Le « contrat de nappe » du Saïss au Maroc, figure d’un État aménageur libéral
p. 119-136
Texte intégral
1La fabrique des politiques publiques marocaines s’inscrit dans une longue tradition d’extraversion, trouvant notamment ses origines au cours de la période de domination française du « Protectorat » (Vermeren, 2010). Cette logique a perduré après l’indépendance du pays, se traduisant à la fois par une extraversion des élites administratives et techniques, largement formées à l’étranger (Gobe, 2015 ; Vermeren, 2011), une logique nationale de « bon élève » international respectant les standards internationaux (Kohstall, 2014 ; Hibou & Tozy, 2002) par différents programmes de coopération sectoriels (Hrabanski & Brun, 2012 ; Allal, 2010). Enfin, les programmes d’ajustement structurel initiés au début des années 80 sous l’égide du FMI1 et de la Banque Mondiale confirment cette situation et renforcent l’idée d’une internationalisation des politiques publiques marocaines tout en introduisant une logique économique de libérale (Clément, 1995 ; Ben Ali, 1989) participant au renouvellement des formes d’intervention de l’État (Hibou, 1999a) et à certaines transformations du capitalisme marocain (Catusse, 2008).
2Les politiques de l’eau n’échappent pas à ces logiques (Fernandez, 2014) : la loi sur l’eau de 1995 est issue d’un « processus de traduction et d’hybridation » (Hassenteufel, 2005) d’un standard international. Cette réforme constitue en effet une appropriation marocaine du modèle de « gestion intégrée des ressources en eau » (GIRE), largement promu au sein des instances internationales de réflexion sur la gouvernance de l’eau2. La loi de 1995 porte ainsi création des agences de bassin hydrauliques au niveau de chaque bassin versant, et invite à penser conjointement les usages sectoriels de l’eau3. Ce modèle est également caractérisé par la promotion d’« injonctions floues », particulièrement présentes dans le cadre des politiques de gouvernance territoriale et de développement durable (Goxe, 2006). Les notions de « participation », de « concertation » ou encore d’« intégration des acteurs » sont en effet abondamment utilisées sans que les modalités de ces processus ne soient précisément définies. Loin de considérer ce phénomène comme un défaut, ils sont en réalité l’enjeu de la mise en œuvre des politiques publiques que nous étudions, constituant à ce titre un véritable objet de recherche.
3Dans le cas des eaux souterraines, cela se traduit par la promotion de « contrats de nappe » destinés à réguler les usages des eaux souterraines d’un même aquifère, et en particulier lorsque les pouvoirs publics considèrent celui-ci comme « surexploité ». Les injonctions à la signature de ces contrats proviennent à la fois de la loi nationale sur l’eau, des instruments de planification qu’elle met en place comme les plans directeurs d’aménagement des ressources en eau (PDAIRE), mais également de programmes de coopération internationaux4. Le « contrat de nappe », en tant que nouvel instrument de gestion apparaît à la fois comme un facteur de légitimation, dans le sens où l’internationalité du dispositif véhicule un certain prestige, à la fois sur le plan interne et externe avec l’idée que le respect des standards internationaux participe à une logique de « bon élève » (Hibou, 1999b) international du Maroc.
4En science politique, la figure du contrat a suscité un intérêt constant ces deux dernières décennies (Gaudin, 2007). Instrument « mythifié », il permettrait à ses promoteurs d’éviter à la fois les lourdeurs bureaucratiques de la régulation administrative classique, et l’universalité rigide des règles nationales, afin de mieux adapter celles-ci aux spécificités locales (Hood, 2007). Le « contrat » serait la marque d’une régulation souple, peu coercitive. Il serait un des instruments symbolisant l’idée d’une transition du rôle essentiellement aménagiste de l’État vers une forme de gouvernance territoriale. Au sein de la typologie des instruments de politique publique proposée par Pierre Lascoumes et Patrick Le Galès, le « contrat » se présente ainsi comme un instrument « conventionnel et incitatif » dont l’efficacité repose sur la recherche d’un engagement direct de la part des acteurs concernés (Lascoumes et Le Galès (éds), 2005) et symboliserait l’avènement d’un État « mobilisateur » qui laisserait une plus grande marge de manœuvre aux institutions territoriales pour négocier et mettre en œuvre des dispositifs d’action publique. Organise-t-il une négociation pluraliste entre les administrations locales de l’eau, sous l’égide de l’agence de bassin ? Indique-t-il bien un relatif effacement de l’État central, devenu un acteur parmi d’autres de la gouvernance territoriale ? Notre analyse de la mise en œuvre des contrats permet d’affirmer que l’État central a en réalité maintenu un contrôle privilégié de la gestion des eaux souterraines, maîtrisant autant les ressources humaines et financières que les négociations et débats entre les acteurs engagés dans le processus.
5Nous proposons ainsi d’étudier la mise en œuvre de ces « nouveaux » outils d’action publique au niveau territorial, d’observer l’appropriation de modèles internationaux et des outils correspondant au niveau de la gestion du complexe aquifère sur lequel repose la plaine du Saïss5. Nous concevons la fabrique de l’action publique comme un processus, une « construction collective d’acteurs en interaction » (Hassenteufel, 2011), l’analyse de ces processus et leur déploiement au niveau territorial6 nous permettant d’éclairer les modalités d’intervention de l’État marocain. Pour cela, nous allons voir, dans un premier temps, comment les acteurs territoriaux « mettent en politique » le problème (Barthe, 2006), en définissant tout d’abord le cadre d’action dans lequel ils s’inscrivent, en imaginant les solutions qui s’offrent à eux. Nous comprendrons alors que l’État central conserve un rôle primordial dans la production des politiques publiques hydrauliques, à travers le financement et la réalisation de toute une série d’équipements, caractéristiques d’un État aménageur libéral.
Le « laisser-faire » dans l’accès aux nappes souterraines comme cadrage du problème
6Lorsque les acteurs territoriaux de la gestion des nappes souterraines entament un processus de mise en œuvre de contrat de nappe, ils sont d’abord amenés à définir le problème qu’ils veulent traiter. On observe ainsi des opérations de cadrage du problème (Neveu, 2015), notamment des débats concernant la définition d’une nappe « surexploitée ». Ce processus de définition du problème est fortement lié à la définition d’un ensemble de solutions considérées comme « envisageables » par les acteurs, nous renseignant par là même sur la répartition des compétences entre les acteurs mais aussi sur les marges de manœuvre dont ils disposent, ou tout au moins dont ils considèrent disposer. Par ailleurs, elle permet d’analyser les usages des instruments de politique publique existants et destinés, dans notre cas d’étude, à la régulation de l’accès aux nappes d’eau souterraine.
7À cet effet, la loi sur l’eau de 1995 reconduit le principe de l’obligation de détenir une autorisation de creusement et de prélèvement pour utiliser les eaux souterraines, à partir d’un puits ou d’un forage notamment. Les agences de bassin hydrauliques possèdent logiquement la compétence liée à ces autorisations. Cependant, ces dernières sont demandées par les agriculteurs uniquement lorsqu’ils réalisent simultanément une demande de subvention agricole, pour laquelle l’obtention de l’autorisation de prélèvement est une condition préalable obligatoire. Les subventions en question concernent le creusement d’un forage destiné à alimenter un équipement d’irrigation localisée, majoritairement des équipements « goutte-à-goutte ». C’est à partir de 2008, date de lancement du Plan Maroc Vert7, que le montant des subventions agricoles a atteint des montants conséquents puisqu’il représente 80 % du coût du forage et de l’équipement « goutte-à-goutte8 ». C’est également à partir de cette date que la demande de subventions a été conditionnée à l’obtention d’une autorisation de pompage délivrée par l’agence de bassin hydraulique.
Les subventions ont beaucoup encouragé les agriculteurs à régulariser leur situation. Avant c’était un peu l’anarchie mais avec le Plan Maroc Vert, on a demandé des autorisations pour demander les subventions. Normalement, il faut toujours demander l’autorisation, mais avant le Plan Maroc Vert, on ne courrait pas comme ça après les autorisations, il y avait d’ailleurs peu de demandes9.
8La procédure d’autorisation mise en œuvre par l’agence du bassin est effective pour la seule raison qu’elle constitue une pièce nécessaire au dossier de demande de subventions, l’action de l’agence dans le domaine est donc soumise à l’existence d’un important programme de subventions agricoles. En somme, les procédures d’autorisation de l’agence de bassin sont dépendantes de politiques de développement agricole10. D’autre part, ces procédures sont insuffisantes pour constituer des mesures de contrôle des prélèvements sur les nappes. Tout au plus, elles fonctionnent comme une sorte de recensement des points d’eau par les agences de bassin. En effet, le manque de moyens humains des agences ne leur permet pas de réaliser de contrôles nécessaires à la vérification des contreparties prévues par l’autorisation (installation d’un compteur, respect de la profondeur et du débit de prélèvement déclaré). Ensuite, ce constat est renforcé par l’existence de formes de contournement de cette procédure, notamment par une procédure de simple déclaration dans le cas où l’on peut prouver que les terres concernées étaient déjà irriguées par le passé11. Enfin, la police de l’eau, prévue par la loi de 1995, est en réalité inopérante, les agents dévolus au sein des agences de bassin sont majoritairement occupés par d’autres missions, comme le rappelle le responsable d’une agence de bassin. « L’activité police de l’eau, à l’agence, on la réalise si on en a l’occasion12. »
9Finalement, les acteurs de la définition du problème de surexploitation des nappes d’eau souterraine opèrent un cadrage spécifique du problème qui exclut le recours à des mesures réglementaires, comme le rappelle un ancien directeur d’agence de bassin.
Certaines mesures draconiennes, type sanction et cætera, on est arrivé jusqu’à ce stade, dans certaines zones, pas partout. Alors disons, ce côté bâton ça ne marche pas, ça ne donne pas les résultats escomptés, alors on essaie un petit peu la carotte. C’est l’idée un petit peu de ces contrats de nappe13.
10Dans les processus de mise en œuvre des contrats de nappe, les acteurs territoriaux ne reviennent pas sur ces aspects, qui ne sont par exemple pas pris en compte dans le projet de contrat de nappe du Saïss14. En réalité, ce fonctionnement traduit une véritable politique de « laisser-faire » de l’État marocain en ce qui concerne l’accès aux eaux souterraines. Le ministère de l’Agriculture veille notamment à ce que rien ne vienne entraver les plans de développement agricole, encourageant notamment le développement et l’intensification de l’agriculture irriguée. Finalement, nous remarquons ici l’importance des politiques centrales de l’État, limitant les marges de manœuvre des acteurs territoriaux. Ce pendant libéral de l’État marocain, qui encourage fortement les investissements privés dans le domaine agricole, mobilisant davantage de ressources en eau, excluant des mesures de régulation par contrôles et sanctions, ne peut être remis en cause au niveau territorial et n’entre ainsi pas dans le « cadrage » que les acteurs font des solutions envisageables (Entman, 1993). Finalement, malgré des discours appelant à la sauvegarde des nappes et des ressources en eau souterraine, l’avènement de politiques de l’eau « préservationnistes » est endigué par des politiques de développement économique et agricole basées sur un encouragement à l’entreprenariat et à l’investissement économique.
Le projet de contrat de nappe dans la plaine du Saïss
11La plaine du Saïss, située entre les villes de Fès et de Meknès et zone agricole majeure du pays, repose sur un système aquifère complexe qui alimente à la fois directement des sources résurgentes, mais aussi des puits et des forages à usage agricole captant les eaux de la nappe superficielle ou encore des forages artésiens à partir de la nappe profonde destinés à la production d’eau potable.
12La compétence de la gestion de la nappe relève de l’agence de bassin du Sebou15, laquelle développe un projet de contrat de nappe depuis quelques années. L’étude de son contenu, et des différentes parties prenantes nous permet d’analyser la politique de gestion des eaux souterraines dans la région. Le projet de contrat de nappe du Saïss proposé par l’agence rassemble uniquement les acteurs administratifs concernés par la gestion et l’utilisation de ces ressources16. Le contrat regroupe en effet l’agence de bassin hydraulique, les directions territoriales du ministère de l’Agriculture, des Eaux et Forêts, les chambres d’agriculture ainsi que les producteurs et distributeurs d’eau potable sous l’égide des walis des deux régions concernées qui sont à la fois préfets de région directement nommés par le souverain marocain, détenteurs du pouvoir exécutif régional et responsables de l’administration locale du ministère de l’Intérieur.
Figure 1 : Carte de situation de la nappe phréatique de la plaine du Saïss (Maroc).

Source : ABH Sebou.
13Le plan d’action de l’agence du Sebou définit quatre actions liées à l’objectif de préservation des ressources en eau souterraine, à savoir : changer progressivement l’origine des ressources destinées à l’alimentation en eau potable en passant des ressources souterraines à des ressources de surface, organiser des transferts d’eau superficielle destinée à un usage agricole pour réduire l’utilisation de puits et de forages, généraliser les contrats de nappe et organiser la recharge artificielle des nappes. L’idée de contrat de nappe pour la gestion des eaux souterraines fait donc partie des objectifs de l’agence de bassin. Elle correspond également aux préconisations défendues au niveau international par les organisations professionnelles de la gestion de l’eau, mais aussi par certains bailleurs de fonds internationaux.
14Dans son introduction, la convention définit les eaux souterraines du complexe aquifère de la plaine du Saïss comme une « réserve stratégique » qu’il s’agit de préserver, notamment pour faire face à d’éventuelles périodes de sécheresse exceptionnelles et sécuriser ainsi l’accès aux ressources en eau. Le point central du contrat de nappe repose sur un bilan actuel des entrées et sorties de la nappe auquel est confronté un objectif de bilan à l’horizon 2030. On observe tout d’abord que les prélèvements destinés à l’irrigation agricole, selon l’agence de bassin, représentent actuellement 60 % des prélèvements, les 40 % restant étant destinés à la production d’eau potable et à la consommation des industries17. Le contrat fixe l’objectif, à horizon 2030, d’une diminution de plus de deux tiers des prélèvements agricoles et un arrêt total des prélèvements destinés à l’eau potable18.
15D’un point de vue hydrogéologique, il convient de rappeler que la nappe du Saïss est un complexe aquifère composé d’une nappe superficielle, sur laquelle sont majoritairement effectués les prélèvements agricoles, et d’une nappe profonde au niveau de laquelle sont effectués tous les prélèvements destinés à la production d’eau potable. D’autre part, la complexité des circulations des eaux souterraines et les échanges entre les différents niveaux de l’aquifère ne sont pas clairement identifiés par les hydrogéologues, un phénomène que le projet de contrat de nappe ne prend pas en compte. Toujours est-il que le contrat présente des objectifs de politique publique précis destinés à transformer le bilan de la nappe, aujourd’hui déficitaire, en bilan excédentaire. Nous remarquons que ceux-ci s’opposent aux objectifs des politiques de développement agricole qui subventionnent, avec le Plan Maroc Vert, le creusement de puits et de forages destinés à des pratiques d’irrigation considérées comme économes en eau, tel que les systèmes d’irrigation en goutte-à-goutte. Ils ne correspondent pas non plus aux choix du producteur national d’eau potable, l’ONEE19, qui mise sur l’utilisation des eaux souterraines pour pallier, à travers un assortiment des types d’eau brute, la moins bonne qualité de l’eau potable produite à partir des eaux de surface20.
16Une situation conflictuelle a d’ailleurs marqué les relations entre l’agence de bassin hydraulique du Sebou et la Direction régionale de l’Office de production d’eau potable. En effet, en 2013, l’ONEE s’opposait à la signature du contrat tel que proposé par l’agence de bassin. À l’évocation de cette situation, un responsable de l’agence de bassin rappelle cependant que l’ONEE et l’agence possèdent le même ministère de tutelle, à savoir le ministère de l’Eau. Il déclare que la décision revient en dernier recours à l’administration centrale et estime que le « ministère tranchera en faveur [de l’agence]21 ». Cette manière de gérer et de résoudre les conflits est assez éloignée de l’idée de contrat de nappe, et plus généralement de contractualisation, qui sous-entend des négociations directes entre les acteurs locaux concernés. D’autre part, cela conforte également l’idée que les nouvelles institutions de la gestion de l’eau, apparues à la faveur de la loi sur l’eau en 1995, fonctionnent selon un mode « classique », dans le sens où elles reposent sur les principes hiérarchiques traditionnels de la bureaucratie étatique. En cela, le contrat de nappe du Saïss n’inaugure pas une contractualisation des politiques de gestion des eaux souterraines. Ces dernières sont en réalité produites à partir de standards internationaux, appropriés au niveau national et dès lors intégrés à des configurations institutionnelles, nationale et locale, spécifiques et marquées, dans notre cas, par un affrontement sectoriel structurant entre l’Eau et l’Agriculture.
17En outre, tel que le prévoit le contrat de nappe, l’eau potable devrait désormais être exclusivement produite à partir d’eaux de surface, conduisant le producteur d’eau potable (ONEE) à se « retirer » de la nappe. Comme le rappelle un ancien fonctionnaire du ministère de l’Agriculture, devenu consultant privé dans le secteur agricole, le retrait d’une partie prenante va à l’encontre de l’idée même de politique contractuelle.
Pour faire un contrat de nappe il faut avoir des enjeux pour essayer de mettre différents partenaires qui ont des intérêts différents. Un jour il y a une négociation et il y a un équilibre qui en sort. Mais là comme une des parties les plus importantes s’est retirée, finalement, il n’y a actuellement plus que la partie agriculture, qui eux ont un intérêt maximal à exploiter la nappe. Ça enlève une arme à l’agence, pour pouvoir aller vers un contrat de nappe. Disons, un contrat ça suppose différentes parties, et là du coup il n’y a pas différentes parties22.
18Enfin, le troisième volet du « contrat » de nappe définit un plan d’action dédié à la réalisation de ces objectifs. Les principaux éléments démontrent une volonté de « gestion par l’offre » en remplaçant l’utilisation actuelle des ressources en eau souterraine par des eaux de surface. Pour l’irrigation agricole, il est prévu la réalisation d’un périmètre irrigué sur la plaine du Saïss, d’une superficie de 30000 hectares, à partir des eaux du M’dez, sur lequel un barrage est actuellement en cours de construction23. Pour l’alimentation en eau potable, le contrat prévoit la création d’une station de traitement, alimentée à partir de la construction d’une prise d’eau sur le barrage déjà existant Idriss Ier et destinée à alimenter les villes de Fès et de Meknès24. Finalement, la convention est en réalité un plan d’aménagement destiné à gérer l’exploitation des eaux de surface pour augmenter l’offre globale en termes de ressources hydrauliques, à travers la construction de nouveaux barrages, emblèmes d’une vision aménagiste des politiques de l’eau (Ghiotti & Molle, 2008). En plus de n’avoir plus que de contractuel que son nom, le « contrat » de nappe du Saïss n’inaugure donc pas de nouveaux objectifs de préservation, quantitative et qualitative, des ressources en eau souterraine. La non-régulation de l’accès aux eaux souterraines, les politiques de subvention de l’irrigation agricole et les aménagements étatiques conçus pour augmenter l’offre de ressource en eau de surface n’encouragent pas une diminution des consommations d’eau souterraine dans le Saïss, ni même leur stabilisation.
Les arguments « préservationnistes » pour justifier des aménagements hydrauliques
19En résumé, le contrat de nappe du Saïss présente des objectifs chiffrés de réduction des prélèvements sur la nappe afin de « stopper la surexploitation » et de « recharger la nappe », et prévoit que ceux-ci soient substitués par une augmentation de l’offre en eau de surface. Le contrat repose donc sur deux types de mesure25. Une réduction des prélèvements d’abord : plus de la moitié de ceux consacrés à l’irrigation agricole et un arrêt total de ceux destinés à l’alimentation en eau potable. D’autre part, la réalisation de plusieurs projets d’aménagement visant à augmenter l’offre en eau de surface pour remplacer la part ainsi diminuée des prélèvements en eau souterraine.
20À en croire le contrat de nappe, l’apport d’eau de surface suffirait à diminuer les prélèvements en eau souterraine. Ce jeu à somme nulle n’est en réalité qu’un leurre, dans la mesure où les consommations en eau pour une même superficie irriguée peuvent augmenter. En effet, les stratégies des agriculteurs sont variées mais conduisent majoritairement à une augmentation de leur consommation en eau, comme le montrent les analyses de l’adoption des systèmes d’irrigation localisée comme le goutte-à-goutte (Kuper, Ameur & Hammami, 2017 ; Benouniche, Kuper & Hammami, 2014). Un accès à un volume d’eau plus important conduit généralement à une intensification des pratiques, ainsi qu’à une extension des superficies irriguées (Venot, Kuper et Zwarteveen (dir.), 2017 ; Molle et Tanouti, 2017). Enfin, de nouveaux apports en eau et la construction de nouveaux aménagements conduisent à des phénomènes de « sur-construction26 » de « fermeture » des bassins versants (Molle, 2008). De cette manière, il apparaît très peu probable que le contenu actuel du « contrat » de nappe du Saïss conduise effectivement à une diminution de l’utilisation des eaux souterraines dans la région.
21Dans le cas marocain, la gestion de ces projets d’aménagement est confiée à chaque administration sectorielle et leur financement est assuré par l’État, qui s’appuie notamment sur des prêts obtenus auprès de bailleurs de fonds internationaux. Nous remarquons ici le rôle prédominant joué par l’État, à travers ses administrations centrales, dans la production des politiques d’aménagement hydraulique, ne laissant alors que de très faibles marges de manœuvre aux acteurs locaux pour négocier une politique « contractuelle ». À ce titre, la construction du complexe de barrages du M’dez est emblématique. Ce dernier est en effet entièrement financé par l’État, le ministère central supervisant sa construction de manière directe. La construction de ce barrage est également emblématique des conflits sectoriels qui caractérisent les politiques de l’eau au Maroc. Prévue pour alimenter un nouveau périmètre irrigué au niveau de la plaine du Saïss, une petite partie des eaux devait être affectée à une unité de production hydroélectrique27. La répartition des eaux du barrage a fait l’objet d’âpres négociations, finalement remportées par le ministère de l’Agriculture, dans le sens où l’intégralité des ressources du barrage sera finalement destinée à l’irrigation agricole, comme l’explique un fonctionnaire du ministère de l’Agriculture.
Il y avait les gens de l’électricité, l’ONEE, ils avaient déjà bouclé des études pour pouvoir installer leur usine là-bas. […] Mais ça va engendrer des dépenses supplémentaires de pompage pour l’Agriculture qui va rendre le projet presque impossible. […] Donc ce conflit je pense il a duré plus d’une année, une année et demie. Jusqu’à ce que les instances, c’est les hautes-instances qui ont tranché et qui ont opté pour l’irrigation28.
22Finalement, l’idée même de « politique contractuelle » est de nouveau remise en cause par ces pratiques. Celles-ci ne reposent en effet pas sur l’idée de négociations horizontales entre les acteurs concernés (Gaudin, 2007). Ce contrat de nappe est en réalité un plan d’aménagement étatique destiné à « augmenter l’offre » en mobilisant davantage de ressources en eau de surface. Au niveau national, la décision du retrait progressif de deux principaux usagers des eaux souterraines conduit l’agence de bassin à négocier directement avec un secteur agricole focalisé sur ses politiques sectorielles de développement des investissements. L’État est donc bien au centre des politiques hydrauliques au Maroc, il ne mobilise pas les acteurs territoriaux mais agit en aménageur libéral : il fournit et sécurise les ressources en eau à des usagers, principalement agricoles, qu’il encourage par ailleurs à entreprendre et à investir.
23La politique agricole marocaine s’inscrit dans cette logique d’incitation à l’entreprenariat. Lancé en 2008, le Plan Maroc Vert est un important plan de soutien au développement agricole. Il propose de fortes incitations économiques par le biais de subventions octroyées aux agriculteurs désireux d’acquérir de nouveaux équipements, plus « modernes ». Les instruments mis en œuvre par ce plan sont donc très différents des instruments « contractuels » de l’agence de bassin pour tenter de réguler les usages des eaux souterraines de la plaine du Saïss. En reprenant la typologie proposée par Lascoumes et Le Galès, nous pouvons faire correspondre à ces deux instruments deux types de rapport au politique qui reposent eux-mêmes sur deux types de légitimités différentes (Lascoumes et Le Galès (éds), 2005). Les instruments économiques directs sont l’expression d’un État « producteur de richesse » qui recherche une efficacité économique à court terme, la production agricole dans notre cas d’étude. Les instruments conventionnels sont à l’image d’un État « mobilisateur » qui recherche l’engagement direct des acteurs concernés. Notre analyse a cependant mis l’accent sur le fait que cette logique contractuelle relevait plutôt du discours que des actes. En effet, les politiques analysées sont en réalité des politiques d’aménagements sectoriels, où l’État agit en coordonnateur des différentes administrations et occupe un rôle central, notamment du point de vue de la maîtrise des ressources financières. Cette typologie nous permet en partie de penser le rapport de l’État à la société et les modes de régulation qu’il énonce mais ne permet pas à elle seule de mener une véritable analyse des changements d’organisation du travail administratif quotidien et ceux d’ordre institutionnels.
24Si la politique de gestion de l’eau est présentée comme orientée vers la préservation des ressources en eau, l’analyse de son contenu prouve qu’il n’en est rien. La politique de gestion de la nappe du Saïss n’apporte pas de changements substantiels des objectifs des politiques hydro-agricoles, qui restent focalisées sur l’apport de ressources nouvelles à travers des politiques d’aménagement. La grille d’analyse évolutive du changement de politique publique proposée par Peter Hall (Hall, 1993) ne peut donc nous satisfaire puisque les objectifs de la politique sont inchangés alors que certaines modifications – certes très limitées – ont eu lieu au niveau des instruments (« contrat » de nappe) et des institutions (agences de bassin). Ces différentes dimensions du changement peuvent donc bien « varier indépendamment » (Hassenteufel, 2011). Les discours « préservationnistes », notamment véhiculés par des instruments tels que la GIRE et les contrats de nappe, sont finalement mobilisés pour la reproduction des mêmes objectifs de politique publique orientés vers le développement des ressources en eau. Dès lors, il apparaît plus intéressant de s’interroger sur les modes d’intervention de l’État qui, dans le cadre de la gestion des eaux souterraines, n’est pas plus « mobilisateur » qu’il n’organise une régulation concertée et contractuelle d’intérêts divers. Au contraire, il reste central dans les processus de fabrique de l’action publique et agit dans une logique d’État « aménagiste », pourvoyeur de ressources, en s’appuyant sur son administration pour développer des projets territoriaux.
L’État aménageur libéral, figure dominante de politiques hydrauliques centralisées
25Finalement, cette analyse de la mise en place d’outils de politique publique initialement issus d’un transfert de politique publique vient remettre en cause l’idée d’un outil universel pour la gestion des eaux souterraines tel que les « contrats de nappe ». En effet, ce cas d’étude permet plus généralement de rappeler que l’appropriation spécifique qui est faite d’un outil de politique publique ne va pas de soi, le calquage d’un « modèle » ou simplement d’une notion n’étant pas vecteur, en soi, d’un changement de politique publique. Dans la plaine du Saïss, la tentative de mise en place d’un outil contractuel se solde finalement par le renforcement des politiques d’aménagements décidées au niveau national ainsi que de politiques d’encouragement à l’entreprenariat, bien loin de ce que laisse imaginer, de prime abord, l’idée de politique contractuelle.
26Notre analyse des politiques de gestion des eaux souterraines a révélé la cohabitation de deux orientations fondamentales de l’action de l’État. Libérale d’abord, dans le sens où il cherche à structurer le secteur agricole et à encourager leur subjectivation en entrepreneur (Catusse, 2008 ; El Fassi, 2012), par l’encouragement aux forages privés et à l’irrigation en goutte-à-goutte. Aménageur ensuite, puisque l’État continue à mobiliser les eaux de surface par la construction d’infrastructures (grands barrages, périmètres irrigués, stations de traitement) en s’appuyant sur une élite bureaucratique d’ingénieurs hydrauliques et du génie rural.
27L’État aménageur n’est donc pas nécessairement dirigiste : au Maroc, l’État relâche son contrôle sur les choix agricoles (assolements, prix). Il n’est pas non plus néolibéral, au sens où les pratiques de la concurrence seraient essentielles à ce modèle (Foucault, 1994). En réalité, tous les agriculteurs ont vocation à profiter des subventions, à passer à l’irrigation en goutte-à-goutte et à augmenter la valorisation de l’eau. En théorie, aucun agriculteur n’est censé être perdant, ces derniers se révéleront probablement de manière différée, du fait de leur incapacité à poursuivre la « course vers les profondeurs » des forages due à la baisse du niveau des nappes. Finalement, les politiques libérales et aménagistes permettent à l’État de ne pas bousculer les équilibres fragiles, tout en accompagnant les importants changements à l’œuvre dans le monde rural. Les eaux souterraines se révèlent alors comme une véritable « manne » politique permettant de différer les choix redistributifs.
28Cette modalité d’intervention de l’État suit les logiques de transformation de l’État marocain décrites dans la littérature. En effet, l’analyse des politiques de gestion des eaux souterraines montre que l’État n’est pas « en retrait » (Hibou, 1998), mais reste largement interventionniste (Hibou, 1999a). Le mouvement de libéralisation économique initié à la fin des années 80 n’a pas conduit à un abandon par l’État de ses prérogatives mais plutôt à certains recentrages, en s’appuyant notamment sur la figure libérale de l’entrepreneur (Catusse, 2008), devenue un maillon essentiel du développement de nouvelles politiques largement tournées vers l’encouragement des investissements privés.
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
Bibliographie
10.3917/crii.048.0097 :Allal Amin, « Les configurations développementistes internationales au Maroc et en Tunisie : des policy tranfers à portée limitée », in Critique internationale, 2010, vol. 48, n° 3, p. 97-116.
Barthe Yannick, Le Pouvoir d’indécision. La mise en politique des déchets nucléaires, Paris, Economica, 2006.
Ben Ali Driss, « Changement de Pacte social et continuité de l’ordre politique au Maroc », in Annuaire de l’Afrique du Nord, vol. 28, 1989, p. 51-72.
Benouniche Maya, Kuper Marcel & Hammami Ali, « Mener le goutte à goutte à l’économie d’eau : ambition réaliste ou poursuite d’une chimère ? », in Alternatives Rurales, n° 2, 2014, p. 36-47.
10.4000/books.irmc.525 :Catusse Myriam, Le Temps des entrepreneurs ? Politique et transformation du capitalisme au Maroc, Paris, Maisonneuve et Larose, « Connaissance du Maghreb », 2008, 348 p.
10.3406/polit.1995.4476 :Clément Jean-François, « Les effets sociaux du programme d’ajustement structurel marocain », in Politique étrangère, vol. 60, n° 4, 1995, p. 1003-1013.
El Fassi Ayoub, Praxis libérale et ordre autoritaire (souple) ou les voies incertaines de la démocratisation au Maroc, Rabat, université Mohammed V-Souissi (« Publications de la Faculté des Sciences Juridiques, Économiques et Sociales – Souissi »), 2012, 260 p.
10.1111/j.1460-2466.1993.tb01304.x :Entman Robert M., « Framing : Toward Clarification of a Fractured Paradigm » , in Journal of Communication, vol. 43, n° 4, 1993, p. 51-58.
10.3917/dec.pest.2014.01.0203 :Fernandez Sara, « Gouverner les eaux depuis 1945. Internationalisation et intensification des flux de capitaux, de techniques et de modèles », in Le Gouvernement des technosciences, Paris, La Découverte, 2014, p. 203-230.
Foucault Michel, « Le sujet et le pouvoir. Texte n° 360 », in Dits et écrits (1954-1988) Tome IV : 1980-1988, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des Sciences Humaines », 1994.
Gaudin Jean-Pierre, Gouverner par contrat, 2de éd., Paris, Presses de Sciences Po (« Gouvernances »), 2007.
Ghiotti Stéphane & Molle François, « Vers de nouveaux grands barrages en Méditerranée ? », in Maghreb-Machrek, n° 196, 2008, p. 63-78.
Gobe Éric, Jalons pour une sociologie des ingénieurs au Maghreb, Aix-en-Provence, Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman, « Livres de l’IREMAM », 2015, 150 p.
Goxe Antoine, « Gouvernance territoriale et développement durable : implications théoriques et usages rhétoriques », in Pasquier Romain, Simoulin Vincent et Weisbein Julien (dir.), La Gouvernance territoriale. Pratiques, discours et théories, Paris, LGDJ, « Droit et société », 2006, p. 151-170.
Hall Peter A., « Policy paradigms, social learning, and the state: the case of economic policymaking in Britain », in Comparative politics, 1993, p. 275-296.
10.3917/rfsp.551.0113 :Hassenteufel Patrick, « De la comparaison internationale à la comparaison transnationale : les déplacements de la construction d’objets comparatifs en matière de politiques publiques », in Revue française de science politique, vol. 55, n° 1, 2005, p. 113-132.
Hassenteufel Patrick, Sociologie de l’action publique, Paris, Armand Colin, 2011, 406 p.
10.3406/criti.1998.1363 :Hibou Béatrice, « Retrait ou redéploiement de l’État ? », in Critique internationale, 1998, vol. 1, n° 1, 1998, p. 151-168.
Hibou Béatrice, « La “décharge”, nouvel interventionnisme » , in Politique africaine, 1999, vol. 1, n° 73, 1999, p. 6-15.
Hibou Béatrice, « Les marges de manœuvre d’un “bon élève” économique : la Tunisie de Ben Ali », in Études du CERI, 1999, p. 1-33.
10.3917/crii.014.0091 :Hibou Béatrice & Tozy Mohamed, « De la friture sur la ligne des réformes. La libéralisation des télécommunications au Maroc », in Critique internationale, 2002, vol. 1, n° 14, 2002, p. 91-118.
10.1111/j.1468-0491.2007.00347.x :Hood Christopher, « Intellectual Obsolescence and Intellectual Makeovers : Reflections on the Tools of Government after Two Decades », in Governance, vol. 20, n° 1, 2007, p. 127-144.
Hrabanski Marie & Brun Matthieu, « La lutte contre la peste des petits ruminants au Maroc : circulation et sélection des recommandations internationales pour la santé animale » , in Review of Agricultural and Environmental Studies – Revue d’Études en Agriculture et Environnement, vol. 93, n° 4, 2012, p. 379-393.
Kohstall Florian, « Les réformes de l’niversité à l’heure de “l’internationalisation” : regards croisés sur l’Égypte et le Maroc », in Mazzella Sylvie (éd.), L’Enseignement supérieur dans la mondialisation libérale : une comparaison libérale (Maghreb, Afrique, Canada, France), Rabat, Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (« Maghreb et sciences sociales »), 2014, p. 39-50.
Kuper Marcel, Ameur Fatah & Hammami Ali, « Unraveling the enduring paradox of increased pressure on groundwater through efficient drip irrigation », in Venot Jean-Philippe, Kuper Marcel et Zwarteveen Margreet (dir.), Drip Irrigation for Agriculture: Untold Stories of Efficiency, Innovation and Development, Londres & New York, Routledge, 2017.
Lascoumes Pierre & Le Galès Patrick (dir.), Gouverner par les instruments, Paris, Presses de Sciences Po, 2005, 371 p.
10.1080/07900620701723646 :Molle François, « Why Enough Is Never Enough : The Societal Determinants of River Basin Closure », in International Journal of Water Resources Development, vol. 24, n° 2, 2008, p. 217-226.
Molle François & Tanouti Oumaima, « La micro-irrigation et les ressources en eau au Maroc : un coûteux malentendu », in Alternatives Rurales, n° 5, 2017, p. 22-39.
10.3917/arco.neve.2015.01 :Neveu Erik, Sociologie politique des problèmes publics, Paris, Armand Colin (« U : Sociologie »), 2015, 288 p.
Venot Jean-Philippe, Kuper Marcel & Zwarteveen Margreet (dir.), Drip Irrigation for Agriculture : Untold Stories of Efficiency, Innovation and Development, Londres & New York, Routledge, 2017, 508 p.
10.3917/dec.verme.2016.01 :Vermeren Pierre, Histoire du Maroc depuis l’indépendance, Paris, La Découverte, « Repères », 2010, 125 p.
10.3917/tele.039.0053 :Vermeren Pierre, « La formation des élites marocaines, miroir de la mondialisation ? », in Le Télémaque, n° 39, n° 1, 2011, p. 53-66.
Notes de bas de page
1 Fonds Monétaire International.
2 On pense notamment au Global Water Partnership et au Forum mondial de l’Eau.
3 Dahir n° 1-95-154 du 16 août 1995 portant promulgation de la loi n° 10-95 sur l’eau, Bulletin Officiel n° 4325 du 20 septembre 1995.
4 On pense notamment au programme AGIRE (Appui à la Gestion Intégrée des Ressources en Eau), un projet de coopération entre le ministère marocain de l’Eau et l’agence de coopération allemande GIZ qui promeut un certain nombre d’outils de politique publique, dont les contrats de nappe. Autre exemple, l’agence de bassin de l’Oum Errabia a reçu en 2015 un don de 4,8 millions de dirham (soit environ 450000 euros) de la Banque Mondiale pour la mise en œuvre d’un contrat de nappe pour la gestion des nappes de la plaine du Tadla.
5 Sur le plan méthodologique, nos recherches s’appuient principalement sur des entretiens semi-directifs réalisés avec les acteurs régionaux et nationaux de la fabrique des politiques de l’eau, mais également sur de l’observation participante (ateliers, séminaires de travail notamment) et l’étude de documents administratifs : littérature grise et documents officiels.
6 Par territoires, nous entendons ici celui correspondant à l’étendue de la nappe d’eau souterraine considérée dans notre étude : la plaine du Saïss, située entre les villes de Fès et de Meknès.
7 Le Plan Maroc Vert est le plan de développement agricole lancé en 2008 et géré par l’Agence de Développement Agricole, elle-même rattachée au ministère de l’Agriculture. Il envisage de « moderniser » l’agriculture marocaine et prévoit pour cela d’importants programmes de subvention des équipements et des intrants agricoles.
8 Le montant de la subvention peut même atteindre 100 % lorsque l’agriculteur demandeur dispose d’une parcelle de moins de 5 hectares.
9 Entretien avec un responsable de la représentation locale du ministère de l’Eau, Meknès, juin 2013.
10 Selon les acteurs interrogés dans les deux terrains d’étude, les demandes d’autorisation sont en très large majorité liées à une demande de subvention (entretiens réalisés entre avril 2013 et février 2016).
11 « Les aides financières de l’État pour l’encouragement des investissements agricoles », Manuel du Fonds de Développement Agricole (FDA), Ministère de l’Agriculture et de la Pêche Maritime, édition avril 2013.
12 Entretien avec un responsable de l’agence de bassin du Sebou, Fès, juin 2013.
13 Entretien avec un ancien directeur d’agence de bassin hydraulique, Rabat, février 2016.
14 Projet de convention-cadre pour la préservation de la nappe d’eau souterraine de Fès-Meknès (en arabe), Agence de bassin hydraulique du Sebou, mai 2013.
15 L’agence de bassin hydraulique du Sebou assure les compétences de gestion de l’eau prévue dans le cadre de la loi sur l’eau de 1995 sur tout le bassin versant du Sebou, d’une superficie de 48000 km2. Par comparaison, la plaine du Saïss s’étend sur environ 2200 km2.
16 Projet de convention-cadre pour la préservation de la nappe d’eau souterraine de Fès-Meknès (en arabe), Agence de bassin du Sebou, mai 2013.
17 Plan Directeur d’Aménagement des Ressources en Eau (PDAIRE), Agence de bassin hydraulique du Sebou, Fès, septembre 2011.
18 « Évaluation du terrain sur un échantillon représentatif auprès des groupes cibles et présentation d’un plan d’action », Mise en place d’une convention pour une gestion participative et durable des ressources en eau du système aquifère du Moyen-Atlas Saïss, Rapport Mission 2, TGR Consult, version définitive, septembre 2012.
19 Office national de Production d’Eau et d’Électricité.
20 Entretien avec un responsable l’Office national de Production d’Eau et d’Électricité - Branche « eau », Fès, mai 2013.
21 Entretien avec un responsable de l’Agence de bassin du Sebou, Fès, juin 2013.
22 Entretien avec un consultant privé, retraité du ministère de l’Agriculture, Salé, décembre 2015.
23 Entretien avec un responsable de la Direction Régionale de l’Agriculture, Fès, juin 2013.
24 Entretien avec un responsable l’Office national de Production d’Eau et d’Électricité – Branche « eau », Meknès, juin 2013.
25 Projet de convention-cadre pour la préservation de la nappe d’eau souterraine de Fès-Meknès (en arabe), Agence de bassin du Sebou, mai 2013.
26 Overbuilding, en anglais dans le texte.
27 Dès le lancement du projet de barrage sur le M’dez, la majeure partie du volume d’eau était destinée à un usage agricole, tandis qu’une partie devait alimenter une centrale hydroélectrique et une autre servir à des projets de recharge artificielle de la nappe.
28 Entretien avec un fonctionnaire du ministère de l’Agriculture, Meknès, décembre 2015.
Auteur
kevin.del-vecchio@sciencespo-lyon.fr
Doctorant en science politique, Sciences Po Lyon, UMR Triangle, UMR G-Eau et ACTeon Environment (convention Cifre). Les travaux de thèse ont reçu le soutien financier du COSTEA (COmité Scientifique et Technique Eau Agricole).
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Justice et injustices spatiales
Bernard Bret, Philippe Gervais-Lambony, Claire Hancock et al. (dir.)
2010
L’accès à l’eau en Afrique
Vulnérabilités, exclusions, résiliences et nouvelles solidarités
David Blanchon et Barbara Casciarri (dir.)
2019
Pour une géographie du juste
Lire les territoires à la lumière de la philosophie morale de John Rawls
Bernard Bret
2016
Métropoles en débat : (dé)constructions de la ville compétitive
Antoine Le Blanc, Jean-Luc Piermay, Philippe Gervais-Lambony et al. (dir.)
2014
Vivre et construire le droit à la ville : expériences au Sud
La dimension politique des pratiques citadines
Amandine Spire et Marianne Morange (dir.)
2020