Introduction

1D’une activité de sentier réservée à une élite aristocratique et bourgeoise, le tourisme s’est massifié et démocratisé pour toucher toutes les couches sociales, et ce en raison de l’instauration des congés payés et de l’augmentation de la croissance économique mondiale. Aussi, les immenses progrès techniques et technologiques, notamment dans le domaine des transports, de l’information et de la communication, de même que la grande tendance à la démocratisation du droit aux vacances et l’allongement du temps de loisirs, lui ont déjà permis de s’imposer comme une activité en progression continue.

2Au niveau mondial, le tourisme est depuis quelques années le troisième secteur exportateur, juste derrière les industries pétrolières et automobiles. L’importance de l’économie touristique n’est donc pas secondaire. Et cette activité, qui était jusqu’à récemment le parent pauvre d’une science économique prisonnière d’une vision « matérialiste » des mécanismes et transactions économiques, puisque très attachée aux études rurales et industrielles, a permis, comme d’autres activités, à l’étude et l’analyse économiques des services de conquérir un grand intérêt et une légitimité, étant donné la croissance particulièrement remarquable dont elle fait L’objet aussi bien au niveau de sa part dans le PIB mondial ou son importance dans la création de l’emploi.

3La demande touristique n’est plus un résidu de la consommation globale mais une forme de besoin intrinsèque à la société « postmoderne. » Plus qu’un simple phénomène de civilisation, le tourisme devient l’image même de la société moderne construite sur les valeurs de mobilité, de la communication, des loisirs et de la mondialisation des économies et des cultures.

4Contrairement aux modes de développement de certains pays, influencés par des options idéologiques, tels l’Algérie, Cuba ou la Birmanie, etc., qui voyaient dans le tourisme le dernier cheval de Troie favorisant l’ultime soumission aux intérêts occidentaux, le Maroc, quant à lui, a toujours été un pays traditionnellement ouvert au tourisme et aux autres activités liées à l’extérieur.

5Pays non producteur de pétrole et doté de potentialités touristiques, naturelles et socioculturelles, le Maroc s’est donné l’ambition de devenir un pays touristique. En effet, si la tradition touristique du pays est ancienne et date de l’époque du protectorat où des touristes, notamment français et espagnols, séjournaient dans les grandes villes, le Maroc n’a adopté une véritable politique touristique qu’au lendemain de son accession à l’indépendance.

6En vue de réorienter sa politique économique vers la satisfaction des besoins fondamentaux et relancer le développement économique et social qui s’imposait, le Maroc indépendant allait retenir un système de planification et fixer les priorités sectorielles. Ainsi, le tourisme figurait parmi les secteurs prioritaires, comme l’agriculture et les infrastructures de base. Suite à leur mission au Maroc au début des années 60, les experts de la Banque Mondiale ont recommandé aux responsables marocains d’accorder au secteur touristique une place primordiale dans la politique du développement du pays.

7Dans plusieurs pays en développement, ayant des potentialités touristiques, l’intégration du tourisme dans les choix de spécialisation a été largement recommandée par la Banque Mondiale, en référence aux préceptes et postulats des avantages comparatifs, voyant dans ce secteur une clé pour leur développement socioéconomique global.

8L’Etat s’est beaucoup impliqué dans le financement de cette activité économique, notamment dans l’industrie hôtelière, les infrastructures aéroportuaires et dans l’aménagement de certaines zones touristiques. En effet, le retournement de conjoncture suite à la conjugaison de facteurs tant internes qu’externes, a affecté les finances publiques nationales et le commerce extérieur du pays et a pesé lourdement sur l’économie du pays en aggravant sa crise financière à la fin des années 70.

9La dette extérieure a obligé le pays à abandonner, durant une période, la référence aux plans pour adopter une politique de gestion de la crise en vue d’assurer principalement une viabilité au niveau de la balance des paiements. Cette situation explique pourquoi le tourisme, comme les autres activités tournées vers l’extérieur, n’a été traité que comme un pourvoyeur de devises. Toutefois, cette vision des choses, celle de ne voir en le tourisme qu’un simple pourvoyeur de devises, n’a pas pu durer pour longtemps, puisqu’à partir de la moitié de la décennie 90, aussi bien l’aggravation de plusieurs problèmes que l’émergence de nouvelles attentes ne vont pas manquer de pousser les principaux acteurs du secteur – gouvernement et professionnels – à se rapprocher pour coordonner leurs actions et mieux organiser le secteur.

10Après une longue durée d’ajustement structurel, il s’est avéré que les résultats au niveau macroéconomiques ne sont pas très satisfaisants puisque la dette extérieure est toujours importante et que le déficit commercial n’a pas souvent permis de dégager de soldes commerciaux positifs et permettre le remboursement du service de la dette. Malgré ses préoccupations macroéconomiques et la vision comptable que le gouvernement a adoptée vis-à-vis de la contribution du secteur touristique, cela lui a permis de compenser que partiellement le déficit commercial par les recettes de devises issues du tourisme international.

11Cette situation combinée avec des impacts négatifs, notamment sociaux, d’une politique économique trop axée sur le rétablissement des grands équilibres macroéconomiques, a poussé l’Etat à dépasser le traitement réservé à un secteur longtemps considéré comme une « industrie rentière », et s’orienter vers une refondation d’un nouveau rapport avec les systèmes productifs en reconsidérant les effets sur la viabilité des entreprises et des territoires.

12C’est dans ce contexte difficile pour le secteur touristique, tant du point de vue de son organisation que de sa gestion, et dans l’esprit de mettre en avant un autre type de gouvernance que la stratégie touristique relative à « la Vision 2010 » va être encouragée. Il s’agit d’un Accord-cadre signé en janvier 2001 entre le gouvernement et les professionnels du secteur qui véhicule une nouvelle manière de gérer le secteur, basée sur la logique du partenariat et contient un nombre de mesures et de propositions à mettre en œuvre dans le but de rendre la destination « Maroc » plus attractive et atteindre le nombre de 10 millions de touristes d’ici 2010. Le partenariat entre le gouvernement et les acteurs de l’industrie touristique vise principalement une meilleure coordination et un bon pilotage de la politique touristique en vue d’assurer un important impact économique.

13En effet, si les principaux acteurs du secteur sont toujours optimistes quant aux objectifs fixés et déterminés à poursuivre leurs efforts dans Le cadre des mêmes engagements pris initialement, ils ont été amenés toutefois, il y a quelques mois, à revoir leur stratégie, trop guidée par des aspects quantitatifs. En effet, des phénomènes relatifs à la dégradation de l’environnement – défiguration des paysages, rareté de l’eau, manque d’entretien des monuments et sites culturels et naturels, etc. – et à la prolifération de la prostitution en lien avec le tourisme international, ont poussé les pouvoirs publics à se rattraper pour intégrer à la stratégie touristique des objectifs plus soucieux du respect des territoires et des sociétés d’accueil. A ce titre, il a été procédé à la création du Comité Marocain pour un Tourisme Responsable, qui regroupe les pouvoirs publics et les professionnels des entreprises de l’industrie touristique.

14Toutefois, le fait de se faire de nouveaux soucis quant à l’impact du tourisme sur les ressources naturelles et sur les habitudes de vie de la population, cela ne signifie nullement une révision de la vision 2010 et son objectif d’atteindre 10 millions de touristes d’ici 2010. Tout en poursuivant les mêmes engagements devant aboutir à cet objectif, la mission du C.M.T.R. est seulement de sensibiliser les différents acteurs concernés par cette activité sur ses effets « pervers » liés à son développement.

15Du fait que le développement touristique n’a pas que des bienfaits pour l’économie et la société d’un pays et qu’il peut être générateur de dégâts et d’externalités négatives sur les ressources naturelles et socioculturelles, toute stratégie touristique, qui doit répondre à plusieurs attentes et prendre en considération des enjeux multiples, ne peut se faire selon les seules lois du marché sans organisation et encadrement. Partant de là, une stratégie et un mode de gouvernance plus appropriés sont indispensables pour mieux tirer profit des bienfaits du développement touristique et éviter à ce que les effets négatifs ne l’emportent sur ceux positifs.

16Dans quelle mesure la stratégie touristique marocaine a-t-elle pris en compte les enjeux du développement touristique, en vue de mieux assurer une conciliation entre les impératifs de la viabilité (rentabilité et compétitivité) et les exigences de la durabilité (soutenabilité et pérennité) ?

17Ainsi, pour bien cerner cette problématique, nous allons nous pencher, dans un premier temps, à démontrer le rôle dévolu au tourisme dans la stratégie de développement économique et social du pays pour permettre de comprendre comment ce secteur d’activité économique a été appelé à s’adapter aux mutations et métamorphoses que connaît l’économie marocaine depuis l’indépendance. Ensuite, nôtre analyse va être focalisée sur la nécessité pour le pays de planifier la contribution touristique dans le cadre d’une stratégie globale prenant largement en compte les préoccupations liés au développement durable, c’est-à-dire d’opter pour une stratégie touristique, soucieuse non seulement d’assurer la rentabilité économique et financière, mais de permettre également la sauvegarde de l’intégralité des ressources naturelles, historiques et culturelles.

I/ Stratégie économique et tourisme

Naissance de la politique touristique et omniprésence de l’État

18A la veille de l’indépendance, le Maroc a hérité du colonialisme un potentiel important en matière d’offre touristique (infrastructures en routes, ports et aéroports, hôtellerie, etc.). Toutefois, même si cette période laisse son empreinte sur l’offre touristique, on ne peut encore véritablement parler de politique touristique durant le protectorat. Il faut attendre le début des années 60 pour voir s’amorcer une véritable politique touristique du pays.

19A partir de 1965, date à partir de laquelle on peut véritablement parler de la naissance d’une politique touristique, le tourisme figure parmi les secteurs prioritaires et constitue un élément central de la politique économique marocaine.

20La naissance d’une véritable politique touristique qu’à partir des années 60, lorsque les pouvoirs publics, encouragés par les recommandations de la Banque Mondiale, ont décidé de mieux valoriser les potentialités du pays dans le sens de la réalisation du développement économique et social du pays.

21Avec l’entrée en vigueur du plan 1973-1977 destiné à relancer l’économie, l’Etat entend orienter son rôle vers un interventionnisme encore plus massif, à travers la politique de régionalisation, via l’extension du secteur public et par l’adoption d’un code des investissements touristiques.

22L’Etat s’est beaucoup impliqué dans le financement de cette activité économique, notamment dans l’industrie hôtelière, les infrastructures aéroportuaires et dans l’aménagement de certaines zones touristiques à travers des sociétés, comme la SONABA (Société nationale pour l’aménagement de la baie d’Agadir) et la SNABT (Société nationale pour l’aménagement de la baie de Tanger). Le boom des prix du phosphate, principale matière d’exportation du pays, a énormément permis au pays de continuer à financer cette industrie et les programmes de développement et d’infrastructures.

Crise d’endettement et tourisme

23Cet interventionnisme accru de l’Etat sera remis en cause par une conjoncture économique et financière difficile dans laquelle s’est trouvée confrontée l’économie marocaine. En effet, le retournement de la conjoncture, suite à la forte baisse des prix du phosphate sur le marché international et le second choc pétrolier, facteur externes conjugués à des facteurs internes, notamment le problème de la sécheresse et la hausse des dépenses militaires, a affecté les finances publiques nationales et le commerce extérieur du pays. La conjugaison de facteurs, tant externes qu’internes, a pesé lourdement sur l’économie du pays en aggravant sa crise financière à la fin des années 70.

24A partir de 1978, la priorité accordée au secteur du tourisme n’est plus la même qu’auparavant puisque l’Etat, en crise financière, opte pour son désengagement de l’industrie du tourisme. En raison de la crise d’endettement, la politique économique en matière du tourisme sera marquée par les objectifs plus modestes, un retrait de l’Etat qui cherche à réduire la taille du secteur public et semi-public en encourageant la privatisation de nombre d’hôtels.

25Confronté à une crise aigue au niveau de sa balance des paiements, le gouvernement marocain s’est trouvé incapable d’honorer ses engagements financiers vis-à-vis de ses créanciers. Pour bénéficier du rééchelonnement de sa dette extérieure ayant atteint des proportions alarmantes en 1983, le gouvernement marocain s’est trouvé obligé de souscrire à un programme d’ajustement structurel (P.A.S.), sous la houlette du F.M.I. et de la Banque Mondiale.

26Le principal objectif du P.A.S. est le rétablissement des grands équilibres macroéconomiques, notamment la réalisation de soldes commerciaux positifs, en vue d’assurer une viabilité au niveau de la balance des paiements et rembourser, de ce fait, le service de la dette. De ce fait, les activités tournées vers L’extérieur, comme le tourisme, sont encouragées en tant que pourvoyeurs de devises.

27Partant du fait que le pays souffre d’un déficit structurel et chronique au niveau de son commerce extérieur, le tourisme est appelé à couvrir, par ses recettes de devises, une partie de ce déficit, dû principalement au déficit enregistré au niveau de la balance alimentaire et surtout énergétique. A travers la compensation du déficit commercial, le tourisme doit contribuer à l’équilibre, voire à la réalisation d’un solde créditeur au niveau de la balance des paiements. En effet, la contribution des recettes de voyages à la balance de paiements a atteint le montant de 40,9 milliards de dirhams pour l’année 2005.

28Toutefois, l’exacerbation de certains problèmes financiers et également sociaux, liés au fonctionnement du secteur lui-même le rendant moins viable ou à toute l’économie nationale incapable de permettre l’absorption d’un chômage grandissant, a permis un rapprochement entre les acteurs (pouvoirs publics et professionnels) pour mieux organiser ce secteur, en encourageant l’optimisation des relations de partenariat, et le rendre plus viable sur les plans financier, économique et social.

Emergence de la Vision 2010 : ses soubassements et ses objectifs

29Si son désengagement de l’industrie du tourisme est irréversible, l’Etat est de plus en plus sollicité par les professionnels dans l’organisation et la promotion du secteur, notamment par le biais de mesures incitatives aux investissements touristiques et de celles relatives à l’aménagement du territoire et de la prise en charge de certaines infrastructures.

30C’est ainsi que dans le but de lever ces handicaps, les pouvoirs publics et les professionnels du secteur ont conclu, en janvier 2001, un accord-cadre 2001-2010, dont l’objectif est de multiplier par quatre les flux de touristes internationaux, pour les porter à 10 millions à l’horizon 2010. Les pouvoirs publics et les opérateurs privés ont décidé, dans un esprit de partenariat, de mieux exploiter les atouts du pays et de faire du secteur une locomotive de son développement. L’objectif de 10 millions de touristes en 2010 suppose une forte augmentation des capacités d’hébergement (80 000 chambres supplémentaires) pour laquelle le pays se tourne vers les investisseurs étrangers, notamment français (Accor, FRAM, Club Méditerranée...).

31Ainsi, le Maroc qui s’est donné comme objectif d’attirer 10 millions de touristes d’ici 2010, doit développer sa capacité d’hébergement, notamment les hôtels classés, qui n’ont pas encore atteint la norme de l’O.M.T., soit 150 000 lits, alors que les destinations concurrentes, en l’occurrence la Tunisie et l’Egypte, sont mieux dotés sur ce plan. Parmi les principaux pays touristiques méditerranéens, seul le Maroc dispose encore d’une capacité d’accueil en deçà du seuil de la norme de l’0. M. T, soit 124 270 lits pour 2005.

32Dans le cadre de sa stratégie touristique visant d’accueillir 10 millions de touristes d’ici 2010, Le Maroc compte exploiter tous les atouts dont il dispose à travers la diversification de son produit. A ce titre, l’offre balnéaire, dont Agadir était la seule station ayant le caractère international, est appelée à augmenter par l’aménagement de six stations balnéaires en cours de réalisation. Aussi, une stratégie de développement du tourisme rural a été élaborée pour exploiter se segment d’activité de plus en plus demandé par des touristes pratiquant l’écotourisme et le sport en montagne. D’autres segments d’activité sont entrain de se développer, comme le golf, les congrès, etc.

33C’est dire qu’une époque est révolue où les destinations bénéficiaient d’un certain singularisme au niveau de certains segments d’activités, souvent du fait que le tourisme international n’avait pas beaucoup intéressé certains pays dans le passé, disposant pourtant de ressources importantes dans ce domaine, et ce pour des raisons d’ordre politique, idéologique ou moral.

34En effet, si la diversification des produits touristiques est une question très importante dans le cadre de la stratégie marocaine, il n’en demeure pas moins que l’encouragement et l’amélioration des moyens de transport, d’accueil et de formation sont aussi très importants pour accompagner le développement touristique.

35Certes, dans le domaine du transport, des efforts importants ont été déployés pour mieux doter le pays en infrastructures routières, autoroutières et aéroportuaires. Dans ce cadre, des travaux d’aménagement et d’agrandissement sont entrain d’être effectués au niveau des grands ports, tel celui de Tanger, et de plusieurs aéroports, notamment à Ouarzazate, Rabat, Fès, Casablanca et Agadir, etc.

36Comparativement à certains pays directement concurrents, comme la Tunisie ou l’Egypte, les tarifs du transport aérien pour se rendre au Maroc sont plus bas ces dernières années, surtout depuis la libéralisation du transport aérien qui a accompagné le lancement de la « Vision 2010 », stratégie visant d’attirer 10 millions de touristes d’ici 2010. Au Maroc, l’arrivée des low cost induit une nouvelle donne que Royal Air Maroc (RAM) subira de plein fouet puisque les prix connaissent des baisses très importantes.

37La demande touristique internationale adressée au Maroc est saisonnière et concerne principalement le balnéaire et le culturel. Toutefois, d’autres segments d’activité, comme le tourisme rural et des congrès, font de plus en plus l’objet d’une demande internationale. Les touristes français sont les principaux clients du tourisme marocain, suivis des allemands. Ainsi, le tourisme français se développe au Maroc d’une manière très encourageante, principalement en faveur des destinations du sud du pays, Marrakech et Agadir notamment, mais également à travers le tourisme culturel très apprécié par les français (circuit des villes impériales) auquel il faut ajouter le tourisme sportif (trekking, randonnée notamment).

38Les fréquentations touristiques (arrivées et nuitées) sont très concentrées au niveau des deux principales villes du tourisme marocain, Agadir et Marrakech, qui à elles seules enregistrent plus de 50 % des nuitées réalisées dans les hôtels classés. Sur un total de 15 215 589 nuitées pour 2005, les villes de Marrakech et d’Agadir ont enregistré respectivement 5 333 831 et 4 451 871 nuitées. Certes, la demande touristique connaît une augmentation ces dernières années, mais on est encore loin de l’objectif des 10 millions de touristes devant être attirés d’ici 2010. Ainsi, au titre du tourisme récepteur, les arrivées pour 2005 sont de 5 843 377, dont 3 055 552 touristes internationaux de séjour et 2 787 825 concernent les résidents marocains à l’étranger.

39En effet, le budget de promotion de la destination « Maroc », qui est de 350 millions de dirhams en 2005, contre 120 millions de dirhams en 2002, est toujours en deçà des recommandations de l’O.M.T. qui estime le minimum à attribuer pour la promotion de 600 millions de dirhams.

40En dehors des villes comme Marrakech, Agadir et Casablanca, presque toutes les autres destinations du pays n’arrivent pas à avoir des taux d’occupation des chambres de leurs hôtels supérieurs à 50 %. Les flux touristiques demeurent concentrés au niveau des grands pôles touristiques, Agadir et Marrakech.

41Le Maroc compte beaucoup sur le tourisme pour assurer une croissance soutenue à même d’absorber un chômage galopant et favoriser la viabilité des entreprises. La croissance économique marocaine était pendant plusieurs années intimement liée aux performances enregistrées par le secteur agricole. Cependant, le problème cyclique de la sécheresse n’a pas manqué de pousser les responsables du pays à préférer tirer cette croissance par d’autres secteurs, comme le tourisme, en vue de s’affranchir de la dépendance vis-à-vis de l’agriculture dont le produit demeure aléatoire. « Le ciel qui fait le malheur des petits paysans peut rendre heureux les marchands des loisirs ! ». Cette idée n’a pas manqué d’inspirer certains responsables de la Fédération du Tourisme.

42Jusqu’à maintenant, le tourisme n’a jamais dépassé 8 % du P. I.B. Parmi les engagements de la vision 2010, figurent la réalisation d’un taux annuel moyen de croissance de toute l’économie nationale de 8,5 % sur la période 2000-2010, et de 20 % de contribution du tourisme au PIB national en 2010.

43En effet, l’autre fonction principale du tourisme, et d’ailleurs celle qui a toujours guidé les décideurs politiques, est celle de pourvoyeur de devises. Si la stratégie touristique du pays se fait de nouvelles préoccupations quant à l’impact socioéconomique du tourisme, sa contribution pour assurer des soldes commerciaux positifs a été la principale fonction qui lui était dévolue pendant plusieurs années. Une vision purement comptable a longtemps dominé le rapport de l’Etat vis-à-vis des secteurs pourvoyeurs de devises.

44La crise d’endettement a aggravé la situation économique du pays, notamment sa situation financière, ce qui été à l’origine de la mise en œuvre d’une politique économique trop soucieuse du rétablissement des grands agrégats macroéconomiques. Les recettes de devises issues du tourisme international doivent permettre la compensation du déficit commercial structurel en vue de dégager un excédent financier et rembourser le service de la dette.

45Le tourisme, qui fait partie du commerce international des biens et services, est une activité économique importante dans l’économie mondiale. Les bienfaits du tourisme sur le plan économique font que de nombreux pays accordent une place de choix à ce secteur dans leurs stratégies économiques. Mais, si le tourisme peut avoir un important impact économique, qu’en est-il de sa contribution au niveau de la stratégie du développement durable. Ainsi, dans quelle mesure le tourisme peut-il être un levier du développement durable pour le Maroc ?

46En quoi le Maroc a-t-il intérêt à développer le secteur touristique au point d’en faire une locomotive de son développement économique et social, et dans quelle mesure le développement touristique peut-il être une activité viable pour le Maroc, sachant que la spécialisation dans cette activité peut entraîner un détournement de ressources à son profit et causer préjudice aux territoires et aux sociétés d’accueil ? Ainsi l’exigence de la durabilité de l’activité touristique n’implique-t-elle pas l’adoption de politiques publiques appropriées ?

II/ La stratégie touristique face aux préoccupations du développement durable

Développement touristique : un phénomène à multiples enjeux

47La croissance économique mondiale des deux siècles précédents s’est accompagnée d’une importante dégradation de l’environnement et a peut-être même conduit à une rupture des régulations naturelles des processus écologiques. Les succès remportés par l’espèce humaine « contre » la nature peuvent à présent se retourner contre elle. Et nombre, aujourd’hui, s’en inquiètent effectivement.

48L’adoption d’une stratégie de développement durable à laquelle tous les acteurs devraient être associés d’une façon ou d’une autre semble être une réponse appropriée aux problèmes et menaces qui guettent l’environnement. S’il est bien vrai qu’à long terme nous serons tous morts, par contre aucun des acteurs ne peut plus faire comme si l’actuelle dégradation de l’environnement n’avait aucune importance pour les générations futures.

49Pour faire face aux problèmes que peut subir l’environnement, de fortes préoccupations concernent les stratégies à mettre en place pour assurer un développement durable qui tiennent compte néanmoins des contraintes de rentabilité. A priori, la rencontre des exigences collectives de long terme et privées de court terme n’est pas évidente. Celle de la morale et de l’efficacité pas plus. Mais, la méconnaissance des problèmes que peut poser la croissance économique sur le plan de l’environnement peut aggraver la situation. C’est pourquoi les stratégies économiques doivent être insérées dans des le cadre de stratégies plus globales tenant en compte la fragilité des ressources naturelles, voire aussi culturelles, dont il faut sauvegarder.

50Le développement durable est une stratégie globale devant permettre de répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins. Il vise les longs termes et repose sur un transfert intergénérationnel des ressources ou des opportunités. Deux interprétations peuvent être données à une politique de développement durable. Dans sa version faible, elle exige que chaque génération transfère aux générations futures un ensemble de biens d’une valeur totale équivalente à celle qu’elle a reçue. Dans sa version forte, elle impose en plus des limites aux substitutions possibles entre les différents biens qu’elle doit léguer.

51Cette définition du développement soutenable peut faire référence à trois dimensions : économique, environnementale et sociale. Dans son acception économique, il faut s’assurer que les quantités consommées aujourd’hui n’hypothèquent pas celles de demain. Sur le plan environnemental, il faut protéger les ressources nécessaires de manière à ne pas faire tort aux générations futures. Enfin, la dimension sociale renvoie aux problèmes soulevés par la cohésion sociale et la pérennité des cultures et des institutions. Bien évidemment, il existe une interdépendance entre ces trois dimensions.

52Le développement touristique, qui induit de multiples enjeux (économiques, sociaux, environnementaux, territoriaux et socioculturels], est très concerné par les impératifs du développement durable.

53Les enjeux du tourisme durable sont multiples, économiques, territoriaux, environnementaux et socioculturels. C’est par le biais de certains indicateurs du tourisme durable, ratios socioéconomiques et ratios environnementaux, que l’évaluation de l’activité économique peut être entreprise aussi bien du point de vue des politiques publiques que du point de vue du secteur privé.

54Les préoccupations de la durabilité de l’activité touristique se posent essentiellement lorsqu’il y a une pression au niveau d’une destination avec toutes les conséquences que ce phénomène peut avoir sur le plan écologique et socioculturel.

55Les ressources touristiques dont disposent les pays sont faites à la fois d’espace, de biens et de valeurs. Il s’agit là de ressources dont l’emploi ne peut être laissé à une utilisation incontrôlée sans courir le risque de leur dégradation, voire de leur destruction. La satisfaction des besoins touristiques ne doit pas porter atteinte aux intérêts sociaux et économiques des populations des régions touristiques, à l’environnement, particulièrement aux ressources naturelles, attrait essentiel du tourisme, ni aux sites historiques et culturels.

56L’attention en faveur d’un tourisme respectueux de l’environnement naturel et socioculturel ne cesse de connaître une grande importance, du fait de la montée des inquiétudes liées au développement de certains problèmes (prostitution, rareté et gaspillage de l’eau, dégradation des sites, effet d’imitation, non respect des coutumes et rites des sociétés d’accueil, etc.) entraînés par les surfréquentations des touristes. Si le tourisme continue d’être vu comme un pourvoyeur de devises, respect des grands équilibres macroéconomiques oblige, d’autres préoccupations sont également à l’ordre du jour, telles la lutte contre le chômage ou le développement territorial.

57Le tourisme est une activité polyvalente que l’on ne peut réduire à sa fonction purement économique et financière. Le tourisme est porteur de valeurs globales et le réduire à des bilans comptables est une démarche réductrice et illusoire. Ce secteur transversal doit être inséré dans une problématique plus large qui tienne compte de ses multiples dimensions et implications, sachant qu’il ne peut fonctionner sans avoir des impacts sur son environnement naturel et socioculturel, aussi bien positifs que négatifs.

58Le développement touristique s’accompagne d’interrogations fortes et légitimes de nature environnementales, sociales et, plus largement, éthiques. Si, le tourisme est incontestablement devenu un formidable moyen d’échange, un puissant vecteur de connaissance mutuelle, de compréhension entre les peuples et les multiples cultures dont ils sont porteurs, son développement peut être destructeur pour l’environnement et pour les cultures s’il n’est pas maîtrisé et encadré par des mesures adéquates de protection des sites surfréquentés dont la sensibilisation des entreprises, des touristes et des populations d’accueil sur l’intérêt de pérenniser les sites touristiques par le respect des lieux et des traditions.

59Ainsi, faute de conscientisation des acteurs concernés, dont notamment les touristes et les opérateurs de l’industrie touristique, et d’actions publiques appropriées, le tourisme international peut être un prédateur d’espace et d’environnement, peu respectueux aussi et surtout des traditions, des cultures et des économies autochtones, et créer plus de problèmes que de solutions pour les pays récepteurs. Le développement de l’activité touristique ne doit pas se faire au détriment des valeurs de l’éthique, mais se montrer à la hauteur des attentes légitimes qu’il fait naître, en protégeant les lieux, les cultures et les droits des hommes et en favorisant leur épanouissement.

60Cette conception éthique du développement touristique rencontre dans la communauté internationale de plus en plus d’échos favorables et offre une belle alternative à une activité touristique mondiale souvent perçue comme très capitalistique et dont les richesses ne profitent qu’à une minorité des grands opérateurs installés dans les pays développés au détriment des aspirations du développement des populations et des pays du sud, dont le fruit richesses touristiques leur échappe en grande partie.

61En effet, la nouvelle stratégie touristique qui reconnaît l’importance du partenariat public-privé dans la conduite des projets touristiques ne doit pas s’intéresser uniquement à la réalisation d’objectifs à caractère économique et financier, mais se soucier également des impératifs de protection de l’environnement et de la sauvegarde des cultures et traditions des populations d’accueil. Ainsi l’exigence de la durabilité de l’activité touristique n’implique-t-elle pas l’adoption d’un mode de gouvernance approprié ?

Développement durable et viable du tourisme : quel mode de gouvernance ?

62Face au déficit socio-territorial dont souffrent plusieurs régions et localités, pourtant disposant d’indéniables atouts touristiques (ressources naturelles, sites culturels et traditions, hospitalité, etc.], le tourisme peut se présenter comme une activité économique viable permettant aux populations d’avoir une source de revenus, souvent en complément d’autres revenus issus de certaines activités économiques pouvant avoir un caractère aléatoire et instable, comme c’est notamment le cas de l’agriculture, très soumise aux précipitations pluviométriques. Dans ce cadre, le tourisme peut être un facteur important de diversification des ressources, qui est d’ailleurs l’une des principales missions du développement du tourisme durable.

63Le but de l’organisation territoriale du tourisme est de soutenir cette activité primordiale, à travers des politiques publiques et de partenariat public-privé (microcrédits, promotion, incitations à l’investissement, formation, etc.) visant défendre des intérêts multiples, tels la rentabilité des entreprises, l’amélioration des revenus des populations d’accueil, etc., sachant que les habitants locaux sont au Maroc, notamment dans les régions du sud, très impliqués dans la fourniture des prestations touristiques (accueil, restauration, hébergement, animation particulière, etc.). Ainsi, la soutenabilité de l’activité touristique peut favoriser une dynamique territoriale et s’inscrire dans le cadre de politiques oeuvrant aussi bien pour la viabilité des territoires en question que pour la lutte contre les disparités spatiales.

64Il est de plus en plus fait état du rôle du mode de l’organisation territoriale dans les localisations et le développement des activités économiques, telle celle touristique. A ce titre, une organisation territoriale idéale (SPL, Clusters...) doit favoriser l’émergence des externalités et des économies de proximité pour permettre la compétitivité des entreprises et la viabilité des territoires. Ces effets d’agglomérations (innovation, formation, etc.) sont le fait de relations de coopération et de coordination entre les différents acteurs concernés.

65Certes, Les flux touristiques internationaux demeurent très concentrés au niveau des pays développés ; néanmoins, plusieurs pays en développement, dont le Maroc, comptent beaucoup sur l’activité touristique pour assurer leur développement économique et social. En effet, le tourisme, à la différence de plusieurs autres activités économiques, présente un ensemble d’enjeux (économique, social, écologique et culturel), dont il est impératif de prendre en compte dans toute stratégie touristique.

66L’environnement touristique international est marqué par de nombreuses initiatives (chartes, codes, recommandations, etc.) adoptées par des organisations internationales (OMT, OMS, PNUD, UNESCO, PNUE, etc.), par des institutions régionales (Euro Méditerranée, OCDE, Union Européenne, etc.) et par des pays lors des réunions et conférences internationales et régionales. Ces initiatives ont pour but de promouvoir le tourisme en tant que facteur de prospérité économique et d’échanges culturels, tout en oeuvrant à la sensibilisation des différents acteurs sur les retombées négatives dans les cas où cette activité n’est pas maîtrisée et mal planifiée.

67Le Maroc fait partie de la Méditerranée qui est la première région touristique du monde. Le Maroc, qui appartient à la rive sud de l’espace euroméditerranéen, ne bénéficie encore que de flux touristiques relativement très modestes en comparaison avec les performances réalisés dans ce domaine par la France, l’Espagne ou la Turquie.

68Toutefois, étant donné que la Méditerranée est connue pour être une région fragile en ce qui concerne son écosystème, le Maroc, sans sa stratégie de promotion du tourisme, doit mettre en œuvre des politiques publiques plus soucieuses de la protection de l’environnement. Le tourisme, s’il est un facteur qui peut entraîner une dynamisation territoriale, il peut aussi détériorer l’équilibre de l’écosystème et perturber les valeurs socioculturelles des milieux d’accueil.

69Si dans les stratégies touristiques de nombreux pays en développement, le motif des gains économiques – besoin de devises l’exige – semble l’emporter sur les autres effets que peut engendrer le développement touristique, notamment sur le plan de l’environnement naturel et culturel, cette vision semble de plus en plus dépassée, non seulement en raison des recommandations des organisations internationales (OMT, PNUD, UNESCO, OMS, etc.) et des pressions des ONG, mais aussi du fait des exigences des touristes quant à la qualité des produits et des sites des destinations choisies. Il est de l’intérêt des pays de mettre un système de gouvernance plus apte à préserver les ressources naturelles et socioculturelles, sans lesquelles aucune activité touristique n’est possible.

70Il est donc de l’intérêt des destinations et également des opérateurs, durabilité de la qualité des sites oblige, de rechercher le niveau de flux touristiques qui maximise les effets positifs sans porter préjudice aux ressources naturelles et socioculturelles des milieux d’accueil : on parle de flux touristiques optimaux.

71Des indices, tels que celui de la capacité de charge ou de seuil de fréquentation touristique, sont avancés par les chercheurs et les institutionnels pour tenir compte de l’aptitude d’une destination ou d’un site à supporter un nombre de visiteurs sans dégradation de ses ressources, sachant qu’une forte pression touristique sans rapport avec te degré d’absorption de la destination est de nature à entraîner des dégâts sur l’environnement et sur les valeurs socioculturelles (mœurs et traditions ancestrales, par exemple) des destinations visitées.

72Dans le cadre des recommandations en faveur d’un tourisme durable, L’Organisation Mondiale du Tourisme a mis en place à partir de 1997, des ratios d’évaluation du développement touristique durable se composant de deux catégories principales de ratios : ratios d’environnement et ratios socioéconomiques. Ces ratios permettent d’évaluer les projets et réalisations touristiques, à la fois du point de vue du secteur privé et celui du secteur public. Cette stratégie de promotion de projets touristiques à partir du développement durable est à l’origine de l’existence d’un lien et d’un intérêt commun entre les pouvoirs publics et le secteur professionnel.

73S’il est judicieux pour le Maroc d’opter pour une stratégie ambitieuse de promotion et du développement de son tourisme, vu ses effets économiques et financiers avantageux pour sa balance de paiements, pour la réduction se son taux élevé de chômage et pour son développement local, il est aussi impératif d’accompagner cette stratégie par des actions visant à protéger l’intégralité des ressources naturelles des destinations fréquentées, et à préserver les valeurs sociales et culturelles des populations des régions d’accueil. A mettre en place également des mesures de prévention, de sécurité, de protection et d’amélioration des conditions d’hygiène et de santé publique en faveur des touristes et des populations locales.

74En ce début de XXI^e siècle, le développement durable est la preuve d’une prise de conscience, plus ou moins universelle, qu’il faut mieux maîtriser l’action des hommes et des entreprises et de constamment relier les systèmes productifs à l’environnement dans lequel ils opèrent étant qu’ils font partie d’un même ensemble dont l’un ne peut fonctionner sans l’autre.

75Le rôle de l’Etat demeure primordial à ce niveau en tant que garant de la protection de l’environnement et de la poursuite des principes éthiques, au delà des motifs de recherche de la maximisation des jouissances et des comportement « tout est permis » des touristes et de la maximisation de la rentabilité financière des entreprises. Si aujourd’hui, ce sont les entreprises, y compris les familles, qui sont les principaux acteurs dans les activités productives, le rôle des pouvoirs publics demeure important pour encourager et encadrer ces activités productives et les orienter, dans un esprit de partenariat avec ces acteurs, dans le sens du développement durable. Il ne semble plus possible de consommer les ressources naturelles et culturelles de manière illimitée sans risque majeur de leur dégradation. La préservation de l’environnement naturel et culturel est au centre des préoccupations écologiques et patrimoniales d’organisations et d’institutions aussi diverses [OMT, OMS, UNESCO, WWF, PLAN BLEU, PNUD, etc.).

76La complexité et la multiplicité des paramètres en jeu nécessitent une approche à la fois plus stratégique et plus concrète du tourisme durable. Grâce aux indicateurs et indices, il peut devenir raisonnable, à court et moyen termes, d’élaborer une stratégie touristique durable. Le concept d’optimum recouvre une méthodologie au service de l’analyse des dynamiques touristiques et de leurs applications au niveau des territoires et des marchés. Toutefois, bien que séduisant, ce concept d’optimum touristique n’est pas encore très explicité par ses théoriciens et que les notions de seuil de fréquentation touristique et de capacité de charge demeurent toujours des références appropriées lorsqu’il s’agit de traiter des rapports entre la pression touristique et les exigences de protection et de sauvegarde des sites visités.

77Si le tourisme international fait partie du commerce international des biens et services, il a cette particularité d’être à l’origine d’un déplacement de personnes en dehors de leurs nations. Cet échange international peut favoriser un échange culturel et une meilleure compréhension entre les peuples, comme il peut aussi susciter des réactions de rejet de La part d’habitants locaux hostiles à certaines attitudes et comportements touristiques. De ce fait, le tourisme qui se révèle une chance pour l’économie peut présenter des risques pour la société.

78Ainsi, pour mieux rentabiliser les atouts touristiques et bien encadrer le développement de ce secteur, très sensible aux différents aléas (changement des habitudes des touristes, taux de croissance économique dans les principaux marchés émetteurs, insécurité, climat, etc.), un mode de gouvernance approprié s’impose pour mieux rentabiliser, dans une logique de durabilité, les ressources touristiques et assurer une viabilité économique, financière et sociale soutenue.

79Vu ses multiples enjeux et les divers intérêts que le tourisme fait intervenir sur le plan national (équilibres macroéconomiques), local (développement socioterritorial) et international avec la prise en compte des biens publics mondiaux (sécurité, santé, environnement, etc.) et l’encouragement de relations Nord-Sud plus équitables, répondant aux aspirations de développement des économies émergeantes et sous-développées (meilleur partage des gains au niveau de la chaîne touristique], une stratégie touristique efficace nécessite la mise en place d’un mode de gouvernance plus approprié, en vue de concilier les impératifs de rentabilité (objectifs de court et moyen termes) et les exigences de la durabilité (souci du long terme), de cette activité désormais reconnue par les Nations Unies comme une activité économique à part entière.

En guise de conclusion

80Le Maroc, pays non producteur de pétrole, faiblement industrialisé et où l’agriculture n’est plus secteur prioritaire comme auparavant du fait des problèmes cycliques de la sécheresse montrant sa forte dépendance aux aléas climatiques, est en train de jouer pleinement la carte du tourisme pour sortir le pays du sous-développement et assurer le bien-être de sa population. Néanmoins, le développement touristique doit s’insérer dans une stratégie globale du développement, puisque la promotion de ce secteur dépend d’un minimum de développement au niveau des autres secteurs économiques et sociaux.

81Le développement touristique doit être encadré pour qu’il profite réellement aux populations locales sans les figer dans un « musée à ciel ouvert », c’est-à-dire sans les contraindre à adopter et aliéner complètement leur culture et habitudes de vie selon le rythme et les multiples sollicitations des touristes.

82La stratégie appropriée pour le développement touristique est celle qui consiste à mettre en place des moyens et des mesures en vue de la réalisation des objectifs de nature économique et financière à travers la valorisation et la rentabilisation des ressources touristiques du pays ; mais qui doit tenir impérativement en compte de la fragilité de ces ressources, nécessitant la mise en place de politiques publiques appropriées, et de l’extrême sensibilité de ce secteur face à certains aléas liés au climat, à la sécurité et aux comportements des touristes dans les principaux marchés émetteurs, qui peuvent choisir leurs séjours dans des destinations concurrentes ou voir diminuer leur propension à voyager qui est fortement Liée au revenu, et donc à la croissance économique dans les pays émetteurs.

83Pour ce qui est du mode de gouvernance, l’heure est au partenariat et à l’association de différents acteurs et partenaires, notamment pour des activités ayant un impact social, environnemental ou culturel, etc., et dont la gestion ne peut être optimale qu’à travers la consultation et la participation de tous ces partenaires dans la prise de décision.

84Dans ce cas, le mode de gouvernance idéal est nécessairement un système hybride, associant différents modèles d’action collective publique et privée et de construction politique et juridique. Le souci de légitimité de l’ensemble conduit à adopter un certain nombre de principes de base pour fonder l’unité conceptuelle de ce système hybride. La dimension internationale est également à prendre en compte dans le système de gouvernance et dans la conception des politiques publiques, du fait notamment que certains secteurs, comme l’environnent, la santé, la sécurité, etc., considérés aujourd’hui comme étant des biens publics mondiaux (BPM), exigent une coopération et une coordination internationales et justifient des transferts financiers et de technologies et une aide au développement des pays du Sud.

85Le développement d’un tourisme viable et durable repose pour beaucoup sur une gouvernance globale impliquant tous les acteurs locaux, nationaux et internationaux et sur la construction d’un modèle alternatif d’échanges commerciaux, basés sur des rapports plus équitables et plus éthiques entre d’une part, les Etats, les entreprises et les touristes des pays développés et d’autre part, les destinations des pays en développement.