Les aires d’influence de Goncelin, un bourg campagnard dauphinois, au XIVe siècle1
p. 123-141
Texte intégral
1Principauté sise entre le Rhône et les Alpes, le Dauphiné fut un État indépendant jusqu’à son transfert à la couronne de France en 1349. Au bas Moyen Âge, son développement urbain était balbutiant, caractérisé par un vaste réseau de bourgs ou petites villes, dont Goncelin faisait partie ; seules émergeaient quelques villes et cités, telles Grenoble, Vienne, Gap et Embrun où le dauphin partageait le pouvoir avec des seigneurs ecclésiastiques2.
2Goncelin est situé sur la rive gauche de l’Isère au cœur de la partie septentrionale de la vallée du Grésivaudan, dans un étroit bandeau de plaine au pied de la chaîne de Belledonne, sur l’ubac de la vallée. Sur l’autre rive, la plaine est plus large et plus fertile et donne sur le massif préalpin de la Chartreuse.
3Goncelin se trouve à 12 km de la frontière savoyarde, en amont de la vallée de l’Isère, et, en aval, à 40 km de Grenoble, capitale du Dauphiné. Entre Grenoble et la Savoie, un seul pont existait, au Moyen Âge, situé à Goncelin. Cette localisation est liée à la présence d’un étroit de la vallée de l’Isère, rivière capricieuse et rapide donc difficile à franchir, qui, à cet endroit, est endiguée par les cônes de déjections du Touvet et de Saint-Vincent-de-Mercuze3. Ce site était donc incontournable, au sens propre du terme, pour tout le transit entre Dauphiné et Savoie, d’où la présence d’un péage sur eau et sur terre4.
Goncelin, une petite ville ou un bourg ? Une problématique dauphinoise
4Préalablement à l’étude des aires d’influence de Goncelin, il convient de s’interroger sur sa catégorisation. Etait-ce un bourg ou une « petite ville » ? En 1338, la paroisse de Goncelin ne comptait que 172 feux réels5, le bourg éponyme ne peut être considéré comme une « petite ville », selon la fourchette de 200 à 600 feux réels définie pour cette catégorie6. Toutefois, si tant est que le critère démographique soit probant pour catégoriser l’urbanité au bas Moyen Âge, le contexte dauphinois suggère un reclassement. Une telle conjoncture permet de mesurer ce que je définirais comme un décalage formel des hiérarchies urbaines ; ce que l’on qualifierait comme bourg dans une région fortement urbanisée peut être classé en « petite ville » en Dauphiné. Le critère démographique se trouve dès lors subordonné au tissu relationnel7, à savoir les rapports qu’un centre plus ou moins urbanisé a pu entretenir avec son environnement plus ou moins lointain. Une telle circonstance permet d’exposer un paradoxe : comment, au bas Moyen Âge, un centre d’habitat ne semblant être qu’un bourg pouvait-il avoir des fonctions urbaines ?
5Détaillons brièvement les fonctions et spécificités qui ont inscrit Goncelin dans des relations d’échelles locale et régionale, lesquelles fonctions et spécificités se recoupent avec les critères de centralité de la Théorie des lieux centraux de Christaller8. Sans faire une étude sur les lieux centraux en Dauphiné – ce qui paraît d’ailleurs incongru, tant au bas Moyen Âge qu’à l’Époque moderne, le tissu « urbain » dauphinois se caractérisant plus par un « semis » qu’un « réseau »9, il me paraît toutefois inévitable, pour évaluer l’emprise d’un centre sur sa campagne environnante, d’identifier ses critères de centralité.
6D’un point de vue économique, se tenaient à Goncelin un marché hebdomadaire, le samedi, au moins depuis la fin du XIIe siècle, et deux foires de trois jours, l’une en mai et l’autre en novembre, depuis le XIIIe siècle10. Par ailleurs, Goncelin a abrité des banquiers-marchands italiens à partir de la dernière décennie du XIIIe siècle, soit une décennie avant la majorité des autres bourgs ou « petites villes » du Dauphiné11. Cette casane, nom donné aux tables de crédit et comptoirs marchands italiens des Flandres au Dauphiné, était la seule de la vallée jusqu’à Grenoble. Goncelin abritait également une communauté juive dont certains des membres pratiquaient le commerce de l’argent12.
7D’un point de vue administratif, Goncelin était le siège d’une châtellenie, le dernier maillon du réseau administratif dauphinois bien que le bourg n’abritât pas de château. Goncelin ne devait donc pas sa fonction administrative à une fonction militaire. Néanmoins, des remparts encerclaient ce bourg dont la communauté bénéficiait de libertés depuis l’octroi d’une charte de franchises par le dauphin, en 1255, soit à une période assez précoce dans le mouvement des libertés communautaires dauphinoises13. Voilà un gage de la volonté princière de s’appuyer sur l’université des habitants pour développer économiquement le bourg dont les habitants bénéficiaient d’une liberté de circulation sur les terres delphinales, donc d’une exemption de péages14. En lien avec le statut de châtellenie, Goncelin accueillait, plusieurs fois l’an, le juge mage du baillage du Grésivaudan lors de la tenue des assises itinérantes15. Là n’est pas son seul critère de centralité juridique ; aux XIIIe et XIVe siècles, un collège de trois à quatre notaires (publics, delphinaux et impériaux) exerçait à Goncelin ainsi que le greffier de justice du châtelain16. Ainsi, entre 1337 et 1349, exerçaient à Goncelin le notaire impérial Étienne Moncier et les notaires delphinaux, Humbert Passard et Guillaume Mirail ; notons également que Pierre Lombard, notaire impérial occasionnellement au service des dauphins au cours de la première moitié du XIVe siècle, résidait à Goncelin où parfois il exerçait. Les activités économiques et administratives justifiaient une telle présence qui dût densifier le tissu de relations entretenues entre Goncelin et ses environs.
8Autre critère d’urbanité et de centralité, la présence à Goncelin de plusieurs artisans : un parcheminier, lié à l’intensité de l’activité notariale, des peaussiers qui faisaient de Goncelin le centre local de transformation des peaux, un fabricant de casques et d’armures. Goncelin bénéficiait également de plusieurs moulins bladiers, d’un battoir à chanvre, d’un pressoir à huile, de fosses à tan et d’une halle17.
9Goncelin constituait une seule paroisse dont l’influence ne dépassait le bourg que pour englober les hameaux environnants de la proche plaine et des premières pentes du balcon de Belledonne18. Si l’existence d’une unique paroisse et, en conséquence, d’une seule église, confirme l’exiguïté démographique de Goncelin, l’élargissement du territoire paroissial aux proches hameaux fonde la centralité cultuelle, certes modique, du lieu, et fixe le cadre de la religiosité dans cet espace partagé entre plaine et basse montagne. Enfin, Goncelin offre l’hospitalité à une léproserie dans l’enceinte même des remparts19.
10L’énumération des fonctions de Goncelin permet d’identifier les relations établies entre ce bourg et les campagnes environnantes. Toutefois, ne concevoir Goncelin que comme un bourg reviendrait, selon moi, à privilégier notre conception de la ville plutôt que celle des contemporains. En effet, pour les habitants des communautés villageoises de la plaine et des montagnes environnantes, Goncelin remplissait suffisamment de fonctions et abritait assez d’équipements urbains pour être perçu comme une petite ville : le marché hebdomadaire avec sa halle, les foires, les artisans, le pont, le rempart, le châtelain, les notaires, les juifs et les Lombards.
11Mon observation se concentre sur deux fonctions : le crédit et le marché d’échanges. La casane, comme le marché et les foires, symbolise la réciprocité des échanges entre villes et campagnes, chacun étant par alternance serveur et preneur. Ainsi les facteurs de développement urbain d’un bourg résident-ils tant en son sein qu’à l’extérieur. Quels éléments, internes et externes à Goncelin, ont pu favoriser son influence dans la vallée de l’Isère ?
Goncelin, un centre d’échanges céréaliers, dès le XIIe siècle, et une place forte du crédit, au XIVe siècle
12Dès le début du XIIIe siècle, le marché de Goncelin jouissait d’une emprise locale ; en témoigne l’exemption de leude, accordée, en 1209, par le seigneur de Môretel aux Chartreux de Saint-Hugon, au nord d’Allevard, à la frontière avec la Savoie20. Au XIVe siècle, les habitants d’Allevard étaient également exemptés de leude21. Il y a fort à penser que d’autres communautés de la vallée aient été exemptées elles aussi de cette redevance. Mesurer l’aire d’influence d’un marché n’est pas chose aisée au Moyen Âge, l’emploi de la mesure d’un solide ou d’un liquide propre à un lieu de marché hors de ses murs constitue toutefois un indice. Du XIIe au XIVe siècle, nous disposons de plusieurs mentions de l’utilisation de la mesure de grains de Goncelin dans la vallée du Grésivaudan, jusqu’à vingt-trois km au sud, dix-huit à l’ouest, treize au nord et huit à l’est22. Notons que cette aire d’influence s’étend sur les deux rives de la vallée et leurs massifs attenants. Une telle étendue pour un centre économique de second plan peut s’expliquer par trois facteurs, un géographique – une vallée –, un autre relatif à la maîtrise de son environnement par l’homme – le pont – et le dernier politique – les exemptions de leude.
13Il semble que seule la mesure de grains fit référence, probablement en raison de l’importance locale du marché de Goncelin dans l’échange des céréales. Par exemple, en 1332, le terrier des rentes dues par le dauphin au seigneur de la Frette, à proximité du Touvet, se réfère à la mesure de Goncelin pour le grain et à celle du Touvet, au cœur de la plaine viticole de la rive droite de l’Isère, pour le vin23. D’ailleurs, dans le compte du péage de Goncelin de 1424-1425, le seul archivé, le passage des mulets chargés de grains domine en nombre et en fréquence le transit24.

Carte 1 - L’aire d’influence de la mesure de grains de Goncelin (XIIe-XIVe siècle)
14Si cette donnée n’est pas révélatrice de l’importance du marché de Goncelin dans les échanges céréaliers, elle permet néanmoins de mesurer le poids de ces échanges dans le transit local et régional. En outre, les vendeurs extra-muros du marché de Goncelin devaient venir des localités proches, lesquelles étaient souvent exemptées de la leude, puisque la perception de cette taxe le samedi, jour de marché, et la veille, n’apparaît que rarement : seulement trois en une année25. Voilà qui confirme l’assise locale du marché de Goncelin.

Tableau 1 - Compte du péage par eau et par terre de Goncelin, 1424-1425)
15Intéressons-nous désormais au crédit. La présence de professionnels du crédit, juifs et Italiens, présuppose que Goncelin était à la fois une communauté féconde et un centre économique influent. Un document nous permet de confirmer cette hypothèse, le livre de comptes de la casane italienne, pour 1337, consigné lors d’une enquête diligentée par le dauphin Humbert II contre les abus des usuriers notoires26. L’un des associés de la casane fournit le livre de comptes au châtelain, lequel devait, initialement, enregistrer les doléances de ses administrés27.

Carte 2 - La clientèle extra-muros de la casane de Goncelin en 1337)
16Le document se présente comme la liste nominative des emprunts en cours, l’origine géographique des emprunteurs apparaissant dès lors qu’ils n’étaient pas de Goncelin. La liste contient 292 emprunts dont neuf effectués par des co-emprunteurs, soit un total de 301 débiteurs. La somme des créances s’élève à 2370 sous de gros tournois. Observons la provenance des débiteurs.
17Elle s’étend sur l’ensemble de la vallée, rives droite et gauche, massif de la Chartreuse et chaîne de Belledonne, soit une aire de 198 km ² avec une distance maximale de 26 km28. La moitié des débiteurs est de Goncelin ; seulement sept débiteurs sont de la rive gauche ; 54 de Belledonne ; 60 de la rive droite ; six de la Chartreuse. Ainsi la majorité des débiteurs de la casane de Goncelin provenait-elle d’un territoire plus restreint englobant Allevard, La Flachère, Le Touvet et Goncelin, soit 43 km ² avec des distances comprises entre trois et onze km.
18Après exclusion des débiteurs intra-muros, la juxtaposition des données quantitatives et géographiques montre la faiblesse des relations financières entre Goncelin et les communautés rurales de la proche vallée, contrairement à celles entretenues avec les communautés de Belledonne et de la plaine de la rive droite. Cela peut s’expliquer par la démographie, Belledonne et la rive droite étant plus peuplées que la rive gauche où le Cheylas, Tencin, la Pierre et Froges n’étaient que des communautés villageoises dont la densité était comprise entre sept et dix feux au km ². La densité de certaines paroisses de la rive droite, Saint-Vincent-de-Mercuze, Barraux, La Buissière et Sainte-Marie-d’Allois29, pouvait atteindre 20 feux au km ². Il n’y a donc rien d’étonnant à observer une majorité de clients extérieurs à Goncelin provenant de la rive droite et des balcons de Belledonne où était extrait et transformé du minerai de fer, à Allevard, Saint-Pierre d’Allevard et Pinsot, localités dont la densité était comprise entre huit et douze feux30. Ce fer était d’ailleurs embarqué sur l’Isère à Goncelin en vue de son déchargement à Grenoble31.

Tableau 2 - L’origine géographique des débiteurs de la casane de Goncelin suivant le montant des débits en gros tournois
19La plaine fertile de la rive droite dévoile sa richesse lorsqu’elle supplante le bourg pour le nombre d’emprunts supérieurs à 20 sous, tandis que la moyenne des emprunts effectués par les habitants de la rive gauche n’est que de 3,5 sous : indice probable de leur plus grande indigence.
20Comme on peut l’observer sur les cartes 1 et 3, les habitants des sièges de châtellenie sont nombreux à figurer comme clients des Lombards. Si le Touvet n’était pas une châtellenie, ce lieu concentrait plusieurs seigneuries comme en témoignent son château et ses maisons fortes32. D’ailleurs, parmi les dix domini clients de la casane, quatre étaient du Touvet et de bons clients ; deux d’entre eux, de la même famille, ont emprunté respectivement 50 et 100 sous33. Quels enseignements relatifs aux relations de Goncelin avec son environnement pouvons-nous déduire de ces données ?

Carte 3 - Les châtellenies de la vallée du Grésivaudan septentrional
21Alors que le marché de Goncelin devait être le lieu d’échanges céréaliers privilégié pour les paysans de la plaine septentrionale du Grésivaudan, la casane de Goncelin constituait le lieu de transit d’une partie des richesses des communautés les plus peuplées et les plus aisées de la vallée et de Belledonne. L’importance de la référence à la mesure en grains de Goncelin dans la rive droite est corrélée avec l’intensité des rapports financiers entre les Lombards et les habitants de la même rive. La seule présence d’un pont à Goncelin a permis à ce bourg d’asseoir sa centralité, déjà favorisée par son emplacement au pied de Belledonne où l’agriculture n’était pas soumise aux caprices de l’Isère et où l’industrie du fer générait de la richesse. Le pont a, dans un premier temps, favorisé le développement économique de Goncelin par son attraction sur la rive droite, puis le droit de commercer octroyé par le dauphin aux Italiens n’a fait qu’augmenter l’attractivité de Goncelin, comme le signale le grand nombre de débiteurs d’Allevard, un bourg distant d’une dizaine de kilomètre. La volonté politique d’élargir l’influence commerciale de Goncelin est réaffirmée par le dauphin dans la charte de 1321 : promotion sera faite des deux foires dans tous les lieux du Dauphiné, protection sera offerte à quiconque se rend aux foires, sept jours avant et après leur tenue34.
22L’étude du livre de comptes de la casane révèle que la fonction financière de Goncelin ne concernait pas que la population intra-muros mais aussi la population environnante : ce qui en fait une « localité centrale » selon l’acception de Peter Schöller, Goncelin offrant en surplus un service que n’offraient pas d’autres lieux centraux35. La fonction commerciale de Goncelin – le marché hebdomadaire, les foires saisonnières et les tables de crédit – a généré une interdépendance entre le bourg et les différents écosystèmes de la vallée, à l’opposé de ce que présuppose le morcellement administratif et topographique de la vallée. Le comptoir marchand italien, comme les foires saisonnières, ne justifiaient leur présence et leur tenue que par l’environnement fécond engendré par les différentes zones de peuplement de la vallée où Goncelin n’était autre qu’une zone de convergence.
Les aires d’influence de Goncelin, selon l’échelle de Peter Schöller
23Le thème central de ce colloque, « La ville et le plat pays », m’a conduit à m’interroger sur l’urbanité médiévale dauphinoise, il en est de même concernant la graduation des aires d’influence d’une communauté, selon l’échelle de Peter Schöller : Umland, Hinterland et « zone d’influence »36. Si l’Umland, le « plat pays », englobe l’espace dans lequel une localité exerce exclusivement la totalité des fonctions centrales, pour Goncelin, les limites de cette aire correspondent à celles de sa paroisse, laquelle englobait la plaine environnante et plusieurs hameaux du balcon de Belledonne37. Bien que ces hameaux, apparaissant sous le terme de mesagium – manse – dans une révision de feux de 1451, fussent à la fois communauté de peuplement et fiscale, ils étaient inclus à la paroisse de Goncelin, unité administrative, fiscale et cultuelle38. En outre, la charte de 1321 énonce que « les franchises, libertés, privilèges et immunités [sont] donnés et concédés aux bourgeois et habitants de la ville et de la paroisse de Goncelin »39. Par exemple, à l’intérieur de ces limites, la franchise garantit le libre-échange contractuel40. Ainsi Goncelin et son plat pays peuvent être considérés comme une zone d’égalité en droit entre les habitants intra et extra-muros. Si cet espace paraît peu étendu, il faut tenir compte du dénivelé. Pour les quelques habitants des hameaux de Ruche et Sollières, se rendre à Goncelin ne devait pas être un déplacement anodin, plus de deux heures pour un aller et retour dans des conditions climatiques optima, et devait les dépayser et les distraire de leur quotidien. Ainsi, bien qu’exigu, le plat pays de Goncelin, caractérisé par un habitat semi-dispersé en hameaux, englobait-il deux types d’écosystèmes pour un même genre de vie41. La véritable interrogation demeure : l’existence ou non d’un Hinterland de Goncelin ?
24Cette aire d’influence est définie comme celle « encore solidement liée à la localité centrale mais par l’exercice géographiquement étendu de fonctions centrales d’importance médiane »42. D’un point de vue administratif, l’hinterland de Goncelin correspond à son mandement, lequel comprenait, au début du XIVe siècle, la paroisse éponyme et celle du Cheylas. La châtellenie de Goncelin, entourée d’autres châtellenies aux fonctions équivalentes, a-t-elle exercé des fonctions centrales médianes sur d’autres châtellenies ? Seul élément de réponse, le regroupement administratif et comptable des châtellenies de Goncelin et Môretel, à partir de 1313, laisse supposer, au travers des comptes, que les assises itinérantes du juge mage de bailliage se tenaient, pour les deux châtellenies, à Goncelin, certainement par commodité d’accès43. Cela suffit-il, toutefois, à considérer Môretel comme l’hinterland de Goncelin ? Il se pourrait également que Goncelin ait servi de lieu de tenue des assises pour un périmètre plus large, ce qui reste à vérifier. En effet, la commodité d’accès à Goncelin, depuis Grenoble, conférait à ce bourg un statut administratif informel comme le suggère la convocation, à Goncelin, des témoins d’une enquête relative à la dévolution de la terre de Theys, en 143744.
25La dernière aire de l’échelle de Schöller est la « zone d’influence », à savoir l’espace dans lequel la localité de référence exerce les seules fonctions les plus élevées tandis que, pour les autres fonctions, elle est en concurrence avec des centres équivalents ou inférieurs45. Cette zone réunit pour Goncelin l’aire d’influence de son marché et de ses prêteurs italiens, certes avec le postulat que la fonction économique de Goncelin prévale sur les autres. Ce que ne peuvent démentir ses équipements, ses artisans, ses hôtes étrangers et ses événements marchands. La « zone d’influence » de Goncelin s’étale sur environ 200 km ², sachant que ce bourg entretint quelques relations au-delà de la vallée et plus particulièrement avec l’Oisans comme en témoignent les deux débiteurs originaires de cette région, relations probablement induites par la foire. Pour conclure cette partie, le plat pays de Goncelin, son hinterland et sa zone d’influence économique constituaient selon des critères différents son tissu relationnel, lequel faisait de ce bourg peu peuplé un centre charnière dans la vallée du Grésivaudan. De fait, une telle conjoncture souligne l’inadéquation intemporelle entre le pouvoir réglementaire d’un lieu, d’ordre administratif et judiciaire, et son pouvoir de commandement, d’ordre économique et social46. Le tissu relationnel de Goncelin s’est fondé sur l’interaction entre activités humaines et aménités géographiques, interaction qui oriente nos recherches sur l’aspect subjectif des rapports individuels et communautaires avec le fait urbain, à cheval entre espace et symbole.
La casane de Goncelin, un symbole urbain au cœur d’une vallée rurale
26Dernier volet de mon étude, les activités urbaines avaient une influence directe sur l’environnement rural, un simple bourg pouvait représenter pour les ruraux plusieurs symboles urbains. Au bas Moyen Âge, sous l’effet de l’extension du marché d’échanges, s’opère une vaste diffusion du crédit, à l’origine de l’émergence de nouveaux rapports entre villes et campagnes. Les paysans étaient désormais partagés entre économie d’échange et système féodal47. La ville ou le bourg, aux différents degrés d’attraction, devinrent incontournables pour les paysans. Le crédit usuraire institutionnalisé, incarné par l’usurier manifeste, activité encore décriée par la morale chrétienne au milieu du XIVe siècle, demeurait l’une des figures de proue des activités économiques urbaines48. Comme toute pratique économique, le crédit reflète des rapports sociaux, en l’occurrence lorsqu’il est institutionnalisé et urbain, il fait se côtoyer deux environnements socialement distincts. Si les paysans de la vallée n’avaient que peu de différences culturelles avec les habitants de Goncelin, il n’en était pas de même avec des citadins italiens. Ainsi Goncelin était-il pour les paysans le centre de diffusion de nouvelles pratiques économiques, le prêt à intérêt contractualisé, représentation de la ville et de ses dangers.
27Dès le XIIIe siècle, on tenta de protéger les paysans de l’usurier ; dans le royaume de France, par exemple, Philippe Auguste décréta, en 1218, que les juifs n’étaient pas autorisés à consentir des prêts à des personnes travaillant de leurs mains, donc surtout aux paysans49. Au cours du XIVe siècle, les dauphins ont légiféré à plusieurs reprises pour protéger les paysans des usuriers urbains. La multiplication des disettes semble avoir initié cette politique de bienveillance delphinale à l’égard des paysans et, a fortiori, des fiscs seigneuriaux, comme l’illustre, en 1342, l’interdit lancé par Humbert II aux habitants du Champsaur, une région particulièrement pauvre, de contracter des emprunts auprès des juifs et des Lombards50. De même, les mauvaises récoltes de l’été 1346 induisirent l’archevêque de Lyon, régent du Dauphiné pendant la croisade de son neveu Humbert II, a autoriser les débiteurs des Lombards et des juifs à surseoir au remboursement de leurs débits pendant un an et un jour51. Les auxiliaires delphinaux, juges et châtelains, avaient pour consigne d’empêcher les usuriers de saisir les grains et les outils de leurs obligés. En août 1367, le roi-dauphin Charles V interdit la saisie des outils de production en cas de dette52. Une telle interdiction, visant à modérer les répercussions de l’endettement rural sur les récoltes et donc les impôts, était souvent enregistrée dans les chartes de franchises dont toutes les communautés villageoises ne bénéficiaient pas53. Ces dernières ont donc régulièrement eu, au cours du XIVe siècle, à souffrir des usuriers installés dans les communautés urbaines. La dénonciation de l’usure marchande par la clientèle rurale de citadins italiens, usuriers notoires, revenait à accuser une pratique urbaine ; les maux éprouvés par cette clientèle avaient pour origine un désir de lucre tout urbain, multipliant les artifices de contravention au mutuum.
28La pression urbaine sur les ruraux a eu son lot d’effets pernicieux – surendettement, expropriation – bien qu’elle ait formalisé des réseaux de solidarité intracommunautaire par la voix de la fidéjussion54, garantie sur laquelle nombre de contrats de prêt s’appuyaient, outre l’engagement de biens. Voilà un pas de plus vers la contractualisation des rapports au sein de la société médiévale, les ruraux n’étaient pas à l’écart de ce recours croissant au droit et aux notaires, deux autres spécificités urbaines. Pour les emprunteurs ou pour les fidéjusseurs, le recours au crédit urbain institutionnalisé a paupérisé nombre d’entre eux, ce dont attestent les résultats de l’enquête delphinale de 1337 pour la clientèle rurale des casanes de Saint-Marcellin, Bourg-d’Oisans et Bourgoin55. Plusieurs des clients des Lombards de Goncelin ont dû être entraînés par la même vague d’appauvrissement, une paupérisation qui sous-tend le transfert forcé de biens fonciers des campagnes vers la ville. En Dauphiné, le crédit permet aussi de distinguer l’échange volontaire des denrées agricoles entre campagnes et villes de l’échange contraint, lequel se produisait lorsque les débiteurs remboursaient en nature les intérêts démesurés exigés par leurs créanciers urbains chrétiens.
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29Pour conclure, l’enquête delphinale sur les abus des usuriers notoires se fait, en partie, l’écho de la voix des ruraux dauphinois, en quelque sorte une opinion publique paysanne sur la ville et l’un de ses vices : l’usure. En effet, contredisant la vision quelque peu étriquée de l’espace public médiéval de Jörgen Habermas, cette enquête a permis à des ruraux de s’immiscer dans le débat public sur la ville, ses tentations et ses vices56. Enfin, il existe une piste de recherche que je n’ai pu suivre faute de temps et d’éléments mais qui aurait le mérite de l’être, la ville comme lieu de sexualité adultérine ou monnayée pour les ruraux des environs. En effet, la présence d’une « femme publique » dans nombre de bourgs et villes des Alpes dût rendre de tels lieux attractifs pour les paysans57 ; même s’il est vrai qu’il exista des prostituées vagabondes et itinérantes, courant les villages alpins, aux XIVe et XVe siècles58, mais cette forme de prostitution est difficile à déceler dans les sources, excepté dans les sources judiciaires locales, en l’occurrence les comptes rendus par les châtelains qui, en Dauphiné, sont laconiques en la matière.
Notes de bas de page
1 Je tiens à remercier René Verdier, maître de conférences en histoire médiévale à Grenoble II, pour les informations et les conseils fournis sur Goncelin, lesquels m’ont été d’un grand service.
2 Au XIVe siècle, le dauphin devait encore rendre hommage à l’évêque de Grenoble et aux archevêques de Vienne et d’Embrun. À Gap, jusqu’en 1271, le pouvoir était partagé entre le dauphin, le comte de Provence, le consulat urbain et l’évêque. P. Vaillant, Gap et les libertés gapençaises (1232-1349), Grenoble, 1942, pp. 1-26.
3 A. Allix, « La foire de Goncelin », in Recueil des travaux de l’institut de géographie alpine, v° 2, n° 3, 1914, p. 303.
4 Pour plus d’éléments sur les droits des péages de Goncelin et leurs bénéficiaires, au bas Moyen Âge, il convient de se référer à F. Ferrand, « Le pont et l’activité économique de Goncelin (Isère) du XIe au XVIIIe siècle », in Bulletin Philosophique et Historique (jusqu’à 1610) du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, An. 1912, Paris, 1965, p. 153.
5 C. Faure, « Un projet de cession du Dauphiné à l’Église romaine (1338-1340) », in École française de Rome. Mélanges d’archéologie et d’histoire, 27, 1907, p. 213.
6 Selon Bernard Chevalier, du point de vue démographique, le premier échelon urbain comprend les petites villes très peu urbanisées comptant de 200 jusqu’à 600 feux réels. B. Chevalier, Les bonnes villes de France, du XIVe au XVIe siècle, Paris, 1982, p. 37.
7 Lors d’un colloque tenu à Bordeaux en octobre 1985, Bernard Chevalier suggéra l’étude de la « texture du tissu relationnel noué autour des villes » pour établir les hiérarchies urbaines. Les petites villes du Moyen Âge à nos jours, J.-P. Poussou et Ph. Loupès dir., Éditions du CNRS, Paris, 1987, p. 486.
8 Initialement, la théorie de Christaller distingue et s’appuie sur trois critères fonctionnels permettant à un centre urbain d’exercer une influence sur son environnement rural – voire urbain suivant son rang hiérarchique – : l’un économique, l’autre politique, administratif et militaire et le dernier cultuel et culturel. Toutefois, outre la polémique relative à la possibilité de transposer un concept « efficient » pour les époques moderne et contemporaine au bas Moyen Âge ou à une époque antérieure, l’urbanité médiévale consistait en d’autres formes et services ; par conséquent, ses spécificités suggèrent l’emploi d’autres critères de centralité – morphologie, accueil des minorités, droits et coutumes spécifiques, etc... J.-L. Fray, Villes et bourgs de Lorraine. Réseaux urbains et centralité au Moyen Âge, Presses Universitaires Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, 2006, pp. 37-44.
9 En effet, les géographes opposent le « semis », l’implantation d’éléments semblables conférant à un territoire une relative homogénéité, au « réseau », l’existence d’une hiérarchie entre des éléments hétérogènes sur un territoire circonscrit. Les travaux de René Favier sur les villes du Dauphiné, à l’Époque moderne, penchent pour une implantation urbaine en semis plutôt qu’en réseau, ce dernier n’étant pas convaincu par la perspicacité de la Théorie des lieux centraux en Dauphiné. R. Favier, Les villes du Dauphiné aux XVIIe et XVIIIe siècles, Presses universitaires de Grenoble, Grenoble, 1993.
10 F. Ferrand, « Le pont… », op. cit., p. 147.
11 La première mention d’une association marchande italienne à Goncelin, en l’occurrence celle de Humbert de Nono et ses associés, date de 1289. Archives départementales de l’Isère, B 4420, f° 11v°. Pour une chronologie et une cartographie plus détaillées de l’implantation des banquiers-marchands italiens en Dauphiné, se référer à D. Deleville, Crédit, finance et pouvoir. Les Italiens en Dauphiné à la fin du Moyen Âge, Presses Universitaires de Grenoble, Grenoble, 2012.
12 A. Prudhomme, Les juifs en Dauphiné aux XIVe et XVe siècles, Grenoble, 1883, p. 77.
13 Archives départementales de l’Isère, B 3932.
14 P. Vaillant, Les libertés des communautés dauphinoises : des origines au 5 janvier 1355, Paris, 1951, p. 383.
15 Initialement, le dauphin exigeait du juge mage du Grésivaudan de tenir des assises « tous les trois mois dans n’importe quel terre, lieu ou judicature accoutumé » du bailliage. ADI, B 3019, f° 173 v°. La version transcrite de la confirmation de l’office de juge mage du Grésivaudan se trouve dans H. Janeau, Les institutions judiciaires du Dauphiné de viennois sous la troisième race des dauphins (1282-1349), Grenoble, 1942, pp. 270-271.
16 Sur la fonction de greffier du châtelain, tenue par un notaire public du lieu, il convient de se référer à H. Janeau, Ibid., pp. 270-271. La concomitance de la présence de notaires impériaux et delphinaux tenait, premièrement, au fait que, malgré son indépendance, le Dauphiné restait une terre d’Empire, puis à la nécessité du dauphin de créer des notaires comme autant de représentants de sa puissance publique. À ce propos voir l’ouvrage collectif, Le notaire, entre métier et espace public en Europe (VIIIe-XVIIIe siècles), dir. L. Faggion, A. Mailloux et L. Verdon, Publications de l’Université de Provence, Aix-en-Provence, 2008.
17 F. Ferrand, « Le pont… », op. cit., pp. 147-148.
18 Dans la révision des feux du mandement de Goncelin, en 1451, lequel comptait trois paroisses – Goncelin, Le Cheylas et Morêtel –, celle de Goncelin comprend cinq hameaux sur les premières hauteurs du balcon de Belledonne : Pelane à 370 m d’altitude ; Fontcouvert à 420 m ; La Freydure à 460 m ; Le Champet à 480 m ; Ruche à 820 m. Archives départementales de l’Isère, B 2731. Notons que le centre de Goncelin se trouve à 270 m d’altitude. Aujourd’hui encore, ces hameaux dépendent de la commune de Goncelin ainsi que ceux de Sollières à 760 m d’altitude et Villard-Bozon à 250 m, lesquels devaient également dépendre de la paroisse de Goncelin au bas Moyen Âge.
19 Présente depuis le XIIIe siècle, la léproserie ou maladrerie se situait à proximité de l’église, U. Chevalier, Regeste dauphinois ou répertoire chronologique et analytique des documents imprimés et manuscrits relatifs à l’Histoire du Dauphiné des origines chrétiennes à l’année 1349, vol. II, Valence, n° 9990.
20 Ibid., n° 6082-6083.
21 Ibid., vol. IV, n° 30199.
22 Ibid., vol. I, n° 3784 ; vol. II, n° 8653 ; vol. III, n° 14294 ; vol. IV, n° 17965 ; 18691 ; 19270 ; 19672 ; vol. V, n° 24673 ; 25787 ; vol. VII, n° 4265. Ce qui, comparé aux travaux effectués par François Neveux, en Normandie, fait correspondre l’aire d’influence de ce bourg à celles de Bayeux et Caen. F. Neveux, « Villages et villes de Normandie à la fin du Moyen Âge », in Villages et villageois au Moyen Âge. Actes du congrès de la SHMESP, 21, 1990, pp. 149-160.
23 U. Chevalier, Regeste…, op. cit., vol. II, n° 24673.
24 Archives départementales de l’Isère, B 2852, f° 127-131.
25 Ibid.
26 Les résultats de l’enquête conservés le sont aux Archives départementales de l’Isère sous les cotes : B 3005 ; 3006 ; 3333 ; 4344.
27 Archives départementales de l’Isère, B 3006, f° 557 - 568v°.
28 Plus quelques données orphelines : un débiteur de Saint-Marcellin, un de Saint-Jean d’Arves en Savoie, un de Seyssins et deux de l’Oisans.
29 Ces données démographiques, pour l’année 1338, ont été extraites d’une enquête delphinale réalisée en fonction du projet du dauphin Humbert II de vendre une grande partie du Dauphiné – Faucigny inclus – au pape. La majeure partie de cette enquête se trouve aux archives du Vatican ; quelques éléments sont conservés aux Archives départementales de l’Isère – B 3120 ; 4443 et VIII B 24 – ainsi qu’à la bibliothèque municipale de Grenoble – Ms. 1422, f° 1-8 – éléments édités par U. Chevalier, Choix de documents historiques inédits sur le Dauphiné, 1874, pp. 67-74. Cette enquête a fait l’objet de plusieurs articles : C. Faure, « Un projet… », op. cit., pp. 153-225 ; A. Fierro, « Un cycle démographique : le Dauphiné et le Faucigny du XIVe au XXe siècle », in Annales Économies, Sociétés, Civilisations, 26, 1971, pp. 941-959.
30 A. Fierro, “Un cycle…”, op. cit.,, p. 949.
31 P. Vaillant, Les libertés…, op. cit., p. 384. Voir également Thérèse Sclafert, L’industrie du fer dans la région d’Allevard au Moyen Âge, 1926, pp. 83-91.
32 Archives départementales de l’Isère, B 4443.
33 La famille est celle des Bellomonte. Ibid., B 3006, f° 565 ; 568.
34 Article XLV de la charte de 1321, se référer à sa version transcrite et éditée : P. Vaillant, Les libertés…, op. cit., p. 618.
35 Voir la définition de la « localité centrale » de ce géographe allemand dans J.-L. Fray, Villes…, op. cit., p. 42.
36 Ibid., p. 43.
37 Voir note n° 17.
38 Pour une vision approfondie des manses delphinois, ce terme pouvant revêtir des acceptions divergentes suivant la région et l’époque d’emploi, se référer à H. Falque-Vert, Les hommes et la montagne en Dauphiné au XIIIe siècle, Presses universitaires de Grenoble, Grenoble, 1997, pp. 181-205.
39 P. Vaillant, Les libertés des communautés…, op. cit., p. 607.
40 Article XXXVII, Ibid., p. 616.
41 Fabrice Mouthon, « Essai sur l’habitat montagnard dans les Alpes occidentales du Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles) », in Etudes Savoisiennes, n° 11-12, 2002-2003, pp. 17-43.
42 J.-L. Fray, Villes…, op. cit., p. 43.
43 Comme cela est notifié dans le compte commun des deux châtellenies pour 1387-1388 : Item computat recepisse de quadam judicatura tenuta apud Goncelinum per dominum Bertone de [M...] judicem maiorem Graysivaudi die VII mensis marcii M° CCC IIIIXX VIII. Archives départementales de l’Isère, B 77, f° 93.
44 Archives départementales de l’Isère, B 3802.
45 Ibid.
46 M. Bochaca, « Les relations économiques entre villes et campagnes dans la France méridionale (XIII-XVe siècles) : bilan et perspectives de recherche », in Bibliothèque de l’École des chartes, 163, 2, 2005, pp. 355-357.
47 À ce propos, se référer à l’introduction d’A. Furiò, « Endettement paysan et crédit dans la péninsule ibérique au bas Moyen Âge », in Endettement paysan et crédit rural dans l’Europe médiévale et moderne, M. Berthe éd., Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 1998, pp. 139-141.
48 L’Église, en réaction à l’insuffisance des mesures prises par les seigneurs laïques à l’encontre des usuriers manifestes chrétiens, exhorta, lors du Concile de Lyon II de 1274, les pouvoirs civils d’empêcher la location de maisons aux usuriers publics et, sans renoncement de leur part, de les expulser dans un délai de trois mois. J. Ibanès, La doctrine de l’Église et les réalités économiques au XIIIe siècle. L’intérêt, les prix et la monnaie, Paris, PUF, 1967, pp. 89-90. Puis en 1312, à l’occasion du Concile de Vienne, Clément V prévit, à défaut d’application des prescriptions précédentes par les pouvoirs publics, d’excommunier les seigneurs qui dérogeaient au canon du Concile de Lyon II. Si les autorités ecclésiastiques, le Pape compris, ont pu faire preuve d’une grande tolérance, voire de complaisance, envers les usuriers manifestes, nombreux à appartenir aux grandes familles de la finance italienne, au cours de la première moitié du XIVe siècle, les prescriptions conciliaires, en conséquence les canons de l’éthique économique officielle, ciblaient le prêt à intérêt et les usuriers manifestes comme deux fléaux.
49 Hans-Jörg Gilomen, « L’endettement paysan et la question du crédit dans les pays d’Empire », in Endettement…, op. cit., p. 104.
50 Le contrevenant à l’interdiction de s’obliger envers les Lombards et les Juifs était passible d’une amende de 100 livres, U. Chevalier, Regeste…, op. cit., vol. VI, n° 31735.
51 Archives départementales de l’Isère, B 3218, f° 99.
52 V. Chomel, « Communautés rurales et « casanae » lombardes en Dauphiné (1346) », in Bulletin philologique et historique, 1951-1952, pp. 246-247.
53 Le contrat de mutuum, le seul admis pour le prêt monétaire, garantissait l’entière gratuité de l’échange, bien qu’il existât des moyens de le détourner par l’émission d’un faux contrat de vente ou de le corrompre, par exemple en englobant dans la somme prêtée gratuitement le capital et les intérêts. Pour plus de précisions sur les mutua des lombards : G. Scarcia, « La typologie des actes de crédit. Le mutua des « lombards » dans les registres notariés du XIVe siècle », in Notaires et crédit dans l’Occident méditerranéen médiéval, F. Menant et O. Redon éd., Rome, CEFR, 2004, pp. 149-171.
54 D. Deleville, Crédit…, op. cit., pp. 248-254.
55 Ibid., pp. 239-265.
56 Jürgen Habermas, dans son ouvrage traitant de l’espace public, caractérise, au Moyen Âge, ce dernier de sphère publique structurée par la représentation, défini par cet auteur comme l’espace dans lequel le pouvoir est représenté par ses dépositaires, à savoir le prince, ses attributs et ses représentants. J. Habermas, L’espace public. Archéologie de la publicité comme dimensions constitutives de la société bourgeoise, trad. Marc B. de Launay, Paris, 2011, pp. 17-23. Le concept de sphère publique structurée par la représentation défini par Habermas, s’il peut convenir aux derniers siècles du Moyen Âge en raison de l’inaboutissement du processus d’institutionnalisation des États et d’une forte subsistance de la centralisation du pouvoir autour du prince, recèle toutefois plusieurs failles. En effet, Habermas occulte ou tout au moins minimise l’existence d’une sphère publique au sein de laquelle le pouvoir princier et ses attributs ont pu être discutés et parfois même rognés, sphère englobant les chartes de franchises et de libertés, les traités politiques ou les enquêtes contre les administrateurs et leurs méfaits comme véritable sphère publique critique à l’égard des impôts. De même, au sein de l’Église existe une sphère publique caractérisée par la scolastique, les débats quolibétiques, la querelle entre les ordres mendiants au sujet de l’idéal de pauvreté qui a abouti à la remise en cause du principe d’indissociation entre possession et utilisation etc. Voir l’ouvrage : L’espace public au Moyen Âge. Débats autour de Jürgen Habermas, P. Boucheron et N. Offenstadt dir., Paris, 2011.
57 À titre d’exemple, mention est faite de prostituées – destrala, meretrix, mulier de lupanari – dans les chartes de franchises du Buis-les-Baronnies (1288), d’Aspres-en-Buëch (1302) et de Saint-Symphorien-d’Ozon (1295). Claude Faure, « Les chartes de Buis-les-Baronnies », in Bulletin de l’académie delphinale, Grenoble, 1909, p. 133 ; M. Boudet, « Aspres-sur-Buëch et ses chartes de coutumes (1276-1439) », in Bulletin de l’académie delphinale, Grenoble, 1902, p. 173-475 ; Le marquis de Pastoret, Ordonnances des rois de France de la troisième race, 20e volume, Paris, 1840, p. 134.
58 S. Lazarevic, La prostitution à travers les comptes de châtelains et quelques sources normatives (vallée d’Aoste, de Suse et Valais, XIVe et XVe siècles), Mémoire sous la direction de P. Dubuis et A. Paravicini-Bagliani, Université de Lausanne, 1997. p. 49. Voir également, J. Rossiaud, « Prostitution, jeunesse et société dans les villes du Sud-Est au XVe siècle », in Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, n° 2, 1976. pp. 289-325.
Auteur
Docteur en histoire
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