Digitalisation et doigté
p. 133-134
Texte intégral
1Le doigt du digital reste souvent l’angle mort du nombre de la numérisation. On identifie généralement digitalisation et numérisation pour y voir la capture d’informations sélectivement extraites de la réalité sensible, informations qu’un traitement transforme en « données » constituées de séquences de digits discrets (c’est-à-dire discontinus) et binaires (0/1, on/off).
2Pour voir ce qui reste dissimulé dans cet angle mort, il serait bon de garder le terme de numérisation pour désigner cette extraction de données discrètes qui génère des quantités chiffrables (par accumulation de 0 et de 1) susceptibles d’être traitées par des opérations algorithmiques de calcul. On pourrait alors réserver le terme de digitalisation aux dispositifs qui permettent à l’utilisateur·rice d’intervenir dans le fonctionnement des machines par l’usage de son doigt – que ce soit pour cliquer, faire glisser (swipe) ou taper un texte sur un clavier.
3On pourrait alors distinguer les dispositifs numériques en deux grandes classes de digitalisation. Il y aurait d’un côté ceux qui ne sollicitent l’intervention de nos doigts que pour déclencher une réponse binaire (on/off) : en dessous d’un certain seuil de pression, le contact ne se fait pas et rien ne se passe ; au-delà de ce seuil, la réaction est déclenchée et ne peut se passer que conformément à ce qui a été programmé dans l’appareil. On est ici dans le règne du digital.
4Mais il y aurait aussi, d’un autre côté, des dispositifs numériques qui sont sensibles à la quantité de la pression exercée par le doigt, à sa direction, à sa rapidité ou à son accélération, et qui font réagir l’appareil de façon différente en fonction de tout ou partie de ces paramètres. On entre alors dans le domaine du doigté. L’un des grands défis du développement des appareils – aussi bien des appareillages techniques que des appareils institutionnels – est de donner davantage de place aux nuances et aux complexités du doigté, sans les écraser sous la plus grande facilité du digital.
Bibliographie
Référence
Citton, Y. (2022). « Ambivalences des réseaux : digitalités vectorialistes et doigtés pollinistes », Réseaux-Mondes. Centre Pompidou, HYX.
Auteur
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Yves Citton
Étudie et enseigne la littérature et les media à l’université Paris 8. Il co-dirige la revue Multitudes et a publié Médiarchie (2017), Pour une écologie de l’attention (2014), Zazirocratie (2011). Ses articles sont accessibles en ligne sur www.yvescitton.net.
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