Médiactivisme, médihacktivisme, media tactiques, médianarchisme
p. 275-276
Texte intégral
1Les années 1990 ont vu fleurir de nombreux mouvements qui se sont revendiqués d’un activisme numérique à vocation révolutionnaire et techno-utopique. Les visions dystopiques du capitalisme de plateforme, aujourd’hui dominantes dans les discours universitaires et politiques à propos d’Internet, semblent avoir relégué ces mouvements à un angle mort de nos perceptions actuelles. Des luttes n’ont pourtant jamais cessé de mobiliser (et d’hybrider) les engagements militants et les pratiques artistiques pour dénoncer et renverser le contrôle et la régulation des vecteurs de communication, aujourd’hui accaparés par la classe vectorialiste, afin de les revendiquer comme des biens communs à mettre au service des communs.
2Il est devenu urgent de se plonger dans le foisonnement d’aventures et de projets (passés et présents) qui – au nom du hacking, du hacktivisme, du médiactivisme, des media tactiques ou du médianarchisme – s’ingénient à exploiter les failles de logiciel dans les systèmes de sécurité pour paralyser ou détourner les services et les flux de médialité dont profitent le capitalisme de surveillance et ses alliés étatiques pour étendre et maintenir leur domination (voir Capitalisme de surveillance).
3La définition classique du mode opératoire de ces « exploits » a été donnée dans le livre éponyme d’Alexandre Galloway et Eugene Thacker. Il faut y réunir :
1° Un vecteur : l’exploit requiert un medium organique ou non organique dans lequel existe une forme d’action ou de mouvement. 2° Une faille : l’exploit requiert un ensemble de vulnérabilités dans le réseau, qui permettent au vecteur d’être logiquement accessible. Ces vulnérabilités sont également les conditions de réalisation du réseau. […] 3° Une transgression : l’exploit crée un déplacement dans l’ontologie du réseau, dans lequel « l’échec » du réseau constitue en fait une transformation de sa topologie (par exemple de réseau centralisé en réseau diffus). (Galloway & Thacker, 2008, p. 97)
Bibliographie
Références
Blondeau, O., Allard, L. (2007). Devenir média. L’activisme sur Internet entre défection et expérimentation. Amsterdam.
Cardon, D., Granjon, F. (2013). Médiactivistes. Presses de Sciences Po.
Coleman, G. (2016). Anonymous. Hacker, activiste, faussaire, mouchard, lanceur d’alerte. Lux.
Galloway, A., Thacker, E. (2007). The Exploit. A Theory of Networks. University of Minnesota Press.
Garcia, D., Lovink, G. (2002). « ABC des médias tactiques », Connexions. Arts, réseaux, medias. Beaux-Arts.
Karpf, D. (2017). Analytic Activism : Digital Listening and the New Political Strategy. Oxford University Press.
Auteur
Étudie et enseigne la littérature et les media à l’université Paris 8. Il co-dirige la revue Multitudes et a publié Médiarchie (2017), Pour une écologie de l’attention (2014), Zazirocratie (2011). Ses articles sont accessibles en ligne sur www.yvescitton.net.
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