Se protéger. Mais de quoi ? Corps, santé et commerce du sexe. Récit d’un jeune escort
p. 55-70
Texte intégral
La prostitution sur internet ou escorting est un phénomène récent et mal connu. À ce jour, elle n’a que peu fait l’objet d’investigations de la part des sciences sociales1. Son développement est à situer dans le contexte plus large de l’invisibilité croissante de la prostitution en France depuis le début des années 20002. Mais si l’escorting serait (au moins partiellement) en train de se substituer au « tapin » – le déplacement géographique de la rue vers le cyberespace trouvant alors une correspondance dans le glissement sémantique de la prostitution à l’escorting –, ce phénomène a également attiré des personnes qui n’étaient pas identifiées jusque-là comme fournisseurs de services sexuels rémunérés.
1Parmi ces « nouveaux visages » de la prostitution figurent de jeunes hommes (18-25 ans), le plus souvent des étudiants, et dont les services sont destinés à des hommes. Ce sont ces personnes qui font l’objet du présent article. On s’appuiera sur les données d’une enquête de terrain ayant articulé différentes approches méthodologiques : des entretiens en face-à-face avec des escorts (n = 36) ; un suivi longitudinal combinant la répétition à distance de certains de ces entretiens et un contact aussi continu que possible avec ces jeunes gens (de visu, par courrier électronique ou sms) ; une description et une analyse fine des deux principales plates-formes Internet spécialisées dans les rencontres tarifées entre hommes (navigation, fonctionnalités proposées, environnement, etc.) ; enfin, une forme d’observation participante à partir de la présence du chercheur – quotidienne et, là aussi, la plus continue possible – sur ces sites Internet (à travers notamment les messageries instantanée et différée qui y permettent les contacts avec les différents utilisateurs, qu’il s’agisse des escorts ou de leurs clients).
2Une des caractéristiques saillantes de l’activité prostitutionnelle approchée ici est qu’elle est le fait d’individus issus majoritairement des classes moyennes, voire, pour une partie non négligeable d’entre eux (un peu plus d’un tiers), des catégories sociales supérieures3. Ainsi, le chef de ménage peut être employé(e), aide-soignant(e) ou infirmière, mais également chef d’entreprise, enseignant dans le supérieur ou bien encore ingénieur. Ces jeunes hommes sont par ailleurs parfaitement intégrés du point de vue familial et, plus généralement, sur le plan social. Si la dimension économique n’est pas absente de leurs préoccupations, elle n’y figure donc nullement au sens d’un revenu qui serait indispensable à leur survie4. Ni en rupture, ni isolés, leur recours à la prostitution ne semble pas lié à une quelconque contrainte.
3Point de précarité donc dans les témoignages recueillis et les situations observées, si ce n’est, peut-être, celle qui pourrait résulter d’une forme de concurrence entre les études d’un côté et l’escorting de l’autre ; concurrence tendanciellement favorable, par séquences, à celui-ci5. Il est évidemment difficile d’évaluer le caractère « représentatif » de cet « échantillon6 ». Mais, en l’absence de données générales disponibles sur l’escorting, devant le manque de fiabilité de celles existant au sujet de la prostitution dans son ensemble également7, rien n’assure a contrario qu’il s’agisse d’une « niche » tout à fait marginale. D’autant que, pour ce qu’on en sait, « la prostitution par Internet […] présente des contours extrêmement flous : il ne s’agit pas d’une pratique homogène et unifiée8 » ; ce qui, à l’évidence, est le cas de la prostitution en général. En réalité, le matériau recueilli au cours de cette enquête permet d’envisager autrement le phénomène prostitutionnel tout en s’y situant à la marge.
4Il est ainsi utile de noter pour poursuivre cette rapide introduction que le « libre choix » que semblent opérer les escorts rencontrés n’est pas synonyme de choix professionnel. Aucun d’entre eux n’envisage l’activité prostitutionnelle comme un métier qu’il souhaiterait exercer et dans lequel il projette son avenir. Ils ont même une représentation particulièrement négative de la prostitution, qu’ils assimilent le plus souvent à la prostitution de rue, forcée et exercée dans les pires conditions. Ils n’ont pourtant aucune connaissance « empirique » ni aucun contact pratique avec ce monde, si ce n’est son image, souvent sensationnaliste, relayée par les médias. À l’image de Cédric9, ils prennent ainsi soin d’en distinguer leur propre activité : « C’est le contraire de ce qu’on trouve au Bois de Boulogne ». Et, parlant de ses clients : « Ce qu’ils veulent aussi, c’est pouvoir passer une nuit avec quelqu’un en sachant qu’il n’a pas eu quarante relations dans la même journée ».
5L’impression que l’image de la prostitution de rue fonctionne comme un repoussoir, comme une sorte de faire-valoir de l’escorting et, donc, pour les escorts eux-mêmes, n’est pas fortuite ici. Ainsi Cédric : « Je considère que les escorts qui sont sur les sites, c’est un peu escort de luxe on va dire ». D’autant qu’existe chez ces derniers un singulier paradoxe qui, sans qu’ils s’en émeuvent, les fait envisager leur activité à la fois comme quelque chose de différent de « vulgaires » services sexuels – en particulier ceux (censés être selon eux) proposés par les prostitué(e)s de rue – et, pourtant, rien d’autre que de « simples » prestations sexuelles.
6La distinction entre les deux termes de la proposition est à envisager à la fois sur les plans quantitatif et qualitatif. Ainsi, si les escorts reconnaissent que leur activité consiste pour l’essentiel en strictes prestations sexuelles (David l’énoncera sur un ton révélateur de ce qui peut être vu comme relevant pour eux du « vulgaire » mentionné à l’instant : « Faut pas se mentir, on vend du cul, point barre ! »), ils insistent unanimement sur le fait que, dans le même temps, celle-là n’est nullement réductible à celles-ci. Qu’il s’agisse de la fréquence des passes et du nombre de clients (moins importants), du temps consacré à chacun de ces derniers (plus conséquent) ou bien encore des services sexuels eux-mêmes (moins « mécaniques »), nombreux sont les éléments par lesquels les escorts tentent de singulariser leur pratique prostitutionnelle.
7Cette conception paradoxale de leur activité, ainsi que la fonction de repoussoir assignée à la prostitution de rue, traduisent la crainte du stigmate de prostitué chez les escorts et, plus encore, la peur de la souillure. L’idée de souillure est pourtant rejetée par ces jeunes hommes. Par ce terme, il faut entendre ce « quelque chose qui n’est pas à sa place10 », cette « offense contre l’ordre11 » dans la mesure où, ayant franchi une ligne qu’ils n’auraient pas dû franchir, les « polluants ne sont pas à leur place12 ». En l’occurrence, ce sont les escorts qui, en se prostituant, savent avoir franchi les frontières d’un monde auquel, en réalité, ils se considèrent in fine tout à fait étrangers.
8En centrant le regard sur la relation de l’escort au client et sur la manière dont elle est vécue et dite par celui-là, l’objet de cet article est de montrer de quelles manières le corps et la question de l’accès au corps des escorts par les clients constituent pour ces jeunes hommes un moyen privilégié de se protéger de la souillure. On découvrira ainsi que, pour être essentiellement symboliques, ces modes de protection liés au corps n’en ont pas moins des implications pratiques, notamment en termes de santé sexuelle et de santé globale. On constatera également que leur mise en œuvre passe par un constant jeu de définition-redéfinition de l’intime par l’escort, ainsi que des frontières entre « vie privée » et « vie publique » ou prostitutionnelle. C’est le caractère de construction sociale et la porosité même de ces notions qui se donneront alors à voir plus distinctement ; laissant apparaître en la matière des lignes de partage entre escorting et prostitution de rue ou traditionnelle. Ces différents éléments seront exposés à partir d’un cas, celui de Cédric, considéré comme particulièrement illustratif de ce groupe d’escorts rencontrés pendant deux ans13.
Le choix du client. Appariement social et négociation de la passe
9J’ai rencontré Cédric le 25 février 2011 en fin de journée dans un quartier huppé et touristique de Paris (j’apprendrai plus tard qu’il réside non loin, à quelques stations de métro, chez ses parents dont l’un est enseignant dans l’enseignement supérieur). Nous étions en contact depuis un peu plus de deux mois grâce à la messagerie différée du site Internet sur lequel je l’avais sollicité. À mon message, il avait rapidement répondu :
Je suis évidemment ouvert au dialogue. Je vous propose de discuter ici dans un premier temps. Puis, nous verrons par la suite comment poursuivre le dialogue de façon plus adéquate.
Posez-moi vos questions et je ferai de mon mieux pour y répondre. Je pense que vous remarquerez vite que je suis quelqu’un d’un peu particulier : )
Enfin, si mon « cas » vous intéresse, je pourrais vous en parler.
Joyeux Noël, j’attends votre réponse.
Cédric.
10Au premier abord, c’est pourtant la simplicité de Cédric qui me frappa. Vêtu d’un jean, d’une paire de baskets et d’un blouson en forme de veste de survêtement dans un style complètement déconnecté des tendances de la mode auxquelles beaucoup des jeunes hommes de son âge (20 ans) sont sensibles, il présentait, avec son sac à dos sur les épaules et ses lunettes posées sur son visage d’adolescent, l’allure d’un lycéen discret et studieux sortant de sa journée de cours. Autour d’un thé, il écouta d’abord attentivement la présentation de ma recherche, de ses modalités et de ses objectifs. Étudiant en seconde année d’un BTS technique lié aux Nouvelles techniques de l’information et de la communication, il énuméra alors les nombreuses activités extra-scolaires (culturelles et sportives) qui, à côté de l’escorting, occupaient son temps. Malgré un agenda particulièrement chargé, il accepta avec enthousiasme le principe d’un entretien. Ce dernier eut lieu un mois plus tard, le 23 mars 2011 dans les locaux de l’université.
11Trois mois furent donc nécessaires pour transformer un premier contact sur Internet en une rencontre informelle dans un café, puis en un entretien formalisé en face-à-face avec Cédric. Si sa durée est sans commune mesure (il faudrait convertir les mois en semaines, voire en jour), ce laps de temps en forme de test auquel est soumis le chercheur n’est pas si différent en nature de celui qui préside à la rencontre avec les clients. Le parallèle est en tout cas éclairant pour l’analyse de la relation de l’escort au client. Car l’exercice de la prostitution par Internet a (au moins) ceci de spécifique qu’il disjoint le temps de la passe de celui de la négociation de la passe (et, au fond, du premier contact entre client et escort). Contrairement à ce qui s’observe le plus souvent dans les rencontres tarifées qui, d’emblée, prennent forme en face-à-face direct (dans la rue, dans les saunas, dans les forêts, etc.), les rapports sexuels ne suivent donc pas ici immédiatement leur négociation.
12Cette disjonction implique de fait un allongement de la temporalité. En la matière, c’est moins la durée exacte du temps qui sépare la réalisation de la passe du premier contact entre client et escort qui doit attirer l’attention, que la manière dont ce temps est concrètement occupé, ainsi que ses implications. En l’occurrence, les escorts mettent à profit cet espace temporel pour choisir leurs clients. « J’ai quand même beaucoup discuté […] Je faisais le tri […] J’ai sélectionné les profils », dira Cédric. Autrement dit, ce sont autant les escorts – sinon plus – qui choisissent les clients que l’inverse ; leur pratique de la prostitution laissant alors apparaître une forme d’inversion de la relation symbolique entre client et « tapin ».
13On le sait, face aux dangers que peuvent représenter certains clients, les prostitué(e)s de rue mettent en œuvre des « techniques de protection […] afin de classer l’individu qui sollicite une passe comme client acceptable ou au contraire comme individu “louche” à rejeter14 ». Mais, à l’image de Cédric, ce n’est pas ce que font les escorts que j’ai rencontrés. Plus précisément, ils ne font pas que cela. Non seulement refusent-ils des clients (leur profil sur la plateforme Internet dédiée opérant un premier tri à cet égard en « aiguillant » les sollicitations), mais, plus loin, ils en choisissent d’autres. Or, si refuser certains clients signifie en accepter d’autres, cela n’implique pas mécaniquement de les choisir positivement. Les deux opérations ne sont pas équivalentes. On passe ainsi d’une « règle » négative (le refus) à une « règle » positive (le choix).
14Ce « choix du client » a été présenté ailleurs15. Il est opéré à travers des procédures de classement informelles déjà identifiées dans d’autres domaines de la vie sociale, en l’occurrence le choix du conjoint16. Elles sont là aussi « plus culturelle[s] qu’économique[s]17 » et ne doivent rien au hasard.
Dans le choix d’un conjoint, les individus mettent en œuvre des procédures de classement qui se rapprochent de celles qu’ils utilisent pour d’autres choix de leur vie, comme le choix d’amis, le choix de livres, le choix d’un lieu de vacances ou d’un quartier d’habitation18.
Ce sont des mécanismes du même ordre qui sont à l’œuvre ici, bien que la finalité soit tout à fait différente. Surtout, les implications en sont identiques, dans le sens où ils aboutissent à un appariement social entre escorts et clients19. Il y a ainsi dans l’escorting une forte tendance à choisir un partenaire socialement proche, soit-il un client20.
15Si la proximité sociale entre conjoints n’a rien de surprenant, celle entre client et personne prostituée ne constitue pas une caractéristique connue de la prostitution, en particulier lorsqu’elle s’exerce entre hommes. Elle remplit ici une fonction tout à fait singulière. En l’occurrence, une fonction de protection, mais sensiblement différente de celle évoquée par Lilian Mathieu dans le passage précédemment cité. Ainsi, le fait de rencontrer des homologues sociaux dans le cadre de l’escorting permet à Cédric d’affirmer :
Je pense que si je croisais ces personnes dans la rue (donc si ce n’était pas des clients) et qu’elles se mettaient à discuter avec moi, elles pourraient devenir des amis. Oui c’est bien possible ! [échange sur Internet].
16Et plus loin, au sujet des conversations qui accompagnent ces rendez-vous tarifés :
Les sujets peuvent être variés. Généralement, ils [les clients] parlent de leur projet ou de leur vie professionnelle, peu souvent de leur vie privée. Ils parlent aussi de leurs passions […] Souvent, ils s’intéressent beaucoup à ce que je fais dans la vie, à mes études, à mes envies. Ils aiment bien quand même se faire une idée de la personne avec qui ils vont coucher [échange sur Internet].
17Au regard de ces deux extraits, on peut légitimement se demander si « cette idée de la personne avec qui ils vont coucher » qu’auraient besoin de se faire ses clients selon Cédric n’est pas autant – sinon plus – l’opinion qu’il a lui-même besoin de se forger au sujet des clients qu’il choisit. Et, plus loin, que l’appariement social qui découle de ce choix positif lui permet de n’avoir à faire dans ce cadre qu’à des individus « gentils, généralement aimables » [échange sur Internet]. En un mot, qu’il lui permet – même symboliquement – de ne pas mettre son corps « entre les mains » – ou, a fortiori, « à la disposition » – de « n’importe qui » et, finalement, d’éviter de se sentir « sali », « souillé » ou bien encore, si l’on poursuit la référence à Mary Douglas, « pas à sa place » dans ce type de relations. C’est ce que Cédric exprimera lorsque, répondant à un de ses anciens amants informé de son activité prostitutionnelle et tentant de le convaincre d’y mettre un terme en lui rapportant l’histoire « sordide » d’un de ses amis pratiquant dans la rue, il répliqua : « Ouais, mais moi je ne suis pas Jean. Je ne fais pas ça avec n’importe qui non plus21 ! ».
18D’autant que la disjonction de la passe et du premier contact avec le client – c’est-à-dire, concrètement, le temps que ce dernier doit « attendre » pour rencontrer l’escort – constitue déjà en soi un filtre protecteur du même ordre pour ces jeunes hommes. Pour le dire une nouvelle fois simplement, s’il convient pour eux de ne pas mettre leur corps « à la disposition » de « n’importe qui », il s’agit également de ne pas être à disposition stricto sensu. Et le temps qui s’écoule est évidemment un allié précieux dans cette perspective. Cédric le formule d’une façon sans doute moins directe qu’Edouard s’exclamant à propos des clients « trop pressés » : « Ceux qui envoient des messages du genre : « Dispo now ? », c’est pas la peine ! ». Mais sa façon d’opérer n’en dit pas moins long à cet égard :
Dans le cas d’un nouveau client, c’est quelques emails pour savoir les attentes, les fantasmes, les possibilités financières, les lieux possibles de rencontre, le type de relation sexuelle recherchée.
Et à propos de clients devenus réguliers : « Ils appellent… Je n’ai pas à les appeler moi-même ou à leur proposer quelque chose ».
19Les clients doivent donc contacter Cédric tout en n’espérant nullement pouvoir bénéficier de ses services dans l’instant ou même du jour pour le lendemain. En manifester explicitement le désir peut même se révéler discriminant pour eux, l’expression de leur trop grand empressement pouvant aboutir à les disqualifier. Car il y a aussi quelque chose de l’ordre de la souillure pour les escorts à voir l’accès à leur corps considéré comme une marchandise à laquelle la (seule) puissance de l’argent donnerait un accès direct, immédiat et sans réserves. C’est d’ailleurs l’ensemble de l’organisation de la passe qu’ils soumettent à conditions dans cette optique. Car s’ils accèdent régulièrement aux négociations à la baisse de leurs tarifs par les clients – « Je n’accepte pas de négocier au-delà d’une tranche de 30-40 euros » explique Cédric à cet égard – les escorts se montrent intransigeants pour ce qui est des diverses modalités du rendez-vous.
20Date, lieu, horaire et déroulement de la passe font ainsi systématiquement l’objet d’un échange serré entre escort et client. Un échange où sont confrontées les contraintes et disponibilités de chacun et qui, tout en visant à satisfaire chaque protagoniste, n’en manifeste pas moins le primat des impératifs de l’escort. Les pratiques sexuelles sont elles aussi au centre de la discussion. Si les demandes du client en la matière en constituent le moteur, elle demeure néanmoins strictement cadrée là aussi par le champ des possibles que définit l’escort. En tout état de cause, les escorts apparaissent comme les « maîtres du jeu » dans l’ensemble de cette négociation (tel est en tout cas ce qu’ils aiment à penser). Le fait d’être « décideur », de ne se voir rien imposé, en un mot de ne pas faire ce qu’ils ne souhaitent pas et selon des modalités qu’ils rejettent, constitue alors pour eux l’assurance – en même temps que l’incarnation – de leur « liberté », de leur libre-arbitre et, au fond, la garantie de la mise à distance de la souillure.
Le propre et le sale. Ablutions et réduction des risques
21Bien sûr, cette protection est relative puisque, à mesure que le client devient régulier, l’allongement de la temporalité tend le plus souvent à se réduire ; la disjonction entre contact par Internet ou téléphone et réalisation de la passe pouvant alors ne plus correspondre qu’à quelques heures. En réalité, le laps de temps qui sépare la passe de la négociation n’est plus mis à profit de la même manière par les escorts dans ces conditions et, pour tout dire, n’est bien souvent plus le théâtre d’un échange de messages aussi serré avec le client. Dans la même logique, la « mainmise » de l’escort sur le contenu et le scénario de la passe tend à s’éroder avec la régularité des rendez-vous, la force de l’habitude, la confiance et, au fond, avec une certaine forme « d’intimité » qui se créent entre l’escort et son client.
22De ce point de vue, il faut ajouter que la proximité socio-culturelle avec le client se révèle ambivalente pour l’escort. En effet, tout en permettant à ce dernier de situer sa pratique prostitutionnelle dans un univers qu’il juge non dégradant – et donc de préserver son estime de soi (d’autant que, nous l’avons vu, l’appariement social s’articule au choix positif du client comme à celui des modalités de la passe) –, elle rend plus incertaine la frontière entre « vie publique » et « vie privée ». Une distinction entre « espace prostitutionnel » et « espace privé » qui se trouve précisément au cœur du filtre protecteur bâti par l’escort. Ainsi, le rapprochement socio-culturel avec le client protège l’escort du spectre de la souillure tout en ne faisant qu’en déplacer le « danger ». La distance prise avec une pratique prostitutionnelle jugée dégradante se paie ainsi au prix d’un rapprochement avec le client qui reformule les termes du problème tout en le rendant plus ténu.
23La « vie prostitutionnelle » ne saurait donc se confondre avec la « vie privée » au risque de « salir » l’escort. Le risque en est d’autant plus grand d’ailleurs que la pratique même de l’escorting – les « manières de faire en vigueur », qui participent à l’euphémisation du caractère prostitutionnel de l’activité et à la distinguer de la prostitution traditionnelle aux yeux des escorts – induit une « confusion » de cette nature. Ainsi, les escorts prennent-ils le plus souvent le strict contrepied des diverses méthodes auxquelles les personnes prostituées ont généralement recours pour différencier « vie privée » et « vie publique22 ».
24Il en va ainsi de l’utilisation d’un pseudonyme dans les interactions face-à-face avec les clients (le « nom de guerre23 »), ainsi que du secret autour de son existence personnelle. À l’image de Cédric qui n’hésite nullement à se présenter sous son vrai prénom (le pseudo étant réservé au profil Internet) et à dévoiler certaines facettes de sa vie personnelle auprès de ses clients : « Souvent, ils s’intéressent beaucoup à ce que je fais dans la vie, à mes études, à mes envies » [échange sur Internet]. De même, Cédric n’a pas recours à une garde-robe particulière pour son activité d’escort, comme un « uniforme24 », ainsi qu’il est d’usage dans la prostitution traditionnelle. Précise-t-il ainsi à propos de sa tenue vestimentaire lors des rendez-vous liés à l’escorting, qu’elle n’était « jamais très loin de ce que je mettais habituellement ». Tout juste concède-t-il : « J’ai toujours essayé de mettre des teeshirts un peu plus moulants, des jeans un peu plus moulants ».
25Si elles sont soumises aux conditions générales formulées par l’escort, les prestations sexuelles fournies constituent également un biais par lequel la porosité entre « vie publique » et « vie privée » va se manifester. En l’occurrence, l’escort ne fait pas de son corps un territoire divisé en zones dont l’accès est lié à des tarifications différentes. On a pu parler à cet égard de corps « hiérarchisé et découpé25 » ou « morcelé26 ». Pour ce qui le concerne, c’est un rendez-vous et un service global que Cédric vend à ses clients, sans plus de distinctions que les conditions initiales qu’il a posées. L’illustration la plus significative de cette attitude est probablement l’inclusion du baiser à la prestation qu’il fournit. « Pratique impensable [pour la prostitution traditionnelle] dans le cadre de la relation au client parce qu’il renvoie directement – et qu’il est réservé – à l’univers de l’intime et du familier27 », le baiser ne fait pas l’objet d’un statut spécifique pour Cédric. Ni tarification spéciale, ni restriction(s) particulière(s). Il précisera simplement à ce sujet : « Le baiser, c’est au feeling ! ». Ces vases-communicants entre privé et public vont même jusqu’à la recherche par l’escort de sensations corporelles, voire de son propre plaisir sexuel, au cours de la passe. « Quelque chose qui n’est pas à écarter », dira Cédric à ce sujet28.
26Dans leur quête de la « bonne distance » vis-à-vis du client, les escorts vont alors mettre en œuvre d’autres procédés, mobilisant d’autres registres. Deux de ces procédés sont bien connus des chercheurs en sciences sociales ayant travaillé sur la prostitution traditionnelle, tout en apparaissant particulièrement articulés ici. Le premier est le recours à la douche avant et après chaque passe. Pratique d’antique mémoire, ce « “blanchiment” de fin de labeur » semble avoir quasiment disparu de la rue, « sinon en fin de journée ou en fin de nuit29 ». Parfaitement ancrés dans leur époque, comme peut l’être Cédric, les escorts quant à eux la réhabilitent. Ceci autant dans l’optique « hygiéniste » de la propreté du corps que dans le souci beaucoup plus symbolique du « nettoyage de l’âme ». La partition entre privé et public passe ici de nouveau par le corps ; avant la passe grâce à la douche qui permet de se préparer, après par la douche qui lave et efface.
27Ceci d’autant plus que, contrairement à la prostitution traditionnelle, les conditions dans lesquelles les escorts exercent leur activité le leur permettent30. Si des rendez-vous peuvent être organisés dans des backrooms, des cinémas ou le véhicule d’un client31, l’hôtel ou le domicile du client demeurent les lieux de passe les plus fréquemment utilisés. La douche est ainsi facile d’accès ; le plus souvent celle de l’après d’ailleurs, puisque la première est généralement prise à son domicile par l’escort. Au passage, ces conditions permettent également à l’escort de s’assurer de la propre hygiène du client (l’invitant si nécessaire à prendre une douche en sa compagnie en guise de préliminaires aux actes sexuels).
28Chez les personnes qui se prostituent dans la rue, l’utilisation de la douche comme protection contre le sentiment de dégradation a été remplacée par l’usage du préservatif. Prise de distance avec les humeurs corporelles des clients, entrave au « corps à corps », il constitue également une mise à distance symbolique que le recours à la douche n’autorise plus. Pour ce qui les concerne, les escorts « complètent » la pratique de la douche par l’usage systématique du préservatif au cours des passes. La capote renforce ainsi la protection contre la souillure. C’est d’autant plus vrai que cette pratique prophylactique distingue de manière assez tranchée les passes de la vie privée des escorts. Ainsi Cédric :
Quand c’était des prestations, j’ai toujours voulu que ce soit protégé. Ça n’a jamais posé de problème. Par contre, quand j’ai un petit copain, etc., j’ai pas des rapports protégés. D’ailleurs, j’ai trop souvent… Ce qui est marrant, c’est que je suis très sage entre guillemets pour les prestations, mais alors pour le reste… Pour… Quand c’est vraiment au niveau de… du sentiment on va dire, je vois ça comme une barrière […] Il y a deux choses. Il y a la partie… la partie job on va dire, où on prend pas de risque. C’est protégé, etc. Peut-être que c’est ce côté rémunération, ce côté professionnel qui fait que je fais attention, autant pour moi que pour l’autre. Et justement, ça me permet entre guillemets, sachant que je fais attention quand je fais de l’escorting, d’avoir des relations moins protégées au niveau personnel, au niveau affectif.
29Le fait que Cédric dévoile sans retenue des pratiques à risque régulières dans ce qu’il définit comme sa sexualité privée porte à croire que ce qu’il dit – en l’occurrence l’exact contraire – des actes sexuels ayant lieu au cours des passes constitue une donnée fiable. Une telle différence de comportement entre les deux types de situation indique que l’utilisation du préservatif au cours des rencontres tarifées est probablement moins liée à une stricte question sanitaire qu’au souci beaucoup plus symbolique de séparer au mieux son corps de celui des clients et ainsi rejeter la saleté.
30On trouve donc ici des éléments sensiblement différents de ce qui a pu être observé chez les hommes qui se prostituent dans la rue, à savoir une fonction de prévention essentiellement sanitaire de l’utilisation du préservatif et un usage qui s’étend au-delà de la seule pratique commerciale32. C’est que contrairement à ces hommes, les escorts tels que Cédric s’évertuent à distinguer privé et public et, plus loin, définissent et donnent sens autrement à l’intimité. Dans la même logique, il faut enfin noter que le recours au préservatif est fonction des pratiques sexuelles réalisées avec les clients33. Ainsi, à la différence des traditionnel(le)s, rencontré(e)s dans la rue par Catherine Deschamps ou Stéphanie Pryen, Cédric n’utilise pas de préservatif pour les fellations, quel que soit le rôle qu’il y tient. « Non ! Les fellations avec préservatif, ça ne se fait presque jamais » dira-t-il. Tout comme les définitions et significations de l’intime, l’effet sanitaire d’une pratique avant tout symbolique est donc éminemment relatif (bien que tout à fait effectif).
Assurer sa sécurité
31Dans ce contexte, d’autres manières de faire caractérisant l’escorting peuvent être interprétées comme des mesures de protection symbolique contre la souillure. Elles présentent elles aussi une face plus « pratique », répondant à des considérations plus « pragmatiques » et plus immédiatement perceptibles – en l’occurrence de stricte sécurité – et sont une nouvelle fois en lien direct avec la question du corps et de son accessibilité. Les identifier nécessite d’en revenir au déroulement concret des rendez-vous entre escorts et clients.
32Ainsi, lorsque Cédric planifie une rencontre avec un client qui vient de le solliciter sur Internet, il organise toujours le premier contact dans un lieu public : « Soit aller au cinéma, soit dîner ». Cette procédure est censée parer à tout danger en cas de mauvaise rencontre. Elle s’ajoute à une autre mesure, complémentaire et qui n’est pas sans incidence sur le secret qui, le plus souvent, prévaut dans la « carrière » d’escort :
Quand c’est des nouvelles personnes à rencontrer, [il faut] prévoir des choses, éventuellement prévenir quelqu’un […] Prévenir quelqu’un que je sors…, que s’il se passe quelque chose, je serai vers cet endroit-là […] [Cette personne], c’était principalement mon ami de 56 ans.
Les nouvelles technologies – spécifiquement le téléphone portable en ses différentes fonctionnalités (appels, sms, emails etc.) – jouent évidemment un rôle central dans ce dispositif ; dispositif qui implique donc pour l’escort de dévoiler son activité prostitutionnelle en mettant au moins une personne dans la confidence.
33Cette double sécurité permet en fait à Cédric d’en ajouter une troisième, qui dévoile la dimension symbolique de l’ensemble de la procédure. Non seulement le rendez-vous avec le client se déroule dans un lieu public et se trouve sous la « surveillance » d’une tierce personne informée par l’escort, mais, au surplus, il comprend, dans de telles conditions, comme un « sas de sécurité » en son contenu même. Cédric l’exprime de manière parfaitement claire : « La première rencontre laisse une demi-heure/une heure pour revenir en arrière s’il y a besoin ». Parce qu’elle autorise Cédric à interrompre l’entrevue s’il estime que les conditions de sa pleine réalisation ne sont pas réunies – c’est-à-dire, au fond, s’il la juge trop dégradante, pour quelque raison que ce soit –, cette première phase du face-à-face avec le client opère donc comme un filtre supplémentaire contre la souillure et le sentiment de dégradation. Elle réaffirme par ailleurs – et dans la même logique – l’idée de libre-arbitre et le sentiment de « mainmise » sur la rencontre développés par l’escort.
34Une fois cette première phase du face-à-face réalisée, le rendez-vous entre escort et client aboutit généralement aux rapports sexuels qui en sont le motif initial. Reste toutefois une dernière protection, un ultime filtre symbolique que l’escort érige au cœur même de la passe. Ce filtre revient régulièrement dans la bouche des escorts sous le terme de « social time ». Il signifie que, avant (le plus souvent) et (possiblement) après les rapports sexuels, figure un moment supplémentaire de discussion avec le client. L’objet de cet échange verbal importe peu pourvu qu’il soit courtois. Il permet d’aboutir « progressivement » aux ébats sexuels ; ce qui est présenté par les escorts comme une garantie de « l’authenticité » de ces derniers (et donc de la qualité de la prestation), mais qui, en réalité, constitue tout autant un (autre) moyen pour ces jeunes hommes de ne pas porter atteinte à leur estime de soi en mettant leur corps « à l’abri » d’un contact trop direct et/ ou trop immédiat.
35Ce social time a beau être présenté comme un « souci de l’autre » – celui du client et de la prestation qu’il attend –, il apparaît tout autant à la lumière de l’analyse comme un « souci de soi » – celui de l’escort – visant à (ré) affirmer que son corps ne se trouve pas « à disposition » dans le sens strict du terme, n’est pas une marchandise sur laquelle le client peut se « précipiter » dès l’instant qu’il en a payé le prix. Le montant de la transaction dépasse son seul aspect financier. Ainsi, Cédric conclut-il :
Moi, j’aime bien toujours discuter. C’est ça aussi qu’on apprécie, c’est que j’aime bien discuter avec les gens sans rien leur demander. Bon à part que c’est de l’escorting (rires). Mais on va dire c’est un plus. Je discute parce que j’ai des passions, parce que je m’intéresse aux gens. Simplement, avant, après, je discute un petit peu.
Conclusion
36L’exercice de la prostitution présenté dans ces lignes dévoile ainsi la mise en œuvre d’une série de protections à mesure qu’approche le contact physique entre l’escort et le client. Ces filtres protecteurs sont de nature essentiellement symbolique et visent à mettre à distance le danger de la souillure, le sentiment de dégradation dont se sentent menacés les escorts en vertu de la réprobation morale qui pèse sur l’activité prostitutionnelle. Pour autant, ces manières de faire ne sont pas dénuées d’implications « plus pratiques » dans les domaines de la santé sexuelle (IST et épidémie VIH-sida) et de la santé globale (estime de soi notamment). Ceci en particulier dans la mesure où, à chacune des étapes de la construction de ce voile protecteur, le corps et l’accès au corps des escorts représentent un enjeu central.
37Cet article a tenté de souligner combien l’efficacité de ces diverses protections symboliques – indéniable au demeurant – est relative et ces dernières toujours à (re)construire, à reconfigurer, voire à (ré) inventer. On a voulu aussi montrer qu’elle a partie liée avec la partition entre « vie privée » et « vie publique » et, au fond, avec les significations de l’intime. Celles-ci se donnent elles-mêmes à voir comme éminemment variables, les frontières de l’intimité se révélant incertaines, poreuses et toujours temporaires en ce qu’elles sont inextricablement liées à des situations particulières.
Notes de bas de page
1 On peut ainsi citer les travaux d’Eva Clouet, Clouet Eva, La Prostitution étudiante à l’heure des nouvelles technologies de communication. Distinction, ambition et ruptures, Paris, Max Milo, « Essais – Documents », 2008 ; et ceux de Sylvie Bigot, Bigot Sylvie, L’Escorting. Approche sociologique d’une forme de prostitution, thèse de doctorat en sociologie-démographie, université de Caen Basse-Normandie, École doctorale littératures, cultures et sciences sociales, 25 novembre 2008 ; Bigot Sylvie, « La prostitution sur Internet : entre marchandisation de la sexualité et contractualisation de relations affectives », in Genre, sexualité et société, n° 2 (Actualité des échanges économico-sexuels), décembre 2009, mis en ligne le 08/12/2009, URL : http://gss.revues.org/index1139.html : 2-12), sans oublier la recherche que mène actuellement Laurent Mélito. Sur un registre différent, l’essai d’Hervé Latapie constitue un document précieux, Latapie Hervé, Doubles vies. Enquête sur la prostitution masculine homosexuelle, Paris, Le Gueuloir, 2010.
2 Cette invisibilité a été liée à la loi pour la sécurité intérieure votée en mars 2003 qui visait à lutter contre le « racolage passif ». Ce texte s’est vu remplacé en avril 2016 par une nouvelle loi dont l’un des volets prévoit la « pénalisation des clients ». En ce début d’année 2017, il est encore difficile d’évaluer les effets de ces modifications légales.
3 Sur les modes de représentation des classes moyennes, voir par exemple Maurin Louis, Déchiffrer la société française, Paris, La Découverte, 2009.
4 Affichés le plus souvent à 150 euros, les rendez-vous se négocient autour de 120.
5 Sur ce point, voir l’idée développée par Claude Grignon selon laquelle il faut entendre par précarité « l’accroissement des risques d’échec ou d’abandon [de la scolarité] qui résulte de la concurrence entre l’exercice d’une activité rémunérée et les exigences des études », Grignon Claude, Les Étudiants en difficulté. Pauvreté et précarité, Paris, Rapport à l’observatoire de la vie étudiante, 2000, p. 11.
6 Les notions de représentativité et d’échantillonnage sont impropres dans le contexte d’une recherche socio-anthropologique telle que celle présentée ici. Pour autant, cela ne dispense aucunement de s’interroger sur le degré de généralisation possible de ses résultats (à la condition, bien entendu, de ne pas en faire la « valeur étalon » du travail scientifique).
7 Bousquet Danielle et al., Rapport d’information parlementaire sur la prostitution en France, Paris, Rapport parlementaire, 2011, p. 19. Pour plus de précisions, voir Mathieu Lilian, Sociologie de la prostitution, Paris, La Découverte, 2015.
8 Bigot Sylvie, « La prostitution sur Internet : entre marchandisation de la sexualité et contractualisation de relations affectives », in Genre, sexualité et société, op. cit., p. 2. Pour une vue globale de cette question, voir Mathieu Lilian, « L’espace de la prostitution. Eléments empiriques et perspectives en sociologie de la déviance », in Sociétés contemporaines, n° 38, 2000, p. 99-116.
9 Les prénoms, ainsi que l’ensemble des informations susceptibles d’identifier les personnes ayant contribué à cette recherche, ont été modifiés.
10 Douglas Mary, De la souillure. Essai sur les notions de pollution et de tabou, Paris, La Découverte, « Poche », 2001 [1966], p. 55.
11 Ibid., p. 24
12 Ibid., p. 128.
13 Cette recherche a bénéficié d’un financement Sidaction et a été réalisée en relation avec une association de santé communautaire, le Kiosque info sida et toxicomanie.
14 Mathieu Lilian, La Condition prostituée, Paris, Textuel, 2007, p. 90-91.
15 Rubio Vincent, « Prostitution masculine sur Internet. Le choix du client », in Ethnologie française, vol. 43, n° 3, 2013, p. 443-450. Plus généralement, sur le caractère négocié de la sexualité – dans le cadre, comme hors, de la prostitution – on se reportera à Combessie Philippe et Mayer Sibylla, « Une nouvelle économie des relations sexuelles ? », in Ethnologie française, vol. 43, n° 3, 2013, p. 381-389. URL : https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2013-3.htm
16 Girard Alain, Le Choix du conjoint. Une enquête psychosociologique en France, Paris, PUF, « Travaux et Documents – Ined », 1964.
17 Bozon Michel, « Le choix du conjoint », in La Famille. L’état des savoirs, Singly François de (dir.), Paris, La Découverte, « Textes à l’appui », 1991, p. 31.
18 Ibid., p. 32.
19 Tel est en tout cas ce que rapportent les escorts. Ainsi, les clients de Cédric sont « professeur de musique en conservatoire, informaticien, comptable, journaliste, RH…, des jobs assez variés qui [sont] rémunérateurs. Des bons métiers quoi ! ». Les entrevues que j’ai pu obtenir avec des clients ont par ailleurs confirmé ces données.
20 Toutefois, l’espace des rencontres – le cyberespace – n’est pas ségrégué ici. On ne peut pour autant écarter que les sites Internet soient segmentés socialement.
21 On peut également rapprocher ces manières de faire des « techniques de neutralisation » décrites par Sykes et Matza (Sykes M. Gresham et Matza David, « Techniques of neutralization. A theory of delinquency », in American Sociological Review, Vol. 22, n° 6, 1957, p. 664-670).
22 Voir par exemple Pryen Stéphanie, « Prostitution de rue : le privé des femmes publiques », in Ethnologie française, vol. 32, n° 1, 2002, p. 11-18, et Deschamps Catherine, Le Sexe et l’argent des trottoirs, Paris, Hachette, « Les Docs », 2006.
23 Ibid., p. 113.
24 Ibid., p. 94.
25 Welzer-Lang Daniel, Barbosa Odette, Mathieu Lilian, Prostitution : les uns, les unes et les autres, Paris, Métailié, « Traversées », 1994, p. 155.
26 Field Michel, « De la prostitution », in Autrement, n° 132, « L’argent », octobre 1992, p. 40.
27 Pryen Stéphanie, « Prostitution de rue : le privé des femmes publiques », in Ethnologie française, op. cit., p. 16.
28 D’une manière générale, on peut évoquer ici ce que Elizabeth Bernstein a nommé « authenticité limitée » [Bernstein Elizabeth, Temporarily yours. Intimacy, Authenticity, and the Commerce of Sex, Chicago, The University of Chicago Press, 2007].
29 Deschamps Catherine, Le Sexe et l’argent des trottoirs, op. cit., p. 125.
30 Sur l’évolution des conditions d’exercice de la prostitution, notamment à Paris, voir les travaux de Catherine Deschamps [ibid., p. 126].
31 « Faut pas être trop timide » dira Cédric avec un air amusé.
32 Ibid., p. 128-136.
33 Ce qui tend à renforcer l’idée que son utilisation est moins strictement sanitaire que symbolique.
Auteur
-
Vincent Rubio
Docteur en sociologie. Après sa thèse concernant la sociologie des foules, il a mené plusieurs recherches sur le cancer et sur les pratiques de sexualité rémunérée entre hommes. Il est, depuis 2013, membre du Conseil de la Société d’ethnologie française (Sef). Depuis 2015, il a été nommé codirecteur du Lasco. En 2017, il finalise une recherche, financée par l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites (ANRS), portant sur les « clients » de la prostitution masculine.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Ces villes-là
Actualité de Colette Pétonnet
Anne Raulin, Sepideh Parsapajouh et Marie-Claude Blanc-Chaléard (dir.)
2018
L’interdisciplinarité au travail
Du travail interdisciplinaire à la transformation du travail
Julien Bernard, Claire Edey Gamassou, Arnaud Mias et al. (dir.)
2020