Copy-far-left
p. 98-99
Texte intégral
1Dans les premiers temps d’Internet, de nombreuses voix progressistes se regroupaient autour de l’exigence de gratuité, rendue envisageable par le coût marginal très faible associé au partage de documents numériques. Au copyright s’est alors opposé le copyleft, qui laissait à chacun la pleine liberté de copier tout et n’importe quoi et qui en faisait une caractéristique de la gauche progressiste.
2Dans un second temps, un double angle mort a été dénoncé par certaines voix dans cette pleine liberté : d’une part, certaines entreprises privées en profitaient pour s’approprier du travail fourni gratuitement par la générosité des internautes ; d’autre part, rien ne venant rémunérer le travail des créateur·rices ou remixeur·ses de contenus (de la classe polliniste), leur survie économique ne pouvait être assurée en l’absence d’un revenu universel de base que peu d’État envisagent pour le moment de mettre en place. Une version corrigée du copyleft a donc été formulée par le Manifeste télécommuniste sous la forme d’un copy-far-left.
Le copy-far-left doit avoir un ensemble de règles s’appliquant à ceux qui travaillent dans le contexte d’une coopérative de travailleurs, et un autre ensemble de règles s’appliquant à ceux dont la production repose sur la propriété privée et le travail salarié. Une licence en copy-far-left devrait permettre aux producteurs de partager librement et gratuitement leurs biens, tout en bénéficiant de la valeur du produit de leur travail. En d’autres termes, il faut faire en sorte que les travailleurs gagnent une rémunération en dédiant leur travail personnel à la propriété mutuelle, tout en évitant que les détenteurs de propriété privée ne tirent profit du travail salarié. Ainsi, sous un régime de copy-far-left, une imprimerie de travailleurs organisés en coopérative pourrait reproduire, distribuer, modifier librement et gratuitement tout ce qu’ils voudraient imprimer, sans qu’une maison d’édition relevant du droit de propriété privée ne bénéficie du même régime de gratuité. (Kleiner, 2010, p. 42)
Bibliographie
Référence
Kleiner, D. (2010). The Telekommunist Manifesto. Network Notebook.
Auteur
Étudie et enseigne la littérature et les media à l’université Paris 8. Il co-dirige la revue Multitudes et a publié Médiarchie (2017), Pour une écologie de l’attention (2014), Zazirocratie (2011). Ses articles sont accessibles en ligne sur www.yvescitton.net.
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