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La lutte contre la corruption

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Frédérique Farouz-Chopin

Titre 1. Un délit dépendant des données politiques

Introduction à la première partie

Texte intégral

143.- Les lois se succèdent depuis des années dans de nombreux domaines afin de lutter contre la corruption mais en vain, le phénomène devance toujours le législateur et revêt des formes tellement diverses qu’il est difficile à appréhender dans toute sa complexité.

2En outre, la lutte contre la corruption rencontre de nombreux obstacles tels que le labyrinthe des liens d’interdépendance qui font fonctionner l’économie souterraine. De même, la contribution des mécanismes de la corruption au maintien de l’ordre politique, économique et juridique existant et sa relative acceptation sociale parce qu’elle ne constitue pas jusqu’à maintenant une menace directe contre la vie et qu’elle semble davantage léser des intérêts plutôt impersonnels (ex : l’État) en font des remparts contre toute intervention contraire. Si l’on ajoute à ces obstacles ceux liés au coût que cela représenterait pour le système pénal de poursuivre et punir tous les actes de corruption (fardeau de la preuve, investigations longues et difficiles et procédure d’entraide judiciaire internationale systématique), on comprend mieux l’état de renoncement dans lequel se trouvent de nombreux pays parmi lesquels figure la France.

344.- Pourtant, dans ce contexte, comprendre la difficulté de l’action ne doit pas conduire à laisser faire mais au contraire inciter à agir au plus vite dès lors qu’il apparaît que ce délit de corruption entretient des liens étroits avec le monde politique puisqu’il est indéniable que parfois les décideurs politiques ont directement ou indirectement contribué à un tel résultat, et avec le monde socio-économique dans lequel il parvient à s’infiltrer.

4Mais, ces acteurs de la vie politique jouant un rôle de premier plan dans l’économie nationale ou locale ont peu à peu répandu leurs façons de faire dans les divers secteurs de la vie publique économique dès lors que par cette voie ils pouvaient obtenir un avantage qu’ils n’auraient pu obtenir de manière légale. C’est ainsi, que le délit de corruption a commencé à s’instituer comme mode de fonctionnement « normal » des échanges économiques et commerciaux.

545.- La lutte contre ce délit est ainsi rendue difficile d’une part, en raison de la dépendance de ce délit à l’égard des données politiques (Titre 1), et d’autre part, en raison des relations étroites qu’il entretient avec le milieu socio-économique (Titre 2).

646.- Lorsque l’on procède à l’analyse des faits de corruption dans les divers secteurs du domaine public, il est surprenant de constater de façon quasi systématique, les relations étroites qui existent entre milieu politique et milieu économique. C’est en effet dans le cadre des rapports de la politique et de l’argent que la corruption prend naissance. Cette relation peut s’exprimer différemment, que ce soit de façon exclusive ou cumulative. Ainsi, la corruption peut régner au profit d’une collectivité locale et/ou d’une entreprise, au profit d’un parti politique, au profit d’un homme politique.

7Si l’on a parfois tendance à penser que la corruption est certes présente, mais de manière très localisée, il n’en est rien, la corruption est partout : elle touche aussi bien l’État, ses marchés nationaux, ses élus nationaux, que les collectivités territoriales, leurs marchés publics et leurs élus locaux. En effet, comme nous le verrons tout au long de ces développements, la place que joue le politique dans la relation corruptrice est pratiquement toujours présente quel que soit le secteur auquel on s’intéresse. Ceci est facilement compréhensible puisque le politique gère les relations qui existent au sein du monde socio-économique. Ce milieu clos des relations corruptrices constitue, économiquement, ce que Monsieur Cartier-Bresson appelle un réseau : l’élu national a également un mandat local et joue un rôle déterminant - en raison de ses pouvoirs nationaux - dans le réseau de corruption local qui lui-même travaille pour le réseau national !

847.- Le législateur a ainsi commencé à percevoir la première forme du délit de corruption quand il s’est intéressé aux conséquences et effets pervers de la décentralisation, il a alors vu que c’était là qu’avait pris naissance une forme de dépendance indirecte. En effet, investis de pouvoirs nouveaux et dotés de moyens financiers de plus en plus importants et autonomes, les hommes politiques se sont laissés tenter par cette masse financière, notamment pour en faire un usage personnel. Le développement de la corruption entre milieu économique et milieu politique doit donc être apprécié dans le cadre de la politique de décentralisation mise en place en 1982. En effet, il est indéniable qu’en permettant l’allégement des contrôles et le renforcement des pouvoirs des élus locaux, la décentralisation a accentué la corruption. En effet, cette dépendance se fait ici de manière indirecte à l’égard du politique mais elle ne peut être écartée puisque décentralisation et pouvoirs qui en découlent sont indirectement liés aux données politiques.

948.-Ce mouvement d’expansion de la corruption qui s’est entre autre traduit par la multiplication des fausses factures a trouvé écho dans le financement occulte des partis et des hommes politiques, exemple même d’une dépendance directe. La corruption a su profiter des failles juridiques en ce domaine et devenir par la même, un délit « classique » du financement de la vie politique.

10Si d’un côté l’argent des contribuables sort et circule plus facilement d’une part parce que les contrôles sont allégés, d’autre part, parce que les élus locaux peuvent davantage décider de l’imputation des dépenses, alors semble-t-il, pour beaucoup, la tentation est devenue trop grande et un véritable marché parallèle du financement de la vie politique s’est mis en place.

11Alors que l’on commençait à peine à prendre des mesures destinées à lutter contre la corruption qui s’était développée dans le cadre favorable de la décentralisation, la corruption elle, s’attaquait au financement de la vie politique, devenu un secteur clé de la vie politique de la Nation.

1249.- Nous allons donc voir comment tout d’abord, la corruption a su tirer profiter de la dépendance indirecte des données politiques, (chapitre 1) et comment ensuite, le délit de corruption a réussi à établir une dépendance directe avec les données politiques (Chapitre 2).

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