Irréversibilité

Dir. de l’ouvrage

p. 264


Texte intégral

1Stéphane Vial, dans son passage en revue des différents aspects de l’« ontophanie du numérique », souligne l’importance de la réversibilité : « le phénomène numérique est annulable » (2013, p. 227). La fonction ctrl + Z permet en quelque sorte de remonter le temps, et de faire comme si ce qui avait été exécuté (par erreur) pouvait être effacé sans laisser de traces. Pour les générations immergées dans le monde des écrans avant même leurs premiers pas, cette « ontophanie de la réversibilité » peut conférer une impression de liberté et de maîtrise inédites : on parle souvent de ces enfants qui, après avoir fait ou dit une bêtise, signalent à leurs parents que celle-ci doit être effacée en leur disant « pomme Z ».

2Lors du colloque de Cerisy, Fabrice Flipo a pourtant rappelé à quel point les chemins de développement des technologies (numériques et autres) connaissent des points d’irréversibilité : une fois engagé dans une voie, il devient parfois très coûteux, voire impossible, de revenir en arrière. Le principe de précaution ne se réduit pas à une prudence abstraite et générale envers tout geste inconsidéré : il a très précisément pour fonction de nous faire anticiper des irréversibilités possibles à venir, et de nous faire essayer de prendre en compte par avance ce qui ne pourrait se décompter effectivement que lorsqu’il sera trop tard pour rebrousser chemin. Cet usage du principe de précaution semble être un angle mort des façons (en grande partie écocidaires) dont se déploient actuellement nos dispositifs numériques.

Bibliographie

Référence

Vial, S. (2013). L’être et l’écran. Comment le numérique change la perception. Presses universitaires de France.


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