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Le travail : activité productive et ordre social

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François Vatin

Introduction

François Vatin

Texte intégral

Le travail est une notion de sens commun au cœur de nombreux débats de société. Ce terme, richement polysémique, semble résister à l’analyse. Pourtant, la notion de travail a été abondamment traitée par de nombreuses disciplines académiques : la philosophie, le droit, la science économique, la sociologie, la psychologie, la psychanalyse, mais, aussi la mécanique ou la physiologie.

1Ce petit ouvrage entend d’abord mettre de l’ordre dans les acceptions multiples de la notion de travail. Il prend le parti de l’examiner sous toutes ces faces pour en montrer la cohérence profonde au-delà des « disputes de mot ». Pour ce faire, l’ensemble du propos a été guidé par une définition du travail comme « activité à vocation productive ». Une telle définition ne resserre pas le concept sur un quelconque dogmatisme, mais ouvre de nouvelles questions. Il s’agira en effet de penser ce que l’on peut entendre par « productif », lesquelles des activités humaines peuvent être considérées comme telles, quelles sont les instances sociales à-même de légitimer le caractère productif d’une activité, comment se croisent, dans la catégorie de production, les dimensions technique et économique, … . Ces questions permettront d’inscrire la notion de travail au sein d’un riche complexe de significations et d’en montrer l’importance dans l’histoire de l’humanité et dans les débats économiques et sociaux présents.

2Cette définition large du travail permet en effet de couvrir le vaste champ des disciplines académiques qui se sont penchées sur la question, mais aussi de saisir dans sa dynamique historique de longue période les formes du travail, de sa reconnaissance comme activité productive et de son encadrement social. On peut alors centrer l’analyse sur la forme sociale dominante d’encadrement social du travail dans la société contemporaine, le salariat, ce qui ouvre l’analyse sur les grands problèmes sociaux contemporains, comme le chômage ou la mondialisation. Souvent, en effet, aujourd’hui, le sens commun et même les discours savants identifient, implicitement ou explicitement, travail et salariat. Nous partirons ici d’une claire distinction de ces deux catégories, pour mieux les comprendre chacune et comprendre leur articulation. La centralité du salariat peut alors être abordée comme un fait historique majeur, mais pourtant contingent : récent à l’échelle de l’histoire de l’humanité et destiné à être dépassé par d’autres formes sociales. Le travail, comme activité productive, doit être en revanche considérée selon nous, comme une dimension constitutive de toute société humaine.

3L’exposé est organisé en trois grandes parties de quatre sous-parties chacune. Dans la première partie, on examinera la notion de travail, son étymologie, son histoire, son traitement par les différentes disciplines académiques. Dans la deuxième partie, on se penchera sur l’activité productive en s’attachant à saisir ses transformations avec l’évolution des techniques depuis la Révolution industrielle, mais aussi les représentations sociales qui en ont été données, notamment par les arts plastiques, la littérature ou le cinéma. Dans la troisième partie, enfin, on étudiera l’encadrement social du travail en situant le salariat dans une histoire de longue période, qui a vu se succéder et s’entremêler de multiples statuts sociaux du travail. On s’interrogera pour conclure sur la possible crise présente du salariat.

4L’institution salariale s’universalise à l’échelle du globe. Elle n’a jamais été aussi hégémonique, y compris dans les pays les plus anciennement développés. Mais elle paraît en même temps en quelque sorte victime de son succès. Alors qu’aujourd’hui, dans un pays comme la France, plus de 90 % de la population active est salariée et que, par de nombreux aspects, le statut des non-salariés tend à se rapprocher de celui des salariés, le salariat ne devient-il pas une catégorie « attrape-tout » qui peine à saisir les lignes de force et les contradictions qui traversent les sociétés contemporaines. Ne faut-il pas alors revenir à la notion de « travail » par delà celle de salariat pour mieux comprendre le soubassement productif de nos sociétés sur lesquels s’élaborent ses structures sociales ?

5Développer un propos aussi vaste et ambitieux dans un si petit volume est une gageure. L’ouvrage n’a pas en ce sens de vocation encyclopédique et sa lecture ne doit pas dispenser d’autres lectures. Nous donnerons en annexe des conseils de lecture pour chacune des sous-parties. Notre objectif n’est pas de résumer l’ensemble des connaissances sur le travail, mais de fournir un guide raisonné pour s’orienter dans une littérature abondante, souvent redondante, qui pourrait donner le tournis.

6Enfin, il nous importe de souligner un point essentiel. Cet ouvrage a une vocation didactique. Pour autant, sa conception a d’abord été orientée par un souci de véracité historique et de rigueur théorique, quitte à heurter certaines pseudo-évidences scolaires ou médiatiques. Cet opuscule n’est pas une compilation d’ouvrages classiques ou récents sur le thème, mais une synthèse originale qui s’appuie sur nos réflexions personnelles développées dans d’autres publications. Si elles sont abondamment citées, c’est seulement pour permettre au lecteur d’approfondir les points traités et de retrouver les sources sur lesquelles on s’appuie. En ce sens, cet ouvrage constitue, sous ce petit format, un ouvrage de recherche et doit être lu comme tel. Les sciences humaines ne peuvent être enseignées sous la forme d’un savoir scolaire dogmatique coupé de la recherche active. Elles exigent du lecteur un esprit critique toujours en éveil, prêt à discuter les thèses proposées et à aller chercher des sources fiables pour les infirmer ou les confirmer. C’est dans cet esprit que nous invitons les lecteurs à prendre connaissance de cet opuscule.

7Paris, le 16 septembre 2013

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