Infrastructures (en feu)
p. 247
Texte intégral
1Dans les études de media, il est devenu commun de caractériser ces derniers comme ce qui permet de voir, mais qui ne se voit que rarement comme tel. On ne regarde jamais les écrans eux-mêmes, mais ce qui s’y représente. La même remarque est aujourd’hui faite à propos des infrastructures, qui pourraient bien être dans l’angle mort de nos analyses politiques : nous débattons à propos des choix qu’elles rendent possibles, mais nous ne discutons que rarement la façon dont elles préconditionnent les (im) possibilités.
2Parmi ces infrastructures, les plateformes numériques jouent aujourd’hui un rôle très particulier, dont une nouveauté constitue un autre angle mort de nos visions communes du numérique. Paul N. Edwards caractérise cette nouveauté en les décrivant comme des infrastructures en feu :
le Cloud est différent des usines par un trait essentiel : parce qu’elles sont essentiellement constituées de code, les plateformes peuvent être construites, implémentées et modifiées rapidement. Leur intensité en capital est basse par comparaison avec d’autres infrastructures comme des autoroutes, des réseaux d’approvisionnement électriques ou des câbles sous-marins. Cette flexibilité et cette faible intensité en capital leur confèrent la vitesse d’un feu de forêt, ainsi qu’une imprédictibilité et une éphéméralité qui résultent de ces mêmes caractéristiques : des systèmes concurrents peuvent supplanter même une plateforme qui connaît un grand succès, comme Facebook l’a fait avec MySpace. (2021, p. 321)
3Et, pour compléter, comme TikTok le fait actuellement avec Instagram. Les plateformes sont donc doublement difficiles à voir : d’abord, du fait de notre aveuglement général envers les infrastructures ; ensuite, du fait de l’éblouissement produit par des infrastructures en feu.
Bibliographie
Référence
Edwards, P.N. (2021). « Platforms Are Infrastructures on Fire », Your Computer Is On Fire, MIT Press.
Auteur
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