URL originale : https://books.openedition.org/pupo/36799

Espace/code (versus espace codé)
p. 153
Texte intégral
1Le numérique ubiquitaire a plusieurs façons très diverses de s’insinuer dans les divers espaces de nos vies sociales. Rob Kitchin et Martin Dodge en ont distingué au moins deux, et la prise en compte de cette distinction est souvent cruciale pour comprendre les implications de la numérisation.
2Ils appellent espace/code un milieu d’action au sein duquel le code conditionne l’existence et le fonctionnement de l’espace considéré, selon une relation dyadique qui les constitue l’un par l’autre. Cela signifie que l’espace/code ne peut pas être utilisé si le code n’est pas opérationnel. L’exemple qu’ils en fournissent est celui des comptoirs de check-in dans un aéroport : si les ordinateurs (et les imprimantes et les lecteurs de codes-barres qui en dépendent) ne fonctionnent pas, les employé·es du guichet ne peuvent rien faire, toute la procédure et tout l’aéroport s’en trouvent paralysés. Un autre exemple pourrait être celui des entrepôts d’Amazon, dans lesquels le rangement des marchandises sur les rayonnements n’a aucune logique appréhendable pour un esprit humain : les employé·es ne peuvent localiser les objets à empaqueter que dans la mesure où un dispositif numérique leur dicte aveuglément leur cheminement au sein des rayons.
3Par contraste, un espace codé est certes augmenté par des dispositifs numériques, mais sans que le dysfonctionnement de ceux-ci ne paralyse les tâches censées se dérouler au sein de cet espace. Un exemple peut être celui d’une conférence pour laquelle l’orateur ou l’oratrice utilise un diaporama pour projeter quelques citations ou images aidant à suivre son propos. Dans la plupart des cas, en cas de panne de projecteur ou d’ordinateur, la conférence peut se poursuivre, au prix de quelques ajustements mineurs.
4On comprend en quoi négliger la différence entre « espace/ code » et « espace codé » constitue un angle mort de beaucoup de débats sur l’opportunité qu’il peut y avoir à introduire des dispositifs numériques dans tel ou tel lieu institutionnel (tablettes dans les salles de classe, passe sanitaire dans les salles de spectacle). Ce qui peut constituer une augmentation bienvenue de nos capacités relationnelles dans le cas des espaces codés risque de devenir un facteur décisif d’effondrement dans les espaces/codes.
Bibliographie
Référence
Kitchin, R., Dodge, M. (2011). Code/Space. Software and Everyday Life. MIT Press.
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Angles morts du numérique ubiquitaire
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