieri, t. IV, Dalle lotte contro il Barbarossa al primo signore (1152-1310), Milan, 1955, pp. 3-112 ; G. Franceschini, La vita sociale e politica nel Duecento, ivi, pp. 115-178 ; F. Cognasso, I Visconti, Milan, 1966 ; M. Fossati, A. Ceresatto, « La Lombardia alla ricerca di uno stato », in Storia d’Italia sous la direction de G. Galasso, t. VI, Comuni e signorie nell’Italia centro-settentrionale. La Lombardia, Turin, 1998, pp. 483-573 ; P. Grillo, Milano in età comunale…, op. cit.
9 C. Manaresi, éd., Gli atti del comune di Milano fino all’anno MCCXVI, Milan, 1919, docc. 1, 2, 73 ; voir aussi P. Grillo, « Comuni urbani e poteri locali nel governo del territorio in Lombardia (XII-inizi XIV secolo) », in L. Chiappa Mauri, éd., Contado e città in dialogo…, op. cit., pp. 41-82 (ici, pp. 42-43).
10 Pour une étude générale de la fiscalité lombarde, y compris celle de Milan, aux XIIe et XIIIe siècles, voir P. Mainoni, « La rivoluzione fiscale nell’Italia settentrionale (secoli XII-XIII) », in Studi Storici, 44, 2003, pp. 5-42.
11 P. Grillo, Milano in età comunale…, op. cit., pp. 631-632 ; Id., Comuni urbani e poteri locali …, op. cit., p. 50.
12 Parmi les nombreuses études jusqu’à présent conduites sur Gregorio de Montelongo, je me limiterai à rappeler ici : C. Esposito, « Contributo per un’indagine sui rapporti di Gregorio da Montelongo legato papale (1238-1251) con le istituzioni ecclesiastiche dell’Italia settentrionale », in Novarien, 27, 1997, pp. 95-130 ; M. P. Alberzoni, Gregorio da Montelongo († 1269), in Dizionario della Chiesa Ambrosiana, t. III, Milan, 1989, pp. 1524-1525 ; Ead., « Le armi del legato : Gregorio da Montelongo nello scontro tra Papato e Impero », in La propaganda politica nel basso medioevo. Atti del XXXVIII convegno storico internazionale. Todi, 14-17 ottobre 2001, Spolète, 2002, pp. 177-239 ; Ead., Gregorio da Montelongo, in Dizionario Biografico degli Italiani, t. LIX, Rome, 2003, pp. 268-275. Sur l’archêveque Leone de Perego, voir : R. Perelli Cippo,” Leone da Perego († 1257)”, in Dizionario della Chiesa Ambrosiana, t. III, Milan, 1989, pp. 1715-1717 ; Id., “Leone da Perego e la diocesi di Milano alla metà del XIII secolo”, in Id., éd., Tra arcivescovo e comune. Momenti e personaggi del medioevo milanese, Milan, 1995, pp. 65-110 ; G. G. Merlo, Introduzione Storica, in M. F. Baroni, éd., Gli atti dell’arcivescovo e della curia arcivescovile di Milano nel secolo XIII. Leone da Perego (1241-1257). Sede vacante (1257 ottobre-1262 luglio), Milan, 2002, pp. IX-IL ; G. G. Merlo, Leone da Perego frate Minore e arcivescovo, in Franciscana. Bollettino della Società internazionale di studi francescani, 4, 2002, pp. 29-110. Sur l’introduction des estimes à Milan au milieu du XIIIe siècle, voir : G. Biscaro, Gli estimi del Comune di Milano nel secolo XIII, in Archivio Storico Lombardo, 55, 1928, pp. 343-495 ; P. Grillo, « L’introduzione dell’estimo e la politica fiscale del Comune di Milano alla metà del secolo XIII (1240-1260) », in P. Mainoni, éd., Politiche finanziarie e fiscali nell’Italia settentrionale (XIII-XV secolo), Milan, 2001, pp. 11-37.
13 M. F. Baroni, éd., Gli atti del Comune di Milano nel secolo XIII, t. III, 1277-1300, Alexandrie, 1992, doc. CCCCXII.
14 La bibliographie sur les Torriani et sur leur expérience proto-seigneuriale à Milan et dans d’autres villes lombardes entre le milieu du XIIIe siècle et les premières années du XIVe siècle étant très importante, je me limiterai à proposer ici une brève liste d’études (par ordre chronologique) : A. Battistella, I Lombardi in Friuli, in Archivio Storico Lombardo, 37, 1910, pp. 297-372 ; F. De Vitt, La signoria dei della Torre in Turbigo, in Bollettino Storico-Bibliografico Subalpino, 75, 1977, pp. 627-654 ; A. Caso, Della Torre, Erecco, in Dizionario Biografico degli Italiani, t. XXXVII, Rome, 1989, pp. 528-530 ; Ead., Della Torre, Guido, ib., pp. 583-587 ; Ead., Della Torre, Napoleone, ib., pp. 621-625 ; Ead., Della Torre, Simone, ib., pp. 666-668 ; N. Covini, Della Torre, Raimondo, ib., pp. 656-660 ; F. De Vitt, Della Torre, Pagano, ib., pp. 643-647 ; G. L. Fantoni, Della Torre, Cassone, ib., pp. 521-526 ; Ead., Della Torre, Corrado, ib., pp. 526-528 ; M. Spinelli, Della Torre, Francesco, detto Franceschino, ib., pp. 538-540 ; P. Grillo, Milano in età comunale…, op. cit., pp. 667-693 ; Id., Comuni urbani e poteri locali …, op. cit., pp. 41-80 ; Id., Un’egemonia sovracittadina : la famiglia della Torre di Milano e le città lombarde (1259-1277), in Rivista Storica Italiana, 120, 2008, pp. 694-730.
15 Sur les origines de la famille, voir P. Grillo, Le origini della famiglia della Torre di Milano e il preteso titolo di ‘conti di Valsassina’ (sec. XII-inizi XIII), in Archivio di Lecco, 30, 2007, pp. 49-66.
16 Galvanei Flammae Manipolus florum sive Historia Mediolanensium, in L. A. Muratori, éd., Rerum Italicarum Scriptores, t. XI, Milan, 1727, coll. 685-687.
17 Voir P. Grillo, Un’egemonia sovracittadina …, op. cit., pp. 700-703.
18 Ib., pp. 704-707.
19 Sur Ottone Visconti, voir : F. Cognasso, I Visconti, op. cit., pp. 35-81 ; E. Cattaneo, Ottone Visconti arcivescovo di Milano, in Contributi dell’Istituto di storia medievale, t. I, Raccolta di studi in memoria di Giovanni Soranzo, Milan, 1968, pp. 129-165 ; G. Soldi Rondinini, “Chiesa milanese e signoria viscontea (1263-1402)”, in A. Caprioli, A. Rimoldi, L. Vaccaro, éd., Diocesi di Milano, t. I, Brescia, 1990, pp. 285-331 ; R. Perelli Cippo, “Visconti Ottone (1207c.-1295)”, in Dizionario della Chiesa Ambrosiana, t. VI, Milan, 1994, pp. 3971-3974 ; G. G. Merlo, “Ottone Visconti arcivescovo (e signore ?) di Milano. Prime ricerche », in Id., éd., Vescovi Medievali, Milan, 2003, pp. 25-71.
20 Sur les deux expériences proto-seigneuriales des Torriani voir : P. Grillo, Milano in età comunale…, op. cit., pp. 667-675 ; Id., Milano guelfa (1302-1310), Rome, 2013.
21 Un premier recensement des localités où les Torriani concentraient leur patrimoine dans le troisième quart du XIIIe siècle fut établie par Flavia de Vitt en 1977 ; cette liste comprenait à cette date les villages de Brignano d’Adda, Cornegliano, Ripalta, Bindo, Vimogno, Turbigo et Bellinzona. Voir à ce propos F. de Vitt, La signoria dei della Torre in Turbigo…, op. cit., p. 627. Des recherches plus récentes ont d’ailleurs permis d’étudier aussi la pénétration des Torriani à Trezzano, Seregno et Nobile ; voir L. Demontis, « Il tentativo di signoria di Francesco della Torre in Trezzano sul Naviglio : i documenti della Canonica di Sant’Ambrogio (Gennaio 1276) », in Aevum, 81, 2007, pp. 485-522 ; M. Tagliabue, Origine e sviluppo del borgo medievale, in G. Picasso, M. Tagliabue, éd., Seregno. Una comunità di Brianza nella storia (secoli XI-XX), Seregno, 1994, pp. 29-34 ; T. Salemme, Un monastero benedettino femminile nel primo Trecento. San Vittore di Meda tra contado e città, thèse doctorale sous la direction de Mme. L. Martinelli Perelli et Mme. E. E. Occhipinti, Milan, Università degli Studi di Milano, 2009, pp. 133-252 ; Id., Alcuni esempi di conflittualità politica e sociale nel contado di Milano nella seconda metà del XIII secolo : il caso del monastero benedettino di San Vittore di Meda, in F. Salvestrini, éd., Monaci e pellegrini nell’Europa medievale. Viaggi, sperimentazioni, conflitti e forme di mediazione, Castelfiorentino, 2014, pp. 253-265. Pour l’expansion patrimoniale des Torriani à Triginto di Mediglia et Cornaredo, voir : M. F. Baroni, éd., Gli atti del Comune…, op. cit., t. III, docc. IL, 8 novembre 1277, et LVI, 1277.
22 Sur le Naviglio Grande, voir : G. Biscaro, Gli antichi ‘Navigli’ milanesi, in Archivio Storico Lombardo, 35, 1908, pp. 285-326.
23 F. De Vitt, La signoria dei della Torre in Turbigo…, op. cit., pp. 636-644.
24 Ib., p. 646.
25 Ib.
26 Ib., p. 647.
27 L. Demontis, Il tentativo di signoria di Francesco della Torre…, op. cit., p. 489.
28 ASMi, AD, pergg., cart. 305, 1er septembre 1271, Milan ; pour l’édition de l’acte, voir : L. Demontis, Il tentativo di signoria di Francesco della Torre…, op. cit., doc. IV, pp. 521-522.
29 ABSA, XIIIe siècle, doc. 214, 20 janvier 1276, Milan ; pour l’édition de l’acte, voir : L. Demontis, Il tentativo di signoria di Francesco della Torre …, op. cit., doc. III, pp. 507-520.
30 Les origines du mouvement pénitent des Humiliés, né vers la moitié du XIIe siècle en Lombardie, demeurent obscures. Selon les chroniques, des nobles lombards, accusés d’avoir outragé l’empereur (Conrad III ou Frédéric Barberousse, les sources ne le précisent pas), furent emprisonnés et menés en Allemagne, où ils subirent des humiliations. Une fois libérés et rentrés en Lombardie, ils décidèrent de continuer à vivre en pénitence et prirent le nom d’Humiliés. Ce mouvement laïque, qui affirmait la nécessité d’un retour à une vie frugale et austère, en contraste avec la richesse du clergé de l’époque, fut d’abord condamné comme hérétique – ainsi que les mouvements des Vaudois, auquel il fut souvent assimilé, des Cathares, des disciples d’Arnaud de Brescia et des Patarins – par le pape Lucius III au concile de Vérone de 1184. Malgré la condamnation, les Humiliés continuèrent à se développer très rapidement et s’enrichirent bientôt de deux nouvelles branches, destinées respectivement aux femmes et aux prêtres. Cette troisième branche, appelée ensuite « primus ordo » pour des raisons hiérarchiques, obtint finalement en 1201, du pape Innocent III, l’approbation de sa règle. Une fois institutionnalisé à l’intérieur de l’Église, le nouvel ordre s’enracina en profondeur dans le tissu urbain lombard, en collaborant activement avec les magistratures communales dans les domaines administratifs et économiques (en s’occupant, par exemple, du recouvrement des contributions fiscales) tout au long du XIIIe et au début du XIVe siècles. Ouvrages généraux sur les Humiliés : G. Tiraboschi, Vetera humiliatorum Monumenta, tt. I-III, Milan, 1766-1769 ; M. P. Alberzoni, « L’esperienza caritativa presso gli Umiliati. Il caso di Brera (secolo XIII) », in M. P. Alberzoni, O. Grassi, éd., La carità a Milano nei secoli XII-XIV, Milan, 1989, pp. 201-223 ; Ead., « Gli umiliati e San Bernardo », in F. Della Peruta, éd., Storia illustrata di Milano, t. II, Milan, 1992, pp. 521-540 ; M. P. Alberzoni, A. Ambrosioni, A. Lucioni, éd., Sulle tracce degli Umiliati, Milan, 1997 ; F. Andrews, The early Humiliati, Cambridge, 1999. Les deux domus de Omnibus Sanctis et de Carugate sont cités dans le catalogue général de 1298, la plus ancienne liste des domus de l’ordre Humilié en Lombardie ; voir M. Motta Broggi, Il catalogo del 1298, in Sulle tracce degli Umiliati…, op. cit., pp. 3-45 (ici p. 19).
31 ABSA, XIIIe siècle, doc. 214, 20 janvier 1276, Milan. pour l’édition de l’acte, voir : L. Demontis, Il tentativo di signoria di Francesco della Torre…, op. cit., doc. III, pp. 507-520.
32 M. Tagliabue, Origine e sviluppo del borgo medievale…, op. cit., pp. 29-34 ; T. Salemme, Un monastero benedettino femminile nel primo Trecento…, op. cit., pp. 86-89, 136-161.
33 AATMeda, SVP, XIIIe siècle, 14 mars 1273.
34 Ib.. ; AATMeda, SVP, XIVe siècle, 15 avril 1315.
35 AATMeda, SVP, XIIIe siècle, 5 mars 1273. Quelques informations sur Visdomino de Visdominis et sur son activité de légat pontifical dans : L. Gatto, Il pontificato di Gregorio X (1271-1276), Rome, 1959 ; Id., « Gregorio X, beato », in Enciclopedia dei papi Treccani, t. II, Rome, 2000, p. 415 ; E. Canobbio, Per una prosopografia dell’ufficialità subalpina. Personale ecclesiastico al servizo degli Angiò, in R. Comba, éd., Gli Angiò nell’Italia nordoccidentale (1259-1382), Milan, 2006, pp. 293-295.
36 AATMeda, SVP, XIIIe siècle, 5 mars 1273.
37 AATMeda, SVP, XIIIe siècle, 10 mars 1273. Sur Orrico Scaccabarozzi et Nazario, abbé de San Celso, voir : M. Tagliabue, Origine e sviluppo del borgo medievale…, op. cit., p. 31 ; N. Ghiglione, « Scaccabarozzi, Orrico († 1293) », in Dizionario della Chiesa Ambrosiana, t. V, Milan, 1992, pp. 3237-3238 ; F. Peruzzo, « Orrico Scaccabarozzi : un arciprete poeta nella Milano del XIII secolo », in Aevum, 76, 2002, pp. 325-368 ; L. Fois, Le appartenenze ecclesiastiche di Orrico Scaccabarozzi canonico del Duecento, in G. G. Merlo, F. Meyer, C. Sorrel, P. Vismara, éd., Identità e appartenenza nella storia del Cristianesimo, Milan, 2005, pp. 41-55.
38 AATMeda, SVP, XIIIe siècle, 10 mars 1273.
39 AATMeda, SVP, XIIIe siècle, 14 juillet 1273.
40 AATMeda, SVP, XIIIe siècle, [ ante juin] 1273. Pour une description du patrimoine de San Vittore à Nobile à la fin du XIIIe-début du XIVe siècles, voir : T. Salemme, Un monastero benedettino femminile nel primo Trecento…, op. cit., pp. 34-39.
41 Sur l’offitium malexardorum de la commune de Milan au lendemain de la bataille de Desio de 1277, voir : T. Salemme, « Note sui meccanismi di funzionamento dell’offitium malexardorum del Comune di Milano negli anni Settanta e nei primi anni Ottanta del XIII secolo », in A. Luongo, M. Paperini, éd., Medioevo in Formazione. Tra ricerca e divulgazione, Livorno, 2014, pp. 16-25.
42 M. F. Baroni, éd., Gli atti del Comune di Milano, t. IV, Appendice, (1176-sec. XIII), Alexandrie, 1997, doc. CCLXIII, 12 juin 1277.
43 M. F. Baroni, éd., Gli atti del Comune…, op. cit., t. IV, doc. CCLXVI, 16 juillet 1277.
44 AATMeda, SVP, XIIIe siècle, 5 septembre 1267 ; AATMeda, SVP, XIIIe siècle, 26 mars 1269.
45 AATMeda, SVP, XIIIe siècle, 27 août 1274.
46 M. F. Baroni, éd., Gli atti del Comune…, op. cit., t. III, doc. IL, 8 novembre 1277. Comme les domus de Carugate et de Omnibus Sanctis, celle de San Calimero est également citée dans le catalogue des monastères de l’Ordre rédigé en 1298 ; voir à ce propos : M. Motta Broggi, Il catalogo…, op. cit.,, p. 19.
Auteur
Docteur en histoire, chercheur Identités, politiques, sociétés, espaces (IPSE)
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