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L’histoire à travers champs

 | 
Michel Cadé

II. Histoire des champs, histoire économique

La fondation de la coopérative laitière d’Err (1934-1939) : enjeux politiques et économiques

André Balent

Texte intégral

  • 1 Liste des 22 premiers coopérateurs domiciliés à Err, dans l’ordre de comparution, le 18 mai 1934, d (...)
  • 2 Dominique Carrere, fermier à Saillagouse et Joseph Marti, propriétaire à Sainte-Léocadie, ADPO, 147 (...)

1En 1934, un groupe de paysans d’Err fondait officiellement avec la signature d’un acte notarié, la Société coopérative agricole fruitière de la Cerdagne. En effet, parmi les 24 premiers coopérateurs, 22 résidaient à Err1 alors que deux, seulement, étaient propriétaires ou fermiers d’autres localités2.

2Comment s’implanta, à cette date, une structure qui subsiste encore en 2000 ? Pourquoi à Err et pas dans une autre localité de la Cerdagne française ? Autant de questions auxquelles nous pouvons commencer à répondre aujourd’hui. Il y eut, selon nous, deux raisons essentielles à cette création. L’une, plus générale, doit nous amener à évoquer un mouvement social qui s’inscrit dans la longue durée, la coopération, et plus particulièrement ses modalités agro-pastorales. La deuxième, est plus ponctuelle : elle fait d’abord référence à une conjoncture économique et sociale, mais nous amène à évoquer le pourquoi de la localisation exacte de cette expérience.

I. L’agro-pastoralisme et la coopération

  • 3 MÉTAILIÉ, 1994 ; MÉTAILIÉ, 1996, pp. 192-194, 199-200. Ch. Rendu (RENDU, 1999, p. 106, p. 114) donn (...)
  • 4 CHEVALIER. 1984, pp. 862-863.
  • 5 R.T.M. : « restauration des terrains en montagne ». Ce service de l’État encourageait un pastoralis (...)
  • 6 Bien décrites dans : MÉTAILIÉ, 1996, pp. 192-196.
  • 7 RENDU, 1999. pp. 107-111.
  • 8 RENDU, 1999, p. 113-115 ; BALENT, 2001, pp. 224-226.
  • 9 RENDU, 1999, p. 116, carte 2 ; VILA, 1926, p. 177.
  • 10 BALENT. 2001.

3Dans le domaine laitier et fromager, les succès de la coopération ne s’expliquent pas seulement par la diffusion d’idées véhiculées par un mouvement social structuré. J.P. Métailié a bien montré comment s’implanta, sur le versant français des Pyrénées, la production coopérative de lait et de produits dérivés (fromages, beurre). Un homme, Auguste Calvet, joua un rôle éminent3. Ce « jeune homme républicain » (Métailié, 1996) voulut expérimenter dans les Pyrénées ce qui avait si bien réussi dans les Alpes et le Jura suisses et, aussi, dans le Jura français. Pour lui, les « fruitières coopératives », créées dans ce dernier massif, étaient le modèle économique susceptible de sortir de leur situation les paysans pyrénéens englués dans la misère, la routine et les errements culturaux. Il est vrai que, pour lui, il fallait abandonner en priorité l’élevage des brebis, source des pires méfaits, pour développer celui des vaches et, notamment, celui des vaches laitières. Dès 1867, Auguste Calvet essaya, sur le terrain, de mettre en application ses idées, dans les Hautes-Pyrénées, la Haute-Garonne et l’Ariège4. Il s’efforça également de faire école en formant, dans le cadre de l’administration des Eaux et Forêts, et de son service du R.T.M.5, des disciples capables, à leur tour, de se faire les apôtres des « saines conceptions » qu’il avait définies6. Les Pyrénées-Orientales suscitèrent aussi l’intérêt de l’administration des Eaux et Forêts. Une première fruitière fonctionna au Pla de Barrés (communes de Bolquère et de La Llagonne) de 1878 à 1894. Elle se solda par un échec que nous n’analyserons pas ici7. En 1912-1913, le problème se posa à nouveau. Auguste Calvet, après sa carrière préfectorale et politique, s’intéressa à nouveau au pastoralisme pyrénéen et à l’expansion des « fruitières ». La Cerdagne et le Capcir furent cette fois au centre des préoccupations de ce « jeune retraité » de 69 ans. Comme cette fois, l’accueil de la société locale fut plus favorable, ses projets se concrétisèrent par la création officielle, le 31 mai 1913, de la Société coopérative civile de laiterie, beurrerie et fromagerie de Saint-Pierre-dels-Forcats – La Cabanasse. Un fait significatif : à cette occasion, Barthélemy Lledos, que nous retrouverons fort actif à Err en 1934-1935 apporta son soutien, en sa qualité de représentant du Crédit Agricole, à l’initiative d’Auguste Calvet. Les projets de ce dernier étaient nombreux et ambitieux. On peut raisonnablement penser que la guerre mondiale, à l’été 1914, les brisa net, comme il en brisa beaucoup d’autres8. Il est sûr, toutefois, que ces idées mûrirent dans les esprits des éleveurs cerdans et capcinois. Les fondateurs de la coopérative d’Err, avaient, devant leurs yeux, l’exemple de la coopérative de la Cabanasse qui fonctionnait toujours en 1934. Ils avaient aussi, près de chez eux, d’autres exemples, en Cerdagne espagnole, où le mouvement coopératif, en pleine expansion depuis la fin du XIXe siècle, avait fini par atteindre, lui aussi, les montagnes pyrénéennes. Une coopérative laitière avait été créée aux alentours de 1926 à Bellver de Cerdagne et entrait, avec succès, en concurrence avec les entreprises capitalistes privées de fabrication et de distribution des produits laitiers9. Lorsque nous connaissons l’importance des liens interpersonnels étroits qui unissaient les habitants des deux Cerdagnes10, on peut penser que les expériences faites de l’autre côté de la frontière ont été connues des pionniers d’Err et ont pu les inspirer.

II. La conjoncture

4La coopérative d’Err fut créée dans une conjoncture dominée par la dépression économique des années 1930 et ses conséquences économiques qui n’épargnèrent pas, nous le verrons, les milieux agricoles. Au plan politique, la IIIe République avait connu, au mois de février 1934, une grave crise qui avait ébranlé ses bases, en remettant en cause les certitudes idéologiques de son personnel dirigeant et de ses soutiens les plus fervents. Il est vrai que, la menace des ligues d’extrême droite ayant été écartée, la gauche retrouvait sa combativité et allait bientôt, dans le courant de 1935, retrouver l’unité d’action. L’élan unitaire devait ensuite déboucher sur la constitution du Front populaire et sur sa victoire électorale aux législatives de mai-juin 1936. Il ne faut pas oublier tout cela lorsqu’on considère le processus qui, dans un petit village des Pyrénées-Orientales, allait permettre la réalisation d’un projet ambitieux porteur d’espoirs.

  • 11 Témoignage oral de Mme Mercedes Argenty, (Err, 17 juillet 1997).
  • 12 Nous développons par ailleurs ce thème : BALENT, 2001, pp. 224-226.

5En pleine période de déflation, la chute des prix et des revenus agricoles eut des conséquences néfastes sur le niveau de vie des agriculteurs. La situation fut d’autant plus ressentie de façon extrêmement négative en Cerdagne que le marché de la collecte, de la fabrication de dérivés du lait, de la distribution de lait dans le département des Pyrénées-Orientales, notamment à Perpignan, était soumis au monopole de fait d’une société privée, les Laiteries Domenech. Celles-ci étaient actives, depuis les environs de 1915. Elles disposaient d’installations à Perpignan (3 route de Lassus) et d’une laiterie à Bourg-Madame. Les propriétaires agricoles et les fermiers d’Err – comme d’ailleurs ceux de la Cerdagne et d’autres régions du département – supportaient de plus en plus mal cette situation. Ils reprochaient à Domenech de profiter de sa position et de peser négativement sur les prix du lait et des produits dérivés. Mercedes Argenty, fille de Côme Argenty, le premier président de la coopérative11 nous a expliqué que ce fut son père, soutenu par un groupe d’agriculteurs du village, qui eut l’idée de la coopérative qu’il allait bientôt présider, pour peu de temps il est vrai. Côme Argenty, qui faisait aussi le négoce du bétail entre l’Aveyron et la Cerdagne12 connaissait bien Domenech et conservait à son égard quelque rancune à ce propos. En 1934 – il semble, d’après les souvenirs de Mme Argenty (alors enfant car née en 1924), que l’épisode se situait vers le mois de février ou au début du mois de mars – ce groupe était décidé de passer à l’action afin de tirer davantage de profits de l’élevage bovin.

III. Err : un contexte local particulier

  • 13 392 habitants en 1921,362 en 1926,323 en 1931, 310 en 1936.
  • 14 BALENT, 2001.
  • 15 BALENT, 1996.
  • 16 Ibidem, première partie, pp. 129-132.
  • 17 BALENT, 1997.

6Le village d’Err dont la population avait atteint son maximum en 1851 avec 801 habitants était, dès la fin du XVIIIe siècle, une des communes les plus peuplées de la Cerdagne française qui dépassait même Saillagouse, chef-lieu de la viguerie du même nom sous l’Ancien Régime et du canton dont les limites furent stabilisées dès 1800. Avant la première guerre mondiale, la population avait déjà considérablement baissé (441 habitants en 1911). Dans l’entre deux-guerres, elle poursuivit sa chute13, comme celle de la majorité des communes de la Cerdagne française et de la montagne catalane. Du point de vue de la structure économique et sociale14, Err ne se distinguait pas de villages voisins de même importance. C’est au plan politique qu’Err se singularisait. La forte personnalité de son maire élu en 1929, Barthélemy Lledos15 y était pour quelque chose. B. Lledos avait su, au lendemain de la première guerre mondiale, rendre tout son lustre à sa casa 16qui avait été dominante, dans le village, pendant toute la seconde moitié du XIXe siècle. Il profita de sa position éminente, à la fois pour reconquérir la mairie qu’avait jadis dirigé son père, et pour populariser des idées de réformes et de transformation sociale – fait incongru pour quelqu’un de sa « caste »– qu’il avait faites siennes au long de sa tumultueuse jeunesse, à Barcelone et. aussi, à Paris. Homme d’affaires, plein d’entregent, ayant tissé un vaste réseau de relations, il avait adhéré à la franc-maçonnerie et au parti socialiste S.F.I.O. Il n’était pas dépourvu d’ambitions politiques et, tout en voulant la prospérité de son village et de ses habitants, il comptait bien utiliser Err et les réalisations qu’il pourrait mettre à son actif comme un tremplin pour sa carrière. À ses côtés, le secondant efficacement et bénéficiant de par ses fonctions d’une réelle influence sur la population, l’instituteur et secrétaire de mairie, également socialiste et plein d’ambitions : Pierre Saury17.

IV. Les étapes de la génése de la fruitière d’Err

  • 18 Entretiens avec M. André Saury (Prades, 4 juin 1997) et avec Mme Mercedes Argenty (Err, 17 juillet  (...)
  • 19 BALENT, 1997, p. 229.

7Le groupe d’agriculteurs d’Err décidés à en découdre avec Domenech trouva bientôt un appui vigoureux auprès de Lledos. Que ce dernier ait nourri quelques arrière-pensées est tout à fait vraisemblable. Il n’en demeure pas moins que ses interventions furent décisives. Peut-être même fut-ce lui qui suggéra à ses administrés d’Err de se lancer dans la création d’une coopérative ? Nous avons vu que, 21 ans plus tôt, il avait été associé à la mise en route de la fruitière de la Cabanasse. En 1934, il occupait toujours, comme en 1913, des fonctions dirigeantes dans les organismes locaux du Crédit agricole. Sa « formation initiale » d’employé de banque – dans sa jeunesse, il avait officié au Crédit Lyonnais de Barcelone- lui permettait d’envisager avec davantage de sérénité les aléas du montage financier d’une entreprise pour le moins risquée, surtout en ces temps de dépression et de déflation. C’était néanmoins, pour lui, une occasion unique de démontrer, dans une contrée rebelle au socialisme, la supériorité des solutions « collectivistes » : la coopération, en développant l’esprit d’entraide, viendrait à bout de l’esprit individualiste des paysans cerdans. N’avait-elle pas fait ses preuves dans le Roussillon (et le Bas Languedoc) viticole ? Le succès de l’expérience de la coopération à Err pourrait également conforter ses positions électorales et lui permettre d’espérer conquérir un ou plusieurs mandats électoraux plus flatteurs que ceux de maire d’Err ou de président du Conseil d’arrondissement de Prades. Quant à Saury, son rôle ne fut pas négligeable. Pédagogue et organisateur, il aida à la mise en place de la fruitière : le témoignage de son frère, M. André Saury, et celui de Mme Mercedes Argenty18 confirment la chose. Son intervention, moins importante que ce que nous avions suggéré dans une autre publication19, fut celle d’un conseiller.

  • 20 Le préfet François Taviani (1889-1970), Corse, et franc-maçon (comme Lledos), fut en poste dans les (...)
  • 21 ADPO, 7 M 235 (ancienne cote : 147 W 200/27).
  • 22 L’Aude et les Pyrénées-Orientales étaient regroupées au sein d’une même circonscription territorial (...)
  • 23 ADPO, 7 M 235.
  • 24 Ibidem.
  • 25 Ibidem.
  • 26 Le VIIe Congrès de la « Fédération pyrénéenne d’économie montagnarde » devait avoir lieu quelques a (...)
  • 27 Les plus célèbres, très actifs dans les années 1930, étaient les botanistes Charles Flahaut, de Mon (...)
  • 28 À la confluence des deux courants, fut fondée à Perpignan, en 1944, 1’ Association « Charles Flahau (...)
  • 29 ADPO. 7 M 235.
  • 30 Ibidem.
  • 31 Nous évoquerons plus loin la question des races bovines.
  • 32 Le 7 mai 1934, Cantagrel, directeur de la « Fruitière école [publique du ministère de l’agriculture (...)
  • 33 Un de ses collègues, Duffaut, ingénieur du Génie rural s’était déjà rendu à Err le samedi 2 juin : (...)

8Le 15 mars 1934, Lledos écrivait au préfet François Taviani20. D’emblée, il se posait en intermédiaire entre les producteurs de lait d’Err et le représentant de l’État : en leur nom, il demandait quelles étaient les formalités légales afin de pouvoir fonder une coopérative (modèle de statuts) ; s’ils pourraient compter sur l’appui de l’administration ; s’ils pouvaient « espérer obtenir du Crédit agricole un prêt à long terme ». Dans un postscriptum il signalait au préfet que, si le directeur des services agricoles départementaux (Soursac) souhaitait que la coopérative fût d’emblée ouverte à tous les producteurs de la Cerdagne, ceux d’Err préféraient, dans l’immédiat, rester entre eux, car ils estimaient que leur tentative était risquée et qu’il ne fallait pas engager trop de frais. Toutefois, ajoutait Lledos, « Ils sont d’ailleurs tout à fait disposés à accepter en cas de succès les producteurs des communes voisines » 21. Nous pouvons légitimement penser que Lledos, en écrivant ces lignes, avait le sentiment que la réussite préalable d’une expérience coopérative dans « sa » commune serait tout bénéfice pour sa carrière politique future. Ce faisant, il priait avant tout pour sa chapelle. Pendant plusieurs mois, B. Lledos déploya une activité fébrile, écrivant au préfet Taviani ou à l’ingénieur du génie rural de Carcassonne22, Graveux, dont l’appui était indispensable pour mener à son terme le projet des agriculteurs d’Err. Ainsi, dès le 9 avril 1934, Lledos sollicitait, auprès du préfet, le concours du génie rural. Le 26 avril, il envoyait un courrier à Graveux où il expliquait, que Savance, chef des services vétérinaires des Pyrénées-Orientales avait reçu, le 20 avril 1934, une lettre du préfet qui lui faisait savoir qu’il « avait transmis cette demande au ministre et qu’il l’appuyait d’une manière particulièrement pressante »23. Graveux ne tardait guère à répondre au maire d’Err en spécifiant que le montant de la subvention pourrait atteindre au maximum un tiers de la dépense envisagée. Il montrait par ailleurs tout l’intérêt qu’il portait au projet des agriculteurs d’Err en ajoutant, à l’attention de Lledos que « ce taux sera admis » et qu’il se rendrait, dès que possible sur place24. Graveux, décidément très intéressé par le projet de la fruitière coopérative d’Err, transmit le dossier au ministre de l’agriculture, en disant tout le bien qu’il en pensait et enjoignant, la demande officielle, datée du 7 avril, de Côme Argenty, le tout nouveau président (provisoire, cependant ! Les statuts ne sont pas encore déposés) de la coopérative ainsi que l’avis favorable du préfet Taviani rédigé le 20 avril25. On ne peut s’empêcher de penser, à ce propos, que Graveux était à sa manière, un militant du sylvo-pastoralisme « scientifique » et qu’il était un disciple d’Auguste Calvet dont les théories étaient par ailleurs vulgarisées par les sociétés d’économie montagnarde26, avec l’appui simultané des ancêtres de l’écologie scientifique27 et, cela était dans la logique des « technocrates » des grands corps de techniciens de l’État, ingénieurs des Eaux et Forêts ou du Génie Rural (comme Graveux, précisément)28. Graveux était décidé à mener rondement une affaire qui, toute sa correspondance le montre, lui tenait à cœur. Le 14 mai, il co-signait, avec Jean-Marie Turie, architecte à Perpignan dont les bureaux étaient situés, dans cette ville, rue du 14 juillet et à qui le Conseil d’administration de la coopérative avait confié la réalisation des plans du bâtiment le 7 mai. un « Mémoire explicatif » qui traçait les grandes lignes du projet29. Le 2 juin, dans un manuscrit (« Vu par M. Argenty » écrivait-il en marge) qui figure dans le dossier relatif à la coopérative d’Err30. il définissait les contours du projet, de façon détaillée, abordant successivement ses divers aspects. Les statuts déposés le 18 mai chez le notaire de Saillagouse, étaient, d’après lui, à revoir car deux clauses nécessaires à l’obtention d’une subvention n’y figuraient pas. Le capital fixé à 50 000 F, serait constitué de parts de 100 F. Les adhérents, qui étaient au nombre de 24, le 18 mai, étaient 26 le 2 juin. Graveux estimait « que l’on peut prévoir que la coopérative groupera sous peu des propriétaires de toutes les communes du canton de Saillagouse ». Abordant ensuite les problèmes techniques de l’élevage bovin à finalité laitière, en les limitant à la seule commune d’Err, il indiquait que pour une superficie de 100 ha environ de pâturages privés et 500 ha de pâturages communaux et un troupeau de 109 vaches laitières de race Schwytz 31, il fallait prévoir 3 000 litres de lait par jour, une traite matin et soir, deux ramassages par jour et le transport quotidien par camion vers Perpignan. Le but de la laiterie n’était pas seulement la vente de lait pasteurisé, mais, également, la production de fromages et de beurre afin d’absorber les excédents. Il envisageait la fabrication de fromage à pâte mi molle de « type Reblochon » et la mise en place d’une beurrerie. Ultérieurement, il serait possible, selon lui, de fabriquer un fromage cuit dit « Fromage des Pyrénées », ne nécessitant pas, pour sa conservation, une salle frigorifique (température de conservation : 10-12° en cave). On ne récupérerait pas la matière grasse du sérum de fromagerie et « le beurre serait fait à partir de la crème de lait frais non vendu ». Pour les travaux de construction des bâtiments, Graveux avait prévu une adjudication : deux entrepreneurs, Palau de Saillagouse, et Noël Balaguer de Font-Romeu, qui proposait les meilleures conditions et fut donc choisi dès le 15 mai, alors que les fondations étaient déjà réalisées. L’appel d’offres concernant les machines nécessaires à la production fut lancé auprès de cinq entreprises : 4 de Paris et 1 de Niort. Dans son texte, Graveux ajoutait que c’était « M. Cantegrel », directeur de la « Fruitière école coopérative de Lannemezan »32 et inspecteur des laiteries du Midi qui avait « été chargé de faire le choix ». Signalons à ce propos que la fruitière école de Lannemezan s’inscrivait dans la continuité de l’œuvre d’Auguste Calvet dont Graveux était décidément un disciple fidèle33.

  • 34 ADPO, 7 M 235.
  • 35 Voici le texte (ADPO, 7 M 235) de la feuille ronéotée adressée aux éleveurs d’Err :
    Laiteries Domene (...)
  • 36 ADPO, 7 M 235.
  • 37 Ibidem.
  • 38 Ibidem.
  • 39 L’Indépendant des Pyrénées-Orientales, 17 juin 1934.

9B. Lledos, de son côté ne restait pas inactif. Il avait donné à la coopérative un terrain d’une valeur de 4 000 F (Les frais d’acte s’élevaient à 985 F). Le Ier juin 1934, il avait pris sa plume pour appuyer ses administrés auprès de Graveux – qui n’avait pas besoin d’être convaincu – en décrivant la situation, à ses yeux désastreuse, des producteurs de lait d’Err et de la Cerdagne. L’entreprise connaissait quelques difficultés qu’il fallait à tout prix aplanir : en effet, à la suite de la visite de l’ingénieur Duffaut à Err, C. Argenty lui [Lledos] signalait « que les coopérateurs ne pourront prétendre à aucune subvention du moment qu’ils ont commencé les travaux de construction sans autorisation préalable ». En bref, l’impatience, par ailleurs compréhensible étant données les circonstances, avait mis les producteurs d’Err dans une « situation angoissante » qui explique leur « affolement »34. Pour Lledos, un seul coupable : Domenech. En effet, « (...) l’industriel ramasseur de lait cerdan (...) a envoyé à tous les producteurs [d’Err, coopérateurs] la note ci-jointe et a abandonné leur lait à partir du le mai ». Lledos n’ignorait pas la part que Graveux avait « prise dans la réalisation des coopératives du Roussillon et, plus particulièrement, des silos coopératifs du Lauragais ». Après avoir flatté l’amour propre de l’ingénieur du Génie rural, le maire d’Err lui demandait l’autorisation de « continuer les travaux de construction avant l’attribution de la subvention ». Il lui suggérait également de prendre contact avec le ministre de l’agriculture afin qu’il accordât aux producteurs d’Err « le maximum de la subvention ». Il justifiait également la hâte des agriculteurs de sa commune. S’ils ont pris l’initiative de ne pas attendre l’attribution d’une subvention, c’était par-dessus tout « parce qu’ils ont trouvé là un terrain gratuit et parce que les eaux d’Err très froides (8° en été) permettront une meilleure fabrication de beurre et de fromage et le refroidissement du lait sans frais » 35. Faisant preuve d’une extrême diligence, Graveux répondait, dès le 4 juin à B. Lledos, « président du conseil d’arrondissement de Prades, maire d’Err ». Loin d’incriminer les paysans d’Err, il mettait en cause l’architecte, Jean-Marie Turie qui, pourtant, savait bien « qu ’aucun projet ne doit être étudié, aucune mise en adjudication faite et aucun travail commencé avant que nous ayons pu instruire la demande ». Décidément très compréhensif, il se proposait d’arranger l’affaire : il présenterait le dossier au ministère de l’agriculture « en insistant sur la bonne foi évidente des propriétaires ». Le même jour, dans une autre missive, Graveux usait d’un tout autre ton avec Turie. Il n’hésitait pas à écrire qu’il le « sermonne », en lui reprochant vivement sa façon de faire à Err. Il ajoutait que, « à titre exceptionnel », il soumettait l’affaire à « M. le Ministre de l’Agriculture », laissant à ce dernier le soin de prendre la décision finale36. Le lendemain, ce fut Lledos qui intervint par écrit, dans le même sens, auprès du préfet Taviani37. La diligence de Graveux réussit rapidement à arrondir les angles. Aussi, le 7 juin 1934, Lledos lui témoigna sa gratitude « pour le bienveillant intérêt » qu’il avait manifesté pour la coopérative et lui fit parvenir divers documents (devis pour l’outillage, statuts, composition du conseil d’administration). Le 12 juin, réponse de Graveux à Lledos : tout allait bien, mais une fois de plus, il se plaignait de Turie qui ne lui avait pas encore envoyé son avant-projet. Le 16 juin, le préfet tenait à faire savoir par écrit à Lledos qu’il s’était entretenu téléphoniquement avec Graveux, le 9 du même mois, et que ce dernier lui avait dit que, dans le rapport qu’il se proposait d’envoyer au ministère de l’Agriculture, il soulignerait tout spécialement la situation économique dans laquelle se trouvaient les producteurs de lait de la Cerdagne38. La sollicitude de personnes diverses et influentes comme Graveux, Lledos et Taviani avait, dans des délais record, aplani bien des difficultés. Le 17 juin 1934, cinq mois environ après la « révolte » d’un groupe d’agriculteurs d’Err contre le monopole des laiteries Domenech, le texte intégral des statuts de la « Société coopérative agricole fruitière de Cerdagne » (siège social à Err), était publié dans L’ Indépendant des Pyrénées-Orientales 39.

V. Les travaux : coûts, financement, problèmes administratifs

  • 40 ADPO, 7 M 235.
  • 41 Ibidem.
  • 42 Le 20 juin, M. Bonnaire, au nom de la société Alfa-Laval, félicitait la « Fruitière coopérative de (...)

10Le 6 août 1934, sur un devis de 324 000 F, la coopérative reçut une proposition d’"allocation" s’élevant à 25 % des dépenses réelles, avec un maximum ne pouvant excéder 81 000 F40. Mais le montant des travaux arrêté en novembre 1936 et certifié par la "Direction des Eaux et Forêts et du Génie rural" de Carcassonne – c’est à dire par Graveux – s’élevait à 342 357 F (341 372 F pour les travaux et 985 F en règlement des frais d’acte notarié occasionnés par l’acquisition du terrain donné par Lledos dont la valeur était estimée à 4 000 F)41. Un décompte précis nous permet d’évaluer le coût des divers travaux effectués ou des fournitures de matériel livrées. Celui du gros œuvre réalisé par Noël Balaguer de Font-Romeu s’élevait à 107 711,49 F (comptes lus et approuvés le 2 juillet 1936), répartis ainsi : maçonnerie, 98 801,38 F ; menuiserie ; 19 316,31 F ; serrurerie, 5 804,28 F ; peinture et vitrerie, 2 797,43 F ; rabais consenti de 15 %, 19 007,91 F. Les marchés de gré à gré concernaient en premier lieu la fourniture et l’installation d’appareillages par la société Alfa Laval42, 10 rue Charles V, Paris IVe. Le montant de ces appareils (chaudières production de vapeur pour le traitement du lait, moules à beurre, « pasteurisateurs », moules et cuves à fromages, moules et rondeaux à « Port Salut », matériel et accessoires d’installation) se chiffra à 92 998 F. La société Migaud (nous ignorons où se situait son siège social) livra 570 bidons à 43 F l’unité, soit un coût total de 24 510 F. L’installation frigorifique fut fournie par les Établissements Douane pour un montant de 55 000 F. Cotxet (originaire d’Err mais établi à Bourg-Madame) réalisa l’installation électrique (lampes, moteurs, prises et interrupteurs inclus) dont le prix fut 5 898 F. Au total le coût des travaux de gré à gré (hors mise en adjudication) atteignit la somme de 178 406,80 F.

  • 43 ADPO, 7 M 235.
  • 44 Ibidem. Lettres de Graveux à Turie (5 juillet, 16 juillet, 21 juillet 1934) et de Turie à Graveux ( (...)
  • 45 Ibidem. Pour la première fois, cet accusé de réception est signé par Lledos, « président de la coop (...)

11Entre la fin juin et la fin août 1934, Graveux et Lledos étaient décidés à mettre les bouchées doubles afin d’activer les travaux, ainsi qu’en témoigne l’abondant courrier qu’ils échangèrent alors43 ). Graveux fut une fois de plus contraint d’admonester Turie44 dont la nonchalance risquait de retarder l’avancement des travaux. L’architecte se justifiait en expliquant que le projet initial avait dû être retardé car le conseil d’administration avait décidé de construire un logement de fonction pour le futur directeur et une salle de réunions. La gestation de ces « améliorations » lui prit tout le mois de juillet. Il fallait également résoudre de toute urgence divers problèmes d’ordre administratif nécessaires, comme l’envoi par l’architecte des procès-verbaux d’adjudication des travaux à l’entreprise Balaguer ou du « Mémoire explicatif complémentaire » (concernant les travaux supplémentaires). Côme Argenty reçut de Lledos (et, fait significatif, non directement de Graveux) l’accusé de réception de l’avant-projet de construction dressé par le service du Génie rural45.

  • 46 Ibidem. Lettre de Lledos à Graveux (30 juin 1934).
  • 47 Ibidem. Lettre de Graveux à Lledos (30 novembre 1934).
  • 48 Ibidem. Lettre de C. Argenty à Graveux (18 février 1935).
  • 49 BALENT. 1996.
  • 50 ADPO, 7 M 235. Lettre de Graveux à Argenty (18 février 1935).
  • 51 Ibidem. Lettre d’Argenty à Graveux (25 février 1935).
  • 52 Ibidem. Lettre de Graveux à Argenty (26 février 1935).
  • 53 Ibidem. Le 28 avril 1935, cette société informait l’ingénieur Graveux que la coopérative d’Err avai (...)
  • 54 ADPO, 7 M 235. Lettre du directeur de la Caisse nationale du Crédit agricole (Paris) au préfet des (...)
  • 55 Ibidem. Lettre de Graveux à la société Douane, 9 septembre 1935. Graveux se déplaça également à Err (...)
  • 56 Ibidem. Lettre de Turie à Graveux (2 septembre 1935).
  • 57 Ibidem. Lettres d’Argenty à Graveux et au ministre de l’agriculture (6 septembre 1935).
  • 58 Cf. infra.
  • 59 ADPO, 7 M 235. Lettre de Blanchard à Graveux, 14 janvier 1936.
  • 60 Ibidem. Lettre de Graveux à Blanchard, 20 janvier 1936.
  • 61 Cf. infra.
  • 62 ADPO, 7 M 235. Lettre de Pierre de Pastor à Graveux, 2 septembre 1936.
  • 63 Ibidem. Lettre du ministre de l’agriculture au préfet des Pyrénées-Orientales, 30 juillet 1936.
  • 64 Ibidem. Lettre du ministre de l’agriculture au préfet des Pyrénées-Orientales, 16 septembre 1936.
  • 65 ADPO, 7 M 235.
  • 66 Ibidem. Lettre de Graveux à la société Douane, 20 octobre 1936 et la correspondance qui suivit (Let (...)

12Dès le 30 juin 1934, dans une de ses lettres à Graveux46, Lledos l’avait invité à l’inauguration de la coopérative, prévue à la fin du mois d’août. Mais celle-ci ne régla pas pour autant la solution de tous les problèmes techniques et administratifs. Le 30 novembre 1934, Graveux signalait à Lledos que « le projet avait été admis d’un point de vue technique » car le ministre de l’agriculture était « disposé à attribuer une subvention dont le taux ne pourra excéder 1/6 des dépenses, ce taux étant un maximum pour les fruitières »47. Le problème en suspens était celui de l’installation frigorifique qui, à la fin de l’été 1934, n’était pas encore réalisée. Une lettre d’Argenty à Graveux48 nous apprend que les coopérateurs d’Err avaient songé acquérir du matériel américain, fabriqué par la maison Frigidaire qui faisait les meilleures conditions. Mais, en ces temps de protectionnisme, l’administration favorisait en premier lieu l’industrie française. Côme Argenty et ses camarades le savaient bien. Au cas où l’achat de fournitures américaines risquait d’être « nuisible » pour la subvention qu’ils avaient demandée, le président de la « fruitière » d’Err précisait que les adhérents de la coopérative se contenteraient de la « maison française qui [assurerait] la meilleure installation dans les meilleurs prix ». Qui avait pu suggérer le choix de Frigidaire ? Peut-être Lledos, un des principaux mentors et inspirateurs de la coopérative laitière d’Err : on connaît son goût pour les négoces et trafics de toute sorte ainsi que les relations d’affaires qu’il entretenait avec les entreprises les plus diverses49. Le même jour (les lettres se sont croisées), Graveux informait Argenty que la coopérative pourrait utiliser immédiatement les matériels à la condition qu’ils aient été livrés par un industriel français50. Quelques jours plus tard, Graveux prenait contact avec la Société Catalogne du froid à Perpignan51 qui offrait le devis le plus avantageux avec, cependant, un compresseur d’occasion. Mais cette maison était-elle réellement française ? Si la « fruitière » d’Err avait la possibilité d’acheter un compresseur, encore fallait-il que le fournisseur certifiât qu’il était français52. En définitive, le marché ne put être conclu avec la société perpignanaise. Nous ignorons pour quel motif. Le choix des coopérateurs d’Err se porta sur la société Douane, la réfrigération automatique française dont le siège social était situé à Paris XIe, 23 avenue Parmentier53. Mais celle-ci ne pourrait être réglée de sitôt. En effet, si le Crédit agricole, parmi les sommes prêtées dans les Pyrénées-Orientales, avait prévu 250 000 F pour la coopérative fruitière d’Err54, il manquait, pour boucler le montage financier, une subvention pour laquelle le ministère de l’agriculture avait été sollicité. En septembre 1935, Graveux pensait que la somme que l’État avait accepté d’accorder, allait être allouée « sous peu » à la coopérative55. Son versement allait cependant nécessiter plusieurs mois. Ce retard provoqua le mécontentement de l’architecte qui, le 2 septembre, réclamait qu’on lui versât un acompte56. Le 6 septembre 1935, Argenty écrivait à Graveux et au ministre de l’agriculture pour que l’on versât un acompte sur le montant de la subvention57. En janvier 1936, ce fut le directeur, tout récemment désigné58, de la coopérative, Raoul Blanchard, qui s’adressait, angoissé, à Graveux. N’ayant aucune nouvelle de la subvention, il manifestait une vive inquiétude pour l’avenir de la coopérative qui l’employait depuis peu, étant donné « l’avenir déficitaire en général pour l’industrie laitière » 59. Graveux dut se contenter de répondre que le projet ne serait subventionné que lorsque les disponibilités de crédits le permettraient. Il invoquait à ce propos une décision ministérielle du 29 novembre 193460. Le nouveau président de la coopérative, élu en octobre 1935, Pierre de Pastor61, d’Enveitg, revint à la charge en septembre 1936 pour réclamer un acompte sur la subvention afin, entre autres, de pouvoir régler la société Douane62. En effet, le 30 juillet 1936, le ministre de l’agriculture faisait savoir au préfet des Pyrénées-Orientales que la subvention attribuée à la coopérative d’Err était de 1/6 de 54 000 F, sur un total de dépenses évalué à 324 000 F63, ce qui était notoirement insuffisant. Le même ministre, s’adressait à nouveau au préfet pour lui signaler qu’une subvention complémentaire de 10 800 F avait été attribuée à la coopérative en vertu d’un arrêté ministériel du 25 juillet 193664. On aurait pu penser que le problème était enfin réglé, mais l’issue était cependant encore lointaine. Les fonds tardant toujours à être débloqués, la société Douane demandait à Graveux, le 16 octobre 1936, des nouvelles de la subvention65. Mais, d’après l’ingénieur du Génie rural de Carcassonne, le seul coupable du retard était l’architecte, Turie, qui n’avait toujours pas fait parvenir les pièces manquantes. Il fallut attendre le 4 mars 1936 pour que la somme du reliquat de la subvention (64 205 F) fût enfin versée sur le compte de la coopérative qui put alors régler la facture de la société Douane (13 705 F)66. Le feuilleton du financement était enfin clos. Entre temps, la « fruitière » coopérative avait entamé une nouvelle étape de sa brève existence.

VI. La coopérative d’Err et les projets politiques de Barthélemy Lledos

  • 67 Entretien avec Marcel Mayneris (Perpignan, 1982). La République (feuille radicale perpignanaise) du (...)

13Lorsque Barthélemy Lledos, le maire d’Err, prit connaissance du projet de Côme Argenty et de ses amis, il sauta sur l’occasion. Il intégra, dans une stratégie personnelle d’ensemble, la concrétisation d’une idée dont il partageait, nous le verrons, la finalité. Il comprit que la mise en route de la « fruitière » dans la commune dont il était le maire, conforterait sa crédibilité politique en Cerdagne et, au delà, dans les régions de montagne des Pyrénées-Orientales. Les échéances personnelles de B. Lledos étaient proches. Il avait l’ambition de conquérir le siège de sénateur des Pyrénées-Orientales, en arborant fièrement la bannière de la S.F.I.O., à l’occasion du scrutin du 20 octobre 1935. Jean Payra, maire de Perpignan, député des Pyrénées-Orientales, chef de file départemental de la S.F.I.O. depuis 1921 et franc-maçon comme Lledos, avait fait à ce dernier la promesse verbale d’en faire le candidat du parti67. Le maire d’Err se devait de préparer le terrain afin de conquérir le siège qu’il convoitait. La bonne implantation de la S.F.I.O. dans la plaine du Roussillon, les Corbières, le Fenouillèdes et une partie du Confient devait encore être élargie et se renforcer plus particulièrement en Cerdagne, bastion « modéré ». Certes, B. Lledos était déjà président du conseil d’arrondissement de Prades depuis 1931, date où il avait réussi à se faire élire par le canton de Saillagouse. Auparavant, il lui fallait, cependant, étoffer, en mai 1935, l’implantation municipale de la S.F.I.O. dans le canton de Saillagouse. Convaincre les Cerdans et, dans une moindre mesure, les Capcinois, était donc pour lui un impératif incontournable. Il lui fallait faire la démonstration de son efficacité.

  • 68 BALENT, 1996, pp. 137-139. Dans La Revue de la Cerdagne (25, 1 juillet 1935), un éditorial « révèle (...)
  • 69 Les A.S.A. -Associations syndicales autorisées – qui gèrent des ouvrages hydrauliques comme les can (...)
  • 70 Voir notamment à ce propos, La Revue de la Cerdagne, 1, 5 décembre 1935.
  • 71 La « commission de l’aéro-club » s’était réunie à l’hôtel Salvat de Bourg-Madame (sur Jean Salvat, (...)
  • 72 La Revue de la Cerdagne, 10, 5 août 1934.
  • 73 La Revue de la Cerdagne, 24, 1er juillet 1935.
  • 74 BALENT, 1997, p. 247.
  • 75 La Revue de la Cerdagne, 18, 1er janvier 1935. Le 1er février 1935. Dans le n° 19 de La Revue de la (...)
  • 76 Article de La Revue de la Cerdagne (20, 1er mars 1935), signé Pierre AIGUENEIX (sic : mauvaise orth (...)
  • 77 La Revue de la Cerdagne, 21, 1er avril 1935.
  • 78 La Revue de la Cerdagne, 22, 1er mai 1935. B. Lledos partageait la vice-présidence avec ses deux ad (...)
  • 79 La Revue de la Cerdagne, 8, 20 juin 1934.

14En 1934, B. Lledos pouvait se prévaloir de résultats tangibles susceptibles de renforcer sa popularité naissante dans les hautes terres de l’Ouest du département68. Il était depuis longtemps déjà président de la « Caisse cantonale du crédit agricole de Cerdagne » et veillait à faire obtenir crédits ou subventions : ainsi, exemple parmi tant d’autres, il tenait à faire savoir combien il était attentif à ce que les A.S.A.69 qui jouent un rôle de premier plan dans une région de montagne « sèche » comme la Cerdagne, en permettant l’irrigation des prairies, disposent des moyens financiers suffisants70. B. Lledos avait occupé les terrains les plus divers et inattendus. S’étant intéressé à l’« aérodrome » de Sainte-Léocadie, il était, dès novembre 1933, vice-président de l’« Aéro-club de Cerdagne »71 et président en juillet 193472. B. Lledos nourrissait de grandes ambitions pour l’avenir du « terrain » de Sainte-Léocadie. Pourquoi ne pas le transformer en aérodrome militaire ? En 1935, il écrivit une lettre à ce propos au ministre de l’Air73. B. Lledos avait également compris l’intérêt du sport de compétition qui suscitait un engouement de plus en plus fort. Nous avons expliqué par ailleurs74 comment il avait financé les clubs sportifs d’Err. En 1935, il se fit le mécène du ski en Cerdagne et en Capcir. Un concours de saut à ski fut organisé le 13 janvier 1935, avec, à la clé, une « coupe Lledos »75. Peu de temps après, furent organisées, le 17 février 1935, une « course de descente du Cambre d’Aze »76 et, le 17 avril 1935, une autre course de ski baptisée « Challenge Lledos » qui permit d’attribuer une nouvelle « coupe Lledos »77. En avril 1935, le « Cerdagne Ski Club » fut fondé à Bourg-Madame avec une centaine d’adhérents78. B. Lledos soutint également les efforts des amateurs de « football-association » en créant un « Challenge Lledos » des cantons de Saillagouse et de Mont-louis, qu’il dotait d’une « magnifique coupe en argent »79. La coopérative laitière d’Err -ainsi que d’autres projets coopératifs ou agricoles qui ne virent jamais le jour – devint, à la charnière de 1934 et de 1935, un thème de la propagande développée par B. Lledos, à l’occasion des élections municipales de mai 1935 et sénatoriales d’octobre 1935. Mais, entre-temps, Lledos s’était offert l’instrument de cette propagande, un organe de presse, La Revue de la Cerdagne.

VII. La revue de la cerdagne et l’action politique de Barthélemy Lledos (décembre 1933 – octobre 1935)

  • 80 La Revue de la Cerdagne arborait le sous-titre de « Journal Politique, Agricole, Touristique et Lit (...)
  • 81 N° 15, 5 octobre 1934.
  • 82 La Revue de la Cerdagne, 13, 5 septembre 1934.
  • 83 BALENT, 1996 ; BALENT, 2001.
  • 84 Le pseudonyme « Dominique Plandall » désigne, selon toute vraisemblance, Dominique Basso (BALENT, 1 (...)
  • 85 Eugène Devaux, érudit éclectique, pratiquait l’alpinisme. Adhérent de la Société agricole scientifi (...)
  • 86 RAYMOND, 1990.
  • 87 Dictionnaire des parlementaires français [1889-1940], pp. 2683-2684.

15La lecture attentive de ce bi-mensuel (devenu ensuite mensuel, à compter du n° 20, 1er février 1935), imprimé et édité à Perpignan80, 18 montre qu’il n’est au service que d’un seul but : le « projet » électoral de Lledos, la conquête d’un siège au Sénat. Le maire d’Err avait compris l’intérêt qu’il avait à se doter d’un organe de presse à sa dévotion. B. Lledos était riche. Sa fortune s’était considérablement étoffée depuis qu’il résidait à Barcelone. Pourtant, il n’hésitait pas à répandre la légende du « pauvre petit montagnard », contraint à l’exil mais qui avait su réussir à force de ténacité et de sacrifices. Un articulet de La Revue de la Cerdagne81 intitulé « Les faux pauvres » ne dissimule pas sa réussite matérielle, bien au contraire : « Oui, faisait-il écrire, Lledos est riche aussi. Lui au moins il ne s’en cache pas et, à toute occasion, il en fait profiter les autres ». Lledos, « un socialiste qui a toujours vécu dans le luxe ? ». La Revue de la Cerdagne s’apitoyait sur ce soi-disant « petit pâtre d’Err » qui allait « garder les vaches et les moutons » (...). « Il était pauvre et mal vêtu, car ses frères étaient nombreux. Sa vie était rude et difficile » (...). « Et on le vit à Barcelone, tirer les diables par la queue, au hasard des incertitudes et gagner son pain quotidien aux besognes les plus pénibles. Comme il était un fils de Cerdagne, sa volonté et son énergie triomphèrent et, par le travail, il réussit à s’imposer »82. Cette légende pieuse et misérabiliste ne résiste pas à l’examen des faits. Dans les années 1850-1860, la « maison » Lledos avait réussi à supplanter, à Err, celle, prestigieuse, des Vigo qui avait dominé le village (et au delà) depuis, au moins, la fin du XVIIe siècle. Cossus propriétaires terriens, les Lledos avaient donné une éducation soignée à leurs rejetons, à commencer par Barthélémy83. Certes, le cadet B. Lledos avait su rendre sa splendeur à une « maison », déjà en difficulté avant 1914, et ébranlée par la première guerre mondiale. L’imagerie du « pauvre petit pâtre » n’était, on s’en doute, destinée qu’à la propagande. Dans La Revue de la Cerdagne, B. Lledos s’efforça, à l’intention des électeurs cerdans, d’aborder les thèmes les plus divers. À part Lledos, peu de collaborateurs locaux écrivaient sous leur propre nom. Le plus souvent des pseudonymes figuraient au bas des articles (Dominique Plandall84, « Xaru », « El Segador », « El Pagès », « El Gavatx », « Fleurette », la chroniqueuse féminine). Certains d’entre eux, comme nous l’avons déjà signalé, étaient vraisemblablement l’œuvre de Pierre Saury. Parmi les collaborateurs locaux parfaitement identifiés, nous signalerons Jean Catel et, surtout, Eugène Devaux. Ce dernier, commandant en retraite, abordait avec talent les sujets les plus divers85. B. Lledos, qui connaissait beaucoup de monde parmi les parlementaires et les dirigeants de la S.F.I.O., sut s’assurer, notamment en matière agricole, mais pas exclusivement, la collaboration de membres éminents du parti – L.-O. Frossard et, surtout, Georges Monnet86 ou d’autres hommes politiques, comme le sénateur radical-socialiste du Gers, Jean Philip87.

  • 88 Il s’agit des échéances électorales de 1935 (municipales et, surtout, sénatoriales) qui préoccupaie (...)
  • 89 Dès le 5 mars 1934, La Revue de la Cerdagne (n° 4) vilipendait dans un petit article l’attitude de (...)
  • 90 Le 5 août 1934, La Revue de la Cerdagne évoquait les dramatiques événements d’Autriche (incarcérati (...)
  • 91 Bien étudié (ainsi que le « climatisme », alors en plein essor), pour le début des années 1930, par (...)
  • 92 La Revue de la Cerdagne, 3, 1er février 1934.
  • 93 La Revue de la Cerdagne, 19, 1er février 1935.
  • 94 Les jeunes socialistes de Perpignan (les « Faucons Rouges ») furent accueillis à Err par B. Lledos. (...)
  • 95 La Revue de la Cerdagne, 24, 1er juillet 1935, (« Tourisme et nudisme ») ; 25, 1er septembre 1935 ( (...)

16La Revue de la Cerdagne abordait parfois les thèmes de politique générale : il fallait, bien entendu, évoquer les péripéties d’une actualité – autre qu’électorale88 – de plus en plus mouvementée. Mais les articles se rapportant à ces thèmes étaient somme toute assez peu fréquents. D’une vie politique française riche en évolutions et en rebondissements, les événements de février 1934 furent pratiquement les seuls à avoir été commentés dans la feuille dirigée par Lledos89. La politique étrangère, aux développements pourtant inquiétants, était pratiquement absente des colonnes de La Revue de la Cerdagne90. Par contre, les problèmes en prise avec les intérêts et les préoccupations des Cerdans, étaient, bien évidemment, largement développés. Le tourisme91 était largement évoqué : B. Lledos, lui-même, pensait à lui lorsqu’il expliquait, dans le n° 1 de La Revue de la Cerdagne, qu’il croyait en l’avenir de « la Cerdagne, terre de bonheur ». Si E. Devaux expliquait, de façon très classique, que touristes et paysans avaient des intérêts complémentaires92 ou que « El Gavatx » analysait les rapports entre « tourisme et climatisme »93, on trouve dans La Revue de la Cerdagne des articles plus surprenants qui montrent l’impact des activités de loisirs – introduites par les touristes citadins attirés en Cerdagne par les activités de plein air – sur les plus éclairés des Cerdans, favorables, bien entendu, aux idées « modernes » dont la S.F.I.O. affirmait être le vecteur94 : ainsi, le 1er juillet 1935, « El Segador » faisait le panégyrique du nudisme, alors que « Fleurette », le 1er septembre 1935, faisait un vibrant plaidoyer pour le port du short féminin95.

17La Revue de la Cerdagne aborda, dans ses colonnes, les problèmes agricoles davantage qu’aucun autre thème. B. Lledos veilla à ce qu’ils fussent traités tant au niveau général que local. C’est pourquoi l’épisode de la création de la coopérative « fruitière » d’Err occupa une large place.

18De fait, les articles consacrés à l’agriculture peuvent être regroupés en trois grandes rubriques : les aspects généraux, les problèmes agricoles cerdans à l’exclusion de la coopération, la « fruitière » d’Err, les autres projets coopératifs en Cerdagne.

  • 96 À propos de Jean Philip, voir la note 87. L’article de J. Philip (La Revue de la Cerdagne, 9, 5 jui (...)
  • 97 RAYMOND, 1990 et GERVAIS, JOLLIVET, TAVERNIER, pp. 404-412 et pp. 557-562. Georges Monnet (1898-198 (...)
  • 98 « Les paysans et le fascisme », La Revue de la Cerdagne, 25, 1er septembre 1935.
  • 99 Crainte parfaitement fondée en ce qui concerne la Cerdagne : beaucoup de conservateurs, élus ou aya (...)

19En ce qui concerne le premier point, ce furent pour l’essentiel des personnalités politiques extérieures au département qui développèrent leurs analyses dans La Revue de la Cerdagne, surtout, pendant la première année d’existence de la publication : nous avons relevé un article de Jean Philip, sénateur du Gers96, et, surtout, un grand nombre de collaborations de Georges Monnet97. Dominique Plandall (pseudonyme : cf. note 84) se risquait, à l’occasion, à aborder des sujets dépassant les horizons de la Cerdagne (et, éventuellement, du Capcir). Le 1er septembre 1935, il allait jusqu’à citer Le 18 brumaire de Karl Marx et à commenter une brochure du même titre publiée par le « comité de vigilance des intellectuels antifascistes »98, montrant par là même qu’il était parfaitement conscient de la nécessité stratégique, pour le Front populaire en cours de constitution, d’éviter que la paysannerie ne basculât du côté de la « réaction » et du fascisme99.

  • 100 Un géographe pouvait cependant écrire, en 1933 (de PASTOR, 4,1933, § « Le bien-être et la vie conte (...)
  • 101 La Revue de la Cerdagne, 5, 5 avril 1934. Le même n° fait état d’une correspondance entre B. Lledos (...)
  • 102 La Revue de la Cerdagne, 6, 5 mai 1934.
  • 103 La Revue de la Cerdagne, 24, 1er juillet 1935, pp. 2-3. (D. PLANDALL, « Déflation ou dévaluation. L (...)
  • 104 La Revue de la Cerdagne, 6, 5 mai 1934.
  • 105 La Revue de la Cerdagne, 1er juillet 1935, p. 3.
  • 106 P. de Pastor (de PASTOR, 1933) ne parle pas de cet élevage qui apportait des revenus complémentaire (...)
  • 107 E. DEVAUX, « Irrigations et canaux », La Revue de la Cerdagne, 15, 5 octobre 1935. Les eaux du Lanó (...)

20Les problèmes agricoles de la Cerdagne occupaient une large place dans la feuille fondée et dirigée par B. Lledos. On y trouvait des articles qui prétendaient aborder les problèmes de fond. C’était un registre que le maire d’Err ne dédaignait pas : en effet, il signa plusieurs articles, par lesquels il espérait convaincre les agriculteurs cerdans du bien fondé des solutions socialistes, seules susceptibles de résoudre les néfastes conséquences de la dépression économique100. « Par notre union, par notre solidarité, sachons les [les « résistances économiques »] vaincre », s’exclamait-il dans un papier intitulé « La leçon de la terre »101. « Plus que jamais, l’économique [en agriculture] prime le politique », ajoutait-il dans une réponse à « X » d’Osséja102. Dans un papier plus particulièrement destiné aux agriculteurs sensibles aux problèmes des prix, D. Plandall se risquait à aborder les thèmes monétaires103. Tout ceci permettait de faire le lien entre les problèmes généraux – la crise mondiale et ses modalités françaises – et les préoccupations des agriculteurs cerdans. La Revue de la Cerdagne n’ignorait pas pour autant leurs spécificités. Les relations commerciales avec l’Espagne les intéressaient au premier chef. Aussi B. Lledos ne se privait-il pas de rendre compte de ses interventions. Il publiait la lettre que lui avait envoyée, le 12 mars 1934, le ministère d’« Obras publicas » de Madrid, lui faisant part de la réduction des droits de douane pour l’entrée en Espagne des chevaux, mules et mulets français qui transitaient par la Cerdagne française104. Dans un article du 1er juillet 1935105, il faisait remarquer qu’il intervenait, en sa qualité de président du conseil d’arrondissement de Prades, réélu pour la 4ème fois, p0ur que je traité de commerce avec l’Espagne qui arrivait à expiration, fût prorogé : l’exportation de mulets et de chevaux dans la péninsule procurait en effet des revenus complémentaires aux paysans cerdans106. D’autre part, E. Devaux n’oubliait pas l’irrigation, facteur décisif du progrès agricole dans une région de montagne à pluviométrie insuffisante. Le devenir, toujours en suspens, à cette époque, des eaux du grand lac du Lanos, concernait au premier chef la Cerdagne et son économie agro-pastorale107.

  • 108 « Le marché de la laine », La Revue de la Cerdagne, 4, 5 mars 1934.
  • 109 Titre d’un article de B. LLEDOS, La Revue de la Cerdagne, 5, 5 avril 1934.
  • 110 B. LLEDOS, « Dans l’engrenage », La Revue de la Cerdagne, 6, 5 mai 1934. À Porté, il y avait un noy (...)
  • 111 La Revue de la Cerdagne, 8, 20 juin 1934.
  • 112 ADPO, 7 M 235.
  • 113 Ibidem. Un mois plus tard, le 23 août 1934, B. Lledos, dans une lettre à Graveux, demandait des nou (...)
  • 114 La Revue de la Cerdagne, 14, 20 septembre 1934. Deux articles, à la p. 1 et à la p. 2, abordent ce (...)

21La coopération agricole fut un thème abondamment traité par La Revue de la Cerdagne. Il y fut décliné sous divers aspects. Bien sûr, au fil des mois, la coopérative laitière d’Err fut défendue contre ses détracteurs et fut présentée comme la réalisation emblématique de B. Lledos, 1’« homme de progrès », dont le destin manifeste... était de représenter la Cerdagne et les Pyrénées-Orientales au palais du Luxembourg. Dès le mois de mars 1934, alors que les éleveurs d’Err avaient commencé à se réunir pour concrétiser leurs projets coopératifs, B. Lledos défendait, dans un article de La Revue de la Cerdagne 108, « une coopération intelligente et dirigée ». Alors que la lutte se poursuivait, afin que la « fruitière » vît enfin le jour, il enfonçait le clou ; à Porté, à l’autre bout de la Cerdagne, « L’idée est en marche »109. La nécessité de la coopération l’amenait à formuler cette remarque : « Les agriculteurs de Porté ne veulent-ils pas constituer un syndicat de battage ? Ceux d’Err ne viennent-ils pas de se grouper pour constituer une coopérative agricole de laiterie qui, en cas de succès, groupera demain les producteurs de lait de toute la Cerdagne ? (...) on sent déjà mourir l’individualisme et surgir le groupe. L’idée est en marche. Rien ne saurait l’arrêter ». Il concluait cet éloquent plaidoyer en se référant à Georges Monnet. Abordant les problèmes générés par la « surproduction agricole » et la désorganisation des marchés, il terminait par le couplet désormais de rigueur sur « la nécessité de la coopération »110. D’ailleurs, B. Lledos se rendit a Porté, en compagnie de L. Soursac, directeur des services agricoles des Pyrénées-Orientales où il fit (avril ou mai 1934) une conférence devant un auditoire d’agriculteurs et se déclara favorable à la création « d’une association coopérative de battage » 111qui ne vit jamais le jour, comme d’autres projets de B. Lledos, tels les silos coopératifs. Le maire d’Err évoqua ce projet dans une lettre à Graveux du 25 juillet 1934 où il parlait aussi des subventions nécessaires à la fruitière d’Err. Il affirmait parler « au nom d’un groupement de producteurs de blé cerdans » et ajoutait qu’il avait « transmis à M. le préfet des Pyr. Or. une demande de concours au service du génie rural pour la construction de silos coopératifs en Cerdagne, dans les régions d’Enveitg et d’Ur » 112. Graveux, l’ingénieur du Génie rural de Carcassonne qui était devenu un des plus fermes soutiens des coopérateurs d’Err, répondit à B. Lledos, dès le 28 juillet 1934 : il l’assura de son soutien, envisagea le type de silos à implanter en Cerdagne et lui fit savoir qu’il « fera instruire la demande [de B. Lledos] dès qu’elle sera parvenue au ministère »113. Le maire d’Err aborda publiquement le thème des silos dans les colonnes de La Revue de la Cerdagne 114, en septembre 1934. Il en profita pour polémiquer avec ses deux adversaires de droite, Clerc et Cazals.

  • 115 B. LLEDOS, « L’exemple du Jura », la Revue de la Cerdagne, 13, 5 septembre 1934.

22La coopérative d’Err demeura la seule réalisation concrète en matière de coopération agricole, avant la seconde guerre mondiale. Elle prenait pour modèle l’expérience, ancienne, du Jura115 et ignorait ce qui avait déjà été réalisé en haut Confient et Capcir, la coopérative de la Cabanasse qui fonctionnait sans problèmes en 1934.

VIII. La fruitière d’Err et l’élevage bovin en Cerdagne

  • 116 Voir VILA, 1926 et DE PASTOR. 1932-1933.
  • 117 Cf. CHEVALIER, 1984, pp. 285-287 : « Le Donnezan et la Cerdagne française étaient considérés comme (...)
  • 118 Le Journal du Syndicat agricole des Pyrénées-Orientales, donne, chaque année, les résultats de ces (...)
  • 119 ADPO, 7 M 235. À titre de comparaison, en 2000, dans un élevage laitier intensif, une vache de race (...)

23On sait que, depuis la fin du XVIIIe siècle, l’élevage bovin ne cessait de progresser en Cerdagne, alors que le cheptel ovin connaissait un inexorable déclin116. Cette tendance ne pouvait que combler les souhaits des idéologues de 1’« agro-pastoralisme », favorables, nous l’avons déjà souligné, à une coopération vecteur de modernité et de rationalité. Les fonctionnaires des services agricoles, tels Soursac ou Savance, dans les Pyrénées-Orientales, étaient les relais efficaces de ces idées auprès des agriculteurs soucieux de progrès. Nous les avons vus à l’œuvre aux côtés du maire d’Err pour appuyer ses initiatives. De son côté, le syndicat agricole des Pyrénées-Orientales était entre les mains des viticulteurs et des maraîchers de la plaine du Roussillon. Il ne s’intéressait que très marginalement à l’agriculture montagnarde. Toutefois, grâce à son hebdomadaire, Le Journal du Syndicat agricole des Pyrénées-Orientales, nous connaissons les préoccupations de ses adhérents des zones de montagne. L’amélioration des races bovines, de leurs rendements, de leurs conditions d’élevage était l’une d’entre elles. Aussi organisait-on, chaque année, un concours bovin cantonal à Saillagouse. Le syndicat agricole, épaulé par les services agricoles de l’État, dans les Pyrénées-Orientales, s’efforçait de promouvoir une race locale, adaptée à des conditions de vie rustiques, excellente pour sa viande et rude à la tâche, mais sans véritables aptitudes laitières, la Gasconne à muqueuses noires dans sa variété dite carolaise (de Carol)117. Aussi des animaux de cette race étaient-ils invités à concourir. Mais la race montagnarde aux bons rendements laitiers et fortement encouragée, la Schwytz, était d’origine alpine. Son implantation, encouragée par des concours spécifiques, connut un tel succès que beaucoup, aujourd’hui, considèrent que cette suisse à la robe beige, est une vache autochtone118. À Err, lorsqu’il s’engagea à fond en faveur du projet de coopérative des agriculteurs du village, l’ingénieur du Génie rural Graveux, étudia le cheptel bovin local et ses rendements laitiers. Le 6 août 1934, Graveux et l’architecte de la coopérative, Turie, cosignaient un mémoire explicatif, dans lequel un premier bilan de l’élevage bovin à Err, permettait d’évaluer la pertinence économique du projet. Avec 16 coopérateurs – nous rappelons qu’ils furent 24 à signer, devant notaire, l’acte de création de la « fruitière »– 109 vaches laitières étaient à même de produire environ 1 000 litres par an, soit, en moyenne, 10 litres par jour. Ce troupeau était partiellement composé de vaches Schwytz et de vaches issues du croisement entre des Schwytz et des vaches du « pays », selon toute vraisemblance, des Gasconnes à muqueuses noires. En avril et en mai, il était prévu que le lait d’environ 500 « vaches de travail », devait s’ajouter à celui des « laitières ». À raison de 3 litres par tête et par jour, cela faisait 1 500 litres supplémentaires, à utiliser plus particulièrement à la fabrication du fromage, de la même façon que le lait trop acide. Des expériences effectuées en juillet 1934 ont montré que le lait « pesait » de 32 à 36 % de matière grasse. Graveux avait initialement envisagé la fabrication de fromage « des Pyrénées », à pâte cuite. Caillé à 30°, le lait, porté à la température de 43 à 45°, devait ensuite être conservé, dans la cave de la coopérative, à une température de 10 à 12°. Le lait, pasteurisé, vendu au consommateur 1,70 F le litre, serait payé au producteur 0,50 F le litre119.

Les locaux de la « Fruitière Coopérative de Cerdagne », à Err, peu après sa construction, La revue de la Cerdagne, n° hors-série, février 1935. Cette photographie était accompagnée de deux publicités :
« Qui beu llet de Cerdanya
En res hi perd i en tot hi guanya »
« Si vous tenez à votre santé !...
Exigez le lait de la Fruitière Coopérative de Cerdagne ».

IX. La coopérative d’Err : un modèle départemental ?

  • 120 ADPO, 147 W 549 (syndicats d’élevage, 1932-1940). Le ministère de l’agriculture avait alloué 900 F (...)
  • 121 ADPO, 147 W 549.
  • 122 Ibidem. À titre de comparaison, le syndicat de la vallée du Llech (bas Confient) conserve de 1937 à (...)
  • 123 ADPO, 147 W 549.

24La société d’élevage des Pyrénées-Orientales ainsi que les divers syndicats d’éleveurs étaient soutenus par l’administration qui leur allouait quelques subventions, modestes il est vrai. En ce qui concerne les bovins, il existait, dès 1932, 4 syndicats120. Ces subventions, augmentées systématiquement chaque année pour tenir compte de l’inflation, furent renouvelées jusqu’en 1940. Elles furent complétées par des subventions du Conseil général : le Dr. Clerc, conseiller général de Saillagouse et adversaire politique de B. Lledos fut le rapporteur du budget de subventions accordées aux syndicats et sociétés d’élevage pour l’année 1936121. Les années qui précédèrent la 2nde guerre mondiale virent l’expansion de ces syndicats professionnels d’éleveurs. le syndicat d’éleveurs de Schwytz passa d’un effectif de 112 sociétaires en 1937 à celui de 136 en 1940122. Ces sociétés améliorèrent la sélection génétique des deux races : les reproducteurs furent inscrits sur le livre généalogique des races. Les effectifs des bovins Schwytz appartenant aux sociétaires étaient respectivement, de 85 taureaux reproducteurs et 970 vaches en 1937, de 83 taureaux et 990 vaches en 1938, et de 83 taureaux et 960 vaches en 1940123.

25Nous ne pouvons traiter du thème de l’élevage bovin pendant la dépression des années 1930 sans poser le problème des prix du lait et évoquer le fonctionnement du « Comité départemental du lait » mis en place par les pouvoirs publics et qui fonctionna de 1935 jusqu’à la seconde guerre mondiale. La Coopérative agricole fruitière de Cerdagne avait été créée en 1934 pour permettre aux éleveurs d’obtenir des prix plus rémunérateurs. L’ingénieur Graveux avait bien compris qu’il fallait obtenir un « prix le plus élevé à la production tout en diminuant peut-être le prix de vente au détail. L’excellent lait fourni par le troupeau de la Cerdagne était jusqu’à présent acheté à raison de 0 fr. 50 à 0 fr. 65 le litre par des ramassages industriels. Le même lait est revendu 1 fr. 50 à 1 fr. 90 le litre dans la plaine et en particulier à Prades et à Perpignan. »

  • 124 ADPO, 7 M 235, rapport de l’ingénieur chef Graveux, 6 août 1934.

26« Il nous a été cité des prix de 0,20 fr. le litre payé à l’éleveur au plus fort de la production. La différence entre ces deux chiffres justifie à elle seule la création d’un société coopérative fruitière. (...) Err est au centre d’une zone d’élevage s’étendant sur 23 communes produisant environ 10 000 litres de lait par jour. La coopérative englobera certainement dans un avenir prochain environ 300 adhérents et traitera le lait de 1 500 vaches laitières » 124. Graveux ne se trompait pas : ses prévisions allaient rapidement se réaliser. Dans l’immédiat, il fallait au plus vite rendre opérationnelles les installations de la coopérative, car Domenech avait suspendu la collecte du lait produit par les fondateurs de la coopérative.

  • 125 P-E Flandin dirigea le gouvernement de novembre 1934 à la fin du mois de mai 1935. Pierre Laval lui (...)
  • 126 ADPO, 147 W 549/1 (Comité départemental du lait, 1935-1939).
  • 127 Sur P. Paillès, voir la note 120.
  • 128 Mais ils siégeaient à nouveau, lors de la réunion du 1er décembre 1936.

27Le gouvernement était conscient des problèmes posés par l’évolution peu favorable, parce que négative, des prix agricoles. L’« orthodoxie » libérale du président du Conseil, Pierre-Étienne Flandin125 réaffirmée par la loi du 24 décembre 1934 montra très vite ses limites. La loi votée le 2 juillet 1935 prévoyait (article 24) 1 ’« organisation et l’assainissement du marché du lait » et la mise en place de « Comités départementaux du lait » à la demande des groupements professionnels intéressés et sur avis du « Comité central du lait ». Le ministre de l’agriculture, dans une circulaire envoyée en septembre 1935 au préfet des P.-O.126, précisait en détail la composition de ces comités départementaux. Le 14 octobre 1935, la direction des services agricoles des Pyrénées-Orientales portait à la connaissance du préfet la liste des professionnels de l’agriculture et des fonctionnaires qui allaient former le comité provisoire départemental du lait. Certes, on y retrouvait, parmi les cinq représentants des commerçants en produits laitiers, Domenech, le négociant contre lequel s’étaient dressés les éleveurs d’Err. Mais le directeur de la fruitière d’Err y siégeait, de même que son collègue, directeur de la coopérative de la Cabanasse. Pierre Paillès127, d’Espira-de-Conflent représentait, avec Jacques Morer, de Vernet-les-Bains les agriculteurs, éleveurs de bovins. On remarquera qu’il n’y avait aucun agriculteur de Cerdagne. Ce comité qui se réunit le 27 novembre 1935, ne sera officialisé qu’en mars 1936. Le 27 mars 1936, le ministre de l’agriculture informait le préfet des P.-O. que le « Comité central du lait » avait donné un avis favorable à la création du comité départemental qui avait été l’objet d’un arrêté en date du 17 mars 1936 et avait été publié au Journal Officiel trois jours plus tard. Un arrêté préfectoral du 9 avril 1936 fixa la composition définitive du comité : elle était identique à celle qui avait été fixée le 14 octobre 1935, sauf en ce qui concerne les représentants des producteurs. P. Paillés et Antoine Cruzet (d’Arles, qui avait intégré entre temps le comité en représentation des éleveurs du Vallespir) furent remplacés par Antoine Dellac, de Prades et Pierre Mas, de Catllar128. La mise en place, lente et laborieuse, de ce comité départemental coïncida avec le triomphe électoral de la coalition du Front populaire qui explique peut-être la longue réponse à une correspondance, datée du 27 mai 1936, du préfet Taviani (dont nous n’avons pas retrouvé le double aux Archives départementales) que Domenech envoya, le 4 juin 1936. Le ton employé par le négociant était conciliant : il reconnaissait les faits (lesquels ?) que semble lui avoir reproché le préfet.

  • 129 ADPO, 147 W 549/1. P. de Pastors avait entre-temps remplacé Côme Argenty (cf. infra).
  • 130 Journal du syndicat agricole des Pyrénées-Orientales, 29 novembre 1936.
  • 131 Ibidem, Y. PEYRIERE, « Le problème du lait ».

28Le comité se réunit en 1936, puis 4 fois en 1937. Par la suite, nous n’avons retrouvé de traces que d’une réunion, le 19 août 1939. S’il aborda le problème – lancinant – des prix du lait, il fut loin de répondre à l’attente des producteurs. Ces derniers écrivaient au préfet pour demander l’augmentation des prix. Ainsi Pierre de Pastors (d’Enveitg)129, le 25 août 1936, en sa qualité de président de la Fruitière coopérative de Cerdagne qui donnait les justifications les plus diverses à une demande d’augmentation, à compter du 1er septembre 1936. Le syndicat des producteurs de lait des P.-O. saisit le préfet à deux reprises : le 25 août 1936 (s’agissait-il d’une intervention concertée avec le président de la fruitière d’Err ?), pour demander une augmentation ; le 6 octobre 1936, pour se plaindre que l’augmentation de 20 ct par litre, décidée entre temps par le Comité départemental du lait, était insuffisante. Le 15 novembre 1936, lors d’une réunion de la Chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales, Pierre Paillès, Pierre de Pastors (président de la « fruitière » d’Err), Sauveur Calvet, et Dorandeu (sans doute du Confient) firent adopter une motion où, certes, ils condamnaient « la différence énorme existant entre les prix du lait payé dans les diverses régions de production du département et les prix payés à la consommation », mais où ils mettaient vigoureusement en cause les « industriels ramasseurs » et les détaillants. Il conviendrait, selon les auteurs de ce texte, de les « traduire devant le comité de surveillance (...) s’il est démontré, après enquête, qu’une de ces deux catégories réalise un bénéfice illicite qui serait au préjudice des producteurs et des consommateurs »130. Le directeur des services départementaux de l’agriculture, Y. Peyrière, exprimait, dans le même hebdomadaire, une opinion convergente lorsqu’il invoquait la loi du 2 juillet 1935 qui « a voulu protéger le marché du lait, (...) provoquer un meilleur équilibre entre la production et la consommation »131.

  • 132 Journal de la Fédération des organismes laitiers des Pyrénées-Orientales, 7, octobre 1938.
  • 133 Becardit, « retraité de Saillagouse » fut, selon M.P. Imbern, un dirigeant particulièrement compéte (...)
  • 134 Il s’agit de Dominique Basso, dit Minguet, d’Ur, par ailleurs militant de la S.F.I.O. (BALENT, 1982 (...)
  • 135 Journal de la Fédération des organismes laitiers des Pyrénées-Orientales, 7, octobre 1938 : publici (...)
  • 136 Ibidem, article de P. Paillès. P. Paillès « oublie » la coopération viticole : pourtant la commune (...)
  • 137 Ibidem.
  • 138 Ibidem.
  • 139 Journal de la Fédération des organismes laitiers des Pyrénées-Orientales, 4, juillet 1939, lettres (...)
  • 140 Ibidem. Notons que la « Fruitière » d’Err, n’hésitait pas à vendre, le cas échéant, du lait en deho (...)

29Comme le Comité départemental du lait et le syndicat agricole des Pyrénées-Orientales manquaient d’efficacité, les producteurs de lait décidèrent de s’organiser et de faire entendre leur voix. En 1938, ils mirent sur pied une organisation spécifique qui publia un mensuel, le Journal de la Fédération des organismes laitiers des Pyrénées-Orientales. Pierre Paillès, d’Espira-de-Conflent en était le président. Au conseil d’administration132 siégeaient plusieurs représentants de la coopérative d’Err. Bécardit133 et Basso134. Les prix du lait furent au centre des préoccupations de cette fédération, et les « industriels-ramasseurs » la cible favorite de ses dirigeants : Domenech et Ameil (lui aussi installé à Perpignan, boulevard Clémenceau) étaient cloués au pilori, même si le Journal de la Fédération des organismes laitiers des Pyrénées-Orientales publiait à l’occasion une de leurs publicités135. Par contre, P. Paillès n’hésitait pas à faire le panégyrique des coopératives laitières : « La solution c’est dans la création de coopératives non seulement de production mais encore de consommation (comme il en existe dans beaucoup de départements). Quel dommage que le nôtre, si avancé comme idées politiques (sic) soit si en retard au point de vue de la coopération agricole »136. En matière de produits laitiers, Err était devenu le modèle à suivre : il évoquait donc l’éventualité de créer une coopérative laitière en Confient137. Err, pour P. Paillès, était à l’avant-garde de la lutte contre les industriels. Elle a réussi à mettre en place un rapport de forces favorable aux producteurs : « Sur les instances pressantes des dirigeants de la coopérative d’Err et notamment de M. Becardit les deux industriels ramasseurs (...) ont promis de signer un engagement contractuel avec tous les autres fournisseurs de lait du département (...) Cette entente me paraît indispensable si l’on veut empêcher le lait d’importation d’élargir sa clientèle dans le département »138. Dans cet article, le maire d’Espira mettait en cause l’autre « ennemi », contre lequel coopératives et industriels se devaient de faire désormais cause commune, les concurrents d’autres départements. Il s’agissait donc de d’instaurer un strict protectionnisme départemental. Les Pyrénées-Orientales devaient demeurer la chasse gardée de tous les professionnels du lait du département. En juillet 1939, ils s’adressèrent à P. Paillès pour lui demander d’intervenir contre la commission des Hôpitaux de Perpignan, qui, le 23 juin 1939, attribua la fourniture du lait, pour le deuxième semestre de 1939, à la Maison du lait de Toulouse. Celle-ci consentait, chose intolérable, un rabais de 30 %139. Le lait catalan était, selon l’argumentation des professionnels des P.-O., de bien meilleure qualité. Le cahier des charges de l’hôpital de Perpignan précisait que le lait à livrer devait présenter un minimum de 34 gr. de matières grasses, alors que les laits locaux, bien plus riches, donnaient « à l’analyse 36 à 38 grammes suivant les saisons ». Aussi, ils réaffirmaient leur conviction « que le lait fourni aux hôpitaux à partir du 1er juillet n’atteint pas le taux minimum ». Il s’agissait donc d’une concurrence déloyale et ils exigeaient en conséquence que l’on analysât le lait dans les hôpitaux et les collèges140. Cet épisode se situait quelques semaines avant le début de la seconde guerre mondiale. Lorsque celle-ci éclata, le problème de l’économie de guerre se posa assez rapidement. Le Journal du syndicat agricole des Pyrénées-Orientales du 3 décembre 1939 le constatait. Diminution de la production et augmentation des produits alimentaires pour bovins justifiaient le fait que la Chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales demandât au préfet une augmentation des prix du lait. Cette requête s’avérait indispensable, en temps de guerre. Plus que jamais l’économie était dirigée. Plus rien, désormais, ne serait « normal », pendant une longue décennie. Entre temps, la « fruitière » avait connu une rapide mutation. Elle était désormais un des acteurs économiques majeurs de la Cerdagne. Mais la guerre empêcha qu’elle ne fût-ce « modèle », pour les autres régions de montagne du département, qu’elle avait commencé à être quelque temps avant la tourmente.

Épilogue... provisoire

30Les pionniers d’Err qui s’engageaient, en 1934, dans une entreprise aussi hardie que hasardeuse allaient bientôt être victimes de leur succès. B. Lledos, l’ingénieur Graveux, le préfet Taviani, les fonctionnaires des services départementaux de l’agriculture les avaient appuyés, ce qui explique, en dernière analyse, qu’ils aient, assez aisément, emporté le morceau. Certes, toutes ces « personnalités » étaient convaincues que la coopérative devait dépasser les étroites limites de la petite commune d’Err et étendre son champ d’activités à tout le canton de Saillagouse. Les « techniciens » de l’agriculture ou du Génie rural, pour des raisons de rationalité économique, Lledos, par ambition électorale. Or, la position dirigeante de Côme Argenty et de ses camarades d’Err ne pouvaient se maintenir que grâce à l’appui efficace du maire de la commune.

  • 141 BALENT, 1998, p. 170.
  • 142 La Revue de la Cerdagne, 25, 1er septembre 1935.
  • 143 BALENT, 1996, pp. 141-142.
  • 144 Ibidem, p. 141.

31B. Lledos, après des succès prometteurs, allait connaître quelques déboires, électoraux... et autres. Il ne put concrétiser ses ambitions sénatoriales. Il avait, semble-t-il, trop fait confiance à Jean Payra. Le maire de Perpignan se ravisa : il décida de présenter sa propre candidature – et celle de son ami Georges Pézières – aux élections sénatoriales d’octobre 1935. Le congrès fédéral de la S.F.I.O. (8 septembre 1935) les désigna officiellement comme candidats141. Dans un éditorial142, les sections de Cerdagne de la S.F.I.O. réaffirmaient leur soutien à la candidature de B. Lledos au Sénat, mais elles prenaient acte de son retrait et de son appel pour voter pour Payra et Pézières. Le n° 26 (octobre 1935) fut le dernier de La Revue de la Cerdagne. Outre un ultime appel aux grands électeurs en faveur des candidats de la S.F.I.O., la dernière harangue de Dominique Plandall, « Aux travailleurs de la terre », les mettait en garde contre 1’« agitation stérile des Dorgères locaux » et rappelait le programme agraire de la S.F.I.O. que le Front populaire allait bientôt partiellement mettre en œuvre (refus par les paysans des régimes de Mussolini et d’Hitler, revalorisation des prix agricoles, office du blé et des engrais). C’était le chant du cygne des ambitions de Lledos qui, pendant deux ans, avait fait preuve d’un activisme tous azimuts. Le maire d’Err arrêta les frais. La Revue de la Cerdagne cessa de paraître. La guerre civile espagnole, en l’éloignant de Barcelone, le contraignit à s’installer à Paris143. À l’automne de 1937, il ne put même pas obtenir de la S.F.I.O. cerdane son investiture pour les élections au conseil d’arrondissement. Malgré les efforts de son fidèle Pierre Saury, le congrès cantonal de Bourg-Madame préféra deux militants de cette localité, Jean Salvat et Jean Ribot144. Exit, donc Lledos. La place était libre, dans la « fruitière » d’Err pour les notables ruraux de Cerdagne.

  • 145 C’était un descendant des cavaliers, seigneurs du village sous l’Ancien Régime (ils résident toujou (...)
  • 146 ADPO, 7 M 235, lettre de C. Argenty au préfet des P.-O., 20 février 1936.
  • 147 ADPO, 6 M 250, dénombrement de la population, 1936, état nominatif, Err. Il était né à Chey (Deux-S (...)
  • 148 Témoignages oraux de M. Pierre Imbem et de Mme Mercedés Argenty (Err, 17 juillet 1997).
  • 149 Cf. note 133.
  • 150 BALENT, 1982, 1986, et note 84.
  • 151 ADPO, 7 M 235, convention entre la Société agricole coopérative fruitière d’Err et la Caisse région (...)
  • 152 Témoignages de P. Imbem, de M. Argenty (Err, 17 juillet 1997), d’André Saury, frère de P. Saury (Pr (...)
  • 153 BALENT, 1997. Le ramassage, en Cerdagne était assuré par les transports Jean Bozom (Bosom ?) de Lat (...)
  • 154 La Revue de la Cerdagne, 21, 1er mai 1935. Remarquons au passage que P. Saury savait faire la publi (...)

32Dès octobre 1935, lorsqu’il fallut renouveler un tiers du conseil d’administration de la coopérative, Pierre de Pastor, grand propriétaire d’Enveitg145, proposa que l’on votât, par village et non par tête. Ainsi, Estavar, avec trois coopérateurs eut-il droit à un siège au C.A., de même que Bajande (deux coopérateurs), pourtant rattaché à la commune d’Estavar. Réprouvant la procédure de vote, Côme Argenty démissionna de la présidence, laissant ainsi la place libre à P. de Pastors146. Avant de changer de direction, la coopérative s’était rapidement implantée en Cerdagne. Moins d’un an après sa fondation, à l’assemblée générale du 1er février 1935, les coopérateurs étaient au nombre de 110. Nous savons qu’il y en avait dans les communes suivantes (mais la liste n’est sans doute pas exhaustive) : Err, Saillagouse, Estavar, Sainte-Léocadie, Nahuja, Caldégas, Odeillo, Enveitg,, Latour-de-Carol. Les adhérents d’Err étaient encore les plus nombreux (environ un quart de l’effectif). L’entreprise se développant, il fallut embaucher un cadre technique compétent pour assurer les fonctions directoriales. Comme il n’en existait pas localement, les administrateurs durent se résoudre à engager une personne de l’extérieur du département. Le premier directeur, Léon Blanchard, était un célibataire né en 1897147. Il a laissé le souvenir d’un homme parfaitement « qualifié » pour les fonctions qui étaient les siennes148. Il fut remplacé assez rapidement par un certain Javouet. Becardit que nous avons déjà trouvé149 sera, au début de la seconde guerre mondiale, un dirigeant efficace. En 1941, Dominique Basso (Minguet), un authentique « petit » paysan, vieux militant socialiste et maire d’Ur de 1929 à 1931150, présida un moment les destinées de la « fruitière » d’Err : à ce titre, il fut amené à signer une convention avec la caisse régionale du Crédit agricole pour proroger le délai de remboursement du prêt de 250 000 F accordé en 1935. Alors qu’il devait être remboursé en quinze ans, la dernière échéance, prévue pourl950, fut repoussée en 1960151. Discret et efficace, Pierre Saury contribua également à la mise en route de la « fruitière ». Plusieurs témoignages152 confirment ce fait que nous avons évoqué plus haut. Nous signalerons ici le fait qu’il mit à contribution un de ses cousins de Serdinya, Joseph Peix, qui, avec son camion, assura quotidiennement le transport du lait à Perpignan et remplaça ainsi avantageusement le « train jaune » que l’on utilisa également à l’occasion153. Le plumitif de La Revue de la Cerdagne s’extasiait à la vue du « superbe 6 cylindres (...) qui dépense presque rien. De Cerdagne à Perpignan, il porte 4 000 litres de lait, en bidons. Par le train jaune ce transport nécessiterait deux fourgons. Economie réalisée, par voyage, sur les tarifs du chemin de fer, plus de 600 francs. »154.

  • 155 La Revue de la Cerdagne. n° hors-série, février 1935, pastichait ainsi l’Himne cerdà :
    « Meitat pels (...)
  • 156 Une rupture avec ce temps long s’est toutefois produite dans le courant des années 1960 et au début (...)

33Après la seconde guerre mondiale, la coopérative confirma son succès. Outil efficace de la modernisation agricole, elle fusionna, en 1968, avec son homologue de la Cabanasse. Les locaux de la nouvelle entité demeurèrent à Err. Toutefois, dans les années 1980, les bâtiments construits en 1934-1935 furent abandonnés, au profit de nouvelles installations implantées en bordure de la R.N. 116. Dans le déménagement, les précieuses archives de la « fruitière » furent dispersées et perdues. De même, disparut le grand portrait photographique du « président d’honneur-fondateur », Barthélemy Lledos. À la même époque, la « fruitière » d’Err abandonna la production de beurre et de lait frais (commercialisé encore dans les années 1980, sous la marque « Cîmelait »). Après que la coopérative d’Err se fût fondue dans l’union des coopératives du Sud-Ouest, les produits cerdans perdirent toute spécificité dans l’anonymat de produits standardisés destinés à la grande distribution155. Aujourd’hui, certains le regrettent et souhaiteraient revenir vers des produits typés, emblèmes de la qualité générée par un terroir exceptionnel et fruit du travail d’éleveurs qui, sans tourner le dos à la modernité, savent enfin qu’ils sont les héritiers d’une tradition agro-pastorale multiséculaire qui plonge se racines dans les profondeurs du « temps long » de l’histoire156. Raymond Pouget, l’actuel maire est parfaitement conscient des données nouvelles de cette problématique. Des agriculteurs cerdans sont aussi en parfait accord avec une orientation nouvelle qui concrétiserait la refondation de la « fruitière » d’Err. Ce serait le meilleur hommage que l’on pourrait rendre, à l’orée du XXIe siècle aux pionniers des années 1930.

3422 juin 2000

Bibliographie

La fondation de la coopérative d’Err

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Coopérative laitière d’Err

Sources

1) Archives :

A.D. P-O : 6 M 250, dénombrement de la population, 1936, listes nominatives, Err.

A.D. P-O : 7 M 235, ancienne cote : 147 W 200/27 (fondation et construction de la coopérative d’Err, 1934-1936 ; 1941).

A.D. P-0 : 147 W 549, syndicats d’élevage, 1932-1940.

A.D. P-O : 147 W 549/1, comité départemental du lait, 1935-1939.

2) Presse :

La Revue de la Cerdagne, bimensuel ou mensuel, 1933-1935.

L’Indépendant des Pyrénées-Orientales, quotidien, Perpignan.

Journal du Syndicat agricole des Pyrénées-Orientales, hebdomadaire, Perpignan.

Journal de la Fédération des organismes laitiers des Pyrénées-Orientales, mensuel, Perpignan, 1938-1939.

3) Sources orales :

Entretiens avec :

M. Pierre Imbem (Err, 17 juillet 1997)

Mme Mercedes Argenty (Err, 17 juillet 1997)

M. André Saury (Prades, 4 juin 1997)

Notes

1 Liste des 22 premiers coopérateurs domiciliés à Err, dans l’ordre de comparution, le 18 mai 1934, devant Me Forgues, notaire à Saillagouse : Étienne Taberné, Jacques Bonnet, Paul Chèze, Jacques Esteve, Gabriel Sicre, Jean Soler, Côme Argenty, Michel Bailles (propriétaires). François Elias, Jacques Alart (fermiers), Raymond Imbern (propriétaire), Sauveur Vilaldac (fermier), Antoine Durand, Joseph Aymar, Isidore Pouget, Paul Aris, Sauveur Taberné, Sauveur Giralt, Isidore Vilalte (propriétaires), Michel Oriol (fermier), Léon Oriol, Antoine Toll (propriétaires). Dans son article 2, la coopérative affirmait étendre son activité à toutes les communes du canton de Saillagouse. Lors de son A.G. (Err, 8 mai 1934), elle avait élu son C.A. : C. Argenty, Michel Orriol, Taberné, Giralt, Bonnet, Elias, Chèze, Aymar, Baillés, Esteve, Aris, tous propriétaires à Err, Carrere, fermier à Saillagouse. Le conseil d’administration élut à son tour le bureau suivant : président, C. Argenty, vice-présidents, Carrere, Taberné, Michel Orriol, trésorier, Giralt, secrétaire. (ADPO, 147 W 200/27)

2 Dominique Carrere, fermier à Saillagouse et Joseph Marti, propriétaire à Sainte-Léocadie, ADPO, 147 W 200/47.

3 MÉTAILIÉ, 1994 ; MÉTAILIÉ, 1996, pp. 192-194, 199-200. Ch. Rendu (RENDU, 1999, p. 106, p. 114) donne quelques indications sur la carrière politique et préfectorale d’A. Calvet, entre 1879 et 1884. Toutefois c’est R. Bargeton (BARGETON, 1994, p. 131) qui nous donne le plus d’indications sur A. Calvet. Né à Lodève le 26 novembre 1843, fils d’un négociant, il mourut à Paris 14e le 26 mars 1921. « Sous-inspecteur des forêts », il démissionna en 1881, devint préfet de Vendée en janvier 1882 et occupa ce poste jusqu’en avril 1885. Retiré en Charente-Inférieure, il devint propriétaire viticulteur et fonda le syndicat des vignerons des Charentes. Entre 1886 et 1905, il effectua des missions en Amérique latine. R. Bargeton ignore toutefois qu’il fut sénateur de la Charente-Inférieure de 1894 à 1912.

4 CHEVALIER. 1984, pp. 862-863.

5 R.T.M. : « restauration des terrains en montagne ». Ce service de l’État encourageait un pastoralisme « intelligent » qui s’intégrait parfaitement dans les vues de l’administration (reboisement, lutte contre l’érosion)

6 Bien décrites dans : MÉTAILIÉ, 1996, pp. 192-196.

7 RENDU, 1999. pp. 107-111.

8 RENDU, 1999, p. 113-115 ; BALENT, 2001, pp. 224-226.

9 RENDU, 1999, p. 116, carte 2 ; VILA, 1926, p. 177.

10 BALENT. 2001.

11 Témoignage oral de Mme Mercedes Argenty, (Err, 17 juillet 1997).

12 Nous développons par ailleurs ce thème : BALENT, 2001, pp. 224-226.

13 392 habitants en 1921,362 en 1926,323 en 1931, 310 en 1936.

14 BALENT, 2001.

15 BALENT, 1996.

16 Ibidem, première partie, pp. 129-132.

17 BALENT, 1997.

18 Entretiens avec M. André Saury (Prades, 4 juin 1997) et avec Mme Mercedes Argenty (Err, 17 juillet 1997).

19 BALENT, 1997, p. 229.

20 Le préfet François Taviani (1889-1970), Corse, et franc-maçon (comme Lledos), fut en poste dans les Pyrénées-Orientales du 1 juillet 1932 au 1 octobre 1936 (BARGETON, 1994, pp. 516-517).

21 ADPO, 7 M 235 (ancienne cote : 147 W 200/27).

22 L’Aude et les Pyrénées-Orientales étaient regroupées au sein d’une même circonscription territoriale de cette administration.

23 ADPO, 7 M 235.

24 Ibidem.

25 Ibidem.

26 Le VIIe Congrès de la « Fédération pyrénéenne d’économie montagnarde » devait avoir lieu quelques années plus tard à Perpignan (18-21 août 1938) et eut pour thème d’étude les Pyrénées-Orientales (cf. les Actes de ce congrès, publiés à Toulouse en 1939).

27 Les plus célèbres, très actifs dans les années 1930, étaient les botanistes Charles Flahaut, de Montpellier, un des créateurs de la « phytosociologie » et Henri Gaussen, de Toulouse, le pionnier de la « phytogéographie ». Tous deux étaient d’excellents connaisseurs des Pyrénées-Orientales. Henri Gaussen publia d’ailleurs, en 1934, sa célèbre Géographie agricole des Pyrénées-Orientales (Lechevalier, Paris, 1934) où il fit la preuve de sa connaissance fine des milieux naturels catalans et des rapports que les sociétés humaines entretenaient avec eux.

28 À la confluence des deux courants, fut fondée à Perpignan, en 1944, 1’ Association « Charles Flahaut », toujours active en 2000, avec pour cadre territorial d’étude, le département des Pyrénées-Orientales (cf. le Volume jubilaire, publié par l’association, en 1994, pour son cinquantenaire, Perpignan, 1994).

29 ADPO. 7 M 235.

30 Ibidem.

31 Nous évoquerons plus loin la question des races bovines.

32 Le 7 mai 1934, Cantagrel, directeur de la « Fruitière école [publique du ministère de l’agriculture] de Lannemezan », écrivait à Côme Argenty qu’il se félicitait de l’initiative des éleveurs d’Err et leur citait en exemple les coopératives des Charentes [dont A. Calvet avait été le sénateur], du Jura et de la Franche-Comté « où les coopérateurs ont pris le dessus sur presque toutes les entreprises privées ». Il poursuivait en signalant qu’il avait recommandé le projet d’Err à la maison Alfa-Laval, fabriquant de l’outillage nécessaire au conditionnement des produits laitiers. Il recommandait aussi aux coopérateurs d’Err de ne pas établir un prix fixe du lait, « mais de payer le lait suivant les ventes, déduction faite des frais d’exploitation et d’amortissement ». Il terminait en informant qu’il se rendrait à Err après le 15 mai. Nous ignorons s’il effectua effectivement le déplacement (ADPO, 7 M 235).

33 Un de ses collègues, Duffaut, ingénieur du Génie rural s’était déjà rendu à Err le samedi 2 juin : il avait, le 30 mai, informé Côme Argenty que l’on vienne l’attendre en gare d’Err à 9 h 04 (ADPO, 147 W 200/27).

34 ADPO, 7 M 235.

35 Voici le texte (ADPO, 7 M 235) de la feuille ronéotée adressée aux éleveurs d’Err :
Laiteries Domenech, 3 route de Lassus, Perpignan.
Cher producteur et ami,
C’est avec tristesse que nous venons vous faire connaître par la présente que devant l’attitude irréfléchie et injustifiée des producteurs d’Err, qui ont manifesté contre nous, notre camionnette cessera de passer dans cette commune effectuer le ramassage de lait à partir du le mai prochain ».

36 ADPO, 7 M 235.

37 Ibidem.

38 Ibidem.

39 L’Indépendant des Pyrénées-Orientales, 17 juin 1934.

40 ADPO, 7 M 235.

41 Ibidem.

42 Le 20 juin, M. Bonnaire, au nom de la société Alfa-Laval, félicitait la « Fruitière coopérative de Cerdagne » du choix judicieux qu’elle avait effectué (ADPO, 7 M 235).

43 ADPO, 7 M 235.

44 Ibidem. Lettres de Graveux à Turie (5 juillet, 16 juillet, 21 juillet 1934) et de Turie à Graveux (28 juin, 28 juillet, 6 août 1934).

45 Ibidem. Pour la première fois, cet accusé de réception est signé par Lledos, « président de la coopérative d’Err ». En fait, celui-ci n’eut droit qu’au titre de « président d’honneur » (témoignages de Pierre Imbern et de Mercedes Argenty). À cette date, le président est bien Côme Argenty.

46 Ibidem. Lettre de Lledos à Graveux (30 juin 1934).

47 Ibidem. Lettre de Graveux à Lledos (30 novembre 1934).

48 Ibidem. Lettre de C. Argenty à Graveux (18 février 1935).

49 BALENT. 1996.

50 ADPO, 7 M 235. Lettre de Graveux à Argenty (18 février 1935).

51 Ibidem. Lettre d’Argenty à Graveux (25 février 1935).

52 Ibidem. Lettre de Graveux à Argenty (26 février 1935).

53 Ibidem. Le 28 avril 1935, cette société informait l’ingénieur Graveux que la coopérative d’Err avait passé commande d’une installation de refroidissement de lait. Celle-ci avait été livrée et mise en route. Les 3/4 de la facture avaient été payés. Le règlement du reliquat était conditionné par l’obtention d’une subvention.

54 ADPO, 7 M 235. Lettre du directeur de la Caisse nationale du Crédit agricole (Paris) au préfet des Pyrénées-Orientales, 4 avril 1935.

55 Ibidem. Lettre de Graveux à la société Douane, 9 septembre 1935. Graveux se déplaça également à Err, début septembre : il avait annoncé à Argenty que la subvention avait été versée (lettre d’Argenty à Graveux, 12 septembre 1935). Il n’en était rien.

56 Ibidem. Lettre de Turie à Graveux (2 septembre 1935).

57 Ibidem. Lettres d’Argenty à Graveux et au ministre de l’agriculture (6 septembre 1935).

58 Cf. infra.

59 ADPO, 7 M 235. Lettre de Blanchard à Graveux, 14 janvier 1936.

60 Ibidem. Lettre de Graveux à Blanchard, 20 janvier 1936.

61 Cf. infra.

62 ADPO, 7 M 235. Lettre de Pierre de Pastor à Graveux, 2 septembre 1936.

63 Ibidem. Lettre du ministre de l’agriculture au préfet des Pyrénées-Orientales, 30 juillet 1936.

64 Ibidem. Lettre du ministre de l’agriculture au préfet des Pyrénées-Orientales, 16 septembre 1936.

65 ADPO, 7 M 235.

66 Ibidem. Lettre de Graveux à la société Douane, 20 octobre 1936 et la correspondance qui suivit (Lettres de Turie à Graveux, 6 novembre 1936 ; de la société Douane à Graveux, 6 novembre 1936 ; de Graveux à la société Douane, 17 et 23 novembre 1936) cf. également supra. Correspondance (entre le directeur de la Caisse régionale du Crédit agricole des Pyrénées-Orientales (Perpignan) et Graveux, 27 janvier 1937 ; Graveux et le directeur de la Caisse régionale du Crédit agricole, 2 février 1937 ; la société Douane et Graveux, 26 février 1937).

67 Entretien avec Marcel Mayneris (Perpignan, 1982). La République (feuille radicale perpignanaise) du 21 octobre 1933 avait mis en cause B. Lledos en affirmant qu’il était » un néophyte socialiste à qui Payra a promis un siège de sénateur » (article de Paul Pujade).

68 BALENT, 1996, pp. 137-139. Dans La Revue de la Cerdagne (25, 1 juillet 1935), un éditorial « révèle » l’information au public : « ‘On’ a pensé à Lledos comme candidat S.F.I.O. » [aux sénatoriales],

69 Les A.S.A. -Associations syndicales autorisées – qui gèrent des ouvrages hydrauliques comme les canaux d’arrosage ont été mises en place par la loi de 1865.

70 Voir notamment à ce propos, La Revue de la Cerdagne, 1, 5 décembre 1935.

71 La « commission de l’aéro-club » s’était réunie à l’hôtel Salvat de Bourg-Madame (sur Jean Salvat, hôtelier socialiste, voir : BALENT, 1996, p. 141, note 4). Dans cette commission siégeaient diverses personnes comme de Montellà, maire de Sainte-Léocadie (apparenté à B. Lledos), le Dr. Capelle, président du syndicat d’initiatives de Font-Romeu, Jean Salvat et l’inévitable Pierre Saury (La Revue de la Cerdagne, 1,5 décembre 1933).

72 La Revue de la Cerdagne, 10, 5 août 1934.

73 La Revue de la Cerdagne, 24, 1er juillet 1935.

74 BALENT, 1997, p. 247.

75 La Revue de la Cerdagne, 18, 1er janvier 1935. Le 1er février 1935. Dans le n° 19 de La Revue de la Cerdagne, Jean Serdane décrivait sommairement les techniques du ski.

76 Article de La Revue de la Cerdagne (20, 1er mars 1935), signé Pierre AIGUENEIX (sic : mauvaise orthographe d’« Aiguaneix », nom de la rivière d’Err, près de sa source, au pied du Puigmal). Ce pseudonyme est sans doute celui de Pierre Saury, grand animateur des clubs sportifs d’Err (BALENT, 1997).

77 La Revue de la Cerdagne, 21, 1er avril 1935.

78 La Revue de la Cerdagne, 22, 1er mai 1935. B. Lledos partageait la vice-présidence avec ses deux adversaires politiques de droite en Cerdagne, Thomas Cazals de Bourg-Madame et Clerc de Saillagouse. Joseph Rous, député S.F.I.O. de la circonscription de Prades, était président d’honneur.

79 La Revue de la Cerdagne, 8, 20 juin 1934.

80 La Revue de la Cerdagne arborait le sous-titre de « Journal Politique, Agricole, Touristique et Littéraire ». La rédaction était au 41 boulevard Clémenceau à Perpignan. Le « Directeur-fondateur » était bien entendu B. Lledos. Le gérant, H. Henric, n’était pas, selon toute vraisemblance, un Cerdan : son patronyme semble suggérer plutôt une ascendance salanquaise.

81 N° 15, 5 octobre 1934.

82 La Revue de la Cerdagne, 13, 5 septembre 1934.

83 BALENT, 1996 ; BALENT, 2001.

84 Le pseudonyme « Dominique Plandall » désigne, selon toute vraisemblance, Dominique Basso (BALENT, 1982, 1986), agriculteur socialiste d’Ur. Le prénom est identique. « Plandall » est un toponyme qui désigne un terrain fertile de la commune d’Ur (lieu-dit orthographié « Plandaill » sur le plan cadastral d’Ur).

85 Eugène Devaux, érudit éclectique, pratiquait l’alpinisme. Adhérent de la Société agricole scientifique et littéraire des Pyrénées-Orientales pendant plus de 20 ans (milieu des années 1930- fin des années 1950), il s’intéressa à la spéléologie, à l’histoire et à la préhistoire. Il fut l’un des premiers à mettre en évidence l’importance des roches gravées et des cupules que l’on retrouve sur certains monuments mégalithiques. Il écrivit dans le Bulletin de la Société agricole scientifique et littéraire des Pyrénées-Orientales et la revue Tramontane. Dans les années 1950, il fut l’un des abonnés aux Études roussillonnaises (première série).

86 RAYMOND, 1990.

87 Dictionnaire des parlementaires français [1889-1940], pp. 2683-2684.

88 Il s’agit des échéances électorales de 1935 (municipales et, surtout, sénatoriales) qui préoccupaient fortement Lledos.

89 Dès le 5 mars 1934, La Revue de la Cerdagne (n° 4) vilipendait dans un petit article l’attitude de la droite lors des événements du 4 février 1934. Le mois suivant, dans le n° 5, L.– O. Frossard s’en prenait au préfet de police Chiappe. Le même chroniqueur revenait à la charge le 5 juillet 1934 (n° 9) : il dressait un premier bilan du 6 février et de ses prolongements. Un an plus tard, dans le n° 19, le 1er février 1935, La Revue de la Cerdagne évoquait les suites de l’affaire Stavisky.

90 Le 5 août 1934, La Revue de la Cerdagne évoquait les dramatiques événements d’Autriche (incarcération des chefs socio-démocrates, assassinat du chancelier Dollfuss, le 20 juillet 1934) et les menaces hitlériennes qui pesaient sur ce pays. Le 1er février 1935 (n° 19), un article parlait du vote de la Sarre en faveur de l’Allemagne. Dans le n° 20 (1er mars 1935), les lecteurs de La Revue de la Cerdagne étaient informés des menaces de guerre en Éthiopie (rubrique « À travers le monde »).

91 Bien étudié (ainsi que le « climatisme », alors en plein essor), pour le début des années 1930, par J. de Pastor (DE PASTOR, 3, 1933, pp. 122-129).

92 La Revue de la Cerdagne, 3, 1er février 1934.

93 La Revue de la Cerdagne, 19, 1er février 1935.

94 Les jeunes socialistes de Perpignan (les « Faucons Rouges ») furent accueillis à Err par B. Lledos. Voir : BALENT, 1996, p. 139.

95 La Revue de la Cerdagne, 24, 1er juillet 1935, (« Tourisme et nudisme ») ; 25, 1er septembre 1935 (« La Cerdagne... en short »).

96 À propos de Jean Philip, voir la note 87. L’article de J. Philip (La Revue de la Cerdagne, 9, 5 juillet 1934) était intitulé : « L’aide aux agriculteurs ».

97 RAYMOND, 1990 et GERVAIS, JOLLIVET, TAVERNIER, pp. 404-412 et pp. 557-562. Georges Monnet (1898-1980), député socialiste de l’Aisne (1928-1940), fut le ministre de l’agriculture du Front populaire, de juin 1936 à avril 1938 : il mit en place l’office du blé, réalisant ainsi une des grandes réformes de structures dont il entretenait, quelques mois auparavant les lecteurs de La Revue de la Cerdagne.
Nous avons relevé six articles de G. Monnet dans La Revue de la Cerdagne : « Bonne année » (3, 5 février 1934) ; « Fixation d’un cours légal de la viande » (5, 5 avril 1934) ; « Les débats agricoles », (8, 20 juin 1934) ; un article dans le n° 10 du 5 août 1934 ; « Le marché du blé » (14, 20 septembre 1934) ; « La catastrophe peut-elle être évitée ? » [article sur le projet d’office du blé] (18, 1er janvier 1935).

98 « Les paysans et le fascisme », La Revue de la Cerdagne, 25, 1er septembre 1935.

99 Crainte parfaitement fondée en ce qui concerne la Cerdagne : beaucoup de conservateurs, élus ou ayant l’intention de briguer des mandats électoraux locaux étaient en train de se « radicaliser » en se rapprochant des organisations d’extrême-droite : c’était, par exemple, le cas du Dr. Clerc, de Saillagouse, de Thomas Cazals, de Bourg-Madame (qui, encore, en 1934, se présentaient comme des « indépendants de gauche »), d’Hector Ramonatxo de Latour- de-Carol (Cf BALENT, 1996).

100 Un géographe pouvait cependant écrire, en 1933 (de PASTOR, 4,1933, § « Le bien-être et la vie contemporaine », pp. 185-194), que « les particuliers eux-mêmes vivent dans l’aisance », et que « les pauvres – comme on en voit dans les villes – ne sont pas nombreux » (p. 185). Le même auteur dressait un tableau flatteur de la modernisation de l’agriculture cerdane (Ibidem, pp. 74-82). La crise atteignit néanmoins l’agriculture cerdane : le problème posé aux éleveurs par les prix du lait, en 1934, est particulièrement révélateur à cet égard.

101 La Revue de la Cerdagne, 5, 5 avril 1934. Le même n° fait état d’une correspondance entre B. Lledos et le préfet Taviani à propos de l’entrée de saisonniers espagnols de mai à septembre pour les gros travaux agricoles.

102 La Revue de la Cerdagne, 6, 5 mai 1934.

103 La Revue de la Cerdagne, 24, 1er juillet 1935, pp. 2-3. (D. PLANDALL, « Déflation ou dévaluation. La politique des prix »).

104 La Revue de la Cerdagne, 6, 5 mai 1934.

105 La Revue de la Cerdagne, 1er juillet 1935, p. 3.

106 P. de Pastor (de PASTOR, 1933) ne parle pas de cet élevage qui apportait des revenus complémentaires alors qu’il est évoqué par P. Vila pour les années 1920 (VILA, 1926). Pour les années 1930, nous avons signalé l’existence, à Err, de circuits commerciaux complexes concernant chevaux et mulets (BALENT, 2001). La tradition orale conserve également le souvenir de la contrebande – vers l’Espagne – des chevaux, mulets et vaches pour les années 1920-1950.

107 E. DEVAUX, « Irrigations et canaux », La Revue de la Cerdagne, 15, 5 octobre 1935. Les eaux du Lanós coulent naturellement vers le Sègre, le principal cours d’eau de la Cerdagne. Dans les années 1950, l’E.D.F. les détourna vers le bassin de l’Ariège, réalisant un projet des années 1910 dont on reparla dans les années 1930.

108 « Le marché de la laine », La Revue de la Cerdagne, 4, 5 mars 1934.

109 Titre d’un article de B. LLEDOS, La Revue de la Cerdagne, 5, 5 avril 1934.

110 B. LLEDOS, « Dans l’engrenage », La Revue de la Cerdagne, 6, 5 mai 1934. À Porté, il y avait un noyau de sympathisants de la S.F.l. O. (enquête orale -1998 – auprès de M. Etienne Bamole, fils de l’un d’entre eux, domicilié aujourd’hui à Latour-de-Carol) parmi les originaires de la commune : certains se firent élire au conseil municipal en mai 1935, sur une liste « Républicaine et socialiste ».

111 La Revue de la Cerdagne, 8, 20 juin 1934.

112 ADPO, 7 M 235.

113 Ibidem. Un mois plus tard, le 23 août 1934, B. Lledos, dans une lettre à Graveux, demandait des nouvelles des silos à grains.

114 La Revue de la Cerdagne, 14, 20 septembre 1934. Deux articles, à la p. 1 et à la p. 2, abordent ce thème. Clerc et Cazals semblent avoir été hostiles à la « fruitière » : « La coopérative fruitière d’Err trouble le sommeil des leaders CLERC et CASALS [sic] ». La problématique de la coopération fut traitée à nouveau dans « Cols i Trufas (sic) » (le lait avec la coopérative d’Err, le blé avec les futurs silos coopératifs), La Revue de la Cerdagne, 15, (octobre 1934).

115 B. LLEDOS, « L’exemple du Jura », la Revue de la Cerdagne, 13, 5 septembre 1934.

116 Voir VILA, 1926 et DE PASTOR. 1932-1933.

117 Cf. CHEVALIER, 1984, pp. 285-287 : « Le Donnezan et la Cerdagne française étaient considérés comme le berceau de la race » (p. 287). Cf. également SAVANCE, 1912, 1939 et CLAVE, 1939

118 Le Journal du Syndicat agricole des Pyrénées-Orientales, donne, chaque année, les résultats de ces concours qui se tenaient à Saillagouse, au mois de mai. Notons ici que parmi les éleveurs régulièrement primés, à la fin des années 1930, pour leurs taureaux Schwytz, beaucoup étaient domiciliés à Err et figuraient parmi les premiers fondateurs de la « fruitière » (François Elias, Raymond Imbern, Jacques Estève).

119 ADPO, 7 M 235. À titre de comparaison, en 2000, dans un élevage laitier intensif, une vache de race Holstein produit, en moyenne 8 000 litres de lait par an, ce qui fait, à raison de 305 jours de lactation, 26,5 litres par jour.

120 ADPO, 147 W 549 (syndicats d’élevage, 1932-1940). Le ministère de l’agriculture avait alloué 900 F au nouveau syndicat d’Espira-de-Conflent (qui portera bientôt le nom de « syndicat d’élevage de la vallée du Llech », lorsque des éleveurs de communes voisines y adhérèrent, et était présidé par le maire de la commune (1912-1944), Pierre Paillés, représentant d’une véritable « dynastie » villageoise qui, du XVIIIe au XXe siècle, administra Espira presque sans interruption (TOSTI, 1989). Il était le vice-président du syndicat agricole des P.-O. ainsi que le montre le compte-rendu publié dans le Journal du syndicat agricole des Pyrénées-Orientales du 30 novembre 1938. P. Paillès était également le vice- président de la Société d’élevage des P.-O., cf. le P. V. de sa réunion du 12 novembre 1936 dans le Journal du syndicat agricole des Pyrénées-Orientales). Le ministère attribua en outre la somme de 700 F à chacun des deux syndicats suivants qui avaient leur siège à Perpignan : le Syndicat de la « race brune des Pyrénées » (« type » Schwytz), le Syndicat d’élevage de la race bovine gasconne à muqueuses noires. Le préfet des P.-O. distribua pour sa part des allocations du ministère de l’agriculture à chacune de ces trois organisations syndicales, ainsi qu’une allocation de 800 F au nouveau syndicat de Formiguères. Une société d’élevage avait existé à Bourg-Madame dans les années 1928-1929 (ADPO, 147 W 551/1).

121 ADPO, 147 W 549.

122 Ibidem. À titre de comparaison, le syndicat de la vallée du Llech (bas Confient) conserve de 1937 à 1940 des effectifs stables (15 sociétaires), alors que le syndicat des Gasconnes à muqueuses noires voit chuter le nombre de ses adhérents (85, en 1937 ; 68, en 1940). Cette évolution montre le succès croissant de la « Brune des Alpes » (autre dénomination de la Schwytz) qui s’effectue au détriment de la race autochtone.

123 ADPO, 147 W 549.

124 ADPO, 7 M 235, rapport de l’ingénieur chef Graveux, 6 août 1934.

125 P-E Flandin dirigea le gouvernement de novembre 1934 à la fin du mois de mai 1935. Pierre Laval lui succéda et resta aux « affaires » jusqu’en janvier 1936.

126 ADPO, 147 W 549/1 (Comité départemental du lait, 1935-1939).

127 Sur P. Paillès, voir la note 120.

128 Mais ils siégeaient à nouveau, lors de la réunion du 1er décembre 1936.

129 ADPO, 147 W 549/1. P. de Pastors avait entre-temps remplacé Côme Argenty (cf. infra).

130 Journal du syndicat agricole des Pyrénées-Orientales, 29 novembre 1936.

131 Ibidem, Y. PEYRIERE, « Le problème du lait ».

132 Journal de la Fédération des organismes laitiers des Pyrénées-Orientales, 7, octobre 1938.

133 Becardit, « retraité de Saillagouse » fut, selon M.P. Imbern, un dirigeant particulièrement compétent, à qui l’on doit le « redressement » de la coopérative, en 1940-1941 (témoignage oral, Err, 17 juillet 1997).

134 Il s’agit de Dominique Basso, dit Minguet, d’Ur, par ailleurs militant de la S.F.I.O. (BALENT, 1982 ; BALENT, 1986). Nous verrons qu’il était président de la coopérative d’Err en 1941 (ADPO, 7 M 235, document en date du 24 février 1941) ; cf. également la note 84.

135 Journal de la Fédération des organismes laitiers des Pyrénées-Orientales, 7, octobre 1938 : publicité pour la « Maison Ameil » et les « Laiteries Domenech ». La coopérative d’Err faisait également une publicité pour ses « beurres et fromages » (beurre en mottes, beurre en tablettes, fromage Port-Salud (sic).

136 Ibidem, article de P. Paillès. P. Paillès « oublie » la coopération viticole : pourtant la commune dont il était le maire disposait d’une cave coopérative viticole dès 1932 (TOSTI, 1989, p. 45)

137 Ibidem.

138 Ibidem.

139 Journal de la Fédération des organismes laitiers des Pyrénées-Orientales, 4, juillet 1939, lettres des laiteries Domenech, de la Société laitière du Midi, et de la coopérative laitière de Cerdagne (Err) à P. Paillès.

140 Ibidem. Notons que la « Fruitière » d’Err, n’hésitait pas à vendre, le cas échéant, du lait en dehors des P.-O., à la « Société coopérative de Laiterie toulousaine » (La Revue de la Cerdagne, 15, 5 octobre 1934). Dans les P.-O., le lait de la fruitière coopérative était en vente (février 1935), à Perpignan (17 détaillants), Ille-sur-Têt, Le Soler, Corbère-les-Cabanes, Thuir, Latour-de-France, Saint-Laurent-de-la-Salanque, Bompas, Saint-Hippolyte, Collioure, Port-Vendres, Le Barcarès, Claira, Rivesaltes (La Revue de la Cerdagne, n° spécial hors-série consacré entièrement à la publicité de coopérative d’Err).

141 BALENT, 1998, p. 170.

142 La Revue de la Cerdagne, 25, 1er septembre 1935.

143 BALENT, 1996, pp. 141-142.

144 Ibidem, p. 141.

145 C’était un descendant des cavaliers, seigneurs du village sous l’Ancien Régime (ils résident toujours dans un château dont certains éléments architecturaux remontent au XIVe siècle).

146 ADPO, 7 M 235, lettre de C. Argenty au préfet des P.-O., 20 février 1936.

147 ADPO, 6 M 250, dénombrement de la population, 1936, état nominatif, Err. Il était né à Chey (Deux-Sévres).

148 Témoignages oraux de M. Pierre Imbem et de Mme Mercedés Argenty (Err, 17 juillet 1997).

149 Cf. note 133.

150 BALENT, 1982, 1986, et note 84.

151 ADPO, 7 M 235, convention entre la Société agricole coopérative fruitière d’Err et la Caisse régionale du Crédit agricole, 24 février 1941.

152 Témoignages de P. Imbem, de M. Argenty (Err, 17 juillet 1997), d’André Saury, frère de P. Saury (Prades, 4 juin 1997).

153 BALENT, 1997. Le ramassage, en Cerdagne était assuré par les transports Jean Bozom (Bosom ?) de Latour-de-Carol (publicité parue dans le n° hors-série de La revue de la Cerdagne, février 1935, consacré entièrement à la Fruitière coopérative de Cerdagne).

154 La Revue de la Cerdagne, 21, 1er mai 1935. Remarquons au passage que P. Saury savait faire la publicité de son cousin, J. Peix.

155 La Revue de la Cerdagne. n° hors-série, février 1935, pastichait ainsi l’Himne cerdà :
« Meitat pels seus bells prats
Meitat per sa muntanya
Cap lloc fa millor llet
Que la Cerdanya. »

156 Une rupture avec ce temps long s’est toutefois produite dans le courant des années 1960 et au début des années 1970 lorsque disparurent les anciens systèmes communautaires de gestion des espaces pastoraux (au profit, le plus souvent, des associations foncières pastorales).

Table des illustrations

Légende Les locaux de la « Fruitière Coopérative de Cerdagne », à Err, peu après sa construction, La revue de la Cerdagne, n° hors-série, février 1935. Cette photographie était accompagnée de deux publicités :« Qui beu llet de CerdanyaEn res hi perd i en tot hi guanya »« Si vous tenez à votre santé !...Exigez le lait de la Fruitière Coopérative de Cerdagne ».
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Fichier image/jpeg, 74k

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