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Tourismes, patrimoines, identités, territoires

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Christian Bataillou

Deuxième session. L’analyse du rôle des acteurs et des dynamiques de proximité dans la définition des politiques touristiques soutenables

Valorisation touristique et enjeux territoriaux : l’exemple de la réserve naturelle des Ramières et du Val de Drôme

Vincent Biot

Texte intégral

1Le tourisme n’apporte pas toujours les réponses ou les solutions aux questions et difficultés rencontrées dans les politiques de développement territorial. Les causes peuvent être diverses : absence de concertation entre les acteurs, d’approche prospective, une valorisation touristique parfois en décalage avec le territoire, autant de points qui ne peuvent plus être aujourd’hui éludés. Ainsi le développement touristique doit, autant que possible, s’appuyer sur une (re)construction territoriale cohérente dans un souci de valorisation patrimoniale légitimée.

2Dans ce cadre, l’exemple de la réserve naturelle des Ramières dans la Drôme (dont la gestion est confiée à la communauté de Communes du Val de Drôme) et l’évolution de son rôle d’accueil doit pouvoir répondre à ces enjeux. Ainsi des réflexions ont été conduites et un projet s’est structuré à travers la réalisation de la « Gare des Ramières » qui doit ouvrir ses portes au public en avril 2008. Cet espace se veut être la maison de la rivière Drôme et a entre autres vocations de se positionner comme une « porte d’entrée » des sites « natures » du Val de Drôme.

1- La rivière Drôme

a – Cadre hydrologique

3La rivière Drôme est un affluent gauche du fleuve Rhône. Elle prend sa source dans la partie sud du Massif du Vercors. Le cours amont se caractérise par un régime torrentiel. À partir de Crest, la vallée s’élargit et la pente diminue. La rivière rejoint alors le Rhône par un large delta alluvial.

4Son originalité tient à plusieurs caractéristiques. Si il s’agit d’un cours d’eau en tresses d’une longueur assez rare (106 km) pour les Alpes occidentales, il se caractérise notamment par une absence de grands aménagements entraînant un fonctionnement hydrologique non perturbé et une valeur écologique exceptionnelle de certains secteurs. Ainsi, elle compte parmi les dernières rivières européennes sans aucun barrage sur son bassin versant, ce qui lui confère un fonctionnement hydrologique marqué par de forts contrastes entre les débits élevés d’automne et de printemps, et les basses eaux estivales.

5Les eaux torrentielles de la Drôme sont propices à l’apport d’alluvions qui édifièrent peu à peu des terrasses atteignant près de 30 mètres d’épaisseur à Allex. Cette dynamique périglaciaire à participer au transport de matériaux divers qui s’accumulèrent dans la basse plaine de la Drôme (R Ravit, 2007)

b- L’homme et la rivière

6De nombreuses tentatives vont être initiées afin de maîtriser le cours de la rivière. Nous pouvons identifier 4 étapes (N. Landon, 2004 : 8).

7La plus ancienne a consisté à vouloir se protéger des divagations destructrices de la rivière tout en gagnant des terres cultivables sur la plaine d’inondation. Ainsi dès 1676, les premières digues sont construites. Il faut attendre la fin du XVIIIe siècle pour parler d’un véritable programme d’aménagement. Il s’agit de planifier alors l’encaissement de la rivière. Si l’ensemble de ces travaux s’étaleront entre 1770 et 1841 (en 1833, 1000 ha de terrains agricoles sont gagnés sur la rivière), la zone amont verra ces travaux durer jusqu’au début du XXe siècle. Cependant, faute de moyens, l’endiguement étroit et généralisé de l’aval ne sera réalisé que de façon discontinue. Finalement aujourd’hui, c’est 70 % des berges qui ont été l’objet d’une protection par digue. Les zones non endiguées constituent aujourd’hui une grande partie de la Réserve Naturelle des Ramières Val de Drôme.

8La seconde intervient à partir de 1863 avec le vaste plan de restauration des terrains de montagne. Près de 14 000 ha ont été reboisés, environ 10 500 barrages et seuils ont été construits sur les torrents affluents et 338 km de torrents ont été curés.

9La troisième phase se caractérise par l’accroissement du reboisement spontané des versants et des bandes actives des cours d’eau. Elle est amorcée par La déprise agricole dès le milieu du XIXe siècle mais atteint un seuil critique après la seconde guerre. Les modifications des pratiques culturales ne feront que renforcer cette évolution. L’importance de ce taux de boisement contribue à diminuer les entrées de sédiments dans les lits fluviaux.

10Si l’extraction dans le lit de la Drôme de gravier et de galets était pratique courante au XIXe et XXe siècle, la quatrième et dernière étape se caractérise par une extraction massive des sédiments dans les années 1960 (ils ont notamment servi à la construction de l’A7 et de la centrale de Cruas). Cette activité va modifier durablement le style fluvial du cours d’eau : en extrayant jusqu’à 250 000 m3 de matériaux par an, alors que la rivière n’en apporte naturellement que 35 000 m3, le déficit en sédiment sera particulièrement aggravé. C’est notamment sous le joug de cette menace que la Réserve Naturelle des Ramières a été créé pour soustraire une partie de la rivière Drôme à ces dégradations.

11Le style fluvial en tresse de la rivière Drôme ne doit son maintien qu’aux efforts consentis depuis les années 1980 par les communautés riveraines. Ainsi, le cadre législatif national dont l’arrêt des extractions en lit mineur depuis 1993-94, les différents contrats de rivière, le SAGE et la Réserve Naturelle ont contribué au ralentissement des changements imputables à l’action de l’homme.

2- La rivière Drôme : un patrimoine en devenir

12Le cours d’eau a toujours rythmé le quotidien de la population de la vallée de la Drôme. Barrière naturelle de circulation entre le nord et le sud, les enjeux dont la rivière a été l’objet témoignent bien de l’attention portée à cette « frontière liquide ».

a- Un patrimoine naturel en devenir

13La ressource naturelle que représente le cours d’eau de la Drôme a su être exploitée ou appréhendée. D’une part, sa force motrice a su être utilisée via les nombreux canaux dérivés de la rivière pour servir à mouvoir des foulons, des moulins à farine ou à huile, des usines de teinturerie, des papeteries, etc : c’est toute une activité humaine qui s’était structurée autour de la Drôme (R. Serre, 2004 : 45). D’autre part la rivière représentée un véritable obstacle. La traversée à gué était possible mais très dangereuse. Des ponts furent construits mais bien fragiles, ils furent souvent emportés par les forts débits de crue de la rivière. Seuls quelques rares ouvrages résistèrent. Des bacs à traille furent également installés mais leur fiabilité n’était que bien précaire face au tumulte des eaux.

14Les nombreux écrits nous ont laissé trace de cette relation ancienne entre l’homme et la rivière. La disparition des activités industrielles puis la prise de conscience de ces vingt dernières années sur la nécessité de préserver le cours d’eau ont eu pour effet de fédérer les acteurs locaux de la vallée de la Drôme afin de gérer intelligemment les 106 km de rivière dont l’état était alors préoccupant.

15Dans ce contexte de transformations économiques et sociales, la conservation de la rivière Drôme représente un enjeu de plus en plus affirmé. Ainsi, sa reconnaissance patrimoniale permet d’inscrire les références identitaires d’un territoire dans la durée, par delà les crises et les mutations. Cette valeur patrimoniale sous-jacente de la rivière Drôme implique d’une part une reconnaissance de son importance pour l’identité et l’existence d’un groupe mais aussi, d’autre part, une façon particulière de penser le devenir d’un espace à partir de sa conservation, et donc l’acceptation par les acteurs publiques qu’elle puisse déboucher sur l’encadrement des usages et de la propriété (M. Duval, 2007 : 99). Dans ce processus de patrimonialisation de la rivière Drôme, les politiques publiques doivent relayer les attentes de la population rurale et des usagers.

16Ces politiques publiques prennent forme à travers la mise en place du Plan d’Aménagement Rural engagé dans le Val de Drôme en 1983 par le DAVD, District d’Aménagement du Val de Drôme (aujourd’hui Communauté de Commune du Val de Drôme). Face aux divers problèmes naturels, aggravés par les actions anthropiques (rejets de polluants, prélèvements d’eau et de graviers, ...), les premières démarches pour la mise en place d’un contrat de rivière sont amorcées par les élus en réponse aux nombreuses alertes lancées par les usagers de l’eau (associations de protection de la nature, riverains, pêcheurs, baigneurs, ...]. Cette prise en compte des atteintes apportées à un bien naturel collectif, approprié comme patrimoine par la population locale devient l’un des vecteurs privilégiés pour affirmer la légitimation des acteurs locaux (V. Veschambre, 2007).

17Malheureusement, ces premières démarches sont rapidement bloquées par manque de financement

b- Les contrats de rivière et le SAGE

18En 1987 est créé, par décrêt, la Réserve Naturelle des Ramières Val de Drôme. Vouée à la protection des habitats naturels de la rivière Drôme, elles’étend sur 10 kilomètres le long de son cours entre Crest et Livron. Sa création correspond cette même année à la relance par le DAVD du projet de contrat de rivière. Ce dernier entraîne l’engagement de différentes études (schéma général d’assainissement et schéma hydraulique agricole) dont le schéma d’aménagement des rivières Bez et Drôme et une étude des espaces naturels du bassin de la Drôme qui vont conduire à la programmation de l’aménagement pour la restauration et la mise en valeur des rivières.

19Le premier contrat de rivière sera signé en 1990 pour six ans entre les différents acteurs concernés. Son périmètre s’étend sur tout le bassin versant de la Drôme et du Haut Roubion. Dans ce contrat, nous pouvons distinguer deux volets : l’un portant sur l’assainissement et l’autre concernant les travaux de restauration, d’aménagement et de mise en valeur des rivières. Pour mener à bien cette mission, une équipe « rivière » a été créée au sein du DAVD.

20Cependant la signature de ce contrat n’a pas permis de résoudre tous les problèmes liés à l’eau et notamment la gestion de la ressource en eau en période d’étiage et l’état du lit et des berges de la rivière.

21En 1991, dans un climat houleux autour d’un projet de barrage pour maîtriser la rivière Drôme et son régime capricieux, l’Etat choisit le bassin de la Drôme comme site pilote pour tester l’élaboration d’un Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE).

22Ce document de planification de la politique locale de l’eau créé par la loi du 3 janvier 1992, vise à rassembler les acteurs concernés sur un territoire cohérent autour d’un projet partagé, assorti de règles de bonne conduite contribuant au développement durable. En ce sens, l’amorce de 1983 et la concrétisation du 1er contrat de rivière en 1990 dans une ambiance de projets de barrage, véritable épée de Damoclès sur le territoire, faisait du bassin de la Drôme le terrain adéquat pour initier la création du premier SAGE de France.

23Ainsi le SAGE est avant tout destiné à résoudre les conflits d’usage ou des problèmes d’utilisation de l’eau, d’irrigation, d’alimentation par les divers partenaires locaux (agriculteurs, riverains, pêcheurs, association de protection de la nature, ...). Après la phase d’état des lieux, six thèmes principaux sont parus nécessaires à aborder dans le cadre du SAGE :

  • La gestion quantitative de la ressource en eau

  • La gestion physique de la rivière

  • La qualité des eaux

  • Les milieux naturels

  • Les risques

  • Le tourisme et les loisirs à travers lesquels la Réserve Naturelle des Ra mières va tenir une place de premier plan.

24Cette phase d’élaboration initiée en 1991 et qui va se poursuivre durant six années, conduira à l’approbation définitive du SAGE en 1997. Forte de l’expérience de son service « rivière », le DAVD devient la structure porteuse de ce schéma. Dans la continuité de la dynamique initiée, le deuxième contrat de rivière 1998-2005 présentée par le DAVD est signé. Il va s’attacher à poursuivre les missions d’assainissement (le bilan du premier contrat de rivière établit une amélioration évidente de la qualité de l’eau et la restauration de 120 km de berges) et mettre en place un observatoire de la rivière.

25Le contrat de rivière et le schéma d’aménagement de gestion des eaux vont ici avoir un rôle fédérateur. Derrière ces dispositifs, les usagers, les collectivités locales, les associations et l’Etat vont travailler ensemble pour préserver et gérer la rivière Drôme. Là, où de tels dispositifs ont créé ailleurs un climat conflictuel, dans le Val de Drôme, ils vont rassembler des intérêts distincts mais complémentaires et faciliter le travail en commun.

3 – La Réserve Naturelle des Ramières en appui d’un projet de territoire

26Dans le cadre du SAGE et du deuxième contrat de rivière, le tourisme et les loisirs sont une préoccupation dans la gestion du cours d’eau. La reconnaissance de la rivière Drôme comme patrimoine identitaire d’un territoire ne limite plus la dimension spatiale à une approche ponctuelle limitée au périmètre de la Réserve Naturelle des Ramières (Di Méo et alii, 1993). D’un espace « borné » reconnu pour sa valeur patrimoniale et naturelle, le projet de développement touristique doit s’appuyer sur l’ensemble de la rivière Drôme de façon à consolider la construction sociale et territoriale initiée. Dans ce contexte et au vue de l’expérience développée par le DAVD avec les contrats de rivière et le SAGE, l’Etat confie à cette collectivité la gestion de la réserve naturelle en 1999.

a- L’élaboration concerté du plan de gestion

27Comme dans toute réserve naturelle, le plan de gestion fait un état des lieux du milieu naturel et propose des actions pour sa gestion et son suivi écologiques ainsi que pour l’accueil du public. La qualité du milieu naturel et en particulier la préservation de la dynamique fluviale s’imposent comme les objectifs essentiels des réserves. Mais dans le cas particulier de la Réserve Naturelle des Ramières du Val de Drôme, ce plan doit également répondre durablement à un enjeu d’intégration locale en résonance des réflexions de concertation initiées dans le cadre du SAGE. L’atteinte des objectifs concernant le milieu est conditionnée par la réussite de cet enjeu d’intégration. C’est pourquoi le plan de gestion met l’accent et propose des actions sur des thèmes peu habituels dans les réserves naturelles : dynamique d’animation élargie, fonctionnement concerté, synergie avec les politiques locales. Le DAVD a engagé l’élaboration du plan de gestion dans une optique résolument concertée. En cela, il répond à un souhait partagé par tous les acteurs associés à la gestion. Dans le même temps, ce processus de concertation est le meilleur moyen pour faire reconnaître la valeur patrimoniale de ce territoire et pour en favoriser son appropriation par l’ensemble des acteurs. De cette manière, la rédaction du plan de gestion a permis de faire travailler ensemble des acteurs bien souvent en conflit d’usage d’un même espace. Le DAVD a su impliquer fortement les instances collégiales de gestion : commission pluripartite, comité d’animation et comité scientifique. Ils sont composés de :

  • élus des communes riveraines et de la DAVD,

  • représentants des propriétaires et utilisateurs (dont le tourisme] présents sur le territoire de la réserve,

  • associations de chasseurs, de pêcheurs, de naturalistes,

  • comité départemental du tourisme

  • scientifiques,

  • ainsi que des services de l’Etat et des personnels de la réserve et des services eau et patrimoine et tourisme du DAVD.

28La démarche d’élaboration s’est étendue sur deux ans. Elle a permis de construire chaque étape : le diagnostic, la définition des grands objectifs et le programme d’actions.

29Ce travail collaboratif a contribué au rodage d’une bonne gouvernance que chaque acteur a souhaité poursuivre durant la période de vie du plan de gestion.

b- Un espace partagé

30Tout le fonctionnement écologique de la réserve est étroitement lié au fonctionnement de la rivière Drôme et de sa nappe. Comme nous l’avons présenté précédemment, la Drôme a pour caractéristique une forte dynamique et une absence de barrage sur tout son cours : c’est une rivière à écoulement libre, encore relativement sauvage.

31Le site de la réserve comprend deux zones de divagation libre de la rivière qui hébergent une biodiversité spécifique au milieu et régulièrement renouvelée, au rythme des crues et des modifications des méandres de la rivière. Entre ces deux zones, la rivière est endiguée depuis le 19e siècle.

32Les abords de la rivière sont des boisements et clairières ou prairies appelés localement "la ramière". Ces espaces correspondent à plusieurs types d’habitats qui contribuent à la richesse de la flore et de la faune. Ces espèces sont inventoriées et considérées non seulement en fonction de leur intérêt patrimonial ou de leur rôle d’indicateurs de qualité d’un milieu, mais aussi en fonction de l’intérêt qu’y portent les utilisateurs de la réserve : promeneurs, pêcheurs, chasseurs et naturalistes. Les activités pratiquées sur le territoire de la réserve sont donc principalement la promenade, la chasse, la pêche, l’observation naturaliste. Ces activités, pratiquées sans pression excessive sur le milieu, cohabitent aujourd’hui et les acteurs qui les pratiquent s’accordent autour de l’objectif de maintien de la tranquillité du site. De cette manière, une réponse cohérente est apportée afin de limiter les conflits d’usage sur la Réserve Naturelle, et de façon élargie, de sensibiliser à l’importance de cette concertation sur l’ensemble du bassin de la Drôme.

4- Un lieu d’accueil pour la Réserve Naturelle

a- Une mission d’animation et d’accueil

33La réserve naturelle s’est dotée en 1999 d’un point central d’accueil du public : la Maison des Ramières, qui héberge également les bureaux et le fonctionnement de la réserve. La communauté de Communes du Val de Drôme (ancienne DAVD) est propriétaire des bâtiments.

34Cet espace d’accueil constitue un point central pour remplir dans les meilleures conditions la mission d’animation et d’accueil de tous les publics, confiée à la réserve. Si les animations sont en général largement appréciées par les publics participants (et notamment les scolaires), la maison n’est que peu fréquentée par les riverains, qui souhaitent un accueil plus large et des expositions plus attractives. Ce constat doit se rattacher aux enjeux principaux de la Réserve qui posent la question de sa durabilité aussi bien du point de vue de son existence que de ses objectifs à atteindre :

  • Le premier est la conservation des habitats de la réserve par la restauration de la dynamique fluviale. En ce sens, la réserve bénéficie d’un contexte favorable avec un SAGE Drôme en correspondance étroite avec ses objectifs. Ainsi, les opérations de restauration les plus importantes ont été engagées et les milieux de la réserve bénéficient d’un suivi relativement complet.

  • Le second est finalement le plus fort car il est d’ordre social. Il s’agit pour la réserve de conquérir une nouvelle légitimité localement en répondant notamment aux attentes de la population locale. Pour ce faire, elle doit d’une part, faire preuve de sa capacité à fonctionner durablement de manière concertée et, d’autre part, s’intégrer à la dynamique du territoire qui l’entoure. C’est dans ce sens que s’articulent les objectifs et que s’orientent les actions du plan de gestion de la réserve.

35Ces constats confortent la communauté de communes du Val de Drôme dans sa volonté de faire de la Maison des Ramières une "porte d’entrée" des sites « nature » du Val de Drôme. Sa vocation doit donc être confortée et développée afin que la population locale s’approprie ce lieu.

b- Enjeux et objectifs pour une gestion durable

36Dans un site comme la Réserve Naturelle des Ramières du Val de Drôme, dont la richesse écologique existe déjà, l’état jugé idéal est celui où les espaces s’autorégulent, où l’intervention humaine est minimale. L’esprit n’est donc pas de recréer des espaces à caractère naturel, mais plutôt de laisser ces espaces fonctionner ou se rétablir d’eux-mêmes.

37Mais l’enjeu immédiat pour la réserve est aussi de s’intégrer à un premier niveau dans le tissu local (gestion concertée et participative), et à un second niveau dans la dynamique territoriale de la CCVD (SAGE, charte de territoire). Il s’agit à court terme d’une condition de survie de la réserve et à long terme d’une condition pour réussir pleinement la restauration de la dynamique fluviale. Enfin, la valeur du patrimoine de la Réserve ne sera socialement reconnue que si elle parvient à susciter l’intérêt, à créer une dynamique d’échange. La participation de la population aux animations, l’accueil et l’ouverture à la nature d’une diversité de publics, la qualité de l’information diffusée doivent y contribuer. L’objectif d’échange, pris aux sens de l’animation, de la participation et de l’information, peut être considéré comme un des enjeux de la Réserve Naturelle.

38Ainsi, les collectivités territoriales, qui jouent un rôle croissant en matière de politique patrimoniale, ont bien compris l’intérêt de susciter une telle appropriation identitaire de la part de leurs administrés, en investissant dans la Maison des Ramières et en l’utilisant par la suite dans leur communication sur leur politique de développement touristique.

5- L’évolution de la Maison des Ramières

a- Vers une Maison de la rivière Drôme

39Dans le cadre de la redéfinition de la Maison des Ramières initié en 2003, le label « Réserve Naturelle nationale » et le savoir faire acquis par l’équipe sont de véritables atouts sur lesquels il va être nécessaire de s’appuyer. Il est néanmoins indispensable de penser un projet à sa juste échelle. En effet, malgré le statut de Réserve Naturelle, ce n’est pas un « grand site » naturel ; il se caractérise par une faible immersion dans la nature qui est renforcée par un lien diffus entre la Réserve et la Maison. La présence d’une voie ferrée entre les deux participe à ce problème d’unité du lieu physique.

40Pour la communauté de communes du Val de Drôme, le projet de réaliser une Maison d’interprétation et un espace scénographique ne se limitant pas à la seule Réserve Naturelle doit participer à asseoir sa politique d’éducation à l’environnement (un pôle d’éducation à l’environnement pour la basse vallée de la Drôme) et, prioritairement pour les 36 communes adhérentes, avoir un site vitrine des actions communautaires en matière d’environnement.

41Pour mener à bien cette entreprise, il est incontournable de définir avant tout les objectifs de cette maison. Les orientations sont double : en faire un site pédagogique et un site à vocation touristique, en priorité pour les communes de la CCVD, mais également de façon plus élargie. Cela veut donc dire d’étendre son champ d’action que ce soit vers les scolaires ou vers le grand public au-delà du territoire.

42Pour définir un projet cohérent, il est nécessaire de s’appuyer sur l’existant et ses acquis.

43L’ancrage territorial est avant tout indispensable. Dans ce sens, la Réserve Naturelle des Ramières légitime le projet. Ces compétences humaines sont reconnues localement, mais aussi par les "passionnés de nature", et est identifié comme un lieu ou une équipe a accumulé de l’expérience, tant scientifique que pédagogique. C’est aussi un espace assimilé par la population comme organisateur d’événements à l’échelle locale. Enfin techniquement, cet espace dispose d’un potentiel d’aménagements intérieurs et extérieurs dans le cadre d’un futur projet d’aménagement. La rivière Drôme est indissociable de cet ancrage en rythmant de tout temps la vie des habitants du Val de Drôme. C’est sur ce patrimoine reconnu et commun au territoire que le nouveau projet doit s’appuyer. Ainsi, la futur Maison de la rivière Drôme a pour vocation de proposer un lieu exceptionnel pour découvrir ce cours d’eau, « une des plus belles rivières sauvages d’Europe ».

b- Le contexte touristique

44Pour mener à bien ce projet et proposer une offre à la dimension du territoire touristique, il est nécessaire de calibrer le projet. Pour cela une approche des données touristiques est indispensable. En ce sens une étude menée par l’agence Tam’s a permis dans un premier temps de définir les caractéristique du bassin touristique :

45D’après les données disponibles, le rayon d’attraction d’un site est de 50 km soit une zone de chalandise faible en nombre d’habitants et de séjournants pour la future Maison de la Rivière Drôme

  • Une faiblesse du nombre de lits marchands avec une forte proportion d’hébergement de plein air (camping)

  • La faiblesse du nombre d’habitants issus de grandes agglomérations de proximité : un potentiel de 260 000 habitants dans un rayon d’une heure de route (la plus grande ville est Valence avec 66 000 habitants).

  • Par contre, une fréquentation des lieux d’accueils et d’information majoritairement le long de la Drôme (Office de tourisme et syndicat d’initiative).

  • Une fréquentation touristique essentiellement de mai à octobre.

46L’offre touristique est variée. Dans une zone de 40 km autour du futur site (soit environ 30 mn de route), nous pouvons identifiés 40 sites touristiques à entrée payante dont 4 sites ont une connotation en lien avec la nature (aquarium, jardin aux oiseaux, ...).

47Dans ce contexte, la Maison de la rivière Drôme sera le seul site « nature » à entrée payante du Val de Drôme. La fréquentation de la Maison des Ramières, hors événements était de 1500 visiteurs à l’année. En prenant en compte l’ensemble de ces caractéristiques, l’objectif de fréquentation annuelle de la future Maison de la rivière Drôme est de 10 000 visiteurs.

6- Valorisation touristique et enjeux territoriaux

48La Maison de la rivière Drôme s’appellera « la Gare des Ramières » et sera gérée par la communauté de communes du Val de Drôme, au même titre que la Réserve Naturelle des Ramières. Dans la continuation des concertations initiées et conduites dans le cadre de la Réserve, cette gestion se déroule avec l’implication des acteurs locaux, des scientifiques et des services de l’Etat. Cette Maison de valorisation de la rivière Drôme vise trois objectifs :

  • Un site touristique et pédagogique qui répond à l’attente du public à découvrir une nature encore sauvage, originelle.

  • Un pôle d’éducation à l’environnement avec des animateurs nature qui interviennent dans les écoles auprès des enseignants, sur le thème de l’eau, des espèces vivantes.

  • Un lieu de gestion de la réserve naturelle.

49Ce projet prend place dans la politique touristique du territoire qui vise « à développer un tourisme doux, respectueux de l’environnement et des paysages, et de conforter les séjours en hors saison ». Entre autres, il a pour mission de sensibiliser le public au respect de la nature et de faire découvrir la diversité écologique du Val de Drôme. Ces orientations politiques s’inscrivent dans un souci de développement durable respectueux de la richesse de ce patrimoine naturel.

50Ainsi la Gare des Ramières est un des maillons du développement touristique du Val de Drôme. Elle est transversale aux trois axes principaux :

  • la valorisation de sites (aménagement de villages, villages perchés, gare des Ramières),

  • l’entretien de sentiers de randonnées (parcours de ballades passant par les villages, la Réserve Naturelle),

  • la mise en réseau des offices de tourisme et syndicats d’initiative de la vallée, dont Livron est tête de file (diffusion et relais de l’information et accueil touristique).

51L’orientation touristique s’inscrit plus largement dans la stratégie de développement général du territoire qui s’engage à mener des actions « pour un développement durable et partagé, un environnement de qualité et des solidarités renforcées ». Cet engagement se traduit notamment par le projet « Biovallée », une initiative lancée par les communautés de communes du Val de Drôme et du Diois. Le territoire concerné représente 1/3 du département de la Drôme. « Biovallée » favorisera l’installation d’entreprises du développement durable et encouragera entre autres le développement de sites éducatifs et démonstratifs. Ce projet a d’ailleurs été retenu en janvier 2008 pour recevoir le label « grands-projets Rhône-Alpes ». Créé par la Région Rhône-Alpes, il doit favoriser la promotion des territoires engagés dans le développement durable (seulement 7 territoires seront retenus parmi lesquels Rovaltain, la Grotte Chauvet, le lac du Bourget, ...). A travers ce label, il s’agit de faire de la vallée de la Drôme un éco-territoire de référence européenne. Cette stratégie prend place dans un véritable projet de territoire qu’est entrain de construire la communauté de communes du Val de Drôme. Dans ce contexte, le projet et la réalisation de la Gare des Ramières ne se limite pas à sa seule portée patrimoniale et touristique ; elle est également en cohérence avec les orientations du développement territorial durable et est une concrétisation de ces orientations.

Conclusion

52La Gare des Ramières prend place dans un contexte de construction d’une politique de développement durable du territoire du Val de Drôme. Elle devient par là même l’un des projets touristiques de cette ligne directrice. Le territoire veut ainsi être porteur d’une image nature légitimée « rivière Drôme ».

53La Gare des Ramières a pour vocation de devenir le pôle fédérateur touristique d’une identité patrimoniale renforcée et de se présenter comme la porte d’entrée des sites « nature » du Val de Drôme. Ce statut s’accompagne de deux enjeux principaux pour le territoire du Val de Drôme et pour la CCVD : donner un site phare pour les actions d’éducation à l’environnement et disposer d’un outil de développement local à vocation scientifique pédagogique et touristique. Le site ouvre ses portes début avril, l’avenir nous permettra d’observer si les objectifs escomptés seront atteints.

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Auteur

Laboratoire Edytem UMR 5204 Université de Savoie

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