Dynamiterie de Paulilles : 114 ans de production... et 4 ans pour évoquer sa mémoire ouvrière
p. 269-272
Texte intégral
1Janvier 2003 : l’AMIC (Association Médiatrice d’intérêt Collectif) réunit son conseil d’administration. Objet : préparer son assemblée générale annuelle. Mais soudain, la conversation dérape : un nom, lu sur un avis de décès paru le jour même, circule. Le silence s’installe. « Je la connaissais bien. C’était une ancienne de Paulilles ». « Oui... Encore une.... ». Nouveau silence. « Vous savez, je crois qu’il faudrait vraiment qu’on fasse quelque chose. Sinon toutes les personnes qui ont travaillé et vécu à Paulilles vont disparaître avant que leur histoire ne soit racontée... ». « Et si on faisait passer leurs témoignages dans notre journal ? Dans un an, en mars 2004, on fêtera les 20 ans de la fermeture de l’usine : préparons donc un numéro spécial ! ».
2Et voilà comme une simple idée se transforma pour l’AMIC en une vraie aventure. Voire, même, en véritable « usine à gaz »...
3Car ce qui ne devait être qu’un numéro spécial du bulletin de liaison de l’association se transforma en :
un ouvrage de 349 pages « Paulilles, la mémoire ouvrière » (Eds. Presses Littéraires – décembre 2005)
deux expositions pour tout public, réalisée et prise en charge par la seule AMIC (80 panneaux montrant plus de 500 photos) : en Mairie de Banyuls sur Mer (20 déc. 2005-10 janv. 2006) ; et au centre culturel de Port-Vendres (8-24 nov. 2006)
une exposition pour tout public réalisée dans les locaux et en collaboration avec la Médiathèque de Perpignan (8 nov.-1er déc. 2006)
plusieurs actions spécifiques réalisées en direction des jeunes : création de rencontre entre les élèves des classes de CM2 de l’école élémentaire de Banyuls sur Mer et des anciens de Paulilles en décembre 2005 et janvier 2006 ; exposition au sein du CES de la Côte Vermeille de Port-Vendres (18-25 oct. 2006) et mise en place de rencontre de plusieurs classes avec des anciens de Paulilles
multiples reportages dans les média (l’indépendant, le Travailleur Catalan, le Midi Libre, France Bleu Roussillon, France 3 Sud, la Vie Ouvrière, France Inter) ou articles dans des bulletins spécialisés tels Le Mutualiste de la Presse et du Livre, ou Le Midi Rouge, bulletin de l’association Maitron Languedoc-Roussillon (article d’André Balent).
4Pourtant, le départ fut difficile... Tout d’abord parce que certains anciens de Paulilles avaient été déçus : ils avaient déjà rencontré une personne sur le sujet. Lui avait confié des documents personnels originaux... qu’ils n’avaient jamais revu. Envolés. Ou plutôt revendus sans scrupule. Ensuite parce que beaucoup de Banyulencs, y compris association dite de sauvegarde du patrimoine, ne croyaient pas qu’il puisse s’agir d’une bonne idée.
5Alors l’AMIC a dû montrer patte blanche. Et prouver qu’elle était de bonne foi. L’association prit donc un engagement : « toute personne désireuse de confier un document recevra un reçu écrit. Le document confié sera rendu après avoir été scannérisé, photographié ou étudié ». Enfin, à terme, l’association ne garderait rien pour elle-même : l’ensemble des documents sera remis aux Archives Départementales.
6Rassurés par cet engagement, et convaincus de la bonne foi des membres de l’association, bien implantés dans le village de Banyuls sur Mer, les « anciens » de l’usine commencèrent alors à parler. Un témoignage fut recueilli, puis deux, puis trois et jusqu’à... soixante-dix. Chacun des « anciens et anciennes » se prit au jeu ; fouilla dans ses archives personnelles ; confia des documents ; et n’oublia pas de donner un autre nom pour un nouveau contact. A Banyuls, Port-Vendres, Collioure, ou Cerbère. Enfin, c’est sur la suggestion de certains autres que des personnalités joignirent directement l’AMIC, tels MM. Le Gall et Fabre, respectivement ancien ingénieur et dernier directeur de l’usine de Paulilles.
7Au fur et à mesure, donc, les témoignages s’accumulaient. Les documents photographiques aussi, ainsi que quelques pièces maîtresses : espadrilles et costumes fournis aux ouvriers ; caisse de transport de cartouches de dynamite ; panneau émaillé d’accueil de l’usine ; plaques photographiques Lumière prises à la suite d’explosions... Certaines d’entres elles furent même carrément données à l’AMIC par leur propriétaire, tels les plans originaux de l’usine dessinés entre 1877 et 1893 (don de M. Fabre).
8Face à l’ampleur de la « récolte », et la somme de travail que cela représentait, l’AMIC dut s’organiser. L’« aventure » Paulilles impliqua donc pour l’association :
l’existence, de fait, de deux chefs de projet : Alba Rosell, présidente de l’AMIC, et France Vetterlein-Marsenach, membre du conseil d’administration ;
un partenariat avec Marc Julbé, iconographe bénévole qui accepta de scannériser toutes les photos ;
un changement de statuts pour l’association (différenciation entre projets sur le long terme et réalisation d’un bulletin de liaison) ;
la demande, et l’obtention de subventions (Mairies de Banyuls sur Mer, Collioure, Port-Vendres ; Conseil Général ; Région Languedoc-Roussillon)
... mais aussi la recherche de mécénat (Casino de Collioure, commerces et vignerons banyulencs ; Crédit Agricole ; Nobel) ;
l’ouverture d’un 2e compte bancaire, spécifique au projet Paulilles ;
la prise de contact et la signature d’un contrat avec un éditeur : Jérôme Fricker des Presses Littéraires à St Estève.
9Janvier 2007 : quatre années après le début du projet, le travail de l’AMIC sur Paulilles s’achève. Il a permis à ce jour :
la venue de 2477 personnes en Mairie de Banyuls sur Mer pour la seule visite de l’exposition de décembre 2005-janvier 2006
la sensibilisation au patrimoine humain et à l’histoire industrielle de Paulilles de plus de 100 enfants et jeunes des deux communes de Banyuls sur Mer et Port-Vendres
10Par ailleurs :
plus de 1500 exemplaires du livre « Paulilles, la mémoire ouvrière » ont été vendus (chiffre estimé par l’éditeur au 20 fév. 2007)
l’association a été récompensée pour l’ensemble de son travail sur Paulilles avec le 3e prix « Initiative Région de la Banque Populaire » d’une valeur de 1500 €
enfin, l’AMIC fait partie en tant qu’expert du comité de pilotage du projet d’aménagement du site de Paulilles du Conseil Général des Pyrénées-Orientales et se trouve, à ce titre, régulièrement contactée par Mme Audrey Tenaillon, scénographe du futur site.
11Mais... chose promise, chose due. Le 15 janvier 2007, une lettre fut envoyée à Mme Christine LANGE, conservateur en chef du patrimoine et directrice des archives départementales. Elle l’informait que par délibération du 12 janvier de la même année, le Conseil d’Administration de l’AMIC avait décidé de faire don aux Archives Départementales de l’ensemble des documents récoltés lors du travail sur Paulilles. On notera que ceci fut, pour la petite histoire humaine de l’AMIC, la dernière décision d’Alba Rosell, présidente et chef de projet de Paulilles, décédée le 25 janvier 2007.
12La procédure de don aux Archives départementales n’est toutefois, à ce jour, pas tout à fait finalisée. Elle se trouve, en effet, en attente d’une acceptation de la part du Conseil Général qui doit délibérer sur le sujet. Cette formalité est toutefois prévue pour début mars 2007.
13Texte écrit pour l’AMIC par Emmanuelle FRADET, membre du conseil d’administration
21 février 2007
14L’AMIC (Association Médiatrice d’intérêt Collectif), association loi 1901, a été crée à Banyuls-sur-Mer en 1987. L’un de ses objectifs est « la sauvegarde du patrimoine à travers une meilleure connaissance de l’histoire locale et de l’évolution de la vie sociale tant ancienne que contemporaine ». Pour ce faire, l’Amic, constituée uniquement de bénévoles, édite régulièrement un bulletin dans lequel sont évoqués les problèmes de l’environnement naturel et de celui des Hommes.
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