Fiction de responsabilité
p. 210
Texte intégral
1L’automatisation d’une tâche, outre qu’elle est rarement intégrale, est non seulement précédée en amont de tout un travail humain destiné à taguer des données et à entraîner les algorithmes ; elle est aussi fréquemment limitée en aval par un besoin juridique d’assigner une responsabilité humaine aux décisions prises par les systèmes computationnels. Ainsi, Côme Berbain a raconté lors du colloque de Cerisy que, jusqu’à récemment, alors que des photographies d’excès de vitesse prises par des radars et identifiées par des algorithmes de reconnaissance visuelle permettaient déjà de traiter les amendes routières d’une façon totalement automatisée, un humain devait signer à la main des milliers de PV – sans avoir le temps de les lire et encore moins d’en vérifier le contenu. L’intervention humaine se borne dans de tels cas à incarner une fiction de responsabilité que nos imaginaires juridiques ont encore besoin de situer dans la pure présence formelle d’un geste attribuable à une subjectivité humaine, même si les conditions d’exercice de cette dernière neutralisent toute réelle possibilité d’intervention raisonnée.
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