Versión clásicaVersión móvil

L’histoire à travers champs

 | 
Michel Cadé

II. Histoire des champs, histoire économique

Collaboration économique et aryanisation

Annie Lacroix-Riz

Texto completo

1L’ aryanisation constitua une pierre de touche de la collaboration économique, mélange de coopération poussée très loin et de concurrence franco-allemandes : ces deux aspects étroitement mêlés font l’objet de la présente étude.

I. Prise de décision et politique commune de spoliation

  • 1 Dossier questions juives, textes de principe, 18 octobre 1940-18 mai 1942, F 37 (fonds Barnaud), vo (...)
  • 2 Leitmotiv du dossier 6 (biens des Rothschild) de AJ 40, vol. 600.
  • 3 Claude Gruson et François Bloch-Lainé, Hauts fonctionnaires sous l’Occupation, Paris, Odile Jacob, (...)

2On constate non seulement un alignement français sur les décisions allemandes, mais dans certains cas un sens de l’initiative antérieur aux premières ordonnances antisémites de l’occupant, celles des 27 septembre (définissant « le juif ») et surtout 18 octobre 1940 « sur les entreprises juives » (prenant pour point de départ celle du 23 mai 1940, prévoyant pour les « entreprises privées de leurs dirigeants » des « administrateurs provisoires ») : la litanie des textes de principe qui emplissent les fonds Barnaud, ceux du Commissariat général aux affaires juives (CGQJ) et ceux de 1’« administration militaire en France » (Militäbefehlshaber in Frankreich, MBF) – sise à l’Hôtel Majestic1 –, commença par l’assaut contre les Rothschild, victimes de la déchéance de la nationalité française édictée par la « loi » du 23 juillet 19402. Au contraire de ce qu’affirment a posteriori les témoins, auxquels l’historiographie accorde un crédit grandissant3, aucun service ne marqua de réticence : les Finances et la Production industrielle (PI), pivots décisionnels, pas plus que la Préfecture de police de Paris ou le CGQJ, instrument spoliateur par définition. L’industrie, la banque et le commerce pas davantage.

Accord franco-allemand sur les liquidations

  • 4 Note du secrétaire général Bichelonne, cabinet de la PI, Paris, 12 février 1941, AJ 38, vol. 334.
  • 5 Lettre de Burandt (MBF) à Bichelonne, 7 mars 1941, AJ 38, vol. 334.
  • 6 Lettre 1935 des Finances à de Faramond, 28 mai 1941, AJ 38, vol. 334.
  • 7 « Étude » citée, sans doute été 1941 (tableau joint, par branche), AJ 38, vol. 324.
  • 8 Lettre 394 avec tampon du 13 janvier 1941 de Fournier à Brunet, AJ 38, vol. 334. Sur Fournier, A. L (...)

3Le consensus régnait sur l’élimination des petites affaires requise par le MBF le 12 novembre 19404 en vue de F « assainissement » et de concentration de l’économie. Burandt protesta pourtant le 7 mars 1941 auprès de Bichelonne contre les lenteurs alléguées de la liquidation et la non « mise sous scellés des magasins » à Paris : « un grand nombre de petites entreprises juives, qui ne sont pas nécessaires à la population, ont même apposé des pancartes disant qu’elles étaient fermées pour manque de marchandises. Ces pancartes constituent une cause de trouble pour la population et doivent être enlevées de suite. Je vous prie de me faire un rapport immédiatement »5. Nul ne s’était dressé pourtant contre la mort des modestes boutiques et ateliers, dont le nombre « approcherait », selon une note de mai 1941 du ministère des Finances, « pour le seul département de la Seine, de 16 000 »6 (selon une « étude sur l’aryanisation », « environ 28 799 » pour Paris et la Seine7 ). Tous les services chargés de l’aryanisation, de même que les comités d’organisation (CO) et les présidents des chambres de commerce et d’industrie, furent zélés dans « l’exécution des ordonnances allemandes [concernant] la fermeture et la liquidation éventuelle des entreprises non viables ou inutiles à l’économie générale », écrivit au directeur du Trésor (Jacques Brunet) en janvier 1941 Pierre Fournier, président de la SNCF (après avoir été jusqu’au 31 août 1940 gouverneur de la Banque de France) placé en décembre 1940 à la tête du Service du contrôle des administrateurs provisoires (SCAP)8.

  • 9 Circulaire du préfet de Belfort, 1er octobre 1940, AJ 38, vol. 334. Souligné dans le texte.
  • 10 Lettres du préfet à de la Laurencie, Belfort, 12 et 18 décembre 1940, AJ 38, vol. 334.
  • 11 Lettre au chef du SCAP, 29 mars 1941, Belfort, AJ 38, vol. 334.

4Comme ses pairs, le préfet de Belfort Marcel Pinot appliqua sans sourciller les ordonnances du MBF des 27 septembre et 18 octobre 1940 et les « Directives » de la Feldkommandantur de Besançon du 30 septembre. Sa circulaire du 1er octobre avait enjoint les maires de son département, en exécution des « instructions » allemandes, « de vouloir bien prescrire la fermeture immédiate et provisoire des maisons de commerce et établissements industriels israélites (...) sans distinguer si le propriétaire israélite est présent ou s’il a quitté son commerce » ; et de lui « faire parvenir pour 5 octobre courant au plus tard une liste exacte de toutes les maisons israélites dont la fermeture aura été ordonnée dans votre commune, ainsi que les noms de gérants ou des fondés de pouvoir proposés », et « la liste de tous les immeubles dont les propriétaires sont israélites »9. Le 12 décembre 1940, il sembla vaciller – cas rarissime selon ce dossier « Préfectures, octobre 1940-juillet 1943 »– devant la curée de l’occupant et des élites locales et l’internement des juifs. « Un service de surveillance des biens israélites » allemand a été créé avec « une section industrielle et commerciale », une section « des avoirs et comptes en banques », une section « immobilière » ; il est « lui-même contrôlé périodiquement par un expert désigné par la chambre de commerce et rétribué à cet effet par le Service », dont le directeur « rend compte périodiquement de sa gestion et de celle des sections à M. le Président de la Chambre de commerce de Belfort. Je suis informé par certains gérants de magasins israélites que le service de surveillance se propose de mettre en vente, à bref délai, les fonds de commerce israélites, mais je n’en suis pas encore avisé officiellement. Si pareille éventualité devait se réaliser, il en résulterait de graves inconvénients pour le commerce belfortain. En effet une grande partie de celui-ci, et principalement le grand commerce, était aux mains des israélites. La mise en vente simultanée d’un grand nombre de fonds apporterait une perturbation profonde dans le ravitaillement et dans l’approvisionnement de la ville et du département. Je ne vois d’ailleurs pas ce qui serait susceptible dans les circonstances actuelles de procéder à ces acquisitions. En ce qui concerne les personnes, je suis informé officieusement que M. le Feldkommandant de Besançon aurait l’intention de rassembler dans des forts ou dans des casernes tous les israélites, soit plus de 300, qui continuent à résider dans le département. Ces israélites seraient ensuite dirigés, petit à petit, en zone non occupée ». Le préfet demanda donc à de la Laurencie, délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés, « si les mesures concernant la vente des fonds de commerce et le rassemblement des israélites dans des camps », prescrites par la Feldkommandantur de Besançon, avaient bien « été envisagées en accord avec le gouvernement français ». N’obtenant aucune réponse, il reprit le 18 décembre : « par lettre du 14 courant, M. le Feldkommandant de Besançon me demande de lui transmettre pour le 15 janvier prochain, après une entente avec M. le Président de la Chambre de commerce, des propositions pour la liquidation totale des entreprises et commerces israélites qui ne seront pas considérés comme d’un intérêt vital et dont la disparition complète sera sans importance pour l’économie française. Je me permets d’insister à nouveau auprès de vous afin de connaître si ces mesures sont envisagées en accord avec le gouvernement français »10. Fin mars 1941 au plus tard, il avait repris son assiette : « Le service de surveillance des biens israélites de Belfort se préoccupe actuellement de la vente des fonds de commerce israélites. Des annonces en ce sens ont été publiées dans la presse locale en vue d’arriver à l’aryanisation des maisons intéressées dans un délai de quatre semaines »11

  • 12 Lettre 9409 de la Rozière à Bichelonne, 14 mai 1941, AJ 38, vol. 334, et note Faramond, 14 juin 194 (...)
  • 13 Lettre 9255 de de Faramond à Blanke, en allemand, Paris, 13 mai 1941, AJ 40, vol. 827.
  • 14 Lettre 406 de Regelsperger à la direction du Trésor (DT), 17 mars 1942 (détail, note 559 du même, 2 (...)

5N’étaient pas seules concernées les « entreprises israélites de petite importance », au nombre si « grand » que le SCAP demanda à la PI en mai 1941 et en obtint au plus tard en juin la délégation de signature pour décision « de fermeture et de liquidation » de celles représentant un montant inférieur à 200 000 francs12. Furent aussi frappés des établissements financiers importants, naguère concurrents de leurs homologues « aryens ». De Faramond (successeur de Fournier au SCAP) fut clair dans une lettre à Blanke, Referent (chef de service) de l’aryanisation au MBF, où il s’impatientait de n’avoir pas « jusqu’ici » reçu « réponse » à ses propositions, échelonnées entre le 6 janvier et le 8 mai 1941, de liquidation des banques Raymond Paraf, Raymond Weill, Thalmann, Stern et Cie, Albert Bernard, Raphaël et Cie, Saul Amar, Daniel Dreyfus, Lazard frères, Louis Hirsch et Cie, Louis Dreyfus et Cie, Société parisienne de banque, et Morhange frères et Cie : « une décision rapide me semble nécessaire en vue d’un assainissement et d’une réorganisation du marché de l’argent. Il ne doit pas vous échapper que dans la plupart des cas j’ai repoussé les propositions d’aryanisation qui m’étaient soumises » car elles « visaient à assurer le maintien occulte des anciens dirigeants ou la création d’organismes totalement inutiles. (...) mes propositions ont été communiquées au comité d’organisation professionnelle des Banques et au Ministère des Finances, qui m’ont dans tous les cas donné leur accord. Leur politique tend d’une part à éliminer un certain nombre de maisons juives qui se superposent inutilement à des banques aryennes de même catégorie, d’autre part à supprimer les organismes financiers dont les sources d’activité ont disparu (Banques spécialisées dans les opérations de change notamment) ». Faramond se plaignait « que de nombreux dirigeants d’anciennes banques juives semblent se servir d’"hommes de paille" pour vous soumettre directement des propositions d’aryanisation qui auraient eu toutes chances d’être écartées a priori par mes services, s’ils en avaient été saisis au préalable »13. Le même sort attendait les 35 « maisons de coulisse juive », à l’initiative, à l’été 1941, de la direction du Trésor, que l’occupant n’eut qu’à ratifier : cette liquidation « que vous avez expressément recommandée », rappela le directeur de l’aryanisation Yves Regelsperger le 17 mars 1942 à Brunet, était « de nature à faciliter la réorganisation professionnelle dans cette branche d’activité, et les autorités d’occupation ont confirmé votre point de vue dans une note du 15 juillet 1941, qui vous a été transmise le 30 juillet »14.

Les collaborateurs, du menu fretin au grand capital

  • 15 Texte in extenso in AJ 38, vol. 323.
  • 16 Il faudrait citer tout AJ 38 (mention spéciale, à la PP, pour le zélé Jean François, directeur adjo (...)

6La voie étatique de l’aryanisation ayant été mieux défrichée que celle des contacts privés franco-allemands, je mentionne pour mémoire l’ardeur de Vichy à « éliminer toute influence juive dans l’économie nationale », formule de l’article 1 (sur 25) du décret Pétain dit « loi du 22 juillet 1941 relative aux entreprises, biens et valeurs appartenant aux juifs »15. Ainsi furent mis en place en décembre 1940 le Service du contrôle devenu Service de Contrôle des administrateurs provisoires, intégré ensuite dans le Commissariat général aux questions juives établi par la « loi du 29 mars 1941 », puis en octobre 1941 (arrêté du 19) la Police aux questions juives. La Préfecture de police, vieille structure décisive dans ce champ neuf, surenchérit dans l’enquête et la volonté de répression et d’élimination16, sans oublier d’autres outils anciens de l’État, tels les Finances et la PI. Les Allemands trouvèrent autant d’alliés dans le secteur « mixte », tels les CO, lieux de collaboration organique entre État et secteur privé, d’où provenaient leurs présidents : informateurs des services français et allemands sur les « entreprises israélites », rédacteurs des listes d’administrateurs provisoires, conseillers en liquidation ou vente des biens juifs.

  • 17 Réponse du SCAP à la question du 24 janvier de la maison Duthilleul et Minart, 11 février 1941, AJ  (...)
  • 18 Note Wi I Az 7141/41 du Dr Michel au SCAP, 15 mai 1941, AJ 38, vol. 324, et lettre 15564, de Faramo (...)

7C’est aussi dans un cadre purement privé que se nouèrent les rapports franco-allemands. L’administration ne cachait pas grand-chose à l’occupant, qui pouvait compter aussi sur d’autres compères, de la racaille aux élites avec toute la gamme intermédiaire. Le représentant du MBF auprès du SCAP ou Blanke lui-même tenait de ses contacts – visiteurs se relayant dans les bureaux installés dans les « pièces » des hôtels occupés, délateurs épistolaires ou mondains, etc. – que telle « affaire juive » n’était pas encore déclarée par le(s) juif(s) concerné(s) ; pas encore recensée ; pas encore fermée, ni liquidée ni aryanisée, ni en voie de l’être ; que les aryanisations réalisées étaient « fictives » ; que tel juif demeurait, après les ordonnances allemandes l’interdisant formellement, « en contact avec le public »17, malgré le zèle de Faramond à appliquer la troisième ordonnance allemande contre les juifs (26 avril 1941) aggravant les sanctions contre les contrevenants18, etc.

Des petits et moyens agents de la Cinquième Colonne...

  • 19 Lettre d’Emil (sic) Suain à « Cher Monsieur Plas », Paris, 22 mai 1941, texte original avec fautes (...)

8Les archives regorgent de lettres de délation issues de petits bourgeois qui, avides de saisir des biens interdits à leur statut, avaient parfois servi le Reich avant l’invasion. Adressés aux services français ou allemands, ou aux deux, leurs messages ressemblent tous à la prose de Suain dans les fonds du Majestic. « Le petit exposé concernant les victimes des Dreyfus Frères (Unifix-Union d’Achats et de Commission) » (grand magasin juif) envoyé à un familier allemand et destiné « à Monsieur le Dr Blanke, ou à son adjoint », y voisine avec des notes explicatives : « Je connais très bien cette affaire puisque je suis l’ami des personnes qui sont citées » ici, « et notamment du Dr Mutz, de Münich (sic), spécialiste en matière de magasins à prix uniques, et dont j’ai été le collaborateur et l’interprète pendant toute la durée de son séjour en France. Vous savez que j’ai une sœur qui est devenue allemande par mariage (c’est ce qu’il est convenu d’appeler de la collaboration) ainsi qu’une nièce, sa fille qui habitent à Düsseldorf, et elles partagent naturellement mes idées en ce qui concerne la question juive : elles me disaient souvent avant la guerre – « Die Juden sind unser Unglück » [Les juifs sont notre malheur]... Vous pourriez dire à Monsieur le Dr Blanke ou à son adjoint que je suis à leur entière disposition pour lui fournir tous renseignements utiles en ce qui concerne les Frères Dreyfus d’Unifix (UAC) et leurs nombreuses victimes, dont je suis la principale, comme vous le savez. Je parle et j’écris l’allemand que j’ai appris à Cologne et à Düsseldorf, et je connais M. Dubosc, de l’UAC (Unifix) 4, rue Arsène Houssaye, qui m’a d’ailleurs conseillé sur les agissements de ces Dreyfus et sur leurs entreprises que je connais particulièrement bien »19.

  • 20 Lettre n° 267/10/40 de l’Abwehr au Dr Turner (MBF), 31 octobre 1940, AJ 40, vol. 820.

9Sans doute plus haut placé, Pierre Quantin, agent français de l’Abwehr (il « travaillait] depuis des années pour les intérêts du service », selon son bureau de Paris20 ), affichait un énorme appétit le 26 octobre 1940 :

« Monsieur le Général,
J’ai l’honneur, en application de l’article V de votre deuxième ordonnance en date du 18 octobre 1940, de solliciter de votre haute bienveillance, ma désignation comme commissaire administrateur dans des entreprises juives, ou considérées comme telles, à qui s’appliqueront vos diverses prescriptions. Français, aryen, agé (sic) de 40 ans, ayant exercé depuis près de 25 années les professions d’ingénieur, commissionnaire en marchandises ainsi que d’administrateur de sociétés industrielles et commerciales, je suis au courant de toutes questions commerciales, industrielles et financières. D’autre part, animé depuis de longues années de sentiments de sympathie à l’égard de l’Allemagne et des nouvelles idées allemandes, j’ai de tout temps préconisé un rapprochement d’idées et de fait, franco-allemands et cherché à aider les efforts du Reich pour y parvenir.
Je me permets, à ce sujet, de vous donner les références actuelles allemandes à Paris, de M. le Direktor (sic) A. Becker, Hotel (sic) de Calais (appartement 15) et de M.H. Neubauer (appartement 72) qui pourront vous préciser exactement qui je suis. Je vous donne l’assurance formelle que j’exercerai les fonctions qui me seront confiées animé d’un esprit de fermeté et d’incorruptibilité absolu, et du désir de développer, en toutes circonstances, la collaboration loyale et amicale des intérêts français et allemands. Espèrant (sic) que vous voudrez bien accueillir favorablement ma démarche et lui donner de prochaines solutions, je vous présente, Monsieur le Général, l’hommage de mes sentiments respectueux et les plus distingués ».

  • 21 Lettre de Quantin au chef du MBF. Paris, 26 octobre 1940, et liste, AJ 40, vol. 820.
  • 22 Lettres 267/10/40 de l’Abwehr au Dr Turner (MBF), 31 octobre, et du Wi/B (pour le Major Noeth ou so (...)
  • 23 Lettre du MBF Wi VIII au commandant du Gross Paris, 19 décembre 1941, AJ 40, vol. 820.
  • 24 Lettre de Batschari, Paris, 18 décembre 1941, en allemand, AJ 40, vol. 820.

10La missive était accompagnée d’une liste de 28 « sociétés ou entreprises qui seront vraisemblablement classées comme juives par application de l’ordonnance du 18 octobre 1940 » (banque, assurance, industrie et grands magasins). « Les firmes d’ores et déjà reconnues comme juives sont précédées d’un x. Les [16] affaires qui m’intéressent particulièrement sont indiquées en majuscules » (à commencer par la « Banque de Paris et des Pays-Bas (...) (la première grande banque d’affaires) », la « Banque Louis Dreyfus (grande banque d’affaires et de contrôle de produits de première nécessité blé, etc.) » et « Worms et Cie »21. L’appui de l’Abwehr à cet homme « parfaitement sûr et digne de tout soutien allemand » ne suffit cependant pas à en faire 1’« agent fiduciaire » (Treuhänder) de ses maîtres « à la banque Dreyfuss (sic) ou Worms »22. Le MBF préférait traiter avec des financiers d’un autre calibre que Quantin ou que Robert Batschari, « intermédiaire d’un bureau allemand pour les achats de titres »23 qui dénonçait en décembre 1941 « deux juifs employés du nom de Bacarat et Douati [qui...] tiennent des propos incendiaires contre l’Allemagne et me rendent très difficile mon activité (...) à la banque Lambert-Biltz », et pleurnichait sur la germanophobie régnante24.

... aux élites : le symbole Ardant

  • 25 Le commandant de la Police de sécurité et du SD (Knochen, donc) les transmit à Blanke par lettre II (...)
  • 26 AP d’« entreprises de l’industrie électrique (...) notamment prévu pour (...) Le Carbone Lorraine » (...)
  • 27 Lettre Wi I. ref. 6084/41 de Michel à la PI, Paris, 26 février 1941, F 37, vol. 38.
  • 28 A. Lacroix-Riz, « Les grandes banques françaises de la collaboration à l’épuration, 1940- 1950 », R (...)
  • 29 « État... » cité, AJ 38, vol. 325.
  • 30 Voir surtout les vol. AJ 38 relatifs au « service des nominations », 461 à 477.
  • 31 Lettre WIII 197/40 du MBF (commune à tous les AP) à ?, Paris, 7 janvier 41, AJ 38, vol. 338.

11Les « trois notes en communication » envoyées le 13 juillet 1943 « en vue de votre rendez-vous de vendredi » à son « Cher Monsieur le Docteur » [Blanke ou le chef SS Knochen] par Moreau de la Meuse concernaient une fraction, aliénée en juin 1942, des actifs Rothschild placés sous séquestre de l’Administration des Domaines depuis juillet 1940 [en vertu de la « loi » du 23 sur leur déchéance de la nationalité française] : leurs « actions (...) à la Compagnie d’éclairage et force par l’électricité » de l’Ouest. La précision des informations suggère comment les Allemands parvinrent jusqu’au terme de l’Occupation à tout savoir de l’économie française25. Ces délateurs complices figurèrent dignement, tel Moreau de la Meuse26, dans la hiérarchie des administrateurs provisoires fixée par les ordonnances allemandes : la Bestallung, nomination allemande, symbole du droit du vainqueur en zone occupée que celui-ci prétendit d’emblée étendre au-delà du « territoire occupé »27, voisinait avec l’« ordre de mission » du Service de contrôle français, souvent rédigé après « proposition » allemande appuyée, routine du « courrier arrivée » du MBF au SCAP (sachant au surplus que toute proposition française devait avoir l’agrément du MBF). Dans leurs mémoires de défense, les épurables français arguèrent qu’ils avaient en 1940 redouté d’être supplantés par des Allemands dans leur entreprise qualifiée de « juive »28. Le nombre des « commissaires allemands », outre qu’il n’excluait pas le maintien de dirigeants français, fut faible, même dans les « affaires juives » avérées, sauf exception, tel Niedemeyer, de la « Landesgruppe Frankreich der NSDAP », gavé, entre 1941 et 1943, de Bestallungen : selon un « état des entreprises gérées par des administrateurs allemands ou présumés tels » comportant date et origine de la nomination entre les 20 janvier 1941 et 28 mars 1943, il régnait alors sur 169 sociétés industrielles ou financières et 73 immeubles, record absolu de 45 noms allemands29. Bilan mince, même si ce chiffre ne se confond pas avec la totalité des nommés, éventuellement changés depuis 1941 : plusieurs dizaines de milliers d’administrateurs provisoires furent investis30. Les Français gratifiés pour services rendus étaient requis d’agir dans les termes impérieux utilisés envers l’administrateur provisoire « de trois instituts bancaires » : nommé par ordonnance du MBF le 10 décembre 1940, il fut convoqué le 13 janvier suivant à 11 h 30 chez Scheffler au Majestic « pour recevoir des directives » et prié « de me faire chaque mois un rapport au sujet de la marche de l’affaire et de la situation de la maison que vous administrez, comme aussi au sujet des mesures prises par vous en joignant le dernier bilan. Les rapports doivent être remis régulièrement le 15 de chaque mois et le premier sera déposé en double exemplaire – autant que possible avec sa traduction en allemand – pour le 15 janvier »31.

  • 32 Interrogatoires Knochen des 23 décembre 1946 et 4 janvier 1947 par Marc Bergé, 3W, vol. 358.
  • 33 « Note résumée sur l’aryanité de la CIGMA, 3 octobre 1942 », AJ 40, vol. 817 (gros dossier CIGMA- S (...)

12C’est au sommet de la société que les Allemands trouvèrent la collaboration la plus précieuse. La correspondance de 1940 à 1944 corrobore les confidences d’après-guerre du chef nazi Knochen sur le premier banquier de France, Henri Ardant, président de la Société générale et du comité d’organisation des banques : avec son compagnon d’aryanisation, l’industriel textile du Nord Michel Dassonville, il put « réaliser des bénéfices absolument énormes [dans] l’affaire [Édouard] Worms » ; « les renseignements dont la section III a pu avoir besoin lui ont été fournis par M. Ardant, (...) avec qui Maulaz [chef de la SS] était en rapports » et qui « avait la pleine confiance du Général Michel, de ses services dirigés par Dr Blanke et de Laval (...) Sur le plan renseignements, Ardant nous fournissait toutes les indications que nous pouvions désirer tant au point de vue bancaire qu’au point de vue financier »32. Ardant, auprès de Vichy et des Allemands, réalisa l’aryanisation de la Compagnie internationale des grands magasins (CIGMA) qui contrôlait Cimentul Titan (la plus grande cimenterie roumaine), la Grande Maison de Blanc, les magasins d’alimentation Loiseau-Rousseau et la Société anonyme française de gérance (chaussures Raoul, Dressoir, Pinet, Noël). Les fonds allemands dévoilent une partie du mystère de la participation du tandem Ardant-Dassonville, assisté de l’avocat Loncle, autre éminent aryanisateur, dans la CIGMA présidée, après aryanisation totale, par Ardant : son capital de 42,5 millions était, à l’automne 1942, réparti entre « actionnaires anciens » (« tous aryens », 17,65 %), « groupe des banques espagnoles » (4,70 %), et, dotés de la part du lion, les « groupes » Société Générale (29,08 %) et Dassonville (48,57 %)33.

  • 34 Notes Wi/V 7561/42 au groupe Wi II Gen, 13 février, et Weismann, 2 février 1942, AJ 40, vol. 817.
  • 35 Wi/V, Paris, lettre 1 3246/42 à l’Office des Changes (ODC), 3 juillet, et note 1 5405/42 pour Miche (...)
  • 36 Fiche ODC, Paris, 11 juillet 1943, AJ 40, vol. 817 ; détail et suite, Industriels, p. 270-271.

13De ce pactole, le tandem piaffait de céder à la Dresdner Bank son principal objet d’intérêt, les titres de Cimentul-Titan. Le directeur de la banque Weismann la plaçait, dans une note de février 1942 « sur l’achat de titres intérieurs et étrangers négociés par la Dresdnerbank » en France, en tête d’une liste de neuf grands projets de rachat (ses 185 millions de francs représentant près de 58 % d’un total de 320,780 millions de « titres étrangers » lorgnés) : « Accord conclu avec le partenaire français. Intéressées, les cimenteries silésiennes [Ciments Portland de Silésie AG, à Oppeln]. Autorisation du Ministère français des Finances encore en suspens et provisoirement à ne pas attendre »34. « La transaction projetée de 920 000 actions de la Cimentul-Titan de Budapest (...) par la CIGMA à un groupe allemand représenté par la Dresdner Bank » demeurait suspendue à ladite « autorisation » en juillet et en novembre 194235. À l’été 1943, le duo recéda au « groupe espagnol » (« banques » et « banquiers » hommes de paille) un capital, sérieusement rogné (2 075 000), que la conjoncture militaire rendait compromettant36.

  • 37 Rapport à la date du 31 juillet 1944, AJ 40, vol. 820.
  • 38 Sur ce pilier de Vichy, F 37, vol. 38 (et Industriels, chap. 6 et 8).
  • 39 Note Lechartier sur un entretien avec Ardant, 7 mars 1942, F 37, vol. 38/
  • 40 Lettre Wi I 9254/41 de Michel à l’UGIF, Paris, 15 décembre 1941, AJ 38, vol. 334 (et note Ardant, 1 (...)
  • 41 Industriels, chap. 2 et 7-8 (voir index).

14Ardant « s’était tenu sur le plan professionnel en relations particulièrement étroites avec l’administration militaire », selon le sobre rapport final de son Groupe Wi V/2 devises, crédit, assurances37. L’aida dans cette mission son rôle permanent dans les bureaux de Vichy en vue de l’aryanisation non seulement de la CIGMA, mais aussi des Chaussures André, des Galeries Lafayette ou de la presse38. Il fréquentait le MBF au point de jouer les hommes à tout faire : « pressenti par la Rüstungsinspektion pour servir d’intermédiaire dans des achats de métaux rares, tels que tungstène et iridium »39 ; cheville ouvrière, au nom du CO des banques qu’il présidait, du prêt à très court terme de 250 millions consenti à l’Union générale des israélites de France, avec « remboursement (...) aux 15 février, 15 mars et 15 avril 1942 », assorti de l’exigence de création d’un « fonds de garantie » étatique. Une des contributions bancaires à la gestion de 1’« amende d’un milliard infligée aux juifs » par les Allemands à la mi-décembre 1941, dont « le premier terme de 250 millions de francs [evai] être versé au plus tard le 15 janvier 1942 » à la Reichskreditkasse à Paris40, etc. Bien des pairs d’Ardant, banquiers, industriels et négociants, avaient agi comme lui, investis depuis octobre 1940 par le Majestic. Certains trafiquaient encore du bien juif début 1944, tel Pierre Taittinger, prétendant sérieux au record en la matière41.

Pillages allemands et complicités françaises

15À la délation de bas étage, au renseignement de haut niveau, à la coopération dans la gestion des dépouilles s’ajoute la complicité, active et passive, dans les vols de collections d’art, meubles précieux, bijoux, chevaux de course, etc. Ecartant les subalternes, je me borne ici à la réaction des élites, privées et publiques (ès qualités, le Délégué général aux relations économiques franco-allemandes Bamaud étant aussi banquier).

  • 42 Lettre de Carcopino à Darlan, Vichy, 29 mai 1941, F 37, vol. 38.
  • 43 « Note pour Monsieur Mourre », RFA 562, de Lechartier, 10 juin 1941, F 37, vol. 38.

16Le 29 mai 1941, le secrétaire d’État à l’éducation nationale Carcopino déclara à Darlan, pour la seconde fois au moins, son souci de « la situation résultant de la saisie [depuis octobre 1940] par les autorités allemandes des collections d’art appartenant aux israélites (...) aux domiciles de leurs propriétaires (...) rassemblées au Jeu de Paume des Tuileries. Malgré les interventions du directeur des Musées nationaux qui demandait que l’inventaire de ces collections eût lieu contradictoirement, cet inventaire a été fait par les seuls représentants des autorités allemandes. Depuis quelques semaines, les collections quittent le Jeu de Paume vers des destinations que nous ignorons. Or, la plus grande partie de ces œuvres d’art appartenait à des israélites déchus de la nationalité française et dont les biens confisqués par l’État français, devaient être vendus au profit du Secours National [clause de la loi du 23 juillet 1940]. Le 10 octobre 1940, le directeur des musées nationaux a fait une démarche auprès du Général de la Laurencie, délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés, pour lui exposer cette situation. Le 5 décembre 1940, il alertait la direction des Domaines chargée du séquestre des biens israélites confisqués. En décembre, le secrétaire général des Beaux-Arts intervenait lui-même, à son tour, auprès du Général de la Laurencie, puis de son successeur M. de Brinon ». Depuis la communication que je vous ai adressée le 22 mars 1941, « un fait nouveau s’est produit : la (sic) 8 avril, la direction des Musées nationaux » a été avisée « par le service allemand de protection des œuvres d’art en France que des délégués de la Commission chargée de la saisie de biens israélites se rendraient le 11 avril au château de Sourches (Sarthe) pour procéder à l’inventaire numérique des caisses confiées par des israélites aux Musées nationaux et évacuées dans ce dépôt. D’accord avec mon délégué permanent à Paris, le directeur des Musées nationaux envoya à Sourches son adjoint pour assister le chef du dépôt. Le 11 avril, les délégués allemands après avoir dressé cet inventaire, faisaient charger les 130 caisses de la collection David-Weill sur des camions et les transportaient vers une destination inconnue, peut-être le Jeu de Paume des Tuileries. Le 10 avril, mon délégué à Paris, M. Jean Verrier, le vice-président du conseil des Musées nationaux, M. Gabriel Cognacq, et le directeur des Musées nationaux, M. Jaujard, s’étaient rendus auprès de M. de Brinon (...) pour l’informer du danger couru cette fois par des collections confiées par leurs propriétaires à l’Administration française. J’ai le devoir de vous signaler cette situation et je vous serais très obligé de vouloir bien intervenir auprès de M. le délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés afin que la question des collections israélites soit à nouveau posée, dans son ensemble, aux autorités allemandes. La question est d’autant plus grave que les collections israélites constituent une partie considérable du patrimoine artistique de la France »42. Consulté sur la question, « M. Bamaud a pris connaissance de [cette] lettre (...). Il estime », répliqua son chef de cabinet le 10 juin, « que la mesure à prendre pour sauvegarder les collections artistiques antérieurement détenues en France par des Israélites sont du ressort de M. Xavier Vallat, Commissaire général aux questions juives »43.

  • 44 « Note sur la liquidation » de la banque Lazard de J. Bouteron (successeur de Thomasson), 1943, AJ  (...)
  • 45 Projet de lettre au président de la « commission de contrôle des commissaires-administrateurs (sic)(...)
  • 46 Lettre de Terray à Berthoud, 30 avril 1941 ; plus rien jusqu’en février 1942, où le dossier David-W (...)

17De Thomasson, directeur de la Banque de Paris et des Pays-Bas – deux hérauts d’une collaboration tous azimuts –, « nommé commissaire-administrateur de la banque Lazard frères et Cie par décision de l’autorité militaire occupante en France » le 25 octobre 1940, avait été à ce titre chargé des biens des David-Weill, deux des principaux propriétaires de Lazard44. Il avait fait déléguer le 13 novembre 1940, sur demande, immédiatement agréée, au président du tribunal civil de la Seine, Charles Gervais comme administrateur judiciaire « pour conserver et gérer les biens » de David-Weill en zone occupée. Le 11 avril 1941, « les services du Baron von Berr » (hôtel Commodore) volèrent « une très importante collection d’œuvres d’art de David-Weill (...) sans que Gervais en eût même rédigé un inventaire. Thomasson géra la contradiction entre la spoliation des juifs et le sens du tabou juridique de la propriété privée, réduit au souci du droit des créanciers de la banque sur les avoirs David-Weill, par un projet de lettre au SCAP, qu’il soumit le 28 avril à Bamaud : ces créanciers « ne doivent pas en être spoliés, car d’une part la convention d’armistice et les ordonnances allemandes ont maintenu intact ce droit et d’autre part ils ne doivent pas être touchés par des mesures qui, apparemment, ne sont pas dirigées contre eux. La demande que je formule ne doit donner prise à aucune objection légitime. Elle laisse en effet aux autorités occupantes toutes garanties, puisque ces collections resteront sous leur garde, qu’elles qeront (sic) inventoriées par un mandataire de justice et qu’aucune mesure de disposition ne pourrait être prise sur elles en dehors du signataire de cette lettre, nommé par lesdites autorités et directement responsable vis-à-vis d’elles »45. « M. Bamaud est entièrement d’accord sur ce projet de lettre », précisa son collaborateur direct Terray à Berthoud, adjoint du directeur des Finances extérieures et des changes Couve de Murville. Trésors envolés, l’affaire noircit du papier au moins jusqu’en février 194246.

18Berthoud exprima alors des scrupules sur le sort identique des collections Rothschild. Vichy, qui avait par avance renoncé à la protection du patrimoine artistique, le confirma début 1942, en concoctant une loi donnant quitus à l’occupant des pillages effectués chez les Rothschild. Début février, on discutait d’une circulaire « pour l’application de la loi du 19 janvier 1942 relative aux biens mis sous séquestre en conséquence d’une mesure de sûreté générale ». Signée du chef de l’État, « mais non encore publiée au JO », elle « prescrit la déclaration obligatoire de tous les biens appartenant à des personnes physiques ou morales mis sous séquestre ou liquidés en conséquence d’une mesure de sûreté générale » ; elle « s’applique spécialement au patrimoine des personnes déchues de la nationalité françaises et des personnes morales (Loges maçonniques, mouvements communistes, etc.) dont la liquidation a été ordonnée ». Son « titre II (...) prévoit la nullité de tout acte qui aurait pour but de soustraire ces biens aux mesures de séquestre qui seraient susceptibles de les atteindre ». « Nullité » qui épargnerait les pillards : « lorsque le texte en fut soumis aux autorités occupantes, celles-ci ne lui donnèrent leur agrément qu’à la condition que, dans une circulaire adressée aux Parquets de la zone occupée, le garde des Sceaux exceptât les autorités allemandes et les ressortissants allemands de l’application de cette loi. Cette exception viserait en fait les mesures de saisies effectuées notamment à l’encontre des tableaux et objets d’art des collections Rothschild ».

19À la séance du Comité des séquestres du 6 février 1942 présidée par Adéodat Boissard (directeur général de l’enregistrement, des domaines et du timbre, et à ce titre responsable des séquestres), celui-ci lut au titre de « représentant du garde des Sceaux » son « paragraphe final, souligné clans le texte » : « les dispositions de la loi (...) ne sont pas applicables aux ressortissants allemands, personnes physiques ou morales. Il en est ainsi, en particulier, des nullités d’actes prévues au titre II, qu’il s’agisse, soit d’acquisitions de biens par des sujets, des services ou des personnes juridiques allemand, soit de réquisition. Le représentant de la Direction des Finances extérieures et des Changes au Comité, M. Berthoud, s’est élevé très nettement contre le principe de cette exception. Il a déclaré que cette circulaire, en excluant expressément les autorités allemandes et ressortissants allemands du droit commun, risquerait de créer le plus fâcheux précédent dans d’autres domaines. Il a rappelé que le Département n’avait jamais accepté de faire un régime de discrimination légale ou réglementaire en faveur des autorités allemandes ou des ressortissants allemands et a cité plusieurs cas (contrôle des changes, taxe de péréquation sur les ventes à l’exportation, autorisation préalable des banques étrangères, contrôle des compagnies d’assurances étrangères, etc.) où les Allemands ont manifesté le désir – sans rencontrer l’agrément des autorités françaises – d’être exclus du droit commun applicable aux étrangers. Les représentants du garde des Sceaux et de la direction générale de l’enregistrement ont répondu que les autorités occupantes avaient fait de la circulaire susvisée la condition même de leur agrément à la loi relative aux biens mis sous séquestre ».

  • 47 La glorieuse carrière bancaire d’après-guerre de ce collaborateur d’État très compromis dans l’arya (...)
  • 48 Note [de Berthoud] pour « Couve (sic), a/s de la circulaire du Garde des Sceaux, 7 février 1942 », (...)
  • 49 Lettre 4332 de Couve de Murville à Barnaud, Paris, 30 avril 1942, F 37, vol. 38.
  • 50 Lettre citée, Vichy, 19 mars 1942, F 37, vol. 38.

20L’administration se partageant entre indifférents et adeptes des protestations écrites surtout représentés aux Finances (dont pourtant relevait le docile Boissard47 ), Berthoud fit suspendre « la promulgation de la » pitoyable « loi du 19 janvier 1942 » pour en « saisir » Barnaud48. Ce bref examen aboutit le 10 février à « une protestation (...) auprès de la Délégation allemande d’Armistice pour l’économie (...) à propos de l’enlèvement d’œuvres d’art dépendant des patrimoines de familles israélites »49. La « protestation » rejoignit dans un vaste cimetière la masse de ses semblables. Le 19 mars, le ministre de la Justice Barthélémy signala à Darlan que « des officiers allemands, à titre personnel ou services appartenant aux autorités d’occupation ont acquis, sous l’effet d’une certaine contrainte, des biens qui ne pouvaient être vendus à l’époque, la loi du 23 juillet 1940 (...) disposant que la liquidation n’interviendrait que six mois à dater de l’insertion au Journal Officiel [24] de l’ordonnance de séquestrations ». Ils avaient notamment « réquisition[né...] des chevaux de l’écurie de Rothschild à des prix qui ne correspondent pas à la valeur de ces chevaux ; c’est ainsi que l’étalon « Brantôme » estimé à plusieurs millions, n’aurait été payé que 600 000 francs »50.

II. Débat, conflit et concurrence : le poids de la conjoncture

  • 51 Sur cette guérilla juridique, voir notamment AJ 40, vol. 591, 600, et F 37, vol. 38.

21La réaction de Berthoud souligne une contradiction de l’aryanisation, le conflit, comme en d’autres domaines de la « collaboration économique », entre intérêts allemands et français, tant dans le pillage que dans le partage des dépouilles. En témoigne le persistant conflit juridique sur le statut des biens Rothschild, dont Vichy et le MBF se disputaient le principe du contrôle : le premier les avait soustrait par la loi du 23 juillet 1940 sur la déchéance de la nationalité française à la catégorie des biens juifs, ordonnant leur confiscation dont le produit serait remis au « Secours national » ; le second revendiquait la mainmise sur ces « biens juifs » doublés de « biens ennemis »51. Exemple de la lutte de Vichy pour la préservation d’une « souveraineté » formelle qui n’empêcha pas la curée allemande « sur les patrimoines de Rothschild », du vol à la reprise des actifs.

Le cas Seligmann

22La contradiction s’aviva avec l’évolution générale du rapport des forces. En matière de vol des collections d’art, privées ou de grands antiquaires, ou du contenu des coffres-forts loués aux banques, le mélange de « protestation » en vue de prendre date, de revendication de non-responsabilité de Vichy ou de déclaration d’impuissance des banques ouvrant aux Allemands les coffres de leurs clients ne suffisait plus en 1942. Outre que l’avenir promettait de n’être plus allemand, se profilait, pour les banques obéissant aux injonctions de l’occupant couvertes par l’État français, la menace de saisie des avoirs aux États-Unis. Le Crédit lyonnais avait affronté sans émoi la plainte déposée contre lui en novembre 1941 devant une cour de justice américaine par André-Jean Seligmann, alors réfugié aux États-Unis : ce grand antiquaire à Paris (128 rue du Faubourg Saint-Honoré) l’accusait d’avoir, le 13 septembre 1941, ouvert et laissé vider par le Devisenschutzkommando et 1’« Einsatzstab Rosenberg », la chambre forte qu’il lui avait louée le 29 août 1939. La sérénité du Crédit lyonnais fit place à l’effroi et à l’ultime recours à la « nourrice » étatique, quand la plainte, qui avait abouti en mars 1942, menaça ses dépôts américains. Son directeur général, affolé par les conséquences du pillage allemand sous l’œil (placide) français, se lamenta auprès de Couve de Murville. Le coffre de Seligmann était tombé « comme tous les coffres-forts, sous l’application des mesures édictées le 14 juin [1940] par le Devisenschutzkommando : interdiction d’ouverture hors la présence de fonctionnaire de cette administration, puis ouverture obligatoire des coffres sous leur contrôle, inventaire du contenu des coffres par ces fonctionnaires, mise sous séquestre de l’or et des valeurs étrangères ». Seligmann se trouvant en 1940 hors de la zone occupée, « son entreprise fut placée sous l’administration d’un commissaire-gérant, M. Remon Willy, 36, rue du Colisée, par arrêté de M. le Préfet de police en date du 12 février 1941, agissant en application de l’ordonnance allemande du 20 mai 1940 relative à la gestion des affaires en territoire occupé, de l’ordonnance du 18 octobre 1940 relative aux mesures contre les juifs et d’une note n° Wi IAS 1019/40 du 9 décembre 1940 [du MBF à la PI] impartissant aux préfets la mission de nommer des commissaires-gérants pour les magasins juifs ouverts sur rue. En vertu de ces pouvoirs, M. Remon Willy eut accès à la chambre forte dans les conditions prévues par les instructions du Devisenschutzkommando, c’est à dire en présence de fonctionnaires de cette administration. Lors d’une de ces visites, le 13 septembre 1941, ainsi qu’il ressort d’une mention apposée par le représentant du Devisenschutzkommando sur la carte de descente à la chambre forte, 27 tableaux et une pendule furent saisis et emportés par le service allemand dénommé « Einsatzstab Rosenberg ». Quelques jours après, M. Remon Willy résilia la location de la chambre forte après avoir enlevé les objets qui y restaient.

23Bien entendu, dans toutes ces opérations, le rôle de notre établissement s’est borné à donner accès à la chambre forte, comme il était tenu de le faire, en se conformant strictement aux prescriptions du Devisenschutzkommando et à l’arrêté du Préfet de police nommant M. Remon Willy. Cependant, en novembre, nous avons appris, par l’intermédiaire de notre siège social de Lyon, que M.A.J. Seligmann nous avait assigné aux États-Unis devant les tribunaux américains pour violation du contrat de location de chambre forte, et nous réclamait à ce titre une indemnité de 201 750 dollars, plus intérêts et frais. Et il avait obtenu déjà, en attendant le procès sur le fond, l’autorisation d’exercer sur nos comptes dans plusieurs banques de New York une saisie-arrêt à concurrence de cette somme de 201 750 dollars. Nous avons aussitôt chargé un avocat américain de notre défense en nous efforçant de lui faire parvenir la copie ou photographie de toutes pièces, démontrant que nous n’avons fait que nous conformer aux prescriptions des autorités d’occupation au Préfet de police. Notamment, nous lui avons adressé la photographie d’une lettre du Dr Blanke, signant au nom du chef de l’état-major de l’administration du Militarbefehlshaber, lettre en date du 29 janvier 1942, confirmant que les 27 tableaux et la pendule n’avaient pas été livrés volontairement par nous, mais réquisitionnés et enlevés de la chambre forte par un service allemand. La lettre ajoute qu’à l’heure actuelle il n’y a aucune perspective que l’on revienne sur cette mesure – ceci, en réponse à une demande instante de restitution des œuvres d’art que nous avions adressée à M. le Militarbefehlshaber.

  • 52 Lettre du CL à Couve de Murville, Paris, 9 mars 1942, F 37, vol. 38.

24Bien que nous n’ayons aucune responsabilité dans cette affaire, nous ne pouvons pas avoir la certitude que les tribunaux américains ne se prononceront pas contre nous ; le fait même qu’ils aient autorisé M. Seligmann à procéder à une saisie de cette importance est de nature à faire préjuger peu favorablement de leur décision finale sur le fond du procès. Or les dollars, provenant de dépôts ou d’opérations diverses, que notre établissement doit à sa clientèle française ou étrangère, se trouvent placés sous notre nom dans des banques américaines ; si nous étions tenus de payer la somme réclamée par M. Seligmann, le remboursement de nos clients, le jour où ils nous demanderaient leurs dollars, nous ferait subir un lourd sacrifice. Nous pensons que le gouvernement français ne peut pas rester indifférent à la situation qui nous est ainsi faite. Il nous ne est évidemment pas possible de nous départir de l’observation des prescriptions applicables en zone occupée sans nous exposer à des sanctions qui pourraient être très graves ; mais, d’autre part, en observant ces prescriptions, nous ne pouvons éviter des incidents avec notre clientèle et particulièrement avec celle qui se trouve hors de la zone occupée et à l’étranger, incidents qui peuvent être un jour soumis à l’appréciation des tribunaux français ou étrangers sans qu’on puisse, surtout dans ce dernier cas, prévoir dans quel sens ils seront réglés. Il nous a donc paru qu’il était de notre devoir de vous signaler ces éventualités et ces risques en attirant votre attention sur le cas Seligmann qui en fournit un exemple précis et pour un intérêt matériel important »52.

  • 53 Lettre 4332 de Couve de Murville à Barnaud, Paris, 30 avril 1942, F 37, vol. 38.

25Fin avril. Couve de Murville, pivot des relations économiques avec l’ennemi (toute opération financière passait par sa Direction), se montra serein : « il semble », écrivit-il à Barnaud, « que les mesures prises par les autorités allemandes lors de l’ouverture de la chambre forte louée par l’intéressé au Crédit Lyonnais aient été motivées par le fait qu’il s’agissait d’une personne de race juive ». On « renouvelerfait donc], à propos de l’affaire Seligmann, la protestation du 10 février » présentée plus haut, « qui, à ma connaissance, n’a reçu jusqu’ici aucune suite de la part de autorités d’occupation »53.

Les objectifs allemands

26C’est moins sous le signe de l’euphémisme et de la routine que se déroula un conflit soulevant, à propos de l’aryanisation, le problème de la pénétration du capital allemand, sans que l’Etat eût rien demandé dans deux domaines clés de la collaboration : 1 ° la cession des titres étrangers, symbole du contrôle exercé par le capital français après la victoire de 1918 sur une sphère d’influence européenne désormais allemande ; 2° l’association franco-allemande de capital, des sociétés rachetées ou « mixtes » aux participations plus modestes.

  • 54 Jean Bouvier (et al.), Le mouvement du profit au 19è siècle, Paris, Mouton, 1965, p. 276.
  • 55 Note Bourbon-Busset sur son « entretien avec M. Ardant le 3 septembre 1942 », F 37, vol. 38.
  • 56 Lettre à la Deutsche Bank du Creditanstalt de Vienne (sa filiale) sur Photogen, 12 février, et note (...)

27Le distinguo s’avère certes délicat. D’une part, parce que Vichy capitula le plus souvent devant les sollicitations répétées des partenaires privés franco-allemands. D’autre part, argument plus décisif, parce qu’on ne saurait dissocier du « capital » l’appareil d’Etat qui, au plus haut niveau décisionnel, rassemblait des banquiers, des industriels ou des « gestionnaires du grand capital »54, détenteurs directs du pouvoir politique après avoir été (ou en demeurant) investis de la haute administration : les exemples abondent de Barnaud à Lehideux, de Berthoud à Pucheu, de De Peyrecave à Raty, de Bouthillier à de Boisanger, etc. Habitué des sessions étatiques, associé à l’équipe Barnaud, Ardant illustre la contradiction entre le souci affiché par Vichy de préserver l’intérêt « national » et des pratiques explicites sur son sacrifice. Il seconda depuis 1940 la volonté des Allemands d’établir, notamment au détriment des juifs, les « liens de capitaux » (Verflechtungen), buts de guerre décisifs. Se partageant vis à vis des Français, selon les affaires, entre l’encouragement à l’alliance avec le capital allemand et la prétention à contrer son entrée, Ardant déclara à un adjoint de Barnaud en septembre 1942, dans un entretien routinier sur l’aryanisation, qu’il espérait « pouvoir rester maître de l’affaire [du] Ciment de Roumanie »55, objectif démenti par les fonds allemands. Janicot, directeur des Domaines de la Seine, séquestre des biens des Rothschild et administrateur séquestre provisoire de leur Banque – à ces titres protecteur présumé des « aryens » français – permit par ses renseignements à la Deutsche Bank de ramasser leurs titres en Europe centrale56.

  • 57 Philippe Verheyde, « L’aryanisation des grandes entreprises juives sous l’Occupation, contraintes, (...)
  • 58 Voir mes articles déjà cités, et Industriels, chap. 7-8.
  • 59 Lettre Y 5091 Vg du Ministère des Finances, Berlin, 21 février 1942, et PV, AJ 40, vol. 814.

28Le Reich prétendait en effet à l’occasion de l’aryanisation se réserver la meilleure part dans : 1° l’industrie et les grands magasins (la plupart des établissements financiers ayant été « liquidés ») ; 2° les cessions de titres, étrangers ou non, placés sous séquestre (Rothschild) ou non. Étudiant « l’aryanisation des [175 plus] grandes entreprises », Philippe Verheyde estime que, « dans l’ensemble, on n’observe pas une pression forte, une insistance acharnée du MBF pour accélérer le processus général (...) l’ingérence allemande s’effectue dans 40 % des cas (...) sans qu’apparaisse la volonté de germaniser la firme » : l’échec de la Bataille d’Angleterre et de son champion Goering aurait amorcé la renonciation allemande à la mainmise. Certes, l’évolution du rapport de forces militaire brida de vastes projets57, mais mainte association de capitaux fut poursuivie jusqu’en 1943-194458 et, « dans l’ensemble », quelle que fût la lucidité du Reich sur ses chances depuis l’automne 1941, la « déjudaïsation » (Entjudung) mobilisa son énergie. Le cas français s’inscrivait dans le cadre général de l’Europe occupée et l’aryanisation dans celui de la « Verflechtung », comme le montre « une réunion du comité interministériel sur les questions de participation au capital » dressant en février 1942 un état de la question au 23 septembre 1941 en Belgique, aux Pays-Bas et en Grèce et fixant les orientations futures. Certes, les temps glorieux du Blitzkrieg étaient révolus : « Le président de la séance, Schultze-Schlutius [du Reichswirtschaftsministerium] a fait remarquer que les perspectives d’association de capital ne se sont pas améliorées avec l’extension de la durée de la guerre. L’ordre, bien connu, du Maréchal du Reich [Goering] concernant les associations de capital à réaliser à l’occasion de la guerre (à l’été 1940) était arrivé à un moment où on n’escomptait pas une guerre longue. L’atmosphère a changé »59.

  • 60 Lettre de la Cie française des Mines de Bor à Mangold (MBF), Paris, 5 février 1941, AJ 40, vol. 817 (...)
  • 61 Note Wi V 2523/441 avec tableau, non datée, mais classée entre fin 1941 et 1942, AJ 40, vol. 817.
  • 62 Dossier discuté dans « Les élites économiques... », p. 37-38 et Industriels, chap. 6 (dont p. 241-2 (...)
  • 63 Note 8857 de Berthoud pour Couve de Murville, 12 décembre 1941, F 37, vol. 38.
  • 64 Lettre de Weissmann à Koebe (MBF), Paris, 15 décembre 1941, AJ 40, vol. 814.
  • 65 J. Gillingham, Ruhr coal, Hitler and Europe. Industry and Politics in the Third Reich, Methuen, Lon (...)
  • 66 Lettres de la GmbH au président du bureau des devises de Leipzig, 8 avril, et du RWM à celui de Che (...)

29Mais l’effort, initialement considérable, se maintint longtemps. Il se heurta, concernant la participation de capitaux, à des réticences, surtout de la part de Couve de Murville et Berthoud (Barnaud et Boisanger cédaient toujours vite). Surtout après que Vichy eut consenti à l’accord privé de la Société française des mines de Bor (appartenant aux banquiers Mirabaud et Champin) et de la Metallgesellschaft, qui ouvrit le bal des « cessions de titres » payées en frais d’occupation60 : le Trésor (le contribuable français, donc) réglait ainsi directement au vendeur français les 2 milliards de francs de la plus énorme opération de l’Occupation (100 millions de Reichsmark sur un total de 178,3061 ). À la suite d’une affaire que Vichy imputa volontiers au seul Laval après son éviction de décembre 1940, et confronté aux demandes pressantes d’achats de titres à régler avec l’argent français – soit par les frais d’occupation soit, dès sa création, par le clearing organisé par l’« accord de compensation » du 14 novembre 1940 – Couve de Murville se déclara opposé à l’aliénation massive d’actifs français et à un mode de paiement auquel il préférait le rachat (toujours financé par le Trésor) des emprunts extérieurs lancés avant-guerre62. Son adjoint Berthoud partageait ses vues, comme l’atteste son entretien du 10 décembre 1941 avec « MM. Meyer, industriels à Hanovre », et Weissmann, le « démarcheur de la Dresdnerbank », venus pour tenter de forcer le refus notifié le 21 octobre par ses services à leur demande de germanisation à 50 % de la société de « cirages à chaussures (Bril et Compagnie) à aryaniser » sous le nom de Noyama « avec la sociéte française « La Saponite » de Paris »63. Selon Weissmann, ce « spécialiste à contacter pour les demandes allemandes d’acquisition ou de participation aux sociétés étrangères ou françaises (...) et subordonné direct de M. Couve de Murville » n’approuverait la participation allemande que si elle présentait « un avantage direct pour l’économie française générale – et pas seulement pour le partenaire français », via « l’apport de brevets, l’échange d’actions (...) et le supplément d’emploi pour les travailleurs français (exemple type : Francolor) » ; il mentionne « comme seconde difficulté de principe (...) la question du mode de paiement, tant que les négociations en cours sur ce point avec le gouvernement allemand n’auront pas abouti. M. Berthoud m’a signalé qu’il considérait du point de vue économique comme insupportable de laisser aliéner des actifs français à l’étranger, alors qu’on n’est pas parvenu à une modération des coûts d’occupation ». Il discuterait donc avec le directeur des industries chimiques et le CO la question de savoir si la participation requise contribuerait à « un ‘enrichissement’ de l’économie française »64. La prétendue « société française ‘La Saponite’ de Paris » ne l’était d’ailleurs plus : elle s’était vendue à la GmbH Böhme Fettchemie (Henkel) par une série d’accords passés depuis 1936-1937 – cime de l’« apaisement économique » privé65 –, dans le cadre d’une société créée en avril 1937 par son propriétaire parisien, J. Laurens-Frings, « dite des Produits chimiques du Fief, au capital d’1 million de francs » de Paris. Tout s’était achevé en avril 1941, par la voie routinière du « Treuhänder », qui remit « 100 % » au groupe allemand, sans « l’autorisation du Ministère français des Finances »66.

  • 67 Véritable mine, les vol. 814 à 816 d’AJ 40 (Industriels, chap. 7-8).

30Ce dossier ressemble à des centaines d’autres : environ 300 vraisemblablement, des modestes aux énormes (les « sociétés mixtes » édifiées par l’IG Farben avec Rhône-Poulenc, Kuhlmann ou Ugine, Radio Monte-Carlo, etc.), de la chimie à la chaussure, du cinéma à l’édition, du textile au commerce, du bâtiment à la sidérurgie, des industries électriques aux mécaniques, des huiles minérales à la papeterie, etc. Ces accords bilatéraux firent souvent entrer le capital allemand à la faveur d’une augmentation de capital, se passant le cas échéant de l’« autorisation du Ministère des Finances français » en usant d’« hommes de confiance » (Vertrauensmänner) ou de Treuhänder allemands, français, suisses, etc. Maintes associations se nouèrent, parfois jusqu’en 1944, à la faveur de l’aryanisation67.

Quelques éléments d’un bilan

  • 68 Note Lechartier (entretien téléphonique avec Chasles), classée entre 24 et 29 avril 1942, F 37, vol (...)
  • 69 « Note sur les Galeries Lafayette », du 12 mai 1942 sans doute, F 37, vol. 38 ; énorme dossier, F 3 (...)

31Vichy, vite ou en traînant les pieds, consentit, via le service dirigé par Couve de Murville jusqu’à son départ pour Alger de mars 1943, à nombre d’opérations, dont les plus grandes sont connues, tout en tentant de limiter la participation allemande. Le dossier est cependant d’autant plus obscur que certains protecteurs présumés des droits du capital français « aryen » à gérer seul ses affaires consentaient sous le manteau bien plus qu’ils n’avouaient ; et que sur les grands dossiers, dominés par l’Allemand Alexander Kreuter mandaté par Berlin et les groupes allemands et favori du Majestic, Vichy capitulait souvent en baptisant « française » une solution allemande. Ainsi en alla-t-il des Galeries Lafayette, muées en chose allemande depuis septembre-octobre 1940, où le MBF installa son obligé Defontaine « ancien failli » et « ami d’avant-guerre du capitaine Fuhrmans »68 et fit bientôt éliminer leurs dirigeants juifs. Servi par ses délateurs, privés ou publics, il balaya en octobre 1941 la fausse aryanisation ménagée par Jean Davillier, président du Crédit commercial de France, qui « s’était engagé à rétrocéder (...) à M. Bader », son vieux client, les parts que celui-ci était supposé lui avoir vendus en octobre 1940 : le baron Davillier le paya de son poste, aussitôt confié par le MBF (via Vichy) à Painvin, industriel (président d’Ugine) et banquier semblable à Ardant. Ayant alors racheté les 525 000 actions de Bader au CCF au 1/5 de leur cote boursière, soit « 25 francs (Faction cotait à ce moment environ 125 francs) », « le Majestic » fit remettre « à un groupe présenté par [lui-même] et comprenant essentiellement MM. Harlachol, industriel à Lodève et Aubert, de nationalité suisse, ancien représentant en France de la General Motors » : les « hommes de paille » du « groupe Flarlachol » assuraient la façade française d’un ensemble où, au printemps de 1942, étape d’un interminable feuilleton, trônait Kreuter, et où un autre Allemand et rival, Lehrer, « propriétaire de 60 000 titres », en détenait, derrière un autre paravent français, « plus de 700 000 »69.

  • 70 Consultation du 5 janvier jointe à la lettre n° 1123 de Couve, Paris, 4 février 1942, F 37, vol. 38
  • 71 Lettres 9741 sur Danyl, 5 octobre ; 9881 sur MACI, 8 octobre ; 30037 sur Helena Rubinstein, 12 octo (...)
  • 72 Lettres de Carbone AG à Mangold, Francfort, 25 octobre 1941, et (copie) de Couve à Legueu, Paris, 2 (...)

32Outre la demande de règlement des actifs cédés par le remboursement (français) d’emprunts naguère contractés à l’étranger, Vichy tenta souvent de préserver la part du capital « aryen » français. En témoignent le « comité de liaison » réunissant ministères des Finances et de la Production industrielle et la coopération entre administration et groupes privés. L’aryanisation devait surtout bénéficier aux « aryens » français, selon Couve de Murville, qui suscita dans ce but la consultation du 5 janvier 1942 de Niboyet, célèbre professeur de droit international privé à la Faculté de Paris, « sur la nationalité des sociétés françaises » : « la loi du 22 juillet 1941 relative aux entreprises juives a prescrit l’élimination de toute influence juive de l’économie nationale. De ce fait, les participations juives dans des sociétés de statut juridique français doivent être liquidées au profit d’éléments non juifs. Le but du législateur a été d’assurer la primauté de ces derniers dans la vie économique française. Cette mesure se rattache à l’ensemble de celles qui ont été prises en vue d’un retour à une vie dite purement française. On doit donc considérer que toute organisation serait complètement faussée si des éléments étrangers pouvaient prendre la place des éléments juifs éliminés, ce qui empêcherait la réintégration des entreprises dans l’économie essentiellement française »70. Couve de Murville voulait appliquer ce modèle de l’aryanisation « française », comme le montrent ses lettres au CGQJ rejetant en octobre 1942 le principe de « cession » de six entreprises « envisagée ou effectuée au profit d’acquéreurs allemands »71. Le futur commissaire aux Finances de De Gaulle était plus souple en décembre 1940- janvier 1941 à propos du Carbone Lorraine en cours d’aryanisation, proie des Allemands. Le 21 janvier, il notifia au directeur général français de la société « juive » (Legueu) son accord sur « la germanisation (Verdeuts-chung) » de sa filiale de Prague, la Deutschen Kohlenbürsten- und Element-Fabrik Carbone AG ; 2° une participation allemande de 10 % du capital total, « les actions Le Carbone Lorraine cédées au Carbone AG dev[an]t être prélevées sur les titres [encore] détenus par les actionnaires israélites, de manière à diminuer l’influence israélite s’exerçant sur votre Société »72.

  • 73 Note Wi 1/3 R./Kt. Paris, 30 avril 1942, déjà citée, AJ 40, vol. 600.
  • 74 Lettre de Boissard à Barnaud, Paris, 9 avril 1941, F 37, vol. 38.
  • 75 Note RWM, Berlin, 3 octobre, et pour le Wi V, Paris, 13 novembre 1940, et lettre de la Dresdnerbank (...)
  • 76 Lettre de Bouthillier à « M. le Président » (de Paribas), Pans, le 26 août 1941, AJ 40, vol. 817 (e (...)
  • 77 Compte rendu de l’entretien du 3, 8 octobre 1941, F 37, vol. 38.

33L’aryanisation donna des résultats modestes, comparés aux espoirs de l’été 1940 et à l’énormité du pillage de la France (946 milliards de francs) – et compte tenu de la faiblesse de l’emprise du capital « juif » sur l’économie française. Le Reich avait dû limiter ses ambitions : « on a (...) passé avec les représentants diplomatiques des nations amies et neutres un accord en vertu duquel les ressortissants aryens de l’État auquel appartenait le juif concerné devaient en tant qu’acquéreurs d’affaires juives faire l’objet d’une priorité », observa en avril 1942 le MBF. Dans la plupart des cas, c’étaient donc des Français qui se portaient candidats, et il y avait tant d’opérations clandestines qu’on ignorait « si l’économie allemande a[vait] acquis par l’aryanisation effectuée grâce à des hommes de paille français des participations notables dans l’économie française »73. C’est peut-être dans la cession des titres que la moisson de l’aryanisation fut la plus riche, conformément à la tendance générale. La crise avait transformé les trésors français en Europe en « canards boiteux » et, avec l’occupation allemande, les groupes français actionnaires ne pouvaient plus rien en attendre. Ils se ruèrent donc en 1941-42 pour vendre au meilleur prix – toujours aux frais du contribuable – leurs titres des banques et groupes industriels polonais, roumains, hongrois, yougoslaves ou norvégiens ; en continuité avec les cas autrichien et tchécoslovaque, liquidés depuis 1938-39. Les banques allemandes, Deutsche Bank et Dresdner Bank en tête, organisèrent la collecte systématique, où les rabatteurs raclant les fonds de tiroirs faisaient pâle figure auprès des gros détenteurs « aryens ». Volés dans les coffres ou allègrement vendus par les banques qui les avaient en dépôt (pour des commissions de 10 à 15 %), avec l’autorisation du séquestre des Domaines et le truchement de la Caisse des dépôts et consignations, les titres « juifs » furent inclus dans ce ratissage général. Ainsi la Dresdner Bank, secondée par un Adéodat Boissard soucieux de profiter « des occasions [qui...] se présentent (...) de liquider des titres (...) à des conditions avantageuses »74, rafla-t-elle aisément en 1940-41 ceux des Rothschild : leurs 40 000 parts (soit près de 13,5 % du capital total) dans la Banque générale de crédit hongrois, tandis que la Banque de l’Union parisienne et l’Union européenne industrielle et financière (appartenant au groupe Schneider) avaient hâte, à l’automne 1940, de céder au meilleur prix leurs propres parts (respectivement 15 000 et 86 000) ; à l’accord conclu ne manquait plus en juin 1941 que « l’autorisation nécessaire du ministère français des finances »75. La Banque de Paris et des Pays-Bas remit avec zèle à la Dresdner l’importante participation Rothschild au capital de la Norvégienne de l’Azote76. Comme dans les autres cas, Boissard négocia le 3 octobre 1941 avec son directeur général Pilder l’« achat [des] titres de la société Witkowitz, provenant du séquestre Eugène de Rothschild »77.

  • 78 Note, signée illisible, pour Bralley, 6 février (soir) 1942, AJ 38, vol. 329. Souligné dans le text (...)
  • 79 Note pour Caris, mention manuscrite du 1er octobre 1942, AJ 38, vol. 331.
  • 80 Lettre 291 du CGQJ à Janicot, 9 février 1942, AJ 38, vol. 329.
  • 81 Lettre du Wi 1/2 RLKt ; 4025, Paris, 21 janvier 1943, AJ 40, vol. 600.

34La décision allemande de lever une « amende d’un milliard » sur les juifs de zone occupée permit de balayer les derniers obstacles à ces cessions. Ainsi revinrent en masse aux Allemands des titres juifs appelés à régler le coût de ladite amende, avec la complicité de Vichy, qui mobilisa en janvier-février 1942 les valeurs juives pour le paiement prescrit par « la loi du 16 janvier », impatient de « provisionner dès maintenant les trois prochaines échéances » : les banques n’en avaient prêté que le premier quart78, aux conditions évoquées ci-dessus. Elles intervinrent aussi ès qualité dans la collecte des titres juifs. Trois des plus impliquées dans cette mission générale – Banque de Paris et des Pays-Bas, Banque des Pays du Nord et Banque de l’Union parisienne – fondèrent le 31 décembre 1941 une société anonyme au capital de 5 millions de francs. Cet « Omnium français d’études et de participations (OFEPAR) », pourvu des objectifs les « plus étendus, comprenant notamment l’achat et la vente de participations de tout nature », fut efficace : une cession de 280 344 808 francs de titres à son profit fut soumise à homologation le 30 mars 1942 par le directeur des domaines de la Seine [Janicot] et homologuée le 4 avril79. Janicot s’était début février vu prescrire fébrilement par le commissaire général aux questions juives la vente urgente de « 800 millions environ (...) Vous recevrez incessamment de nouveaux ordres de mission qui porteront à 2 milliards au moins la valeur des titres qui seront placés sous votre contrôle »80. L’État français vendit pour régler l’amende du milliard les titres « des quelques rares très riches juifs »– intéressant aveu nazi –, dont 200 millions de francs d’actions « appartenant à deux juifs réfugiés en Amérique, Gunzburg et Javal », déposées dans les banques françaises81. Comme pour tout ce qui concerne la « collaboration économique », la disposition de nombre de capitalistes « aryens » réduisit fort la prétention affichée par Vichy de réserver aux intérêts « français » l’essentiel de la spoliation des juifs de France. Les tentatives de calcul du bilan d’une œuvre commune et concurrente ouvriront un vaste chantier.

Notas

1 Dossier questions juives, textes de principe, 18 octobre 1940-18 mai 1942, F 37 (fonds Barnaud), vol. 38, AJ 38 (CGQJ), notamment vol. 323, 324, 325 : AJ 40 (MBF), vol. 612, Archives nationales (Tous les fonds cités ici en proviennent ; la correspondance allemande d’AJ 40 est traduite par mes soins).

2 Leitmotiv du dossier 6 (biens des Rothschild) de AJ 40, vol. 600.

3 Claude Gruson et François Bloch-Lainé, Hauts fonctionnaires sous l’Occupation, Paris, Odile Jacob, 1996, p. 40-42 ; Annie Lacroix-Riz, Industriels et banquiers français pendant l’occupation : la collaboration économique avec le Reich et Vichy, Paris, Armand Colin, 1999, p. 28-30.

4 Note du secrétaire général Bichelonne, cabinet de la PI, Paris, 12 février 1941, AJ 38, vol. 334.

5 Lettre de Burandt (MBF) à Bichelonne, 7 mars 1941, AJ 38, vol. 334.

6 Lettre 1935 des Finances à de Faramond, 28 mai 1941, AJ 38, vol. 334.

7 « Étude » citée, sans doute été 1941 (tableau joint, par branche), AJ 38, vol. 324.

8 Lettre 394 avec tampon du 13 janvier 1941 de Fournier à Brunet, AJ 38, vol. 334. Sur Fournier, A. Lacroix-Riz, Industriels, loc. cit., et « La BRI et la Banque de France de l’apaisement à la guerre : de la collaboration des Banques centrales à l’‘or allemand’», Actes du colloque du bicentenaire de la Banque de France, janvier 2000, à paraître.

9 Circulaire du préfet de Belfort, 1er octobre 1940, AJ 38, vol. 334. Souligné dans le texte.

10 Lettres du préfet à de la Laurencie, Belfort, 12 et 18 décembre 1940, AJ 38, vol. 334.

11 Lettre au chef du SCAP, 29 mars 1941, Belfort, AJ 38, vol. 334.

12 Lettre 9409 de la Rozière à Bichelonne, 14 mai 1941, AJ 38, vol. 334, et note Faramond, 14 juin 1941, AJ 38, vol. 322.

13 Lettre 9255 de de Faramond à Blanke, en allemand, Paris, 13 mai 1941, AJ 40, vol. 827.

14 Lettre 406 de Regelsperger à la direction du Trésor (DT), 17 mars 1942 (détail, note 559 du même, 22 avril, et lettre 992 C de la D Trésor, 30 mars 1942), AJ 38. vol. 329.

15 Texte in extenso in AJ 38, vol. 323.

16 Il faudrait citer tout AJ 38 (mention spéciale, à la PP, pour le zélé Jean François, directeur adjoint de l’Administration générale, puis directeur de la Police générale).

17 Réponse du SCAP à la question du 24 janvier de la maison Duthilleul et Minart, 11 février 1941, AJ 38, vol. 327.

18 Note Wi I Az 7141/41 du Dr Michel au SCAP, 15 mai 1941, AJ 38, vol. 324, et lettre 15564, de Faramond à Mme Cantienne, 20 juin 1941, AJ 38, vol. 328 (et courrier « arrivée » du MBF, AJ 38, vol. 338 à 388, 17 novembre 1940 au 31 juillet 1944).

19 Lettre d’Emil (sic) Suain à « Cher Monsieur Plas », Paris, 22 mai 1941, texte original avec fautes et mots allemands, AJ 40, vol. 782.

20 Lettre n° 267/10/40 de l’Abwehr au Dr Turner (MBF), 31 octobre 1940, AJ 40, vol. 820.

21 Lettre de Quantin au chef du MBF. Paris, 26 octobre 1940, et liste, AJ 40, vol. 820.

22 Lettres 267/10/40 de l’Abwehr au Dr Turner (MBF), 31 octobre, et du Wi/B (pour le Major Noeth ou son représentant au Lutétia), Paris, 16 novembre 1940, AJ 40, vol. 820.

23 Lettre du MBF Wi VIII au commandant du Gross Paris, 19 décembre 1941, AJ 40, vol. 820.

24 Lettre de Batschari, Paris, 18 décembre 1941, en allemand, AJ 40, vol. 820.

25 Le commandant de la Police de sécurité et du SD (Knochen, donc) les transmit à Blanke par lettre II D-BdS-Dr. Scho/vW, 10 août 1943, AJ 40, vol. 600.

26 AP d’« entreprises de l’industrie électrique (...) notamment prévu pour (...) Le Carbone Lorraine », lettre Wi 1/2 6988/41 du MBF au SCAP, Paris, 30 avril 1941 AJ 38, vol. 339 ; de la société [Bloch-Dassault] des moteurs et automobiles Lorraine, lettre d’Amon (MBF), 24 décembre 1941, AJ 38, vol. 351, etc. ; des Laminoirs de Saint Victor, sa lettre au CO de la sidérurgie, Paris, 14 mai 1943, AJ 38, vol. 332, etc.

27 Lettre Wi I. ref. 6084/41 de Michel à la PI, Paris, 26 février 1941, F 37, vol. 38.

28 A. Lacroix-Riz, « Les grandes banques françaises de la collaboration à l’épuration, 1940- 1950 », Revue d’histoire de la deuxième guerre mondiale, 1986, n° 141, p. 3-44 et n° 142, p. 81-101, « Les élites économiques françaises et la collaboration économique : la banque, l’industrie. Vichy et le Reich », Le monde juif, n° 159, janvier-avril 1997, p. 8-123, et Industriels, chap. p

29 « État... » cité, AJ 38, vol. 325.

30 Voir surtout les vol. AJ 38 relatifs au « service des nominations », 461 à 477.

31 Lettre WIII 197/40 du MBF (commune à tous les AP) à ?, Paris, 7 janvier 41, AJ 38, vol. 338.

32 Interrogatoires Knochen des 23 décembre 1946 et 4 janvier 1947 par Marc Bergé, 3W, vol. 358.

33 « Note résumée sur l’aryanité de la CIGMA, 3 octobre 1942 », AJ 40, vol. 817 (gros dossier CIGMA- SAG, 1942-1944 ; pour 1941, vol. 782 et 813 ; pour 1942, F 37, vol. 38 ; et Industriels, p. 267-271).

34 Notes Wi/V 7561/42 au groupe Wi II Gen, 13 février, et Weismann, 2 février 1942, AJ 40, vol. 817.

35 Wi/V, Paris, lettre 1 3246/42 à l’Office des Changes (ODC), 3 juillet, et note 1 5405/42 pour Michel, 12 novembre 1942, AJ 40, vol. 817.

36 Fiche ODC, Paris, 11 juillet 1943, AJ 40, vol. 817 ; détail et suite, Industriels, p. 270-271.

37 Rapport à la date du 31 juillet 1944, AJ 40, vol. 820.

38 Sur ce pilier de Vichy, F 37, vol. 38 (et Industriels, chap. 6 et 8).

39 Note Lechartier sur un entretien avec Ardant, 7 mars 1942, F 37, vol. 38/

40 Lettre Wi I 9254/41 de Michel à l’UGIF, Paris, 15 décembre 1941, AJ 38, vol. 334 (et note Ardant, 12 janvier 1942, F 37, vol. 38, et infra).

41 Industriels, chap. 2 et 7-8 (voir index).

42 Lettre de Carcopino à Darlan, Vichy, 29 mai 1941, F 37, vol. 38.

43 « Note pour Monsieur Mourre », RFA 562, de Lechartier, 10 juin 1941, F 37, vol. 38.

44 « Note sur la liquidation » de la banque Lazard de J. Bouteron (successeur de Thomasson), 1943, AJ 40, vol. 827.

45 Projet de lettre au président de la « commission de contrôle des commissaires-administrateurs (sic) », 28 avril 1941, F 37, vol. 38.

46 Lettre de Terray à Berthoud, 30 avril 1941 ; plus rien jusqu’en février 1942, où le dossier David-Weill disparaît de F 37, vol. 38.

47 La glorieuse carrière bancaire d’après-guerre de ce collaborateur d’État très compromis dans l’aryanisation franco-allemande dut sans doute beaucoup à son inclusion dans la charrette des « déportés » de luxe d’août 1943 (Industriels, p. 481), conseil général de la Banque de France depuis la séance n° 32 du 12 août 1943, n° 134, PV des séances du 7 janvier au 30 décembre, archives BDF.

48 Note [de Berthoud] pour « Couve (sic), a/s de la circulaire du Garde des Sceaux, 7 février 1942 », DFCE, avec note pour Barnaud (tampon du 9 février), F 37, vol. 38.

49 Lettre 4332 de Couve de Murville à Barnaud, Paris, 30 avril 1942, F 37, vol. 38.

50 Lettre citée, Vichy, 19 mars 1942, F 37, vol. 38.

51 Sur cette guérilla juridique, voir notamment AJ 40, vol. 591, 600, et F 37, vol. 38.

52 Lettre du CL à Couve de Murville, Paris, 9 mars 1942, F 37, vol. 38.

53 Lettre 4332 de Couve de Murville à Barnaud, Paris, 30 avril 1942, F 37, vol. 38.

54 Jean Bouvier (et al.), Le mouvement du profit au 19è siècle, Paris, Mouton, 1965, p. 276.

55 Note Bourbon-Busset sur son « entretien avec M. Ardant le 3 septembre 1942 », F 37, vol. 38.

56 Lettre à la Deutsche Bank du Creditanstalt de Vienne (sa filiale) sur Photogen, 12 février, et note MBF, Paris, 15 mai 1942, AJ 40, vol. 600 (et Industriels, p. 260-262).

57 Philippe Verheyde, « L’aryanisation des grandes entreprises juives sous l’Occupation, contraintes, enjeux, pouvoirs », Paris VIII, décembre 1997, p. 427-428, 430.

58 Voir mes articles déjà cités, et Industriels, chap. 7-8.

59 Lettre Y 5091 Vg du Ministère des Finances, Berlin, 21 février 1942, et PV, AJ 40, vol. 814.

60 Lettre de la Cie française des Mines de Bor à Mangold (MBF), Paris, 5 février 1941, AJ 40, vol. 817 et note Wi I/3 R./Kt. Paris, 30 avril 1942, AJ 40, vol. 600 (et Industriels, p. 230- 234).

61 Note Wi V 2523/441 avec tableau, non datée, mais classée entre fin 1941 et 1942, AJ 40, vol. 817.

62 Dossier discuté dans « Les élites économiques... », p. 37-38 et Industriels, chap. 6 (dont p. 241-244).

63 Note 8857 de Berthoud pour Couve de Murville, 12 décembre 1941, F 37, vol. 38.

64 Lettre de Weissmann à Koebe (MBF), Paris, 15 décembre 1941, AJ 40, vol. 814.

65 J. Gillingham, Ruhr coal, Hitler and Europe. Industry and Politics in the Third Reich, Methuen, London, 1985, p. 100-102, 159 ; Coal, steel and the rebirth of Europe 1945-1955 : the Germans and French from Ruhr conflict to economic community, Cambridge UP, 1991, chap. 1- 2 ; Lacroix-Riz, Industriels, chap. 2.

66 Lettres de la GmbH au président du bureau des devises de Leipzig, 8 avril, et du RWM à celui de Chemnitz, Berlin, 26 avril 1941, AJ 40, vol. 815, et fiche (modèle unique) du dossier 1, AJ 40, vol. 814.

67 Véritable mine, les vol. 814 à 816 d’AJ 40 (Industriels, chap. 7-8).

68 Note Lechartier (entretien téléphonique avec Chasles), classée entre 24 et 29 avril 1942, F 37, vol. 38.

69 « Note sur les Galeries Lafayette », du 12 mai 1942 sans doute, F 37, vol. 38 ; énorme dossier, F 37, vol. 27 et 38, AJ 40, vol. 782 et vol. 783 (et Industriels, p. 362-371).

70 Consultation du 5 janvier jointe à la lettre n° 1123 de Couve, Paris, 4 février 1942, F 37, vol. 38.

71 Lettres 9741 sur Danyl, 5 octobre ; 9881 sur MACI, 8 octobre ; 30037 sur Helena Rubinstein, 12 octobre ; 30063 sur Ebstein Félix », 30065 sur Velorex et 30067 sur les parfums Weil, 13 octobre, avec note DFEC à de Montalembert, 19 octobre 1942, F 37, vol. 38.

72 Lettres de Carbone AG à Mangold, Francfort, 25 octobre 1941, et (copie) de Couve à Legueu, Paris, 21 janvier 1941, AJ 40, vol. 817. « Suite de l’opération » (citation de Couve), Industriels, p. 271-274.

73 Note Wi 1/3 R./Kt. Paris, 30 avril 1942, déjà citée, AJ 40, vol. 600.

74 Lettre de Boissard à Barnaud, Paris, 9 avril 1941, F 37, vol. 38.

75 Note RWM, Berlin, 3 octobre, et pour le Wi V, Paris, 13 novembre 1940, et lettre de la Dresdnerbank à Michel, 4 juin 1941, AJ 40, vol. 817.

76 Lettre de Bouthillier à « M. le Président » (de Paribas), Pans, le 26 août 1941, AJ 40, vol. 817 (et Industriels, p. 262-264).

77 Compte rendu de l’entretien du 3, 8 octobre 1941, F 37, vol. 38.

78 Note, signée illisible, pour Bralley, 6 février (soir) 1942, AJ 38, vol. 329. Souligné dans le texte.

79 Note pour Caris, mention manuscrite du 1er octobre 1942, AJ 38, vol. 331.

80 Lettre 291 du CGQJ à Janicot, 9 février 1942, AJ 38, vol. 329.

81 Lettre du Wi 1/2 RLKt ; 4025, Paris, 21 janvier 1943, AJ 40, vol. 600.

Salvo indicación contraria, el texto y otros elementos (ilustraciones, archivos adicionales importados) se puede utilizar bajo licencia OpenEdition Books License.

Esta publicación digital es el resultado de un proceso automático de reconocimiento óptico de caracteres.
Buscar en OpenEdition Search

Se le redirigirá a OpenEdition Search