Les investissements des notaires dans les campagnes (Perpignan, XVe siècle)

Élodie Capet

p. 45-62


Texte intégral

1L’argent consacré par de nombreux bourgeois, marchands, pareurs et notaires perpignanais à l’achat de terres dans tout le comté du Roussillon, démontre un réel intérêt des citadins pour la campagne environnante, intérêt qui dépasse largement le simple placement foncier. Tous n’ont pas, toutefois, ni la même puissance d’investissement, ni les mêmes intérêts et ne profitent pas de réseaux identiques.

2Les études sur les investissements urbains dans le plat pays accordent généralement peu d’importance aux notaires. Ils ont pourtant laissé des inventaires et des actes de vente, comme les clients pour lesquels ils ont travaillé. Personnes importantes de la communauté urbaine, ils sont au centre des passations de biens de toute nature, meubles et immeubles, et sont pourtant souvent réduits à leur seule fonction d’enregistreurs d’actes. On en oublie qu’ils sont également des notables qui souhaitent placer leur argent. Les notaires, parce que leur clientèle n’est pas seulement locale et qu’elle peut résider dans des lieux très éloignés de leur office, se déplacent dans tout le comté et entretiennent des contacts qui dépassent le cadre économique et géographique de la ville de Perpignan. Ces relations peuvent aboutir à des investissements dans certains bourgs autour de Perpignan.

3Au centre des transactions marchandes et patrimoniales, les notaires ne sont donc pas restés en dehors des marchés et se sont créé un patrimoine en dehors de la capitale roussillonnaise. Nous allons, à travers les placements financiers de ceux-ci, nous intéresser aux rapports ville/campagne. La ville de Perpignan, au contraire de Toulouse, Lyon, Bordeaux, Limoges ou Aix-en-Provence, pour lesquelles ces relations ville/campagnes ont déjà été étudiées pour le Moyen Âge et l’époque moderne1, n’a pas été l’objet, à ce jour, de telles enquêtes.

4La recherche proposée ne saurait s’attacher aux investissements des notaires sans prendre en compte les autres catégories de Perpignanais qui placent, eux aussi, leur argent dans la périphérie de la ville. Le dépouillement des registres de notaires présente ainsi le double intérêt de permettre de recenser et comparer les achats fonciers contractés par les notables perpignanais chez le notaire, d’entrevoir les réseaux qui entourent le notaire et de distinguer ses placements par rapport à ceux de ses clients.

Investir dans la campagne perpignanaise

5On remarque rapidement en dépouillant les actes notariés l’existence d’un patrimoine rural aux mains des notables perpignanais ; ils possèdent terres, maisons et rentes dans les diverses paroisses du comté du Roussillon. Qui sont ces citadins propriétaires de biens hors de Perpignan ?

DES CITADINS ATTIRÉS PAR LA PLAINE DU ROUSSILLON

6Lors d’une vente de bien foncier, les propriétaires des parcelles voisines sont indiqués ainsi que leur lieu d’habitation. Il est donc possible d’observer quelles sont les terres d’un village aux mains de résidants et celles acquises par des forains. On retrouve ainsi parmi les propriétaires, à la fois des personnes habitant un autre village du Roussillon que celui dans lequel le bien est sis, et des habitants de Perpignan. Le tableau suivant présente les résultats obtenus à partir du dépouillement des registres de Pere Candell, notaire de Perpignan2.

Ville

Nombre

Pourcentage

Perpignan

228

69

De la ville en question

76

23

D’une autre ville

26

8

Total

330

100

Tableau 1 : Lieux d’habitation des propriétaires de biens situés en dehors de Perpignan

7On constate aisément que près de 70 % des propriétaires fonciers dans les campagnes autour de Perpignan sont originaires de la capitale3. Ce taux monte à 78 % si l’on ne prend en compte que les voisins des notaires4. Moins d’un propriétaire sur quatre habite donc dans la localité où se trouve le bien qu’il achète ou vend.

8Il convient alors d’utiliser une autre source pour ne pas conclure à une mainmise des citadins sur les campagnes. Pour la période étudiée, nous n’avons pas conservé assez de registres d’estimes qui auraient pu permettre une réelle approche quantitative comme cela a été fait pour le Lauragais ou la région lyonnaise. Ces documents à but fiscal dans lesquels chaque propriétaire déclare ses biens aux estimateurs qui viennent à domicile auraient pu fournir une liste de biens immobiliers et mobiliers. En revanche, les capbreus, livres terriers où sont consignés, en résumé (« caput breve »), les biens fonciers sur lequel un seigneur perçoit des droits, sont une source complémentaire et utile. Dans les capbreus sont énumérés les bâtiments et les terrains détenus par chaque habitant du village ainsi que les droits perçus et les modes de perception de ces droits. Ils sont cependant à utiliser avec précaution.

9Parmi les capbreus conservés aux Archives départementales des Pyrénées-Orientales, celui de Villelongue de la Salanque, de 1416, mentionne 102 tenanciers parmi lesquels 74 sont de Villelongue et détiennent 82 % des biens, douze sont de Perpignan et détiennent 9 % des terres, huit sont de Sainte-Marie, cinq de Canet, Pia et Collioure5. Dans le capbreu de Bages réalisé en 1422, 97 personnes sont citées, toutes de Bages. De la même manière, pour celui de 1525, sur un total de 91 noms, 83 personnes proviennent de Bages, une d’Elne, trois du diocèse de Gérone et quatre de Perpignan (deux marchands et deux jardiniers). Enfin, dans le capbreu du Soler rédigé en 1455, on compte 22 noms dont 21 habitants du Soler et un Perpignanais et, pour la même ville, en 1522, sur 31 personnes, 27 habitent le Soler, trois sont de Saint-Feliu et une de Toulouges.

10Ces chiffrent permettent de relativiser considérablement l’emprise des Perpignanais sur les terres qui entourent la ville et démontrent la difficulté de l’enquête.

11Si le plat pays autour de Perpignan a attiré de nombreux investisseurs perpignanais, ils ne forment pourtant pas un groupe homogène.

DES INVESTISSEURS MULTIPLES

12Cette enquête sur les propriétaires a été menée à partir du dépouillement des registres notariés conservés aux Archives départementales des Pyrénées-Orientales6. Les sources s’organisent en trois ensembles : l’un correspond aux testaments et inventaires après décès de notaires, décrivant tous leurs biens possédés à un moment donné, l’autre rassemble des actes de vente où les notaires sont acteurs, montrant la circulation des biens fonciers7. Enfin, le dépouillement intégral de tous les registres de Pere Candell a permis de restituer une vue d’ensemble plus générale. Le profil social des Perpignanais possédant des biens en dehors de la capitale du Roussillon est étudié à partir des mentions de métiers (ou de statuts) des propriétaires des terres et de leurs voisins. Au total, plus de 330 personnes ont été identifiées dont 294 pour lesquelles la profession ou le statut social est précisé. Le tableau suivant présente les résultats cette enquête.

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Note 88
Note 99
Tableau 2 : Classement des propriétaires de terres en Roussillon selon leur profession d’après les registres de Pere Candell

13Les plus gros investisseurs sont les jardiniers, qui forment une catégorie professionnelle dont le contour reste assez flou, compte tenu du peu d’études réalisées à leur sujet. Ce n’est pourtant pas faute de sources, étant omniprésents dans les actes notariés et prenant une part active aux affaires de la ville. Ces « hortolani » sont-ils vraiment des maraîchers ? Les sources des XVIIe et XVIIIe siècles permettent d’émettre quelques doutes. D’après les règlements de la confrérie, est jardinier tout homme qui exerce l’art de l’agriculture. Pour être élu chef de la confrérie au XVIIIe siècle, un homme explique « qu’il a travaillé comme jardinier dans différents jardins de banlieue, qu’il s’est occupé de l’agriculture et du travail des vignes ».10 Il faut se méfier cependant des dénominations de métiers et garder en mémoire que certains hommes peuvent se dire « jardinier » pour signifier qu’ils bénéficient des privilèges sociaux et politiques d’une corporation forte sans pour autant être vraiment maraîchers. De plus, comme « tout homme qui travaille l’art de l’agriculture de ses mains pour autrui » doit s’agréger à la confrérie pour ne pas payer une amende, d’autres artisans sont admis au sein de la confrérie. Par exemple, des bouchers cultivant des terres pour leurs animaux, se font intégrer à cette confrérie et peuvent ensuite prendre cette désignation. Par ailleurs, certains ont acheté des lettres de maîtrise des différents corps de métiers leur permettant d’être reçus dans ces confréries sans les formalités de chef d’œuvre, apprentissage et compagnonnage11. En somme, c’est avant tout un statut qui ouvre des droits et que l’on obtient par achat.

14Ce sont ensuite les marchands et les pareurs qui investissent le plus. C’est donc, sans surprise, parmi les citadins qui ont fait la réputation de Perpignan que l’on retrouve la majorité des propriétaires. Leur forte présence s’expliquerait par leur poids dans la société perpignanaise. En effet, la capitale du Roussillon ayant acquis sa renommée grâce à ses draps, les pareurs sont des acteurs importants du commerce et représentent un groupe nombreux au sein de la ville12. Durant les XIVe et XVe siècles, Perpignan a connu un essor industriel et commercial comme les grands centres économiques du Nord-Ouest méditerranéen (Valence, Barcelone). Sa production d’étoffes de laine est à l’origine de cette croissance industrielle qui s’observe, entre autre, par le succès rencontré par ses draps négociés à travers toute la Méditerranée. Selon Anthony Pinto, « les régions situées entre Perpignan, Puigcerdá et Gérone assuraient au début du XVe siècle plus de 40 % de la production drapière » de la Couronne d’Aragon13, « le nombre d’individus mobilisés par cette industrie ou encore la valeur des capitaux investis et retirés par cette industrie permet de faire figurer Perpignan parmi les grands centres drapiers médiévaux14.

15Les cordonniers devancent ensuite des propriétaires terriens habituels que sont le clergé, les bourgeois et les damoiseaux. Laure Verdon a observé l’évolution très intéressante du nombre de métiers dans la ville de Perpignan au XIIIe siècle. Toujours en augmentation constante depuis 1240, les artisans des peaux et des cuirs sont les métiers les plus représentés et culminent à 28,2 % à la fin du XIIIe siècle15. En se référant à l’index de la thèse de Rodrigue Tréton, qui ne regroupe pas moins de 1091 actes de l’ordre des Templiers, les mots aluderius (mégissier) et sutor (cordonnier) renvoient à autant d’occurrences que celui de sartor (tailleur) ou de parator (pareur)16. Cette vision d’ensemble prend appui sur le seul chartrier des Templiers et la consultation de l’index, mais montre une activité autour du cuir très présente à Perpignan. Philippe Wolff fut l’un des premiers à signaler l’importance de l’industrie du cuir à Perpignan17. Les basanes (peaux de moutons préparées par tannage végétal) et autres pelleteries domestiques auraient été ainsi la grande spécialité de Perpignan18. Il n’est donc pas si étonnant que ces travailleurs du cuir possèdent de nombreux biens fonciers autour de la capitale.

16Viennent ensuite les notaires qui nous intéressent plus particulièrement. Ils possèdent environ 5 % des biens sis en dehors de la ville. Ce sont donc des investisseurs bien présents, mais minoritaires par rapport aux catégories précitées. Il est difficile de quantifier le nombre de notaires présents dans la ville pour la fin du Moyen Âge. Une moyenne de cent notaires pour une ville de 10 000 habitants ressort des études réalisées en Provence19. Or, Perpignan aurait compté environ 15 000 habitants au XIVe avant de décliner à la fin du XVe20. Les notaires ne représenteraient donc pas une part importante de la population citadine, ce qui expliquerait le faible pourcentage de biens fonciers dont ils disposent. Leur place dans l’activité économique n’est cependant pas à négliger.

17Les autres artisans plus modestes que ceux précités ne semblent pas avoir eu les moyens ou l’ambition d’acheter en dehors des murs de la ville. Ces propos doivent cependant être nuancés au regard des sources utilisées. Ainsi, dans les archives, on retrouve une plus grande quantité d’actes concernant les catégories plus aisées ou plus familières de l’écrit, tels que les marchands, les notaires, les bourgeois, les hommes de loi et les religieux. Plus rarement interviennent des individus comme les bouchers, les manouvriers, les artisans plus modestes qui pourtant sont présents en grand nombre parmi les témoins des actes. Leur patrimoine passe peut-être simplement, en partie, au travers des actes notariés.

Les investissement réalisés par les notaires

DES INVESTISSEMENTS EN PÉRIPHÉRIE DE PERPIGNAN

18L’aire géographique dans laquelle les investissements fonciers citadins s’inscrivent est une indication de l’importance démographique et économique d’une ville. Elle permet de mesurer l’emprise économique de la ville sur sa périphérie et l’influence des citadins. Il existe peut-être un lien géographique entre l’aire d’influence professionnelle d’un notaire et les lieux où lui-même investit. Les notaires ont joué un rôle très important de relais entre ville et campagne. Les études des notaires drainent vers la ville une clientèle venue y souscrire des actes. L’aire de provenance de la clientèle rurale comme la zone de déplacement des notaires urbains à la campagne donnent une idée de l’influence de la ville. D’après les registres du notaire perpignanais Pere Candell21, des habitants de toute la plaine du Roussillon viennent faire enregistrer des actes dans son étude. Ainsi sont établis des contacts entre les notaires perpignanais et des habitants de Claira, Elne, Villeneuve-de-la-Raho, Thuir, Rivesaltes, petites villes et bourgs situés dans un rayon de 15 km autour de Perpignan. Pere Candell se rend lui-même, de manière irrégulière, plusieurs fois par an, dans ces lieux pour y enregistrer des actes.

19Proximité et facilité d’accès sont sans aucun doute des éléments déterminants dans le choix des investissements, mais on ne peut exclure le poids des habitudes, le rôle des relations personnelles ou les effets de mode22. La carte suivante présente le relevé de tous les lieux dans lesquels les notaires étudiés possèdent un bien.

20On constate facilement que près de 25 % des investissements des notaires étudiés ont été réalisés au Vernet et 20 % au sein même de la ville de Perpignan. Une aire géographique de proximité est privilégiée : Mailloles, Claira, Orle, Château-Roussillon, Bompas, Le Soler, Villeneuve de la Raho, Cabestany ou Saleilles, sont situés à moins de 10 km de Perpignan23, seul Corsavy fait figure d’exception. Cet attrait pour la proximité s’explique aisément par la volonté de pouvoir surveiller ses possessions et y résider de temps en temps.

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Carte 1 : Les investissements des notaires perpignanais en Roussillon

21Des vergers, des vignes, des champs cultivés, des jardins et, bien entendu, des maisons sont les principales possessions de ces hommes. Hormis les tuileries d’Elne et les forges du Vallespir, les investissements dans l’industrie se font aussi à Perpignan.

22Les terres choisies par les notaires, au Vernet, à Mailloles et à Thuir, représentent 50 % de leurs investissements hors de Perpignan. Dès le Moyen Âge, les faubourgs de Perpignan sont des terrains particulièrement fertiles. Un texte de 1327 décrit la horta de Perpignan comme allant de Sainte-Eugénie près du Soler jusqu’au pont de pierre établi sur la Têt au Vernet. Les jardins concentrés à Mailloles forment l’Horta Vella. L’Horta nova est, quant à elle, apparue au début du XIIIe siècle, dans le territoire du Vernet24. Ces trois localités offrent des caractéristiques semblables. La première est l’irrigation. Tous les canaux du Roussillon sont créés du XIe siècle au XIVe siècle mais tous les ruisseaux existent probablement avant le XIe siècle tel celui passant par Vernet et Pia qui est mentionné en 806. Le canal de Vernet et de Pia achemine l’eau à l’horta nova, le rech comtal de Perpignan arrose, quant à lui, les jardins et les vergers de l’horta vella.

23Le canal le plus connu demeure celui de Thuir. Un document de 1337, le procès-verbal des concessions accordées à Thuir par le roi Jacques de Majorque, nous apprend que le canal d’arrosage de cette ville fut construit au début du XIVe siècle, semble-t-il, par les rois de Majorque, avec la contribution des habitants qui obtinrent en retour le droit d’arroser leurs terres25. Le Roi s’est engagé à construire et à entretenir à ses frais un canal, à accompagner l’eau jusqu’au territoire de Thuir en quantité suffisante pour que six moulins puissent fonctionner de front. Les habitants de Thuir auraient droit « à perpétuité, toujours et à toute heure, à leur convenance, sans difficultés et sans en être empêchés par les meuniers », d’arroser leurs terres26.

24Une deuxième caractéristique des villages et petites villes serait une forme d’abandon, de repli, dû en partie à un recul démographique important affectant l’ensemble du Roussillon. De nombreux départs d’habitants vers les bourgs ruraux voisins ou vers Perpignan et le repli des surfaces cultivées et des espaces bâtis auraient entraîné cette disparition de certains villages.27 Ainsi, le village de Mailloles, situé à l’ouest de Perpignan, sur la rive droite de la Têt, est quasiment à l’abandon au début du XVe siècle : « le représentant du procureur royal confirme un acte de 1416 dans lequel ont été cédés deux fragments de ruelle par où plus personne ne passe à cause de l’abandon et de la dépopulation du lieu »28.

25Les villages d’Orle et de Château-Roussillon sont eux aussi caractérisés par un faible nombre de feux. Il est donc peut-être plus facile et plus avantageux financièrement pour les notaires perpignanais de s’installer sur ces terres. Couplées avec la proximité et la possibilité d’irrigation, ces caractéristiques forment un ensemble cohérent pour tout investisseur. Cette première définition spatiale de l’aire d’emprise foncière citadine doit être complétée par l’examen de la nature des placements.

QUELQUES TYPES D’INVESTISSEMENTS

26Les investissements fonciers sont les plus recherchés par les notaires. Il s’agit de s’assurer un approvisionnement en denrées alimentaires (vins, céréales, fruits, légumes, produits de l’élevage...), d’obtenir des versements financiers relativement sûrs, garantissant un revenu régulier et, enfin, dans certains cas, d’opérer des placements de prestige pour des familles aspirant à vivre noblement. Avant d’entrer dans les détails de ces placements, précisons que la rente au XVe siècle, devenue une forme de placement beaucoup plus courante que cent ans plus tôt, demeure un investissement de notable. Certains notaires perpignanais se sont intéressés aux censals, ces obligations perpétuelles de paiement de rentes sur des terres ou des denrées, mais leur nombre reste limité. Les paroisses où sont perçues ces rentes sont toutes proches de Perpignan (Claira, Sainte-Marie, Thuir), ce qui confirme ce qu’écrit Marie-Thérèse Lorcin pour Lyon : les citadins n’ont pas adopté la rente comme procédé d’investissement dans les paroisses éloignées où ils hésitent à acheter des biens parce qu’ils craignent de ne pouvoir en surveiller l’exploitation29.

27Détaillons le patrimoine de trois notaires pour lesquels on dispose d’inventaires de biens30. Marti Joyha concentre ses possessions au Ver net et à Mailloles et s’intéresse surtout aux vergers et aux vignes. La majorité du patrimoine de Pere Vila est à Thuir où il détient plusieurs maisons, des oliveraies, des prés et des terres. Marti et Joan ont également au moins une terre dans la ville de Perpignan. L’inventaire des biens de Joan Candell n’est, quant à lui, pas assez détaillé pour percevoir une véritable préférence dans la localisation des terres. Parmi les biens urbains, on trouve les parcelles bâties (maisons) ou non bâties (patuus), et des jardins (viridarium). Les biens ruraux consistent en terres labourables (terra, campus) vignes (vinea mais aussi malleolum c’est à dire jeune vigne peu productive), prés, pâtures (pratus), et plus rarement bois (bosc) sont aussi mentionnés. Des jardins et vergers apparaissent isolés ou accompagnant des manses.

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Figure 1 : Types d’investissements des notaires

28Les notaires possèdent le plus souvent plusieurs petites parcelles de même nature dans une ville, les regroupements ne sont pas de mise et il n’y a pas de volonté de s’imposer économiquement sur un territoire. Leurs investissements portent généralement sur des cultures spéculatives : vignes (44 pour 17 notaires), oliveraies ou bien des prés qui nécessitent peu d’entretien et qui peuvent se louer très cher.

29Par le choix des biens, par l’usage qu’ils en font, les citadins peuvent donner à l’agriculture une nouvelle orientation (cultures spéculatives par exemple, construction de moulins, apport de capitaux sous forme de prêts ou de baux à cheptel).

30Les mentions des cultures sont assez rares mais peu de variétés de céréales sont cultivées d’après les actes d’achat et de vente de champs, déjà semés, par les citadins : du froment (bladum, fromentum) et de l’orge d’hiver (ordi). Le faible rapport, en année moyenne, des céréales, n’incite guère à les produire. Certains notaires peuvent faire cultiver des plantes tinctoriales telles que le pastel31.

31Les citadins ont recherché des biens cultivables et non des terrains réservés à la pâture ou à la chasse. Il est étonnant de ne pas trouver davantage de pâtures, l’élevage étant très important au XVe siècle32.

32Les superficies des terres ne sont pas systématiquement mentionnées, les confronts sont, par contre, toujours indiqués, le plus important lors de la vente d’un bien foncier étant de pouvoir le situer. Les notaires ont préféré en général acquérir de petites parcelles aux alentours de leur ville, la moyenne des surfaces possédées étant d’environ trois ayminates33 et les trois-quarts des terres sont égales ou inférieures à cette moyenne.

33En relevant le prix de toutes les terres de deux à trois ayminates contenues dans les registres de Pere Candell, on s’aperçoit qu’elles coûtent cher. Les prix de huit jardins sont compris entre 10 et 110 livres, avec une moyenne de 33 livres. Les jardins irrigués sont évidemment les plus chers. Ainsi, un jardin à Mailloles, de deux ayminates, irrigué par le ruisseau comtal, coûte 110 livres en 1446. De même, sept champs, de deux à trois ayminates, ont été vendus entre 12 et 60 livres, avec une moyenne de 40 livres. Pour les 28 ventes de vigne, les prix s’établissent de 6 à 40 livres, avec une moyenne de 19 livres. Le seul bosquet de la documentation a été vendu pour un peu plus d’une livre, seulement, alors que le prix moyen des oliveraies est de 60 livres pour une ayminate. Le prix moyen des parcelles correspond, en général, au prix d’une petite maison ou d’un esclave.

L’INVESTISSEMENT INDUSTRIEL

34Alors que la grande majorité des investissements des notaires se portent sur les vignes et les terres labourables, certains se démarquent par une plus grande originalité. Avant de présenter le cas particulier du notaire Pere Candell qui a investi dans les moulines du Vallespir, intéressons-nous au notaire Guillem Pastellet qui possède deux tuileries à Elne34.

35La première mention de l’achat d’un four à tuiles par ce notaire est du 6 février 1428. À ce four s’ajoute une terre de trois cartonates35, situé à Elne, près de l’hôpital des pauvres, ayant pour confront une tenure d’Anthony Pastellet, aubergiste d’Elne, frère de ce notaire. Ce four est vendu 110 livres par Catherine, fille et héritière de Bérenger Raymond, tuilier de Perpignan. Le 23 septembre 1431, ce notaire revend son four sis à Elne près de l’hôpital des pauvres et les terres qu’il a achetées deux ans auparavant pour un montant de 126 livres36. Ce four de tuilier, situé dans le centre de la ville d’Elne, a servi à cuire des terres cuites architecturales (briques, tuiles, carreaux).37 L’activité de tuilerie semble avoir été développée également autour d’Elne38. Nous sommes dans une plaine qui, autrefois marécageuse, a été drainée et asséchée au fil des siècles. La présence de terres argileuses favorise l’installation de tuileries et poteries.

36Nous n’avons aucune information sur le fonctionnement de cette tuilerie, et, notamment, sur les tuiliers qui ont du être engagés par ce notaire. Il est envisageable que Guillem Pastellet ait embauché ceux qui travaillaient déjà pour l’ancien propriétaire. C’est très certainement par l’intermédiaire de son frère qu’il a eu connaissance de la vente de cette tuilerie. Peut-être est-il originaire d’Elne, comme la présence de son frère et son intérêt pour la ville peuvent le suggérer ?

37Les modalités de gestion de cette tuilerie restent inexpliquées. Comment ce notaire a t-il surveillé son investissement, à 15 km de son office, même si la tuilerie ne fonctionnait probablement pas toute l’année. Nous manquons également d’éléments pour expliquer la revente du four au bout de deux ans, mais le gain de seize livres à la revente est assez considérable. S’est-il dirigé vers un autre type d’industrie ? Dans tous les cas, cet investissement a été bien plus important qu’un simple achat de vigne et correspond à une plus grande prise de risques, ce qui explique la préférence des notables pour des rentes plus traditionnelles.

38Terminons par la mouline du notaire Pere Candell. C’est en 1411 que celui-ci apparaît dans les archives d’Arles-sur-Tech. Il est, à cette date, procurateur de Guirona Sarrat, veuve et usufruitière de Guillem Sarrat. Ce dernier possède la mouline del Perer à Céret dont il défend les intérêts à « l’encontre des forgeurs, amodiateurs de la forge »39. Pere Candell s’est intéressé très tôt à la sidérurgie puisqu’il a alors environ 25 ans. Cet intérêt pour les forges ne va pas faiblir puisque « 36 ans plus tard, en 1445, il possède la moitié des parts de la mouline de Léca. Il a, en quelque sorte, succédé à Joan Germain dans cet atelier mais on ignore comment il en a acquis les parts »40. Son associé dans la mouline de Léca est un apothicaire d’Arles-sur-Tech, Urbà Aygabella. Celui-ci est également témoin lors du testament de Pere Candell et fait partie de son réseau professionnel et amical. Peu de temps après, Urba vend à Pere Candell la moitié de la mouline de Leca qu’il possède. Ainsi, Pere Candell détient toutes les parts de cette mouline en décembre 1446, quelques mois après la rédaction de son testament41. Le notaire dispose également des pâtures qui sont associées à la mouline à Léca et à Anglatts.

39En 1461, Johanna, veuve de Joan Candell, loue pour 5 ans cette forge de Léca.42 En 1488, elle s’associe à son fils Francesc Candell pour la gestion de la forge. En 1590, la forge appartient toujours à la famille Candell. On retrouve Joan marchand de Perpignan et sa femme Elizabeth, Joan est d’ailleurs dit seigneur de Léca.

40Contrairement à Guillem Pastellet, le notaire Pere Candell a conservé sa mouline tout au long de sa vie et ses descendants s’y sont également intéressés. Il semble donc que ce soit un investissement très rentable. Nous ne savons pas ce qui a poussé Pere Candell à investir dans une mouline, le dépouillement de ses archives n’a pas donné de réponse.

41Peu d’actes concernant Pere Candell ont été retrouvés dans ses archives43. Ceux-ci ont cependant permis de savoir que Pere Candell manie des sommes assez importantes, qu’il a des contacts parmi les membres de l’aristocratie et qu’il possède des biens mobiliers très précieux44. Les notaires ont souvent aspiré à faire partie de réseaux financiers et ne se sont pas limités à enregistrer des transactions. Pere Candell ne déroge pas à la règle. Il a ainsi été prêteur d’argent à de nombreuses reprises et pour des sommes atteignant quelques dizaines de livres. De plus, il est le procurateur de seigneurs importants tels que Ramon et Lluis de Perellos45.

*

42Les marchands et bourgeois, mais aussi les riches artisans, qui disposent de capitaux considérables et veulent en soustraire une partie aux risques d’opérations commerciales toujours aléatoires, se sont tournés vers les investissements immobiliers. Les notaires perpignanais utilisent, pour l’essentiel, leur argent à l’achat de biens-fonds dans le plat pays, privilégiant les terres de qualité, irriguées, situées à proximité de Perpignan et destinées à la culture de la vigne, des oliviers ou au maraîchage. Certains effectuent des investissements dans le domaine proto-industriel (fours, moulines).

Notes de bas de page

1 On peut citer, entre autres, les travaux suivants : M-C Marandet, Les campagnes du Lauragais à la fin du Moyen Âge (1380-début du XVIe siècle), Perpignan, 2006 ; M.-T. Lorcin, « Lyon et ses campagnes au début du XIVe siècle », in Histoire de Lyon, sous la dir. de A. Pelletier et J. Rossiaud, t. I, Antiquité et Moyen Âge, Le Coteau, 1990, pp. 323-326 ; Ph. Wolff, Commerces et marchands de Toulouse (vers 1350-vers 1450), Paris, 1954 ; G. Caster, Le commerce du pastel et de l’épicerie à Toulouse de 1450 environ à 1560, Toulouse, 1962 ; M. Bochaca, « Banlieues et détroits municipaux : les espaces suburbains soumis à la juridiction des communes du Bordelais (XIIIe-XVIe siècles) », in Histoire, économie et société, 1996, pp. 353-365 ; M. Bochaca, « L’aire d’influence et l’espace de relations économiques de Bordeaux vers 1475 », in La ville au Moyen Âge, Paris, 1998, t. I, pp. 279-292 ; M. Bochaca, « Libourne au début du XVIe siècle : espaces et pouvoirs d’une ville du Bordelais », in Annales du Midi, 1994, pp. 333-352 ; M. Bochaca, « L’aire d’influence de Saint-Émilion (fin XVe-début XVIe siècle) », in Cahiers Charles Higounet, 1994, pp. 49-65 ; N. Coulet, Aix en Provence, espace et relations d’une capitale (milieu XIVe siècle-milieu XVe siècle), Aixen-Provence, 1988, t. II, pp. 180-206. ; J. Tricard, Les campagnes limousines du XIVe au XVIe siècle, originalité et limites d’une reconstruction rurale, Paris, 1996.

2 Nous avons consacré une précédente étude à ce notaire, cf. É. Capet, « Un notaire au travail, Pere Candell, Perpignan 1414-1452 », Actes du colloque De la Ligurie au Languedoc. Le notaire à l’étude (XIIe-XVIe) organisé par l’École des Chartes et les archives départementales du Tarn, à paraître.

3 Pour le premier tableau, les sources utilisées sont des sources perpignanaises puisque Pere Candell était notaire dans le quartier de la Real, ceci peut expliquer la prédominance des Perpignanais.

4 Statistiques établies uniquement à partir du dépouillement des 21 testaments/inventaires après décès et actes de ventes où les notaires sont acquéreurs ou vendeurs de biens fonciers.

5 M. Delonca, Villelongue-de-la-Salanque au début du XVe siècle à travers un capbreu de 1416 : le territoire, les hommes et leurs biens, mémoire de Master, sous la direction de M.-C. Marandet, Université de Perpignan, 2011.

6 Je remercie Denis Fontaine de m’avoir signalé des actes qui ont contribué à l’étude présentée dans cet article.

7 Le corpus se compose de 21 testaments et/ou inventaires après décès de notaires du XVe siècle. Les notaires étudiés sont : Jaume Montaner, Francesc Glassat, Bernat Coll, Marti Joyha, Joan Vilarnau, Anthoni Peracolls, Francesc Pastor, Anthoni Troter, Pere Candell, Joan Candell, Bernat Masdemont, Pere Vila, Joan Roure, Miquel Vallmanya, Miquel Lobet, Pere de Campis, Anthoni Sauma, Arnau Roig, Joan d’Ornos, Guillem Comte. À ceux-ci s’ajoutent une trentaine d’actes de ventes pour les notaires suivants : Guillem Pastellet, Joan Roig, Joan Belero, Pere Vilarnau, Joan d’Ornos, Arnau Roig, Paladius Meler, Miquel Pastor, Guillem Roure, Joan Clemens Viader, Bonavat Rigau, Jaume Cases, Joan Martini, Anthoni Resplant, Jaume Lobet, Bernat Masdamont, Johan Girau et Pere Geli. À titre de comparaison, une étude générale des investissements des notables perpignanais d’après les registres du notaire Pere Candell (soit 25 registres contenant plus de 4000 actes) a été réalisée. Cela représente 211 actes de vente de biens fonciers sis hors Perpignan.

8 Sont compris dans cette catégorie les cardeurs, les peigneurs et les tisserands.

9 Le groupe « autre » est formé des meuniers, peintres, chirurgiens, revendeurs, bouchers et des manouvriers.

10 F. Delpech, Les confréries de jardiniers à Perpignan au XVIIIe siècle, mémoire sous la direction de G. Larguier, Université de Perpignan, 1997, p. 16.

11 Ib., p. 16. C’est ainsi qu’on a des jardiniers inscrits à la confrérie des poissonniers !

12 Pour en savoir davantage sur cette industrie florissante à Perpignan à la fin du Moyen Âge : A. Pinto, « Perpignan un grand centre drapant : état de l’historiographie », in La fibre catalane : industrie et textile en Roussillon au fil du temps, Actes du colloque organisé par l’A. P. H. P. O en partenariat avec le C. R. H. I. S. M., 2005, Canet, 2005, p. 13-38. ; A. Pinto, « Juifs et conversos dans les diocèses d’Elne et de Gérone : une reconversion réussie dans le secteur textile à la fin du Moyen Âge (circa 1390-circa 1440) », dans Documents pour l‘histoire des techniques, 2008, p. 10-23. ; A. Pinto, « Draperie et développement urbain : le cas de Perpignan à la fin du Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles), in Morphologie et identité sociale dans la ville médiévale hispanique, 2012, p. 365-416 ; C. Carrere, « La draperie en Catalogne et en Aragon au XVe siècle », dans La lana come materia prima, fenomeni della sua produzione e circolazione nei secoli XIIIe-XVIIe, atti della prima settimana di studio 18-24 april 1969, Istituto internazionale di storia economica F. Datini, Florence, 1974, p. 475-509 ; A. Riera Melis, « L’aparicio de la draperia urbana als Pirineus Orientals », dans El segle XIII. Annals de la primera Universitat d’Estiu Andorre, 1982, Andorre, 1983, p. 367-377 ; G. Romestan, « Draperie roussillonnaise et draperie languedocienne dans la première moitié du XIVe siècle », dans 42e Congrès de la Fédération Historique du Languedoc Méditerranéen et du Roussillon, Faculté des Lettres et des Sciences. Humaines, Perpignan, 1969, Montpellier, 1970, p. 31-59. ; et D. Cardon, La draperie au Moyen Âge : essor d’une grande industrie européenne, Paris, 1999.

13 A. Pinto, « Les sources notariales, miroir des cycles d’exportation du pastel languedocien en Roussillon et dans le Nord-Est de la Catalogne (XIVe siècle-premier quart du XVe siècle), dans Le commerce du pastel, de la laine et des draps, XVe-XVIe siècles, Annales du midi, revue de la France méridionale, tome 113, n° 236, octobre-décembre 2001, p. 426.

14 A. Pinto, « Perpignan un grand centre drapant méditerranéen (XIIIe-XVe) : état de l’historiographie », dans La fibre catalane : Industrie et textile en Roussillon au fil du temps, Actes du colloque organisé le 5 novembre 2005 par l’A. P. H. P. O en partenariat avec le C. R. H. I. S. M, Canet, 2005, p. 13.

15 L. Verdon, La terre et les hommes au Moyen Âge, Paris, 2006.

16 R. Treton, Diplomatari del Masdéu, Barcelone, 2010, pp. 3174-3200.

17 Ph. Wolff, Histoire de Perpignan, Toulouse, 1985.

18 Pour plus d’informations, voir A. Jacqueton, La laine du Roussillon et son commerce (Perpignan, XVe siècle), mémoire de Master 2 sous la direction de Catherine Verna, Université Paris 8, 2013. Il cite l’exemple de Ramon Boquer, peaussier de Perpignan, qui pratique régulièrement le commerce des peaux avec plusieurs bouchers de la ville. Il fit enregistrer chez les notaires Joan et Pere Vilarnau 38 actes d’achat de peaux entre 1438 et 1456, ce qui fait de lui un exemple de ce commerce important dans la capitale du Roussillon.

19 C. Dolan, Le notaire, la famille et la ville : Aix-en-Provence à la fin du XVIe siècle, Toulouse, 1998.

20 A. Pinto, « Draperie et développement urbain : le cas de Perpignan.. », op. cit., p. 360 et p. 363. A la fin du XVe siècle, on dénombrerait environ 9 000 habitants.

21 É. Capet, Un notaire au travail, Pere Candell, Perpignan 1414-1452, mémoire de Master 2 sous la direction de Catherine Verna, Université Paris 8, 2011.

22 M. Bochaca, « Les relations économiques entre villes et campagnes dans la France méridionale (XIII-XVe siècle) : bilan et perspectives de recherche », dans Bibliothèque de l’École des Chartes, 2005, tome 163, pp. 353-384.

23 En cela, les notaires perpignanais se rapprochent des bourgeois limougeauds qui, selon l’étude de Jean Tricard, limitaient leurs investissements financiers à la banlieue ou aux proches campagnes dans un rayon d’une dizaine de kilomètres.

24 F. Delpech, Les confréries de jardiniers.., op. cit., p 53.

25 S. Caucanas, Moulins et irrigation en Roussillon du IXe au XVe siècle, Paris, 2002.

26 Tout tenancier devrait payer la moitié d’un carton d’orge, sauf pour les terres en partie plantées de vignes, pour lesquelles ils paieraient un demi-carton d’orge en plus. Le carton vaut près de neuf litres, cf. M.-C. Marandet, Les anciennes mesures des Pyrénées-Orientales, in Les anciennes mesures locales du Midi méditerranéen d’après les tables de conversion, sous la direction de P. Charbonnier, Publications de l’Institut d’Études du Massif Central, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, 1994, p. 228. Des employés spéciaux, les vanniers, assurent la surveillance et l’entretien du canal. Des instructions données pour l’arrosage, le 15 mai 1339, rappellent que deux personnes doivent être désignées, chargées de distribuer l’eau.

27 A. Catafau, Les celleres et la naissance du village en Roussillon (Xe-XVe siècles), Perpignan, 1998, p. 133.

28 Ibidem, p. 403.

29 M-T. Lorcin, Lyon et ses campagnes…, op. cit., pp. 323-326.

30 Ces trois notaires ont été choisis en fonction de la quantité d’informations recueillies sur leur patrimoine.- Inventaire de Marti Joyha, Archives départementales des Pyrénéesorientales (abrégé ADPO) 3E1/527, 3/10/1467 : un verger à Vernet, une terre à Orle, au lieu-dit la garrigola, de deux ayminates et demie, une vigne à Mailloles, un champ à Mailloles de trois ayminates, une jeune vigne à Mailloles de trois cartonates, un champ dans la paroisse Saint-Jean de Perpignan d’une ayminate, une vigne à Rivesaltes de deux ayminates, un verger au Vernet, une table de boucherie sur la grande place de Perpignan.
Inventaire de Joan Candell, ADPO 3E1/889 f° 48 v°, 13/11/1454 : un verger, un champ à Bajoles de douze ou treize ayminates, une vigne à l’abandon, une autre vigne, une autre vigne au-dessus, une vigne à Mailloles, un champ à Villelongue de la Salanque contenant cinq ayminates, une terre de douze ou quatorze ayminates à Claira, une partie est constituée de champ, une autre partie en bosquet et pré, un pré, un pré et un bosquet à Saint-Sabia, un jardin à Saint-Jacques, un bosquet contigu à ce jardin.

31 Cette plante était en effet cultivée dans la région. On a quelques traces dans les actes notariés de vente de pastel. Bernat Blanquet, de Cabestany, vend à Pere Arnau pareur de Perpignan « ementi omne illud pastell in quodam campo in terminis loci de Cabestany sito.. » (ADPO 3E1/1650 f° 2 v°). Un autre exemple avec Bernat Sabater, pareur de Perpignan : « Ego Bernardus Sabater parator Perpiniani gratis vendo et tradere promitto vobis Petro Cavanelles draperio Perpiniani presenti totum pastellum quod proveniet ex campo meo sito in terminis [espace] hec ita facio sicut meliusprecio decem nonem solidorum quodlibetquintarum.. » (ADPO 3E1/893 f° 126). Voir également A. Pinto, “Woad production in Catalonia and Roussillon at the end of the Middle Ages”, Dyes in History and Archaelogy, Londres, XXI, 2008, pp. 51-58. Anthony Pinto rappelle que la culture du pastel prend une certaine importance en Roussillon à la fin du Moyen Âge.

32 A. Jacqueton, La laine du Roussillon..., op. cit, p. 75. Guillem Marti dispose par exemple d’un cheptel qui varie entre 400 et 500 moutons.

33 En Roussillon, les mesures agraires se subdivisent en ayminates, correspondant à 1500 cannes carrées soit 60 ares et chaque ayminate se divise en quarte cartonates. Cf. M.-C. Marandet, « Les anciennes mesures des Pyrénées-Orientales », dans Les anciennes mesures locales du Midi méditerranéen…, op. cit., pp. 223-236.

34 Les investissements de Pere Candell se retrouvent dans plusieurs fonds d’archives : le fonds des « familles » ADPO 1E166 et 1E186 ; les testament des Candell ADPO 3E1/849 f° 26 à 55 et ADPO 3E40/911 (19/12/1446) ; ainsi que certaines mentions dans les registres notariés : ADPO 3E1/569 f° 51 r°, ADPO 3E40/913 nf (3/06/1450) et ADPO 3E1/611 (4/07/1457). L’achat d’une tuilerie par Guillem Pastellet est mentionné dans les actes suivants : ADPO 3E1/966 f° 9 v° et ADPO 3E1/966 f° 34 v°.

35 Quart d’une ayminate. Voir note supra.

36 « quendam furnum teulerium cum duabus areis eidem contiguis simul cum terra in qua est situm dictum furnum in terminis Elne orpoter muros dicte divitatis » (ADPO 3E1/969 f° 60 v°). Ce notaire devait donc tirer un gain de la vente de tuiles, briques et carreaux de terre cuite produits dans sa tuilerie pendant deux ans. Il est très difficile de connaitre les prix de ces tuiles. Il faudrait pour cela comparer plusieurs actes de vente, or ceux-ci sont très rares dans les sources étudiées. À titre d’exemple, 4 000 grosses cayrones, 2000 rajoles, 1 000 petites cayrones et 500 teulas ont été vendus pour un montant de 39 livres et 10 sous en 1437 (ADPO 3E1/974).

37 Il existe encore actuellement à Elne une rue de la tuilerie.

38 Sur la carte de Cassini figure le mot « tuilerie » à côté de la ville d’Elne.

39 3E40/23, 03/06/1411, cité dans C. Verna, L’industrie au village (Arles-sur-Tech, XIVe et XVe siècles). Essai de micro histoire, Inédit de l’HDR Entreprises des campagnes médiévales. Innovation, travail et marché (XIIe siècle-vers 1550), Université Paris 1, 2008, p. 39. Pour en savoir davantage sur l’industrie du fer dans les Pyrénées : C. Verna, Le temps des moulines : fer, technique et société dans les Pyrénées centrales (XIIIe-XVIe siècles), Paris, 2001.

40 C. Verna, L’industrie au village..., op. cit., p. 39.

41 ADPO 3E40/911, 19/12/1446, cité dans C. Verna, L’industrie au village…, op. cit., p. 39.

42 ADPO 1E/166, nf.

43 Il a enregistré seulement quatre actes le concernant. Les notaires pouvaient enregistrer gratuitement leurs actes. Cf R. Treton, « Prélude à l’histoire du notariat public à Perpignan et dans le comté de Roussillon », Le Gnomon, Revue internationale d’histoire du notariat, n° 167, 2011, p. 28 : « Le 22 octobre 1309, les deux régents, Arnau Ysern et Nicolau Camot, se rendent au palais royal afin d’obtenir de Jacques II la gratuité des actes destinés à leur usage personnel. Accédant favorablement à cette requête, le roi de Majorque ordonne que tous les scribes des études et des autres offices royaux ayant pouvoir de noter, rédiger et écrire des actes soient désormais quittes et francs de prestation sur le prix de leurs propres actes, testaments et autres instruments publics ».

44 Pour plus d’information, voir É. Capet, Un notaire au travail.., op. cit.

45 Ramon de Perellos fut nommé en 1421, à vie, à l’office de Gouverneur des comtés du Roussillon et de Cerdagne, vacant, par la démission de son beau-père. En 1426 il achète les lieux de Claira, Saint-Laurent-de-la-Salanque, Eus, Le Soler, Castellnou et Bellpuig à la reine Marguerite veuve de Marti d’Aragon. Le 30 septembre 1429, Alfonse V fit donation de la ville de Thuir à Ramon. Il mourut vers 1442. Lluis, son frère, exerça la direction intérimaire des comtés de Roussillon et de Cerdagne pendant le long temps que Ramon passa en Italie et en Sicile.


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