Allocution de M. le Doyen de la Faculté des Lettres et Sciences humaines
p. 11-12
Texte intégral
1Mesdames, Messieurs, Chers Collègues,
2À vous toutes, à vous tous, je souhaite la bienvenue, en m’émerveillant des longs chemins que vous avez parfois parcourus jusqu’à Perpignan, qui n’est pas vraiment ce que Rome fut à la Méditerranée antique. Certes, un peintre, et pas des moindres, la proclama centre du monde, mais la décrétale d’un pape surréaliste n’a pas fait de notre ville une cité delphique ; nul omphalos ne vient ici confirmer l’assertion dalinienne. Le Canigou, que d’aucuns appellent la sainte montagne, n’est pas, à l’évidence, les Phédriades. Enfin, nous n’avons pas en Roussillon de Pythie présentable. C’est pourquoi je vous remercie tous, malgré ces inconvénients, d’être venus jusqu’à nous.
3Je suis, chez les géographes, méditerranéiste ; que le VECT, Équipe de recherches de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Perpignan, organise un colloque international consacré aux rythmes et aux lumières de la Méditerranée m’est donc une très grande satisfaction. Cet intitulé, cependant, me paraît présenter des plages de pénombre.
4Le sens de rythmes et lumières est partiellement accessible au Béotien que je suis.
5Les rythmes sont d’abord ceux de la physis, du cours pythagoricien des planètes qui cadencent un temps inflexible : ils se révèlent dans l’orbe du soleil qui remodèle à chaque instant le Parthénon de Phidias, parce que la lumière seule est le sculpteur de toutes choses. Ils sont ensuite ceux de l’alternance saisonnière qui a défini les travaux et les jours d’Hésiode. Nous les trouvons enfin dans les bruits et les chants qui accompagnent le labeur des hommes.
6Le concept pluriel de lumières, quoique indéfectiblement lié aux rythmes, est déjà plus difficile à cerner. Bien sûr, elles sont l’éclairage qui fait vibrer les paysages de Cézanne, et qui oblige, comme le disait Bonnard, « à hausser le ton » ; mais pouvons-nous, en vérité, les réduire à cela ? Ces lumières sont aussi celles de l’esprit. Je ne néglige certes pas la superstition des anciens Grecs, mais je connais aussi la clarté de leur rationalisme philosophique. Il a largement débordé le berceau égéen, et rayonné sur les ondes glauques des mers celtes chères à Renan, comme sur les grèves éclatantes de la Caraïbe d’Alejo Carpentier.
7Voilà pour les rythmes et les lumières. Mais que ferez-vous de la Méditerranée ?
8Sera-t-elle, dans ce colloque, le fond du tableau, comme elle l’est très souvent chez les peintres ? Bien peu d’entre eux – Courbet peut-être, Van Gogh sans doute, qui comparait sa couleur à celle du dos des maquereaux – l’ont considérée pour elle-même. Sera-t-elle réduite à ses rives, dont l’unité physionomique et fonctionnelle reste d’ailleurs à prouver, puisqu’il y a bien loin de la Rue des Bons-Enfants, à Marseille, au Rivage des Syrtes ? Est-elle le cadre, ou, au contraire, l’acteur de vos enquêtes, comme le suggérait Fernand Braudel, que nous honorons particulièrement à Perpignan ? Les rythmes et les lumières sont partout ; peuvent-ils être spécifiquement méditerranéens ? Je n’en suis pas très sûr...
9La Méditerranée des historiens et des géographes est un topos, éclaté sans doute, mais objectif ; je me demande si la vôtre n’est pas une utopie, ou la matérialisation exaltée d’un rêve d’absolu. Je pense que cette savante assemblée, par ses débats, saura m’éclairer et apporter des réponses à ces interrogations posées en grands à-plats.
10Au nom de toute la Faculté des Lettres et Sciences Humaines, je vous souhaite de fructueux échanges et un agréable colloque.
Auteur
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