Le travail viticole féminin de 1900 à 1914 : une entité économique et sociale complexe
p. 197-225
Texte intégral
1Depuis la parution, il y a une trentaine d’années, de l’ouvrage de référence de Louise Tilly et Joan Scott Women, Work and Family1, la Gender History a posé le travail féminin tant dans sa composante salariée que dans sa composante domestique en objet de recherche. En France, les recherches de Madeleine Guilbert dès les années 1960, celles de Michelle Perrot à partir de la décennie suivante, sont autant de solides jalons pour les investigations actuelles. Mais, la réduction trop commune de la classe ouvrière au seul prolétariat industriel a jusqu’ici laissé dans l’ombre le prolétariat agricole féminin même si le récent ouvrage de Pierre Piégay sur les domestiques agricoles et servantes de ferme vient opportunément combler une partie de ce vide2. Dans l’historiographie du mouvement ouvrier viticole, les femmes transparaissent bien peu. Quasi-inexistantes dans les travaux de Philippe Gratton3, elles ne trouvent une place à part entière que chez Laura Frader, laquelle, partant d’une approche monographique, a développé une problématique plus large intégrant les rapports de genres4.
Caractérisation économique des salariées en viticulture
2Le prolétariat viticole est un ensemble composite, aux contours difficiles à cerner en raison d’une diversité des statuts professionnels et des conditions sociales. Au début du XXe siècle, cette classe ouvrière se subdivise schématiquement en deux groupes économiquement, socialement et culturellement nettement différenciés : les journaliers, d’une part et les gagés (domestiques et mésadiers), d’autre part. Enfin, les grandes propriétés recourent pour certains travaux saisonniers à des ouvriers de nationalité étrangère, essentiellement espagnols, et à des ressortissants de région de polyculture5. Mais cette grille de classification, élaborée à partir de l’observation des hommes salariés, ne convient qu’imparfaitement à la population féminine travaillant dans la viticulture. En effet, si on exclut le personnel de maison, qui n’entre pas dans notre propos, la proportion de femmes parmi les domestiques et gagés est quasi-inexistante, ces derniers étant dans leur grande majorité des hommes célibataires. En revanche, en raison de la partition des tâches dans les opérations de cueillette du raisin, le nombre de saisonnières est relativement plus important que celui de leurs homologues masculins.
3L’examen minutieux des contrats collectifs de travail acceptés par les salariés et les employeurs mais aussi les moutures intermédiaires, expressions du processus de négociation, nous livrent des informations précises pour décrypter la place dévolue au travail féminin dans la viticulture méridionale de ces années autour de 1907.
1. La nature des travaux réalisés par les ouvrières viticoles
4La caractérisation économique du travail agricole féminin est d’autant plus délicate que bien souvent leur statut professionnel est nié : une femme est une ménagère même quand elle travaille dans les vignes. Nous verrons que même les femmes condamnées pour faits de grève sont traitées de « ménagères », y compris par un journal comme La Dépêche, qui pourtant leur est favorables. En revanche, lorsque les gendarmes demandent aux manifestantes de Cruzy leur identité pour leur dresser procès-verbal, ces manifestantes, lui répondent toutes « Grévistes »6. A contrario, lorsque, ce 3 juin 1913, Marguerite Fabrègue, de Poussan, est interceptée par un groupe de grévistes, elle va sulfater avec son mari, son fils et leur employeur : elle est donc objectivement en position de salariée. Pourtant, le procès de gendarmerie la qualifie de « ménagère » alors que le même document qualifie les femmes du clan opposé de « grévistes »7. Le paradoxe est ici révélateur : ce n’est pas le travail salarié mais sa cessation qui, au moins aux yeux des forces de l’ordre, situe les femmes dans le prolétariat viticole.
5Le travail salarié viticole des femmes est si peu valorisé que, bien souvent, même les intéressées se déclarent « sans profession » ou « ménagère ». Les listes nominatives des Recensements Généraux de la Population, rédigées par les services de la préfecture d’après les informations transmises par les secrétaires de mairie, ne contribuent pas davantage à donner un ordre de grandeur fiable, tant l’activité de l’ensemble des salariées agricoles relève d’un « travail invisible » pour reprendre l’expression utilisée par Virginie Duribreu-Hallosserie pour des travailleuses de l’industrie textile de la vallée de la Lys8. Toutefois, en la matière, la méthode monographique fournit un éclairage digne d’intérêt. Vers 1911, la moitié des femmes de Coursan, près de Narbonne, travaillent dans les vignobles – un taux d’activité féminine à peu près double de celui du niveau national – signe de l’importance majeure du travail féminin dans l’économie domestique et viticole. Qui plus est, une proportion croissante de ces ouvrières viticoles sont mariées : 58 % en 1911, soit un taux nettement supérieur au niveau national9.
6Le compte-rendu de la grève agricole de Lunel du 20 au 23 février 1904 est révélateur des difficultés à cerner le prolétariat agricole féminin. A en croire ses rédacteurs, les services préfectoraux, « le nombre des femmes et des enfants occupés aux travaux agricoles est peu considérable » ; il n’y aurait lieu « d’en tenir compte qu’à l’époque des vendanges » et la grève aurait été le seul fait de 450 hommes. Or, les « causes déterminantes de la grève » sont la modicité des salaires, le nombre d’heures de travail et « L’emploi des femmes à des besognes qui ne peuvent être faites que par des hommes »10. Enfin, les conclusions de l’accord font explicitement référence à une main-d’œuvre féminine : « 1/2 salaire pour les femmes ; les femmes ne devront être employées aux travaux pénibles ». Les femmes cultivent donc les vignes à Lunel comme dans les autres communes du midi méditerranéen et leur travail semble même porter ombrage aux responsables du syndicat des travailleurs de la terre.
7Quelle est l’importance numérique de ces femmes salariées dans la viticulture méridionale ? La réponse à cette question apparemment simple est on ne peut plus délicate tant font défaut les éléments statistiques. Selon Paul Passama, qui a procédé à des relevés minutieux dans 42 communes du Minervois, cette région viticole compte en 1905 « 3 486 hommes et 2 820 femmes se louant régulièrement à la journée, soit au total 6 306 journaliers ; ce nombre est quatre fois plus fort que celui des gagés »11. La proportion ne doit pas être significativement différente pour l’ensemble des communes languedociennes : les grandes exploitations, relativement moins nombreuses en Minervois, sont celles recourant le plus aux hommes gagés ; en revanche, ce type d’exploitation emploie une proportion supérieure de femmes dans sa main-d’œuvre de journaliers : globalement, les deux tendances contradictoires doivent donc se contrebalancer.
8Comme dans le monde industriel, le travail salarié des femmes est fortement variable selon les différentes phases du cycle de vie. Les périodes de maternité et des jeunes années des enfants marque une contraction de cette main-d’œuvre. Toutefois, contrairement à ce qu’on observe dans la grande industrie, en milieu paysan, les femmes peuvent opérer un retrait seulement partiel du salariat en n’effectuant que certaines tâches à caractère saisonnier.
9Que disent sur cette activité agricole féminine les rares contemporains qui y font référence ? Quand, en 1900, Gabriel Dufaure avance que « la femme, après avoir réservé à son ménage le nombre d’heures nécessaires, rejoindra son mari à la vigne pendant ses moments disponibles »12, à l’évidence, il fait davantage référence au travail de l’épouse du petit propriétaire qu’à celui d’une salariée. Pour Félix Bouffet, « les femmes sont chargées de certains travaux tels que l’enlèvement des sarments, le déchaussage des pieds de vigne et surtout de la cueillette des raisins »13. Pour Augé-Laribé, elles ramassent les sarments, disposent le fumier autour des souches dans les cuvettes préparées par les hommes, aident aux opérations d’échaudage contre les insectes nuisibles et surtout cueillent les raisins14, travaux qui, selon lui, ne demandent pas de grandes dépenses de force. D’après Paul Passama, les femmes effectuent les mêmes travaux que leurs maris, exceptés la taille, le greffage et le pressurage : « On leur réserve le ramassage des sarments, la cueillette du fruit et les travaux légers. Lors du sulfatage, elles remplissent les pulvérisateurs des hommes. Très exceptionnellement, dans certains villages, comme La Redorte, Caunes et Oupia, elles portaient elles-mêmes, un appareil de 8 litres au lieu de 15 ; mais dans la plupart des localités où cet usage se pratiquait, il a été formellement proscrit par les conventions issues des grèves »15. Bien qu’aucun de ces auteurs ne l’évoquent, il convient d’ajouter que les femmes sont totalement exclues des travaux en cave. Il n’était pas rare d’entendre dire que les femmes ne devaient pas entrer dans les chais car elles faisaient piquer le vin lorsqu’elles avaient leurs règles.
10A en croire Henry Gervais écrivant en 1908, le rôle des femmes serait de plus en plus restreint dans la culture de la vigne : « Sur le domaine même, on ne trouve guère que la femme du païre ; à la terre, on emploie les femmes à la vendange, à l’épandage des engrais artificiels, à la préparation des bouillies cupriques, au ramassage des sarments ; il y a quelques années, on leur donnait parfois la pioche à manier, et on leur confiait même – ce qui semble un abus – le travail très pénible du sulfatage ; c’est beaucoup plus rare maintenant »16. Si elle n’est pas sans intérêt, cette appréciation nous semble faire la part belle au progrès social ; à notre sens, l’évolution des « travaux féminins » n’est pas significative durant les années prises en considération.
11Dans les grands domaines, hommes et femmes travaillent en équipes indépendantes dénommées colles, une par sexe, sauf pour les vendanges et les traitements anticryptogamiques. Les jeunes garçons de 13 à 14 ans sont affectés à l’équipe de travail des femmes. En viticulture, le travail féminin n’est donc pas un travail de complément, un volant de main-d’œuvre marginale. Il obéit à des règles strictes de division des tâches selon le genre et, à ce titre, fait office de travail de second rang, mais indispensable tant du point de vue du patronat que de celui de l’ouvrier salarié. Pour preuve, le recours à la main-d’œuvre féminine ne se limite pas aux périodes fastes : les salariées de la vigne ne sont pas licenciées dès que la conjoncture économique est mauvaise. On rejoint ici une constatation faite par Catherine Omnès pour les ouvrières parisiennes de l’entre-deux-guerres17.
12La durée journalière du travail, objet de multiples tractations durant les négociations entre ouvriers et employeurs est fort variable selon les lieux, les saisons et la nature des travaux. Mais cette durée du travail, stipulée dès les premiers articles du contrat, ceux relatifs aux conditions de travail des hommes, s’applique également aux travailleuses même si, le plus souvent, ceci n’est pas explicitement mentionné. Femmes et hommes relèvent également d’un régime équivalent en ce qui concerne les heures supplémentaires, lesquelles font, surtout après 1908, l’objet d’une clause contractuelle avec, une rémunération inférieure, obéissant le plus souvent à la règle du demi-prix ou demi-salaire prévalant pour la rémunération de la journalière.
2. Le « demi-prix » du travail viticole féminin
13L’évaluation de la rémunération annuelle de la main-d’œuvre viticole féminine dépend de deux paramètres, le salaire journalier et le nombre de jours de travail par an.
14Le temps annuel de travail est certainement la variable la plus difficile à cerner tant les situations peuvent être contrastées selon les régions, selon les communes et même selon les exploitations. Longtemps encore le « bon patron » sera celui réputé pour donner du travail aux femmes, même en saison morte. D’après Michel Augé-Laribé, les femmes sont, au mieux, employées pendant 150 journées et 25 journées de vendanges ; nous ne connaissons pas ses sources mais il s’agit manifestement d’une fourchette basse18. D’après Paul Passama, dont le relevé est assurément plus précis mais par définition plus localisé, dans 37 des 42 communes du Minervois, le nombre de jours de travail des femmes est de 190 à 220 jours contre 225 à 275 jours pour les hommes. Cet auteur préoise : « Elles sont congédiées de la fin juin aux vendanges et des pressurages au mois de novembre » ; seul un petit groupe de cinq communes montagnardes où prédomine la petite propriété fait exception avec un travail annuel des femmes limité à 120 jours19. Dans son domaine de Violet, près de Peyriac-Minervois, Pierre Génieys emploie les femmes 270 jours par an, comme les hommes journaliers20.
15Dans tout le midi méditerranéen, la norme qui prévaut pour la rémunération viticole est celle du demi-prix ou demi-salaire féminin. Cette règle n’est pas imposée par les propriétaires mais affirmée par les ouvriers eux-mêmes. Le règlement approuvé en août 1903 par le Congrès de la Fédération des Travailleurs Agricoles du Midi (FTAM), règlement qui se veut une sorte de contrat-cadre à négocier dans chaque commune, stipule en son article 6 : « Les femmes devront gagner la moitié de la journée des hommes en argent et en vin ». Dès lors, cette formule se retrouvera dans la très grande majorité des contrats collectifs résultant du mouvement de grève de l’hiver 1904, à ceci près que la référence à l’octroi de vin est généralement passée sous silence.
16L’accord conclu à Cruzy en février 1904 stipule que la journée des femmes « sera toujours payée la moitié de la journée des hommes et pour n’importe quel travail ». Mais, selon ce même accord, pendant les vendanges, les hommes percevront quatre francs et trois litres de vin par jour et, « par dérogation, la journée des femmes sera payée 2,25 francs et un litre de vin »21. L’emploi du terme « par dérogation » résulte-il de ce que, pour les vendanges, la rémunération des coupeuses est alors légèrement supérieure à la moitié du salaire masculin ?
17La disparité des traitements hommes/femmes s’exprime aussi dans les formes de rémunération en nature. Ainsi, à Murviel-lès-Béziers, il est convenu que dans la grande propriété, les journées de vendange des hommes se payeront 2,50 F, nourriture et vin compris, et celles des femmes, 2 F, y compris la soupe du soir22. Cette clause est suffisamment répandue pour que Michel Augé-Laribé la cite comme une norme pour les vendanges : « il est d’usage que les hommes reçoivent la soupe du soir et du vin ; quant aux femmes, elles ne touchent rien que leur salaire, seulement, une d’entre elles prépare la soupe avec ce que lui fournissent les autres ouvrières »23. Difficile de cerner à quelle logique obéit cette discrimination devant la nourriture. Les femmes sont-elles censées manger moins ou être plus aptes à se faire les repas ? Ou est-ce une façon de contrebalancer un tant soit peu une rémunération en espèces, ici aussi dérogatoire au sacro-saint principe du demi-salaire ?
18En viticulture comme en industrie, la femme au travail est assimilée à un individu mineur. Le discours masculin rapproche souvent leur (moindre) force physique mais aussi leurs supposées compétences (ou incompétences) de celles d’un enfant. En 1900, Gabriel Dufaure exprime à merveille cette assimilation : « Si dans les multiples façons qu’exigent la vigne, il en est qu’un homme peut seul exécuter, une foule de détails peuvent être confiés à des femmes ou à des enfants de 13 ou 14 ans »24. Le Cahier de revendications du Groupe d’affinité culturale des Basses Plaines du Gard et communes limitrophes25 édicté le 20 mai 1911 stipule en son article 9 : « La femme ne sera plus employée pour les travaux d’hommes. Elle gagnera la moitié du salaire de l’homme, un litre de vin et 25 centimes d’indemnité pour les travaux salissants. Les enfants employés aux mêmes travaux gagneront la même paye. Pour enrayer l’exploitation de la jeunesse par certains propriétaires qui les occupent en « cole » avec les hommes, ces jeunes gens de 15 à 18 ans devront exiger la même paye que les hommes »26. Evidemment, « l’exploitation de la jeunesse » contre laquelle s’insurgent ici les syndicalistes est uniquement celle des jeunes gens, l’horizon indépassable des jeunes filles étant celui du demi-salaire de leurs aînées.
19Selon Henry Gervais, le revenu moyen annuel d’un ménage d’ouvrier et ouvrière viticoles serait de l’ordre de 950 F provenant pour 700 F de l’homme et de 250 F de la femme27. En dépit de sa modicité, la contribution du revenu salarié de la femme n’est pas négligeable dans l’équilibre du budget familial. Paul Passama pointe pour le Minervois la condition misérable des ménages de journaliers ne possédant ni terre ni maison dès qu’une maternité vient interrompre le travail salarié de l’épouse : « Je laisse à penser la vie que mène l’ouvrier quand sa femme est pour la seconde fois en couches ! Il doit attendre pour remonter à flots que l’aîné gagne le salaire d’une femme, et pour que le ménage puisse réaliser des économies, il faut que le nombre des membres laborieux de la famille soit supérieur à celui des bouches inutiles »28. Le lecteur appréciera la formulation centrée sur la seule personne de l’ouvrier et non sur la cellule familiale dans son ensemble.
20Enfin, et peut-être surtout, la littérature n’aborde jamais le cas des familles monoparentales, lesquelles ne sont pourtant pas si rares à l’époque. Plusieurs combinaisons existent : veuve et ses enfants en bas âge, fille-mère, femme célibataires vivant avec ses parents âgés. En l’absence de pension de retraites, de revenus non salariaux (petit commerce ou artisanat), les ménages de ces travailleuses de la vigne en sont réduits à une condition économique et sociale aussi précaire que misérable.
3. La qualification professionnelle, une affaire d’hommes
21L’opinion vivace selon laquelle les femmes disposeraient de qualités innées (souplesse du corps, agilité des doigts, dextérité, patience...) les destinant à exercer certaines tâches ne résiste pas à l’examen. En viticulture, comment justifier l’exclusion des femmes des opérations de greffage, tâche particulièrement délicate, nécessitant dextérité et concentration, et de la taille, pour laquelle réflexion et méthode l’emportent sans conteste sur la force physique ? En 1900, un propriétaire aussi éloigné des courants féministes que Gabriel Dufaure s’étonne, non sans une certaine candeur, de cet ostracisme : « La taille elle-même ne demande pas de grands efforts musculaires et on ne voit pas pourquoi elle ne pourrait pas être faite par des femmes. En fait, nous en avons dans notre personnel qui s’en acquittent avec un véritable talent ». Mais, peut-être surpris par sa propre audace, cet auteur s’empresse d’ajouter : « Nous déclarons néanmoins que nous voyons toujours avec une vive répugnance une mère de famille, ayant un ménage à tenir et des enfants à surveiller, travailler à la journée dans les champs et dans les vignes »29.
22La conduite des chevaux et la mise en œuvre de machines (pressoirs, pompes, bâts à sulfater...) sont reconnus comme un élément de qualification des ouvriers : laboureurs, charretiers et cavistes reçoivent une rémunération supérieure à la journée normale. Le maniement d’outils (ciseaux à tailler, couteaux à greffer) semble aussi un facteur implicite de qualification justifiant une rémunération masculine plus élevée. Cette partition, loin d’être propre à la viticulture, rejoint la distinction séculaire et commune à l’ensemble du monde paysan entre brassiers et laboureurs. Mais, en règle générale, les femmes ne profitent guère de cette distinction. De toute évidence, les tâches qu’elles effectuent dans les vignes ne requièrent pas moins de compétence que celles dévolues aux hommes. La confection de fagots de sarments, composés de huit poignées (gabelous en occitan), la cueillette des raisins présupposent un certain apprentissage sur le tas, un savoir transmis par les aînées au même titre que les « travaux d’hommes ». Mais, comme dans l’industrie et dans la plupart des métiers de l’artisanat, aucune qualification n’est reconnue au travail féminin30.
23Parmi les contemporains, un seul, l’économiste et publiciste Michel Augé-Laribé, porte un jugement sur cette disparité de rémunération selon le genre. Cet auteur que l’on ne saurait taxer de la moindre sympathie à l’égard du mouvement socialiste, pointe les dérives auxquelles peut donner lieu le faible coût de la main-d’œuvre féminine : « Comme leur salaire ne dépasse jamais la moitié de celui des hommes, alors qu’en réalité elles fournissent un travail presque aussi productif, il a paru avantageux de leur donner encore les travaux rebutants et pénibles des soufrages et des sulfatages. Sur quelques propriétés, nous avons pu voir des femmes chargées du pulvérisateur à dos qui pèse de 25 à 30 kilos. Heureusement, cela est resté plutôt exceptionnel ; mais là où ces pratiques se sont implantées, elles ont provoqué les colères puis les protestations des ouvriers, et non seulement parce que le travail des femmes dans ces conditions leur imposait une concurrence désastreuse, mais parce qu’il y avait là un véritable abus »31.
24En stipulant que « le prix de la journée des femmes, de la moitié de celui des hommes, sera porté à deux francs dès qu’elles prendront un outil pour travailler la vigne »32, l’accord conclu au Boulou le 28 février 1904 semble faire office d’exception. Il conviendrait d’apprécier si cette clause contractuelle propre à une commune située aux portes de la frontière espagnole constitue une exception relevant de considérations purement locales ou si la pratique se retrouve ailleurs dans le Midi méditerranéen. L’expression « outil pour travailler la vigne » reste une notion imprécise : elle comprend assurément les travaux de déchaussage, mais intègre-t-elle le sarclage opéré durant l’été, la cueillette des raisins nécessitant serpettes ou sécateurs ou encore la « prétaille » réalisée par les femmes avec les mêmes ciseaux à tailler que ceux utilisés par les hommes ? En tout cas, les traitements anticryptogamiques en semblent exclus puisque le même article précise « en aucun cas, elles ne devront endosser la machine à sulfater, ni la torpille à soufrer ».
25Pour être très spécifique, le cas de la ramonette ou maïre ne déroge pas à la loi commune. Par les responsabilités qui lui incombent (nourrir les domestiques engagés à l’année) et parfois diriger l’équipe de travail des femmes, cette travailleuse se rapproche des postes de direction. Mais, contrairement à son époux (le ramonet ou paire), considéré comme ouvrier qualifié et à ce titre, généralement payé au mois, elle ne reçoit pas une rétribution spécifique pour ses prestations ; parfois, elle facture les denrées achetées au propriétaire mais le plus souvent elle doit jongler avec une somme fixe trop restreinte pour assurer des repas corrects et suffisamment abondants. Les multiples compétences que l’on attend d’elle (gestion d’un budget, confection de repas, encadrement et parfois entretien des domestiques) ne sont pas reconnues. Au total, sa fonction, essentielle dans la marche de tout domaine de quelque importance, ne se traduit nullement par une rémunération idoine.
Viticultrices en grève et syndicalistes
26L’ingérence des femmes dans les conflits du travail suscite de multiples peurs dans les différents milieux. Le Midi viticole ne fait pas exception en la matière. Le 14 janvier 1904, le rédacteur du très radical Petit Méridional exprime une opinion masculine largement répandue : « Beaucoup de femmes, sont, parait-il, décidées à suivre les grévistes dans leurs manifestations. Si celles-ci s en mêlent, nous n’avons pas fini ! ». De fait, si on s’en réfère aux statistiques du Ministère du Travail, entre 1903 et 1912, environ 12 700 femmes participent aux grèves viticoles en bas-Languedoc, soient 28 % des grévistes – bien plus que la proportion nationale des femmes participant aux grèves industrielles de l’époque33. Cette proportion est remarquable dans le contexte de normes sociales considérant les femmes comme faibles et non qualifiées au travail, vouées aux tâches domestiques, à la maternité et la garde des enfants. Mais, si les femmes sont omniprésentes dans les péripéties qui émaillent certaines des grèves viticoles, elles sont, en revanche, totalement absentes du processus de négociation. Nous n’avons pas identifié une seule femme parmi les multiples délégations d’ouvriers chargées de rencontrer les propriétaires pour tenter de trouver un accord dans le cadre de procédures d’arbitrage et de conciliation prévues par la loi du 27 décembre 1892.
1. Les salariées agricoles, oubliées des négociations
27Le décalage est criant entre l’implication des ouvrières agricoles et la place accordée à leurs revendications par les syndicalistes. Qui plus est, en dépit de grèves viticoles affectant plus de cent communes sur l’ensemble du midi méditerranéen et du mouvement gigantesque de 1907 nous n’avons pas perçu de réelle évolution, au moins jusqu’en 191434.
28Les revendications spécifiquement féminines ne sont jamais un objet de conflit entre grévistes et employeurs, soit que les revendications syndicales en la matière soient acceptées sans discussion par les propriétaires, soit que les ouvriers consentent à abandonner ces revendications en cours de négociation. Parfois l’accord se fait clairement au détriment des femmes. Ainsi, à Olonzac, le 29 janvier 1904, la réunion générale des ouvriers syndiqués arrête que « sous aucun prétexte, les femmes ne devront porter le pulvérisateur ». Six jours plus tard, à l’issue de la grève, aucune disposition de l’accord conclu n’y fait plus référence35. A Beaufort, petite commune du Minervois, les premières revendications présentées le 7 février 1905 stipulent : « Pour le sulfatage, les femmes porteurs d’eau gagneront comme les hommes ». Une semaine plus tard, cette revendication est revue à la baisse : « Pour le sulfatage, celles qui porteront l’eau gagneront 0,25 F en plus de la journée ordinaire et un litre de vin ». Finalement, selon l’accord du 17 février, les femmes porteuses d’eau gagneront 0,25 F en plus, sans vin36.
29Quand un conflit éclate durant les vendanges, les femmes, nombreuses, sont interpellées par les syndicalistes. Ainsi, en août 1911, le syndicat des Ouvriers agricoles de Marsillargues engage par voie d’affiche les « ouvriers et ouvrières qui doivent venir faire la campagne des vendanges dans cette commune » à ne pas accepter des conditions de travail inférieures aux revendications syndicales37. Pour autant, les négociations salariales ne tournent pas forcément au bénéfice de ces vendangeuses, loin s’en faut. Ainsi, à Thézan-lès-Béziers, en mars 1911, au début de la négociation, les ouvriers réclament 5 F et 3 litres de vin pour la journée de vendanges des hommes, 3 F et un litre de vin de pour celle des femmes. Deux semaines plus tard, l’accord final entérinera la rémunération des hommes à ce prix-là ; en revanche, les femmes ne se voient accorder que 2,25 F et un litre de vin. A première vue, l’acceptation du prix de la journée des hommes par les employeurs peut surprendre : le sous-préfet lui-même relèvera qu’il s’agit « du premier arrangement qui, dans l’arrondissement de Béziers, ait consacré le salaire de 5 F pour la journée de vendange »38. Pourtant, le calcul économique des propriétaires n’était pas forcément mauvais. A l’évidence, il leur était plus avantageux de consentir un prix de journée élevé aux hommes que d’accorder une augmentation aux coupeuses, lesquelles constituent la majorité de la main-d’œuvre pour les vendanges. Qui plus est, une telle ligne de conduite pouvait être génératrice de tensions, voire de dissensions entre salariés syndiqués, certains pouvant y trouver une valorisation de l’ego masculin et/ou un intérêt financier parce que célibataires, d’autres être enclins à voir progresser le salaire des femmes de leur entourage, mère, sœur ou épouse. Dans ce contexte d’âpres négociations salariales, de tels clivages ne pouvaient à terme qu’être favorables au patronat.
30L’abolition du payement à forfait est placée en tête des revendications ouvrières, notamment en Languedoc oriental où ce mode de rémunération est alors répandu pour les vendanges et les traitements anticryptogamiques. Or, le ramassage des sarments, tâche exclusivement dévolue aux femmes, est payé à forfait et aucune demande expresse de sa suppression n’apparaît. Il est tout à fait symptomatique que la première grève spécifiquement féminine qu’ait connue l’agriculture française soit celle menée durant l’hiver 1912-1913 par 350 ramasseuses de sarments de Coursan39. Quand ils y font référence, les contrats signés dans l’Hérault actent le prix de 5 francs les 100 fagots, parfois enlevés de la vigne, comme le stipulent certains accords locaux. Dans l’Aude, la norme salariale semble d’abord moins élevée (à Omaisons, en mai 1908, propriétaires et ouvriers conviennent de 3,50 F les 100 fagots enlevés) puis plus élevée : 6 F. les 100 fagots à Lézignan, en décembre 191240. D’après Paul Passama, une femme confectionne en moyenne 40 fagots par jour41 ; elle doit donc travailler deux jours et demi pour obtenir les 5 francs correspondant à la mesure des 100 fagots ou, autrement dit, elle gagne deux francs par jour. Mais, comme pour tous les travaux à forfait, la durée journalière de travail n’a guère de sens et il n’est pas exclu que certaines ramasseuses de sarment effectuent des journées de plus de huit heures, travaillent le dimanche ou se fassent aider par une fille pour atteindre cette norme de rémunération. L’enlèvement des fagots est en outre une tâche fort pénible pour laquelle la femme doit souvent solliciter le concours d’un homme, aide dont elle sera d’une certaine façon redevable.
31L’exclusion des femmes des travaux pénibles, clause récurrente dans les revendications, est ambiguë : d’une part, elle tend à protéger la femme, installée dans la condition d’être plus fragile, mais elle traduit peut-être avant tout, l’inquiétude des hommes de voir les salaires masculins glisser vers des taux de rémunération proches de celui des femmes. Cette crainte donne parfois lieu à des clauses spécifiques : à Marsillargues, les revendications soumises le 22 février 1904 aux grands propriétaires stipulent « Le salaire des femmes sera de moitié de celui des hommes ; les travaux des hommes exécutés par des femmes seront payés au même taux que celui des hommes ». On retrouve une formulation voisine dans le cahier de revendications des grévistes d’Arles rédigé le 4 avril suivant : « A travail égal, les femmes gagneront comme les hommes »42. Dans les deux cas, cette clause n’est pas retenue dans l’accord final : a-t-elle été refusée par les patrons ? Les ouvriers n’étaient-ils plus unanimes à la réclamer ? Quoi qu’il en soit, cette revendication démontre que les femmes pouvaient à l’occasion être employées à des « travaux d’hommes » (mais lesquels ?) et cette situation n’entraînait pas pour autant l’octroi d’un « salaire d’homme ».
32A contrario, un homme pratiquant un « travail de femme » n’est pas payé comme une femme. Ainsi, à Sériège, sur les 51 journaliers hommes de Cruzy occupés aux vendanges en septembre 1906, une quinzaine coupe les raisins, comme les femmes, « le régisseur ayant préféré, pour ne pas les renvoyer, les employer ainsi, bien que le prix de journée des hommes soit le double de celui des femmes »43. Le régisseur savait pertinemment qu’en rémunérant ces hommes au tarif des coupeuses, donc au tarif « femmes », il se serait exposé aux plus vives récriminations, voire même au déclenchement d’une grève, perspective par définition peu souhaitable à l’orée des vendanges. A Pussalicon, l’accord conclu en février 1904 avant même le déclenchement de la grève stipule notamment que lors des vendanges, « ceux qui font les comportes » percevront, « si c’est une femme, 2,25 F et un litre de vin, si c’est un homme, 2,50 F et deux litres de vin ». Le même travail n’implique pas la même rémunération alors qu’en l’occurrence, cette tâche, étroitement corrélée au rythme d’évacuation des raisins, nécessite une efficacité identique, quels que soient le sexe ou l’âge du titulaire de la tâche44.
33Au total, les ouvrières agricoles profiteront des avancées obtenues durant les grèves de 1904-1905 puisque leur salaire sera augmenté dans des proportions comparables à celui des hommes mais leur position relative ne s’en trouve pas améliorée. Ainsi, à Poussan, en 1913, bien que les femmes soient très actives dans la grève, le « Programme des revendications des travailleurs de terre » ne leur accorde qu’un unique article : « Salaires des femmes : Pour tous les travaux, le salaire des femmes sera la moitié de celui des hommes, plus 2 litres de vin pour les travaux de la vendange seulement »45.
2. Des femmes au cœur des affrontements
34L’implication des femmes dans les diverses péripéties des grèves viticoles est fort inégale selon les communes. Les spécificités locales jouent pleinement en la matière. Peut-être suffit-il parfois de la persuasion d’une ouvrière particulièrement charismatique pour que la plupart des femmes et jeunes filles de la commune concernée se sentent partie prenante du mouvement et mettent toute leur énergie à le voir perdurer, quitte à user des moyens illégaux telles les entraves aux libertés de circuler et de travailler. Toutefois, sous réserve d’indications plus précises, il semble que dans les villes, les grèves des ouvriers agricoles se coordonnent avec les autres corporations dans le cadre de l’activité de la Bouses du Travail. Ainsi, à Montpellier, en février 1904, les ouvriers agricoles associent étroitement leur mouvement à celui des ouvriers du bâtiment, bien organisés sur la ville et, dans le même temps, les ouvrières agricoles n’apparaissent pas durant tout le conflit. A l’opposé, dans les communes, où prédomine la petite propriété, les rapports sont généralement moins conflictuels. Au total, l’implication des femmes semble maximale dans les gros bourgs, où le prolétariat agricole est largement prédominant.
35A Mèze, au cours de la grève d’octobre 1904, les femmes sont constamment présentes parmi les grévistes faisant le tour des domaines viticoles de la commune pour débaucher gagés et domestiques, dont le rapport de subordination à l’employeur est nettement plus marqué, dans la mesure où ils sont logés et nourris au. domaine. Dans de longs comptes-rendus, le lieutenant de gendarmerie tente de justifier son impuissance face à des grévistes connaissant bien mieux que lui chaque parcelle de ce territoire communal. Le matin du 21 octobre, la présence de femmes est mentionnée : « il y a actuellement 8 à 900 grévistes qui sont accompagnés dans leurs manifestations par des femmes et des enfants... A 7 heures du matin, une colonne composée de 1 000 personnes environ, grévistes et femmes portant trois drapeaux avec clairons et tambours en tête, se sont rendus dans la campagne... ». L’après-midi du même jour, devant un autre domaine, il laisse libre cours à son désarroi : « dans un clin d’œil, j’ai été entouré par plusieurs centaines de personnes, femmes et hommes, brandissant tous des bâtons, frappant mon cheval et me lançant des pierres »46.
36A Cruzy, les incidents sont quotidiens et les ouvrières en sont des actrices de premier plan47. Le 7 décembre 1904, une quarantaine de « femmes syndiquées » s’opposent au déchargement d’une charrette de fourrage en criant : « Il ne déchargera pas ! Il ne déchargera pas ! ». Au capitaine de gendarmerie qui leur intime l’ordre de se retirer, déterminées, elles répondent : « Nous mourrons s’il le faut, ils ne déchargeront pas ! ». Un peu plus tard, elles interceptent Joseph Latranchée qui souhaitait passer avec trois chevaux pour aller atteler une charrette à Quarante ; deux d’entre elles se suspendent aux rênes d’un cheval, les autres obstruent la circulation. L’explication du capitaine de gendarmerie est savoureuse : « Nous sommes alors intervenus énergiquement pour disperser les manifestantes mais, vu l’obstination et l’excitation de ces femmes plusieurs fois refoulées et revenant sans cesse se grouper les unes sur les autres à côté de la charrette, nous n’avons pu, en raison du faible effectif du détachement, assurer le passage des chevaux et le déchargement du fourrage48. La faiblesse de l’effectif du détachement est toute relative puisque ces militaires étaient au moins 13 pour faire face à ce groupe de femmes, ce procès-verbal étant cosigné par 13 d’entre eux !
37Le lendemain, les femmes barrent à nouveau la route ; dès lors, les gendarmes, tout aussi démunis que la veille, sollicitent l’aide du maire, Jules Mouly. Le lieutenant, après avoir fait ce magistrat municipal juge de la résistance opiniâtre des manifestantes, lui demande de faire les sommations d’usage. Alors, le maire tend son écharpe tricolore au lieutenant en lui disant : « Tenez la voilà, je ne ferai pas de sommations, surtout lorsqu’il s’agira de femmes, je préfère la laisser ». Le surlendemain, un poste de grévistes composé de 15 hommes et 30 femmes arrête un tailleur qui se rendait au bourg. Le 12, les femmes barrent la route à un autre propriétaire, M. de Lapeyrouse. Le 13, Joséphine Mérou menace Firmin Robert : « Il ne passera pas ; s’il passe, nous le tuerons. A mort ! Il nous faut du sang ! Plutôt mourir par les balles que par la faim ! ». Quant à Anne Barral, elle traite le gendarme Mallet de « voleur, lâche et fainéant »49. Le 15, une dure échauffourée oppose ces femmes à Miran, président du syndicat jaune, accompagné du sous-préfet, lequel aurait même été frappé. Ces manifestantes se rendent également coupables d’entrave à la liberté de travail. Le 20 décembre, elles détériorent une charrette ; deux jours plus tard, Mélanie Crombade est arrêtée alors qu’elle se rend à son travail ; plusieurs femmes grévistes la saisissent et menacent « de lui faire un mauvais parti si elle persistait à vouloir passer en la traitant de salope et de fainéante ». Un gendarme parvient à en retenir une par la jupe, lui demande son nom et, à nouveau, se voit répondre « Gréviste ! ».
38A en croire les rapports de gendarmerie, les salariés agricoles ont saisi tout l’intérêt qu’ils peuvent tirer de l’activisme des femmes grévistes. Ils perçoivent bien que les militaires répugnent à un affrontement avec elles. Le 22 au soir, le brigadier demande à Marie Bordes, « présidente du syndicat des femmes », d’intervenir pour laisser passer une femme se rendant au travail mais celle-ci refuse ; dépité, le militaire constate : « les hommes se contentent d’observer ». Le recours aux femmes est parfois présenté comme un ultimatum. Le 19 décembre, à Benjamin Phalippou, refusant de cesser le travail, un gréviste rétorque : « Je vais chercher une trentaine de femmes et nous verrons bien s’il continuera »50. Un quart d’heure après, une quinzaine de femmes arrivent en criant « Nous avons manqué Miran, mais celui-ci, nous ne le manquerons pas ». Devant l’attitude hostile de ce groupe de femmes, le récalcitrant cesse le travail « pour éviter tout incident et demande aux forces de l’ordre de le protéger jusqu’à son domicile ».
39Les femmes de Cruzy seront une nouvelle fois à la pointe du combat lors de la grande grève de Sériège en octobre-novembre 1906 : en tête des défilés, elles entonnent L’Internationale. Le drapeau rouge qu’arbore l’une d’entre elles au bout d’un bâton est en fait, selon les gendarmes, « un jupon rouge piqué de points blancs »51. Un sous-vêtement féminin détourné de sa fonction première et porté au regard de tous par une femme : pourrait-on imaginer meilleur symbole pour décliner une grève au féminin pluriel ?
40Les femmes grévistes de Coursan sont également très actives. Le 7 décembre 1904, elles sont d’abord six pour empêcher Claire Liés d’aller travailler, quatre encore même jour lorsqu’elles interceptent Marie Cousteau lorsqu’elle arrive à la vigne52. Le 13 du même mois, 250 grévistes barrent la route nationale avec de gros gourdins, « notamment par les femmes qui ont ajouté qu’elles mourraient plutôt que de quitter la place »53. Laurence Décor, porte-drapeau, et Marie Laurent, 28 ans, marchande d’allumettes de contrebande, seront inculpées d’outrages à la gendarmerie. La réputation de lutte des ouvrières agricoles de Coursan franchira les limites de l’arrondissement lorsque, du 28 novembre 1912 au 27 janvier 1913, 350 d’entre elles mèneront la première, et semble-t-il unique, grève viticole spécifiquement féminine. Le différend porte sur le paiement du ramassage des sarments, dont l’accord du 15 octobre 1911 avait porté la rémunération forfaitaire de 3,50 F à 4 F les 100 fagots. Cet article ayant « disparu » lors de la prorogation de ce contrat un an plus tard, les ouvrières se virent réduites à l’ancien tarif. Les propriétaires enjoindront les ouvriers occupés aux autres travaux viticoles (taille, labour...) de les interrompre pour remplacer les ouvrières en grève mais ils s’y refuseront ; le 16 janvier 1913, 675 d’entre eux cessent le travail une journée par solidarité. Ce long conflit du travail se soldera finalement sur un échec54.
41L’acte isolé, comme à Mailhac en février 1904, ou, en s’allongeant en travers des roues d’une charrette, une seule femme force son conducteur à rebrousser chemin, reste exceptionnel55. A Poussan, en mai 1913, les gendarmes dressent plusieurs procès-verbaux à des femmes grévistes pour entraves à la liberté de travail et violences sur trois autres femmes occupées à soufrer une vigne. Ici comme ailleurs, ces altercations révèlent en filigrane les différends tenaces qui opposent certaines femmes. Lorsque, à Cruzy, une gréviste intime à Enezile Espugne l’ordre de ne pas travailler le lendemain, celle-ci l’ignore, car, dira-t-elle au gendarme l’interrogeant, « depuis 17 ans nous vivons en mauvaise intelligence et il est de notoriété publique que cette femme s’adonne à la boisson et il est rare qu’elle passe un seul jour sans s’enivrer par conséquent, je n’ajoute aucune foi aux propos qu’elle a tenus »56. De tels témoignages sont évidemment pain béni pour des représentants des forces de l’ordre pas vraiment navrés de pouvoir discréditer des « meneuses » qui leur donnent tant de fil à retordre sur le terrain.
3. La syndicalisation des salariées agricoles en question
42Le paradoxe entre condition économique et droits sociaux des femmes surgit dans bien des conflits agricoles. L’implication syndicale des travailleuses de la terre est abordée lors du 3ème Congrès de la FTAM qui se tient à Perpignan du 13 au 16 août 1905. Paul Ader y présente un rapport sur l’organisation des femmes ouvrières. Mais les avis sont loin d’être unanimes. Déplorant que de nombreux propriétaires obligent leurs ouvrières à faire des tâches considérées difficiles même par les hommes robustes, une résolution constate la légitimité des revendications des ouvrières : « Il est de notre devoir d’armer les femmes contre cette exploitation... et nous garder de leur concurrence. A cette fin, les femmes doivent être incorporées dans nos organisations... Nos syndicats verront donc leur pouvoir et leur vitalité doublés. Donc, elles seront capables de poursuivre la réalisation de leurs propres revendications et demandent un salaire égal pour un travail égal ». Les conclusions auxquelles aspirent les auteurs de cette résolution sont plus surprenantes : « La réalisation de cette demande sera profitable moralement ainsi que matériellement ; il sera un pas de plus vers la suppression totale du travail [salarié] de la femme qui serait rendue à ses travaux domestiques, à son foyer, à sa famille »57. Le Congrès décide d’incorporer les ouvrières agricoles dans les organisations syndicales58.
43Cette décision n’est pas anodine à une époque où toute représentation citoyenne leur est interdite et nul doute que cette décision soit une conséquence de leur implication directe dans les conflits de ces années 1904- 1905. Cette prise de position est courageuse à un moment où, y compris dans la CGT, beaucoup de militants imputent le chômage des hommes au travail salarié des femmes59. A Coursan, où le secrétaire du syndicat des cultivateurs, François Cheytion, fut un parmi les tout premiers un fervent partisan de la participation des femmes au syndicat, elles seront, en 1912, 108 syndiquées, soit environ un tiers des ouvrières agricoles du village60. Selon Laura Frader, les femmes adhérentes à un syndicat rattaché à la FTAM ne sont alors tenues que de payer la moitié de la cotisation des hommes mais, en cas de grève, mais elles pouvaient prétendre aux subsides du syndicat au même titre que les hommes61. Les femmes n’obtiendront le droit d’adhérer à un syndicat sans l’autorisation maritale que par la loi du 12 mars 1920.
44Doit-on prendre à la lettre les propos du lieutenant de gendarmerie en charge du maintien de l’ordre à Cruzy en décembre 1904 lorsqu’il qualifie, à plusieurs reprises, Marie Bordes, veuve de Joseph Barral, de « présidente du syndicat des femmes »62 ? En dépit de recherches fouillées sur cette commune, nous n’avons pas trouvé la moindre trace d’un syndicat spécifiquement féminin ou même d’une organisation féminine non affiliée à la FTAM. Il semble donc que, dans l’esprit de ce militaire, cette qualification visait à identifier une meneuse parmi ses femmes de Cruzy particulièrement remuantes et à pointer la capacité de nuisance de ces manifestantes.
45Le contraste est saisissant entre les femmes se jetant avec la plus grande témérité devant les chevaux des gendarmes et celles ouvrant les cortèges syndicaux. Pourtant, signe de l’ambivalence du rôle dévolu au genre féminin, les unes et les autres peuvent pratiquement se confondre. Pour célébrer la fin de la grève d’Olonzac qui a vu accepté les principales revendications ouvrières, dans la soirée du 3 février 1904, 300 à 400 manifestants défilent en chantant La Marseillaise et L’Internationale. Les femmes servent de faire-valoir aux hommes syndiqués : « tous les membres du syndicat ouvrier précédés de plus de cent femmes ou jeunes filles, ayant toutes ornées leur chevelure d’un coquet ruban rouge, ont fait le tour de la ville, une quinzaine de musiciens et le drapeau du syndicat en tête »63. Toujours en 1904, le 30 octobre, le sénateur Jules Razimbaud vient à Quarante soutenir les ouvriers et ouvrières en grève. Une jeune fille de Cruzy lui offre un bouquet et prononce une allocution : « Citoyen sénateur, votre présence ici est pour nous un bon augure dans lequel nous puisons de nouvelles forces pour soutenir la lutte engagée contre ceux qui veulent nous empêcher de vivre pour notre travail. Croyez, cher citoyen sénateur, que nous n’oublierons jamais combien est grand le dévouement dont vous faites preuve à notre égard.... »64. Comme ces propos policés mis dans la bouche d’une jeune fille font dissonance avec l’implication totale de leurs aînées dans les épisodes les plus tendus des grèves de la contrée. Cruzy et Quarante sont, nous l’avons vu, les deux communes dont les femmes manifestent avec le plus de vigueur, jusqu’à, pour plusieurs d’entre elles, être condamnées par les tribunaux !
46Parmi les multiples chansons composées durant les grèves ou pendant le printemps 1907, bien peu évoquent le rôle actif des femmes dans ses conflits. La Chanson marcorignanaise65 vendue pour alimenter la caisse de la grève menée dans la commune de Marcorignan, près de Narbonne, du 28 mars au 23 mai 1908 fait figure d’exception. Sur l’air de L’Internationale, le cinquième couplet de cette chanson reprend explicitement les revendications spécifiques aux salariées viticoles de la commune : cinq sous (soit 0,25 F) d’augmentation et un litre de vin par jour :
Honneur à ces vaillantes femmes // Qui veulent lutter jusqu’à la fin // Cinq sous de plus, elles réclament // Chaque jour, un litre de vin. // Elles méritent cette récompense // Car, lors des manifestations, // On leur promettait à l’avance // Avantage et satisfaction.//
47Mais le refrain suivant ravale aussitôt ces travailleuses au rang de « braves femmes » : Vivent ces braves femmes // Qui sont bien dévouées // Luttez toutes ensemble // Les cinq sous vous aurez (Bis) //.
48Il est vrai que la composition de chansons comme la déclamation des discours et la rédaction d’articles de presse sont, à cette époque, exclusivement le fait des hommes.
49De nombreuses questions demeurent en suspens. Quelle fut l’incidence concrète de cette décision sur la participation des femmes aux syndicats de cultivateurs ? Combien adhèrent ? Constituent-elles une section spécifique ? Certaines exercèrent-elles des responsabilités ? Dans quelle mesure le cas de Coursan, considéré comme exemplaire par Laura Frader, ne fut-il pas une heureuse exception ?
Ambivalence de la place des femmes dans la viticulture méridionale
50Alors que les codes sociaux tendent à les confiner en position de dépendance dans tous les compartiments de la vie sociale et économique, les femmes et a fortiori les jeunes filles sont magnifiées dans les représentations masculines. Le salarié agricole du début du XXe siècle, même quand il se veut syndicaliste révolutionnaire, vit dans une société où la femme, est considérée pour sa grâce et sa pondération. A l’évidence, au cours de ces années 1900-1914, les femmes ne sont pas davantage considérées par le mouvement socialiste. Jean. Sagnes remarque avec justesse que « La femme ne vote pas et l’activité du parti socialiste est toute entière tendue vers la compétition électorale »66. Mais, au-delà de ce calcul purement politicien, les valeurs sociales véhiculées par la bourgeoisie de l’époque tendaient à accréditer le caractère « naturel » de la dépendance politique, économique et sociale de la femme. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que la mise à contribution des jeunes filles et femmes tant par les milieux ouvriers lors des grèves viticoles que par les propriétaires dans le grand mouvement de 1907 s’inscrivent dans ces codes sociaux.
1. Débat autour des condamnations de salariées agricoles
51Le 28 mars 1905, le tribunal correctionnel de Béziers juge les atteintes à la liberté du travail commises au cours de la grève agricole qui s’est déroulée à Quarante en octobre 1904 : quatre hommes et trois femmes sont condamnés à une peine de prison ferme. Durant tout le mois suivant, les condamnations de Claire Clarenc (20 jours), Catherine Pech (8 jours) et Rose Guiraud (6 jours) vont donner lieu à de nombreux débats et à d’intenses passes d’armes entre publicistes des différents organes de presse de sensibilités opposées.
52Reprenant les propos du président du Tribunal qui aurait demandé à ces femmes pourquoi elles ne restaient pas à la maison, le rédacteur de La Dépêche met l’accent sur l’indigence des budgets des ménages ouvriers : « Comment une ménagère se plairait-elle à la cuisine si elle n’a rien à y faire cuire ? ». Refusant de voir l’amnistie réduite aux trois ouvrières en question, il évoque le cas d’autres femmes poursuivies pour outrage envers le maire de Quarante : « C’étaient des ménagères irréprochables : leur casier judiciaire était intact. On les condamna à 50 F d’amende sans sursis... c’est-à-dire 110 francs environ avec les frais. Conçoit-on ce que cela représente pour des ménagères obligées d’entretenir leur famille avec 1 F50 ou 2 F par jour ? Cela représente deux grands mois d’existence pour toute la maisonnée... Elles n’ont pas cette somme. Il leur faudrait des années pour l’économiser. Va-t-on, en vertu d’une contrainte par corps, les arracher à leurs maris et à leurs enfants pour les conduire à la prison de Saint-Nazaire ? »67.
53De son côté, l’éditorialiste du Publicateur de Béziers exprime sans détours un sentiment largement partagé dans les milieux de la bourgeoisie conservatrice : « Nous pensons que le tribunal a voulu donner une leçon à ces ménagères qui délaissent leur foyer et descendent dans la rue pour exciter les hommes qui n’ont pas besoin d’un pareil stimulant pour se porter aux excès. Lorsque les femmes se mêlent d’une révolte générale ou partielle, les pires excès sont à redouter. Et les tricoteuses de la Terreur... ont laissé un trop odieux souvenir pour que l’on doive tolérer la participation des femmes dans les grèves... On verse des larmes de crocodile sur le destin peu cruel des trois viragos de Quarante... »68. Quelques jours plus tard, le même journal enfonce le clou : « nous considérons qu’il est on ne peut plus dangereux de laisser s’introduire l’élément féminin dans les grèves. Une de ces trois femmes, qui répondait au sobriquet de « Sauvage », s’était jetée à la tête d’un cheval, avait saisi la bride et lorsque le gendarme voulait lui faire lâcher prise, elle chercha à lui mordre la main ! Cet acte n’est-il pas assez viril pour justifier l’épithète de « virago » ? »69 Pour l’éditorialiste de La Dépêche, il convient, au contraire, d’étendre l’amnistie au-delà du cas emblématique des condamnées de Quarante : « Les députés républicains du Midi demandent ce que nous avons demandé nous-mêmes dès la première heure : l’amnistie pour tous les faits de grève et faits connexes et pour les hommes comme pour les femmes »70.
54Le député radical-socialiste de Béziers Louis Lafferre, soucieux de ne pas voir enfler une polémique dont il pressent qu’elle serait préjudiciable au gouvernement qu’il soutient, fait jouer ses relations politiques et maçonniques. Il est rapidement reçu à l’Elysée par le Président de la République auquel il demande d’examiner le recours en grâce formé par les condamnées de Quarante. Emile Loubet lui « promet d’apporter la plus grande bienveillance dans l’examen qu’il fera du dossier dès qu’il lui sera soumis »71. A la suite de cette démarche, le Garde des Sceaux suspend l’exécution des jugements rendus contre les grévistes de Quarante, d’Agde et de Capestang. Enfin, le 27 juin 1905, le Président du Conseil et le Garde des Sceaux déposent un projet de loi d’amnistie intégrant les condamnations consécutives à des conflits du travail.
55Entre temps, le 13 juin, plusieurs grévistes de Cruzy, hommes et femmes, comparaissent devant le tribunal correctionnel de Saint-Pons. Ces juges se montrent plus sévères que leurs homologues biterrois. Les femmes ne sont pas épargnées : Marie Malaret et Joséphine Mérou se voit infliger deux mois de prison ferme, Jeanne Bessieux, 40 jours et Rosalie Torrès, un mois72. Leur avocat sollicite l’ajournement de ces peines en faisant valoir l’imminence de l’examen parlementaire du projet de loi d’amnistie73. En effet, en dépit de l’opposition du ministère public, ouvriers et ouvrières agricoles condamnés bénéficieront de la loi d’amnistie promulguée le 2 novembre 190574.
56Suite à la grève de Sériège de 1906, une quinzaine d’hommes et de femmes sont traduits devant le tribunal correctionnel sous plusieurs motifs : violence, résistance à sommation de dispersion d’attroupements, rébellion, outrages et violence à gendarmerie. Six femmes figurent au nombre des condamnés mais, peut-être pour éviter une nouvelle polémique dans l’opinion, toutes bénéficient du sursis. Thérèse Décor et Jeanne Chavardès écopent de deux mois, Marie Marc, d’un mois, Marie Serres, Anne Marty et Rachel Fabre respectivement de quinze, huit et trois jours avec sursis. Trois d’entre elles sont des femmes mariées d’une quarantaine d’années, les trois autres des jeunes filles, âgées de 17 ans seulement75. Cette fois, il n’y aura pas d’amnistie, ce qui vaudra à deux ouvriers, Augustin Calmette et Michel Malaret, respectivement condamnés à quinze et six mois de prison ferme, de purger leur peine durant le printemps et l’été 1907.
2. Les femmes, gardiennes des valeurs familiales ou créatures manipulées ?
57Relatant avec forces détails la grève des ouvriers et ouvrières agricoles de Marsillargues durant l’hiver 1904, le journal socialiste Le Combat Social décrit la logistique remarquable mise en place : « 8 cantines destinées aux grévistes et à leurs familles de la localité sont installées dans chaque quartier ; un service spécial alimente les cantines où les dévouées épouses des grévistes préparent en commun la nourriture de tous, que chaque chef de famille vient prendre aux heures de repas »76. Or, dans ce gros bourg de Marsillargues, ce conflit réunit dans la grève 600 hommes et 400 femmes. Par conséquent, même si le rédacteur et militant socialiste les perçoit simplement comme « de dévouées épouses », dans leur immense majorité, les femmes gérant les cantines sont, elles aussi, des grévistes.
58Le 10 avril 1905, devant la Société d’Economie sociale, Félix Bouffet dresse un tableau apocalyptique des grèves viticoles dans le Midi. A ses yeux, seule la constitution dans chaque commune de syndicats mixtes regroupant propriétaires et ouvriers serait de nature à dépasser les clivages de classes, source de tous les excès. Au cours du débat qui s’ensuit, Emile Cheysson va plus loin. En bon héritier de Frédéric Le Play, convaincu que le progrès social ne peut résulter que de l’alliance entre le patronage et l’économie domestique, Cheysson croit détenir la solution à tous les maux dont pâtit le monde rural : persuader l’épouse, « par nature » plus posée, moins exaltée, d’assurer l’avenir de sa cellule familiale en harmonie avec l’employeur du conjoint. Ses propos pleins de condescendance et d’illusion méritent d’être rapportés in extenso : « la femme a un rôle très important à jouer dans cette action sociale du syndicat mixte. Pour faire pénétrer l’idée et la pratique de la prévoyance dans nos familles rurales, on ne peut se passer du concours de la ménagère. C’est elle qui tient en général les cordons de la bourse ; elle qui administre le budget domestique. Rien ne sera fait tant qu’on ne l’aura pas gagnée. C’est là une propagande à organiser et elle est assez belle et assez importante pour s’imposer au dévouement des femmes d’intelligence et de cœur qui passent une partie de l’année à la campagne et voudront bien mettre au service de cette cause, leur ascendant, leur tact et leur bonté. Pour remplir efficacement cet apostolat, ces femmes ont besoin elles-mêmes d’être instruites à fond de tous ces mécanismes sociaux dont elles doivent démontrer l’usage et les avantages aux ménagères rurales »77. Les tensions engendrées par les multiples grèves viticoles des années 1903-1913 n’étaient certainement pas de nature à créer ce climat de confiance indispensable pour que les dames de la bourgeoisie puissent exercer cette « mission civilisatrice » auprès des femmes du peuple. Il est vrai que, bien que natif de Nîmes, Emile Cheysson n’avait alors plus aucun lien avec la communauté rurale languedocienne.
59Paradoxe entre cette foi en la Femme pour rétablir l’ordre, proclamée dans un cénacle intellectuel et le mépris dont les femmes grévistes font l’objet sur le terrain. Pour les autorités (exclusivement composées d’hommes), l’action revendicative des femmes salariées ne peut être mue par l’aspiration objective à une meilleure condition salariale. Livrées au sentimentalisme inhérent à leur sexe, elles sont les proies toutes désignées d’un leader suffisamment habile pour profiter de leurs faiblesses. Dans un rapport au préfet de l’Hérault, le commissaire spécial de police, Louis Eymery, érige le responsable syndical de la grève de Sériège en 1906, Augustin Calmette, en véritable gourou des vignes : « Il a un grand ascendant sur tous les ouvriers de Cruzy... Les femmes principalement, dont l’inintelligence et la brutalité se lisent sur leur figure, idolâtrent M. Calmette qui s’en sert pour rehausser l’éclat des manifestations, pour préparer les bagarres, pour outrager et frapper les autorités et pour assommer les gendarmes »78. Pourtant, Calmette, marié et père d’un enfant, conseiller municipal de Cruzy depuis 1900, apparaît socialement stable. Certes, ce portrait-charge reflète la psychologie d’un seul individu : pour Eymery, ces travailleuses en lutte ne pouvaient qu’être subjuguées et manipulées par un homme au point d’en porter les stigmates anthropométriques. Mais ces référents culturels ne sont-ils pas largement répandus dans la bourgeoise de l’époque ?
3. Les femmes entre détermination et pondération dans le mouvement de 1907
60L’instrumentalisation juvénile par les grévistes évoquée pour la réception sénatoriale à Quarante est du même ordre que celle pratiquée durant les événements de 1907. Lors de chaque meeting dominical, deux jeunes filles, richement habillées, souvent en costume traditionnel, offrent un bouquet à Marcellin Albert.
61Pour autant, et bien qu’en la matière les informations fassent particulièrement défaut, les femmes salariées ne semblent pas avoir boudé le grand mouvement du printemps 1907. Le relevé nominatif, charrette par charrette, des habitants de Roquefort-des-Corbières se rendant à la manifestation du 5 mai à Narbonne confirme l’impression visuelle donnée par d’innombrables documents photographiques et les descriptions des organes de presse. Les femmes de toutes conditions sociales et de tous statuts professionnels furent largement partie prenante des meetings dominicaux de mai-juin 190779.
62Portant drapeaux, bannières et pancartes d’identification de chaque village en tête des cortèges, mises en avant dès que se présente un objectif, la surexposition médiatique des femmes tend probablement à majorer leur influence. Mais cette surexposition renvoie à une représentation sociale : la présence des femmes est l’assurance de faire entendre en haut lieu le message de l’ampleur du mécontentement. En posant avec les douze panneaux mesurant la baisse des degrés de la patience et la montée corrélative de la misère, les femmes de Narbonne offrent une image forte de la détermination des manifestantes80. Une autre carte postale représente une Délégation des femmes narbonnaises ayant assisté à tous les Meetings viticoles du Midi.81 Dans les deux cas, Ernest Ferroul, pleinement conscient de l’impact de telles représentations auprès de l’opinion publique nationale, ne manque pas de poser avec les femmes en question. Pour le meeting de Montpellier, le 9 juin, un groupe de femmes de Saint-André-de-Sangonis arborent une splendide bannière au slogan explicite : « A nos mères les quenouilles. La faim nous donnera des fourches »82. Enfin, il conviendrait d’analyser plus en détail le recours à de multiples allégories : la Misère, la Fraude sont ici figurées par des personnages féminins au même titre que la République et la Viticulture.
63La perception fortement différenciée entre les victimes de la fusillade du 20 juin à Narbonne renvoie à la représentation de l’innocence virginale. Le décès de la jeune employée de maison Cécile Bourrel83 suscite une émotion sans commune mesure avec la compassion accordée à ses cinq compagnons d’infortune. Pourtant, deux d’entre eux, Gaston Pagès et Henri Rouquier, sont également des jeunes hommes âgés respectivement de 18 et 25 ans84. Si tous étaient innocents, aux yeux de l’opinion, la mort de la jeune fille était encore plus inacceptable.
64Au cours de l’été 1907, l’élaboration des statuts de la Confédération Générale des Vignerons donne lieu à de multiples débats, notamment sur le système de représentation, plus proche de celui des sociétés anonymes que du principe coopératif et mutualiste « Un homme/une voix ». L’un des animateurs du Comité d’Argeliers, Louis Blanc, fait œuvre de pédagogie pour tâcher de convaincre quant au bien-fondé de cette disposition statutaire : « L’ouvrier qui ne possède absolument rien ne dispose que d’une voix, c’est vrai mais, si il est marié, et si sa femme est journalière, moyennant 0,25 franc, elle peut faire partie du syndicat et voilà le ménage ouvrier disposant de deux voix ; avec un fils, une fille travaillant aux champs, voilà trois, quatre adhérents possibles et quatre voix au chapitre. Le plus souvent, rien de pareil chez le propriétaire dont la femme reste presque toujours une ménagère n’ayant pas qualité pour être membre du syndicat, de même pour ses enfants qui ne sont ni récoltants, ni ouvriers. Mais le cas s’améliore encore en faveur de l’ouvrier s’il possède seulement quelques ares de vignes et par suite récolte quelques hectolitres de vin ; au lieu de 3 et 4 voix, c’est 5 ou 6 dont il dispose avec sa famille »85. Le propos s’inscrit dans une vision conservatrice de la République : le destin du fils d’ouvrier est de devenir ouvrier, celui du fils de propriétaire de succéder à son père dans ses fonctions d’exploitant agricole. Plus spécifiquement, la formulation même de l’argumentaire du pharmacien d’Argeliers tend à accréditer le bien-fondé d’un vote plural, d’un vote du chef de famille au nom de l’ensemble de ses membres. L’idée que chaque individu adhérant à la CGV, notamment la femme salariée, puisse avoir une opinion personnelle et soit susceptible de l’exprimer lors d’un vote est totalement exclue.
65Bien que les tenues vestimentaires constituent en ce début du XXe siècle un fort marqueur social, il n’est pas toujours aisé de différencier la travailleuse salariée endimanchée de l’épouse d’un propriétaire de quelque importance. Quoi qu’il en soit, on ne retrouve pas trace d’éventuelles réticences des femmes salariées à se joindre à ce mouvement de protestation interclassiste. Leur éloignement des cénacles politiques et syndicaux les rendaient-elles moins perméables à des arguments doctrinaires ? Furentelles davantage sensibles à l’argument de la lutte commune pour retrouver un prix rémunérateur du vin et à la promesse affirmée d’augmentation des salaires par les grands propriétaires une fois la prospérité revenue ? Il ne serait pas sans intérêt d’examiner dans quelle mesure leur statut de gestionnaire de l’économie domestique les conduisit à adopter des positionnements moins intransigeants que certains de leurs homologues masculins.
Conclusion
66Au terme de cette contribution, nous avons parfaitement conscience du caractère inachevé de nos investigations. Bien des points mériteraient d’être approfondis, bien des affirmations devraient être livrées à l’épreuve d’autres sources historiques.
67Les nombreuses grèves viticoles firent office de révélateur d’un prolétariat féminin jusqu’alors totalement ignoré. Alors même que leur condition économique est largement inférieure à celle des hommes, les femmes sont confinées dans un rôle d’observatrices et de responsables de la logistique au profit des hommes grévistes. Les temps de négociation et de décision leur sont interdits tant du fait de leur père, frères ou mari que de celui des employeurs. Leur implication dans les épisodes les plus tendus des conflits sociaux doit être rapprochée de cette « inexistence » citoyenne.
68Le payement du salaire féminin agricole à demi-prix de celui des hommes va perdurer au moins jusqu’à la seconde guerre mondiale. Sa légalité contractuelle ne sera abolie par l’instauration du Salaire minimum interprofessionnel garanti en 1950. Certes, les salariés de l’agriculture seront encore, jusqu’à l’instauration du SMIC en 1970, moins rémunérés que leurs homologues de l’industrie et du commerce, mais, pour la première fois, les multiples barèmes et abattements selon les zones géographiques concernent « l’un et l’autre sexe »86
69Par-delà les profonds changements engendrés par la mécanisation et son corollaire, la contraction du prolétariat agricole, la division sexuée du travail viticole va perdurer comme en témoignent les enquêtes à base d’entretiens réalisés par Christiane Amiel, Giordana Charuty et Claudine Fabre-Vassas en 1980-198187. Enfin, l’absence aussi bien des femmes tant de la vie syndicale que du corps électoral tend à gommer leur rôle en termes d’histoire sociale. Il serait bon que les continuateurs du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français initié par Jean Maitron contribuent à réhabiliter ce rôle, peut-être en exploitant davantage les sources judiciaires.
Notes de bas de page
1 Scott (Joan), Tilly (Louise A.), Women, Work and Family, New York, Holt, Rinehart and Winston, 1978, 274 p.
2 Piégay (Pierre), Domestiques agricoles et servantes de ferme dans les sociétés paysannes de 1900 aux années 1960, Paris, L’Harmattan, 2007, 304 p.
3 Gratton (Philippe), « Mouvement et physionomie des grèves agricoles en France de 1890 à 1935 », Le Mouvement social, n° 71, avril-juin 1970, pp. 3-38 et Gratton (Philippe), Les luttes de classes dans les campagnes, Editions Anthropos, 1971, 483 p.
4 Frader (Laura L.), Peasants and Protest. Agricultural Workers, Politics and Unions in the Aude, 1850-1914, University of California Press, Los Angeles, 1991, 260 p. et Frader (Laura L.), « Femmes, genre et mouvement ouvrier en France au XIXe et XXe siècles : bilan et perspectives de recherche », CLIO : -Histoire, Femmes, et Sociétés, 3, 1996, pp. 223-244.
5 Cf Escudier (Jean-Louis), « Prolétariat viticole et grève en bas-Languedoc de 1900 à 1914 », Colloque Institut d’Histoire sociale de la CGT, Narbonne, avril 2007.
6 Rapport de gendarmerie, 7 décembre 1904, A.D. Hérault 10 M 277.
7 A.D. Hérault 10 M 288.
8 Duribeu-Hallosserie (Virginie), « Le travail invisible ? Main-d’œuvre féminine et industrialisation à Comines au milieu du XIXe siècle », Revue du Nord, t. 84, n° 347, pp. 593-614.
9 Frader (Laura L.), « Genre et classe dans les vignobles : le mouvement syndical et la révolte de 1907 dans le narbonnais », Colloque Institut d’Histoire sociale de la CGT, Narbonne, avril 2007, p. 3 d’après Archives municipales de Coursan, liste nominative communale de recensement de 1911.
10 A.D. Hérault 2 M 273.
11 Passama (Paul), Condition des ouvriers viticoles dans le Minervois, thèse doctorat en Droit, Université de Paris, V. Giard et E. Brière, 1906, p. 83.
12 Dufaure (Gabriel), « Contribution à l’étude de la participation ouvrière. Organisation de la main-d’œuvre dans un vignoble », Revue de viticulture, n° 321, 10 février 1900, p. 151.
13 Bouffet (Félix), « Les grèves agricoles du Midi. Leurs causes et leurs remèdes », La Reforme sociale, 16 juin 1905, p. 919.
14 Augé-Laribé (Michel), Le problème agraire du socialisme. La viticulture industrielle du Midi de la France, Bibliothèque Socialiste Internationale, Girard et Brière, 1907, p. 267.
15 Passama (Paul), op. cit., pp. 69-70.
16 Gervais (Henry), La rémunération du travail dans la viticulture méridionale, thèse doctorat en Droit, Université de Paris, 1908, p. 23.
17 Omnès (Catherine), Ouvrières parisiennes, marché du travail et trajectoires professionnelles au XXe siècle, Editions de l’EHESS, Paris, 1997.
18 Augé-Laribé (Michel), op cit., p. 288.
19 Passama (Paul), op. cit, pp. 209-212
20 Cité par Passama (Paul), op. cit, p. 70.
21 Ministère de l’Industrie, des Postes et des Télégraphes, Direction du Travail, Statistique des grèves et des recours à la conciliation et à l’arbitrage survenus pendant l’année 1904, pp. 455-456.
22 Détail de l’accord dans Le Petit Méridional, 25 février 1904 (A.D. Hérault 10 M 274).
23 Augé-Laribé (Michel), « Les ouvriers de la viticulture languedocienne et leurs syndicats », Le Musée Social. Mémoires et documents, n° 9, novembre 1903, pp. 297-298.
24 Dufaure (Gabriel), op. cit., p. 151.
25 Cette structure regroupe les syndicats d’ouvriers agricoles d’Aimargues, Aigues-Mortes, Saint-Laurent- d’Aigouze, Le Cailar, Calvisson, Générac, Marsillargues, Saint-Gilles, Vauvert, Gallician, Lunel et Saint-Cézaire.
26 A.D. Hérault 2 M 285.
27 Gervais (Henry), op. cit., p. 28.
28 Passama (Paul), op. cit., p. 123.
29 Dufaure (Gabriel), op. cit, p. 151.
30 Cf Perrot (Michelle), « Qu’est-ce qu’un métier de femme ? », Le Mouvement social, n° 140 ; 1987, pp. 3-8.
31 Augé-Laribé (Michel), op, cit., 1907, p. 267.
32 Ce tarif contractuel est intégralement reproduit in Anonyme, « Les résultats des grèves agricoles dans le Midi de la France », Le Musée Social. Mémoires et documents, tome 1, 1904, pp. 295-296.
33 D’après le traitement des Statistiques des grèves et des recours à la conciliation et l’arbitrage survenus pendant les années 1904-1914 effectué par Laura L. Frader.
34 Cf Sagnes (Jean), Socialisme et syndicalisme dans l’Hérault de 1905 à 1921. Contribution à l’histoire du mouvement ouvrier sous la IIIe République, thèse doctorat IIIe cycle d’histoire contemporaine, Université Paul Valéry, Montpellier IIII, 3 tomes, 845 p.
35 A. D. Hérault 10 M 274 et 275.
36 A. D. Hérault, 10 M 279.
37 Affiche A. D. Hérault 10 M 285.
38 A. D. Hérault, 10 M 284.
39 Frader (Laura L.), « Paysannerie et syndicalisme révolutionnaire : les ouvriers viticoles de Coursan (1850-1914) », Cahiers d’Histoire de l’Institut Maurice Thorez, n° 28, 1978, pp. 35-59.
40 Ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, Statistique des grèves et des recours à la conciliation et à l’arbitrage survenus pendant l’année 1912, p. 465.
41 Passama (Paul), op. cit. p. 208.
42 L’ensemble des clauses de ce cahier de revendications est reproduit in Ellen-Prévost (Gabriel), « Le socialisme aux champs (chronique agraire) », La Revue socialiste, n° 235, juillet 1904, pp. 71-75.
43 A.D. Hérault 10 M 280.
44 Détail de l’accord dans Le Petit Méridional, 17 février 1904 (AD. Hérault 10 M 274).
45 A.D. Hérault 10 M 288.
46 Rapport de gendarmerie, 21 octobre 1904, A.D. Hérault 10 M 277.
47 Pour une présentation exhaustive de toutes les procédures judiciaires relatives aux grèves de Cruzy, cf Escudier (Jean-Louis), Luttes de classes dans les vignes. Ouvriers et propriétaires à Cruzy de 1900 à 1914, Association culturelle, archéologique et paléontologique de l’Ouest Biterrois, Béziers, Atelier Graphique Société ISOC, 2003, pp. 65-75.
48 Rapport de gendarmerie, 7 décembre 1904, A.D. Hérault 10 M 277.
49 Tribunal première instance de Saint-Pons, A.D. Hérault 3 U4 407, audience du 20 juin 1905.
50 Rapport de gendarmerie, 19 décembre 1904, A.D. Hérault 10 M 277.
51 Rapport du Commissaire spécial au Préfet de l’Hérault, 1er novembre 1906 (A.D. Hérault 10 M 280).
52 A.D. Aude, 15 M 126, dossiers H et I.
53 A.D. Aude, 15 M 126, dossier H.
54 Ministère du Travail, Direction du Travail, Statistique des grèves et des recours à la conciliation et à l’arbitrage survenus pendant l’année 1912, grève n° 27, pp. 12-15.
55 L’express du Midi, 15 février 1904 (A.D. Aude 15 M 127).
56 Rapport de gendarmerie, 19 décembre 1904, A.D. Hérault 10 M 277
57 Cité par Frader (Laura), op cit, 2007, d’après FTAM, Compte-rendu du IIIe congrès de la FTAM à Perpignan, les 13-16 août 1905, Perpignan, Imprimerie Librairie D. Muller, 1906, pp. 49-50.
58 Cité par Prévost (Gabriel-Ellen), « Le congrès des travailleurs agricoles du Midi », La revue socialiste, 1905, p. 365.
59 Sur la place des femmes dans le syndicalisme d’avant la première guerre mondiale, cf. Guilbert (Madeleine), « La présence des femmes dans les professions et ses incidences sur l’action syndicale avant 1914 », Le Mouvement social, n° 65, octobre-décembre 1968, pp. 125-141.
60 Frader (Laura L.), op. cit., 1978, p. 36.
61 Frader (Laura L.), « La femme et la famille dans les luttes viticoles de l’Aude : Coursan, 1903-1913 », Sociologie du Sud-Est, n° 21, juillet-octobre 1979, p. 50.
62 Rapports de gendarmerie, 8, 9 et 22 décembre 1904, A.D. Hérault 10 M 277.
63 La Dépêche de Toulouse, 5 février 1904.
64 La Dépêche de Toulouse, 31 octobre 1904.
65 Reproduit in Pech (Monique), Pech (Rémy), « Les internationales vigneronnes autour de 1907 », in Cadé (Michel) (dir.), L’histoire à travers champs. Mélanges offerts à Jean Sagnes, Presses Universitaires de Perpignan, 2002, p. 339.
66 Sagnes (Jean), Le mouvement ouvrier du Languedoc. Syndicalistes et socialistes de l’Hérault de la fondation des Bourses du Travail à la naissance du parti communiste, Toulouse, Privat, 1980, p. 118.
67 La Dépêche de Toulouse, 8 avril 1905 (A.D. Hérault 10 M 279).
68 Le Publicateur de Béziers, 9 avril 1905 (A.D. Hérault 10 M 279).
69 Le Publicateur de Béziers, 14 avril 1905 (A.D. Hérault 10 M 279).
70 La Dépêche de Toulouse, 15 avril 1905 (A.D. Hérault 10 M 279).
71 Le Petit Méridional, 8 avril 1905 (A.D. Hérault 10 M 279).
72 A.D. Hérault 3 U4 407, Tribunal première instance de Saint-Pons, audience du 13 juin 1905.
73 A.D. Hérault 3 U4 407, Tribunal première instance de Saint-Pons, audience du 1er août 1905.
74 Sont couvertes par l’amnistie les infractions commises antérieurement au dépôt du projet de loi, soit le 27 juin 1905 (Journal Officiel, 3 novembre 1905).
75 A.D. Hérault, Tribunal correctionnel de Saint-Pons, 3 U4 408, jugement n° 212 du 27 octobre 1906, confirmé en appel le 22 novembre 1906, jugements, 213, 214, 244, 245, 246, 247 et 248.
76 Combat Social, n° 363, 12 mars 1904 (A.D. Hérault 10 M 273).
77 « Les grèves agricoles du Midi. Débat », La Reforme sociale, 16 juin 1905, pp. 935- 936.
78 Commissaire spécial de Montpellier à Cruzy, A.D. Hérault, 10 M 280.
79 Masquet (Robert), Liste des participants de la commune de Roquefort-des-Corbières à la manifestation du 5 mai 1907 à Narbonne, document dactylographié, s.d., 24 p.
80 Cf notamment reproduction de la version à 21 femmes in Fontvieille (Jean-Roger), Paure Miejour pauvre Midi. La révolte des vignerons 1907-1977, Editions de la Courtille, 1977, pp. 30-31 ; in Sagnes (Jean), Pech (Monique et Rémy), op. cit., p. 126 et in Piniès (Jean-Pierre), 1907. L’album de la mémoire, Carcassonne, Garae, Hésiode, 2007, n. p. La version à six femmes est reproduite in Piniès, op. cit, et in Archives départementales de l’Aude, Vignerons en révolte. 1907 dans l’Aude, Carcassonne, Conseil Général, 2007, p. 84.
81 Reproduit in Ferré (Georges), 1907 La guerre du vin, Toulouse, Loubatières, 1997, cahier iconographique.
82 Sagnes (Jean), Pech (Monique et Rémy), op. cit., p. 161.
83 Sur Cécile Bourrel, cf notice biographique par Rémy Pech in Cazals (Rémy), Fabre (Daniel) (dir.), Les Audois. Dictionnaire biographique, 1990, p. 76-77.
84 Sur cette fusillade, les obsèques des victimes et leur répercussion au niveau national, cf notamment Sagnes (Jean), Pech (Monique et Rémy), 1907 en Languedoc et en Roussillon, Montpellier, Espace Sud Editions, 1997, pp. 177-181 ; Archives départementales de l’Aude, Vignerons en révolte. 1907 dans l’Aude, Carcassonne, Conseil Général, 2007, pp. 173-187 et Sagnes (Jean), Seguéla (Jean-Claude), La révolte du Midi de A à Z, Béziers, Editions Aldacom, 2007, pp. 102-103.
85 Le Tocsin, n° 21. Cet article de Louis Blanc a d’abord paru dans Le Petit Méridional du 25 août 1907.
86 Décret n° 50-1264 du 9 octobre 1950 (J.O. du 10 octobre 1950).
87 Amiel (Christiane), Charuty (Giordana), Fabre-Vassas (Claudine), Jours de vigne. Des femmes du pays viticole racontent le travail, Villelongue-d’Aude, Atelier du Gué, 1981, 142 p.
Auteur
Chargé de recherche au CNRS, LAMETA/Université Montpellier I
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