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La persistance du Midi blanc

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Philippe Secondy

Deuxième partie. Une nébuleuse partisane initiée par « Monseigneur de Montpellier »

Chapitre 2 : La modernisation des structures monarchistes

Texte intégral

  • 1 Cette citation nous est donnée dans L’Éclair du 17 septembre 1883.
  • 2 Nous partageons le diagnostic donné par Michel Denis à propos de la Mayenne. Voir Michel Denis, Le (...)

1Après le vote des lois constitutionnelles installant la Troisième République, le comte de Chambord affiche une grande fermeté vis-à-vis de la forme partisane. Dans une lettre envoyée au parlementaire héraultais Théophile de Rodez-Bénavent, il refuse de cautionner l’éventuelle création d’un parti politique soutenant sa bannière : « Vous savez, écrit-il, que je ne suis point un parti, et que je ne veux pas revenir pour régner par un parti ; j’ai besoin de tous et tous ont besoin de moi »1. En matière d’organisations, les notables se contentent alors d’entretenir quelques groupes communaux dispersés sur des « terres de fidélité » et rattachés à une structure départementale. Au-dessus de celle-ci, le comité central basé à Paris se charge de transmettre les directives générales. Il le fait parfois en dépêchant des « conférenciers » ayant pour mission d’entretenir la foi monarchiste. Ces coteries sont frappées d’un « engourdissement »2 partisan.

  • 3 Philippe du Puy de Clinchamps, Le royalisme, Paris, PUF, 1967, p. 60.
  • 4 Comte de Paris, Une liberté nécessaire, le droit d’association, Paris, Calmann-Lévy, 1894.
  • 5 Très peu d’études concernent la Jeunesse royaliste. Son rôle est évoqué par Bertrand Joly dans « L (...)
  • 6 Bertrand Joly, « Les antidreyfusards avant Dreyfus », Revue d’histoire moderne et contemporaine, n (...)

2Au moment où l’affermissement des partis républicains se fait jour, une inflexion importante concerne la Maison de France. Peu de temps avant sa disparition, Philippe VII, surnommé « le Roi des notables »3, désavoue la ligne privilégiée par son prédécesseur en prenant publiquement position pour le droit d’association4. Il donne ainsi son aval à l’émergence d’un organisme aux traits partisans prononcés, soutenu par son successeur : la Jeunesse royaliste. Au niveau de l’encadrement, elle impulse un « effort obscur et ignoré »5, par l’intermédiaire de militants très jeunes qui voudront rapidement tirer profit des « fièvres » nationalistes et antisémites pour renverser le régime6. L’Action française puisera largement dans le travail de terrain effectué par ce noyau d’entrepreneurs politiques, disposé à profiter des conditions offertes par le jeu démocratique.

Tentative de genèse partisane : la Jeunesse royaliste7

  • 7 Nous avons déjà publié un article approfondi sur cette expérience politique méconnue. Voir Philipp (...)
  • 8 Royaliste notoire, Roger Lambelin a publié plusieurs livres antisémites (voir par exemple Le péril (...)
  • 9 François Callais, ibidem.
  • 10 François Callais, ibidem.
  • 11 Voir Bertrand Joly, Dictionnaire biographique et géographique du nationalisme français (1880-1900) (...)

3Lancée en 1893 à Paris par Roger Lambelin, un proche d’Édouard Drumont8, elle connaît une extension contrastée dans les zones traditionnelles du royalisme avant de se voir interdire par le gouvernement de « défense républicaine » en janvier 1900. Présente dans un tiers des départements, elle aurait rassemblé environ trente mille adhérents avec un succès plus net dans plusieurs régions comme l’Aquitaine et le Languedoc. Ce qui témoigne d’un début d’emprise territorial prometteur9. Un repérage plus fin au sein de l’observatoire régional permet de discerner une mobilisation exceptionnelle dans les départements du Gard et de l’Hérault10. Elle contraste avec le peu de crédit accordé aux ligues nationalistes nées avec le boulangisme et constituées au moment de l’affaire Dreyfus. Les comités de la ligue des patriotes, par exemple, si dynamiques à Lille, à Lyon ou à Marseille, resteront au stade embryonnaire à Nîmes comme à Montpellier11.

  • 12 L’Éclair, 15 décembre 1895.

4Les premiers signes sérieux prouvant l’existence de la Jeunesse royaliste apparaissent lors du congrès régional de ce nouveau mouvement à Nîmes en décembre 1895. En présence de diverses personnalités nationales (comme le général de Charrette), le député gardois François de Ramel rend un hommage appuyé à ces éclaireurs qui osent tenter l’aventure : « Vous faites un acte noble et digne, en vous déclarant monarchiste, par ces temps d’hypocrisie et de dissimulation. En présence des têtes qui se courbent, des cœurs qui faiblissent, des courages qui s’abandonnent, vous donnez un magnifique exemple en combattant loyalement à visage découvert. Vous êtes la réserve de l’avenir, ceux sur lesquels la France comptera le jour des grandes batailles ». Cette figure historique du royalisme méridional, très proche de Mgr de Cabrières, achève son intervention en prodiguant deux conseils ; « Pénétrez au fond même des masses, faîtes connaître l’esprit de la monarchie (...). Accueillez ceux qui appartiennent à la grande famille conservatrice, ceux qui ont lutté contre le gouvernement républicain et qui, désillusionnés, brisés par des efforts rendus stériles par les artifices plus ou moins honnêtes du jeu des élections, seraient tentés de s’abandonner à la mollesse, de faiblir... Groupez dans une action commune toutes les bonnes volontés, de quelque côté qu’elles viennent ; pas de rivalités parmi nous, il n’y a que des jeunes cœurs et des courages qui se donnent »12 !

5Cet appel du député gardois résume toute la stratégie de ce groupement qui en peu de temps se positionne comme « l’avant-garde du parti royaliste » et nous remémore l’objectif fixé par l’évêque de Montpellier : « l’union en faisceau de toutes les forces conservatrices ». Dans l’Hérault, la Jeunesse royaliste repose sur l’entrain d’un jeune avocat : André Vincent. Il en est le principal animateur malgré son poste de vice-président. Le titre de président, au caractère honorifique, étant confié au marquis Charles de Cadolle. Leur engagement pour élaborer méthodiquement une organisation fiable aura valeur d’exemple à l’échelle du territoire national.

André Vincent : un entrepreneur politique au service du Prétendant

  • 13 Aucune synthèse historique n’évoque ce livre.
  • 14 Docteur en droit, il s’intéresse beaucoup à l’histoire des idées politiques en particulier à Chate (...)
  • 15 Philippe-André Vincent, La vie et l’œuvre d’André Vincent. Préface de Charles Maurras, Montpellier (...)
  • 16 Philippe-André Vincent, op. cit., p. v.

6Les principaux éléments d’informations sur ce porte-drapeau du royalisme émanent d’une biographie ignorée13 écrite par son fils, Philippe-André14, sous le titre générique suivant : La vie et l’œuvre d’André Vincent15. Dans la préface de ce livre, Charles Maurras rend hommage à ce « beau mémorial » qualifié d’« œuvre de vérité objective (...), de monument de biographie publique et privée »16. Cette source captivante est à manier avec précaution car il s’agit en fait d’un excellent exemple de panégyrique. On le présente comme l’homme de la situation, celui qui incarne les valeurs salvatrices et rédemptrices.

  • 17 Dans un entretien accordé par André Roquefeuil, le petit-fils d’André Vincent, le 19 avril 2003, n (...)
  • 18 Philippe-André Vincent, op. cit., p. 18.
  • 19 Philippe-André Vincent, op. cit., p. 21.
  • 20 Ibidem.

7André Vincent, né à Montpellier en 1871, sera durant quarante ans le défenseur de la cause royaliste17. Dès 1895, lors du congrès régional de Nîmes, il prend la parole pour fustiger les conservateurs timorés : « C’est l’erreur des Ralliés de croire qu’un coup de balai suffirait et que, l’édifice une fois nettoyé et habité par eux serait convenable ; la maison est à rebâtir et sur d’autres fondements »18. Son fils le présente comme un « preux chevalier » fondateur en 1895 de la Jeunesse royaliste : « Le voici pour la première aux prises avec ce qui sera sa vie (...). Il entre en lice, visage découvert, poussé par la volonté de vaincre, avec les seules armes de la franchise et d’un ardent amour du vrai »19. Le groupement comprend comme membres actifs des jeunes souhaitant revigorer « la flamme monarchiste qui s’éteignait sous la cendre d’une tradition somnolente ». Leur « impétuosité », rapporte Philippe-André Vincent, effraya « d’honorables montpelliérains qui se croyaient ou se disaient royalistes » ; même si la présence à la tête de la nouvelle structure du marquis Charles de Cadolle avait justement pour but de rassurer les réticents20. Ces deux personnalités vont se révéler des militants très persuasifs. Ils s’attachent dès 1895 à créer de multiples ramifications. Charles de Cadolle, par son renom, encourage les « monarchistes de tradition » à soutenir ce nouveau combat alors qu’André Vincent montre du talent dans le domaine de la propagande. Il est animé par le désir de constituer une organisation ayant une emprise réelle au niveau communal pour mobiliser bien au-delà des seuls notables avec une action continue même en dehors des périodes électorales. Il rejoint les convictions de François de Ramel, l’expérimenté parlementaire gardois, à contre courant de la majorité des partisans de la restauration monarchiste qui n’attachent pas une grande importance aux formes d’encadrement des populations.

  • 21 Philippe-André Vincent, op. cit., p. 23.

8« On le sait dans le peuple André Vincent est celui qui écoute, qui intercède et qui obtient »21, nous fait remarquer son fils. En effet, plusieurs témoignages se recoupent pour indiquer qu’il cultive la familiarité. N’hésitant pas à prêter son appui à toutes les personnes qui le sollicitent, le jeune avocat devient leur confident, connaît leurs affaires familiales, leurs difficultés professionnelles, suit leur parcours, partage leurs fêtes et leurs deuils. André Vincent adopte une stratégie de proximité peu répandue et prend régulièrement la pose en compagnie des « braves gens » :

  • 22 Philippe-André Vincent, op. cit., p. 21-22.

« Une vieille photographie nous montre André Vincent au milieu d’un groupe compact de paysans. Hâlées par le travail de la terre, bravement dressés sur la faux, col impeccable des dimanches, il y a là toutes les têtes, toutes les physionomies possibles, mais la même loyauté, la même franchise est dans les yeux. Oh ! Les braves gens ! À les voir, à les entendre, à sentir battre leur cœur, André Vincent avait compris que la monarchie n’était pas morte »22.

  • 23 Philippe-André Vincent, op. cit., p. 78.
  • 24 Extrait d’une lettre de Charles Maurras publiée en guise de préface au livre de Philippe-André Vin (...)

9Pour toucher les catégories populaires, il sillonne la région et organise d’innombrables réunions. André Vincent se rend aussi bien dans les cercles fermés que dans les lieux de sociabilité quotidienne comme les débits de boissons où l’éloquence de ce « pèlerin » de la cause monarchiste est reconnue et appréciée. Au cours d’une campagne électorale dans les Bouches-du-Rhône en 1906, il suscite même l’admiration des opposants républicains : « À Châteaurenard, debout sur une table de café, il parle ; les adversaires l’écoutent, l’applaudissent. “Quel dommage, disaient-ils, que cet homme ne soit pas des nôtres”. La foule exulte, renchérit Philippe-André Vincent, or “il ne cherchait pas les applaudissements, il les avait forcés ; ce n’était pas lui qui “allait au peuple”, mais ce peuple qui aime la crânerie et la franchise allait à lui” »23. Charles Maurras s’en souvient. Dans une lettre envoyée à ses descendants, il écrit : « Le revoyez-vous aujourd’hui, votre et notre André Vincent se levait dans une assemblée à Arles, à Montpellier, à Roquemartine, l’entendez-vous lancer comme autrefois le grand vocatif familier : “Royalistes de Provence ! Royalistes du Languedoc et de tout le Midi” ! Le revoyez-vous ? Plus haut que sa taille qui était au-dessus de la moyenne, avec ses traits réguliers et fins, dressé comme l’archange par un dernier matin de justice éternelle ! Quel souffle répandrait aujourd’hui cette noble voix sur les vastes ondulations populaires où elle faisait courir tant de foi, tant d’amitié, tant d’espérance »24 !

  • 25 Il s’exprime ainsi par exemple lors d’une réunion publique tenue à Lunel le 12 mars 1900. ADH 1 M (...)
  • 26 Vers la fin du xixe siècle, le Prétendant lui-même s’engage dans ce sens. Une affiche titrée « L’a (...)
  • 27 Les mesures qui « seraient réalisées, le seraient toutes de travers. C’est un plan de travail. Seu (...)
  • 28 Louis Secondy, Pignan au xixe siècle, Mémoire pour le DES d’histoire, Faculté des lettres, Montpel (...)

10Il vise dans ses allocutions les couches sur lesquelles la parole imprimée n’a pas d’impact. Dans toutes les déclarations, il dénonce les loges maçonniques et « le péril juif » qui, affirme-t-il, contrôlent la République parlementaire, régulièrement qualifiée de « pourriture »25. Mais surtout, André Vincent entend porter la parole et les intérêts des « travailleurs »26. Arguant du fait que la République opportuniste puis radicale refuse longtemps aux catégories populaires la législation exigée par leur fragilité économique et sociale, il s’empresse de préciser qu’ailleurs, c’est-à-dire en Allemagne et en Angleterre, la classe ouvrière ou les paysans obtiennent des avantages que la République en France ne leur accordera jamais. Candidat à la députation en 1906, André Vincent prône la limitation de la durée du travail, un salaire minimum, l’extension de la capacité civile des syndicats, la création de conseils permanents de conciliation et d’arbitrage composés par les patrons et les ouvriers... Tout en indiquant à la fin de ses interventions que les réformes sont à peu près irréalisables dans le cadre républicain27. En dehors des périodes électorales, il poursuit inlassablement ce type de discours. Par exemple, à Pignan en 1895, à l’occasion du banquet rituel fêtant les Philippe, le chef de file de cette nouvelle génération d’acteurs politiques cherche à le faire ressentir : « On a dit que le parti royaliste n’était qu’un état-major de salon. C’est là une erreur. Il vit dans les écoles, dans les champs, dans les ateliers et vous en êtes la preuve, vaillants délégués de Mauguio, de Pignan »... Devant un public principalement issu du monde rural, il présente volontiers « le Roi de demain comme le Roi des paysans »28.

  • 29 Selon son fils, « ce journal est son œuvre ».
  • 30 Philippe-André Vincent, op. cit., p. 32.
  • 31 À titre personnel, André Vincent ne sera candidat qu’à une seule reprise en 1906. Par la suite, af (...)

11Ce « professionnel de la parole », chargé au sein de la Jeunesse royaliste des questions de propagande, ne néglige pas pour autant l’écrit. En 1899, il fonde Le Réveil du Midi, organe hebdomadaire royaliste du sud-est29. Entouré de quelques collaborateurs, il en dirige la rédaction, s’occupe de la direction politique et presque de la mise en page. La presse joue un rôle de premier plan dans le façonnement de l’opinion et dans la formation des personnalités politiques locales, si l’on admet l’hypothèse de l’existence d’une division du travail politique qui se met en place progressivement à partir du milieu du xixe siècle. Dans l’utilisation de tous ces moyens d’action politique, André Vincent « était essentiellement persuasif, il ne voulait pas être autre chose »30. Ce « roturier », de la génération du duc d’Orléans, met en œuvre un savoir-faire que l’on retrouvera plus tard, de façon généralisée, dans les entreprises politiques modernes. Il cherche la meilleure combinaison rationnelle des moyens en vue de l’obtention d’un profit maximal. Que ce soit lors de la campagne électorale de 1906 en Arles ou pendant les grandes opérations de propagande en faveur de la doctrine royaliste, André Vincent mélange les modes d’action interactifs (contacts directs...) et unidirectionnels (affichage, presse...). Il tente d’être élu et de mobiliser en faveur de la monarchie par l’élaboration d’une véritable stratégie de communication politique peu suivie d’effets sur le plan électoral31. Elle imprègnera les cadres chargés de la mise en place de la structure capable d’appuyer son combat : la Jeunesse royaliste.

L’échec d’un mouvement d’avant-garde

  • 32 Raymond Huard, La naissance du parti politique..., op. cit., p. 17.
  • 33 L’Éclair, 16 décembre 1895.
  • 34 Les dossiers consultés aux archives nationales abordent peu le rôle de la Jeunesse royaliste dans (...)

12Si, comme le note Raymond Huard, chez les monarchistes « la conception hiérarchisée et notabiliaire de la vie politique entrait en conflit avec l’existence de partis structurés »32, nous pouvons estimer que la naissance de la Jeunesse royaliste entraîne une rupture. En effet, le président du Comité royaliste de Montpellier, Élie Durand, à l’occasion du congrès régional du nouveau groupement, rappelle « la nécessité de l’organisation qui doit préparer la bataille ». Il compte sur la Jeunesse royaliste « pour aider les comités départementaux dans cette tâche (...) »33. Peu d’éléments sont à notre disposition pour éclairer l’implantation, la structuration, et le jeu de la nouvelle force politique. Pour appuyer notre démonstration, nous utiliserons essentiellement deux lettres signées par le marquis Charles de Cadolle et saisies par le commissaire spécial de Montpellier durant des perquisitions en 1899 chez des défenseurs de la cause légitimiste de Cournonterral et Frontignan. Elles peuvent être répertoriées comme des indices qui nous aiderons à entrevoir une réalité complexe et méconnue34.

  • 35 Rapport de police du 13 septembre 1899. ADH 1 M 1117.

13Dans la lettre du 30 janvier 1896, trouvée au domicile de Gabriel Bonnier, le responsable du comité royaliste de Cournonterral, Charles de Cadolle répond à une demande de renseignements à propos de la marche à suivre en vue de la création d’un mouvement de jeunes royalistes. On trouve, joint à cette missive, un exemplaire du règlement du groupe central de la Jeunesse royaliste de Montpellier35. Dès le commencement, le président départemental revient sur l’importance primordiale accordée dorénavant aux notions d’organisation et de discipline : « Vous avez compris la nécessité pour les partisans de la royauté de se grouper et de marcher tous unis pour faire triompher la cause qui nous est chère à tous. Nos adversaires politiques nous ont montré les résultats que l’on peut obtenir avec la discipline et la cohésion ». Une fois que la structure sera bien en place, les jeunes militants de cette nouvelle formation, chargée de seconder le comité central départemental, devront s’atteler à ce qui est considéré par les instances dirigeantes comme une des « principales préoccupations » : la question électorale. Ils vont certes s’attacher à la révision annuelle des listes ou à la surveillance du déroulement des scrutins mais on attend surtout d’eux, un travail spécifique auprès de l’électorat : « Ils devront s’appliquer à bien connaître les électeurs, à les voir, à maintenir les bons dans le droit chemin à réchauffer le zèle des tièdes, à ramener les mauvais pour arriver, le jour du scrutin, à obtenir une majorité royaliste ».

  • 36 Cette nouvelle organisation a permis de simplifier le fonctionnement du mouvement royaliste. Jusqu (...)

14Dans l’Hérault, l’objectif est de mettre en place, pour reprendre les termes du règlement intérieur de la Jeunesse royaliste, « une organisation hiérarchique et forte ». Des structures seront créées dans toutes les localités où cela est possible. Lorsqu’une commune peut fournir une quantité suffisante de jeunes militants, elle a son groupe propre, qui porte dans ce cas, le nom de « groupe municipal ». Si certains villages ne réunissent qu’un nombre d’adhérents trop restreint, le règlement préconise de les rassembler dans des « groupes cantonaux ». Au centre de ce maillage territorial se trouve la section de Montpellier. Les responsables de toutes les organisations communales et cantonales en sont de droit les vice-présidents. Le « groupe central-départemental » transmet aux comités locaux les instructions nationales et leur sert d’intermédiaire auprès du Prétendant36.

15Dans les premiers mois, les consignes apparaissent très strictes. Ne sont admis au sein de cette nouvelle structure, que « les royalistes bon teint. Pas de ralliés, pas de conservateurs dont les opinions ne sont pas franchement et nettement royalistes. Rien que des intransigeants sur le principe royal héréditaire ». Le marquis de Cadolle conseille au responsable du groupe de Cournonterral de faire remplir aux postulants, qui doivent être présentés par deux parrains, un formulaire de demande d’admission. Une enquête discrète sera alors effectuée par le bureau qui entérinera ou rejettera la candidature. La trace écrite tient lieu de garantie : « c’est une arme que vous vous donnez, précise le président départemental, si jamais il venait à tourner casaque ». Les « membres actifs » des Jeunesses monarchistes ont entre dix-huit et quarante-cinq ans. Au-delà, toute personne qui fait une demande appartient à la catégorie des « membres associés ». Ces derniers ont les mêmes prérogatives que les actifs mais ne sont pas éligibles au bureau du groupe. Ces deux sortes de membres, pour intégrer définitivement l’organisation, doivent recevoir le soutien lors d’un scrutin secret du trois quarts des adhérents. Enfin, la Jeunesse royaliste comprend des « membres honoraires ». Ceux-ci ne sont pas astreints à faire une demande d’admission. La qualité avérée de monarchiste suffit. Le bureau est alors autorisé à proposer le titre de « membre honoraire » à toute personne qui, sans distinction d’âge, manifeste son intention d’intégrer cette structure. Ils se contenteront de participer aux réunions extraordinaires, aux fêtes commémoratives. Le règlement de la Jeunesse royaliste de Montpellier, qui sert de modèle aux sections locales en voie de formation, précise qu’un adhérent peut, sous sa responsabilité, amener « en temps ordinaire », dans le local du groupe, des amis, à condition qu’ils répondent de leur opinion royaliste. Une grande méfiance existe à l’égard des invités occasionnels, appelés « étrangers ». Il stipule l’impossibilité pour cette catégorie de se présenter seuls au moment des réunions. S’agissant du fonctionnement général des sections communales, la mise en place de deux commissions au sein du bureau est souhaitée. Une première régit les tâches liées à « l’organisation ». Elle s’occupe des manifestations d’éclat (fêtes, banquets...) et des enquêtes destinées à mieux connaître le profil des nouveaux postulants. La seconde, dite de « propagande », se charge des conférences, des communiqués pour la presse et des contacts avec les autres groupes locaux. Quant au financement de toutes les activités, le bureau départemental laisse la plus grande autonomie d’action aux différents responsables.

16La structuration naissante s’intègre dans une organisation nationale avec à sa tête la Jeunesse royaliste de France. Elle est dirigée par un comité central composé de membres de la Jeunesse royaliste de Paris et de tous les présidents départementaux. Ainsi Charles de Cadolle, chargé de l’organisation, peut comme nous venons de le voir, répondre à des demandes de renseignements à propos de la constitution des groupes communaux. L’incitation à créer des structures demeure un second volet majeur. Il procède de cette façon à Frontignan en 1898. L’intervention est intéressante à noter car, au début de la campagne d’implantation locale des Jeunesses monarchistes en 1896, le marquis de Cadolle se voulait beaucoup plus autoritaire sur la forme de structuration préconisée. Les « royalistes dévoués » étaient invités à calquer leur règlement intérieur sur celui du groupe de Montpellier. Les mots d’ordre de « discipline et de cohésion » revenaient sans cesse. Deux ans plus tard, si le président départemental se montre toujours aussi pressant, il veut laisser une plus grande autonomie aux responsables locaux :

  • 37 Cette lettre a été saisie par le commissaire spécial de Montpellier le 16 septembre 1899 au châtea (...)

« Désirant vivement que l’organisation de la Jeunesse royaliste se fasse le plus promptement possible dans tout notre département de l’Hérault et connaissant votre dévouement à la cause de la monarchie légitime que nous servons ; je viens au nom du groupe central départemental de la Jeunesse royaliste de Montpellier, vous demander de vouloir bien prendre l’initiative de la formation d’un groupe de Jeunes royalistes à Frontignan. Je crois que dans votre commune existent des éléments royalistes suffisants pour que cette formation soit possible. La meilleure manière d’opérer et celle qui est ordinairement employée, consiste à ce qu’un ou plusieurs royalistes dévoués prennent l’initiative du mouvement et réunissent un certain nombre de royalistes dévoués qui deviennent le noyau du futur groupe. Dès que ce noyau est suffisant, il déclare ce groupe de Jeunesse royaliste constitué, élabore son règlement et nomme son bureau, c’est de cette manière que la plupart de nos groupes se sont constitués. Je vous indique cette manière d’opérer tout en vous disant que, si vous en connaissez une meilleure, vous pouvez entièrement l’adopter. J’ose espérer que vous voudrez bien entrer dans nos vues et nous serions bien heureux de vous (illisible) un groupe de plus dans le département. Je vous adresse ci-jointe une copie de notre règlement du groupe de Montpellier à titre de document. Chaque groupe reste libre de faire son règlement propre, mais je vous serais reconnaissant, votre règlement une fois voté de bien vouloir m’en adresser un double, car tous les groupes des Jeunesses royalistes reconnus étant solidaires les uns des autres et une sorte de hiérarchie existant, il est nécessaire que tous les règlements du groupe soient faits dans un esprit identique (...) »37.

  • 38 Citation de Charles de Cadolle.

17Désormais, il se contente de suggérer une « manière d’opérer » en ne voulant rien imposer. Sa seule exigence se résume ainsi : « il est nécessaire que tous les règlements du groupe soient faits dans un esprit identique ». Ces propos contrastent avec la manière assez abrupte utilisée jusqu’ici par ce dirigeant. Ce qui dénote un changement de stratégie. La priorité absolue des monarchistes, c’est-à-dire « la propagande à outrance (pour faire) entrer l’idée de royauté dans l’esprit des masses »38 marque le pas à la fin de siècle. On peut épiloguer longtemps sur les difficultés pour parvenir à un maillage général. Une se détache à la lecture de la lettre envoyée à Frontignan par de Cadolle. Elle tend à démontrer que les directives assez strictes données depuis 1895 ont été mal acceptées par des notables locaux soucieux de leur indépendance et hostiles aux carcans organisationnels. Jusqu’à la dissolution des Jeunesses monarchistes, Charles de Cadolle et André Vincent tenteront de convaincre ces irréductibles.

  • 39 Philippe-André Vincent, op. cit., p. 28.
  • 40 À cette occasion, une délégation héraultaise se rendit en Italie pour transmettre au Prétendant l’ (...)
  • 41 Rapport de police du 17 septembre 1899, ADH 1 M 1117.
  • 42 Cette expression est empruntée à André Vincent.
  • 43 Les sources peu nombreuses ne nous permettent pas d’être plus précis. Dans toutes ces communes, il (...)
  • 44 Il fait ce constat durant la réunion mensuelle des royalistes montpelliérains, le 18 octobre 1897. (...)
  • 45 Nous n’avons pas plus de précisions. Cette information est donnée par le commissaire spécial dans (...)

18À la veille des années 1900, les passions se cristallisent et la rue devient le nouveau terrain d’action privilégié des royalistes. « La France est lasse du régime »39 écrit alors André Vincent. Les partisans de la royauté pensent enfin tenir leur revanche. Les Jeunesses royalistes avaient des complicités dans la ligue des patriotes et dans celle des antisémites. Le duc d’Orléans allait et venait le long de la frontière, en février il était à San Remo40... Profitant de la situation, les deux entrepreneurs politiques du département reprennent leur cheval de bataille dans une lettre ouverte, distribuée trois mois avant le congrès national de leur mouvement qui doit se dérouler dans le chef-lieu de l’Hérault en avril 1899 : « la Jeunesse royaliste de Montpellier adresse un pressant appel aux royalistes qui comprennent la nécessité et l’urgence d’une organisation sérieuse et efficace de la Fédération de la Jeunesse royaliste, que l’on a appelé, à juste titre, l’Avant-Garde du parti royaliste. Car, aux jours prochains de crise et de révolution, la “victoire, comme l’a dit un de nos adversaires, restera au parti le mieux organisé” »41. Cet appel constitue un nouveau signe de la volonté de poursuivre la structuration, en dépit du scepticisme des hobereaux favorables à « l’honorable modération »42. Les efforts des responsables languedociens illustrent parfaitement un dynamisme hors du commun. À la fin de 1899, les groupes de la Jeunesse royaliste se situent pour l’essentiel dans l’arrondissement de Montpellier et sur le littoral. On dénombre une quarantaine de points d’ancrage apparents43 ; ce qui nous donne un indicateur intéressant de l’accueil favorable réservé aux apôtres de cette doctrine politique dans les campagnes. Pour mieux l’apprécier, d’autres traces subsistent. André Vincent constate que Le Réveil du Midi se vend mieux à Cournonterral et dans les petites localités qu’à Montpellier44. Les services de police notent par ailleurs que le nombre des adhérents a triplé entre fin 1895 et 189845.

  • 46 Le comte Jules de Bernis eut une carrière parlementaire tumultueuse. Il se fit remarquer en partic (...)
  • 47 L’Éclair, 17 avril 1899.
  • 48 Ibidem.

19Cet entrain sera salué tout au long du congrès national de Montpellier. Ainsi, le député du Gard, Jules de Bernis46 s’exprime en ces termes : « Je salue avec force cette Jeunesse royaliste reconstituée. Il est certain que, depuis quelques années, le parti royaliste s’était un peu trop laissé hypnotiser par une politique d’expectative »47. À la fin de la manifestation, Eugène Godefroy, le président de la Jeunesse royaliste de Paris, devant un parterre de huit cents militants, n’hésite pas à considérer le « laboratoire héraultais » comme un modèle à suivre par tous les délégués des autres régions : « Vous avez fait, Messieurs les membres de la Jeunesse royaliste de Montpellier, grâce à ceux qui sont à votre tête et aussi grâce à vous, une grande œuvre. Je ne souhaite qu’une chose, c’est que dans tous les départements de France, on fasse non pas mieux, mais aussi bien »48.

  • 49 Michel Offerlé, Les partis politiques, Paris, PUF, 1991, p. 19.
  • 50 Ils sont caractérisés par « une continuité dans l’organisation, c’est-à-dire une organisation dont (...)
  • 51 Préface de Charles Maurras au livre de Philippe-André Vincent, op. cit., p. ix-x.

20L’avant-gardisme des « impétueux » militants n’a pas abouti à l’éclosion d’un « parti royaliste moderne » profondément installé au cœur du xxe siècle au même titre que la SFIO ou le parti radical. Cependant, les efforts des entrepreneurs locaux dessinent des pistes de réflexion qui correspondent quasiment aux critères classiques très « restrictifs »49 exigés par Joseph La Palombara et Myron Weiner pour appartenir à la catégorie des « partis politiques modernes »50. L’absence de durée est l’obstacle primordial qui empêche ce rattachement. Elle a par ailleurs freiné les ambitions électorales affichées lors de la campagne de légitimation du mouvement. À l’exception de l’élément temporel, les autres critères (l’organisation visible, la volonté de conquête du pouvoir, le souci d’encadrement militant et de soutien populaire) font partie des mots d’ordre permanents délivrés par André Vincent et ses émules. Les jeunes royalistes réchauffent l’ardeur d’un courant politique quelque peu paralysé depuis deux décennies. La brusque reprise de la marche en avant des idées monarchistes s’accélère avec le développement de l’Action française. Elle s’inspire des avant-gardistes de la Jeunesse royaliste et mettra en ordre de marche un mouvement « révolutionnaire », dans le but de « conquérir des troupes combattantes, propagandistes (...) » et ainsi faire « trembler Marianne »51.

Une organisation hybride : l’Action française

  • 52 François Callais présente ainsi les derniers jours de la Jeunesse royaliste : « Dénoncée comme res (...)
  • 53 AN F7 12462 : Perquisitions dans les milieux royalistes (5 septembre 1899) ; F7 12853 : Poursuites (...)
  • 54 ADH 1 M 1112.

21À la suite des troubles occasionnés par les ligues dans les dernières années du xixe siècle, le gouvernement de Waldeck-Rousseau ordonne leur dissolution et l’arrestation des principaux animateurs52. À Montpellier et dans son arrondissement, les perquisitions se multiplient dans les milieux monarchistes53. Le procureur de la République estime que la Jeunesse royaliste est une « association illicite » œuvrant pour le renversement de la République, ce qui justifie son interdiction prononcée le 4 janvier 1900. La décision suscite des rassemblements de protestation au cœur desquels la haine nationaliste se déchaîne. Le 12 mars à Lunel, Charles de Cadolle, frappé deux fois par les tribunaux de Paris et de Montpellier de condamnations correctionnelles, demande à l’assemblée la poursuite de la mobilisation, pour clame-t-il, « soutenir la cause de la justice et de la monarchie contre l’impudence de nos gouvernants actuels qui ne sont eux que les esclaves de la juiverie et de la franc-maçonnerie ». André Vincent, qui lui succède à la tribune, poursuit dans ce sens : « Puisque nous sommes réunis ici et écœurés du système actuel, entendons-nous et serrons les rangs. Puisqu’on nous a défendu le droit d’association, réunissons-nous par petits groupes pour pouvoir, au jour de la grande bataille, nous retrouver tous autour de Philippe VIII, notre cher duc (...) »54.

  • 55 La Dépêche, 1er février 1900.
  • 56 ADH 1 M 1112.

22Ces appels, réitérés au cours des nombreuses manifestations contre les sanctions gouvernementales, ne sont pas restés sans réponse. Même la presse radicale s’en inquiète : « la condamnation prononcée contre les présidents des groupes royalistes et la dissolution de ces mêmes groupes ordonnée par le tribunal correctionnel n’aura rien changé à la situation des royalistes qui s’entendent à merveille pour continuer en cachette leur active propagande. Aux républicains de veiller ! Pour eux, la nécessité de s’unir est impérieuse, car bientôt les royalistes “bon teint” marcheront au combat groupés et unis à tous les autres ennemis de la République : nationalistes et antisémites »55. Le préfet, dans une lettre envoyée au procureur de la République le 20 mars 1900, partage le point de vue. Il a même un pressentiment qui annonce l’Action française : « je crains que le procès subi par la Jeunesse royaliste n’ait aucunement brisé l’agitation royaliste et qu’elle ne renaisse sous une autre forme »56.

  • 57 Sur cette distinction, voir Eugen Weber, L’Action française, Paris, Fayard, 1985 (1ère Éd. 1962).
  • 58 Un article de L’Action française du 1er août 1903, intitulé « Dictateur et Roi », présente sa stra (...)
  • 59 AN F7 12862-18623 : Action française (1899-1911). Notes de police. Renseignements divers dactylogr (...)
  • 60 Raymond Huard, op. cit., p. 263.
  • 61 On la présente comme « un vaste bloc de pression idéologique reposant sur un étonnant mélange d’ar (...)

23Sur bien des aspects, le néo-royalisme de l’Action française se distingue de celui des descendants des Bourbons57. On est tout d’abord frappé par son caractère « quasi-révolutionnaire ». Pour Charles Maurras, l’ultime recours de la restauration nationale réside dans le coup d’État58. L’implantation d’une organisation très hiérarchisée doit faciliter cet objectif le moment venu. L’Action française ne peut cependant pas être assimilée à un parti politique classique car rapidement elle n’affiche pas un attrait absolu pour les compétitions électorales59. Se rapprochant davantage d’une ligue par son envie de combattre violemment le régime républicain, elle s’en éloigne par sa volonté de mettre en place des cercles de réflexions politiques. Autour de cette forme politique nouvelle gravite, outre la revue qui se transforme en quotidien dès 1908, plusieurs satellites : un Institut, le cercle Fustel de Coulanges, l’Union des corporations françaises, les Dames et Jeunes filles d’Action françaises, l’Association Sully (royalistes de confession protestante) et les Camelots du Roi. Véritable structure hybride60, ni vraiment ligue, ni vraiment parti61, cette « autre forme » d’organisation, pour reprendre l’expression du préfet, se manifeste au début des années 1900 dans la région. Elle entend légitimer la royauté grâce à l’appui des relais habituels de ce milieu politique et propose une nouvelle manière de concevoir l’action dans le droit-fil des luttes préconisées par l’évêque de Montpellier, en particulier à l’époque de Léon XIII. La condamnation des principes maurrassiens par le Vatican en 1926 fera ressurgir la référence à cette période, puisque les « monarchistes de raison » la comparent à un « second Ralliement ».

Le rôle structurant des réseaux traditionnels

  • 62 Rapport du commissaire spécial Eymery sur l’action royaliste dans l’arrondissement de Montpellier (...)
  • 63 Ce renouveau de l’agitation royaliste peut s’expliquer par une conjoncture économique et politique (...)
  • 64 Gérard Gaudin, Le royalisme dans les Bouches-du-Rhône, 1876-1927. De la fidélité à l’idéologie. Co (...)
  • 65 Sur le rôle de L’Éclair dans la pénétration de l’Action française, voir Mireille Cellier, L’Action (...)
  • 66 L’Éclair, 27 janvier et 24 avril 1907.

24En janvier 1905, les rapports de police signalent une série de conférences données par les figures du comité royaliste départemental62. Leur objectif est clairement énoncé : « (Notre but est de) raviver la foi royaliste dans l’Hérault (...) et de recruter le plus d’adhérents à “la ligue d’Action française” en vue des élections sénatoriales et surtout législatives de 1906 »63. Dans ce département, comme dans le Midi provençal64, l’Action française pousse sur l’emplacement du vieux légitimisme et le revivifie. Le journal L’Éclair se met au service des maurrassiens65. Il accueille d’autant plus favorablement l’Action française qu’il la voit défendre les libertés religieuses, en particulier pendant la bataille des Inventaires. Alexandre de Vichet devient un fervent défenseur du « nationalisme intégral » : « les membres de l’Action française sont les nouveaux bénédictins de cette société laïcisée et, patiemment par les méthodes les plus scientifiques, ils dressent le formulaire qui nous apprend dans quelles conditions doit être reconstituée la France pour échapper à la mort et se reprendre à vivre comme autrefois (...). L’Éclair ne doit pas rester inactif, exhorte son directeur, il doit répandre la vérité, arracher à l’erreur révolutionnaire les intelligences de nos contemporains et entraîner leur adhésion aux idées que l’Action française propage »66.

  • 67 Voir Marcel Bruyère, Le Cardinal de Cabrières, Paris, Éd. du Cèdre, 1956, p. 294 et L’Éclair, 3 ju (...)
  • 68 Rapport sur la situation nationale de l’Action française (18 mai 1927). AN F7 13194.

25La position ouvertement favorable de Monseigneur de Cabrières encourage L’Éclair. Profitant d’un séjour à Paris en juin 1906, il se rend à l’Institut d’Action française et à la fin d’un cours consacré aux doctrines de la théorie catholique déclare sans ambages : « Je suis très Action française. Je le suis parce que je suis vieux, que vous êtes jeunes et que j’ai un dépôt à transmettre ; ce dépôt c’est la tradition. Or la tradition est glorifiée à l’Action française et, cette tradition, vous voulez la transmettre à l’avenir car l’Action française ne s’occupe pas seulement du passé, elle prépare l’avenir, et c’est même pourquoi elle s’appelle action. Elle connaît la nation et veut la féconder, la remettre à son rang »67. À la veille de la Grande Guerre, il se présente toujours comme un de ses principaux protecteurs en intervenant directement auprès du pape dans un contexte où les critiques à l’égard du « nationalisme intégral » pleuvent. Un rapport de police de 1927, retrouvé aux Archives nationales, l’atteste. « L’Action française vient d’être mise à l’index par le pape (fin 1926). Déjà en 1913, elle avait failli encourir les foudres de Rome. Le pape sollicité alors par les représentants de l’Action libérale et désireux aussi de tenter un rapprochement avec le gouvernement français, avait résolu de condamner les doctrines et les méthodes de l’Action française. Et cette condamnation aurait pu être mortelle, mais l’Action française l’évita grâce aux démarches du cardinal de Lyon, Mgr Sevin, et du cardinal de Montpellier, Mgr de Cabrières, et de quelques religieux notamment du moine bénédictin Dom Besse »68, notent les autorités de l’époque.

  • 69 Guy Laurans, op. cit., p. 150-151.
  • 70 Voir le rapport de police d’avril 1907. ADH 1 M 1113.
  • 71 Il fait cette précision car dans un article de L’Éclair (27 avril 1907) présentant la section d’Ac (...)

26Dans son diocèse, le prélat joue un rôle considérable dans l’acceptation des doctrines maurrassiennes par les royalistes attachés à la tradition et par une partie des milieux catholiques, plus spécifiquement ceux présents au sein du tissu associatif. Les anciennes structures, bastion des notables légitimistes, ne restent pas indifférentes. Guy Laurans indique à propos des confréries de Pénitents qu’elles entretiennent des relations « à la fois évidentes et discrètes »69 avec l’Action française. Les autres « formes de dévouement » qui s’épanouissent avec le siècle prennent le relais. La configuration politique de Maurras semble dès l’origine faire l’unanimité. Toutes les personnalités monarchistes se retrouvent dans le bureau provisoire et dans le comité d’initiative de la principale section : « le bureau provisoire du groupe d’Action française de Montpellier est composé de : François de Baichis, ancien officier de marine, président d’honneur ; Marius Haour, avocat, président ; Pierre Cazalis, officier de cavalerie démissionnaire, trésorier ; Jean Pillebone et Etienne Gayraud, secrétaires. Le comité d’initiative comprend : Albert Arnavielle, félibre ; Joseph Brunei, avocat ; François Durand ; le baron Charles Fabre de Roussac, le marquis de Forton, Oswald Grasset-Morel ; le comte de Rodez-Bénavent ; Henri de Rodez-Bénavent, conseiller général ; André Vincent, avocat (...) »70. Ce que confirme le rapport du commissaire spécial : « Ce groupe montpelliérain d’Action française n’est qu’une association de royalistes, tous dévoués au duc d’Orléans »71.

  • 72 L’Éclair, 18 août 1902.
  • 73 « Notre Institut sera un générateur permanent de toutes les rectifications nécessaires. Il diriger (...)
  • 74 L’Éclair, 27 avril 1907.

27Afin d’obtenir le changement de régime, un programme d’apprentissage des idées professées par l’Action française voit le jour. Il faut que les Français instruits par les ligueurs puissent ensuite réfléchir et conclure à la monarchie. Charles Maurras expose sa stratégie ainsi dans L’Éclair : « l’important, c’est d’opérer chaque matin et chaque soir, des levées de troupes nouvelles... C’est aux républicains d’aujourd’hui, royalistes de demain, qu’il faut aller, nos livres, nos brochures, nos journaux à la main pour leur proposer le choix entre la France et la République... Si vous désirez passionnément le salut et la grandeur de la nation, séparez-vous de la République et allez au Roi »72. À côtés des vecteurs classiques, chargés de répandre la ligne officielle (la revue, par exemple, qui se transforme en quotidien), se met progressivement en place dès 1905, un service d’action pratique appelé « Ligue d’Action française », avec l’Institut plus spécialement destiné à la formation des jeunes73. Dans le cadre départemental, le relais essentiel de ce groupement politique s’incarne à partir d’avril 1907 dans la section de Montpellier. On justifie ainsi ce choix : « Centre de haute culture intellectuelle, Montpellier est un admirable terrain pour l’étude et le rayonnement des doctrines de l’Action française. Il nous paraît convenir pour la création d’un groupe qui se consacre par un travail méthodique, à apporter de la lumière et de l’ordre dans les esprits souvent obscurcis et dans les actes parfois inconsidérés des hommes de bonne volonté. Nous espérons que ce projet paraîtra digne du zèle de tous les patriotes conscients et qu’ils voudront bien s’associer à nous pour cette œuvre indispensable et pressante d’apaisement et de relèvement national »74.

  • 75 Eugen Weber, op.cit., p. 81-82.
  • 76 Berryer est le nom d’un célèbre avocat légitimiste de la Restauration.
  • 77 Elle appelle les étudiants à la mobilisation en faveur de l’Action française en dénonçant « les mé (...)
  • 78 L’Éclair, 14 novembre 1905.
  • 79 Sur ces affiches, on peut lire : « Ouvriers, catholiques, commerçants... Sachez faire abstraction (...)
  • 80 Ibidem.

28Ainsi les militants de l’Action française sont-ils invités à convaincre des « troupes nouvelles », pour reprendre une expression de Maurras, définies par le vocable vague de « patriotes ». Pour atteindre l’objectif, un « travail méthodique » s’impose. La mobilisation nécessite la création d’une structure capable d’appliquer des méthodes innovantes d’encadrement. La section locale se situe dans un dispositif organisationnel à la fois centralisé et hiérarchisé. Régulièrement lors des congrès nationaux, les délégués des provinces viennent recevoir des instructions décidées à l’avance ; la discussion n’existe guère. Le comité directeur de l’Action française, composé de « permanents », dicte la marche à suivre75. Au cœur du dispositif, la conférence Berryer76 a une place prépondérante. Influente dans l’Université77, elle permet aux étudiants attirés par le néo-royalisme de devenir des propagandistes actifs. Les futures élites s’entraînent aux joutes oratoires pendant des séminaires hebdomadaires organisés sur des thèmes historiques, économiques... Très tôt, se met en place « une pépinière de conférenciers chargés de répandre la saine doctrine dans les villes et les campagnes »78. Ils ponctuent leurs actions par le recours à l’affichage massif et à la distribution de tracts. Leurs principales cibles sont les catégories populaires ainsi que les classes moyennes (commerçants et artisans)79. Ce type d’investissement vise à combattre, « l’entreprise d’empoisonnement public de certains faiseurs de manuels ou d’historiens officiels qui vivent de la calomnie du passé »80. Parallèlement au travail sur l’opinion, la section de l’Action française de Montpellier cherche à concilier tous les royalistes. Les ligueurs participent régulièrement aux fêtes traditionnelles, organisent des réunions avec les comités monarchistes communaux, tout en entreprenant une tournée de présentation des particularités du nouveau mouvement.

29On assiste à une véritable floraison de groupes locaux. À la fin de 1910, trente-six sections existent. Vingt-huit se trouvent dans l’arrondissement de Montpellier, sept dans celui de Béziers et une à Lodève. Ces deux secteurs font l’objet d’un effort particulier en matière de propagande par les conférenciers montpelliérains et ainsi l’influence de l’Action française croît sensiblement. En 1914, le Biterrois compte dix-huit groupes communaux et le Lodèvois passe à sept. Par souci de coordination de l’action de toutes ces entités naissantes, une Fédération qui englobe les sections de l’arrondissement de Béziers se crée dès 1911. Le groupe du chef-lieu départemental reçoit les mêmes prérogatives pour le Montpelliérais. Dans le but d’inciter et d’encadrer ces structures, la Fédération d’Action française du sud-est prend en charge l’échelon supérieur. Elle regroupe les sections de dix départements de la région méditerranéenne et des Cévennes. Son siège se situe à Montpellier, ce qui témoigne de l’activisme de ses dirigeants. Son rôle est double : d’une part, faciliter la propagande (elle met à la disposition des militants diverses brochures et diffuse Le Midi royaliste, l’édition régionale du journal L’Action française) ; d’autre part, soutenir les sections ayant des difficultés financières (par exemple, elle peut distribuer gratuitement les documents destinés à accroître l’influence du mouvement ou prendre en charge les frais de déplacements des conférenciers). À l’occasion des congrès de la Fédération, le secrétaire général dresse une carte politique de la région et fait le point sur l’implantation. La direction nationale reçoit un compte-rendu détaillé de chacun des rassemblements.

  • 81 L’Éclair, 11 juin 1909.
  • 82 Dans cette perspective, la section de Pignan crée une troupe. La première représentation sera une (...)
  • 83 L’Éclair, 21 juillet 1912.
  • 84 L’Éclair, 12 janvier 1914.
  • 85 L’Éclair, 14 mai 1914.

30L’armature s’étoffe avec le développement de groupements de soutien, révélateurs d’une emprise grandissante des maurrassiens sur la société locale. Notons l’existence des « Dames et jeunes filles d’Action française » qui parlent « du Prince et de la Princesse que Dieu réserve à la France pour son salut (...) »81. Elles montent des représentations théâtrales ou des concerts afin de recueillir des fonds pour l’action. On assiste même à la naissance d’un « théâtre d’Action française ». Il souhaite promouvoir « le retour et le triomphe de la culture classique et lutter contre l’invasion métèque sur les scènes nationales »82. Entre 1912 et 1914, les néo-royalistes animent des antennes au cœur de certains secteurs professionnels. Les plus en vue sont les sections de commis et employés de commerce83 et le groupement des cheminots d’Action française84. Le groupe central supervise ces nouveaux venus tout en peaufinant la coordination avec les organisations communales. Le rapport direct avec les travailleurs de la terre est une priorité. Tous les mardis, jour du marché où les paysans viennent en masse à Montpellier, l’Action française convie à un repas tous les sympathisants : « ce déjeuner hebdomadaire permet aux ligueurs des campagnes de resserrer les liens qui les unissent à ceux de Montpellier. Tous les amis de l’Action française peuvent ainsi, sans aucune perte de temps, se tenir sans cesse au courant des efforts et des espoirs de nos adhérents »85. Le même jour, sous l’égide de la conférence Berryer, des étudiants renseignent et conseillent les populations soucieuses de former des sections villageoises. On met à leur disposition des tracts à reproduire et à distribuer. Enfin, ils peuvent consulter les derniers numéros des journaux ou des revues monarchistes.

  • 86 Eugen Weber, op. cit., p. 32.
  • 87 Charles Maurras explique cet objectif dans un livre au titre explicite : Si le coup de force est p (...)
  • 88 AN F7 12864 : Camelots du roi (1909-1913). Notes de police, coupures de journaux...
  • 89 « Armées de cannes plombées et de gourdins, les commissaires maintenaient l’ordre dans les réunion (...)
  • 90 L’Éclair, 27 mai 1912.
  • 91 L’Éclair des 27,28 et 29 mai 1912.
  • 92 L’Éclair, 3 juillet 1912.
  • 93 Note du ministre de l’Intérieur du 24 mars 1909. ADH 1 M 1114.
  • 94 Par exemple en juillet 1912 à Montpellier, les Camelots organisent une contre-manifestation pour s (...)
  • 95 Les réunions publiques sont à cette époque très souvent contradictoires. Les orateurs doivent donc (...)
  • 96 Voir Pierre Bimbaum, La « France aux Français ». Histoire des haines nationalistes, Paris, Seuil, (...)

31L’Action française par la densité de ses réseaux cherche à faire naître, pour reprendre les termes de Maurras, « un état d’esprit royaliste »86 condition préalable et indispensable au « coup de force »87 prévu pour restaurer la monarchie. Les élections, quant à elles, n’ont d’intérêt que pour accroître la propagande. Le rouage essentiel de la stratégie de rupture apparaît en 1908 à Paris : il s’agit des Camelots du Roi88. Organisation de jeunes royalistes en charge de la vente de L’Action française, devant la porte des églises, les Camelots s’occupent également de l’agitation dans les Universités ou lors des manifestations républicaines. Pour les encadrer, les responsables de l’Action française nomment des commissaires. « Une sorte d’élite de l’élite » disponible à tous instants, selon Eugen Weber89. À Montpellier, les Camelots du Roi prennent forme en juillet 1911. L’initiative en revient à la direction nationale qui délègue un inspecteur chargé de contrôler les modalités de la la formation. La plupart des Camelots viennent de l’association royaliste et catholique de « L’Espérance ». Ils se lancent, avec les étudiants de la conférence Berryer, dans des tournées pour initier des groupes communaux. À partir de 1912, une Fédération des Camelots du Roi de l’arrondissement de Montpellier, organisée par l’état-major parisien, dirige les actions90. Maxime Réal del Sarte et Lucien Lacour, les animateurs nationaux, font des visites d’inspection dans plusieurs localités du département (Vendargues, Pignan, Fabrègues, Villeneuve-les-Maguelones, Cournonterral, Sète...)91. L’appellation « troupes combattantes », pour désigner les Camelots, n’est pas usurpée car la fédération de l’arrondissement organise des cours de boxe et d’escrime92. Les « anarchistes blancs »93 mettent à profit les entraînements en provoquant la violence durant des manifestations républicaines94. Les conférenciers de l’Action française, choisis minutieusement pour leur talent de débatteurs95, cautionnent et même encouragent le recours à la violence, avec comme ambition de mobiliser « la “vraie France” contre cet État républicain devenu, on en est persuadé, la proie des forces occultes étrangères et cosmopolites »96.

  • 97 Ce qui veut dire : Les chants de l’aube.
  • 98 Dictionnaire biographique de l’Hérault, op. cit., p. 33-35.
  • 99 Voir Albert Arnavielle, Acourdanço, Préface de Roger Ferlet, Paris, Éd. La Vie du Rail, 1963, p. 1
  • 100 Il est né en 1844.
  • 101 Gérard Cholvy, dir., Histoire du diocèse de Montpellier, Paris, Éd. Beauchesne, 1976, p. 282.
  • 102 L’Éclair, 19 avril 1905.
  • 103 Ce qui signifie: « Quelques prières de moins et quelques coups de poings de plus ».

32Une personnalité acquiert une aura exceptionnelle auprès des Camelots héraultais : le félibre Albert Arnavielle. Cet employé des chemins de fer, originaire d’Alès, s’initie à la littérature méridionale en lisant Las Castagnados, publié par le marquis de La Fare-Alais. L’œuvre de Frédéric Mistral sera une autre source d’inspiration primordiale. En 1868, la parution de Lous Cants de l’Aubo97 assure sa notoriété parmi les rénovateurs de la langue d’Oc. Multipliant les écrits poétiques, tout en dirigeant des journaux (La Cigalo d’Or et La Campana de Magalonna), il gravit les échelons du Sacré-Collège du Félibrige en devenant secrétaire de la Maintenance du Languedoc. Fréquemment appelé à se faire entendre dans les rassemblements royalistes, celui que l’on surnomme « l’Arabi » (l’Arabe), à cause de la couleur brune de son visage, est une figure de la culture occitane particulièrement appréciée par le « peuple blanc »98. Charles Maurras admire « sa verve attentive »99. Malgré son âge avancé100, il parcourt inlassablement les villages pour dénoncer une République « qui n’a rien fait pour améliorer la condition des travailleurs »101. Dans des envolées frénétiques, Albert Arnavielle prêche en faveur de l’emploi de la force. « Le meilleur amendement, c’est la matraque »102, aime-t-il répéter. Ces discours se terminent régulièrement par ces mots : « Quauques paters de mens ; quauques cops de poung de mai »103. Cette personnalité incontournable se verra remercier pour sa fougue légendaire par un cadeau emblématique : une « canne d’honneur ». Elle symbolise l’enthousiasme au combat de cet infatigable pèlerin de la cause royale.

  • 104 Nous nous appuierons beaucoup sur un très riche travail consacré à la reconstitution de l’Action f (...)

33La parenthèse du premier conflit mondial gèle la campagne d’implantation dans un département qui dès l’origine concentre beaucoup de ligueurs. La progression ne s’estompe pas après la signature de la paix104. Le noyau montpelliérain se reconstitue entre janvier et avril 1920. Il donne l’exemple aux autres communes. Les sections du littoral, autour de Mèze, sont les premières à refaire surface, suivies l’année suivante par le Biterrois. Dans les secteurs de Pignan et de Castries, autres pôles d’attraction traditionnels, il faut attendre 1923. Parallèlement et de façon plus immédiate, les groupements internes très spécialisés connaissent un renouveau. Dès janvier 1919, les étudiants d’Action française se manifestent. Dans le prolongement de la Conférence Berryer, remplacée par un cercle d’études baptisé en 1922 les Conférences Colbert, ils poursuivent leur apprentissage à travers un programme rigoureux d’études des œuvres fondamentales de la doctrine du « nationalisme intégral » et s’emploient à la propager autour d’eux. L’Éclair signale, parfois plusieurs fois par mois, l’intervention d’orateurs qui viennent faire des conférences sur des sujets très pointus utiles aux propagandistes en herbe :

  • 5 décembre 1919 : « Deux doctrines en présence : bolchevisme et monarchie » (Barrière)
  • 12 décembre 1919 : « Les idées sociales de Le Play » (Barrière)
  • 16 janvier 1920 : « Les idées contre-révolutionnaires de Taine » (Cabrillac)
  • 17 décembre 1920 : « Rousseau et l’anarchie larmoyante » (Vincent)
  • 105 Pour la seule année 1920, Stéphane Cambacédès a recensé quatorze conférences organisées par le cer (...)
  • 106 À cet effet, une bibliothèque ouvre ses portes. Elle accueille aussi bien des étudiants que des li (...)

34Cet échantillon105 illustre la volonté de former très sérieusement une élite capable de « rétablir la vérité politique »106.

  • 107 Voir Philippe Ariès, « La nostalgie du roi », in Essais de mémoire (1943-1983), Paris, Seuil, 1993 (...)
  • 108 Rose-Marie Pradès, La religion populaire dans les campagnes du Bas-Languedoc au xixe siècle, Mémoi (...)

35Une semblable mission est attribuée par des voies détournées au groupe des « Dames et jeunes filles royalistes ». Souvent cantonnées, à l’origine, dans les activités pieuses et artistiques (essentiellement théâtrales), elles participent davantage à l’action politique. Leur prise de responsabilité remonte à la période de la guerre. Pendant que leurs compagnons étaient au front, elles continuent à se mobiliser dans les œuvres diocésaines et entretiennent la ferveur royaliste. La dévotion envers le roi, transmise au sein de la cellule familiale, dépend pour beaucoup, tout comme la persistance de la foi religieuse, des femmes. Elles propagent la nécessaire alliance du trône et de l’autel et toute la « mythologie contre-révolutionnaire »107 par le biais d’objets anodins : des photographies, des bannières fabriquées manuellement dans toutes les paroisses et brandies lors des processions ou au moment de multiples pèlerinages très prisés dans la région108. Les manifestations qu’elles animent contribuent au financement des sections. Enfin, on ne saurait passer sous silence la naissance d’un hebdomadaire (La Gazette de l’Hérault) et la réapparition des Camelots du roi. Ils reprennent leur travail de proximité dès le mois de juin 1919. La vingtaine de sections communales aux environs de Villeneuve-les-Maguelone, Mauguio, Pignan, Fabrègues, Vendargues ne se reforment pas totalement. L’effort de guerre a décapité bon nombre de sections.

  • 109 L’Éclair, 11 mars 1922.
  • 110 Elle comprend pour sa partie Est, les Bouches-du-Rhône, les Hautes et Basses-Alpes, les Alpes-Mari (...)
  • 111 Dans un rapport du 24 novembre 1924, on peut lire : « la ligue d’Action française procède actuelle (...)
  • 112 Stéphane Cambacédès remarque qu’il s’agit de la reproduction en miniature de la commission parisie (...)

36Comme lors des premiers pas, les responsables des instances locales, sous la tutelle d’une direction parisienne très attentive, s’efforcent d’édifier une organisation bien charpentée. Deux fédérations encadrent toutes les sections. La première gère le groupe Montpellier-Lodève sous la présidence d’un propriétaire terrien Rémy de Campeau. La seconde dans le Biterrois est sous la direction du commandant de Portalon. Leur mission consiste à assurer une cohésion entre toutes les sections qui jouissent d’une grande autonomie. Chacune dispose d’un bureau composé d’un vice-président, d’un trésorier et de plusieurs secrétaires nommés par le président. Cet effort organisationnel saillant au début du xxe siècle, dans un champ politique très indiscipliné, s’accentue au moment où le prestige du « nationalisme intégral » resplendit au-delà des frontières extrémistes. Le perfectionnement de l’appareil est une préoccupation majeure109. On institue par exemple en 1922 un secrétariat régional qui doit décharger les services centraux de la ligue, apporter une aide aux militants en quête d’informations et établir une liaison plus étroite entre les sections de la Xème zone110. En 1924, la structure s’améliore encore en prenant modèle sur le Parti communiste français, très mobilisé par ces questions111, avec l’installation d’une commission de propagande divisée en quatre branches pour gérer la permanence, accroître la progression des thèmes de l’Action française dans les milieux ouvriers, ruraux et universitaires112.

  • 113 L’Éclair, 5 mars 1924.
  • 114 L’Éclair, 27 janvier 1920.

37Le contexte est propice à l’organisation de grands rassemblements appelés : « Les journées d’Action Française ». Elles se déroulent en deux temps. Le matin, les questions de propagande et d’organisation concernent davantage les cadres du mouvement ; l’après-midi s’apparente à un grand meeting contradictoire. Elles offrent la possibilité à tous les sympathisants de se retrouver et de se remobiliser en vue des échéances futures113. Douze journées furent organisées entre 1919 et 1926, parmi lesquelles quatre se déroulent dans la localité de Pignan. De même, s’inspirant des « royalistes de tradition » et de leur emprise sur les œuvres sociales, l’Action française encourage la création d’un office du travail114. Ouvert au départ pendant la période des vendanges, il étend ses services par la suite à tous les secteurs d’activités et la permanence devient quotidienne. Toujours dans le domaine social, les Camelots recueillent des vêtements, des chaussures, des dons en espèces afin de les redistribuer aux démunis très nombreux après la « boucherie de 14-18 ».

  • 115 La section de Vendargues reçoit en 1926 pour son inauguration la visite du commandant de Portalon, (...)
  • 116 Stéphane Cambacédès, op. cit., p. 37.
  • 117 Mireille Cellier, ibidem.
  • 118 Selon les sources, le nombre varie. L’Éclair du 13 juin évoque la présence de six cents personnes  (...)
  • 119 Ibidem.
  • 120 Stéphane Cambacédès, op. cit., p. 36 et 217.

38Par son travail en profondeur, l’Action française étend son influence territoriale entre 1919 et 1926. L’Éclair s’empresse de saluer la naissance des nouvelles structures115. Elles s’ajoutent aux antennes créées avant-guerre qui retrouvent une vitalité dans une atmosphère propice. La progression générale touche les secteurs de Ganges, Lunel et Saint-Jean-de-Védas. Elle intéresse pour l’essentiel l’arrondissement de Montpellier, fort peu celui de Lodève et pas du tout celui de Béziers. La reconstruction partisane se traduit par un gonflement significatif du nombre des réunions. De la fin du conflit à la condamnation papale, 382 ont été recensées116, contre seulement 80 entre 1905 et 1914117. L’évaluation numérique des militants se révèle bien plus malaisée. Des indications nous sont données par les congrès départementaux. En 1921, entre quatre et six cents ligueurs assistent à la session plénière118. À celui de 1926, la barre du millier de militants aurait été atteinte119. L’implantation de l’Action française se calque sur les terres traditionnellement fidèles à l’idée royaliste : Montpellier et ses environs, l’Est du département. Les 32 sections recensées en 1926 (24 dans l’arrondissement de Montpellier et de Lodève ; 8 dans le Biterrois) classent l’Hérault en tête des départements si l’on considère le nombre des sections pour l’ensemble de la Xème zone royaliste. Il représente 37,6 % du total des sections de la zone. Ces données illustrent bien la prépondérance de l’Action française car nous nous situons dans le secteur qui a le plus de sections : 18,7 % du total national en ne tenant pas compte des fédérations de la région parisienne120. À la fin de 1928, une estimation de la progression établie à partir du dépouillement de la collection de La Gazette de l’Hérault porte le chiffre à 46.

  • 121 Nous nous basons ici pour l’essentiel sur des données locales. La documentation conservée aux arch (...)

39Au cœur du xxe siècle, la famille royale jouit d’une aura indiscutable121 dans la région, comme en témoigne un rapport de police relatant la visite de la duchesse de Guise, en septembre 1926. Durant son séjour, elle préside à Castries une fête tauromachique donnée dans le parc du château avant de recevoir les sympathisants royalistes. Le fonctionnaire dans son compte-rendu reporte minutieusement une partie de son emploi du temps. Lors de son passage plus de deux mille héraultais munis d’une invitation, donc répertoriés par les instances locales, rencontrent l’épouse du Prétendant, Jean III :

  • « De 14 heures 30 à 15 heures 30 : 510 hommes et 245 femmes représentants le Comité royaliste de l’Hérault, le conseil d’administration de L ‘Éclair, les délégations des sections d’Action française de l’Hérault et du Comité des Dames et Jeunes filles royalistes.
  • De 15 heures 30 à 16 heures 15 : 368 hommes et 48 femmes représentants les délégations des cantons et arrondissements de Béziers-Saint-Pons.
  • De 16 heures 15 à 17 heures 15 : 447 hommes et 123 femmes représentants les délégations des cantons et arrondissements de Montpellier.
  • De 17 heures 15 à 17 heurs 45 : 230 hommes et 52 femmes représentants les délégations des cantons et arrondissements de Lodève »122.
  • 123 Philippe Ariès, op. cit., p. 196.
  • 124 Ce type de manifestation permet de mesurer une ferveur royaliste pas toujours consignée dans les r (...)
  • 125 À propos des festivités données à Castries un témoin, Jean Ramière de Fortanier (avocat, ancien pr (...)

40Certes, tous n’étaient peut-être pas des militants aguerris, mais ce « mélange de curiosité, de vénération et d’affection »123, pour reprendre les mots de Philippe Ariès, montre la survivance d’un sentiment monarchiste dans des milieux sociaux très divers124. La Maison de France tient encore, en cette fin des années 1920, une place à part dans le cœur des foules méridionales qui se pressent pour baiser la main de la duchesse ou lui faire la révérence125. La « nostalgie du roi » dépasse le cercle étroit des ligueurs ou des sympathisants des comités royalistes. Elle touche une population parfois éloignée des subtilités de la politique.

  • 126 Un rapport de police signale l’attitude dubitative de plusieurs militants après une réunion organi (...)

41L’intention réaffirmée et en partie réussie à la fin de la guerre de créer une entreprise politique consistante, basée sur un ancrage territorial effectif, n’arrive cependant pas à drainer la masse des « nostalgiques ». Ils ne se mobilisent que pour des événements spectaculaires : les réunions d’envergure avec une forte personnalité, les célébrations de Jeanne d’Arc ou les hommages aux glorieux disparus et aux valeureux anciens combattants. Beaucoup demeurent interloqués par le verbiage de Maurras. Les convictions professées par le théoricien de l’Action française ont des difficultés à pénétrer certaines couches sociales. La logorrhée maurrassienne nécessite un patient apprentissage et s’oppose radicalement aux discours épiques sous les préaux des écoles, entendus lors des campagnes électorales. Les prestations de Charles Maurras désarçonnent une partie des sympathisants. Lassés, ils pourront parfois s’éloigner de l’appareil126. Cependant, le facteur essentiel qui, sur le moyen terme, porte atteinte aux efforts organisationnels sera la condamnation venue du Vatican.

La lutte contre le « second Ralliement »

  • 127 Porteur d’une image de « royaliste modéré », ce vendéen est hostile aux idées de Maurras. En 1909, (...)
  • 128 Jacques Mayrand, ibidem.

42L’irréligion royaliste motive la réprimande papale. L’Action française, affirme-t-on, confond religion et politique. Elle laisse la seconde prendre le pas sur la première. Entre l’été et l’hiver, plusieurs déclarations préparent le terrain à la condamnation définitive du pape, le 20 décembre 1926. Pie XI interdit aux catholiques de suivre le mouvement de Maurras qui met les intérêts partisans avant ceux de la religion. D’où l’obligation faite aux fidèles de ne plus soutenir l’Action française, de boycotter les écrits de Maurras et de tous les ligueurs. L’attaque brusque ébranle un temps l’Eglise de France. Un vent de contestation se fait entendre avant que le Saint-Siège ne prie les évêques d’obéir à une directive qui frappa en son temps le Sillon pour des motifs identiques. Dans le diocèse de Montpellier, Mgr Mignen, le remplaçant de Mgr de Cabrières, disparu en 1921, approuve la démarche pontificale127. L’infaillibilité pontificale est louée dans une lettre pastorale, publiée le même mois, exhortant les fidèles à suivre la nouvelle direction. L’obligation de signer une rétractation renforce la sévérité du décret papal. Sans l’acceptation de ces formalités, un catholique ne peut se marier à l’Église, communier, avoir des obsèques chrétiennes, appartenir à des œuvres diocésaines... Un prêtre décidant de passer outre et continuant à œuvrer pour la défense de telles idées s’expose à des sanctions plus sévères. Sous son épiscopat, le clergé subit son autorité128.

  • 129 Jean-Jacques Boyer, op. cit., p. 31.
  • 130 Jacques Mayrand, op. cit., p. 63.
  • 131 Jacques Mayrand, op. cit., p. 201.
  • 132 « Son départ fut une excellente chose » explique M. Nussy-Saint-Saëns, un ancien militant de l’Act (...)
  • 133 Archives privées (lettre du 20 mai 1927) citées par Jean-Jacques Boyer, op. cit., p. 35.
  • 134 Outre l’Hérault, elle touche le Gard, l’Aude, les Pyrénées-Orientales, la Lozère et l’Aveyron.
  • 135 Gérard Cholvy, ibidem.
  • 136 La Gazette du Languedoc, 22 janvier 1928.

43Originaire de la Vendée, Mgr Mignen impose une réorganisation et un strict contrôle de la structure ecclésiale. Désirant « faire plier son clergé à une discipline à laquelle les dernières années du cardinal vieillissant ne l’avaient guère préparé »129, il fait preuve d’une détermination peu commune. Trois jours après son installation en novembre 1921, le vicaire général Vernier remarque le changement : « ce n’est plus le même évêché »130 écrit-il. Des œuvres aux centres paroissiaux en passant par l’enseignement, toutes les institutions sous sa responsabilité s’engagent dans la voie des réformes. Malgré la brièveté de son épiscopat (il s’achève en 1931), Mgr Mignen se distingue de son prédécesseur par sa volonté d’adapter l’Église diocésaine aux réalités du monde moderne131. Les efforts du prélat se heurtent tout au long de ces années à la « chape de plomb » qu’incarne le bloc « clérico-réactionnaire »132 incrusté dans les rouages d’un système ecclésial modelé pendant de longues décennies par la forte personnalité de Mgr de Cabrières. De façon continue, l’Action française anime une campagne visant à rejeter la décision du pape et à discréditer l’évêque. Dès les premiers mois de l’année 1927, le prélat doit faire face à un mouvement politique solidement installé, comme nous le rapporte un membre de la Maison internationale de la Mission à Rome. Dans une lettre envoyée à un abbé montpelliérain, nommé Mazet, très proche de la tendance démocrate-chrétienne, il écrit : « Je crois facilement que Monseigneur (Mignen) ne sait pas où donner de la tête en ce moment : la question de l’Action française doit être pour lui une source de soucis sérieux. Peu de diocèses sont attachés à cette cause comme celui de Montpellier et celui de Nîmes (...) »133. La Gazette de l’Hérault, transformée en Gazette du Languedoc en avril 1929 pour combler la demande des départements voisins134, répercute la ligne nationale du mouvement et se situe à la pointe du combat. Elle fustige le prosélytisme de Mgr Mignen et regrette le temps où Mgr de Cabrières se déclarait publiquement en faveur de l’Action française en lui apportant une aide précieuse. Le style de la campagne de presse revêt un ton bien particulier. L’Action française cherche à montrer que le virulent travail de sape de Mgr Mignen s’explique par son impossibilité à comprendre les spécificités locales. Elle ne cesse d’opposer celui qu’elle nomme « cet étranger à notre sol » à Mgr de Cabrières. Le méridional a soulevé l’enthousiasme par sa proximité « naturelle ». Le Vendéen, aux dires de ses contemporains, fait « preuve de froideur, d’autorité et n’a pas su comprendre les particularités de la religiosité languedocienne »135. La campagne de presse s’inscrit dans un projet plus large qui vise à répandre un « régionalisme racial ». L’hebdomadaire par sa chronique viticole, les articles en occitan et la place constante accordée à l’idéologie félibréenne loue « l’âme languedocienne et provençale » génératrice d’une « petite patrie ». Or les mœurs, les croyances, les aspirations de celle-ci seraient « défigurées » si le « vent mauvais », porteur de la démocratie, qui s’est levé avec la condamnation pénétrait en profondeur tout son territoire. Nous résumons ici la teneur d’un discours du président de la fédération de l’Aveyron qui conclut sa diatribe par ces mots : « (La démocratie représente) le brouillard que d’âpres vents du Nord poussaient des rives de la Tamise et de la Sprée jusque sur le sol sacré de notre Midi méditerranéen »136.

  • 137 En septembre 1927, La Croix publie la lettre d’un groupe de prêtres de Paris en mission dans la cl (...)
  • 138 La Gazette du Languedoc, 9 août 1928.
  • 139 Voir l’article intitulé : « Le plan judéo-maçonnique contre l’Église », in La Gazette du Languedoc(...)
  • 140 Bernard Vaton, op. cit., p. 303.
  • 141 Ce communiqué a été signé par les délégués des départements de la Xème zone : le comte de Bernis ( (...)
  • 142 Rapport du commissaire spécial de Montpellier (7 janvier 1927). ADH 1 M 1115.

44Le retour en grâce des abbés démocrates, satisfaits de cet « acte libérateur » et qui rendent hommage au pape137, irrite l’Action française. Elle y voit une « revanche » du Sillon138. En parcourant la collection de l’organe officiel régional, on remarque que le « traumatisme » du Ralliement demeure. Plusieurs articles reviennent sur cette rupture et comparent la décision du pape envers les néo-royalistes à un « second Ralliement », fomenté par la coalition « judéo-maçonnique »139. André Vincent, le fondateur de la Jeunesse royaliste, devenu un des principaux protagonistes de la cause maurrassienne, partage l’exaspération des ligueurs. Il cautionne la thèse du complot et ne cache pas sa rancœur à l’égard de la démocratie-chrétienne : « (Elle) ravage nos départements, détruit l’Union catholique, contracte des alliances ouvertes avec les partis d’extrême gauche pour abattre les députés royalistes et même des républicains nationaux et soulève dans les campagnes des fureurs démagogiques contre les propriétaires »140. Devenu délégué régional du duc de Guise, il fait le lien entre les « royalistes de tradition » et l’Action française. Pour organiser la mobilisation, l’activiste reçoit l’appui des responsables départementaux des comités monarchistes qui dans une déclaration collective encouragent la « collaboration politique », tout en précisant ne pas souhaiter la « fusion »141. Deux semaines après l’allocution consistoriale de Pie XI, profitant de l’installation de Jean de Forton à la présidence du comité royaliste départemental, André Vincent dans un rassemblement d’une grande envergure (1 500 personnes ont répondu à l’appel) scelle l’alliance. Après un hommage appuyé à son prédécesseur le colonel de Brignac, récemment disparu, plusieurs orateurs expriment leur soutien à Charles Maurras et à sa ligue en évoquant le cardinal de Cabrières. À la tribune aux côtés du marquis de Forton, par ailleurs président du groupe d’Action française de Mauguio, la présence de Rémy de Campeau, président des groupes d’Action française de l’arrondissement de Montpellier et du commandant de Portalon qui désormais supervise l’action des ligueurs dans tout le département, souligne la solidité des liens entre toutes les fractions monarchistes. Dans son allocution, André Vincent termine son propos en disant que « les attaques dirigées contre l’Action française ont de multiples origines et des adversaires puissants, mais qu’il est heureux et satisfait de voir que malgré tout, les ligueurs d’Action française, royalistes de toutes nuances, ont su, dans l’épreuve réaliser le front unique, et que leurs adversaires ne les attaqueraient pas si la monarchie nationale n’était pas la force du pays en face du double péril de la révolution et de l’étranger »142.

  • 143 Voir Bernard Vaton, op. cit., p. 289-290.
  • 144 Il le fait dans plusieurs lettres. Nous reproduisons ci-dessous des extraits de celle du 20 juin 1 (...)

45Toutefois, une ligne de fracture se dessine. Alexandre de Vichet préconise la modération. À la tête de la rédaction de L’Éclair, il veut protéger son entreprise de presse et éviter de perdre la partie du lectorat catholique ne souhaitant pas désobéir à Pie XI. De ce fait, le journal, devenu le représentant de tout le camp conservateur, reste longtemps en retrait des polémiques. L’attentisme déplaît à une frange de royalistes biterrois décidés à ne pas renoncer. Une lettre adressée au président du conseil d’administration de L’Éclair, signée conjointement par le président du comité royaliste de Béziers (L. Bouniol) et par le commandant de Portalon, regrette qu’il se définisse aujourd’hui comme un simple « journal d’informations » et cache son drapeau : « L’Éclair parle de ses convictions religieuses et politiques. Pourquoi ne pas dire royalistes » ? Les dernières lignes de la missive supplient le président des actionnaires d’intervenir afin que « le grand organe du Midi prenant une attitude parfaitement décidée, éclaire ses nombreux lecteurs sur les dessous d’une campagne qui pratiquement accélèrent la chute de notre pays »143. L’appel n’aboutit pas. Le quotidien continue de respecter les différents points de vue. Il publie alternativement les communiqués de l’Action française et de l’évêché jusqu’aux premiers mois de 1928. À partir du mois de juin, Mgr Mignen demande à la rédaction de ne plus évoquer les actes de la mouvance maurrassienne144. Le diktat de l’évêché fait naître un conflit au sein de la rédaction et du conseil d’administration.

  • 145 Lettre citée par Bernard Vaton, op. cit., p. 305.
  • 146 Ibidem.

46Deux camps se querellent au grand jour. Alexandre de Vichet, d’une part, se montre partisan d’une temporisation. Il cherche à convaincre les actionnaires dans une lettre où d’emblée, pour asseoir sa légitimité, il revient sur son engagement pionnier au service du Prétendant : « Je suis, je crois, le dernier survivant des fondateurs de L’Éclair, qui me confièrent la mission d’écrire l’article programme du nouveau journal. Il parut dans son premier numéro, portant la date du 10 décembre 1881. Depuis lors, j’ai, à des titres divers, reçu mission du conseil d’administration de L’Éclair, de diriger sa politique. Il m’a semblé que ce passé me donnait quelque droit, et peut-être le devoir, de communiquer à titre personnel à mes co-actionnaires du journal, les pensées que m’inspirent les événements qui vont être l’objet de leur délibération »145. Sans cesse, le directeur du quotidien montpelliérain s’inquiète de la portée de la rupture envisagée par quelques-uns. Le mot « clientèle » revient à plusieurs reprises dans son argumentation. Affirmant bien connaître celle du journal, il est persuadé qu’une « condamnation de l’Église contre L’Éclair produirait, parmi elle, un très grand trouble ». Elle favoriserait le déclin de « l’idée monarchique dans notre région » et faciliterait l’émergence d’un concurrent de même confession. Alexandre de Vichet leur indique que « L’Éclair n’a jamais été un journal d’Action française (...). Fondé pour défendre les principes monarchiques, ses fondateurs et ses administrateurs en majorité catholiques n’ont jamais séparé dans leur esprit et dans leur cœur, leurs principes politiques de leur foi religieuse ». La décision prise, prévient-il, pourrait « aiguiller le journal sur la voie d’une décadence (...) ». Il invite les actionnaires à bien peser leur vote s’ils veulent toujours profiter des fortes ventes : « les dividendes touchés ces dernières années (n’ont été) approchées par aucun journal français »146, rappelle-t-il avec insistance.

  • 147 Lettre citée par Bernard Vaton, op. cit., p. 300.
  • 148 « Je dois attirer votre attention sur ce fait que Monseigneur Mignen se réserve d’interdire ou de (...)
  • 149 Extrait d’une lettre du 17 décembre 1928 publiée par L’Éclair.
  • 150 Voir Bernard Vaton, op. cit., p. 304.
  • 151 Voir Jean-Jacques Boyer, op. cit., p. 65.

47André Vincent, pour sa part, défend la thèse inverse. « Si l’assemblée, dit-il, cède aux menaces de Monseigneur l’Évêque de Montpellier, le journal L’Éclair devra modifier de plus en plus son attitude politique et trahir la pensée de ses fondateurs »147. Proposant une lecture différente de l’histoire du quotidien, il considère que dès l’origine « ceux-ci ont entendu faire un journal politique et non religieux ». Au sein des pionniers, en majorité catholiques, on trouve des protestants, dit-il clairement. Créé pour promouvoir la monarchie, « il s’est toujours efforcé de pratiquer une large politique d’union entre tous les défenseurs de l’Ordre social, et de la Patrie ». Son slogan pourrait se résumer ainsi : « L’Éclair ne connaît pas d’ennemis à droite ». Il s’interroge : « Comment peut-on alors traiter en ennemi, les royalistes d’Action française qui défendent la même cause »? À partir de ce postulat, l’inspirateur des Jeunesses royalistes démonte tout le raisonnement de Mgr Mignen et attire l’attention des actionnaires sur le fait que s’ils cèdent, le prélat s’attaquera aux activités royalistes pour les annihiler148. Le chemin sera alors libre pour les « revenants du Sillon »149. S’agissant de l’audience du quotidien, l’avocat de l’Action française se montre très optimiste : « j’ai la conviction basée sur des chiffres et sur des faits que l’existence matérielle de L’Éclair n’a rien à redouter d’une résistance respectueuse et raisonnable à des demandes abusives »150. Au terme de longs mois de tractations et de conflits, les 544 actionnaires réunis en assemblée vont prendre position en faveur de la motion présentée par André Vincent : « L’assemblée générale des actionnaires de L’Éclair demande au conseil d’administration de conserver la liberté d’insérer dans L’Éclair les informations et convocations concernant tous les groupes de droite pour assurer, conformément aux traditions du journal, l’union de toutes les forces nationales »151.

  • 152 « Malgré les services rendus à la cause religieuse dans le passé, L’Éclair ne doit plus être consi (...)
  • 153 Cette anecdote a été relevée dans le mémoire de Jean-Jacques Boyer, op. cit., p. 66.
  • 154 Voir Jean-Jacques Boyer, op. cit., p. 66.

48La riposte de l’évêché ne se fait pas attendre. Dans une lettre pastorale, le 13 janvier 1929, Mgr Mignen interdit aux catholiques la lecture du journal152. Lu dans les Églises, l’appel est renouvelé un mois plus tard, après une manifestation qui fit perdre la face au prélat. Au cours d’une importante réunion de l’Union catholique, officiellement hostile à l’Action française, des militants ne respectent pas la consigne et proposent aux participants à la fois le journal de leur mouvement et L’Éclair153... Si aucune enquête n’indique l’impact sur les fidèles des pressions de Mgr Mignen, quelques indices nous portent à croire que ses démarches ne furent guère entendues. Le représentant du pape dans le diocèse ne nie pas les difficultés de son entreprise. Dans son deuxième rappel à l’ordre, il évoque le grand nombre « d’adhésions et de sympathies de l’Action française dans le Midi ». Des sources privées confirment la crainte. « La condamnation de L’Éclair sera-t-elle respectée ? Il semble que vous rencontriez bien des obstacles »...154, déclare à l’abbé Mazet son correspondant romain. Les liens anciens entre le clergé et les milieux royalistes nuisent au respect de la sanction.

  • 155 Archives privées citées par Jean-Jacques Boyer, op. cit., p. 88.
  • 156 Ibidem.
  • 157 Archives privées citées par Jean-Jacques Boyer, op. cit., p. 84.
  • 158 La Gazette du Languedoc, 24 mars 1929.
  • 159 Abel Pomarède, Mémoires d’un ouvrier vigneron royaliste. Préface de Gustave Thibon, Tours, La Docu (...)

49Terrain privilégié d’intervention de l’autorité diocésaine, les œuvres constituent une place forte de la résistance. Une rubrique de La Gazette intitulée de façon allusive « Sous la terreur » répertorie les « persécutions » intentées aux ligueurs. Plus loin l’hebdomadaire s’empresse de relater les prouesses des Confréries de pénitents en butte aux tracasseries ecclésiales. Parmi tous les conflits, signalons celui qui oppose le curé de Saint-Drézéry, dans le canton de Castries, et les pénitents du Très Saint Sacrement implantés dans la commune. Le curé de la paroisse expose tous les obstacles rencontrés pour amadouer une compagnie dont vingt membres sur quatre-vingts militent dans la section d’Action française. Il écrit à l’évêque : « La confrérie m’a toujours paru être plutôt une association ayant surtout pour but de grouper ce qu’on appelle chez nous le bon parti, c’est-à-dire les conservateurs (...). La plupart des dirigeants font partie de l’Action française et sont des propagandistes irréductibles (...). (Par ailleurs), ils étaient les meilleurs parmi les catholiques »155. Devant l’embarras du prêtre, Mgr Mignen adopte une grande fermeté. Il lui ordonne de les exclure des sacrements et l’encourage, lors de la réélection du bureau, à rattacher la confrérie à l’autorité épiscopale156. La défiance s’étend, au-delà des œuvres, pour toucher l’école par exemple. L’abbé Mazet, nommé par Mgr Mignen à la tête de l’enseignement libre, cède aux assauts répétés des ligueurs. En 1927, quittant son poste, il avoue à un ami : « j’ai été acculé à cette nécessité par l’Action française (...). Les dames catholiques menaçaient de ne point nous aider lors de la kermesse (des écoles) qui rapporte dans les 100 000 francs et c’est là la source principale des revenus »157. Dans les paroisses, l’application des mesures dépend pour beaucoup de la célérité du curé et de son attitude à l’égard du mouvement incriminé. La Gazette accuse des prêtres de « dresser des femmes pieuses contre leurs maris »158, afin de les obliger à renier l’Action française. Abel Pomarède raconte dans ses Mémoires159 sa déchirure. Sa mère, catholique de toujours, souffrait beaucoup de la situation de sa famille : son mari et ses deux fils ligueurs ne pouvaient recevoir les sacrements. Alliée au curé, elle espère convaincre son plus jeune enfant de ne pas céder à la tentation.

  • 160 Dès le début des années trente, Mgr Mignen est nommé à Rennes. Mgr Brunhes restera à l’évêché de M (...)
  • 161 L’abbé Trochu a fait suivre le Tour de France cycliste par des voitures pavoisées aux couleurs de (...)
  • 162 La Gazette de l’Hérault, 31 mars 1929.
  • 163 La Gazette du Languedoc, 30 juin 1929.
  • 164 Voir Jean-Jacques Boyer, op. cit., p. 109.
  • 165 « (Nous) n’excluons de la République, que ceux qui s’en excluent volontairement, soit qu’ils n’aie (...)
  • 166 « Au point de vue de la tactique républicaine, la meilleure formule est encore celle qu’exposa M. (...)
  • 167 Le Sud, n° 56, 2 mai 1930.
  • 168 En 1930, les dépositaires de L’Éclair reçurent l’ordre de ne plus vendre Le Sud. Voir Gérard Cholv (...)

50Pour renforcer les vues du Saint-Siège au sein de la population, un projet de quotidien démocrate-chrétien s’affirme dès 1929. Mgr Mignen et son successeur Mgr Brunhes160, écœurés par l’inflexibilité de L’Éclair, prêtent main-forte aux catholiques chargés de l’opération. Ils contactent l’abbé Trochu, à la tête de L’Ouest-Éclair, un journal à fort tirage grâce aux initiatives d’une direction qui perçoit très tôt l’importance de la publicité dans la presse161. La Gazette du Languedoc, informée par quelques indiscrétions des négociations en cours, riposte. Apprenant l’arrivée prochaine de Trochu à Montpellier, elle écrit qu’un tel projet pour réussir devra bénéficier de « l’or des juifs »162. Quant à l’ecclésiastique, d’origine bretonne, il ne souhaiterait qu’une chose : « fomenter la révolution et la haine des classes dans le Midi »163. Finalement, le quotidien subventionné par l’État peut sortir. L’abbé Trochu pourtant ne figure pas dans son organigramme. Il aurait été éliminé pour des raisons politiques par André Tardieu164. Titré Le Sud, il a un comité de rédaction qui comprend la poignée de militants démocrates-chrétiens locaux : Jules Coste-Floret ; l’avocat Joseph Grasset ; Edouard Orliac ; les professeurs Augustin Fliche et Jean-Rémy Palanque ; Jules Valéry, frère de l’écrivain et Doyen de la Faculté de droit ou encore Pierre Azéma, un félibre proche de la Jeune République. Dès les premiers numéros, le décor est planté. Il se définit comme un « organe de ralliement républicain »165. À propos des frontières de son républicanisme, le comité de rédaction calque sa position sur celle de Poincaré166. Sa vision extensive et la remise en cause répétée de l’Action française, accusée dans une série d’articles de défendre « une action nuisible pour la France »167, consolident l’animosité à son encontre. Le créneau politique emprunté par Le Sud est une impasse. L’expérience tourne court, puisqu’en 1934 il disparaît. Tous les observateurs s’accordent pour voir dans cet échec à la fois, un signe de la faiblesse récurrente des chrétiens s’attachant à promouvoir les principes démocratiques et le travail sournois des deux quotidiens politiquement opposés (L’Éclair et Le Petit Méridional) mais alliés pour empêcher l’émergence d’un concurrent. Dans leur entreprise de destruction, le député Henri de Rodez-Bénavent vient à leur rescousse. Il intervient auprès de l’agence Havas pour éviter que « l’intrus » ne bénéficie de la manne publicitaire indispensable pour équilibrer son budget168.

  • 169 Rapport du commissaire spécial de Sète du 28 octobre 1929. ADH 1 M 1115.

51Acculés par les diverses péripéties qui freinent son épanouissement, les plus irréductibles partisans du « nationalisme intégral » envisagent très sérieusement de passer à l’ultime étape légitimée dans ses écrits par Maurras. Désormais, la violence est publiquement préconisée. Dès le mois d’octobre 1929, à l’occasion d’un banquet à Villeveyrac, en présence des dirigeants régionaux et de Paul Robain, l’une des pièces maîtresses du mouvement parisien, un délégué du Gard raconte les incidents survenus à Génerac. Quelques mois plus tôt, durant les élections municipales, un groupe de militants d’Action française a lacéré les listes électorales et brisé l’urne. Le représentant gardois recommande aux 130 convives et à l’appareil dirigeant de suivre cet exemple pour généraliser « l’action directe, afin de renverser l’idole de bois, quitte à faire de la prison (...) ». Il promet à la direction nationale, le « dévouement des ligueurs méridionaux qui aspirent au retour de la monarchie et au renversement de la République »169. Ils espèrent une large coalition qui tarde à se déclarer. Ce qui les incite parfois à marquer leur différence lors des choix électoraux, en égratignant plusieurs figures du Midi conservateur souhaitant s’ancrer dans la modernité électorale. Avant d’observer ce type de comportement, un détour pour mieux saisir le travail accompli par les catholiques pour asseoir leurs réseaux s’impose. Il nous permettra d’entrevoir le climat de « guerre religieuse » qui régnait à la Belle Époque.

Notes

1 Cette citation nous est donnée dans L’Éclair du 17 septembre 1883.

2 Nous partageons le diagnostic donné par Michel Denis à propos de la Mayenne. Voir Michel Denis, Les royalistes de la Mayenne et le monde moderne (xix-xxe siècle), Paris, Librairie C. Klincksieck, 1977, p. 484.

3 Philippe du Puy de Clinchamps, Le royalisme, Paris, PUF, 1967, p. 60.

4 Comte de Paris, Une liberté nécessaire, le droit d’association, Paris, Calmann-Lévy, 1894.

5 Très peu d’études concernent la Jeunesse royaliste. Son rôle est évoqué par Bertrand Joly dans « Le parti royaliste et l’Affaire Dreyfus (1898-1900) », Revue historique, n° 546, avril-juin 1983 et une seconde recherche plus fouillée s’intéresse à son évolution : François Callais, « La Jeunesse royaliste : préfiguration de l’Action française », Histoire, Economie et Société, quatrième trimestre 1991, p. 560-589.

6 Bertrand Joly, « Les antidreyfusards avant Dreyfus », Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 39, avril-juin 1992, p. 212 et s.

7 Nous avons déjà publié un article approfondi sur cette expérience politique méconnue. Voir Philippe Secondy, « Royalisme et innovations partisanes. Les “Blancs du Midi” à la fin du xixe siècle », Revue française de science politique, volume 53, n° 1, février 2003, p. 73-99.

8 Royaliste notoire, Roger Lambelin a publié plusieurs livres antisémites (voir par exemple Le péril juif. Les victoires d’Israël, Paris, Grasset, 1928). Il est décrit ainsi par Édouard Drumont dans Le testament d’un antisémite : « Joli type de soldat, un homme d’acier, un peu tranchant, un peu aigu dans les angles, profondément bon et aimable quand on le connaît ». Citation donnée par François Callais, op. cit., p. 577. Voir aussi le dossier conservé aux Archives nationales (AN) dans la liasse F7 12861 n° 4 : Royalistes. Notes de police sur différents membres du parti royaliste (1907-1909).

9 François Callais, ibidem.

10 François Callais, ibidem.

11 Voir Bertrand Joly, Dictionnaire biographique et géographique du nationalisme français (1880-1900). op. cit., p. 549-561.

12 L’Éclair, 15 décembre 1895.

13 Aucune synthèse historique n’évoque ce livre.

14 Docteur en droit, il s’intéresse beaucoup à l’histoire des idées politiques en particulier à Chateaubriand qui a fait l’objet de sa thèse. Devenu dominicain, il a publié une vingtaine d’ouvrages sur des questions très diverses.

15 Philippe-André Vincent, La vie et l’œuvre d’André Vincent. Préface de Charles Maurras, Montpellier, Librairie Louis Valat, 1940.

16 Philippe-André Vincent, op. cit., p. v.

17 Dans un entretien accordé par André Roquefeuil, le petit-fils d’André Vincent, le 19 avril 2003, nous avons appris quelques informations sur sa famille. Son père, Edmond Vincent, est lui aussi avocat et propriétaire terrien à Saint-Mathieu-de-Tréviers mais aussi à Pérols. Il fréquente les milieux royalistes languedociens avant de nouer une alliance avec une riche lignée de la noblesse du Roussillon.

18 Philippe-André Vincent, op. cit., p. 18.

19 Philippe-André Vincent, op. cit., p. 21.

20 Ibidem.

21 Philippe-André Vincent, op. cit., p. 23.

22 Philippe-André Vincent, op. cit., p. 21-22.

23 Philippe-André Vincent, op. cit., p. 78.

24 Extrait d’une lettre de Charles Maurras publiée en guise de préface au livre de Philippe-André Vincent, p. vi.

25 Il s’exprime ainsi par exemple lors d’une réunion publique tenue à Lunel le 12 mars 1900. ADH 1 M 1112.

26 Vers la fin du xixe siècle, le Prétendant lui-même s’engage dans ce sens. Une affiche titrée « L’avenir social de la monarchie » est alors largement diffusée. Voir AN F7 12853 n° 4 : Dossiers concernant les théories sociales du duc d’Orléans en particulier sur les ouvriers (1900-1909).

27 Les mesures qui « seraient réalisées, le seraient toutes de travers. C’est un plan de travail. Seule l’instauration de la monarchie permettrait leur mise en œuvre », déclare-t-il. Voir Philippe-André Vincent, op. cit., p. 82-83.

28 Louis Secondy, Pignan au xixe siècle, Mémoire pour le DES d’histoire, Faculté des lettres, Montpellier, 1964, p. 146.

29 Selon son fils, « ce journal est son œuvre ».

30 Philippe-André Vincent, op. cit., p. 32.

31 À titre personnel, André Vincent ne sera candidat qu’à une seule reprise en 1906. Par la suite, affilié à l’Action française, il ne souhaite plus se « compromettre » dans le jeu électoral bien que continuant à donner des directives par le biais de L’Éclair.

32 Raymond Huard, La naissance du parti politique..., op. cit., p. 17.

33 L’Éclair, 16 décembre 1895.

34 Les dossiers consultés aux archives nationales abordent peu le rôle de la Jeunesse royaliste dans l’Hérault. Au moment de son offensive, on trouve surtout des rapports sur l’affaire Dreyfus et sur la montée de l’antisémitisme. Voir F7 12460 : Conférence antisémite à Montpellier par Morès et le vicomte d’Hugues (7 janvier 1895) ; Ménard réunit 600 personnes à Montpellier à l’appel d’un comité antisémite en juin 1897 ; manifestation antisémite à Montpellier du 18 au 22 janvier 1898. Les archives nationales nous révèlent que principalement on trouve en 1898 des correspondants de la ligue antisémite à Lunel, Montpeyroux, Pézenas et Sète (voir F7 12459). Les rapports insistent sur le fait qu’en 1898-1899 seule une ligue antisémite apparaît très structurée. Elle se situe à Montpellier et publie un périodique au titre explicite : L’Antijuif du Midi. Pour plus de précisions sur cette mouvance, voir AN 401 AP 25 et F7 12456.

35 Rapport de police du 13 septembre 1899. ADH 1 M 1117.

36 Cette nouvelle organisation a permis de simplifier le fonctionnement du mouvement royaliste. Jusqu’alors, les ordres du Prétendant étaient transmis à tous les groupes locaux disséminés dans le département. Dorénavant, il lui suffit de les communiquer au Président du Comité royaliste, qui les donne au président du « groupe central-départemental », et celui-ci se charge d’informer les structures locales.

37 Cette lettre a été saisie par le commissaire spécial de Montpellier le 16 septembre 1899 au château du Bosc, près de Baillargues, résidence du marquis de Cadolle. Une perquisition avait été ordonnée par le représentant du gouvernement. Les policiers devaient rechercher tous les documents concernant les Jeunesses royalistes, considérées désormais comme une « association illicite ». ADH 1 M 1117.

38 Citation de Charles de Cadolle.

39 Philippe-André Vincent, op. cit., p. 28.

40 À cette occasion, une délégation héraultaise se rendit en Italie pour transmettre au Prétendant l’hommage de leur fidélité et de leur dévouement.

41 Rapport de police du 17 septembre 1899, ADH 1 M 1117.

42 Cette expression est empruntée à André Vincent.

43 Les sources peu nombreuses ne nous permettent pas d’être plus précis. Dans toutes ces communes, il existe des représentants de la Jeunesse royaliste mais on ignore s’ils appartenaient à des groupements parfaitement constitués.

44 Il fait ce constat durant la réunion mensuelle des royalistes montpelliérains, le 18 octobre 1897. André Vincent a précisé que seulement deux cents numéros étaient vendus dans le chef lieu de l’Hérault. ADH 1 M 1111.

45 Nous n’avons pas plus de précisions. Cette information est donnée par le commissaire spécial dans un rapport sur le mouvement royaliste à Montpellier et dans quelques cantons de cet arrondissement daté du 5 mai 1899. ADH 1 M 1111.

46 Le comte Jules de Bernis eut une carrière parlementaire tumultueuse. Il se fit remarquer en particulier lors d’une discussion sur l’Affaire Dreyfus, en janvier 1898, où il interrompit violemment Jean Jaurès en le traitant « d’avocat du syndicat » et tenta même de le frapper. Puis, il en vint aux mains avec un autre député socialiste. Le président fut contraint de lever la séance et de saisir le procureur général qui demanda la levée de l’immunité parlementaire des deux adversaires. Voir Jean Jolly, dir., Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940), Tome 2, Paris, PUF, 1962, p. 569.

47 L’Éclair, 17 avril 1899.

48 Ibidem.

49 Michel Offerlé, Les partis politiques, Paris, PUF, 1991, p. 19.

50 Ils sont caractérisés par « une continuité dans l’organisation, c’est-à-dire une organisation dont l’espérance de vie ne dépend pas de celle des dirigeants actuels ; une organisation visible au niveau local, dotée de communications régulières et d’autres modes relationnels entre les échelons locaux et nationaux ; une consciente volonté des dirigeants de conquérir et de conserver le pouvoir de décision, seuls ou en coalition, tant au niveau local que national, au lieu d’influencer simplement l’exercice du pouvoir et un souci de l’organisation de se gagner des partisans, lors d’élections ou d’autres occasions de conquérir l’appui du peuple ». Joseph La Palombara, Myron Weiner, « The origins and development of political parties » in Political parties and political development, Princeton, Princeton University Press, 1966, p. 3-42.

51 Préface de Charles Maurras au livre de Philippe-André Vincent, op. cit., p. ix-x.

52 François Callais présente ainsi les derniers jours de la Jeunesse royaliste : « Dénoncée comme responsable d’un complot permanent et public contre la République (...), la Jeunesse royaliste est d’abord victime de perquisitions, puis d’un procès parisien, ce sont ensuite les arrestations des principaux meneurs, enfin la Haute Cour. (...) Les perquisitions désorganisent les groupes provinciaux de la Jeunesse royaliste ; tous sont poursuivis systématiquement et les procès aboutissent souvent à la dissolution et à une amende sans sursis ; tout l’appareil du mouvement est ainsi atteint dans ses éléments les plus actifs. C’est une répression judiciaire généralisée et acharnée et la Jeunesse royaliste peut reprendre la fière parole du comte de Paris : “En me frappant on me désigne” » Ibidem.

53 AN F7 12462 : Perquisitions dans les milieux royalistes (5 septembre 1899) ; F7 12853 : Poursuites contre la Jeunesse royaliste de France ; perquisitions opérées en province (1899).

54 ADH 1 M 1112.

55 La Dépêche, 1er février 1900.

56 ADH 1 M 1112.

57 Sur cette distinction, voir Eugen Weber, L’Action française, Paris, Fayard, 1985 (1ère Éd. 1962).

58 Un article de L’Action française du 1er août 1903, intitulé « Dictateur et Roi », présente sa stratégie de conquête du pouvoir. Dans un premier temps, il plaide pour l’organisation d’un coup de force grâce à l’action d’une minorité énergique, lequel permettra d’instaurer une dictature royaliste, après quoi s’installera le régime royaliste. Voir Michel Winock, dir., Histoire de l’extrême droite en France, Paris, Seuil, 1993, p. 135.

59 AN F7 12862-18623 : Action française (1899-1911). Notes de police. Renseignements divers dactylographiés (1899-1922) ; coupures de presse ; congrès...

60 Raymond Huard, op. cit., p. 263.

61 On la présente comme « un vaste bloc de pression idéologique reposant sur un étonnant mélange d’archaïsme et de modernité (...). La ligue d’Action française se veut l’école intellectuelle du redressement national (...). L’ensemble est cohérent et déterminé : un seul but, le roi ; une seule culture, le classicisme ; une solide armature, le catholicisme romain. Le nationalisme intégral implique le catholicisme intégral ». Voir Gilles Le Béguec, Jacques Prévotat, « 1898-1919 : l’éveil à la modernité politique », in Jean-François Sirinelli, dir. Histoire des droites en France, tome I : Politique, op. cit.

62 Rapport du commissaire spécial Eymery sur l’action royaliste dans l’arrondissement de Montpellier daté du 14 avril 1905. ADH 1 M 1112.

63 Ce renouveau de l’agitation royaliste peut s’expliquer par une conjoncture économique et politique très défavorable au gouvernement. La politique anticléricale (suppression des congrégations, séparation de l’Église et de l’État, inventaires des biens ecclésiastiques...) suscita de vives réactions et favorisa le développement de l’Action française.

64 Gérard Gaudin, Le royalisme dans les Bouches-du-Rhône, 1876-1927. De la fidélité à l’idéologie. Contribution à l’étude des Blancs du Midi, Thèse de doctorat d’État d’histoire, Université d’Aix-en-Provence, 1978.

65 Sur le rôle de L’Éclair dans la pénétration de l’Action française, voir Mireille Cellier, L’Action française dans le département de l’Hérault de 1899 à 1914, Mémoire de maîtrise d’histoire, Université Paul Valéry- Montpellier III, 1968, p. 16 à 21.

66 L’Éclair, 27 janvier et 24 avril 1907.

67 Voir Marcel Bruyère, Le Cardinal de Cabrières, Paris, Éd. du Cèdre, 1956, p. 294 et L’Éclair, 3 juin 1906.

68 Rapport sur la situation nationale de l’Action française (18 mai 1927). AN F7 13194.

69 Guy Laurans, op. cit., p. 150-151.

70 Voir le rapport de police d’avril 1907. ADH 1 M 1113.

71 Il fait cette précision car dans un article de L’Éclair (27 avril 1907) présentant la section d’Action française de Montpellier et ses dirigeants, on indique que ce nouveau mouvement rassemble « des hommes d’origines, de formations, de cultures les plus diverses ; des royalistes et des radicaux, des catholiques et des positivistes, des anarchistes mêmes, n’ayant aux débuts de leurs recherches qu’une idée commune :“l’amour ardent de la France”. Après réflexion, ils virent leurs travaux aboutir à une même conclusion : la rigoureuse nécessité de la monarchie dans la France contemporaine ». ADH 1 M 1113.

72 L’Éclair, 18 août 1902.

73 « Notre Institut sera un générateur permanent de toutes les rectifications nécessaires. Il dirigera contre les juifs, les protestants, les métèques et les maçons, une série d’opérations scientifiques, littéraires, historiques et philosophiques ». L ‘Éclair, 16 février 1906.

74 L’Éclair, 27 avril 1907.

75 Eugen Weber, op.cit., p. 81-82.

76 Berryer est le nom d’un célèbre avocat légitimiste de la Restauration.

77 Elle appelle les étudiants à la mobilisation en faveur de l’Action française en dénonçant « les méfaits de la République, la surenchère électorale, la basse démagogie des parlementaires (...) » ; et en plaidant pour un large rassemblement derrière le Prétendant : « Nous vous convions aujourd’hui, à l’œuvre du relèvement national, qui que vous soyez, royalistes de tradition, royaliste de raison ou simplement patriotes (...) ». Voir L’Éclair des 5 novembre 1908 et 7 novembre 1910.

78 L’Éclair, 14 novembre 1905.

79 Sur ces affiches, on peut lire : « Ouvriers, catholiques, commerçants... Sachez faire abstraction de vos passions, de vos préjugés... Pour le salut de la France, pour la sauvegarde de vos intérêts, avec tous ceux qui ont quelque souci de notre gloire nationale et qui préfèrent à la liberté, des libertés réelles et sûrement garanties : venez au Roi » ! Voir L’Éclair, 21 janvier 1910.

80 Ibidem.

81 L’Éclair, 11 juin 1909.

82 Dans cette perspective, la section de Pignan crée une troupe. La première représentation sera une pièce du dénommé Azaïs intitulée « La tourmente ». On y met en scène un drame qui se déroule au château de Pignan à la fin de la Terreur. L’Éclair, 27 janvier et 4 février 1910.

83 L’Éclair, 21 juillet 1912.

84 L’Éclair, 12 janvier 1914.

85 L’Éclair, 14 mai 1914.

86 Eugen Weber, op. cit., p. 32.

87 Charles Maurras explique cet objectif dans un livre au titre explicite : Si le coup de force est possible (1910).

88 AN F7 12864 : Camelots du roi (1909-1913). Notes de police, coupures de journaux...

89 « Armées de cannes plombées et de gourdins, les commissaires maintenaient l’ordre dans les réunions, servaient de serre-file au cours des défilés d’Action française, de gardes du corps des dirigeants, surveillaient les bureaux et formaient une sorte de corps de troupe pour les entreprises en tous genres ». Voir Eugen Weber, op. cit., p. 74.

90 L’Éclair, 27 mai 1912.

91 L’Éclair des 27,28 et 29 mai 1912.

92 L’Éclair, 3 juillet 1912.

93 Note du ministre de l’Intérieur du 24 mars 1909. ADH 1 M 1114.

94 Par exemple en juillet 1912 à Montpellier, les Camelots organisent une contre-manifestation pour s’opposer aux républicains qui célèbrent la mémoire de Jean-Jacques Rousseau. L’Éclair, 10 juillet 1912.

95 Les réunions publiques sont à cette époque très souvent contradictoires. Les orateurs doivent donc déployer une certaine habileté. Voir Raymond Huard, Le suffrage universel en France (1848-1946), Paris, Aubier, 1991, p. 283.

96 Voir Pierre Bimbaum, La « France aux Français ». Histoire des haines nationalistes, Paris, Seuil, 1993, p. 24.

97 Ce qui veut dire : Les chants de l’aube.

98 Dictionnaire biographique de l’Hérault, op. cit., p. 33-35.

99 Voir Albert Arnavielle, Acourdanço, Préface de Roger Ferlet, Paris, Éd. La Vie du Rail, 1963, p. 1.

100 Il est né en 1844.

101 Gérard Cholvy, dir., Histoire du diocèse de Montpellier, Paris, Éd. Beauchesne, 1976, p. 282.

102 L’Éclair, 19 avril 1905.

103 Ce qui signifie: « Quelques prières de moins et quelques coups de poings de plus ».

104 Nous nous appuierons beaucoup sur un très riche travail consacré à la reconstitution de l’Action française et plus largement au développement des ligues. Son auteur, Stéphane Cambacédès, a effectué un dépouillement très détaillé de L’Eclair pour dresser son panorama. Voir Les ligues dans l’Hérault pendant l’entre-deux-guerres (1919-1939), Mémoire de maîtrise d’histoire, Université Paul Valéry - Montpellier III, 1992.

105 Pour la seule année 1920, Stéphane Cambacédès a recensé quatorze conférences organisées par le cercle d’études.

106 À cet effet, une bibliothèque ouvre ses portes. Elle accueille aussi bien des étudiants que des ligueurs qui peuvent retirer les ouvrages nécessaires à la formation et à l’action.

107 Voir Philippe Ariès, « La nostalgie du roi », in Essais de mémoire (1943-1983), Paris, Seuil, 1993, p. 190-191.

108 Rose-Marie Pradès, La religion populaire dans les campagnes du Bas-Languedoc au xixe siècle, Mémoire de maîtrise, Faculté des lettres, Montpellier, 1970.

109 L’Éclair, 11 mars 1922.

110 Elle comprend pour sa partie Est, les Bouches-du-Rhône, les Hautes et Basses-Alpes, les Alpes-Maritimes, le Var et la Corse ; et pour sa partie Ouest le Gard, l’Hérault, la Lozère et le Vaucluse.

111 Dans un rapport du 24 novembre 1924, on peut lire : « la ligue d’Action française procède actuellement à une réorganisation quant à sa propagande. Suivant l’exemple du Parti communiste, elle tend non pas à recruter seulement des adhérents se contentant de payer leurs cotisations, mais des militants susceptibles de pouvoir faire de l’action ». AN F7 13194.

112 Stéphane Cambacédès remarque qu’il s’agit de la reproduction en miniature de la commission parisienne créée en 1920 par Charles Maurras. Voir Stéphane Cambacédès, op. cit., p. 33.

113 L’Éclair, 5 mars 1924.

114 L’Éclair, 27 janvier 1920.

115 La section de Vendargues reçoit en 1926 pour son inauguration la visite du commandant de Portalon, devenu président de la confédération des sections de l’Hérault. La marquis de Forton sera l’hôte de marque des jeunes groupements de Saturargues et de Saint-Jean-de-Védas la même année. Voir L’Éclair du 28 mai 1926.

116 Stéphane Cambacédès, op. cit., p. 37.

117 Mireille Cellier, ibidem.

118 Selon les sources, le nombre varie. L’Éclair du 13 juin évoque la présence de six cents personnes ; la police dans son rapport parle de quatre cents. Voir Stéphane Cambacédès, ibidem.

119 Ibidem.

120 Stéphane Cambacédès, op. cit., p. 36 et 217.

121 Nous nous basons ici pour l’essentiel sur des données locales. La documentation conservée aux archives nationales (voir F7 13194 Action française : notes d’ensemble sur les effectifs (1910-1927) ; organisations des sections de province (1928-1929) ; notices diverses sur les militants et surveillance de certains ligueurs ; ainsi que la série F7 13203 : activités de l’Action française par départements (1928-1932) ), ne nous apporte pas beaucoup d’éléments. Dans le premier carton, on trouve un panorama très incomplet avec des rapports détaillés sur le Gard, la Marne, le Lot-et-Garonne ainsi que l’arrondissement de Saint-Etienne et la région lyonnaise. Le second évoque l’Hérault à partir d’un compte rendu de plusieurs réunions en présence de Charles Maurras et d’André Vincent.

122 ADH 1 M 1115.

123 Philippe Ariès, op. cit., p. 196.

124 Ce type de manifestation permet de mesurer une ferveur royaliste pas toujours consignée dans les rapports de police. Si les sources prélevées au plan local (dans la presse et aux archives départementales) sont assez nombreuses ; il en va tout autrement aux archives nationales. Par exemple pour l’année 1926, les séries F7 13200 et 13201 qui nous proposent une vision de l’activité au niveau départemental restent très minces. Pour le premier semestre, on trouve dans le « dossier Hérault » le compte-rendu de quelques réunions, un rapport du 29 mai 1926 à propos d’« affiches rédigées en termes injurieux pour le gouvernement » intitulées « la République c’est la guerre » et « la République c’est la banqueroute ». S’agissant des premiers mois de 1926, on dénombre seulement sept rapports... Quant au second semestre, les documents sont très nombreux, si l’on s’intéresse à la Gironde et au Gard. Dans notre département, alors que l’on a assisté à des manifestations importantes au moment du déplacement de l’épouse du Prétendant, les archives nationales n’ont conservé que trois pièces : une coupure de L’Humanité du 13 août 1926 à propos d’une amende de 25 francs infligée à un Camelot du roi de Nîmes (?) et seulement deux rapports évasifs relatant le passage de la duchesse de Guise.

125 À propos des festivités données à Castries un témoin, Jean Ramière de Fortanier (avocat, ancien président des étudiants d’Action française à Montpellier qui exerça ensuite des responsabilités politiques dans la région toulousaine) raconte à sa mère le succès populaire rencontré par l’épouse du Prétendant : « Les routes qui convergeaient vers Castries n’ont cessé d’amener une foule de véhicules de toutes sortes qui ont amenées dans le village dix à douze mille personnes (...). Beaucoup de royalistes, beaucoup de curieux aussi appartenant à toutes les opinions politiques, poussés par l’instinct monarchique qui existe très fortement dans les populations de ce pays (...) ». Plus loin, il précise : « le maire socialiste de Saint-Just (un petit village près de Castries) a chanté La Coupo Santo devant la Reine, avec émotion ». Lettre de septembre 1926 citée par Jean-Jacques Boyer, L’Église et l’Action française dans l’Hérault de 1926 à 1939, Mémoire de maîtrise d’histoire, Université Paul Valéry - Montpellier III, 1979, p. 27.

126 Un rapport de police signale l’attitude dubitative de plusieurs militants après une réunion organisée à Montpellier le 29 juin 1930. Quatre mille personnes étaient venues de toute la région, à l’invitation d’André Vincent, pour écouter Paul Robain et Charles Maurras. « Ce dernier, écrit le commissaire spécial, a déçu ses auditeurs car la majeure partie n’a rien compris à un langage très élevé quant aux styles et aux conceptions ». ADH 1 M 1115.

127 Porteur d’une image de « royaliste modéré », ce vendéen est hostile aux idées de Maurras. En 1909, alors qu’il était Supérieur du Grand Séminaire de Luçon, il avait interdit aux séminaristes la lecture de L’Action Française. On le retrouve pourtant en 1923, par exemple, à la messe anniversaire pour le repos de l’âme de Louis XVI. Voir Jean-Jacques Boyer, op. cit., p. 29 ; Jacques Mayrand, Le diocèse de Montpellier sous l’épiscopat de Mgr Mignen, Mémoire pour le DES d’histoire, Université Paul Valéry - Montpellier III, 1974.

128 Jacques Mayrand, ibidem.

129 Jean-Jacques Boyer, op. cit., p. 31.

130 Jacques Mayrand, op. cit., p. 63.

131 Jacques Mayrand, op. cit., p. 201.

132 « Son départ fut une excellente chose » explique M. Nussy-Saint-Saëns, un ancien militant de l’Action française dans un entretien accordé à Jean-Jacques Boyer, op. cit., p. 32.

133 Archives privées (lettre du 20 mai 1927) citées par Jean-Jacques Boyer, op. cit., p. 35.

134 Outre l’Hérault, elle touche le Gard, l’Aude, les Pyrénées-Orientales, la Lozère et l’Aveyron.

135 Gérard Cholvy, ibidem.

136 La Gazette du Languedoc, 22 janvier 1928.

137 En septembre 1927, La Croix publie la lettre d’un groupe de prêtres de Paris en mission dans la classe ouvrière qui se félicite de la condamnation. Voir Eugen Weber, op. cit., p. 288.

138 La Gazette du Languedoc, 9 août 1928.

139 Voir l’article intitulé : « Le plan judéo-maçonnique contre l’Église », in La Gazette du Languedoc, 24 juin 1928.

140 Bernard Vaton, op. cit., p. 303.

141 Ce communiqué a été signé par les délégués des départements de la Xème zone : le comte de Bernis (Gard), le marquis de Forton (Hérault), le baron de Jerpharison (Var), Masméjean (Lozère), De Monval (Vaucluse), P. Vernet (Bouches-du-Rhônes), le baron de Tringuelague. Les présidents des arrondissements de Béziers (Bouniol) et de Lodève (B. de Fozières) le cautionnenent. Voir Bernard Vaton, op. cit., p. 276-277.

142 Rapport du commissaire spécial de Montpellier (7 janvier 1927). ADH 1 M 1115.

143 Voir Bernard Vaton, op. cit., p. 289-290.

144 Il le fait dans plusieurs lettres. Nous reproduisons ci-dessous des extraits de celle du 20 juin 1928 : « Les invitations (aux réunions de l’Action française), avec les mots “on nous prie d’insérer”, favorisent évidemment le parti condamné (...). Le souverain pontife ne vous défend pas une politique royaliste mais il est temps que cette équivoque cesse et que les mots “comité royaliste”, “organisation royaliste” ne couvrent pas, même à votre insu et contre vos désirs, un parti condamné par l’Église (...). J’espère que le journal, au lieu de s’exposer à des mesures sévères, restera désormais dans la note vraiment catholique, à la grande joie de la presque totalité de ses lecteurs ». Voir Bernard Vaton, op. cit., p. 296-297.

145 Lettre citée par Bernard Vaton, op. cit., p. 305.

146 Ibidem.

147 Lettre citée par Bernard Vaton, op. cit., p. 300.

148 « Je dois attirer votre attention sur ce fait que Monseigneur Mignen se réserve d’interdire ou de censurer le cas échéant toute manifestation de l’activité royaliste, toute réunion faite sous le titre de “comité royaliste”, d’“organisation royaliste” qui paraîtrait couvrir un parti condamné par l’Église et ses agissements pour entretenir la révolte. Il n’est pas difficile de comprendre la portée de ces paroles, lorsqu’on connaît la pensée de Monseigneur Mignen, non seulement par des propos fidèlement rapportés, mais encore par des actes et des écrits quasi-officiels ». Voir Bernard Vaton, op. cit., p. 301-302.

149 Extrait d’une lettre du 17 décembre 1928 publiée par L’Éclair.

150 Voir Bernard Vaton, op. cit., p. 304.

151 Voir Jean-Jacques Boyer, op. cit., p. 65.

152 « Malgré les services rendus à la cause religieuse dans le passé, L’Éclair ne doit plus être considéré comme un journal d’inspiration catholique et (...) il n’est plus fait pour des catholiques », écrit le prélat.

153 Cette anecdote a été relevée dans le mémoire de Jean-Jacques Boyer, op. cit., p. 66.

154 Voir Jean-Jacques Boyer, op. cit., p. 66.

155 Archives privées citées par Jean-Jacques Boyer, op. cit., p. 88.

156 Ibidem.

157 Archives privées citées par Jean-Jacques Boyer, op. cit., p. 84.

158 La Gazette du Languedoc, 24 mars 1929.

159 Abel Pomarède, Mémoires d’un ouvrier vigneron royaliste. Préface de Gustave Thibon, Tours, La Documentation royaliste, 1978, p. 37.

160 Dès le début des années trente, Mgr Mignen est nommé à Rennes. Mgr Brunhes restera à l’évêché de Montpellier jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

161 L’abbé Trochu a fait suivre le Tour de France cycliste par des voitures pavoisées aux couleurs de L’Ouest-Éclair. Voir Jean-Jacques Boyer, op. cit., p. 108.

162 La Gazette de l’Hérault, 31 mars 1929.

163 La Gazette du Languedoc, 30 juin 1929.

164 Voir Jean-Jacques Boyer, op. cit., p. 109.

165 « (Nous) n’excluons de la République, que ceux qui s’en excluent volontairement, soit qu’ils n’aient besoin pour ce qui les concerne ni de justice sociale, ni de liberté, soit qu’ils s’obstinent à tourner inlassablement la tête vers un passé révolu (...) ». Voir Le Sud, n° 1, 10 mars 1930.

166 « Au point de vue de la tactique républicaine, la meilleure formule est encore celle qu’exposa M. Poincaré dans son discours de Bordeaux, à savoir qu’il accueillait tous ceux qui acceptent sincèrement la République, en allant jusqu’à ceux qui sont les plus acharnés à la défendre jusqu’à ceux même qu’un cœur généreux porte à l’avant-garde mais qui savent rester français et se garder de toute démagogie ». Ibidem.

167 Le Sud, n° 56, 2 mai 1930.

168 En 1930, les dépositaires de L’Éclair reçurent l’ordre de ne plus vendre Le Sud. Voir Gérard Cholvy, dir., Histoire du diocèse..., op. cit.

169 Rapport du commissaire spécial de Sète du 28 octobre 1929. ADH 1 M 1115.

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