La propagande en France
p. 225-234
Texte intégral
L’information de la population française sur les événements militaires en cours devient une des missions de la SPA. En effet, la façon dont le conflit évolue agit sur le moral des Français. Or les autorités civiles et militaires sont conscientes de l’influence du moral des civils sur celui des troupes et réciproquement : les civils doivent avoir le sentiment d’être défendus et les soldats des premières lignes soutenus.
1Une note de l’état-major le confirme : « les bonnes nouvelles font briller la lueur de l’espérance, les mauvaises font naître le cafard1. »
2L’information par l’image suit, en France, le schéma appliqué à l’étranger :
Tout en faisant porter son principal effort sur le travail d’information à l’étranger, la [SPA] s’est préoccupée d’agir, dans la mesure de ses moyens, sur l’opinion nationale, d’intéresser la population des villes et des campagnes à la vie de nos armées, aux nécessités politiques et économiques de la conduite de la guerre, aux rapports de la France avec ses Alliés, d’entretenir dans le pays la confiance dans la justice de notre cause et dans la certitude de la Victoire. Elle a appliqué, à l’information en France, les procédés de diffusion, dont elle avait éprouvé l’efficacité à l’étranger2.
3Les objectifs et les méthodes sont distinctement annoncés. L’information de l’intérieur a autant d’importance, que celle destinée à l’étranger. Il faut prouver que cette guerre est légitime et que la victoire est une fin indiscutable. Ces objectifs définissent l’orientation à donner aux clichés qui sont sélectionnés.
4Les archives ne fournissent de données chiffrées que pour les positifs distribués pour les projections fixes. Les statistiques indiquent, par ailleurs, pour la période septembre 1917-février 1918, les noms des destinataires, les organismes auxquels ils sont rattachés et surtout la situation géographique des projections.
Tableau n° 31 : Photographies envoyées en France pour les projections fixes sous forme de plaque de verre positive ou pellicule de film-silf.
Destinataires ou conférences | septembre 1917 |
octobre 1917-février 1918 |
Foyer du soldat | 100 | 609 |
Caserne de Clignancourt | 100 | |
Syndicat d’initiative de Bourg-en-Bresse | 364 | |
Iledilen Paris | 50 | |
Parmentier, Comité des régions dévastées | 95 | |
Deslandres, Comité des régions dévastées | 60 | |
La conférence au village | 107 | |
Melle Vogeli, conférence en Isère | 175 | |
Lebèque, lycée Carnot | 16 | |
Proviseur du lycée Saint-Louis | 30 | |
Teste, lycée Condorcet | 150 | |
Inspecteur primaire de Montron | 55 | |
Effort de la France et de ses Alliés | 456 | |
Capitaine Garnier, aviation | 69 | |
Gallouedec, conseiller général du Loiret | 99 | |
Abbé Bordes (aumônier du 34e régiment d’infanterie) | 25 | |
Union chrétienne de jeunes filles | 23 | |
R. Benjamin | 30 | |
Cercle des jeunes gens d’Auteuil | 425 | |
Mutuelle féminine du Crédit Lyonnais | 23 | |
Chopin, conférence Lyon | 30 | |
Commandement des camps du Courneau | 50 | |
Darras, maire de Blangy | 75 | |
Aumônier Dubois | 35 | |
Musée de sculpture comparée | 5 | |
Abbé Flynn | 7 | |
Harent, conférence de Guéthary | 66 | |
Association française (Hersent) | 300 | |
Hertz | 100 | |
Jacquard, inspection académique de la Charente | 100 | |
René Jeanne | 75 | |
Musée des Arts décoratifs | 23 | |
Leray, école de Bordeaux | 126 | |
Michel | 21 | |
Comité protestant de propagande française | 57 | |
Nozière | 81 | |
Peyrie, aumônier de la 156e division | 73 | |
Perrier, gérant du parc de bétail du 8e corps d’armée | 196 | |
C. Puaux | 25 | |
École normale de Dax | 32 | |
Simont, école Colbert | 175 | |
Schaffner, église de l’Ascension | 30 | |
Comité du livre | 20 | |
Service artistique de l’ambulance 8/13 | 4 | |
M. Brochmay, administration militaire d’Alsace | 6 | |
Total | 769 | 4 004 |
Sources : « Rapport sur la création, le fonctionnement et les résultats de la section photographique de l’armée », op. cit., p. 82. Section Photographique et Cinématographique de l’Armée, Résultats et Fonctionnement d’octobre 1917 à fin février 1918, op. cit., chapitre 2, p. 21-22.
5Les séries de positifs sur verre pour des projections sur grand écran sont prêtées à « toutes les œuvres d’éducation, d’utilité patriotique ou militaire3 ». C’est ainsi que la SPA a fourni des documents à différents établissements scolaires, à des inspecteurs d’école primaire, à des proviseurs, au foyer du soldat de Paris, au comité de secours aux blessés militaires du xviiie arrondissement de Paris, etc. Notons que six destinataires sont des ecclésiastiques, ce qui montre l’intérêt des institutions religieuses pour la cause nationale, et surtout l’engagement de ses serviteurs. L’information est certes destinée aux civils, mais également aux militaires comme l’atteste le nombre de positifs envoyés au foyer du soldat : plus de 700 plaques, soit 100 plaques de moins que la moyenne mensuelle distribuée entre octobre 1917 et la fin février 1918. Les conférences s’organisent en tournée et parcourent tout le territoire français de l’arrière.
6Les albums édités utilisés à l’intérieur sont identiques à ceux envoyés à l’étranger. Toutefois, il est possible d’en connaître mieux l’utilisation. Ils sont destinés aux administrations publiques, aux salles de lecture des grands magasins et aux cercles fréquentés par le public. Des albums de la SPA sont même exposés dans les studios de photographes privés, comme celui de Jacques Vignon, photographe d’art parisien, qui adresse, le 7 février 1916, un courrier à Pierre-Marcel Lévi :
Comme suite à l’entretien que j’ai eu avec votre représentant, je viens solliciter de votre bienveillance le dépôt dans mon magasin de quelques albums de la collection du Service photographique de l’armée, albums qui seraient remplacés tous les mois4.
7Ces albums sont destinés à vendre des clichés de guerre pris par la SPA. Cette dernière occupe une large part du marché de la photographie, puisqu’elle s’implante aussi dans les boutiques des photographes indépendants. Notons la présence, parmi les albums thématiques de la SPA, de la collection intitulée Panoramas et vues diverses, qui comporte un volume consacré à Paris et sa banlieue5. Malheureusement, il est impossible d’en connaître le contenu exact, puisqu’il reste introuvable à ce jour et qu’aucune archive sur sa réalisation n’existe. Certains albums font l’objet de distributions spéciales, comme l’album L’Outrage des barbares de Pierre Loti, qui est mis à la disposition des écoles primaires à l’occasion de la distribution des prix. Les enfants constituent un public privilégié. La SPA produit, par exemple, des couvertures de cahiers illustrées de photographies de guerre. Des tableaux représentant les crimes de guerre allemands ont également été exécutés à la demande du ministère de l’Instruction publique. Une série de cent projections avec un texte sur « l’effort accompli par la France en guerre entre 14 et 17 » a été expérimentée pendant les années scolaires 1916-1917 et 1917-1918 dans plusieurs lycées et écoles de province. Cette opération se déroule dans le cadre de l’activité du Musée pédagogique, qui diffuse depuis 1895 des plaques pour projection dans les écoles, les collèges, les lycées et les casernes.
8La SPA a aussi fourni des brochures et des cartes postales à des œuvres ou des administrations comme le Comité de l’Or de Marseille et de Gap, ou bien l’Association de l’Aisne dévastée. Elles sont proposées dans les salles d’attente des administrations, dans les écoles d’Alsace, les mairies et les hôpitaux militaires6.
9Parallèlement, comme pour l’étranger, la SPA envoie à la presse de province des clichés. Fin septembre 1917, 328 clichés photographiques sont envoyés par jour à plus de 30 journaux.
10Une série de manifestations culturelles est également organisée en France. Comme son nom l’indique, l’exposition interalliée de Paris, en 1916, est réalisée avec le concours des services alliés ; elle comprend les épreuves des sections française, anglaise, italienne, serbe, et belge. Elle reçoit 50 000 visiteurs entre le 1er octobre 1916 et le mois de janvier 1917. L’expérience est renouvelée du 15 novembre 1917 au 15 décembre 1917. Il existe aussi une exposition permanente au musée de la Guerre7. Une autre intitulée « Souvenez-vous » est installée dans les Galeries Georges Petit, à Paris du 1er au 30 octobre 1917. Elle propose des agrandissements de clichés montrant les dévastations et les profanations allemandes.
11Les mairies parisiennes reçoivent, les unes après les autres, une exposition composée de cent à deux cents agrandissements montés sur des panneaux mobiles. Les lycées de Paris et de la banlieue profitent également de cette manifestation itinérante en 1916 et en 1917.
12L’intérêt des Parisiens est au rendez-vous, ce qui pousse les autorités à multiplier les manifestations, comme le montre ce courrier du sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts au préfet de la Seine en janvier 1917 :
Monsieur le Préfet,
La Section Photographique de l’Armée, qui relève de mon administration, a organisé au mois d’octobre dernier à Paris, une exposition de photographies de guerre, à l’organisation de laquelle vous avez assisté je crois. Le succès de cette exposition m’autorise à croire qu’il y a intérêt à entreprendre une série de manifestations du même ordre, dans les différents quartiers de Paris. Ces expositions pourraient avoir lieu dans les salles des fêtes des différentes mairies ; elles dureraient une semaine et elles seraient accompagnées de conférences illustrées de projections, qui auraient lieu les jeudis et les dimanches. Le matériel nécessaire à cette exposition ambulante est maintenant prêt. Je vous prie de bien vouloir me dire si vous considérez que cette initiative peut, comme je le crois, aider à maintenir à haut niveau le moral de la population parisienne. Dans l’affirmative, vous voudrez bien envoyer aux mairies des instructions pour qu’elles s›entendent avec le représentant de la Section Photographique de l’Armée, au sujet des dates et du local dans lequel les expositions pourraient avoir lieu8.
13Les foires diverses sont l’occasion, en province, d’installer une exposition. C’est le cas de Lyon au printemps 1916. La SPA choisit d’exposer à la foire aux livres de la ville. Le succès de l’exposition décide le journal lyonnais, Le Progrès de Lyon, à installer à ses frais une exposition permanente dans la salle des dépêches. La Compagnie des chemins de fer d’Orléans fait de même dans certaines de ses gares.
14Une exposition est montée également en Afrique du Nord à la demande des gouvernements du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie. Elle est inaugurée à la foire de Fez, en 1916, et circule jusqu’en 1918 dans toutes les villes du nord. Malheureusement, il est impossible de reconstituer les corpus exposés afin de signaler, ou non, les différences notables selon les lieux d’exposition.
15L’été 1917 est pour les deux départements de Savoie l’occasion de découvrir les images de la guerre. Il en est de même pour l’Eure et la Seine Inférieure (Seine-Maritime actuelle). Ces expositions de province ne s’arrêtent pas aux villes influentes, mais s’adressent aussi aux populations des villages.
16Enfin, la Section exécute des travaux spéciaux pour les ministères9 :
Outre l’établissement de cartes d’identité et des passeports nécessaires à tous les départements ministériels, ou, en mission à l’étranger, les différents ministères, ou sous-secrétariats d’État, demandent fréquemment la collaboration de la SPCA pour les besoins spéciaux de leurs services10.
17En quoi consistent ces travaux ?
18Le ministère des Affaires étrangères demande à la SPA de lui confectionner des albums de luxe, destinés à être offerts aux personnalités étrangères « pour commémorer des événements importants11 », comme :
[la] Visite des missions étrangères sur le front, Les Parlements Interalliés, [le] Couronnement de la Reine d’Éthiopie, L’arrivée du général Pershing en France, Le débarquement des troupes américaines en France, La revue des troupes alliées le 14 juillet, La Conférence des Alliés à Paris, Le voyage du roi d’Angleterre sur le front français, [le] voyage du roi d’Italie en France, [la] visite du roi des Belges à Verdun, [la] visite du prince de Connaught sur le front français [et] l’armée de l’Émir du Hedjaz12.
19Les travaux spéciaux effectués pour le ministère de la Guerre sont de plusieurs natures : à la demande des sections de propagande aériennes, la SPA effectue le tirage de nombreux papillons, illustrés et légendés en allemand ou en bulgare, destinés à être jetés sur les lignes ennemies ; pour la mission française auprès du GQG russe, la Section édite des tracts illustrés de photographies aériennes destinées à montrer à la population russe les difficultés rencontrées sur le front de l’Ouest ; la SPA travaille aussi pour le bureau de renseignements aux familles, en prenant des clichés des cimetières militaires ou des tombes isolées, dont l’objectif est d’apporter le maximum de renseignements sur les emplacements des sépultures. Elle reproduit également des clichés étrangers pouvant permettre aux familles de reconnaître leur proche dans les camps de prisonniers en Allemagne ; la section fournit également au service du contentieux (prisonniers de guerre) toutes les épreuves relatives aux camps de prisonniers allemands, pour l’édition de cartes postales pour la Croix-Rouge de Genève, capable de les faire pénétrer en Allemagne ; pour le ministère de l’Armement, pour le sous-secrétariat de l’Aéronautique, et pour le sous-secrétariat du Service de santé, la Section réalise des clichés voués à l’instruction ou à l’enseignement médical. Une équipe d’opérateurs est spécialement dépêchée pour prendre des clichés en couleur. Ceux-ci sont pris lors de diverses opérations et sont bien sûr destinés à l’enseignement13.
20La SPA met en place des équipes spéciales pour les différents corps expéditionnaires capables de produire sur place des images d’information, au Maroc, en Palestine. La série OS en est le principal exemple du corpus : elle suit le corps expéditionnaire franco-anglais au Proche-Orient. Les reportages réalisés montrent, à plusieurs reprises, des hommes organiser des projections de films en plein air.
21L’office du tourisme du ministère des Travaux publics sollicite lui aussi les services de la SPA. Le but de l’entreprise est de produire des clichés capables de faire connaître à l’étranger les richesses naturelles et économiques de la France. Dans la même optique, la SPA fournit des épreuves, aux guides des champs de bataille édités par Michelin. Pour toutes les régions du front, la collection propose à la fois, les différentes phases des batailles avec des cartes illustrant la position des troupes et l’évolution des lignes de front. Enfin, les photographies de la SPA viennent agrémenter les différents itinéraires proposés par Michelin.
22Le ministère des Colonies demande, quant à lui, à la SPA de prendre des clichés destinés à faciliter le recrutement de la main-d’œuvre et des troupes dans les colonies.
23Pour le ministère de l’Intérieur, la section fournit les photographies destinées à faciliter les travaux de la commission des dommages de guerre afin de donner des renseignements utiles sur la situation des propriétés privées des régions dévastées.
24Pour finir, rappelons que la SPA travaille pour le sous-secrétariat d’État aux Beaux-Arts et photographie systématiquement les monuments historiques endommagés par la guerre.
25La nature de certains travaux recensés montre bien que l’intérêt de la Section ne se tourne pas exclusivement vers la propagande. La photographie est utilisée comme preuve, moyen d’identification ou support pédagogique.
26L’information par l’image à l’intérieur du pays suit les mêmes procédés que l’information destinée à l’étranger. Elle répond à des demandes, à des besoins et se base sur un réseau humain étendu. Par ailleurs, les différents exemples démontrent que l’opinion française est considérée autant que l’opinion internationale. Elle est abreuvée d’images choisies reflétant une guerre officielle, celle qui doit être montrée. Le patriotisme français doit être soutenu et, en tout état de cause, l’État ne peut envisager de perdre l’adhésion de la population.
27La SPA est donc un outil et un acteur de la propagande française. Les images le montrent et les chiffres le démontrent. Toutefois, il est regrettable de ne pas pouvoir disposer de statistiques aussi fines pour l’ensemble de la période 1915-1919. Les données relatives à la propagande intérieure ne sont pas aussi fournies que celles de la propagande vers l’extérieur, nuisant en conséquence à un travail minutieux de comparaison.
28Ce chapitre n’aborde que l’utilisation de l’image fixe, mais bien entendu la Section cinématographique seconde l’œuvre de propagande par l’image avec les Annales de la Guerre et le ciné-cantonnement :
Les copies des films montés se multiplient et sont expédiés partout dans le monde. Un film d’actualités est composé toutes les semaines : sous le titre des Annales de la Guerre, il présente les actualités militaires, politiques, artistiques, ou interalliées. Chacune des Annales est tirée à vingt-cinq exemplaires et immédiatement envoyée à l’étranger ou d’autres copies sont faites. À intervalles irréguliers, la SPCA édite un film, à long métrage, sur un sujet déterminé, susceptible de retenir l’attention de l’opinion française et internationale. Le métrage total des films propagés à l’étranger, depuis mai 1915 au 1er octobre 1917, atteint deux millions de mètres. Après le « cinéma aux Poilus » fondé en 1915 pour donner des représentations aux combattants dans la zone des armées, la SPCA crée en 1917 « le ciné-cantonnement » qui ne représente pas moins de 400 salles de projection14.
29La SCA exécute des missions d’information identiques à celles de la SPA, à une différence près : elle a, en plus de la population civile, directement pour cible la troupe. L’opinion des soldats, à l’automne 191715, après les mutineries du printemps, acquiert une importance cruciale et les postes de projections passent alors de 62 à 40016. La SCA joue un rôle complémentaire, certes du point de vue du support de diffusion, mais également en ce qui concerne l’objectif même des missions. L’ensemble SPCA conjugue habilement l’information de la zone des armées avec celle de l’intérieur, autrement dit celle des civils avec celle des militaires, mais aussi la propagande à l’étranger avec la propagande intérieure.
30Cette dernière partie insiste en définitive sur la partialité assumée des reportages de la SPA et surtout des différentes sélections d’images diffusées. Nul doute qu’un organisme créé par l’État pour satisfaire la propagande de guerre ne diffuse, en principe, que des images le valorisant.
31L’orientation des clichés est finalement aussi le résultat de la préparation du photographe au sein même de la section, dès lors que les consignes sont dispensées au cours de formations internes ou au travers d’une circulaire de référence. La période qui précède la production peut paraître imposante, voire écrasante pour l’opérateur. Les consignes générales s’ajoutent aux consignes particulières de l’officier du deuxième bureau de l’armée à laquelle il est accrédité et de celui de la section information du GQG. Ainsi, avant même de déclencher la prise de vue, le reporter a dû a priori respecter un certain nombre de mesures. L’organisation de la SPA prend en compte un ensemble de précautions, qui ne laisse que de très faibles libertés au photographe pendant ses reportages. À première vue, sa seule latitude réside dans les choix techniques effectués au moment du cadrage. Là encore, difficile d’imaginer la transformation de la zone des armées en studio photographique, où les soldats seraient dirigés pendant des séances de pose interminables. N’oublions pas que le décor n’en est pas un et que les sujets ne sont pas des modèles professionnels. Bien entendu, s’agissant de photographies de propagande, les scènes sont voulues et construites pour la plupart par le photographe. Les contraintes qui pèsent sur le reporter sont principalement liées à la surveillance et au contrôle des officiers mentionnés ci-dessus. Pourtant, il existe bien évidemment des mises en scène, et certaines vues le prouvent. L’objectif de la SPA n’est cependant pas tant de mentir sur les faits de guerre que de filtrer les informations pour diffuser celles qui sont favorables au discours de guerre français. Ainsi, le contrôle des clichés s’opère-t-il également en post-production. Le comité de censure s’applique plus ici à protéger les intérêts de la France vis-à-vis de l’extérieur qu’à condamner le travail produit car, en définitive, tous les reportages sont commandités et, par conséquent, répondent à un besoin exprimé. Pour cette raison, moins de 10 % des clichés sont censurés. Tout ce qui revient à la Section sous forme de plaques de verre a été autorisé car exécuté par un photographe militaire. Toutefois, ce qui circule doit répondre aux exigences de la guerre et de la diplomatie.
32La conduite de la guerre dicte des besoins, et les reporters militaires agissent sur ordre et en conséquence. La technique photographique permet de réaliser des clichés de manière instantanée, et le flux des images s’insère dans celui de l’information. La SPA n’est pas essentiellement un service de production ou d’archives, puisqu’elle diffuse elle-même ses reportages. Là encore, le périmètre de travail de la Section est large et il s’appuie sur des relais. Les moyens techniques et humains sont répartis en différents endroits de la planète. Les supports de circulation semblent exhaustifs, voire créatifs et ils s’ajoutent aux images animées de la SCA.
Notes de bas de page
1 Note de l’état-major, 27 septembre 1916, SHD/GR 5N363.
2 « Rapport sur la création, le fonctionnement et les résultats de la Section photographique de l’armée », op. cit., p. 78.
3 « Rapport sur la création, le fonctionnement et les résultats de la Section photographique de l’armée », op. cit., p. 81.
4 Dossier 14-18, archives non répertoriées de l’ECPAD.
5 Section Photographique et Cinématographique de l’Armée, Résultats et Fonctionnement d’octobre 1917 à fin février 1918, op. cit., chapitre 1, p. 13.
6 Section Photographique et Cinématographique de l’Armée, Résultats et Fonctionnement d’octobre 1917 à fin février 1918 », op. cit., chapitre 2, p. 20.
7 Ancêtre de la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine.
8 Correspondance du sous-secrétariat aux Beaux-Arts, 5 janvier 1917, archives non répertoriées de l’ECPAD.
9 Sont principalement concernés les ministères des Affaires étrangères, de la Guerre, de l’Armement et des Munitions, Travaux publics, des Colonies, de la Marine, du Commerce, de l’Intérieur, les sous-secrétariats aux Beaux-Arts, de l’Aéronautique, du Service de santé mais aussi le GQG, le corps expéditionnaire d’Égypte, celui du Maroc.
10 « Rapport sur la création, le fonctionnement et les résultats de la Section photographique de l’armée », op. cit., p. 86.
11 « Rapport sur la création, le fonctionnement et les résultats de la Section photographique de l’armée », op. cit., p. 86.
12 Ibid., p. 87.
13 Quelques-unes de ces autochromes sont conservées par la médiathèque de l’architecture et du patrimoine. Il s’agit des autochromes du photographe Aubert.
14 Guillot Hélène, « La Grande Guerre des images : la SPCA à la tête d’une nouvelle machine de guerre », in 14-18, Le magazine de la Grande Guerre, SOTECA, 2006, p. 41.
15 « Rapport sur la création, le fonctionnement, les résultats de la Section photographique et cinématographique de l’armée », op. cit., p. 55.
16 Ibid., loc. cit.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
La Cimade et l’accueil des réfugiés
Identités, répertoires d’actions et politique de l’asile, 1939-1994
Dzovinar Kévonian, Geneviève Dreyfus-Armand, Marie-Claude Blanc-Chaléard et al. (dir.)
2013
Femmes en déportation
Les déportées de répression dans les camps nazis 1940-1945
Philippe Mezzasalma (dir.)
2019