1Au delà de la carte d’identité administrative qu’établit pour les zones rurales, L’Etablissement Public de Coopération Intercommunale (E.P. C.I.), la communauté intercommunale devenue lieu majeur de décision et de financement a surtout montré sa légitimité auprès des communes « par ses capacités d’expertise et d’assistance technique, mais aussi ses fonctions d’interface avec les niveaux supérieurs » (ROULAND, 2006/ 22).

2Il n’en reste pas moins que si l’efficacité instrumentale de l’intercommunalité en zone rurale n’est pas contestable elle n’est obtenue qu’au prix de deux renoncements :

• l’impersonnalisation de ses structures décisionnelles,

• l’imperfection des périmètres soumis à une « cantonalisation » forcée.

3Il y a donc encore beaucoup à faire pour reconnaître dans la communauté de communes rurale la formalisation d’un territoire identitaire (I), sauf à substituer sur la base d’un territoire (historico, socio, économico) pertinent, à une intercommunalité de gestion, une véritable intercommunalité de projet (A).

4A condition également de dépasser la nécessaire gestion collective de proximité par la formalisation d’un territoire identifié à sa production de projets (B).

5Cette recherche identitaire, d’un territoire, ne peut pas se réduire à une institutionnalisation du pouvoir intercommunal, même légitimé par le suffrage universel.

6Les territoires ruraux plus que d’une formalisation organique de leur identité ont besoin pour construire leur devenir, de retrouver une véritable authenticité que le Pays à vocation à incarner (II). Dans sa Charte à la différence du projet production (de biens, d’équipements, de services, etc) il y a place pour un projet projection, véritable anticipation de l’avenir d’un territoire, fondée sur les potentialités patrimoniales et ses activités humaines (A).

7L’enjeu du Pays par la recherche de l’authenticité d’un terroir, peut permettre non seulement de renforcer l’identité d’un territoire, mais aussi de provoquer une intercommunalité intégrée (B).

I – La Communauté formalise l’identité administrative des territoires ruraux

A – De la coopération intercommunale de gestion à l’intercommunalité de projet

1°) La recherche d’un cadre territorial pertinent

8La quasi généralisation de l’échelon intercommunal (90 % des communes françaises sont adhérentes à un E.P. C.I.) consacre la territorialisation des politiques de développement local. C’est surtout dans les zones rurales qu’elle s’est affirmée. Cette visibilité plus grande de la territorialisation des politiques rurales tient à différentes raisons :

• faute de moyens, les stratégies municipales trouvent leur réalisation dans les pratiques de coopération intercommunale,

• les notables ruraux fonctionnent depuis longtemps en réseau,

• les systèmes productifs locaux impliquent des efforts de formation et de commercialisation à l’échelle supra-communale.

9Cette territorialisation des politiques de développement doit s’adapter au cadre institutionnel et géographique en place. Il y a alors deux possibilités :

• soit le cadre institutionnel et géographique se confondent et alors l’intercommunalité et les politiques de développement se nourrissent de cette cohérence. C’est souvent le cas dans les zones urbanisées,

• soit il y a dissociation entre le cadre institutionnel et géographique et alors se pose le choix du territoire pertinent pour les politiques de développement local. C’est d’ailleurs pratiquement toujours la situation en zone rurale.

10L’E.P. C.I. formalisera dans son périmètre l’un ou l’autre. Quel territoire pertinent incarnera alors la communauté de communes ? Celui correspondant au réseau de notables, celui regroupant les systèmes productifs locaux, mais ils sont très variables, ou celui reprenant les vieux syndicats intercommunaux du XIXè siècle ?

11Les efforts conjugués d’une part du système notabiliaire départemental (Conseil Général, Sénateurs, Association des Maires) et d’autre part de l’Etat par la pratique des subventions de ses services déconcentrés ont abouti à privilégier un cadre au développement rural même pas institutionnel mais seulement électoral : le canton.

12Il ne serait pas abusif de parler plutôt que de territorialisation des politiques de développement local de « cantonalisation ». Ce n’est là un cadre territorial pertinent ni géographiquement ni économiquement. Seule une gestion collective de services de proximité peut y trouver un terrain d’expression, mais on ne bâtit pas une intercommunalité de projet sur les dépouilles des SIVOM, SIVU, et encore moins une identité territoriale. Le cadre territorial pertinent à une intercommunalité de projet est encore à trouver. « Ce sont les reconfigurations territoriales de l’intercommunalité qui sont aujourd’hui en débat (...). L’élargissement tendanciel des agglomérations et la « dé-cantonalisation » des intercommunalités rurales semblent ainsi programmées, au risque d’exacerber les tensions avec le « système » départemental et de nombreux frottements entre les plaques tectoniques de l’organisation territoriale française » (ROULLAND, 2006 : 28).

2°) Le nécessaire dépassement d’une gestion collective de proximité

13Ce dépassement impose pour les communes rurales de repenser les limites territoriales des communautés de communes. Reproduire le découpage cantonal permet aux notables ruraux de satisfaire, par le biais de la structure intercommunale, les besoins en services de leurs populations communales et donc leur électorat potentiel.

14On peut parler de gestion collective en ce sens que le service est proposé et assuré à grande échelle qu’il s’agisse de la collecte des ordures ménagères, de l’eau, de l’assainissement etc. La proximité est également prise en compte en ce que même le simple hameau isolé est « couvert » par le service collectif. Ce que réussirent les S.I.V.U. et autres S.I.V.O.M. les communautés le reproduisent tout aussi efficacement.

15Cette gestion collective de proximité, ne contribue en rien à placer la communauté de communes dans une stratégie de projet qui passe inévitablement par une remise en cause du territoire de référence. Le territoire de projet ne saurait être réduit à une circonscription électorale. Pour dépasser la nécessaire mais non suffisante gestion collective des services de proximité, la communauté de communes doit se faire territoire de projet sans a priori de périmètre. Est-ce- le territoire qui façonne le projet ou est-ce le projet qui révèle le territoire ?

16« Absorber le territoire dans sa diversité (...) Bâtir et formuler un projet sur le long terme (...) Adapter L’organisation du territoire au projet » (CLEMENT et GORGEU, 1999 : 12-13). C’est le projet qui justifie le périmètre pertinent de l’intercommunalité de projet.

17Le territoire va donc s’organiser autour du projet, lequel est invariablement régi par les trois étapes suivantes :

• réalisation d’un diagnostic,

• définition d’objectifs,

• mobilisation de moyens.

18C’est le projet qui institue la communauté à travers l’identification, la connaissance et la mobilisation d’acteurs s’engageant en commun, le choix d’orientations à long terme pour traiter les enjeux de développement durable et la mise en place de structures d’action.

19Si l’on veut que l’espace communautaire se confonde avec un territoire de projets, il est nécessaire de rechercher ses caractères spécifiques débouchant inévitablement sur la reconnaissance d’un caractère identitaire. Cette démarche consistant à découvrir une identité territoriale pour légitimer un territoire de projet aboutit à imposer à la structure intercommunale d’exprimer un projet-production.

B – Le projet-production, formalisation d’une identité territoriale

1°) L’Identité territoriale révélée par la production de projets communaux

20Ce que l’on entend par projet-production c’est la démarche consistant pour la communauté de communes, à satisfaire, à partir d’un échelonnement dans le temps, les projets tant individuels que collectifs. Chaque commune y trouve satisfaction à son heure et la somme des satisfactions des intérêts communaux représente la réussite collective du territoire communautaire. L’identité territoriale est alors construite par l’action résultant du projet. « Ces identités quand elles ne sont pas imposées par le haut et qualifiées alors de « légitimantes », sont tantôt des identités de « résistance », tantôt identités de « projet » (DEBARBIEUX, 2006 : 350).

21Plus la communauté produit des projets plus elle formalise son identité territoriale, plus elle la renforce aussi.

22Dans les zones rurales le lien entre actions publiques et identité territoriale est d’autant plus fort que la production de projet est la condition de survie des petites communes. En finançant une salle des fêtes, non seulement la communauté de commune offre un espace public, mais elle permet aussi à la chorale communale de perpétuer un répertoire de chansons locales.

23Cependant, la langue, la géographie, l’histoire, l’exaltation des origines, les pratiques culturelles ne suffisent pas pour affirmer une identité territoriale. Il y faut aussi ressentir le désir des populations par delà les frontières communales de vivre ensemble. Comme la vie c’est le mouvement, vivre ensemble ce n’est pas rechercher à tout prix les caractères immuables du passé, proclamer sa conviction d’appartenir à une espace territorial. L’identité territoriale n’est pas fixée une fois pour toute dans le temps et dans l’espace. Elle se nourrit, elle s’enrichit de contacts, d’échanges, de débats.

24« Plutôt que d’émotions superficielles, c’est de l’adoption d’un projet pour l’avenir, notamment de principes caractérisant une culture démocratique, que peut naître une identité politique partagée » (LACROIX, 2004 : 83).

25C’est alors le rôle de la structure administrative intercommunale, de représenter cette identité politique partagée, expression directe d’une identité territoriale revendiquée. Deux réserves viennent cependant relativiser l’importance de la communauté dans l’affirmation d’une telle identité territoriale

• le déficit de légitimité démocratique des institutions communautaires,

• l’impossibilité du projet-production à incarner la complexité d’une identité territoriale.

2°) Un déficit d’identité collective partagée

26Le projet production formalise, l’identité territoriale d’un espace, il est cependant insuffisant pour fonder une identité collective partagée. C’est là tout l’enjeu du passage de territoires de projets à un véritable projet de territoire. Parce qu’elle n’est qu’établissement public de coopération intercommunale la communauté certes formalise, institutionnalise une certaine identité de territoires ruraux ; sans doute la production de projets contribue-t-elle à révéler une identité territoriale, mais, nonobstant l’absence de légitimité démocratique, elle se révèle incapable d’incarner, de soutenir un projet de territoire. La multiplication des projets renforce l’identité territoriale, elle ne permet pas pour autant d’en satisfaire toutes les exigences notamment celles qui doivent permettre d’aboutir à une identité collective partagée.

27Le projet de territoire est autrement plus ambitieux qu’un territoire de projets. Produire, financer des actions publiques, permet certes de mobiliser les acteurs locaux, de révéler même une certaine identité territoriale mais ne repousse pas les dangers de « l’entre-soi intercommunal ». Au final, l’intercommunalité de projets a certes pris le pas sur l’intercommunalité de gestion. Mais confinée dans des limites cantonales, formalisant en les distribuant, les projets communaux, elle a certes contribué à la reconnaissance d’une identité des territoires ruraux, mais ne dépassant pas véritablement la seule dimension administrative et règlementaire.

28Plus encore que la révélation d’une certaine identité des territoires ruraux, c’est désormais l’affirmation de leur authenticité qui va fonder leurs perspectives d’avenir. On ne parlera plus de projet-production, mais de projet-projection, stratégie permettant la réalisation d’un véritable projet politique de développement. On ne se réfèrera plus non plus à l’intercommunalité administrative, mais plutôt à celle, intégrée, toute entière tournée vers le projet de territoire : le Pays.

Il – Le Pays fonde L’authenticité ressentie des territoires ruraux

29Dans la construction du sentiment d’appartenance territoriale, la communauté peut sans doute institutionnaliser une identité formelle, elle est cependant insuffisante pour exprimer une authenticité seul fondement d’une identité partagée.

A – La recherche d’une authenticité rêvée

1°) Privilégier une territorialité vécue et émotionnelle

30On a trop souligné le caractère à tout le moins réducteur de la confusion circonscription cantonale, périmètre communautaire en zone rurale pour ne pas revenir sur la problématique du « territoire pertinent » comme support d’une authenticité rêvée, voulue, reconnue. Plutôt que de reprendre le credo du « territoire pertinent », périmètre privilégié de l’action publique communautaire, il serait plus judicieux de rechercher à quoi peut correspondre un espace de développement certes mais préservant une ruralité héritée et revendiquée.

31« L’intercommunalité progresse, certes, mais des frontières s’érigent ou s’accentuent, qui ont de moins en moins de raisons d’être. Leur dépassement est sans doute un enjeu aussi important pour l’avenir que celui de l’intégration supra-communale à l’intérieur des périmètres de communauté ». (VANIER, 2002 : 82).

32Au-delà du périmètre communautaire, il existe un espace à découvrir, à révéler : une campagne vraie.

33L’enjeu est de rechercher un autre cadre territorial à l’action publique locale (et pas seulement communautaire).

34L’alternative est alors la suivante :

35• soit on retrouve une territorialité imposée par le haut, abstraite, d’essence idéologique et politique,

36• soit on privilégie une territorialité par la base, vécue et émotionnelle.

37La seconde proposition correspond plus à l’authenticité révélée de l’espace rural. Ce lieu recherché se rattache aux populations qui lui manifestent un véritable sentiment d’appartenance, d’attachement qu’il s’agisse,

38• du lieu symbole des origines familiales,

39• du lieu synonyme de souvenirs, d’évènements,

40• du lieu envisagé comme support de relations sociales.

41On rompt carrément avec le mythe d’une identité correspondant à un cadre politique territorial pré-établi (communal, cantonal, d’arrondissement), mais alors on se lance dans une recherche aventureuse d’une authenticité spatiale, à découvrir si tant est qu’elle existe.

42La construction de ces espaces ruraux rêvés nécessite la prise en compte de « temporalité nouvellement mises à jour, soit naturelles, soit culturelles, par lesquelles les (...) groupements peuvent prétendre faire durer leur identité dans le temps » (MICOUD, 2004 : 14).

43Il faut rechercher dans ces imaginaires et ces pratiques les fondements d’une identification territoriale. Sans pour autant ignorer les modes de régulation propres à ses espaces, se pose donc la question du référent institutionnel. « On pense par exemple à la politique des « Pays » en France qui fait la part belle à la valorisation du cadre naturel et du patrimoine (...) Par conséquent les expressions territoriales de certaines identités collectives émergentes (...) suscitent (...) leurs propres formes de régulation qui vise à pérenniser les constructions correspondantes » (DEBARDIEUX, 2006 : 351).

2°) Le Pays porteur d’un projet de territoire

44Le partage des prérogatives et moyens d’actions entre les communes ne permettent pas d’instituer un mode de régulation adapté à cette forme de territorialité vécue. Le référent institutionnel le mieux adapté aux enjeux d’une authenticité spatiale semble être le Pays.

45« La mise en place des Pays représente une opération ambitieuse qui vise à intégrer les dimensions politiques et économiques du développement (...) Dans l’échelon des maillages territoriaux de gestion publique, le Pays prend place dans un espace quasiment libre de toute organisation administrative et politique (...) La délimitation du Pays (...) repose sur des critères d’homogénéité dans lesquelles interviennent les dimensions historiques et culturelles » (AUBERT et LEPICIER, 2004 : 30).

46Le Pays, seul, peut concourir à la recherche d’une authenticité territoriale grâce à la plasticité de son découpage géographique, à la souplesse de ces modalités de fonctionnement et surtout à la rédaction d’une Charte, véritable projet de territoire, compromis entre de multiples trajectoires possibles et des usages alternatifs de ressources locales par nature limitées.

47« L’exigence principale se place, de ce fait sur le travail de production d’un projet de territoire. Cela suppose des investissements dans un capital commun qui favorise, par construction progressive de règles et de conventions, la compréhension mutuelle et la signification des objets du développement » (AUBERT et LEPICIER, 2004 : 29).

48Le Pays porte un projet de territoire, à la différence de la communauté qui fédère des territoires de projets. La démarche de projet est alors de nature différente. Le projet-production contribue à l’identité de l’espace communautaire en ce qu’il légitime les stratégies communales en satisfaisant les besoins Locaux identifiés et hiérarchisés.

49A l’inverse, le projet-projection à une échéance de dix ans, fonde l’authenticité du territoire du Pays en ce qu’il construit un projet collectif de développement endogène centré sur l’offre et les potentialités de l’espace rural. La Charte formalise une capacité d’action collective à même de valoriser les ressources locales. Cette valorisation sera d’autant plus réussie, que l’authenticité des territoires, se révèlera à travers cette expression profonde d’un imaginaire rêvé : le terroir.

B – Le projet-production construit une authenticité révélée à l’image d’un terroir

50Le projet-production ne fait que faciliter le passage d’une identité territoriale, à une authenticité spatiale qui ne saurait se limiter à un territoire géographique seulement pertinent.

1°) L’émergence d’un espace patrimonial : le terroir

51Le terroir exprime un nouveau type de rapport à l’espace. Ce dernier est vécu non seulement comme une entité géographique mais aussi comme un patrimoine à protéger, à valoriser. « La patrimonialisation est un processus dynamique qui aide à penser le lieu entre le temps les hommes et les espaces. Cette représentation tripartite temps/homme/espace rappelle la vision triangulaire du terroir rattaché aux notions des temps/tradition/lieu » (BERARD et MARCHENAY, 2004 : 18).

52Le terroir n’est pas forcément un espace homogène, c’est un espace géographique profond et polysémique. Il représente un lieu de savoirs, de pratiques, de traditions et d’usages localisés. Seul le projet de territoire engendré par le Pays peut révéler cette « permanence du passé dans le présent » parce que la Charte repose sur les cinq principes suivants :

• aborder le territoire sans sa diversité,

• bâtir et formuler un projet sur le long terme,

• accorder une large place à la participation,

• organiser le partenariat et les alliances,

• adapter l’organisation du territoire au projet.

53C’est ce dernier point qui est fondamental. La projection décennale engagée par le projet de territoire dans la charte de Pays, contient en elle-même les limites de l’espace patrimonial. C’est lui qui devient la référence, qui garantit la « pertinence » territoriale. La reconnaissance dans une Charte d’un espace patrimonial, ne suffit pas à constituer un terroir. Encore faut-il lui associer une véritable stratégie de développement local. En effet, Le terroir est constitué d’interactions complexes entre un ensemble d’actions et de techniques conduites par des hommes, une production localisée et un milieu physique à valoriser par un bien, un produit auquel il confère une originalité particulière.

54Le terroir, cet espace patrimonial, devient le fondement du territoire de développement local.

55« Un pays est ainsi une micro-région dans laquelle la démarche de développement local consiste dans la formation d’une capacité d’action collective à même de valoriser les ressources locales en fonction à la fois des attentes de la communauté locale et de l’inscription dans les champs de force généraux » (AUBERT et LEPICIER, 2004 : 28). Il ne s’agit pas d’opposer la légitimité administrative du territoire communautaire à la légitimité économique du terroir des Pays, mais plutôt de faire remonter l’authenticité d’un projet de territoire, dans les stratégies des échelons institutionnels classiques communaux et intercommunaux.

2°) Le Pays expression d’une intercommunalité intégrée

56La reconstruction identitaire des communautés en zone rurale impose d’associer la démarche institutionnelle des E.P. C.I. à la projection spatiale contenue dans les chartes de Pays.

57Sans doute les références patrimoniales sont-elles essentielles pour fonder une authenticité d’un terroir, mais elles doivent être associées à une capacité institutionnelle. Plutôt que d’entretenir des émotions parfois superficielles, que de nourrir des nostalgies passéistes, voire de « muséifier » certains espaces, la cohérence entre espace rêvé et espace institutionnel doit se réaliser dans une démarche d’intercommunalité intégrée. Que la campagne patrimonialisée devienne un territoire de développement local. L’une se nourrit de l’autre. Les porteurs de projet de territoire du Pays seront les intercommunalités renonçant à empiler des territoires de projets communaux, à pratiquer la compétition pays-communautés, à imposer un pouvoir hégémonique local. « De fait le pays est un échelon fort de coordination là ou il constitue une intercommunalité intégrée (déposant par conséquent des moyens de sa politique) ou bien lorsque des acteurs économiques forts ont su s’imposer aux autres acteurs institutionnels » (GUERIN et MOQUAY, 2007 : 14).

58Le Pays peut permettre au communautés de dépasser le clivage stérilisant communes-communautés, en apportant au pouvoir institutionnel et financier fort des communautés, une authenticité, une légitimité au service du développement local dans un espace patrimonial au sein duquel les communes trouvent naturellement à satisfaire leurs besoins dans le cadre d’un vrai projet de territoire.

59La politique des Pays, relancée en 1995 et réformée par la loi d’orientation pour L’aménagement et le développement durable du territoire (L.O.A.D.D.T.) synthétise la territorialisation des politiques publiques autour des E.P. C.I. et des Pays.

60C’est surtout dans les zones rurales que cette territorialisation trouve à s’exprimer, mais subit les effets négatifs de l’opposition territoire de projets/projet de territoire. Sur la forme, l’institution communautaire l’emporte sur l’organisation Pays. En revanche, sur le fond, « l’élaboration de stratégies intégrées est adaptée aux caractéristiques économiques et aux opportunités de développement des zones rurales (...). Travailler à l’échelle supra-communale, en recherchant des réponses aux enjeux identifiés, semble un gage d’efficacité (...). Les démarches de valorisation de productions agricoles de qualité, autour de terroirs, les initiatives visant à confronter des systèmes productifs locaux (...) ne peuvent se raisonner qu’à l’échelle de territoires suffisamment vastes pour rassembler les acteurs intéressés et de disposer de ressources (humaines ou financières) suffisantes ». (CALLOIS et MOQUAY, 2005 : 158). Le projet de territoire de Pays, pour tout ce qu’il représente en terme d’enjeux du développement local, doit transcender les stratégies intercommunales grâce à une patrimonialisation d’un espace vécu.

Conclusion

61L’image est classique, les territoires ruraux sont à la croisée des chemins. Pour ceux qui veulent, nombreux, se singulariser des logiques urbaines, l’intercommunalité de gestion puis de projet a longtemps permis de maintenir les services et besoins de proximité des populations rurales. On pouvait même aller jusqu’à reconnaître une certaine identité locale à ces territoires de projets.

62Ils se révèlent insuffisants pour enclencher de véritables politiques de développement local. L’identité administrative ne suffit plus. Seul le Pays par la formalisation dans sa Charte d’une authenticité territoriale, par sa volonté de dépasser les circonscriptions règlementaires ou électorales pré-établies, par son adhésion au portage d’un projet de territoire, peut dans le cadre d’une intercommunalité intégrée, créer les conditions d’une patrimonialisation des territoires ruraux, fondement d’un possible développement économique local.